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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/64/2023

JTAPI/244/2024 du 18.03.2024 ( LDTR ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/64/2023 LDTR

JTAPI/244/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 mars 2024

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Raphaël ROUX, avocat, avec élection de domicile

contre

B______ SA, C______ SA, D______ SA et E______ SA, représentées par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC


EN FAIT

1.             B______ SA, C______ SA, D______ SA et E______ SA sont propriétaires des parcelles nos 1______ (______[GE]), 2______ (______[GE]), 3______ et 4______ (______[GE]) de la commune de ______[GE], section F______, sur lesquelles est érigé un ensemble de bâtiments, composé d’un groupe d’immeubles d’habitations en forme de L, le long de la ______[GE] et de la ______[GE], et d’un bâtiment isolé à l’angle de la ______[GE] et de la ______[GE].

Ces quatre parcelles, qui totalisent une surface de 4’903 m2, se trouvent en zone de construction 3 et sont comprises dans le secteur 2.3 du plan d’utilisation du sol (ci-après : PUS) de G______ (ci-après : la ville).

2.             En 2018, les bâtiments sis ______[GE] ont fait l’objet d’un incendie important et ont nécessité d’importants travaux de rénovation.

3.             Le 6 mars 2018, les sociétés propriétaires ont déposé, par l’intermédiaire de leur mandataire professionnellement qualifié, une demande d’autorisation de démolir (enregistrée sous la référence M 5______) et deux de construire (enregistrées sous les références DD 6______ et DD 7______) auprès du département du territoire (ci-après : le département).

Les demandes M 5______ et DD 6______ prévoyait respectivement la démolition des immeubles sis ______[GE] et ______[GE] et la reconstruction d’un groupe d’immeubles comprenant cent trente-six logements.

La demande d’autorisation de construire DD 7______ prévoyait la rénovation complète des immeubles sis ______[GE] et leur surélévation de deux étages plus un attique ; le nombre de logement passerait ainsi de quatre-vingt-quatre à cent trente-six.

4.             Dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de démolir M 5______, le département a obtenu les préavis favorables de l’ensemble des instances de préavis consultées.

En particulier, le 3 août 2020, en application de l’art. 6 let. c de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), le service LDTR s’est prononcé en faveur du projet de démolition/reconstruction sous conditions notamment que les immeubles démolis soient compensés dans les immeubles bâtis sur le même site (condition n° 2). L’ouverture du chantier était subordonnée au relogement des locataires touchés par l’autorisation (condition n° 5).

5.             Lors de l’instruction de la demande d’autorisation de construire DD 6______, le département a également obtenu les préavis favorables de l’ensemble des instances de préavis consultées. En particulier :

-          le 10 avril 2018, la commission d’architecture (ci-après : CA) a relevé que le projet s’inscrivait comme un U sur les ______[GE], du ______[GE] et ______[GE], pour créer un îlot avec une cour intérieure spacieuse, ceci grâce à sa mitoyenneté aux angles avec les bâtiments existants sur la ______[GE]. Au vu du contexte urbanistique, offrant des dégagements appréciables, et du programme de l’ensemble de l’îlot (deux cents cinquante-sept nouveaux logements), elle était favorable au projet. Elle demandait toutefois que les vides d’étages soient portés à 2,60 m. Elle précisait également que la demande de dérogation selon l’art. 11 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) était en suspens, mais qu’elle pourrait l’admettre afin d’éviter d’infimes cassures de corniche dues à la légère pente des rues. Le 2 octobre 2018, la CA s’est déclarée favorable à l’octroi de la dérogation prévue par l’art. 11 al. 4 LCI « au vu de l’argumentaire ». Le 11 décembre 2018, elle s’est en outre déclarée favorable à l’octroi de la dérogation prévue par l’art. 49 LCI. Le 26 février 2019, elle a émis un préavis favorable avec dérogations et sous conditions ;

-          le 7 février 2019, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a émis un préavis favorable avec dérogations (art. 11 al. 4 et 49 al. 5 LCI) et sous conditions ;

-          le 20 mars 2019, la ville a préavisé favorablement le projet, sous conditions. La réalisation du projet requérait le cumul de diverses dérogations, mais vu que la création de cinquante-deux logements supplémentaires proches du centre-ville était une opportunité dans la situation récurrente de crise du logement, elle acceptait d’entrer en matière sous condition, notamment, de l’octroi par son Conseil administratif d’une dérogation à l’art. 13 du règlement relatif aux plans d’utilisation du sol de la Ville de Genève du 20 février 2007 (RPUS - LC 21 211) ;

-          le 3 août 2020, le service LDTR a émis un préavis favorable, sous conditions. En particulier, le loyer des cent logements (trois cent trente-huit pièces) ne devait pas excéder après travaux CHF 1’422’096,82 l’an, pendant une durée de dix ans (condition n° 3) et les appartements créés dans la partie surélevée des immeubles sis ______[GE] devaient servir pour le relogement des locataires des immeubles démolis en attendant la reconstruction de leurs futurs appartements définitifs, le loyer de ces logements devant rester dans les limites des loyers appliqués actuellement dans les immeubles visés par l’autorisation M 5______ (condition n° 4). Ce préavis se référait notamment à l’état locatif actuel et futur enregistré le 6 février 2020.

6.             Dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de construire DD 7______, à l’exception de la ville, toutes les instances consultées se sont également déclarées favorables au projet. En particulier :

-          le 10 avril 2018, la CA a notamment relevé que les immeubles faisaient front à une pénétrante urbaine large, la ______[GE], et qu’ils finiraient par structurer un îlot avec une cour intérieure spacieuse, grâce aux projets en cours d’instruction qui étaient projetés sur les ______[GE] et ______[GE], avec lesquels ils seraient mitoyens aux angles. Au vu du contexte urbanistique, offrant des dégagements appréciables, et du programme de l’ensemble de l’îlot, elle était favorable à une surélévation de deux niveaux et un attique. Elle demandait toutefois que les vides d’étages soient portés à 2,60 m et que le langage architectural des façades soit revu, en reconsidérant la modénature jugée trop homogène. Le 2 octobre 2018, validant l’augmentation de la part vitrée des bow-windows, elle s’est déclarée favorable à la dérogation selon l’art. 11 al. 4 LCI. Le 12 février 2019, elle s’est en outre déclarée favorable à la dérogation selon l’art. 49 al. 5 LCI « au vu des explications fournies ». Le 19 janvier 2021, elle s’est déclarée favorable à l’application de l’art. 49 al. 5 LCI pour un vide d’étage à 2,52 m dès lors que cela permettait d’optimiser l’habitabilité. Elle s’est également déclarée favorable à l’application de l’art. 11 LCI afin de permettre un léger dépassement de l’acrotère en attique, de manière à ne pas péjorer la spatialité dans les chambres. Le 2 février 2021, en complément à son précédent préavis, elle a réitéré son accord avec l’application des art. 49 al. 5 LCI pour un vide d’étage à 2,52 m et 11 LCI, précisant en particulier que le vide d’étage à 2,52 m permettait de respecter le gabarit de la façade, tout en offrant une habitabilité acceptable aux logements créés ;

-          le 24 octobre 2019, en application de l’art. 9 LDTR, le service LDTR a préavisé favorablement le projet, sous conditions. En particulier, le loyer des trente-sept appartements (cent vingt-six pièces) résultant de la surélévation ne devait pas excéder après travaux CHF 858’060.- au total l’an, soit CHF 6’810.- la pièce par an selon l’état locatif mentionné note 2, pour une durée de cinq ans (condition n° 2), le loyer des quatre-vingt-quatre appartements (deux cents septante pièces) du 1er au 6ème étages, résultant des travaux de rénovation ne devait pas excéder après travaux CHF 1’423’378.- au total l’an selon l’état locatif mentionné annexe 1 à 4 pendant une durée de cinq ans (condition n° 3), les travaux de surélévation ne devaient avoir aucune incidence sur les loyers des logements existants (condition n° 4) et les travaux de rénovation impliquant le départ temporaire des locataires des logements existants, l’ouverture du chantier était subordonnée à leur relogement (condition n° 5) ;

-          le 22 décembre 2020, la DAC a émis un préavis favorable avec dérogations (art. 11 al. 4 et 49 LCI) et sous conditions ;

-          le 27 janvier 2021, la ville a requis la modification du projet, notamment en ce qui concernait les vides d’étages qui restaient, selon elle, insuffisants, considérant que la hauteur sous plafond de 2,52 m de la partie surélevée ne saurait être justifiée par la création de logements supplémentaires.

7.             Par décisions du ______ 2021, en application notamment des art. 11 al. 4 et 49 al. 5 LCI, le département a délivré les autorisations de démolir et de construire sollicitées le 6 mars 2018, lesquelles ont été publiées dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du même jour.

8.             Par acte du 11 mai 2021, l’A______ (ci-après : A______ ou la recourante) a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de ces décisions, concluant à leur annulation, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle demandait à pouvoir être autorisée à compléter son recours et à ce qu’un transport sur place, après la pose de gabarits, et la réalisation d’une étude sur la statique des bâtiments devant être surélevés soient ordonnés.

Elle a fait valoir, notamment, une violation de l’art. 43 LDTR. Les habitants, membres de l’A______, n’avaient jamais reçu de lettre d’information sur les travaux. Ils avaient en conséquence été particulièrement surpris de découvrir, lors de la consultation du dossier du département, des courriers adressés à leur nom, mais qui ne leur étaient jamais parvenus, si tant était qu’ils aient été expédiés. Lesdits courriers portaient par ailleurs la date du 15 avril 2019, alors que les requêtes d’autorisation avaient été déposées le 6 mars 2018.

9.             Par jugement du ______ 2022 (JTAPI/8______), le tribunal a retenu que l’A______ devait se voir reconnaître la qualité pour recourir, a annulé les autorisations de démolir et de construire délivrées et a renvoyé les dossiers au département.

Faute de pouvoir démontrer que la procédure d’information et de consultation préalable des locataires avait bien été respectée, le grief tiré de la violation de l’art. 43 al. 1 LDTR devait être admis. Il s’agissait d’une violation devant être qualifiée de grave. Les dossiers étaient renvoyés au département afin qu’il exige des sociétés propriétaires qu’elles procèdent à l’envoi d’une lettre d’information répondant aux exigences de la LDTR et du règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 29 avril 1996 (RDTR - L 5 20.01) à tous les locataires des immeubles concernés avant de statuer à nouveau.

10.         Le 23 juin 2022, les sociétés propriétaires ont adressé des lettres d’information, par plis recommandés, à l’ensemble des locataires des immeubles en cause.

11.         Les copies de ces documents ont été soumises au service LDTR, lequel a préavisé favorablement sous conditions en date du 18 octobre 2022. Il a repris les conditions figurant dans ces précédents préavis, plus particulièrement pour ce qui concernait la compensation des logements démolis et le contrôle des loyers.

12.         Par trois décisions globales du ______ 2022, publiées dans la FAO du même jour, le département a délivré de nouvelles autorisations de démolir (M 5______) et de construire (DD 6______ et DD 7______) dans les procédures en cause.

Ces décisions stipulaient, en leurs points 4 respectivement 6, que les conditions figurant notamment dans les préavis du service LDTR du 18 octobre 2022 devaient être respectées et faisaient partie intégrante des autorisations.

13.         Par acte du 9 janvier 2023, l’A______ a interjeté recours auprès du tribunal contre ces décisions, concluant à leur annulation, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle a demandé l’ouverture d’enquêtes.

L’A______, créée le ______ 2018 et dont l’un des buts statutaires était la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, comptait soixante-deux membres. Ceux-ci étaient tous domiciliés dans les immeubles en cause et chacun d’entre eux disposait ainsi de la qualité pour recourir individuellement. Lors de son assemblée générale du 21 décembre 2022, les membres présents avaient décidé de former recours contre les autorisations du ______ 2022. Sa qualité pour recourir, qui avait déjà été l’objet d’un examen approfondi dans le JTAPI/8______, devait donc être reconnue.

Les états locatifs figurant au dossier, anciens, ne permettaient ni de procéder au contrôle financier des loyers, ni de vérifier que les obligations d’information et de consultation avaient été respectées. L’état locatif représentait certes une sorte de photographie de la situation à un instant donné et la durée usuelle d’une procédure d’autorisation rendait inévitable une certaine différence entre la situation de fait au moment de la demande et au moment de l’autorisation. L’état locatif était cependant sensiblement différent en l’espèce, plusieurs années s’étant écoulées entre le dépôt des demandes et la délivrance des autorisations : pour certains numéros d’allées, la majorité des locataires semblait ainsi avoir changé. Les loyers pris en considération dans les états locatifs intégrés à l’autorisation n’avaient pas été réactualisés en fonction de l’évolution du taux hypothécaire, lequel avait sensiblement baissé entre janvier 2020 et novembre 2022. Le service LDTR s’était donc basé sur un état de fait qui n’était plus actuel depuis des années, ce qu’il ne pouvait ignorer. L’instruction avait dès lors été lacunaire et l’état de fait était inexact, ce qui violait le principe de la maxime inquisitoire. En ordonnant aux requérantes de respecter des conditions impossibles, car plus actuelles, et sans vérifier les plans financiers avec la situation actuelle, le département avait outrepassé son pouvoir d’appréciation. En outre, les autorisations litigieuses devaient être annulées du fait que l’information remise aux locataires était grossièrement lacunaire : il existait de multiples incohérences entre celle-ci et les états locatifs produits, notamment quant au nombre de pièces retenues pour des logements et des loyers futurs.

Par ailleurs, il y avait eu un abus du pouvoir d’appréciation dans l’établissement du plan financier. La réhabilitation de l’immeuble sis ______[GE] faisait notamment suite à un incendie survenu en mars 2018, dont la remise en état faisait partie de l’entretien à la charge du bailleur. Les requérantes se prévalaient de la vétusté de l’ensemble des immeubles pour justifier tant leur réhabilitation que leur démolition. Or, cette vétusté résultait d’un défaut d’entretien des immeubles datant des décennies 1950-60. Il était dès lors choquant de retenir des pourcentages en lien avec la plus-value systématiquement pris entre 70% et 100%. En l’état, la part à plus-value du coût total des travaux ne dépassait en principe pas 50%.

L’art. 13 RPUS, qui s’appliquait puisque la surface des parcelles en cause excédait 1’000 m2, n’était pas respecté, comme constaté par le préavis de la ville du 20 mars 2019 : le projet couvrait en effet une surface de 4’031 m2 pour une surface d’espaces verts et de détentes de 1’375 m2, dont 365 m2 en pleine terre. Malgré l’absence d’un accord du Conseil administratif et du moindre document contenant une motivation - vu le caractère exceptionnel de la dérogation, un devoir de motivation particulier devait même être imposé -, le département avait dérogé à l’art. 13 RPUS dans le cadre de l’autorisation DD 6______ quand bien même l’art. 14 al. 1 RPUS exigeait que de telles dérogations soient exceptionnelles et qu’aucun élément justifiant une telle décision ne semblait exister. En rendant une décision non motivée et en abusant de son pouvoir d’appréciation, le département avait violé les art. 13 et 14 RPUS.

Le 11 mars 2018, un important incendie s’était déclenché dans l’immeuble sis ______[GE], lequel avait été longuement « arrosé » par les pompiers. Un locataire, pompier professionnel présent lors de l’intervention des secours, avait constaté que les murs s’étaient comportés comme des éponges jusque dans les étages inférieurs, « pompant les liquides utilisés pour maîtriser l’incendie ». Des effondrements de constructions en béton avaient par ailleurs eu lieu ces dernières décennies, en lien avec la problématique de la durée de vie de ces matériaux utilisés massivement dans l’après-guerre. Le dossier ne contenait toutefois aucune étude quant à la statique du bâtiment démontrant sa capacité à recevoir deux étages, plus attiques, supplémentaires. Cette pratique départementale de ne pas exiger d’études de statique de bâtiment était dépassée. On peinait à comprendre quel inconvénient majeur serait imposé aux requérantes de fournir une étude de statique de bâtiment au moment du dépôt de l’autorisation de construire. En omettant d’exiger des requérantes de fournir une telle étude, le département avait commis un abus négatif de son pouvoir d’appréciation en lien avec l’art. 14 LCI.

Diverses pièces ont été produites à l’appui de ces allégations.

14.         Dans ses observations du 27 mars 2023 accompagnées de ses dossiers et déposées dans le délai prolongé par le tribunal, le département a conclu au rejet du recours, sous suite de frais, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité.

Le service LDTR avait dûment tenu compte, dans le cadre de l’instruction des différentes demandes, des dispositions légales topiques et de la jurisprudence. Les pièces aux dossiers montraient qu’il avait rendu les préavis, repris dans les décisions litigieuses, de manière consciencieuse et après avoir exigé des modifications ou des compléments d’information. Il ressortait d’ailleurs de ces documents que l’analyse effectuée avait porté sur les loyers avant travaux et les répercussions qui pouvaient leur être imposées, en fonction notamment des travaux proposés et des besoins prépondérants de la population (ci-après : BPP). Si les états locatifs et les plans financiers fournis n’étaient certes pas des plus récents, le département n’avait à aucun moment été informé que des modifications auraient dû être prises en compte, que ce soit au niveau d’une éventuelle baisse des loyers proposés avant travaux ou des coûts à investir. À ce sujet, même si la recourante prétendait que le nom des locataires figurant sur les états locatifs ne correspondrait pas tous à ceux ayant reçu les lettres d’information du 22 juin 2022, elle ne démontrait pas que les éléments déterminants susmentionnés, entre le moment où ils avaient été soumis et celui où la nouvelle décision avait été rendue, auraient subi des modifications. De plus, le service LDTR ne s’attachait pas à regarder qui étaient les locataires concernés, l’important étant de connaître les loyers pour chacun des appartements en cause. Ainsi, si le coût des travaux et des loyers n’avaient pas évolué à la baisse, pour chacun des appartements concernés, le fait qu’entre-temps de nouveaux locataires étaient arrivés ne saurait avoir une incidence dans le contrôle que le service LDTR était amené à effectuer. Il fallait aussi préciser que c’était le service LDTR, sur la base des plans disponibles à la procédure, qui déterminait le nombre de pièces à retenir pour chacun des logements concernés, de sorte qu’une incohérence dans les lettres adressées aux locataires ne pouvait porter à confusion, au vu du contrôle effectué.

La recourante reprochait au service LDTR d’avoir retenu le maximum du taux prévu par l’art. 11 al. 1 let. a LDTR pour le coût des travaux à entreprendre, y compris pour les immeubles destinés à être démolis et reconstruits. Les raisons pour lesquelles une opération de démolition et de reconstruction avait été préférée pour les immeubles sis ______[GE] et ______[GE] ressortaient d’une étude technique très détaillée : des faiblesses structurelles avaient été mises en évidence et les installations techniques étaient trop vétustes et non adaptées à une rénovation, sauf à un coût probablement encore plus élevé que celui proposé.

La recourante occultait le fait que les parcelles nos 1______ et 2______ étaient déjà entièrement construites, élément qui devait être pris en compte dans le cadre de l’opération de démolition/reconstruction en vertu de l’art. 6 al. 2 LDTR. Partant, il ne pouvait être exigé que le futur pourcentage du taux de détente ou d’espace vert soit plus élevé que celui actuel, surtout lorsque de nouvelles surfaces d’habitation étaient proposées à l’habitation. Par ailleurs, la jurisprudence avait eu l’occasion de préciser que la position du Conseil administratif n’était pas forcément déterminante. Enfin, la ville s’était déclarée favorable à la mise en œuvre de l’art. 14 RPUS, raison pour laquelle il proposait, pour un motif d’économie de procédure, d’aller recueillir l’accord du Conseil administratif.

Enfin, la vérification relative à la stabilité et à la solidité des constructions n’avait pas à être opérée par le département, cette problématique relevant exclusivement de la responsabilité des MPQ ainsi que des propriétaires. Au surplus, il était étonnant que la recourante s’oppose à la réalisation des travaux tout en prétendant que les conséquences de l’incendie feraient courir certains risques aux locataires concernés, alors que les travaux litigieux visaient justement à pallier un tel risque.

15.         Dans leurs observations du 27 mars 2023, déposées dans le délai prolongé par le tribunal, sous la plume de leur conseil, les sociétés propriétaires (ci-après : les intimées) ont conclu, principalement, à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement, à son rejet, sous suite de frais et dépens.

L’A______ ne pouvait bénéficier, vu ses buts statutaires, de l’application de l’art. 145 al. 3 LCI. Elle ne disposait pas non plus de la qualité pour recourir au sens de l’art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), dans la mesure où elle n’avait pas démontré qu’elle disposait de la personnalité morale, qu’une majorité de ses membres étaient atteints par les décisions querellées et que ceux-ci disposaient personnellement de la qualité pour recourir.

La demande d’ouverture d’enquêtes devait être rejetée. À ce propos, la recourante mentionnait uniquement la prétendue nécessité d’entendre un locataire qui serait un pompier professionnel et qui aurait été présent lors de l’incendie et l’intervention des secours, mais sans indiquer ni son nom ni son adresse ni leurs relations. Elle ne démontrait pas non plus en quoi son audition serait nécessaire pour établir des faits pertinents pour la présente cause.

Les états locatifs versés au dossier n’étaient pas anciens et ils avaient permis au département de procéder au contrôle financier des loyers de manière conforme à la loi. Dans le cadre de l’examen de l’état locatif des logements avant travaux par le département, celui-ci devait connaître le loyer et le nombre de pièces avant travaux de chaque appartement isolément pour déterminer s’il répondait aux BPP avant travaux, raison pour laquelle il devait recevoir l’état locatif complet, clair et établi pour la période précédant immédiatement les travaux. Or, tel avait été le cas en l’espèce. La question des loyers avait de plus fait l’objet d’un examen complet par le service LDTR et les éléments permettant de connaître le niveau des loyers après travaux figuraient dans les dossiers d’autorisation. Au demeurant, il était normal et usuel que l’état locatif change pendant la procédure d’autorisation de construire, les locataires conservant la possibilité de résilier leur bail et le bailleur d’accepter de nouveaux locataires. Le grief selon lequel les loyers pris en compte n’avaient pas été réactualisés en fonction de l’évolution du taux hypothécaire à la baisse concernait une question de droit privé non pertinente au regard de la LDTR et qui ne relevait donc pas de la compétence du tribunal. Les locataires des immeubles concernés avaient été dûment informés par courriers du 23 juin 2022, de manière conforme à l’art. 43 LDTR, et les quelques erreurs de plume dans l’intitulé de certains courriers adressés à ces locataires quant au nombre de pièces ne constituaient pas une violation de la LDTR, l’état locatif - qui était conforme à la réalité - faisant foi sur ces points. L’obligation d’information et de consultation des locataires avait dès lors été respectée.

Le département était resté dans les limites du pouvoir d’appréciation que l’art. 11 LDTR lui conférait puisqu’il avait retenu les 70% du coût des travaux, soit le haut de la fourchette fixée par le législateur. Aucun excès du pouvoir d’appréciation n’avait ainsi eu lieu, le cadre légal ayant été respecté. De plus, sa pratique consistait à appliquer le plus systématiquement possible la part de 70%. La recourante tentait de substituer son appréciation à celle du département en critiquant son approche, critique qui relevait davantage du caractère opportun des décisions attaquées.

La recourante se trompait en alléguant une absence de motivation au RPUS. Dans son préavis du 20 mars 2019, la ville avait expressément indiqué que vu la création de cinquante-deux logements supplémentaires proches du centre-ville dans le contexte de la crise du logement, elle pourrait accepter d’entrer en matière sous réserve de l’octroi par le Conseil administratif d’une dérogation à l’art. 13 RPUS. C’était donc la création de nombreux logements en centre-ville qui avait motivé la dérogation au RPUS. Le département ne s’était dès lors pas laissé guidé par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec celle-ci lorsqu’il avait délivré les autorisations litigieuses. La recourante n’établissait ni ne démontrait un quelconque abus ou excès du pouvoir d’appréciation du département qui avait suivi le préavis favorable de la ville. Par ailleurs, à la lecture de la brochure relative au PUS de décembre 2015 de la ville, l’art. 13 RPUS ne s’appliquait en principe qu’à de nouvelles constructions sur des terrains non bâtis et l’octroi de la dérogation avait été mentionné dans la FAO du ______ 2022 pour l’autorisation DD 7______ ; or, une telle publication ne pouvait intervenir que si la dérogation a été accordée conformément à l’art. 14 al. 1 LDTR. Enfin, la volonté d’octroyer une dérogation à l’art. 13 RPUS du Conseil administratif découlait également du fait que la ville n’avait pas recouru contre les autorisations entreprises.

Les allégations quant à la statique du bâtiment, très générales, n’étaient étayées par aucune étude d’un spécialiste de la branche qui viendrait battre en brèche le préavis du service compétent. Aucun document relatif à la statique d’un bâtiment n’était requis dans le cadre de l’instruction d’une autorisation de construire. La vérification relative à la stabilité et à la solidité des constructions relevait de la responsabilité des mandataires et des propriétaires. Le département ne pouvait demander que la production de calculs statiques, mais non ordonner la production d’une telle étude. Le respect de la proportionnalité n’était pas violé.

À l’appui de ces allégations, un chargé de plusieurs pièces a été produit, lequel comporte notamment quatre procurations en faveur de l’avocat constitué (pièce n° 0).

16.         Par réplique du 5 juin 2023, l’A______ a persisté dans ses conclusions, se déterminant sur certains des allégués du département et des intimées et produisant quelques pièces.

S’agissant de la recevabilité du recours, le fait de revenir sur son existence même ne faisait à l’évidence pas partie des éléments à examiner périodiquement. Il devait être considéré établie une fois pour toutes, vu le JTAPI/8______, qu’elle avait la qualité pour recourir ; à toutes fins utiles, elle produisait le procès-verbal de son assemblée constitutive, celui de sa dernière assemblée générale extraordinaire et celui de l’assemblée du 29 avril 2021. La tentative de séparer les trois autorisations pour créer artificiellement des catégories de membres de l’association et prétendre qu’ils ne seraient pas majoritaires confinait à l’abus de droit. L’allégation, pour les besoins de la procédure, que les baux seraient prochainement résiliés interrogeait : elle ne semblait pas conditionnée au rejet de la procédure en cours.

L’envoi de courriers aux locataires n’était pas contesté, mais le service LDTR n’avait pas pu vérifier si l’ensemble de ceux-ci avait été atteint vu que le dernier état locatif figurant au dossier datait de plusieurs années. Une simple lecture comparée des noms figurant sur les courriers avec ceux de l’état locatif laissait apparaître de nombreuses différences. À cet égard, les explications données par les intimées quant aux exemples des locataires non atteints peinaient à convaincre et il était insuffisant que la « quasi-totalité » des locataires ait été atteinte, l’information les concernant tous.

En qualifiant les états locatifs et plans financiers de « pas des plus récents », le département avait reconnu que le dossier était incomplet. L’examen desdits états locatifs démontrait d’ailleurs que de nombreux loyers avaient changé entre les versions sur lesquelles s’était basé le département et les versions nouvellement amenées. Or, il ne faisait aucun doute que les plans financiers devaient être adaptés pour tenir compte non seulement des changements d’occupation des logements, mais aussi des modifications de loyers. Le service LDTR ne pouvait pas simplement reprendre son précédent sans réactualisation de l’état locatif de l’immeuble. En ne requérant pas de dossier actualisé, le département avait fait fi de son devoir d’instruction et violé son pouvoir d’appréciation.

Le département s’était prononcé sur le préavis de la ville par courrier du 9 avril 2021, mais aucune motivation n’avait été invoquée pour octroyer une dérogation selon le RPUS. Il tentait de motiver a posteriori cette dérogation, qui faisait défaut au dossier, en essayant d’appliquer les critères de la LDTR, en les substituant à ceux prévus par le RPUS et en citant une jurisprudence non déterminante. Il n’avait en fait effectué aucun examen quant à l’utilisation plus judicieuse du sol ni procédé à une pesée des intérêts en présence. Il était étonnant de voir qu’il proposait au tribunal de combler un manquement dans l’instruction en s’adressant à un tiers non partie à la présente procédure. De plus, l’accord du Conseil administratif n’était pas acquis et l’absence de dérogation devait être considérée comme un refus et non comme une lacune. Un membre de ce conseil, Madame F______, dans la réponse à son courrier du 9 novembre 2022, avait confirmé que ledit conseil n’avait pas donné de préavis, que le département n’avait pas tenu la ville informée de la décision en temps utile et que l’absence de recours relevait d’une analyse de proportionnalité et non d’un accord quant au contenu des décisions.

Au surplus, les procurations produites avec les écritures des intimées souffraient de vices. B______ SA était engagée par une signature correspondant à H______AG (ci-après : H______), qui ne figurait pas parmi les personnes ayant qualité pour signer. Les procurations des autres intimées n’étaient munies que d’une signature, alors que le registre du commerce ne laissait apparaître que des possibilités de signatures collectives à deux. Partant, ces actes de procédure devaient être écartés de la procédure. Il y avait également un défaut de signature sur les requêtes d’autorisation. La demande DD 7______ était signée par le mandataire et requérant personnellement, tandis que la case propriétaire était munie de deux signatures illisibles superposées, sur lesquelles se rajoutait un timbre « H______ » : les signatures émanaient d’une entité juridique non propriétaire des parcelles visées par le projet. Aucune autre pièce au dossier ou indice ne laissait à penser que les quatre sociétés propriétaires auraient donné leur accord pour les projets en question. La demande pour la M 5______ souffrait des mêmes vices susmentionnés, étant précisé que la partie dévolue à la signature des propriétaires n’était pas datée. La demande pour la DD 6______ était incomplète, la première page contenant les signatures étant absente. Ce dossier étant lacunaire, il convenait d’annuler cette autorisation, ce qui ne consacrait aucun formalisme excessif.

17.         Le 7 juillet 2023, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions et produisant les trois requêtes d’autorisation dans leur intégralité.

Il n’ignorait pas que les précédentes autorisations avaient été annulées du fait que la procédure d’information aux locataires n’avait pas été conforme aux exigences légales. Les dossiers lui avaient d’ailleurs été renvoyés sur ce seul aspect et il ne lui avait été à aucun moment demandé de reprendre l’ensemble de leur instruction. Il n’avait pas indiqué que les dossiers en cause étaient incomplets, se contentant de noter que les états locatifs et plans financiers fournis n’étaient pas des plus récents. Ceux-ci ne devaient pas être systématiquement analysés une nouvelle fois à chaque changement de locataires, lequel pouvait intervenir à n’importe quel moment, au risque de rendre le travail du service LDTR compliqué, voire disproportionné. Ce service ne s’attachant pas aux locataires concernés mais analysant les loyers proposés pour chacun des appartements concernés, l’arrivée de nouveaux locataires n’avait pas d’incidence sur le contrôle des loyers si le coût des travaux et les loyers n’avaient pas évolué à la baisse, ce qui semblait être le cas dès lors que les intimées n’avaient notamment pas affirmé le contraire.

Le fait que les parcelles étaient déjà entièrement construites devait être pris en compte. À ce sujet, on ne voyait pas en quoi des contraintes légales pourraient avoir une incidence sur l’autonomie communale de la ville au niveau de l’application qu’elle devait faire du RPUS. Il appartenait à la ville, surtout lorsqu’il s’agissait de la mise en œuvre d’une politique publique qui lui était propre, de s’assurer que tout était mis en œuvre afin que les préavis rendus le soient de manière circonstanciée et complète.

18.         Les intimées ont dupliqué le 14 juillet 2023, persistant dans leurs conclusions et produisant encore quelques pièces.

Le fait d’effectuer une distinction des groupes de locataires en fonction des autorisations concernées n’était pas de nature à constituer un abus de droit, mais permettait au contraire de respecter les conditions posées en matière de qualité pour recourir.

Les états locatifs figurant au dossier - datant de juin 2022 et non d’août 2019, contrairement à ce que sous-entendait la recourante - avaient permis au département de vérifier le respect des obligations d’information et de consultation imposées par la LDTR.

Les procurations signées par les intimées et produites dans le cadre de la présente procédure en faveur de leur avocat étaient valables. En effet, le capital-actions des intimées était entièrement détenu par H______, ainsi qu’il résultait de la pièce n° 63 qu’elles produisaient, et toutes les personnes y ayant la signature collective à deux au sein des intimées, excepté une personne, disposaient aussi de la signature à deux auprès d’H______. Partant, cette dernière pouvait valablement engager les intimées et signer les procurations en faveur de leur conseil ; au besoin, de nouvelles procurations étaient produites (pièce 0bis). Il en allait de même des signatures présentes sur les requêtes des autorisations litigieuses. Invalider les autorisations litigieuses pour ce seul motif serait constitutif d’un formalisme excessif proscrit.

19.         La pièce n° 63 consiste en un rapport annuel 2022 H______, lequel indique que le capital-actions des sociétés propriétaires en cause appartient à 100% à H______, qui agit pour le fonds immobilier H______.

20.         Le 21 août 2023, la recourante s’est déterminée sur les dupliques.

Le renvoi du dossier au département dans le cadre du jugement JTAPI/8______ impliquait que ce dernier statue à nouveau : le tribunal n’avait nullement limité son pouvoir d’appréciation en lui ordonnant de statuer uniquement sur la base de la présence de lettres aux locataires. Il n’était donc pas admissible que le département admette avoir statué sans nouvel examen du dossier ou des pièces. En précisant que les préavis rendus par le service LDTR faisaient référence aux états locatifs figurant dans les dossiers et vu les nouveaux états locatifs produits en cours de procédure, il était clair que le département avait statué sur la base d’un dossier inexact.

Elle prenait acte de la production de nouvelles copies des formulaires de requête, en particulier de la page manquante de la DD 6______ qui présentait toutefois les mêmes irrégularités que celles relevées dans sa réplique par rapport aux autres formulaires de requête.

Les intimées se contentaient d’affirmer que le nombre de pièces des appartements figurant sur les courriers relèverait d’une erreur de plume. En réalité, il subsistait des erreurs dans les états locatifs produits, qui ne correspondaient pas au nombre de pièces réel des appartements selon les plans fournis.

Les deux nouvelles procurations produites étaient signées par une personne ne figurant pas au nombre des personnes habilitées à engager ni C______ SA, ni E______ SA, ni même H______. Aucune procuration n’était remise pour B______ SA. Les actes de procédure étaient ainsi viciés. En outre, la pièce n° 63 n’était pas à même de démontrer la propriété des sociétés immobilières intimées ; datée du 31 décembre 2022, elle ne permettrait en tous les cas pas d’établir la situation juridique en 2023. En outre, il ne fallait pas confondre l’ayant droit économique et le propriétaire de l’immeuble.

21.         Le 31 août 2023, les intimées se sont également déterminées, réitérant que les requêtes avaient été dûment signées et produisant encore une procuration accordée à Monsieur I______ pour les représenter (pièce n° 66). Elles ont aussi noté que le JTAPI/8______ avait considéré que leur avocat les représentait, alors qu’il avait agi, à l’époque, sur la base des mêmes procurations.

22.         Le 5 décembre 2023, le tribunal a imparti un délai au 18 décembre 2023 à la ville pour l’informer de l’octroi ou non par son Conseil administratif, d’une dérogation à l’art. 13 RPUS dans le cadre du projet querellé, conformément à l’art. 14 RPUS.

23.         Dans le délai prolongé, la ville a répondu au tribunal le 30 janvier 2024 et l’a informé que par décision du ______ 2024, son Conseil administratif avait accepté l’octroi d’une dérogation à l’art. 13 RPUS autorisant que le taux d’espace vert ou de détente du projet autorisé sous la référence DD 6______ soit réduit à 26% et seulement à 7% en pleine terre.

24.         Le 20 février 2024, la recourante a relevé que la ville avait fait état d’une décision de son Conseil administratif du ______ 2024, mais sans la transmettre, de sorte qu’il n’était toujours pas possible de considérer qu’une dérogation au RPUS figurait au dossier des autorisations litigieuses. Au-delà d’un pur formalisme, cela avait aussi pour effet qu’elle ignorait les motifs ayant conduit le Conseil administratif à octroyer la dérogation litigeuse, ce qui ne lui permettait pas d’exercer valablement son droit d’être entendue. En particulier, on ne savait pas si une pesée des intérêts en présence avait été correctement effectuée. De plus, le simple fait de se référer à l’opportunité de création de logements dans la situation récurrente d’une crise de logement constituait une considération d’ordre générale qui ne remplissait pas les conditions restrictives des art. 13 et 14 RPUS, étant noté que le quartier où se situait le projet était un des plus denses de Suisse, de sorte que la présence d’espace vert et de détente y revêtait une importance particulière. La situation du projet impliquait donc de faire primer le respect strict de l’art. 13 RPUS sur un intérêt général de densification. Ni le département ni la ville ne pouvait licitement octroyer la dérogation à l’art. 13 RPUS sans abuser de leur pouvoir d’appréciation.

En outre, la décision qui aurait été prise le ______ 2024 était tardive. Certes, la jurisprudence admettait que des préavis puissent être obtenus postérieurement aux décisions, notamment dans le cadre d’une procédure de recours, mais cela ne concernait que le cas des préavis au sens de l’art. 16 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) qui ne liaient pas l’autorité. L’absence de réaction de la ville avant la délivrance des autorisations litigieuses ne pouvait s’interpréter que comme un refus, sur lequel il n’était pas possible de revenir plus d’une année après la délivrance des autorisations, au risque de compromettre gravement la sécurité du droit.

25.         Le 1er mars 2024, les intimées ont persisté dans leurs précédentes écritures et conclusions principales et subsidiaires.

Ainsi que le confirmait la jurisprudence, citée au demeurant par la recourante, les art. 13 et 14 RPUS ne concernaient que les grandes opérations de construction, impliquant la démolition de bâtiments et libérant une surface au sol de 1’000 m2 au moins. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce, de sorte que l’art. 13 RPUS n’était pas applicable. Comme la simple comparaison de la surface bâtie avant et après travaux permettait de constater, l’espace résiduel était en effet marginal, de même que par conséquent, la portée de la dérogation accordée.

En tout état, la recourante était de mauvaise foi en prétendant « ignorer » les motifs ayant conduit le Conseil administratif de la ville à octroyer la dérogation, le préavis communal du 20 mars 2019 ayant indiqué que la création de nombreux logements en centre-ville motiverait la dérogation au RPUS. En outre, l’acceptation par le Conseil administratif de la dérogation à l’art. 13 RPUS était, conformément à la lettre de l’art. 14 al. 1 RPUS et à la jurisprudence y relative, une prise de position et non une décision ; invoquer le contraire et considérer qu’aucune dérogation ne figurait au dossier constituerait du formalisme excessif.

Au surplus, l’octroi de la dérogation à l’art. 13 RPUS poursuivait un but d’intérêt public avéré, soit la création de logements, et correspondait à un besoin impérieux d’utilisation plus judicieuse du sol et des bâtiments tel que prescrit par l’art. 14 RPUS. Les arguments contraires de la recourante à ce sujet revêtaient un caractère excessivement formaliste.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 25 janvier 1996 et de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1FLCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 LPA.

3.             La recevabilité du recours suppose encore que son auteur dispose de la qualité pour recourir.

4.             Le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision attaquée, qui permette d’admettre qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général, de manière à exclure l’action populaire. Cet intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1). Un recours dont le seul but est de garantir l’application correcte du droit demeure irrecevable, parce qu’assimilable à l’action populaire (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_98/ 2023 du 14 juin 2023 consid. 6.3 ; ATA/665/2023 du 20 juin 2023 consid. 5.3). Le recourant doit par conséquent rendre vraisemblables les nuisances qu’il allègue et sur la réalisation desquelles il fonde une relation spéciale et étroite avec l’objet de la contestation (ATF 125 I 173 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2014 du 24 avril 2015 consid. 2.2).

En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l’installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2019 du 20 janvier 2021 consid. 1). Outre les propriétaires voisins, les propriétaires par étage, les superficiaires, les locataires et les preneurs à ferme sont également susceptibles de bénéficier de cette qualité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_390/2021 du 3 septembre 2022 consid. 1.1 ; ATA/ 1075/2020 du 27 octobre 2020 consid. 2d).

5.             S’agissant d’un recourant, tiers locataire, il convient d’apprécier l’enjeu de la procédure pour le recourant concerné en fonction de sa situation concrète, soit d’apprécier la gravité de l’atteinte apportée par le projet à ses intérêts (RDAF 2001 I 344 p. 348). La jurisprudence retient que s’il existait un moyen de droit privé, même moins commode, à disposition de l’intéressé pour écarter le préjudice dont il se plaint, la qualité pour agir fondée sur l’intérêt digne de protection devait lui être niée (ATF 101 1b 212 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.70/2005 du 22 avril 2005). Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales du droit du bail, complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public cantonal (ATF 131 II 649 consid 3.4). Dans cette dernière cause, le Tribunal fédéral a dénié la qualité pour recourir à un locataire, dont la résiliation de bail venait pourtant d’être annulée par le bailleur, dans le cadre d’un recours contre la vente de son appartement selon la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41). L’intérêt du recourant, quoiqu’actuel, ne pouvait être considéré comme direct ni concret au motif que le succès de son recours en matière administrative lui permettait de retirer l’avantage convoité, à savoir le prononcé de la nullité de son contrat de bail, seulement de manière indirecte. De plus, le but recherché par le recourant, soit se prémunir contre une prochaine résiliation du bail, sortait manifestement des objectifs de la LFAIE. L’intérêt invoqué par le recourant n’était ainsi pas dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d’être pris en considération, avec l’objet de la contestation (ATF 131 II 649 consid. 3.4). Dans ces cas, l’intérêt du recourant est considéré insuffisant, voire inexistant, lorsqu’il a à sa disposition un autre moyen de droit pour régler le fond de l’affaire (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, Vol. II, 3ème éd., 2011, p. 730).

La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a jugé de façon constante qu’en matière de qualité pour recourir des locataires, lorsque la décision litigieuse implique la démolition de locaux qui font l’objet d’un bail à loyer, le locataire ne peut plus se prévaloir d’un intérêt digne de protection à l’annulation de l’autorisation de démolition, dès lors qu’il a reçu son congé. En effet, quand bien même il conteste ce dernier, la procédure ouverte à ce sujet ne peut aboutir qu’à deux solutions alternatives : si la résiliation du bail est annulée, la démolition ne peut plus avoir lieu et le locataire perd son intérêt au recours ; si, au contraire, le congé est confirmé, le locataire, qui doit quitter les lieux, n’est plus concerné par le projet de démolition et n’a ainsi plus d’intérêt pratique à recourir (ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 et les références citées).

En revanche, la qualité des locataires pour recourir contre une autorisation de construire, dont les baux n’étaient pas résiliés, a été admise lorsque, si elle était confirmée, ladite autorisation les priverait de la jouissance de locaux situés dans les combles de l’immeuble dont la transformation était projetée. Certains des griefs invoqués portaient sur le gabarit de l’immeuble après travaux et sur les vices de forme ayant affecté la procédure qui, s’ils devaient se révéler bien fondés, pourraient aboutir à un refus de l’autorisation de construire litigieuse, à l’abandon du projet, voire à un remaniement substantiel de celui-ci, et à la mise en œuvre d’une nouvelle enquête (arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2011 du 4 mai 2011 ; ATA/181/2013 du 19 mars 2013 consid. 4 et les références citées).

De même, se sont vu reconnaître la qualité pour recourir les locataires d’immeubles d’habitation soumis à la LDTR ou dans les causes où l’application même de la LDTR était litigieuse (ATA/512/2010 du 3 août 2010 ; ATA/384/2010 du 8 juin 2010). Cette loi prévoit notamment l’obligation d’informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter en dehors de toute résiliation de bail, lorsque le bailleur a l’intention d’exécuter des travaux (art. 43 al. 1 LDTR). Elle subordonne également l’ouverture du chantier au relogement des locataires touchés par l’autorisation définitive (art. 42 al. 4 LDTR).

6.             Sans être elle-même touchée par la décision entreprise, une association peut être admise à agir par le biais d’un recours - nommé recours corporatif ou égoïste - pour autant qu’elle ait pour but statutaire la défense des intérêts de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d’entre eux et, enfin, que chacun de ceux-ci ait qualité pour s’en prévaloir à titre individuel (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_499/2020 du 24 septem-bre 2020 consid. 2 ; 2C_642/2018 du 29 mars 2019 consid. 1.2 ; 5C_2/ 2017 du 11 mars 2019 consid. 1.2.1 non publié in ATF 145 I 183). En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l’un de ses membres ou pour une minorité d’entre eux (ATF 142 II 80 consid. 1.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_499/2020 du 24 septembre 2020 consid. 2 ; 5C_2/2017 du 11 mars 2019 consid. 1.2.1 non publié in ATF 145 I 183).

7.             La qualité pour agir d’une association ne saurait être appréciée une fois pour toutes. Il convient notamment de vérifier, périodiquement au moins, si les conditions d’existence des associations sont réalisées, si les buts statutaires sont en rapport avec la cause litigieuse et si la décision d’ester en justice a bien été prise par l’organe compétent (ATA/1337/2019 du 3 septembre 2019 consid. 4a ; ATA/903/2016 du 25 octobre 2016 consid. 6 ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 consid. 8).

8.             En l’espèce, la qualité pour recourir de l’A______ a déjà été admise dans le cadre du jugement JTAPI/8______, en force, et les considérants ayant conduit à cette issue peuvent être repris tels quels dans la présente procédure.

À ce sujet, il convient toutefois de préciser les trois éléments suivants. En tant que locataires des immeubles concernés par les autorisations litigieuses ou habitants d’immeubles contigus ou voisins, la très grande majorité des membres de l’A______ est personnellement touchée par les décisions entreprises ; il n’est par conséquent pas nécessaire d’opérer une distinction entre des groupes de locataires en fonction des autorisations en cause. Aucun élément concret ne permet de retenir, malgré une allégation en ce sens de la part des intimées, que les baux de ces membres ont été effectivement résiliés. La décision de recourir contre les autorisations litigieuses a été prise lors de l’assemblée extraordinaire du 21 décembre 2022 et le conseil de la recourante a été dûment mandaté par la présidente et un membre (secrétaire) du comité, de sorte que l’A______ a été valablement engagée au sens de l’art. 18 de ses statuts.

Dès lors, l’A______ doit se voir reconnaître la qualité pour recourir dans le cadre de la présente procédure en ce qui concerne les autorisations de construire litigieuses.

9.             En revanche, le tribunal considère que la recourante ne dispose pas de la qualité pour recourir à l’encontre de l’autorisation de démolir. On voit en effet mal quel avantage de fait ou de droit lui procurerait le maintien des bâtiments dont l’autorisation prévoit la démolition, respectivement, on peine à imaginer quel préjudice elle subirait du fait de leur disparition. Certes, les travaux de démolition entraîneront selon toute vraisemblance des nuisances en matière de bruit et de poussière, mais celles-ci seront limitées dans le temps et ne sauraient à elles seules fonder un intérêt pratique à recourir, ce que la recourante ne prétend du reste pas. Au contraire, bien que son recours soit dirigé contre les trois décisions du département, elle ne fait état de griefs qu’en rapport avec les autorisations de construire.

En conséquence, la recourante ne pouvant retirer d’avantage pratique et concret de l’annulation de l’autorisation de démolir, la qualité pour recourir doit lui être déniée. Le recours contre l’autorisation de démolir M 5______ sera déclaré irrecevable.

10.         Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

En revanche, commet un excès positif de son pouvoir d’appréciation l’autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l’exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d’appréciation dans le cas où l’excès de pouvoir est négatif, soit lorsque l’autorité considère être liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou qu’elle renonce d’emblée, en tout ou partie, à exercer son pouvoir d’appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/1587/2019 du 29 octobre 2019 consid. 9a)

11.         Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

12.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il incombe à celles-ci d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3).

Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/940/2023 du 31 août 2023 consid. 2.1 et les références citées).

La procédure administrative est aussi régie par le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b).

13.         Préalablement, la recourante demande l’ouverture d’enquêtes, sans spécifier dans les conclusions de ses écritures lesquelles elle souhaite. Il résulte néanmoins de ses écritures qu’elle sollicite l’audition d’un témoin, à savoir un locataire qui serait un pompier professionnel et qui aurait été présent lors de l’incendie et l’intervention des secours. Ce dernier devrait se prononcer sur des éléments qui auraient trait à la stabilité de l’immeuble sis ______[GE].

14.         Le droit d’être entendu garantit par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, classiquement, le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 149 I 91 consid. 3.2 ; 145 I 167 consid. 4.1).

Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.2.1).

En revanche, le droit d’être entendu ne confère pas celui de l’être oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

15.         En l’espèce, le tribunal estime, de manière générale, que le dossier dont il dispose contient les éléments suffisants et nécessaires à l’établissement des faits pertinents pour traiter les griefs soulevés par la recourante et statuer sur le litige. S’agissant plus particulièrement de l’audition d’un témoin, dont on ignore le nom et l’adresse, il convient de relever que ce dernier devrait s’exprimer sur le comportement des murs de l’immeuble sis ______[GE] qu’il aurait observé, et donc sur la stabilité dudit immeuble. Or, il s’agit là d’un élément qui ne relève pas de la compétence du tribunal de céans (cf. consid. 42), de sorte qu’une telle audition, qui ne peut influencer l’issue du présent litige, n’a pas lieu d’être.

Cette conclusion préalable sera donc rejetée.

16.         En premier lieu, la recourante fait valoir que les demandes d’autorisation n’auraient pas été signées par les propriétaires des parcelles en cause. Elle soutient également que les écritures des intimées doivent être écartées dans la mesure où l’avocat les ayant rédigées n’aurait pas été valablement mandaté.

17.         L’art. 2 al. 2 LCI délègue au Conseil d’État, par le biais du règlement d’application que ce dernier doit édicter, le soin de déterminer les pièces qui doivent être déposées par les personnes demandant une autorisation de construire.

En application de cette disposition, cette autorité a prévu que toutes les demandes d’autorisation de construire devaient être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l’éventuel mandataire professionnellement qualifié (art. 11 al. 4 RCI).

Les demandes ne sont valablement déposées et, partant, l’autorité saisie, que si les prescriptions concernant les documents et pièces à joindre ont été respectées et si l’émolument d’enregistrement a été acquitté. Les dossiers incomplets sont retournés pour complément. Ils ne sont pas enregistrés (art. 13 al. 1 RCI).

18.         Selon la jurisprudence, une requête déposée en vue de la délivrance d’une autorisation de construire doit émaner, ou du moins avoir l’assentiment préalable et sans équivoque, du propriétaire de la parcelle concernée. Il ne s’agit pas d’une simple prescription de forme, car elle permet de s’assurer que les travaux prévus ne sont pas d’emblée exclus et que le propriétaire qui n’entend pas réaliser lui-même l’ouvrage y donne à tout le moins son assentiment de principe (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/1459/2019 du 1er octobre 2019 consid. 2 ; ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 consid. 5g). Ainsi, la signature du propriétaire du fonds a également comme but d’obtenir l’assurance que celui qui a la maîtrise juridique du fonds consent aux travaux et à tous les effets de droit public qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 11 b).

Le Tribunal fédéral qui a eu l’occasion d’examiner une exigence similaire du droit neuchâtelois, a retenu qu’une autorité tomberait dans le formalisme excessif, incompatible avec l’art. 29 al. 1 Cst. si elle refusait de prendre en considération une autre pièce du dossier qui révélerait sans ambiguïté, le cas échéant, l’accord de la seconde copropriétaire d’une parcelle, laquelle n’avait pas signé la demande d’autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 1P.620/2002 du 27 mai 2003 consid. 5 ; ATA/1529/2019 du 15 octobre 2019 consid. 3b).

19.         Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 ; 142 I 10 consid. 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_515/2020 du 10 février 2021 consid. 2.1 ; 2C_607/2019 du 16 juillet 2019 consid. 3.2).

20.         Selon l’art. 718 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO - RS 220), le conseil d’administration représente la société à l’égard des tiers. Sauf disposition contraire des statuts ou du règlement d’organisation, chaque membre du conseil d’administration a le pouvoir de représenter la société (al. 1). Le conseil d’administration peut déléguer le pouvoir de représentation à un ou plusieurs de ses membres (délégués) ou à des tiers (directeurs) (al. 2).

21.         En l’espèce, le tribunal constate que deux des trois requêtes d’autorisation ont été signées par des personnes physiques représentant l’ayant droit économique des intimées, et non forcément les sociétés propriétaires elles-mêmes, et que la dernière requête ne comporte qu’une seule signature au lieu des deux nécessaires. Cela étant, il ressort manifestement des éléments au dossier, notamment de la volonté exprimée par les sociétés propriétaires de participer à la présente procédure en qualité d’intimées et du contenu de leurs écritures dans ce cadre, des procurations signées en faveur de l’avocat des intimées par une ou des personnes ayant autorité pour ce faire, en particulier Monsieur I______, lui-même valablement représentant les intimées, que les trois demandes d’autorisation litigieuses bénéficient du plein assentiment des sociétés propriétaires des parcelles en cause. Il est par ailleurs évident que celles-ci souhaitent voir aboutir un projet leur permettant d’améliorer leurs biens et d’augmenter leurs gains. Dans ce contexte, dès lors que le but visé par l’exigence de la signature du propriétaire de la parcelle concernée - à savoir s’assurer de l’accord de ce dernier et non protéger les voisins - est atteint, il convient de retenir que les requêtes d’autorisation concernées sont valables, sauf à verser dans le formalisme excessif. On notera au demeurant qu’aucune des parties au présent litige ne subirait de préjudice du fait de la signature des requêtes d’autorisation par les représentants de l’ayant droit économique des intimées.

S’agissant des procurations signées en faveur de l’avocat des intimées, il résulte des pièces nos 0, 0bis, 63 - qui démontre à satisfaction de droit que les intimées ont pour unique actionnaire d’H______ - et 66 des intimées que deux personnes ayant la signature collective à deux tant auprès d’H______ qu’auprès de chacune des sociétés propriétaires ont donné pouvoir à M. I______ de représenter les intimées et que ce dernier a signé, en date du 12 juillet 2023, avec Monsieur K______, qui dispose de la signature collective à deux au sein de chacune des intimées, de nouvelles procurations en faveur de l’avocat susmentionné. Les écritures signées par ce dernier, qui représente les intimées, sont donc recevables.

Ces premiers griefs seront dès lors rejetés.

22.         Dans un second temps, la recourante soutient que la prise en compte des états locatifs figurant au dossier par le département n’est pas conforme au droit. À son sens, ces états locatifs seraient trop anciens pour permettre un contrôle financier des loyers et la vérification du respect des obligations d’information et de consultation. En outre, les loyers qui y étaient pris en compte n’auraient pas été réactualisés. Enfin, l’information remise aux locataires serait grossièrement lacunaire.

La recourante se plaint également d’un abus du pouvoir d’appréciation dans l’établissement du plan financier, faisant valoir qu’eu égard à l’incendie survenu dans l’immeuble sis ______[GE], le pourcentage à plus-value du coût total des travaux devrait être de 50% et non de 70%.

23.         La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l’habitat, notamment dans la troisième zone de construction (art. 1 al. 1 et 2 al. 1 let. a LDTR ; art. 19 al. 1 let. c de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

Elle prévoit en son art. 10 al. 1 qu’en cas de démolitions ou de transformations, le département fixe, comme condition de l’autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux.

Pour ce faire, le département doit, conformément à l’art. 11 al. 1 LDTR, prendre en considération l’ensemble des travaux à effectuer, sous déduction des subventions éventuellement octroyées, en tenant compte du rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé, en règle générale, sur les 70% au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5 point au-dessus de l’intérêt hypothécaire de premier rang pratiqué par la Banque cantonale de Genève; le taux de rendement est fonction de l’incidence dégressive des amortissements (let. a), de l’amortissement calculé en fonction de la durée de vie des installations, en règle générale dans une fourchette de 18 à 20 ans, soit de 5,55% à 5% (let. b), des frais d’entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux pris en considération (let. c) et des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les art. 269 ss CO (let. d).

Lorsque les logements répondent aux BPP quant à leur genre, leur typologie, leur qualité, leur prix de revient, le nombre de pièces ou leur surface, le loyer après transformation doit répondre aux BPP (art. 11 al. 2 LDTR). Si le loyer avant transformation ou rénovation dépasse le niveau des loyers répondant aux BPP, il est maintenu par le département au même niveau lorsqu’il apparaît qu’il permet économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer (art. 11 al. 3 LDTR).

24.         Selon l’arrêté relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population du 12 janvier 2022 entré en vigueur le 14 janvier 2022 (ArRLoyers - L 5 20.05), les loyers correspondant aux BPP, fondés sur le revenu brut médian des contribuables personnes physiques 2018, sont compris entre CHF 2’627.- et CHF 3’528.- la pièce par année. Ce même arrêté prévoyait, dans sa teneur antérieure du 24 août 2011 en vigueur dès le 26 août 2011, que les loyers correspondant aux BPP, fondés sur le revenu brut médian des contribuables personnes physiques 2007, étaient compris entre CHF 2’536.- et CHF 3’405.- la pièce par année.

25.         Pour mener à bien les tâches susmentionnées, le département doit être en possession d’un dossier complet, comportant notamment un état locatif exhaustif, ventilé appartement par appartement, pour procéder au contrôle des paramètres financiers (ATA/110/2006 du 7 mars 2006 consid. 3b et les références citées).

26.         En pratique, le département applique le plus systématiquement possible la part de 70% prévue par le législateur à l’art. 11 al. 1 let. a LDTR ; « on descendra rarement en-dessous du pourcentage de 70% » (Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR : Démolition, transformation, rénovation, changement d’affectation et aliénation : immeubles de logement et appartements : loi genevoise et panorama des autres lois cantonales, 2014, p. 289 et les références citées).

27.         En l’espèce, il résulte des pièces au dossier que les intimées ont adressé des états locatifs clairs et complets - puisqu’ils mentionnaient le montant de tous les loyers et le nombre d’appartements et de pièces - au département, lesquels ont été établis dans le cadre des procédures d’autorisation de leurs projets, la période précédant les travaux. À cet égard, la recourante ne démontre nullement que ces états locatifs ne seraient pas conformes à la réalité, notamment quant aux loyers indiqués et/ou au nombre d’appartements et de pièces, alors que le fardeau de la preuve à ce sujet lui incombe. Sur la base des éléments qui lui ont été remis, le service LDTR a pu examiner de manière détaillée la question des loyers et fixer le niveau des futurs loyers après travaux dans ses préavis du 18 octobre 2022, lesquels font d’ailleurs partie intégrante des autorisations litigieuses. Dans ces circonstances, force est de constater que le département a pu prendre connaissance des loyers de chaque appartement avant les travaux et ainsi déterminer si les logements répondaient aux BPP ou non.

Certes, il est exact, ainsi que le relève la recourante, qu’un certain nombre d’années se sont écoulées, compte tenu de la précédente procédure de recours, entre la date des états locatifs ayant été utilisés par le service LDTR pour effectuer ses calculs et le prononcé des autorisations litigieuses. Cet écoulement du temps, qui est en soi inhérent à chaque procédure, ce d’autant plus si des recours sont interjetés contre les autorisations délivrées, ne signifie toutefois ni que les loyers pris en compte par le département ont baissé ni que les coûts des travaux ont été modifiés à la baisse. À nouveau, la recourante n’apporte aucun élément démontrant un tel fait, étant relevé que la simple baisse du taux hypothécaire n’a pas forcément pour effet de diminuer les loyers, les locataires devant entreprendre des démarches en ce sens, qui ne sont pas toujours forcément couronnées de succès. Ainsi, faute d’éléments ou d’indices laissant supposer une baisse des loyers voire des coûts des travaux, le service LDTR n’avait pas à recalculer les montants de futurs loyers. Il sied à cet égard de noter que le JTAPI/8______ ne se prononçait nullement sur cette question et ne requérait donc au département que d’instruire à nouveau les dossiers sur la problématique du respect de la procédure d’information et de consultation préalable des locataires. Enfin, il faut noter qu’il importe peu de connaître l’identité des locataires des appartements en cause, cet élément n’entrant pas en ligne de compte dans les calculs que le service LDTR doit effectuer ; peu importe dès lors que des changements de locataire soient ou non intervenus entre la date de remise des états locatifs et le prononcé des autorisations litigieuses, à moins que cela ait entraîné une baisse du loyer, ce qui n’a, à nouveau, pas été démontré par la recourante. Dès lors, l’instruction ne peut être qualifiée de lacunaire et l’état de fait d’inexact, de sorte que le principe de la maxime inquisitoire n’a pas été violé.

S’agissant du respect de la procédure d’information et de consultation préalable des locataires, il résulte des pièces du dossier ainsi que des explications détaillées des intimées que celles-ci ont correctement informé les locataires au sens des art. 43 LDTR et 6 RDTR. À cet égard, le fait que quelques erreurs se soient effectivement glissées dans certains des courriers, en particulier quant au nombre de pièces du logement concerné, ne porte nullement à conséquence. En effet, cette indication est importante non pour le locataire, mais pour le service LDTR qui se détermine non sur la base de ces courriers, mais sur celui des états locatifs et des plans disponibles à la procédure. Or, il ne résulte pas, à cet égard, qu’il y ait une erreur au sujet du nombre des pièces des logements en cause dans lesdits états locatifs et plans.

Il ne peut enfin être valablement reproché au département d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant un taux de 70% pour le coût des travaux à entreprendre. En effet, le département est, d’une part, demeuré dans les limites de son pouvoir d’appréciation conféré par l’art. 11 al. 1 let. a LDTR en fixant un tel pourcentage, même s’il correspond au haut de la fourchette fixée par le législateur. D’autre part, le fait qu’il soit resté fidèle à sa pratique de retenir un taux de 70% nonobstant l’incendie survenu dans l’immeuble en cause ne constitue nullement un quelconque abus de son pouvoir d’appréciation. À ce sujet, le tribunal ne saurait, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit (art. 61 al. 2 LPA), substituer son appréciation à celle du département ainsi que le sollicite la recourante, étant rappelé que lorsque le législateur a voulu conférer à l’autorité de décision un pouvoir d’appréciation dans l’application d’une norme, le juge qui, outrepassant son pouvoir d’examen, corrige l’interprétation ou l’application pourtant défendable de cette norme à laquelle ladite autorité a procédé, viole le principe de l’interdiction de l’arbitraire (cf. ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les références citées).

Ces griefs seront ainsi rejetés.

28.         En troisième lieu, la recourante invoque une violation des art. 13 et 14 RPUS, relevant que le Conseil administratif n’avait accordé aucune dérogation alors que la législation l’exigeait.

29.         En vue de favoriser la qualité de vie en ville, les plans d’utilisation du sol élaborés par la ville, en collaboration avec l’État, ont pour but de maintenir et rétablir l’habitat tout en favorisant une implantation harmonieuse des activités qui garantisse le mieux possible l’espace habitable et limite les charges sur l’environnement qui pourraient résulter d’une répartition déséquilibrée des affectations (art. 1 al. 1 RPUS). À cette fin, le RPUS fixe des taux d’espaces verts ou de détente minimum applicables aux secteurs et sous-secteurs (art. 1 al. 2 let. c RPUS).

30.         Le RPUS est applicable tant aux constructions existantes qu’aux constructions nouvelles des quatre premières zones de construction (art. 2 al. 1 RPUS). Par construction existante, il faut entendre tout bâtiment cadastré (art. 3 al. 1 RPUS). Par construction nouvelle, il faut entendre tout bâtiment édifié sur un terrain libre ou libéré suite à une démolition (art. 3 al. 2 RPUS).

31.         Selon l’art. 3 RPUS, par espace vert ou de détente, il faut entendre toute surface privée ou publique à usage collectif, conçue pour le délassement, les jeux ou la promenade, libre de construction et inaccessible aux véhicules autres que d’intervention technique ou d’urgence (al. 7). Est déterminante pour calculer les taux d’espaces verts ou de détente la surface de la ou les parcelles faisant l’objet d’une même procédure d’autorisation de construire (al. 8).

32.         Selon le PUS annexé au RPUS, la ville est découpée en trois secteurs : le premier comprend la Vieille-Ville, le deuxième est composé de trois sous-secteurs couvrant tous les quartiers de la Ville, à l’exception des zones faisant l’objet de plans localisés de quartier, ces dernières étant attribuées au troisième secteur. Des sous-secteurs sont prévus afin de fixer les taux d’espaces verts ou de détente conformément au présent règlement (art. 5 al. 2 RPUS).

33.         Conformément à l’art. 12 RPUS, le taux d’espace vert ou de détente, fixé pour les sous-secteurs mentionnés à l’art. 13, est appliqué : aux parcelles ou groupes de parcelles dont la surface excède 1’000 m2 (al. 1 let. a) ou aux parcelles comprises dans le périmètre d’un plan localisé de quartier dont la surface des parcelles excède 1’000 m2 (al. 1 let. b). Des précautions doivent être prises pour protéger la sphère privée des logements. Les surfaces privées ou publiques à usage collectif peuvent être aménagées sur la toiture des constructions basses (al. 2).

Pour le sous-secteur 2.2 dans lequel les parcelles concernées sont situées (cf. carte annexée au RPUS), le taux d’espace vert ou de détente minimum est fixé à 35% (art. 13 al. 1 let. a RPUS), étant précisé que pour les parcelles ou groupes de parcelles dont la surface excède 2’000 m2, la moitié au moins de la surface aménagée en espace vert ou de détente doit être constituée d’un sol en pleine terre (art. 13 al. 2 RPUS).

34.         S’agissant de ces dispositions, la ville, dans sa brochure sur le plan d’utilisation du sol, éditée en décembre 2015, a précisé que « [d]ans le cadre d’une parcelle déjà construite, la surface de référence à prendre en compte pour le calcul du taux d’espaces verts ou de détente est la surface de la ou des parcelles de laquelle la surface des constructions existantes et non démolies sera retranchée. Ce principe est applicable pour la parcelle ou le groupe de parcelles concerné par le projet. Au-delà de 2’000 m2, le règlement exige la création d’un "vrai espace vert" en pleine terre, permettant une arborisation et une perméabilité du sol » (cf. p. 7).

35.         Selon l’art. 14 al. 1 RPUS, le Conseil d’État ou le département peuvent avec l’accord du conseil municipal, dans le cadre de plans d’affectation, ou du Conseil administratif en matière d’autorisation de construire, déroger aux dispositions du RPUS lorsqu’une utilisation plus judicieuse du sol ou des bâtiments l’exige impérieusement.

L’octroi d’une telle dérogation est publié dans la FAO avec le plan concerné, respectivement l’autorisation de construire, lorsque celle-ci ne découle pas d’un tel plan (art. 14 al. 2 RPUS).

36.         Selon la jurisprudence, les dérogations prévues par l’art. 14 RPUS ne peuvent être délivrées qu’à des conditions restrictives, à défaut de quoi le règlement se trouverait vidé de son sens (arrêt du Tribunal fédéral 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 consid. 7.1 ; ATA/539/2023 du 23 mai 2023 consid. 4.1).

La délivrance d’une dérogation est donc soumise à la réalisation de trois conditions cumulatives, à savoir l’accord du conseil municipal ou du Conseil administratif (1) et un besoin impérieux (2) d’utiliser de façon plus judicieuse le sol ou les bâtiments (3). Le conseil municipal, respectivement le Conseil administratif, ne sont pas simplement consultés. Leur accord est nécessaire pour obtenir une dérogation (ATA/539/2023 du 23 mai 2023 consid. 4.1)

37.         Aux termes de l’art. 67 al. 1 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en fait l’objet passe à l’autorité de recours. La jurisprudence admet que le tribunal, peut, sur la base des art. 19 et 20 LPA, demander toutes précisions écrites à une instance de préavis, au même titre qu’il peut l’entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu’elle détaille sa position (ATA/888/2023 du 22 août 2023 consid. 2.8.3 ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017 consid. 4a ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3b ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 consid. 4). La production d’un nouveau préavis ne viole le droit d’être entendu et ne contrevient au principe du double degré de juridiction que s’il est émis après la décision de la juridiction saisie. Il ne respecte pas non plus, dans ce cas, le principe de l’économie de procédure (ATA/927/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6d).

38.         Par ailleurs, si un projet de construction subit des modifications essentielles en cours d’instruction, après avoir été porté à la connaissance de l’autorité de préavis, il appartient à l’autorité de décision de requérir à nouveau le préavis de cette dernière (ATA/927/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6d ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017 consid. 4b ; ATA/198/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/273/2011 du 3 mai 2011). Un projet subit une modification essentielle, lorsque pris dans leur ensemble, tant l’implantation que la volumétrie des bâtiments ont été modifiées, notamment par une augmentation de l’emprise au sol de la construction réduisant les distances aux limites de propriété ou par un déplacement d’un bâtiment et une augmentation du nombre d’étages prévus. Il en est de même lorsque les modifications intervenues changent le régime juridique d’un projet le faisant passer notamment des règles ordinaires en matière de gabarit de hauteur à celles régissant les surélévations d’immeubles (ATA/198/2013 du 26 mars 2013).

Dans l’affaire objet de l’arrêt ATA/414/2017 précité, la chambre administrative a confirmé la décision du tribunal de solliciter, après l’audition d’un de ses représentants, un préavis complémentaire de l’autorité spécialisée (soit l’office cantonal de l’énergie) sur la modification du projet litigieux due à la production d’une nouvelle pièce (à savoir un bilan thermique actualisé) par la requérante devant le tribunal et de donner aux parties la possibilité de se déterminer sur ce préavis complémentaire, au lieu de renvoyer le dossier au département pour nouvelle décision sur la demande d’autorisation de construire. Ladite modification, si elle pouvait avoir un certain impact sur les aspects énergétiques du bâtiment en cause, n’induisait pas de changement de régime juridique du projet querellé et ne pouvait pas être qualifiée d’essentielle au sens de la jurisprudence (consid. 4c).

Dans une affaire plus récente, la chambre administrative a admis, à la lumière de la jurisprudence précitée, qu’avant de rendre son jugement, le tribunal exige du département la production du préavis de la commission d’urbanisme - qui manquait au dossier - au sujet de la dérogation à la hauteur de gabarit et au coefficient d’occupation du sol du bâtiment, à vocation industrielle et artisanale, envisagé et qu’il transmette ledit préavis - favorable dans ce cas - aux parties en donnant à celles-ci la possibilité de se déterminer à son sujet. La chambre administrative a estimé qu’il ne ressortait pas de la jurisprudence précitée que « seuls des compléments relatifs à des préavis déjà émis pourraient être demandés par le tribunal » (ATA/615/2020 du 23 juin 2020 consid. 3b, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_449/2020 du 26 août 2021 consid. 3.2).

39.         En l’espèce, il convient en premier lieu de déterminer si l’art. 13 RPUS, en retenant sans autre analyse que cette disposition s’applique en l’espèce, n’est pas respecté, puisque si tel n’est pas le cas, il n’y a pas lieu d’obtenir une dérogation selon l’art. 14 RPUS.

Les parcelles concernées par les projets litigieux ont une surface totale de 4’903 m2 (1’060 + 1’515 + 872 + 1’456 m2). À ce total doit être déduite, comme le précise la brochure susmentionnée, la surface des constructions existantes, à savoir « tout bâtiment cadastré » selon l’art. 3 al. 1 RPUS, et non démolies.

En l’espèce, sont cadastrés sur les parcelles nos 3______ et 4______ des bâtiments d’une surface de 1’781 m2 (231 + 443 + 227 + 319 + 561) et un bâtiment souterrain de 1’018 m2, soit un total de 2’799 m2. Les bâtiments cadastrés sur les parcelles nos 1______ et 2______ ne devant pas être pris en considération puisqu’ils sont destinés à être démolis, les espaces verts ou de détente doivent être de 2’104 m2 (4’903 - 2’799). Or, les espaces verts ou de détente prévus atteindront, sans compter les jardins des appartements situés au rez-de-chaussée, 1’372 m2, dont 365 m2 en pleine terre. Dans ces circonstances, force est de constater que l’art. 13 RPUS n’est pas respecté et qu’une dérogation au sens de l’art. 14 RPUS est nécessaire.

Or, une telle dérogation n’a pas été octroyée dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de construire DD 6______ par le Conseil administratif. À cet égard, il ne suffit en effet pas que la ville ne se soit pas opposée en justice aux décisions entreprises pour considérer que son Conseil administratif, in corpore, a effectivement accordé ladite dérogation. De même, le fait que la dérogation selon l’art. 14 RPUS soit mentionnée dans les autorisations en cause ne signifie pas qu’elle ait été réellement octroyée ; il peut simplement s’agir d’une erreur du département, ce qui semble être le cas en l’espèce puisqu’aucune dérogation du Conseil administratif ne figure au dossier remis par le département au tribunal. Au contraire, par lettre du 1er mars 2023, une conseillère administrative de la ville a exposé déplorer que le Conseil administratif n’avait pas été saisi de la demande de dérogation conformément à l’art. 14 RPUS ; elle s’en était d’ailleurs plainte auprès du département.

Cela étant, sur la base du principe d’économie de procédure et de la jurisprudence susmentionnée, le tribunal a interpellé le 5 décembre 2023 la ville pour savoir si son Conseil administratif accorderait la dérogation selon l’art. 14 RPUS, ce que celui-ci a fait par décision du ______ 2024. À cet égard, il ne résulte nullement de la jurisprudence que le tribunal ne peut que requérir des compléments sur des préavis qui ne lient pas le département. Une telle limitation contreviendrait au principe de l’économie de procédure et conduirait, dans le cas d’espèce, à reprendre la procédure à zéro alors que les conditions pour délivrer les autorisations en cause sont réalisées. La seule restriction tient au moment de la production du nouveau préavis, qui ne doit pas être émis après la décision du tribunal. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

Au surplus, s’il est exact que la décision du ______ 2024 n’a pas été versée au dossier, on comprend manifestement, à teneur des éléments au dossier, en particulier du préavis communal du 20 mars 2019, que son fondement réside dans l’opportunité de créer des logements dans la situation récurrente d’une crise de logement. Un tel motif ne constitue nullement une considération d’ordre général. Il ne peut par ailleurs pas être retenu que la présence d’espace vert et de détente revêt une importance particulière dans le quartier en cause qui primerait le fait de mettre de nouveaux logements à disposition de la population genevoise, à moins de substituer sa propre appréciation à celle du Conseil administratif de la ville. Le tribunal ne saurait considérer que la ville ne pouvait pas octroyer la dérogation à l’art. 13 RPUS, sous peine d’abuser de son pouvoir d’appréciation. Enfin, il sera précisé que l’interpellation du tribunal le 5 décembre 2023 et la dérogation selon l’art. 14 RPUS accordée en janvier 2024 par le Conseil administratif de la ville, ne contreviennent pas au droit d’être entendue de la recourante, celle-ci ayant pu s’exprimer de manière complète à ce sujet.

Dans ces circonstances, il sera retenu que la dérogation selon l’art. 14 RPUS a été effectivement accordée, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’annuler la décision entreprise afin que toute l’instruction du dossier DD 7______ débute ab initio, ce qui ne constituerait qu’une vaine formalité et une importante perte de temps.

En l’état et compte tenu de l’octroi de dérogation selon l’art. 14 RPUS, les décisions entreprises sont ainsi conformes au droit.

40.         Enfin, la recourante soutient que le département aurait commis un abus négatif de son pouvoir d’appréciation en omettant d’exiger des requérantes de fournir l’étude de statique des bâtiments en cause.

41.         La LCI vise en premier lieu à protéger l’intérêt public à ce que soient élevées sur le territoire des constructions qui présentent certaines qualités, notamment en termes de conception, de solidité, d’aspect et de sécurité (ATA/561/2003 du 23 juillet 2003). Dans ce but, le législateur a prévu que les plans soient élaborés, visés et exécutés sous leur responsabilité par des professionnels dont les qualifications répondent à certains critères (art. 2 al. 3 LCI). Il en va de même de la direction des travaux (art. 6 LCI).

À teneur de l’art. 122 LCI, les propriétaires sont responsables, dans l’application de la présente loi et sous réserve des droits civils, de la sécurité et de la salubrité des constructions et installations. Ainsi, dans le système instauré par la LCI, la vérification relative à la stabilité et à la solidité des constructions n’est pas opérée par le département, cette problématique relevant exclusivement de la responsabilité des mandataires et des propriétaires. Ni la loi ni le règlement ne contiennent d’ailleurs de disposition à ce sujet.

42.         Il ressort de ce qui précède que le département n’avait pas à instruire la problématique liée à la solidité des immeubles sis ______[GE]. Il ne peut par conséquent lui être reproché d’avoir commis un abus de son pouvoir d’appréciation en ne requérant pas une étude de statique de ces bâtiments.

Au surplus, aucun élément concret, hormis une assertion d’un locataire, démontre un risque d’instabilité des immeubles susmentionnés. Le projet ayant été élaboré et porté par un MPQ, il peut être retenu que toutes les mesures nécessaires ont été et seraient prises concernant la stabilité des bâtiments. Le fait que des effondrements de constructions en béton aient eu lieu ces dernières décennies ne saurait en outre être déterminant, eu égard aux spécificités de chaque construction et en l’absence d’éléments laissant à penser que le cas de tels immeubles constituerait un précédent pour d’autres immeubles, dont ceux en cause, ce qui n’a nullement été démontré. Enfin, il sied de relever que toutes les instances de préavis consultées se sont déclarées favorable au projet, à l’exception de la ville pour un motif ne concernant toutefois pas la stabilité des immeubles en cause mais la hauteur des vides d’étages, de sorte que le tribunal, qui doit observer une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, doit dans ces conditions retenir qu’en suivant les préavis favorables des autorités techniques consultatives, le département n’a pas fait un usage excessif ou abusif de son pouvoir d’appréciation.

Ce grief sera donc rejeté.

43.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

44.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1’200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

45.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’600.-, à la charge de la recourante, sera allouée aux quatre sociétés propriétaires, à teneur d’un quart chacune (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 9 janvier 2023 par A______ en tant qu’il est dirigé contre la décision M 5______ du département du territoire du ______ 2022 ;

2.             le déclare recevable contre les décisions DD 6______ et 7______ du département du territoire du ______ 2022 ;

3.             le rejette ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’200.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais ;

5.             condamne la recourante à verser à B______ SA, C______ SA, SI D______ SA et E______ SA une indemnité de procédure de CHF 1’600.-, à teneur d’un quart chacune ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, François HILTBRAND, Jean-Michel KARR, Diane SCHASCA et Romaine ZÜRCHER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière