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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2870/2022

ATA/55/2023 du 18.01.2023 ( PRISON ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2870/2022-PRISON ATA/55/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 janvier 2023

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ B______



EN FAIT

1) M. A______ est détenu à l’Établissement fermé B______ (ci-après : B______) depuis le 17 novembre 2021, dans le cadre d’une exécution anticipée de peine et de mesure.

2) M. A______ a été successivement affecté aux ateliers buanderie et polymécanique, au terme de contrats de prestations rappelant l’obligation de travailler dont est assortie l’incarcération à B______ ainsi que les sanctions dont sont passibles les violations du contrat, telles qu’un retour immédiat en cellule, la prise des repas en cellule ou encore la suppression des activités de sports et de loisirs durant la journée.

3) Depuis son entrée à B______, M. A______ a fait l’objet de neuf sanctions disciplinaires :

-          les 20 décembre 2021, 27 janvier et 4 février 2022, il a été sanctionné de respectivement un, deux et sept jours de suppression des activités, soit les formations, le sport et les repas en commun, pour refus de travailler ;

-          le 4 mars 2022, il a été sanctionné de deux jours de suppression des activités, soit les formations, le sport et les repas en commun, pour comportement inadéquat, non-respect du règlement, en atelier, trouble de l’ordre ou de la tranquillité dans l’établissement ou les environs immédiats et d’une façon générale pour avoir adopté un comportement contraire au but de l’établissement ;

-          le 15 mars 2022, il a été sanctionné de quinze jours de suppression des activités, soit les formations, le sport et les repas en commun, pour vol ou tentative de vol, comportement inapproprié, trouble de l’ordre ou de la tranquillité dans l’établissement et pour avoir adopté un comportement contraire au but de l’établissement ;

-          le 30 mars 2022, il a été sanctionné de quinze jours de suppression des activités, soit les formations, le sport et les repas en commun, pour comportement inadéquat, non-respect du règlement en atelier, trouble de l’ordre ou de la tranquillité dans l’établissement ou les environs immédiats et, d’une façon générale, pour avoir adopté un comportement contraire au but de l’établissement ;

-          le 25 juin 2022, il a été sanctionné de cinq jours de suppression des activités, soit les formations, le sport et les repas en commun, pour insultes, menaces verbales envers un codétenu, avoir exercé une violence physique ou verbale sur un codétenu, avoir adopté un comportement contraire au but de l’établissement et trouble de l’ordre ou la tranquillité dans l’établissement ou les environs immédiats ;

-          le 28 juillet 2022, il a été sanctionné d’un avertissement pour avoir adopté, d’une façon générale, un comportement contraire au but de l’établissement ;

-          le 5 septembre 2022, il a été sanctionné d’un jour de suppression des activités, soit les formations, le sport et les repas en commun, pour refus de travailler.

4) a. Selon un rapport d’incident du 24 août 2022, un employé du bâtiment F venu à 14h00 ce jour-là reprendre possession de son vélo, qu’il avait laissé, avec l’accord du responsable, à l’atelier de polymécanique pour régler le dérailleur, a retrouvé
celui-ci vandalisé : la roue avant avait été voilée et les suspensions vidées de leur air comprimé.

Le visionnement des images de vidéo-surveillance a révélé que vers 12h40 M. A______ et un autre détenu avaient donné plusieurs coups de pied dans le vélo. M. A______ avait ensuite dévissé la valve d’air à suspension pendant que l’autre détenu faisait des mimiques devant la caméra de surveillance.

M. A______ a été placé en cellule forte à 16h10.

Après avoir refusé d’en sortir pour être entendu, M. A______ s’est vu notifier oralement le même jour à 17h00, par la gardienne-cheffe adjointe, une sanction de mise en cellule forte et de suppression de toutes les activités, y compris les visites, les sports, les formations, les loisirs et les repas en commun, pour une durée de trois jours, soit du 24 août 2022 à 16h10 au 27 août 2022 à 16h10, une promenade d’une durée quotidienne d’une heure étant maintenue, pour détérioration intentionnelle de matériel dans les ateliers, trouble de l’ordre ou la tranquillité dans l’établissement ou les environs immédiats et, de façon générale, adopter un comportement contraire au but de l’établissement. Il a refusé de signer la notification de la sanction.

L’autre détenu a fait l’objet, le même jour, de la même sanction.

b. Selon un rapport d’incident du 7 septembre 2022, vers 17h31, lors de la remontée de la promenade des secteurs 5300 et 6300, un agent de détention a constaté avec un collègue qu’il y avait des flaques d’eau dans la cage d’escalier entre les 2ème et 3ème étages. Arrivé en haut, il avait remarqué que M. A______ riait en le regardant.

Le visionnement des images de vidéo-surveillance a révélé que M. A______ avait versé de l’eau dans les escaliers vers 17h31.

Sur instructions de sa hiérarchie, l’agent de détention a enfermé M. A______ dans sa cellule. Ce dernier lui a affirmé qu’il ne voulait pas voir le gardien-chef, ajoutant : « S’il vient, je vais l’insulter. Je m’en bats les couilles, tu peux même lui dire ».

Après avoir refusé de sortir de sa cellule pour être entendu, M. A______ s’est vu notifier le même jour à 18h40 une sanction de suppression des activités de sports, de formations, de loisirs et de repas en commun, pour une durée de cinq jours, soit du 7 septembre 2022 à 17h38 au 12 septembre 2022 à 17h38, une promenade d’une durée quotidienne d’une heure étant maintenue avec possibilité de téléphone, pour comportement inadéquat, trouble de l’ordre ou de la tranquillité dans l’établissement ou les environs immédiats et, d’une façon générale, adopter un comportement contraire au but de l’établissement. Il a refusé de signer la notification de la sanction.

c. Selon un rapport d’incident du 7 septembre 2022, à 18h00, comme un agent de détention était venu chercher M. A______ dans sa cellule pour qu’il soit entendu, ce dernier a refusé par deux fois de le suivre, indiquant qu’il ne voulait pas voir le sous-chef.

M. A______ s’est vu notifier le même jour à 18h40 une sanction de suppression des activités de formations, de sports, de loisirs et de repas en commun, pour une durée de cinq jours, soit du 12 septembre 2022 à 17h38 au 17 septembre 2022 à 17h38, une promenade d’une durée quotidienne d’une heure étant maintenue avec possibilité de téléphone, pour refus d’obtempérer, adopter un comportement contraire au but de l’établissement et trouble de l’ordre ou de la tranquillité dans l’établissement ou les environs immédiats. Il a refusé de signer la notification de la sanction.

5) Par acte remis à la poste le 9 septembre 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ces trois sanctions, concluant à leur annulation, et à ce qu’on lui restitue « son argent ».

Il était employé à l’atelier de polymécanique pour démonter des vélos usagés, couper des cadres ou réparer des vélos devant ensuite être vendus, pour le compte d’une association qui récolte de l’argent à des fins humanitaires en Afrique, selon ce qui lui avait été dit. Or, beaucoup de gardiens venaient changer des pièces ou faire réparer leur vélo gratuitement et avec son codétenu, ils en avaient assez car ils trouvaient cela injuste.

Ses affaires avaient été déplacées à son retour. On lui avait facturé CHF 30.- le nettoyage, alors qu’il aurait pu le faire lui-même à la sortie du « cachot », et on lui avait facturé CHF 125.- un « téléviseur de cellule » alors qu’il n’avait pas fait le contrôle de cellule de sortie.

Il avait expliqué à un chef qu’il avait jeté de l’eau dans les escaliers pour embêter un codétenu. Il avait ensuite expliqué qu’il ne voulait pas sortir pour voir le chef car il ne trouvait pas normal d’être sanctionné « pour un peu d’eau sur les marches ». Apprenant qu’il serait sanctionné de cinq jours supplémentaires, il s’était énervé et avait mis de la musique et répété les paroles d’une chanson comportant des insultes. Le surveillant chef était entré dans sa cellule pour lui demander qui il insultait ainsi. Il avait répondu qu’il chantait les paroles de la chanson. Le surveillant-chef lui avait alors dit qu’il avait avantage à arrêter de dire « fils de pute ». Comme il ne répondait pas, il lui avait demandé s’il avait compris. Il lui avait répondu qu’il avait le droit de se taire. Le surveillant chef avait alors coupé l’électricité, qui n’était toujours pas rétablie.

Il souhaitait justice et dédommagement pour l’acharnement contre lui.

6) Le 11 octobre 2022, B______ a reconsidéré et annulé la troisième sanction, du 7 septembre 2022 et versé la rémunération sur le compte de M. A______

7) Le 12 octobre 2022, B______ a conclu au rejet du recours, à l’irrecevabilité des conclusions pécuniaires et au constat que le recours contre la troisième sanction était sans objet.

Les faits étaient établis et M. A______ avait eu l’occasion de se déterminer avant la prise de sanctions, ce qu’il n’avait pas fait.

Les deux sanctions encore objet du litige étaient fondées, poursuivaient un intérêt public et étaient proportionnées.

8) M. A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti au 14 novembre 2022.

9) Le 18 novembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

Bien que la sanction ait été exécuté, le recourant conserve un intérêt actuel à l’examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu’il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire ou de demande de libération conditionnelle (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/50/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2 ; ATA/719/2021 du 6 juillet 2021 consid. 1).

b. En l’espèce, B______ n’indique pas que le recourant, qui a subi les sanctions, aurait recouvré la liberté. Une situation identique pourrait se reproduire dans le futur et les sanctions querellées pourraient être considérées comme des antécédents. Le recourant a donc un intérêt concret à ce que le litige soit tranché.

Le recours est recevable.

3) Le recours a pour objet les trois sanctions disciplinaires prononcées. La troisième sanction a été annulée plus d’un mois après avoir été prononcée. Elle prévoyait d’être exécutée du 12 septembre 2022 à 17h38 au 17 septembre 2022 à 17h38, et B______ n’indique pas qu’elle n’aurait pas été exécutée à ces dates. Le recourant, qui l’a subie, conserve donc un intérêt à faire examiner son bien-fondé.

Les conclusions portant sur la restitution de sommes d’argent sont exorbitantes à l’objet du litige, aucune des sanctions ne se prononçant à leur sujet. Elles sont partant irrecevables.

4) Dans un premier grief de nature formelle, le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu.

a. Tel que garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, le droit d'être comprend le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 133 I 270 consid. 3.1 ; 132 II 485 consid. 3.2).

b. Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). La jurisprudence de la chambre de céans admet qu'en cas d'incident nécessitant une sanction se produisant après les horaires ordinaires d'activité de la prison, soit après 18h00, l'exercice du droit d'être entendu puisse s'exercer de manière un peu différée, soit en particulier le lendemain matin à la première heure, ceci en raison des besoins du service, notamment dans les cas où l'autorité décisionnaire est le directeur ou un autre membre gradé du personnel, dont le nombre est restreint dès le soir, ou en cas d’urgence (ATA/318/2020 du 31 mars 2020 consid. 4b ; ATA/1846/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3c ; ATA/1597/2019 du 29 octobre 2019 consid. 2b ; ATA/500/2017 du 2 mai 2017 consid. 6a).

c. En l’espèce, le recourant ne conteste pas s’être vu offrir l’occasion de s’exprimer puis s’être vu notifier oralement la sanction et avoir refusé d’en accuser réception par sa signature.

Il se plaint de n’avoir pas reçu copie de la sanction écrite. Celle-ci lui a toutefois été notifiée oralement, et s’il n’a pas obtenu de copie écrite, c’est parce qu’il a refusé d’en accuser réception, ce qu’il ne conteste pas.

Il ressort par ailleurs de son recours qu’il a compris tant les agissements reprochés, soit les motifs, que la nature et la quotité de la sanction.

Par ailleurs, le recourant s’est vu offrir l’occasion, devant la chambre de céans, d’examiner les arguments et les pièces produites par l’intimé. Ainsi, quand bien même une violation de son droit d’être entendu aurait dû être admise, celle-ci aurait été réparée dans la procédure de recours.

Le grief sera écarté.

5) Le recourant conteste les sanctions prononcées à son endroit.

a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification résidant dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, pp. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute (ATA/719/2021 du 6 juillet 2021 ; ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

b. Les personnes détenues ont l'obligation de respecter les dispositions du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d'exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention, ainsi que les ordres du directeur de l'établissement et du personnel pénitentiaire (art. 42 REPSD).

c. Selon l'art. 44 let. j REPSD, il est interdit, d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement.

d. Aux termes de l'art. 46 REPSD, si une personne détenue enfreint le REPSD ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (al. 1). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (al. 2).

Selon l'art. 46 al. 3 REPSD, le directeur de l'établissement et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer : un avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b) ; l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) ; les arrêts pour dix jours au plus (let. d). À teneur de l'art. 46 al. 7 REPSD, le directeur de l'établissement peut déléguer la compétence de prononcer ces sanctions prévues à d'autres membres du personnel gradé de l'établissement. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service.

e. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/719/2021 précité ; ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/36/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018).

f. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

g. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/383/2021 du 30 mars 2021 consid. 4e ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c).

6) a. En l'espèce, s’agissant de la première sanction, le recourant ne conteste pas avoir endommagé le vélo. Les images de vidéosurveillance le montrent avec son comparse donnant chacun à son tour un coup de pied dans la roue avant du vélo entre les secondes 40 et 45 de l’enregistrement puis s’éloigner avec le sourire. Le second extrait le montre revenant et assénant un nouveau coup de pied dans la roue avant l’arrivée d’une troisième personne. Sur le troisième extrait produit par B______, on voit son comparse agiter les bras devant la caméra de vidéosurveillance pendant qu’il manipule la suspension pneumatique centrale du vélo. Le recourant ne conteste pas non plus la qualification de ses comportements. Il ne conteste pas avoir violé ses obligations de détenu.

Il fait valoir son sentiment d’injustice face aux privilèges indus dont bénéficierait le personnel de surveillance et d’encadrement. Or, d’éventuels dysfonctionnements peuvent être signalés par les détenus à la hiérarchie, au Ministère public ou à la Cour des Comptes, selon leur nature, mais ne permettent en aucun cas de justifier des déprédations.

Le prononcé d’une sanction était donc justifié.

Le recourant ne conteste ni la nature ni la quotité de la sanction. Le placement en cellule forte constitue la sanction la plus sévère mentionnée à l'art. 46 al. 3 let. d REPSD. La chambre de céans a confirmé des sanctions de trois jours de cellule forte pour la casse d’une petite assiette, des écritures sur le mur de la cellule, le fait de fumer deux cigarettes alors que cela est interdit – et que le détenu avait été enjoint d’éteindre la première –, des salissures sur le sol de sa cellule, la déchirure de la décision de notification de sanction et des insultes accompagnées d’une attitude provocante (ATA/1483/2019 du 8 octobre 2019), ou encore pour avoir mis le feu à un petit papier aux toilettes pour lutter contre les mauvaises odeurs et avoir injurié le personnel (ATA/136/2019 du 12 février 2019).

En l’espèce, la chambre de céans observera que compte tenu de la gravité des agissements, de leur caractère gratuit, intentionnel et répété, de l’atteinte portée au patrimoine d’un employé, des antécédents du recourant, et enfin du comportement passablement effronté du recourant, qui semble avoir eu conscience que ses agissements et la satisfaction qu’ils lui procuraient étaient filmés, l’autorité était fondée à la sanctionner avec sévérité. La sanction apparaît adéquate s’agissant d’obtenir du recourant qu’il se conforme à l’attitude qu’on est en droit d’attendre de lui en détention. Elle est proportionnée à sa faute.

b. S’agissant de la seconde sanction, le recourant ne conteste pas avoir versé de l’eau dans les escaliers. Les images de vidéosurveillance le montrent, dès la seconde 04, dévisser le bouchon d’une bouteille plastique alors qu’il monte l’escalier puis verser son contenu sur deux volées de marches successives (secondes 05 à 13) en affichant un grand sourire. Le recourant ne conteste ni la qualification de ses comportements, ni la violation de ses obligations de détenu.

Il fait valoir qu’il voulait « embêter » un autre détenu. Cette explication ne justifie pas son comportement. Si le recourant suggère par là qu’il voulait provoquer une glissade dans les escaliers, l’intention de nuire voire de causer un dommage pourrait rendre son geste encore plus blâmable. Cela étant, le simple fait de répandre de l’eau et de créer un danger doublé d’un inconvénient en termes de nettoyage constitue déjà une violation sérieuse de ses obligations de détenu de ne pas troubler l’ordre de l’établissement.

Le prononcé d'une sanction était donc justifié.

Le recourant ne conteste ni la nature ni la quotité de la sanction. Celle-ci apparaît proportionnée compte tenu de la gravité de sa faute et de ses antécédents et compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont dispose l’autorité en matière de sanctions, étant observé que le recourant avait été sanctionné un peu plus de deux semaines auparavant.

c. S’agissant de la troisième sanction, du 7 septembre 2022 à 18h40, de suppression des activités de formations, de sports, de loisirs et de repas en commun, pour une durée de cinq jours, soit du 12 septembre 2022 à 17h38 au 17 septembre 2022 à 17h38, B______ l’a annulée après reconsidération, sans indiquer les motifs de l’annulation.

La sanction ayant cependant été exécutée, son illiciéité sera constatée, dans la mesure où l’annulation ne l’aurait pas déjà réparée.

Le recours sera ainsi très partiellement admis.

7) La procédure est gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Le recourant conclut à un dédommagement, mais ne soutient pas avoir exposé des frais de défense de sorte qu’il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 9 septembre 2022 par M. A______ contre les décisions de l’Établissement fermé B______ des 24 août et 7 septembre 2022 ;

constate le caractère illicite de la sanction du 7 septembre 2022 à 18h40 de suppression des activités de formations, de sports, de loisirs et de repas en commun, pour une durée de cinq jours, au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______ ainsi qu'à l'Établissement fermé B______.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :