Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2667/2024

JTAPI/1181/2024 du 03.12.2024 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/367/2025

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.30.al1; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2667/2024

JTAPI/1181/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 décembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, agissant en leur nom et celui de leur enfant mineur C______, représentés par le Syndicat UNIA, mandataire, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur B______, né le ______ 1983, est ressortissant du Kosovo.

Il a épousé à D______, au Kosovo, le 9 août 2019, Madame A______, née le ______ 1986, originaire également du Kosovo.

Est né à ______ le ______ 2022.

2.             Par décision du ______ 2014, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de soumettre le dossier de M. B______ avec un préavis favorable à l’autorité fédérale et a prononcé son renvoi de Suisse avec un délai de départ au 28 mai 2014, lequel a été prolongé au 10 juillet 2014.

3.             Lors d’un entretien avec l’OCPM du 3 juillet 2014, M. B______ a indiqué vouloir se marier avec Madame E______ et qu’ils allaient dès lors rapidement réunir les documents pour célébrer leur mariage.

4.             Le 29 avril 2015, l’OCPM a autorisé M. B______ à rester sur le territoire suisse le temps de la procédure préparatoire du mariage avec Mme E______.

5.             Le 11 décembre 2015, suite à une demande de l’OCPM, M. B______ a informé ce dernier que son mariage avec Mme E______ n’avait pas été célébré à cause de son état de santé.

6.             Par décision du ______ 2016, l’OCPM a refusé de délivrer à M. B______ une autorisation de séjour. Son mariage n’ayant pas été célébré, un délai de départ au 23 mai 2016 lui a été octroyé pour quitter la Suisse.

7.             M. B______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du 6 juillet 2016 pour infractions à l’art. 115 al. 1 let. a, b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

8.             Par jugement du 24 octobre 2016, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a rejeté le recours déposé par M. B______ à l’encontre de la décision de l’OCPM du ______ 2016 (JTAPI 1______).

9.             Un nouveau délai de départ au 5 mars 2017 a été fixé à M. B______ par l’OCPM le 5 janvier 2017.

10.         Le 31 janvier 2017, le conseil de M. B______ a confirmé à l’OCPM que ce dernier avait quitté la Suisse le 26 novembre 2016, conformément à ce qui figurait sur son passeport. Il rencontrait par ailleurs des difficultés à obtenir un visa de l’Ambassade suisse à F______ pour se rendre en Suisse.

11.         En date du 9 mai 2017, l’officier d’état civil de la commune de G______ a indiqué à l’OCPM que les fiancés remplissaient les conditions au mariage.

12.         Le 24 août 2017, Mme E______ a confirmé à l’état civil de la commune de G______ la procédure d’annulation de son mariage avec M. B______.

La commune de G______ en a informé l’OCPM le 4 septembre 2017.

13.         Par courrier du ______ 2017 adressé à M. B______, par l’intermédiaire de l’Ambassade suisse à F______, et reçu par M. B______ le 17 novembre 2017 à G______, l’OCPM lui a indiqué que sans nouvelle de sa part dans un délai de 30 jours, sa demande de mariage serait considérée comme n’étant plus d’actualité et son dossier serait classé.

14.         Par formulaire daté du 6 novembre 2018, M. B______ a déposé une demande d’autorisation de séjour dans le cadre de l’opération Papyrus, en indiquant qu’il séjournait en Suisse depuis 2006.

15.         L’OCPM a soumis, le 7 mai 2020, le dossier de M. B______ au SEM, lequel le lui a retourné le 10 juin 2021 pour nouvel examen approfondi, retenant que selon ses informations M. B______ ne pouvait se prévaloir d’un séjour ininterrompu de dix ans du fait notamment qu’il avait quitté la Suisse le 26 novembre 2016 et qu’il avait réceptionné sa décision du ______ 2017 à sa représentation diplomatique à F______ le 17 novembre 2017.

16.         Le 27 juillet 2022, M. B______ été auditionné par la police dans le cadre d’une enquête pour comportement frauduleux à l’égard des autorités, séjour illégal et prise d’emploi sans autorisation.

Condamné par ordonnance pénale du 28 juillet 2023, il a été acquitté par jugement du Tribunal de police du 9 janvier 2024.

17.         Par courrier du 11 mars 2024, M. B______ a confirmé être employé de BM Pro Sàrl en qualité de poseur de sol depuis le 3 février 2020. Il a également annoncé son mariage avec Mme B______ et la naissance de leur fils le 30 décembre 2022.

18.         A la demande de l’OCPM, M. B______ a confirmé, par courrier du 8 avril 2024 reçu par l’OCPM le 17 avril suivant, que sa femme et son enfant vivaient avec lui, sa femme étant arrivée en Suisse le 23 mars 2022.

Il a joint un formulaire de demande d’autorisation de séjour en faveur de sa femme et son fils, daté du même jour.

19.         Par courrier du 26 avril 2024, l’OCPM a informé M. B______ de son intention de refuser sa demande ainsi que celle de sa femme et de son enfant, et de prononcer un renvoi de Suisse à son encontre et celui de sa famille.

Un délai de trente jours lui était octroyé pour lui faire part de ses observations et objections éventuelles.

20.         M. B______ s’est déterminé le 30 mai 2024. Il avait temporairement quitté la Suisse le 26 novembre 2016 suite au rejet de son recours contre le refus d’autorisation de séjour. Il avant alors souhaité finaliser ses démarches en vue de son mariage avec Mme E______ initiées préalablement et qui nécessitaient certaines étapes auprès de l’Ambassade de Suisse à F______ – ce afin de pouvoir revenir légalement sur le territoire suisse. Il était revenu en Suisse du 15 au 18 mars 2017 dans le cadre d’une procédure pénale en cours. Durant cette absence temporaire, il avait gardé sa domiciliation chez Mme E______, ainsi que son compte bancaire et son affiliation au syndicat. Ce n’était qu’après sa rupture avec Mme E______ en automne 2017 qu’il était revenu illégalement en Suisse, soit en janvier 2018, pour y poursuivre sa vie, muni d’un visa délivré par la Norvège.

Son départ en novembre 2016 ne marquait ainsi pas une rupture dans son projet de vie mais son souhait de poursuivre sa vie en Suisse dans la légalité, lequel l’obligeait à effectuer des démarches depuis son pays d’origine. Durant cette période, il avait vécu sur ses économies et son centre de vie était resté en Suisse, plus précisément à Genève.

Une décision défavorable reviendrait à la pénaliser pour avoir respecté l’ordre de sortie du territoire et tenté de régulariser sa situation par le moyen du mariage qui lui était alors possible. S’il avait poursuivi son séjour en Suisse sans tenter de régulariser sa situation, la présente objection ne pourrait lui être faite.

Il a joint un certain nombre de pièces justificatives.

21.         Par décision du ______ 2024, l’OCPM a refusé d’accéder aux requêtes de M. B______ des 19 novembre 2018 et 17 avril 2024 et, par conséquent, de soumettre son dossier au SEM avec un préavis positif. Il a en outre prononcé son renvoi de Suisse, ainsi que celui de sa femme et de leur fils. Un délai au 17 septembre 2024 leur était imparti pour quitter la Suisse.

A teneur des pièces produites, il avait séjourné en Suisse depuis 2006 mais avait quitté la Suisse le 26 novembre 2016 pour le Kosovo et était resté dans ce pays jusqu’au mois de janvier 2018, à l’exception de quelques jours en mars 2017. Ses explications relatives au fait qu’il ne devait pas être tenu compte de son séjour au Kosovo entre novembre 2016 et janvier 2018 dans la mesure où son absence était temporaire et qu’il avait conservé son centre d’intérêt à Genève, ne pouvaient être retenues dans la mesure où son départ de Suisse était consécutif à la décision de renvoi du ______ 2016 et devait être considéré comme une rupture de son séjour en Suisse.

Il ne pouvait dès lors justifier d’une longue durée de séjour et aucun élément ne permettait de déroger à cette exigence.

Son intégration socioculturelle ne pouvait être qualifiée de particulièrement remarquable : elle correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Il n’avait pas non plus démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances affectant l’ensemble de la population restée sur place.

Il avait examiné la situation de sa famille sous l’angle du cas de rigueur. Dans la mesure où il ne bénéficiait pas d’une autorisation de séjour valable, les conditions relatives à un éventuel regroupement familial en faveur de son épouse et de son fils n’étaient pas remplies. Son épouse, arrivée en Suisse en mars 2022, ne remplissait pas les conditions relatives à une situation d’extrême gravité et leur fils, né à ______ le ______ 2022, n’était pas encore scolarisé, était en bonne santé et, dans ses conditions, un retour dans son pays d’origine n’aurait pas de graves conséquences pour lui, tout comme pour sa mère, étant donné leur court séjour en Suisse.

22.         Par acte du 15 août 2024, M. B______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son mandataire, a recouru auprès du tribunal contre la décision du ______ 2024, concluant à son annulation, à la constatation de l’existence d’un cas d’extrême gravité et au renvoi de la cause à l’OCPM pour délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, sous suite de frais et dépens. Il a joint un chargé de pièces.

Son départ précipité au Kosovo le 26 novembre 2016 en raison de la grave maladie de sa mère avait bien un caractère temporaire puisqu’il avait gardé sa domiciliation en Suisse chez Mme E______, avec qui il faisait ménage commun, ainsi que son compte postal et son adhésion au syndicat. La situation de sa mère, dont il avait assumé des frais médicaux et l'accompagnement à des rendez-vous médicaux, l’avait contraint à rester au Kosovo plusieurs mois.

Lors de sa demande de régularisation dans le cadre de l’opération Papyrus, il comptabilisait un séjour de dix ans, soit de fin 2006 à fin 2016.

Il n’était resté au Kosovo que parce qu’il pensait pouvoir finaliser son mariage avec Mme E______ ; son séjour dans ce pays ne marquait donc pas une rupture dans son projet de vie mais répondait à un souhait de poursuivre sa vie en Suisse dans la légalité. Durant son séjour au Kosovo, il avait vécu sur ses économies.

Il était très bien intégré en Suisse, n’avait jamais fait appel à l’aide sociale et parlait très bien le français ; il avait su tisser des liens et se créer un réseau social.

23.         Par courrier du 28 août 2024, le mandataire du recourant a notamment indiqué au tribunal que son mandant recourait tant pour lui-même que pour son épouse et leur fils.

24.         L’OCPM s’est déterminé sur le recours le 17 octobre 2024, proposant son rejet. Il a produit son dossier.

Le recourant avait fait l'objet d'un refus d'autorisation de séjour pour cas de rigueur en 2014, puis d'un refus d'autorisation de séjour en vue du mariage en mars 2016 ; il ne pouvait donc pas se prévaloir d'un séjour ininterrompu de dix ans, élément expressément relevé par le SEM lorsqu'il lui avait retourné le dossier le 10 juin 2021, excluant ainsi sa régularisation dans le cadre du programme Papyrus. Il ne ressortait pas non plus du dossier qu'un retour au Kosovo placerait le recourant dans une situation personnelle d'extrême gravité, étant rappelé qu'il y était retourné à plusieurs reprises, notamment entre 2016 et 2017 pour prendre soin de sa mère malade, puis qu'il s'y était marié le ______ 2019. Il ne faisait ainsi aucun doute qu'il avait conservé d'étroites attaches dans son pays d'origine. Bien qu'il eut travaillé pendant plusieurs années en Suisse, il ne pouvait non plus faire valoir une ascension professionnelle, ou l'acquisition de qualifications si spécifiques qu'il ne pourrait les mettre en pratique dans son pays d'origine.

Concernant son épouse, elle ne séjournait en Suisse que depuis mars 2022 et aucun motif ne justifiait l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il en allait de même pour leur enfant C______, qui aura deux ans en décembre.

25.         Par courrier du 14 novembre 2024, le recourant a transmis au tribunal une copie de sa carte de donneur de sang afin de prouver sa bonne intégration.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître. Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a). En effet, Il incombe à l'administré d'établir les faits qu'il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle.

6.             En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 4.2). Cette obligation a été qualifiée de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé et qu'il connaît donc mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2).

7.             Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

8.             Le recourant sollicite la délivrance d’une autorisation de séjour en sa faveur et celle de sa femme et de leur enfant.

9.             Le 1er janvier 2019, une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors LEI, est entrée en vigueur. Selon l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a).

10.         En l’occurrence, la requête qui se trouve à l'origine de la décision querellée a été déposée en novembre 2018. La loi dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 reste donc applicable au litige.

11.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

12.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n'a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

13.         L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

14.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a).

15.         L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La reconnaissance de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité implique que les conditions de vie et d'existence de l'étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C 754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A 718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6956/2014 du 17 juillet 2015 consid. 6.1 ; C_5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.3 ; C_6726/2013 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/181/2019 du 26 février 2019 consid. 13d ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

16.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6b ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

17.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e).

La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées). Le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet donc pas d'admettre un cas personnel d'extrême gravité sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles (cf. ATAF 2007/16 consid. 7 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1 et les références citées ; cf. ég., sous l'ancien droit, ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c ; ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269 et les références citées). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7f ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur, car, comme indiqué plus haut, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/608/2021 du 8 juin 2021 consid. 7d). Néanmoins, si le séjour illégal d'un étranger a toujours été implicitement toléré par les autorités chargées de l'exécution du renvoi (communes ou cantons), cet aspect doit être favorablement pris en compte (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7f ; ATA/425/2017 du 11 avril 2017 consid. 6a). On ne saurait par ailleurs inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l'intéressé est seulement tolérée en Suisse ; en particulier, après la révocation de l'autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n'emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_926/2010 du 21 juillet 2011 ; cf. aussi ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7f ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit).

18.         L'intégration professionnelle de l'intéressé doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités).

19.         Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu'une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Aussi, les relations d'amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l'étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

20.         Lorsqu'il y a lieu d'examiner la situation d'une famille sous l'angle de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, la situation de chacun de ses membres ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global. Le sort de la famille formera en général un tout. Il serait en effet difficile d'admettre le cas d'extrême gravité, par exemple, uniquement pour les parents ou pour les enfants. Ainsi, le problème des enfants est un aspect, certes important, de l'examen de la situation de la famille, mais ce n'est pas le seul critère. Il y a donc lieu de porter une appréciation d'ensemble, tenant compte de tous les membres de la famille.

Quand un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse ou lorsqu'il y a juste commencé sa scolarité, il reste encore dans une large mesure rattaché à son pays d'origine par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socio-culturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour au pays d'origine constitue un déracinement complet (ATAF 2007/16 du 1er juin 2007 et les références citées ; cf. aussi arrêt du Tribunal administratif fédéral C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée ; ATA/91/2022 du 1er février 2022 consid. 2d). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et, au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle commencées en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats.

Sous l'angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 de la CDE (cf. ATF 135 I 153 consid. 2.2.2 ; arrêts 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 ; cf. aussi ATA/91/2022 du 1er février 2022 consid. 2d ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1).

21.         L’opération Papyrus a consisté en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises, « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 accessible sur Internet à l’adresse suivante : https://demain.ge.ch/actualite/opera tion-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017). Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a).

Les critères délibérément standardisés à respecter pour pouvoir en bénéficier étaient d’avoir un emploi, d’être indépendant financièrement, de ne pas avoir de dettes, d’avoir séjourné à Genève de manière continue, sans papiers, pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires (le séjour devait être documenté), de faire preuve d’une intégration réussie (minimum niveau A2 de français) et de ne pas avoir fait l’objet de condamnations pénales (autres que pour séjour illégal).

22.         La durée prise en considération doit correspondre à un séjour continu. Si une ou deux courtes interruptions annuelles, correspondant par exemple à la durée usuelle de quatre semaines de vacances, sont admissibles, la continuité du séjour en Suisse n'est par contre pas compatible avec des absences répétées ou des allers-retours avec le pays d'origine, notamment lorsqu'aucun emploi ne peut être trouvé en Suisse, ou encore avec des séjours répétés dans d'autres pays pour des motifs familiaux ou professionnels. Dans ces cas, en effet, même lorsque la personne vit la majeure partie du temps en Suisse, cela dénote un mode de vie fondé sur des déplacements selon les opportunités et, quand bien même elle parvient à établir un réseau social en Suisse, on ne peut considérer qu'elle y a vraiment installé son centre de vie et que son départ au bout de plusieurs années constituerait pour elle un véritable déracinement (JTAPI/984/2021 du 27 septembre 2021 consid. 18, confirmé par ATA/191/2022 du 22 février 2022).

23.         Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (cf. ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

24.         Dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (ancien art. 96 al. 1 LEtr). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties.

25.         En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, y compris sous l'angle particulier de l'opération Papyrus, étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n'est à cet égard pas suffisant, sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

Le recourant ayant déposé sa demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur fin 2018, c'est à juste titre que l'autorité intimée l’a examinée sous l'angle des critères de l'opération Papyrus. Toutefois, pour bénéficier de ce programme, l’intéressé devait notamment pouvoir démontrer, au jour du dépôt de sa requête, un séjour continu d’une durée de dix ans. Or, cette condition fait ici défaut. En effet, s’il pourrait être retenu que le recourant était présent en Suisse entre 2006 et 2016, force est de constater qu’il a quitté la Suisse le 26 novembre 2016 pour retourner au Kosovo dans le but de revenir en Suisse de manière légale afin de pouvoir épouser sa fiancée mais également, selon ses allégations contenues dans son recours, d’aider sa mère malade. Bien qu’il indique avoir conservé son domicile chez sa fiancée, ne pas avoir clos son compte bancaire et avoir maintenu son affiliation au syndicat, il n’en demeure par moins qu’il est resté au Kosovo jusqu’en janvier 2018, soit pendant plus d’une année auprès de sa famille et n’a finalisé aucune démarche en vue de revenir en Suisse de manière légale – son projet de mariage s’étant de plus interrompu en août 2017 déjà comme l’a indiqué sa fiancée à l’OCPM dans son courrier du 27 août 2017. Son séjour en Suisse a dès lors été effectivement interrompu pendant plus d’une années et, au jour du dépôt de sa demande, il ne pouvait se prévaloir d’un séjour interrompu de dix ans en Suisse.

Pour ce motif, il ne peut donc pas obtenir une autorisation de séjour sur la base des critères cumulatifs - stricts et sans dérogation possible - retenus dans le cadre de l’opération Papyrus.

Sous l’angle du cas de rigueur, comme vu ci-avant, la continuité de son séjour en Suisse durant toute la période considérée n’a pas été démontrée. Or, conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, la notion d'intégration rattachée à la durée du séjour implique que la personne concernée implante véritablement son centre de vie en Suisse et qu'elle ne quitte plus ce pays, hormis pour de courts voyages à l'extérieur, ce qui n’est pas le cas vue son séjour de plus d’une année au Kosovo auprès de sa famille. Il doit également être relevé que le recourant n'a jamais bénéficié d'un quelconque titre de séjour et que, depuis le dépôt de sa demande de régularisation fin 2018, son séjour se poursuit au bénéfice d'une simple tolérance. Il ne peut dès lors tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui doit en l'occurrence être fortement relativisée, pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d’admission. Il doit en outre être relevé qu’arrivé en Suisse à l’âge de 23 ans si l’on retient son arrivée en Suisse pour la première fois en 2006, le recourant a vécu une grande partie de son existence dans son pays d'origine, notamment son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte, et y a vécu encore quatorze mois entre le 26 novembre 2016 et janvier 2018.

Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'évoquer en détail la question de l'intégration socio-professionnelle du recourant. Le tribunal se contentera d'insister sur le fait qu'au sens de la jurisprudence rappelée plus haut, seule une intégration exceptionnelle, et non pas le simple fait d'avoir déployé une activité lucrative sans dépendre de l'aide sociale ni accumuler de dettes, peut permettre dans certains cas d'admettre un cas individuel d'extrême gravité malgré que la personne concernée ne séjourne pas en Suisse de manière continue depuis une longue durée. Dans le cas du recourant, quand bien même son intégration peut être qualifiée de bonne et réussie sous l'angle socio-professionnel, elle demeure néanmoins ordinaire et ne correspond pas au caractère exceptionnel rappelé plus haut.

Pour le surplus, bien que l'on puisse imaginer que la réintégration du recourant dans son pays d'origine ne sera pas simple, cette circonstance n'apparaît pas, à teneur du recours, liée à des circonstances personnelles, mais bien davantage aux conditions socio-économiques prévalant au Kosovo. Le recourant a de plus des attaches au Kosovo, où il a vécu entre novembre 2016 et janvier 2018 et où vivent encore vraisemblablement son père et sa sœur, voire d’autres membres de sa famille. Il y est de plus retourné depuis son retour en 2018, selon les pièces au dossier. Il s’agit également du pays d’origine de son épouse. Il pourra ainsi compter sur le soutien de sa famille et celle de son épouse, à tout le moins dans un premier temps. Partant, il n'apparaît pas que la réintégration du recourant, encore jeune et en bonne santé, dans son pays d'origine soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement. S’il se heurtera sans doute à quelques difficultés de réadaptation, il ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour lui que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que le recourant n’a pas établi. Enfin, il faut rappeler que celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées). Ainsi, au vu de son statut précaire en Suisse, le recourant ne pouvait à aucun moment ignorer qu'il risquait d'être renvoyé dans son pays d'origine.

Le raisonnement qui précède vaut à fortiori pour l’épouse du recourant, qui est arrivée à Genève en 2022 et ne semble pas exercer d’activité professionnelle.

La famille formant un tout, il convient encore d’examiner si l’enfant du couple serait dans un cas d’extrême gravité. Compte tenu de son bas âge, soit à peine deux ans, il reste encore rattaché dans une large mesure, par le biais de ses parents - notamment sa mère, en Suisse que depuis peu -, à son pays d’origine. Pas encore scolarisé, son intégration en Suisse n’est pas profonde au point qu’une réintégration au Kosovo paraisse compromise.

Il découle de ce qui précède que l’OCPM n’a pas violé la loi, ni abusé de son pouvoir d’appréciation en rejetant la demande d’autorisation de séjour du recourant, de sa femme et de leur fils. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

26.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ;
C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a ; ATA/991/2020 du 6 octobre 2020 consid. 6b).

27.         En l’occurrence, dès lors qu’il a refusé de délivrer une autorisation de séjour aux recourants, l’OCPM devait en soi ordonner leur renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI. Il n'apparaît en outre pas que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, serait illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

28.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

29.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

30.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 août 2024 par Madame A______ et Monsieur B______, agissant en leur nom et celui de leur enfant mineur C______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du ______ 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière