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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1408/2020

ATA/1299/2022 du 20.12.2022 sur JTAPI/656/2021 ( ICCIFD ) , ADMIS

Recours TF déposé le 03.02.2023, rendu le 22.12.2023, REJETE, 9C_124/2023
Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;CONDITION DE RECEVABILITÉ;COMPÉTENCE;CONCLUSIONS;OBJET DU LITIGE;NOUVEAU MOYEN DE DROIT;NOUVEAU MOYEN DE FAIT;MAXIME INQUISITOIRE;DEVOIR DE COLLABORER;LIBRE APPRÉCIATION DES PREUVES;SECRET FISCAL;TRADUCTION;ÉTAT CIVIL;JUGEMENT DE DIVORCE;RECONNAISSANCE DE LA DÉCISION;DÉCISION ÉTRANGÈRE;ORDRE PUBLIC(EN GÉNÉRAL);RÉSERVE DE L'ORDRE PUBLIC;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;ABUS DE DROIT;FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LPFisc.4.al1; ROAC.3.al1.letc.ch7; LPFisc.2.al2; LPA.9.al3; LPA.68; LPA.19; LPA.20; LPA.22; LPA.24; Cst-GE.5.al1; LIFD.110; LHID.39; LPFisc.12; LIFD.13.al1; LIPP.12.al2; LDIP.29.al3; LDIP.65.al1; LDIP.27.al1; Cst.9; Cst.5.al3; Cst.29.al1; LPA.88; CLAPE.1.leta; CLAPE.2; CLAPE.3
Résumé : Griefs relatifs à la recevabilité du recours, des nouveaux moyens de droit et de preuve, ainsi qu’à la violation du secret fiscal, écartés. Au fond, la reconnaissance d’un jugement de divorce étranger – différente de l’exequatur de celui-ci – doit être examinée préalablement pour déterminer si une procédure d’ouverture de scission ou de séparation des soldes d’impôts doit être ouverte. In casu, les circonstances permettent de remettre en question la réelle et commune intention des parties de divorcer, de sorte que le jugement de divorce en question est contraire à l’ordre public suisse. Les intimés ont commis un abus de droit afin de mettre un terme à leur solidarité et d’obtenir une situation à leur avantage. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1408/2020-ICCIFD ATA/1299/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2022

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame A______et Monsieur B______
représentés par Me Michel Cabaj, avocat, et Monsieur Thierry Ador, mandataire

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 juin 2021 (JTAPI/656/2021)


EN FAIT

1. Madame A______et Monsieur B______, ressortissants indonésiens, ont été domiciliés dans le canton de Genève de septembre 1998 à avril 2006. Après leur départ, ils sont restés assujettis de manière limitée à l'impôt en raison d'un bien immobilier situé sur la commune C______, pour lequel la contribuable est inscrite comme propriétaire au registre foncier (ci‑après : RF).

2. a. À la suite d'une procédure d'enquête menée par la division affaires pénales et enquêtes de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH), des bordereaux de rappels d'impôts et d'amendes ont été émis pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2000 à 2005 ainsi que l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2001 à 2005. Ceux-ci sont entrés en force à la suite des arrêts de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 24 novembre 2015 (ATA/1261/2015) et du Tribunal fédéral du 24 novembre 2016 (2C_32/2016 et 2C_33/2016).

b. Pour les périodes 2007 à 2014, les bordereaux émis par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) ont été confirmés de manière définitive par arrêt de la chambre administrative du 5 mars 2019 (ATA/223/2019).

c. L'AFC-GE se prévaut également de bordereaux pour les périodes 2015 et 2016 et invoque un total d'impôts dus par les contribuables très important, pour lequel des procédures de séquestre et de poursuites sont en cours.

En particulier, depuis le 12 avril 2010, un séquestre porte sur la propriété C______ précitée.

3. a. Le 18 octobre 2017, les contribuables ont demandé à l'AFC-GE de procéder à une répartition des impôts dus entre les époux en raison de leur insolvabilité.

b. À la suite d'une relance par courrier recommandé du 18 janvier 2018 des contribuables, l'AFC-GE a rejeté cette requête par décision du 8 février 2018, confirmée sur réclamation par décision du 13 novembre 2018.

c. Par jugement du 24 juin 2019 (JTAPI/576/2019), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours des contribuables contre cette décision.

Ces derniers avaient alors invoqué à titre complémentaire leur séparation de fait et avoir engagé une procédure de divorce. Ces éléments devaient être considérés comme un motif supplémentaire présidant à la répartition des éléments imposables entre eux.

d. Par arrêt du 23 juin 2020 (ATA/617/2020), confirmé par le Tribunal fédéral par arrêt du 22 janvier 2021 (2C_668/2020), la chambre administrative a rejeté le recours des contribuables contre le jugement précité. Seuls des points sur lesquels avait statué le TAPI, soit l'insolvabilité des contribuables à l'exclusion des autres moyens, pouvaient lui être soumis. La preuve d’une situation d’insolvabilité durable n’avait pas été apportée.

4. En parallèle, par courrier du 29 juillet 2019, les contribuables ont fait part à l’AFC-GE de leur séparation de fait en demandant formellement l’ouverture de la procédure de répartition des éléments imposables entre eux.

À cette fin, ils remettaient notamment une copie de leur convention de vie séparée (« separate living agreement ») du 24 juillet 2019, en langues indonésienne et anglaise, ainsi qu’une traduction libre partielle en français. Selon lesdits documents, les contribuables vivaient séparément depuis le 30 juin 2018. Chacun assumait ses propres dettes, passées, présentes et futures. B______conservait le domicile conjugal, tandis que A______logeait dans leur résidence secondaire à D______. B______continuerait de participer activement, financièrement et personnellement, à deux fondations de charité. Les contribuables s’engageaient également à participer aux événements familiaux importants et à ne pas interférer dans leurs activités professionnelles respectives.

5. Par courrier du 30 septembre 2019, les contribuables ont apporté plusieurs précisions à l’AFC-GE – à la demande de celle-ci – concernant leur séparation de fait. En particulier, une requête en divorce avait été déposée le 23 septembre 2019. Ils produisaient leurs certificats de domicile respectifs, ainsi qu’un article de presse mentionnant les circonstances personnelles de leur séparation en raison d’un adultère de B______.

6. Par courrier recommandé du 10 janvier 2020, les contribuables ont derechef requis de l'AFC-GE l’ouverture d’une procédure de répartition des éléments imposables en raison de leur divorce prononcé en Indonésie le 2 décembre 2019, produisant en annexe à leur courrier une copie de ce jugement, sa traduction en anglais par un traducteur-juré indonésien et sa traduction libre et partielle en français. Ledit jugement était entré en force le 17 décembre 2019. Si l’AFC-GE devait avoir des exigences de forme particulières quant aux traductions fournies, ils offraient d’y souscrire, en précisant qu’il n’existait pas de traducteur-juré de l’indonésien vers le français inscrit à l’État de Genève.

7. À la demande de l'AFC-GE, le jugement de divorce original et sa traduction anglaise jurée ont été déposés au greffe de la chambre administrative le 31 janvier 2020, pour consultation avant restitution aux contribuables. À cette occasion, ces derniers avaient également produit une traduction en français établie par un traducteur-juré genevois de la traduction en anglais.

8. Par décision du 21 février 2020, l'AFC-GE a rejeté la requête en ouverture d’une procédure de répartition des éléments imposables, estimant que la séparation n'avait pas été démontrée.

9. Le 25 mars 2020, les contribuables ont élevé réclamation contre cette décision.

L'AFC-GE ne mentionnait que la séparation et non le divorce, alors que celui‑ci avait été démontré par les pièces produites. Les traductions du jugement de divorce produites répondaient aux règles de procédure administrative. Exiger une traduction supplémentaire relevait du formalisme excessif.

Il n'était pas nécessaire que le jugement de divorce fasse l'objet d'une décision d'exequatur en Suisse. Il n'y avait aucune contradiction avec l'ordre public suisse, ni de nécessité d'authentifier ou de légaliser ce jugement.

10. Par décision du 9 avril 2020, l'AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu son refus de procéder à la scission des impôts dus par les contribuables.

Vu les éléments du dossier, la séparation des époux n'était pas démontrée. Leur jugement de divorce n'avait pas été dûment légalisé. Les conseils des contribuables ne devaient pas ignorer qu'il leur appartenait de produire un document authentifié. Dès lors, le jugement produit était considéré comme « irrecevable ».

Certains termes du jugement de divorce avaient été modifiés par le traducteur‑juré en anglais. Ce document devait être traduit avec exactitude et intégrité de l'indonésien vers le français à partir d'une pièce originale ou d'une copie certifiée conforme dûment légalisée. Le jugement de divorce ne prévoyait rien sur la pension alimentaire, ni sur la liquidation du régime matrimonial, ni sur l'attribution du domicile conjugal. Il comportait des contradictions sur la date de la séparation, qui ne correspondait pas à la convention de séparation, à laquelle le jugement ne se référait même pas. Le fait que la contribuable ait été condamnée au paiement des frais constituait un indice de possible contrariété du jugement de divorce à l'ordre public suisse, de même que le délai de recours de quinze jours seulement. Ainsi, il n’était pas certain que son exequatur aurait été admis.

Malgré leur divorce, les contribuables continuaient à être représentés conjointement par les mêmes avocats en Suisse et à apparaître en couple tant sur le plan public que privé, en se référant notamment à des photographies publiées sur le compte Instagram de la fille des contribuables, ainsi qu’à un article publié le 10 janvier 2020 dans un magazine en ligne, dans lequel était commentée leur présence à l'occasion des fêtes de Noël.

11. Par acte daté du 14 mai 2020, les contribuables ont recouru auprès du TAPI contre la décision précitée, en concluant principalement à son annulation, à l’ouverture de la procédure de répartition des éléments imposables entre eux s’agissant des bordereaux d’impôts, rappels d’impôts et amendes relatifs aux périodes fiscales ICC 2000 à 2006 et IFD 2001 à 2006, « notamment en tenant compte de leur séparation de fait et/ou de leur divorce », et à la fixation d’un délai pour leur permettre de se déterminer sur ladite répartition.

Leur droit d'être entendus avait été violé. L'AFC-GE avait commis un déni de justice en omettant de statuer, par une décision incidente, sur la nécessité de légaliser et/ou reconnaître en Suisse leur jugement de divorce.

Vu les règles en matière de preuve et le pouvoir d'appréciation du juge, un exequatur de leur jugement de divorce en Suisse n’était pas nécessaire. Il n’était pas incompatible avec l'ordre public suisse, ayant été régulièrement notifié à l'avocat indonésien de A______. Un délai de recours de quinze jours n'empêchait pas la reconnaissance du jugement en Suisse, ni la prise en charge des frais de procédure. En l'absence d'enfants mineurs, il n'était pas insolite que le jugement de divorce ne se prononce pas sur les effets accessoires.

L'AFC-GE n'avait jamais demandé la légalisation de leur jugement de divorce, de sorte que l'exigence de celle-ci relevait du formalisme excessif. La traduction n'était requise que si elle était nécessaire, le dispositif du jugement de divorce étant sans équivoque s'agissant du prononcé de la dissolution du mariage. Il n'existait pas à Genève de traducteur-juré de l'indonésien en français.

12. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours, en maintenant sa position.

L'Indonésie n'ayant pas ratifié de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers (Convention Apostille - RS 0.172.030.4), la légalisation du jugement de divorce devait être effectuée par la représentation suisse compétente sur présentation des documents originaux, démarche qui n'avait pas été accomplie. Les contribuables, dûment représentés par des mandataires, ne pouvaient pas ignorer qu'il leur appartenait de produire un jugement authentifié.

Les pièces non traduites en français et celles traduites en français de manière libre et partielle d’origine non précisée étaient irrecevables. La traduction produite par un traducteur-juré genevois n'était pas conforme, puisqu'elle n'avait pas été effectuée à partir de la langue originale du jugement de divorce.

En référence aux photographies citées dans la décision sur réclamation et à une vidéo produite sur une clef USB en lien avec l'article de presse du 10 janvier 2020, un portrait du recourant, paru dans un article du 9 juillet 2020, laissait entendre qu'il était toujours marié. S’agissant d’un personnage public disposant d'une grande influence, les exigences strictes de preuve liées à des faits survenus à l'étranger n’étaient pas réunies, si bien que l'existence d'un divorce n'avait pas été démontrée.

Les contribuables usaient d'une stratégie dilatoire constitutive d'abus de droit.

13. Les contribuables ont répliqué, en reprenant leurs précédents développements.

Le fait que la convention de séparation n'ait pas été versée à la procédure de divorce avait pour but d'éviter de l'envenimer ou de la complexifier inutilement. Les apparitions en public des ex-époux après leur séparation, voire leur divorce, devaient être considérées comme des relations de convenance, pour préserver l'image médiatique compte tenu de la notoriété du traditionalisme de la société indonésienne.

Le bien immobilier situé à C______ était au seul nom de la contribuable. Le fait que les déclarations des années 2007 à 2009, retournées en tant que contribuables hors canton, aient été préparées de manière succincte en indiquant B______comme propriétaire n'était pas déterminant.

14. L'AFC-GE a dupliqué en relevant que, dans leurs précédentes écritures, les contribuables admettaient deux erreurs de plume contenues dans le jugement de divorce par l'usage des termes « musulmane » au lieu de « chrétienne » et de « demanderesse » au lieu « défendeur ». Ces observations permettaient de lever le grief de formalisme excessif lorsqu'elle exigeait qu'un document légalisé soit produit.

15. Les contribuables ont derechef maintenu leur position.

16. Par jugement du 21 juin 2021, le TAPI a admis le recours, en renvoyant le dossier à l’AFC-GE pour nouvelles décisions au sens des considérants.

L’AFC-GE, qui avait eu l’occasion de consulter la copie du jugement de divorce et les traductions-jurées y relatives en anglais et en français, n’avait ni allégué, ni démontré ou offert de démontrer qu’il s’agirait de documents faux ou falsifiés. Le TAPI n’étant pas compétent pour prononcer l’exequatur d’un jugement civil, la conclusion préalable des contribuables était irrecevable. L’AFC-GE ne pouvait pas non plus se baser sur les exigences formelles en matière d’exequatur pour exiger la production d’un document authentifié. Si les écritures des parties devaient impérativement être rédigées en français, tel n’était pas le cas des pièces versées à la procédure qui, dans la pratique du TAPI, étaient admises sans traduction s’il s’agissait d’une langue nationale ou de l’anglais. Aucune des divergences relevées par l’AFC-GE entre le jugement de divorce et les traductions produites ne concernait un de ses points essentiels. Les contribuables ayant démontré à satisfaction de droit que leur divorce avait été valablement prononcé et était entré en force. La solidarité des contribuables avait donc pris fin pour tous les soldes d’impôts encore dus. Il n’était plus nécessaire d’examiner plus avant s’ils avaient continué à entretenir ou non des relations personnelles, voire une vie commune après le prononcé de leur divorce.

L’AFC-GE n’avait pas apporté d’éléments suffisants permettant de retenir que le divorce des contribuables avait été prononcé pour des raisons fiscales. Le seul fait que les contribuables eussent continuer à apparaître ensemble publiquement ou dans un cadre familial ne suffisait pas à conclure que leur divorce était fictif. La fin de la solidarité fiscale entre les époux n’était qu’une conséquence de ce divorce, l’institution du mariage n’ayant pas pour but de protéger les intérêts du fisc mais relevant du droit privé. L’ouverture d’une procédure de scission ou de séparation des soldes d’impôts encore dus entre les époux était donc ordonnée.

17. Par acte du 29 juillet 2021, l’AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, en concluant à son annulation.

Le TAPI avait omis de manière arbitraire de procéder à la vérification de l’authentification du jugement de divorce et de la légalisation des sceaux et des signatures officiels, violé les dispositions légales concernant la traduction réalisée par un traducteur-juré genevois et les principes de langue officielle dans les échanges avec les instances, ainsi que considéré de manière arbitraire que ce jugement n’était pas contraire à l’ordre public suisse ni constitutif d’un abus de droit.

La reconnaissance d’un jugement civil était différente des exigences formelles d’authentification ou de légalisation d’actes publics étrangers, lesquelles devaient être instruites par l’autorité chargée de se déterminer sur les conséquences, fiscales in casu, d’un tel acte public étranger. Les contribuables auxquels incombait le fardeau de la preuve d’un jugement de divorce indonésien authentifié, puisqu’ils entendaient en tirer un avantage non négligeable consistant à échapper au paiement d’une créance d'impôt dûment constatée par le Tribunal fédéral, n’avaient pas fourni ces éléments au TAPI. Ce dernier aurait dû les solliciter ou rejeter le recours pour défaut de preuve.

La traduction du jugement de divorce effectuée de l’anglais vers le français à partir d’une traduction effectuée en Indonésie ne pouvait être certifiée conforme ni mise au bénéfice de l’officialité du sceau que le traducteur-juré avait apposé sur la traduction française. La renonciation aux exigences légales formelles qui prévalaient en Suisse pour l’authentification d’actes publics étrangers aboutirait à la conséquence qu’elle ne serait plus en mesure de vérifier le contenu des documents étrangers qui lui étaient soumis de manière fiable, au risque de prendre des décisions fausses, au mépris des principes de la légalité et de l’égalité de traitement. Le fait que la famille des contribuables était très influente sur le plan politique et économique en Indonésie rendait d’autant plus important le respect des règles formelles. Vu la jurisprudence fédérale et cantonale, si les documents en anglais ne devaient pas être traduits, ils devaient être écartés de la procédure.

Pour les motifs exposés précédemment, le jugement de divorce était contraire à l’ordre public suisse. Les contribuables n’avaient pas allégué la séparation du couple au 30 juin 2018 dans leurs échanges subséquents avec l’AFC-GE, invoquant uniquement leur insolvabilité. Cette manière de procéder montrait que le but était la scission des impôts encore dus, ce qui conduirait de facto à une diminution des montants finalement payés au vu des éléments séquestrés, qui appartenaient pour l’essentiel à la contribuable et qui n’atteignaient pas le montant de la facture entérinée par le Tribunal fédéral. Cette manière de procéder rallongeait la procédure et augmentait le risque de prescription du droit de percevoir les impôts des années fiscales litigieuses. Il était surprenant que le TAPI n’ait pas disposé, au moment du jugement, de la version originale du jugement de divorce, mais seulement d’une copie de celui-ci, ayant dû être réexpédié immédiatement « vu son utilité dans d’autres États et procédures ». Cette pratique inusuelle en Suisse interrogeait sur les réelles justifications qui avaient nécessité de retourner ce document original avec ses traductions originales de manière aussi précipitée. En se limitant à relever une « simple erreur de plume » dans le jugement de divorce, le TAPI méconnaissait le formalisme attaché à la rectification d’un jugement faite en bonne et due forme par un tribunal suisse. Il ne pouvait être considéré que le jugement de divorce avait d’autres effets que ceux dont les époux se prévalaient en Suisse à des fins fiscales exclusivement, vu le nombre de pièces versées à la procédure démontrant leur proximité. Conformément à la jurisprudence et à la doctrine, la conformité de la décision étrangère avec l’ordre public matériel s’examinait d’office et l’autorité devait se placer au moment où la reconnaissance ou l’exécution du jugement était requise.

La séparation de fait du 30 juin 2018 avait été alléguée le 24 juillet 2019, soit un mois après que le TAPI avait rejeté le grief de la prétendue insolvabilité des contribuables. Il n’était pas acceptable qu’il suffise à l’un des conjoints d’habiter dans l’une des maisons appartenant au couple, pour en déduire une séparation de fait et de scission d’impôts. L’ensemble des arguments et des documents produits par les contribuables pour attester de leur prétendue séparation devait être apprécié avec circonspection, ce d’autant plus qu’à l’inverse, un certain nombre de vidéos et de photographies recueillies sur Internet témoignaient du fait qu’ils s’affichaient publiquement comme un couple. Les documents indonésiens produits par les contribuables pour prouver leur domicile, ainsi que leurs traductions en anglais et en français, la requête en divorce, l’article de presse concernant l’adultère du contribuable, et la convention de séparation, n’étaient pas probants pour étayer une prétendue séparation puisque celle du 30 juin 2018 n’y figurait pas. La séparation de fait n’était pas prouvée et le divorce était abusif.

L’ensemble des éléments relatifs aux diverses procédures engagées à l’encontre des contribuables montrait que leur comportement était constitutif d’abus de droit manifeste, tant il était patent que leur divorce, respectivement la séparation invoquée, ne constituaient que l’ultime tentative de se soustraire au paiement des impôts définitivement dus. Même après avoir vu leurs créances fiscales être définitivement arrêtées par les instances judiciaires supérieures suisses, les contribuables avaient tenté de se prévaloir aussi bien d’arguments sur le plan de la procédure de recouvrement de cette créance fiscale, que par des arguments ayant trait au droit fiscal de fond. Leur comportement manifestement contraire au principe de la bonne foi était ressorti de différentes procédures qu’ils avaient menées jusqu’au Tribunal fédéral pour ce qui avait trait tant à la détermination de la créance fiscale qu'aux sûretés et séquestres requis sur leurs biens en Suisse et au recouvrement des créances fiscales. Nonobstant la situation très particulière des contribuables, disposant d’une fortune et de revenus ayant donné lieu à une créance fiscale très importante, pour les années litigieuses concernant les périodes de leur assujettissement illimité en Suisse de 1998 à 2006, ceux-ci pourraient ne pas devoir verser le moindre centime d’impôt en raison de leur séparation et de leur divorce. L’élément patrimonial principal leur appartenant, sous séquestre de l’État, consistait en un bien immobilier, inscrit au RF au nom de la contribuable. Ce bien ne pourrait donc être réalisé pour obtenir le paiement d’une créance fiscale qui était due dans une très forte proportion par le contribuable en raison de la fin de la solidarité fiscale, découlant de l’allégation d’une séparation et d’un divorce. Les contribuables, en présentant un jugement de divorce, qui n’avait été ni authentifié, ni déclaré conforme à l’ordre public suisse pourraient, en raison de la fin de la solidarité fiscale prévue par le droit suisse, être protégés contre tout paiement d’impôt.

Les éléments produits démontraient, du fait du comportement des contribuables, tant dans leur vie publique que privée, que ceux-ci formaient toujours un couple. Le jugement de divorce qu’ils avaient produit n’était pas muni du sceau officiel, ni conforme à l’ordre public suisse. Le fait d’invoquer l’institution juridique du divorce était constitutif d’un abus de droit. Le jugement de divorce produit par les contribuables ne permettait pas de considérer qu’il attestait du fait que ceux-ci n’étaient plus mariés. Malgré la notoriété de leur famille en Indonésie, aucune information sur le prétendu divorce n’avait été rendue publique. Selon la jurisprudence, en présence d’un complexe de faits reposant sur des relations internationales largement soustraites au contrôle des autorités nationales, la preuve des faits allégués devait reposer sur des exigences strictes. Le droit fiscal tenait compte du statut marital des contribuables dans la taxation. Si le mariage n’avait pas pour but de protéger les intérêts du fisc, le divorce ne devait pas permettre de se soustraire abusivement à sa responsabilité dans le paiement de l’impôt. En se limitant in casu à relever le caractère « automatique » des conséquences du divorce, le TAPI avait fait preuve d’arbitraire et méconnaissait l’interdiction de l’abus de droit.

18. L’AFC-CH a conclu à l’admission du recours, en se ralliant aux conclusions et aux développements de l’AFC-GE. Aucune extinction de la solidarité des contribuables ne pouvait être admise in casu.

La production du jugement de divorce s’avérait insolite dans les circonstances particulières du cas d’espèce. Un faisceau d’indices permettait de constater que les relations, personnelles et économiques, des contribuables étaient demeurées inchangées après le divorce dont ils se prévalaient. Le divorce des contribuables n’avait pas été mentionné publiquement en dépit de la notoriété de leur famille en Indonésie.

L’attitude des contribuables tout au long des procédures judiciaires intentées en Suisse s’avérait particulièrement révélatrice quant à la question de savoir si leur divorce avait été effectué dans le seul but de surseoir au paiement des impôts dus en Suisse. Ils avaient systématiquement fait usage de l’ensemble des voies de droit disponibles et épuisé toutes les instances judiciaires suisses afin de surseoir à leurs obligations fiscales, respectivement tenter d’y échapper. Le prétendu divorce des contribuables, s’il venait à être admis, conduirait à une notable économie d’impôt eu égard à la situation internationale particulière in casu, ainsi qu’au fait que les biens immobiliers séquestrés soient inscrits au RF uniquement au nom de la contribuable.

Les conditions de l’évasion fiscale étaient remplies, de sorte que le jugement de divorce ne pouvait être doté d’aucun effet en droit fiscal suisse.

19. Pour leur part, les contribuables ont conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Les pièces traduites de manière libre et partielle en français par l’AFC-GE et celles nouvellement produites par celle-ci par-devant la chambre administrative devaient être déclarées irrecevables.

Il appartenait à l’AFC-GE de demander à l’un des contribuables de produire une version légalisée de leur jugement de divorce et d’en indiquer les modalités, à savoir notamment si cette légalisation devait intervenir auprès de la représentation indonésienne en Suisse ou de la représentation suisse en Indonésie, ce qu’elle n’avait pas fait bien qu’ils s’étaient tenus à sa disposition pour y procéder. La recourante faisait preuve d’une attitude contradictoire, contraire à la bonne foi, ne leur ayant pas fait grief de n’avoir pas légalisé leur jugement de divorce dans sa décision de refus du 21 février 2020 tout en s’en plaignant uniquement devant la chambre administrative. L’AFC-GE omettait que, dans leur recours au TAPI du 14 mai 2020, les contribuables avaient conclu préalablement à l’exequatur de leur jugement de divorce en tant que de besoin. Dans le cadre de la procédure de réclamation, l’AFC-GE avait violé leur droit d’être entendus et son devoir d’instruction en faisant fi de leur séparation de fait et de leur divorce. L’ensemble des griefs soulevés lors de leur réclamation avaient été réitérés, en particulier s’agissant de l’absence de nécessité de traductions complémentaires, de légalisation, d’exequatur et de conformité à l’ordre public suisse quant à leur jugement de divorce, bien que cette condition fût remplie.

Ils avaient divorcé à la suite de la dégradation de leur couple compte tenu de leur situation financière difficile, et de la relation extraconjugale ayant conduit à la grossesse de l’assistante personnelle du contribuable. Leurs apparitions conjointes en public n’étaient pas déterminantes dès lors que leur divorce était prononcé et qu’elles étaient motivées, notamment, par leurs obligations familiales et les convictions religieuses de la contribuable.

Le recours était irrecevable faute de signature valable. Lesdites écritures avaient été signées par une personne non identifiable, excusant une collaboratrice de l’AFC-GE, titulaire du brevet d’avocat, mais non inscrite au registre cantonal des avocats. Elle ne pouvait ainsi pas avoir de stagiaire pour l’excuser.

La recourante ne se plaignait que sous l’angle restreint de l’arbitraire des prétendues irrégularités à la forme du jugement de divorce. Les éventuelles conclusions nouvelles de la recourante devaient être d’emblée écartées, notamment en lien avec une prétendue falsification dudit jugement. Les pièces nouvellement produites par la recourante devaient être écartées pour les mêmes motifs. La légalisation du jugement de divorce n’était pas nécessaire car celui-ci n’avait qu’une portée déclarative dans la présente procédure. La recourante ne pouvait se plaindre de l’absence de légalisation et exequatur, sous peine de commettre une violation de l’interdiction du formalisme excessif et de son devoir d’instruction. Elle ne pouvait se plaindre du fait que le TAPI n’avait pas fait procéder à la vérification de l’authenticité ou à la légalisation du jugement de divorce, dès lors qu’elle n’avait pas formulé de conclusion spécifique en ce sens.

Indépendamment de sa conformité à l’ordre public suisse, le jugement de divorce déployait plein effet dans la présente procédure puisqu’il n’y avait ici lieu que de constater le prononcé du divorce.

Cela étant, la notification du jugement de divorce à la contribuable n’était pas problématique, puisqu’elle était représentée par un avocat. Le fait que le délai de recours était de quinze jours n’était pas pertinent. Elle avait été condamnée aux frais de procédure car elle avait succombé sur demande reconventionnelle. En l’absence d’enfants mineurs ou à charge, et de conclusions d’une des parties à l’octroi d’une pension, le juge suisse du divorce ne statuerait pas plus à cet effet, la maxime de débats prévalant. Chaque ex-époux assumait ses propres frais et charges et disposait de ses propres biens. Ils n’avaient pas souhaité d’emblée faire mention de leur séparation du 30 juin 2018 afin de présenter un dossier solide consacrant une séparation durable. L’absence de mention de la convention de séparation dans le jugement de divorce n’était pas critiquable dès lors qu’il s’agissait d’un accord extrajudiciaire et que le règlement des effets accessoires n’avait pas à être prévu dans le jugement de divorce. La rectification de la confession de A______était sans incidence sur un jugement de divorce, qui avait vocation à trancher l’état civil des parties à la procédure et non leurs engagements religieux.

Le traducteur-juré genevois s’était basé sur l’original de la traduction jurée anglaise, de sorte qu’il avait satisfait à son obligation légale. La jurisprudence admettait que des pièces officielles en langue étrangère soient produites accompagnées d’une traduction libre et partielle en français ou en anglais. La recourante ne précisait pas les modalités précises de la traduction du jugement de divorce qu’elle souhaitait, compte tenu du fait qu’il n’y avait pas de traducteur-juré assermenté auprès de l’État de Genève de l’indonésien vers le français. Aucun grief ne pouvait être retenu à leur préjudice au titre des « erreurs de plume » contenues dans ces traductions, puisqu’il était notoire qu’il arrivait même aux tribunaux suisses d’en commettre, sans que celles-ci doivent être rectifiées en l’absence d’incidence sur le dispositif. Il apparaissait choquant et contraire aux règles essentielles d’un procès équitable que la recourante se plaigne d’un vice de forme relatif à ces traductions et qu’elle s’oppose en même temps à ce que la forme de la traduction qu’elle souhaiterait soit produite dans la présente procédure, alors qu’elle produisait de simples traductions effectuées sur Internet. Celles-ci ne pouvaient d’ailleurs être assimilées à une traduction libre et partielle compréhensible, de sorte qu’elles devaient être déclarées irrecevables. Il en allait de même des liens des vidéos Internet, dans la mesure où celles-ci ne revêtaient pas la force probante de documents officiels et s’agissant « d’extrapolations » de la recourante concernant les circonstances de ces apparitions contestées.

Il n’était pas incohérent qu’ils soient représentés par deux avocats, notamment depuis leur divorce, dès lors que même postérieurement à leur divorce, ils avaient pu souhaiter régler leurs questions patrimoniales encore en suspens de manière harmonieuse. Le moyen tiré de l’insolvabilité, de la séparation puis du divorce, était admissible tant que des montants d’impôts étaient encore dus et que les deniers n’avaient pas encore été distribués. Du fait que le litige était d’une importance pécuniaire importante, aucune pièce, quelle qu’elle soit, ne pouvait emporter la conviction de la recourante quant à leur séparation de fait ou à leur divorce. Aucun abus de droit ne pouvait être admis dans ces circonstances humainement naturelles, où il ne s’agissait pas d’un divorce de circonstances, mais bien d’un mariage de convenances.

La position de la recourante visant à rejeter systématiquement tout argument de leur part dûment établi par pièces et justifié, au motif de l’importance du montant réclamé, était contraire aux règles essentielles d’un procès équitable.

À l’appui de leurs écritures, ils produisaient plusieurs documents, dont un courrier à l’office des poursuites du 29 juillet 2021, par lequel la contribuable revendiquait la libération de tout séquestre des parcelles situées sur la commune C______ et le versement du solde de l’ensemble des comptes bancaires auparavant détenus conjointement avec le contribuable.

20. Le 19 novembre 2021, l’AFC-GE a répliqué en persistant dans ses conclusions et précédents développements.

Les intimés étaient à nouveau excessifs dans leurs propos, sans avancer aucun argument nouveau susceptible d’influer sur le sort du litige et sans produire de nouvelle pièce déterminante. L’emploi du terme « négationnisme » par les intimés dans leurs écritures n’était pas acceptable.

La signataire du recours, titulaire du brevet d’avocat et rattachée à la direction des affaires juridiques (ci-après : DAJ), laquelle fait partie de la direction générale de l’AFC-GE, était autorisée, en raison de sa fonction, à signer le recours. Les noms de la juriste signataire et de celle excusée figuraient en référence sur la première page du recours et le mandataire des contribuables, coutumier de l’AFC-GE, ne pouvait ignorer que la juriste signataire était une juriste expérimentée de la DAJ.

Elle produisait la liste des jugements rendus par le tribunal indonésien concerné en matière de divorce, entre les mois de septembre 2019 et mars 2020. Celui des intimés n’y figurait pas. La traductrice de l’indonésien vers le français figurant sur la liste des traducteurs du Pouvoir judiciaire avait attesté que le jugement de divorce ne se trouvait pas sur ces listes. C’était donc bien de manière arbitraire que le TAPI avait retenu que les contribuables avaient démontré à satisfaction de droit que leur divorce avait été valablement prononcé, sur la base d’un jugement de divorce dont les signatures et sceaux officiels n’avaient pas été légalisés.

Vu les incertitudes liées à l’existence même de ce jugement de divorce, elle avait déposé une demande d’entraide administrative auprès des autorités fédérales qui l’avaient transmise aux autorités indonésiennes, afin de savoir si les contribuables étaient imposés séparément ou conjointement pour les années 2019 et 2020.

Le fardeau de la preuve de la validité du jugement de divorce incombait aux contribuables, pas à elle. S’ils souhaitaient obtenir une traduction d’une personne garantissant une certaine fiabilité, les contribuables pouvaient soit s’adresser au Pouvoir judiciaire, soit interpeller l’Association suisse des traducteurs-jurés, soit directement prendre contact avec des associations étrangères.

Dans le cadre de la procédure concernant l’insolvabilité des contribuables, le Tribunal fédéral avait déjà relevé que les dispositions de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) « ne prévo[yaient] pas, quoi qu’il en soit, de maxime inquisitoire sociale, notion qui semble du reste relever du droit privé suisse » (arrêt du tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2020 consid. 3.1.2).

Était joint un chargé de pièces complémentaire, comprenant les pièces nos 203 à 206, soit :

-       la liste des jugements rendus entre les mois de septembre à décembre 2019 par le Tribunal de district de E______ en matière de divorce ;

-       la liste des jugements rendus entre les mois de janvier à mars 2020 par le Tribunal de district de E______ ;

-       une attestation du 8 novembre 2021 de Madame F______, traductrice de l’indonésien vers le français figurant sur la liste du Pouvoir judiciaire, indiquant que les listes précitées ne comportaient pas la cause avec la référence concernant les contribuables ;

-       une traduction des trois premières pages de la liste des jugements rendus en 2020 par le Tribunal de district de E______ en matière de divorce, intitulée « répertoire des verdicts Cour suprême de la République d’Indonésie ».

21. Le 10 décembre 2021, l’AFC-GE a informé avoir reçu la réponse à la demande d’entraide administrative transmise aux autorités indonésiennes. Au vu de celle-ci, elle demandait à ce qu’il soit ordonné aux contribuables de produire leurs déclarations fiscales indonésiennes 2019 et 2020, notamment les pages qui faisaient état de leur statut marital.

22. Le même jour, les contribuables ont dupliqué, en persistant dans leurs conclusions et précédents développements.

La scission des impôts ICC 2000 à 2006 et IFD 2001 à 2006 ne générait aucune économie d’impôt, le montant global restant dû, en étant réparti différemment entre eux. La théorie de l’évasion fiscale était inapplicable. Il ne s’agissait pas d’un divorce de circonstance, mais bien d’un mariage de convenance. Les appréciations de l’AFC-CH concernant leurs apparitions en public étaient sans pertinence, en l’absence de marge d’appréciation in casu, dès lors que leur divorce avait été prononcé et était entré en force. De nombreuses décisions des autorités fiscales et des tribunaux avaient corrigé les créances fiscales alléguées et réduit l’assiette de la plupart des séquestres. La question de leur assujettissement illimité aux impôts suisses s’était avérée particulièrement ténue, compte tenu des nombreux éléments plaidant en faveur du maintien du centre de leurs intérêts vitaux dans leur pays d’origine, s’agissant de contribuables qui auraient alternativement dus être imposés au forfait en Suisse.

23. L’AFC-CH a requis la production par les contribuables de leurs déclarations fiscales indonésiennes 2019 et 2020, ou leur autorisation à l’AFC-GE de les produire elle-même.

De nombreux éléments figurant au dossier mettaient en exergue le fait que l’unité économique et la vie commune des contribuables n’avaient pas été interrompues. La présente procédure devait être instruite de manière complète.

24. Sur demande du juge délégué, les contribuables ont produit une copie de leurs déclarations fiscales 2019 et 2020. Ils persistaient dans leurs conclusions, en les augmentant. Ainsi, ils concluaient en sus à l’irrecevabilité des observations de l’AFC-GE et de l’AFC-CH des 19 novembre, 10 décembre 2021 et 10 janvier 2022, ainsi que des pièces nos 203 à 206 produites. Préalablement, ils demandaient la production par l’AFC-GE de toute correspondance échangée avec Mme F______quant au mandat confié à celle-ci et l’audition de celle-ci, et qu’il soit ordonné à l’AFC-GE d’indiquer la date à laquelle elle avait requis l’entraide administrative avec les autorités indonésiennes.

Il était notoire que l’AFC-GE usait quasi systématiquement de l’ensemble des voies de droit disponibles lorsque les créances d’impôt étaient importantes. Cette approche violait le principe de l’égalité de traitement entre les contribuables. Les nombreuses redites et contradictions de l’AFC-GE dans ses écritures alourdissaient inutilement la procédure et rendaient très difficile leur compréhension par eux, de sorte qu’ils étaient empêchés de se déterminer, en violation de leur droit d’être entendus.

La traductrice à laquelle se référait l’AFC-GE ne figurait pas sur le registre des traducteurs-jurés assermentés auprès de l’État de Genève. Si le Pouvoir judiciaire était exceptionnellement autorisé à y faire appel, il n’en demeurait pas moins que, selon la jurisprudence, les parties étaient recevables à produire des traductions libres en français ou des pièces en anglais.

Outre l’absence de compétences juridiques de la traductrice à laquelle
l’AFC-GE avait fait appel, cette dernière ne paraissait pas légitimée à lui transmettre des documents et informations couverts par le secret fiscal. Ainsi, une potentielle violation du secret fiscal en lien avec une violation du secret de fonction devait être constatée dans le cadre du mandat confié à Mme F______et dénoncée aux autorités compétentes. Tant durant la procédure de décision que durant la procédure de réclamation, l’AFC-GE avait omis de les interpeller sur la question de leur statut marital figurant dans leurs déclarations fiscales indonésiennes, ainsi que quant à la publication de leur jugement de divorce sur le site Internet des autorités judiciaires indonésiennes, en violation de son devoir d’instruction. Les réquisitions de l’AFC-GE et de l’AFC-CH devaient être déclarées irrecevables faute de ne pas avoir pris de conclusions en ce sens lors de la procédure devant le TAPI, ni dans l’acte de recours. Lorsqu’un fait était régulièrement allégué par le contribuable et qu’un doute subsistait quant à la véracité ou à la portée juridique de celui-ci, le fardeau de la preuve était renversé. L’AFC-GE n’avait pas produit spontanément les taxations indonésiennes 2019 et 2020, sachant qu’elles auraient été irrecevables.

Les griefs de l’AFC-GE ayant principalement trait à l’ordre public procédural devaient être écartés car la légitimité active revenait à une partie au procès du jugement à « exequaturer ». Dès lors que la contribuable se prévalait du jugement de divorce dans cette procédure, celui-ci lui avait bien été notifié.

Le jugement de divorce avait bien été publié sur le site Internet du tribunal concerné mais pas sur celui de la Cour suprême indonésienne. Mme F______ne disposait pas des compétences pour confirmer une analyse juridique en droit indonésien quant aux voies de droit ou publications relatives au système judiciaire indonésien. Son attestation était donc potentiellement constitutive d’un faux, à tout le moins intellectuel, ce dont l’AFC-GE aurait dû se rendre compte sous peine de tenter d’induire la justice en erreur.

En droit fiscal indonésien, leur statut matrimonial se matérialisait à partir de la période fiscale 2021, en raison de négociations relatives à la répartition des actifs et dettes.

Étaient notamment joints les documents suivants :

-       un courrier du conseil indonésien de la contribuable du 31 mars 2022 en anglais et sa traduction libre et partielle en français indiquant notamment que les autorités fiscales indonésiennes n’émettaient pas de décision de taxation fiscale spécifique pour les années, contrairement aux autorités fiscales suisses. Le répertoire de jugements tenu par la Cour suprême indonésienne n’était pas entièrement mis à jour et ne contenait pas l’intégralité des jugements de tous les tribunaux d’Indonésie. En revanche, la cause avait été correctement enregistrée dans la liste des jugements du Tribunal de E______ sur le site Internet direct de celui-ci. La pratique juridique indonésienne séparait généralement la dissolution du régime matrimonial de la séparation des biens. En raison de la complexité de la répartition des actifs et des dettes in casu, ceux-ci n’avaient été séparés en deux qu’à partir de la déclaration fiscale 2021. La villa de D______ avait notamment été divisée en deux parties compte tenu de sa superficie. Ainsi, chacun des contribuables en restait propriétaire pour moitié. Dès cette date, les contribuables n’étaient fiscalement plus mariés ;

-       les déclarations fiscales, bordereaux de taxation et récépissés de paiements indonésiens 2019 et 2020 des contribuables et 2021 du contribuable, avec leur traduction jurée en anglais et leur traduction libre et partielle en français. Pour les années 2019, 2020 et 2021, les récépissés de paiement étaient datés des respectivement 30 avril 2020, 31 mars 2021 et 21 mars 2022.

25. Le 27 avril 2022, l’AFC-GE a précisé que Mme F______avait été sollicitée uniquement pour vérifier si les listes figurant sur Internet, comprenant l’ensemble des jugements rendus en décembre 2019 par le tribunal de district de E______ répertoriaient ou non la cause concernant les contribuables. Dans un souci de préservation du secret fiscal, aucun nom ni aucun détail concernant cette procédure de divorce n’avait été cité. Hormis les documents figurant sous pièces nos 203 à 206, aucun autre n’avait été remis par Mme F______.

26. Le lendemain, l’AFC-CH a maintenu sa position.

Les formulaires fiscaux indonésiens 2019 et 2020 indiquaient que le contribuable était au bénéfice du statut « KK », correspondant à celui de chef de famille, tandis que la contribuable était mentionnée comme étant son épouse. Par ces déclarations effectuées en Indonésie, sans savoir qu’elles pourraient servir à titre probatoire dans cette procédure, il était possible de constater le réel statut marital des contribuables et de conclure au fait que l’unité économique et la vie commune du couple n’avait pas été interrompue. Étaient jointes des photographies récentes provenant du compte Instagram de la fille des contribuables, les montrant ensemble à des fêtes de famille. Le formulaire fiscal indonésien 2021 avait été déposé par le contribuable bien après les requêtes de production des déclarations fiscales des années 2019 et 2020. La déclaration fiscale indonésienne 2021 du contribuable ne reflétait qu’une allégation d’un des intimés qui ne démontrait pas leur statut marital réel.

27. Le 20 mai 2022, l’AFC-GE a également maintenu sa position, en reprenant celle de l’AFC-CH.

28. Par pli des 25 mai et 6 juillet 2022, l’AFC-GE a informé le juge délégué avoir reçu la réponse à la demande d’entraide administrative transmise aux autorités indonésiennes. Elle sollicitait ainsi qu’il soit ordonné à la contribuable de produire sa déclaration fiscale indonésienne exhaustive 2021, notamment les pages faisant état de son statut marital, et aux deux contribuables de produire leurs avis de taxation indonésiens 2021. Les contribuables continuaient à être présents ensemble sur les réseaux sociaux, notamment à l’occasion de la fête d’anniversaire du contribuable, lors de laquelle ils étaient vêtus de manière identique.

Étaient jointes les photographies de la famille publiées par la fille des contribuables sur Instagram, les 14 août, 19 septembre, 25 décembre 2021 et 5 juin 2022.

29. Dans leurs déterminations du 22 août 2022, les contribuables ont conclu à l’irrecevabilité des observations de l’AFC-GE des 20 et 25 mai, et 6 juillet 2022, ainsi que des pièces nouvellement produites.

Ils n’avaient pas encore obtenu copie de la déclaration fiscale indonésienne 2021 de la contribuable. La déclaration fiscale, les bordereaux et récépissés de paiement des impôts indonésiens 2021 du contribuable démontraient leur taxation séparée en Indonésie et la nécessité de procéder à l’ouverture de la procédure de répartition des éléments imposables tenant compte de la scission des impôts encore dus en Suisse.

La déclaration fiscale indonésienne, accompagnée de son récépissé de paiement, constituait la décision de taxation des autorités fiscales indonésiennes. Il n’y avait donc pas d’avis de taxation supplémentaire des autorités fiscales indonésiennes. Il était douteux qu’une autorité fiscale délivre un récépissé de paiement d’impôt sans présomption d’avoir contrôlé la véracité de la déclaration fiscale d’un contribuable. L’AFC-GE violait le principe de la bonne foi en tentant de tenir les déclarations, bordereaux et récépissés 2019 et 2020 indonésiens pour probants.

Leur situation fiscale dans leur pays de résidence était sans pertinence quant à l’ouverture d’une procédure en scission des impôts en Suisse, dès lors que seul le prononcé du divorce était déterminant. Leurs avocats avaient pris près d’un an pour trouver un accord sur la répartition des biens et avoirs à la suite de leur divorce, ce qui paraissait ne pas être excessif au vu de la complexité matrimoniale de leur cas, ajoutée aux circonstances douloureuses ayant abouti à leur séparation, et ne facilitant pas la recherche de compromis. Ainsi, la séparation des actifs ne se reflétait que dans leurs déclarations, bordereaux et récépissés fiscaux 2021. Les autorités fiscales suisses entendaient transposer une analyse de droit fiscal suisse en droit fiscal indonésien pour interpréter le statut marital figurant sur leurs déclarations fiscales étrangères pour les années 2019 et 2020. Or, les autorités fiscales suisses étaient incompétentes pour produire un quelconque avis de droit étranger.

Les conditions d’une évasion fiscale par le dépôt de demandes de scission d’impôt n’étaient pas remplies et relevaient de propos potentiellement diffamatoires.

30. Par courrier recommandé du 24 août 2022, les contribuables ont transmis une copie de la déclaration fiscale indonésienne 2021 de A______, laquelle avait été remise le 16 août 2022. Outre des biens immobiliers, comprenant la moitié de la propriété de D______, était mentionné un revenu non imposable de IDR 54'000'000.-.

Leurs actifs avaient effectivement été répartis entre eux, chacun bénéficiant d’un numéro de contribuable distinct. Le bien immobilier situé à C______ figurait notamment au titre des biens immobiliers de A______. Cette dernière avait repris son nom de jeune fille. Son statut marital retenu par les autorités indonésiennes était « séparée ».

31. Par courrier du 31 août 2022, l’AFC-GE a relevé que la déclaration d’impôt produite par la contribuable avait été déposée le 16 août 2022 selon la quittance, ce qui ne prouvait pas que c’était celle qui avait été déposée. Comme pour le contribuable, dite attestation ne comportait aucun timbre officiel ni logo démontrant que cette quittance émanait du gouvernement indonésien. Le montant indiqué par la recourant comme revenu pour l’année 2021 ne suffisait pas à subvenir à ses besoins vitaux et financer son train de vie. Les conditions de l’évasion fiscale étaient donc remplies.

32. Par courrier recommandé du 12 septembre 2022, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions, en concluant à l’irrecevabilité des observations de l’AFC-GE du 31 août 2022 et à ce qu’une amende lui soit infligée.

Les observations de l’AFC-GE du 31 août 2022 ne portant que sur des éléments nouveaux en lien avec de nouvelles conclusions et réquisitions de preuves irrecevables, devaient être déclarées irrecevables, faute pour l’AFC-GE d’avoir pris des conclusions en ce sens lors de la procédure devant le TAPI et dans son acte de recours.

Le droit suisse était inapplicable à l’interprétation relative aux documents émis par un État étranger. Faute pour l’AFC-GE d’avoir conclu à la nomination d’un expert impartial, ni même produit un avis de droit indonésien mentionnant tant les bases légales que la jurisprudence applicables pour appuyer ses raisonnements, ses écritures étaient sans fondement et devaient être écartées. En cas de doute sur l’authenticité d’un document fiscal étranger, l’AFC-GE avait le devoir de vérifier ce qu’il en était auprès de l’administration fiscale étrangère, lorsque le dossier était pendant devant son instance, faute de pouvoir s’en prévaloir ultérieurement ou d’engager potentiellement sa responsabilité. L’AFC-GE avait déjà obtenu l’entraide des autorités indonésiennes au cours de cette procédure. Elle avait le devoir de s’adresser à elles avant de prendre position sur des documents émis par celles-ci.

Concernant les précisions relatives à la déclaration fiscale indonésienne 2021 de la contribuable, il y avait lieu de tenir compte du courrier de son conseil indonésien du 12 septembre 2022. Il n’y avait pas de logo ni de tampon des autorités fiscales indonésiennes sur les déclarations fiscales et leurs récépissés de paiement, valant bordereaux de taxation dès lors qu’il s’agissait de documents déposés électroniquement. Tant les déclarations fiscales que leurs récépissés mentionnaient toute information pertinente à l’identification. Les autorités fiscales indonésiennes étaient responsables de la vérification du contenu des déclarations d’impôt déposées. Si elles n’étaient pas d’accord avec ledit contenu, elles pouvaient procéder à un redressement et modifier les taxations du contribuable. Le revenu déclaré par la contribuable dans sa déclaration fiscale indonésienne 2021 et valant bordereau de taxation 2021 avec son récépissé de paiement, permettait d’assurer son train de vie en Indonésie et elle bénéficiait également du soutien de ses enfants.

Alors qu’ils avaient démontré à satisfaction de droit que leur divorce se reflétait également dans leurs déclarations fiscales indonésiennes respectives, l’AFC-GE persistait à tenter d’induire la justice en erreur et en tenant des propos potentiellement diffamatoires à leur égard, concernant une évasion fiscale sans fondement objectif. Une amende devait être infligée à la recourante pour procédés téméraires et abusifs.

Était joint le courrier du conseil indonésien de la contribuable du 12 septembre 2022.

33. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 LIFD).

2. À titre liminaire, les intimés invoquent l’irrecevabilité de l’acte de recours du 29 juillet 2021, au motif que celui-ci n’aurait pas été signé par une personne compétente à cette fin.

a. Toutes les opérations qui incombent au département des finances et des ressources humaines (ci-après : le département), en vertu de la législation fiscale, sont assurées, sous la direction du conseiller d’État chargé du département, par l’AFC-GE et sous la signature de son directeur ou d’un remplaçant autorisé (art. 4 al. 1 LPFisc).

Le département comprend la direction générale de l’AFC-GE, qui comprend la DAJ (art. 3 al. 1 let. c ch. 7 du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2018 - ROAC - B 4 05.10).

b. Selon l'art. 2 al. 2 LPFisc, la LPA est applicable pour autant que la LPFisc n'y déroge pas.

À teneur de l’art. 9 al. 3 LPA, les collectivités et autres personnes de droit public peuvent se faire représenter par les membres de leurs autorités ou organes ainsi que par les membres de leur personnel (ATA/1145/2022 du 15 novembre 2022 consid. 9b ; ATA/224/2017 du 21 février 2017 consid. 2).

c. À l’évidence, les intimés errent en prétendant que les juristes de la recourante ne seraient pas compétents pour signer des documents juridiques la concernant, alors même qu’ils sont précisément employés par celle-ci à cette fin. Il est en effet notamment des compétences des juristes de l’AFC-GE de la représenter dans le cadre de procédures contentieuses la mettant en cause. Ils n’interviennent alors pas en tant que mandataires externes, au même titre qu’un avocat, mais bien en tant que représentant de l’autorité publique concernée au sens de l'art. 9 al. 3 LPA. Les digressions des intimés quant à la validité de la signature de l’acte de recours – dont la recourante a au demeurant confirmé qu’il s’agissait de celle d’une autre de ses juristes – ne sont pas non plus pertinentes, si bien que le grief d'irrecevabilité du recours doit être écarté.

3. Les intimés ont également conclu à l’irrecevabilité des déterminations de la recourante et de l’AFC-CH des 19 novembre, 10 décembre 2021, 10 janvier, 20 et 25 mai, 6 juillet et 31 août 2022, ainsi qu’à celle des pièces produites à l’appui du recours du 29 juillet 2021 et à titre complémentaire le 19 novembre 2021 (pièces nos 203 à 206).

a. Selon l'art. 68 LPA, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuve nouveaux qui ne l'ont pas été dans les précédentes procédures, sauf exception prévue par la loi. A contrario, cette disposition ne permet pas au recourant de prendre des conclusions qui n'auraient pas été formées devant l'autorité de première instance (ATA/1242/2017 du 29 août 2017 consid. 3 ; ATA/648/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_197/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.1).

D'après la jurisprudence constante de la chambre de céans, l'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou se modifier qualitativement au fil des instances. Il peut uniquement se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l'autorité de recours. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été traitées dans la procédure antérieure. Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1155/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3 ; ATA/1330/2017 du 26 septembre 2017 consid. 2).

b. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité établit les faits d'office (art. 19 LPA), sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s'il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n'est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/844/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4a).

L'autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (art. 24 al. 1 LPA). L’autorité apprécie librement l’attitude d’une partie qui refuse de produire une pièce ou d’indiquer où celle-ci se trouve. Elle peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevables les conclusions des parties qui refusent de produire les pièces et autres renseignements indispensables pour que l’autorité puisse prendre sa décision (art. 24 al. 2 LPA).

Par ailleurs, en droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire. Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (ATA/844/2020 précité consid. 4b et les références citées).

c. En l’espèce, sans réelle motivation, les intimés concluent à l’irrecevabilité des déterminations et des pièces produites subséquemment, voire simultanément, à son recours par la recourante.

Lesdites conclusions méconnaissent cependant les principes applicables en procédure administrative tels que rappelés ci-avant. D’une part, il est admis que des motifs, des faits et des moyens de preuve nouveaux peuvent être invoqués, étant précisé qu’in casu, ceux-ci demeurent circonscrits à l’objet du litige portant sur l’ouverture d’une procédure de scission des soldes d’impôts encore dus par les intimés. D’autre part, la procédure administrative étant régie par la maxime inquisitoire, la chambre de céans n’est pas limitée par les moyens allégués par les parties ou les offres de preuves formulées par celles-ci. Elle dispose donc de la compétence d’en requérir davantage en cas de nécessité.

Partant, aucun motif ne justifie de déclarer irrecevables ni les observations ni les pièces produites par la recourante, lesquelles demeurent soumises à la libre appréciation de la chambre de céans.

4. Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI du 21 juin 2021, ayant ordonné l’ouverture d’une procédure de scission ou de séparation des soldes d’impôts encore dus par les intimés, sur la base du jugement de divorce prononcé le 2 décembre 2019 en Indonésie.

À cet égard, les parties divergent tant sur la question de l’authentification que celle de la reconnaissance dudit jugement, lesquelles doivent être examinées distinctement.

5. Dans un premier grief, la recourante invoque une violation de la part du TAPI des dispositions légales applicables en matière de légalisation des signatures et des sceaux officiels, de traduction et de langue officielles dans les échanges avec les instances administratives.

Pour leur part, les intimés soulèvent une potentielle violation du secret de fonction en lien avec une violation du secret fiscal dans le cadre du mandat confié à Mme F______par la recourante.

a. La langue officielle du canton de Genève est le français (art. 5 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst‑GE - A 2 00). Les parties doivent agir devant les tribunaux dans cette langue (ATA/596/2018 du 12 juin 2018 consid. 2 ; ATA/1332/2017 du 26 septembre 2017).

b. La Convention Apostille s’applique aux actes publics qui ont été établis sur le territoire d’un État contractant et qui doivent être produits sur le territoire d’un autre État contractant, dont les documents qui émanent d’une autorité ou d’un fonctionnaire relevant d’une juridiction de l’État, y compris ceux qui émanent du Ministère public, d’un greffier ou d’un huissier de justice (art. 1 let. a Convention Apostille).

Chacun des États contractants dispense de légalisation les actes auxquels s’applique la Convention Apostille et qui doivent être produits sur son territoire. La légalisation, au sens de la Convention Apostille, ne recouvre que la formalité par laquelle les agents diplomatiques ou consulaires du pays sur le territoire duquel l’acte doit être produit attestent la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu (art. 2 Convention Apostille).

La seule formalité qui puisse être exigée pour attester la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu, est l’apposition de l’apostille définie à l’art. 4 Convention Apostille, délivrée par l’autorité compétente de l’État d’où émane le document. Toutefois la formalité mentionnée à l’alinéa précédent ne peut être exigée lorsque soit les lois, règlements ou usages en vigueur dans l’État où l’acte est produit, soit une entente entre deux ou plusieurs États contractants l’écartent, la simplifient ou dispensent l’acte de légalisation (art. 3 Convention Apostille).

Tant la Suisse que l’Indonésie ont ratifié la Convention Apostille. Cette dernière est entrée en vigueur le 11 mars 1973 pour la première et le 4 juin 2022 pour la seconde qui y a adhéré le 5 octobre 2021.

c. Le justiciable n’a en principe aucun droit de communiquer avec les autorités d’un canton dans une autre langue que la langue officielle de ce canton (ATF 136 I 149 consid. 4.3 ; 127 V 219 consid. 2b/aa). Toutefois, pour éviter tout formalisme excessif, l’autorité judiciaire qui reçoit un acte rédigé dans une autre langue que la langue officielle de la procédure doit, si elle n’entend pas se contenter de ce document ou le traduire elle-même, donner l’occasion à son auteur d’en produire la traduction (ATF 106 Ia 299 consid. 2b/cc ; 102 Ia 35 consid. 1).

d. L’activité de traducteur-juré consiste à traduire par écrit, avec exactitude et intégrité, principalement à partir d’une autre langue vers le français, ou subsidiairement du français vers une autre langue, tout document dont la traduction nécessite une certification officielle (art. 1 al. 1 de la loi sur les traducteurs-jurés du 7 juin 2013 - LTJ - I 2 46).

Les traductions de documents officiels ne peuvent être effectuées qu’à partir de pièces originales ou de copies certifiées conformes par un officier public suisse (art. 7 al. 4 LTJ). L’activité de traducteur-juré est compatible avec celle d’interprète (art. 7 al. 10 LTJ).

Par ailleurs, les juridictions peuvent être dotées de traducteurs et interprètes (art. 36 al. 1 let. c LOJ), lesquels sont soumis au secret de fonction (art. 56 LOJ), dont le conseil supérieur de la magistrature peut les délier (art. 57 al. 2 let. b LOJ).

e. La chambre administrative et les autorités fiscales sont soumises au secret fiscal en vertu des art. 110 LIFD, 39 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et 11 LPFisc. Des renseignements peuvent être communiqués dans la mesure où une disposition légale fédérale ou cantonale le prévoit expressément (art. 110 al. 2 LIFD ; art. 39 al. 1 LHID ; art. 12 al. 6 LPFisc). Le contribuable a le droit de consulter les pièces du dossier qu'il a produites ou signées (art. 114 al. 1 LIFD, art. 41 al. 1 LHID, art. 17 al. 1 LPFisc). Il peut prendre connaissance des autres pièces une fois les faits établis et à condition qu'aucune sauvegarde d'intérêts publics ou privés ne s'y oppose (art. 114 al. 2 LIFD, art. 41 al. 1 LHID, art. 17 al. 2 LPFisc).

f. En l’occurrence, l’original du jugement de divorce du 2 décembre 2019 a été déposé, conformément à la demande de la recourante en ce sens, au greffe de la chambre de céans le 31 janvier 2020. Il n’est pas contesté que les parties ont pu consulter ledit acte avant sa restitution, ni que chaque page de celui-ci comporte le sceau des autorités locales.

En outre, les intimés en avaient informé postérieurement la recourante par courrier recommandé du 10 janvier 2020, en produisant une traduction officielle en anglais par un traducteur indonésien et une traduction partielle libre de celle-ci en français. Ils avaient alors offert de souscrire à toute demande de la recourante en cas de nécessité de satisfaire à des exigences de forme particulières quant aux traductions fournies. Il ne ressort pas du dossier que la recourante y ait donné suite. Ce n’est en effet que dans sa décision sur réclamation du 9 avril 2020 que la recourante s’est déterminée à cet égard, en relevant le défaut d’authentification du jugement de divorce du 2 décembre 2019, ainsi que les erreurs contenues dans les traductions fournies.

Si la traduction officielle anglaise du jugement de divorce du 2 décembre 2019 comporte effectivement des approximations et que des traductions officielles en français ne peuvent être effectuées qu’à partir de documents originaux ou de copies de ceux-ci certifiées conformes, il n’en demeure pas moins que les parties ne contestent pas le fait que le jugement du 2 décembre 2019 porte sur le prononcé du divorce des intimés. Dans cette mesure, le TAPI a considéré les documents fournis comme suffisants, en rappelant que la recourante n’avait ni allégué, ni démontré ou offert de démontrer qu’il s’agirait de documents faux ou falsifiés.

Par ailleurs, force est de constater que l’Indonésie étant désormais partie à la Convention Apostille, aucune authentification du jugement de divorce du 2 décembre 2019 ne peut dorénavant être requise. À cet égard, il ne ressort pas non plus du dossier qu’avant sa décision sur réclamation du 9 avril 2020, la recourante ait relevé une telle nécessité.

Partant, les pièces versées par les parties à la procédure, soit en particulier le jugement de divorce du 2 décembre 2019, ainsi que les traductions y relatives, seront admises. Ce grief sera dès lors écarté.

Quant aux traductions sollicitées de Mme F______, la recourante a précisé, dans ses observations du 27 avril 2022, que le mandat confié à celle-ci avait consisté à vérifier si les listes figurant sur Internet comprenant l’ensemble des jugements rendus en décembre 2019 par le Tribunal de district de E______, répertoriaient ou non la cause concernant les intimés. Aucun nom ni aucun détail concernant cette procédure n’avaient été cités. La totalité des documents remis avait été transmis sous les pièces nos 203 à 206. Dans ce contexte, force est de constater qu’aucune donnée fiscale concernant les intimés n’a été remise à Mme F______, laquelle, en tant qu’interprète du Pouvoir judiciaire et auxiliaire de l'administration, demeure au surplus soumise au secret de fonction.

6. Dans un deuxième grief, la recourante estime que le TAPI a considéré à tort que le jugement de divorce du 2 décembre 2019 n’était pas contraire à l’ordre public ni constitutif d’un abus de droit, afin d’ordonner l’ouverture d’une procédure de scission ou de séparation des soldes d’impôts encore dus par les intimés.

a. Les époux qui vivent en ménage commun répondent solidairement du montant global de l’impôt. Toutefois, chaque époux répond du montant correspondant à sa part de l’impôt total lorsque l’un d’eux est insolvable. Ils sont en outre solidairement responsables de la part de l’impôt total qui frappe les revenus des enfants (art. 13 al. 1 LIFD et 12 al. 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08).

Lorsque les époux ne vivent pas en ménage commun, l’obligation de répondre solidairement du montant global de l’impôt s’éteint pour tous les montants d’impôt encore dus (art. 13 al. 2 LIFD et 12 al. 2 LIPP).

b. Selon la doctrine, la solidarité prend fin ex lege, lorsque les époux ne vivent pas ou plus en ménage commun. Dans les cas d'absence de ménage commun, le moment de la séparation ou du divorce détermine celui de l'extinction de la solidarité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_58/2015 et 2C_59/2015 du 23 octobre 2015 consid. 5.2 et les références citées). Lorsque le moment de la séparation a fixé celui de l'extinction de la solidarité, le divorce du couple, intervenu postérieurement, n'a plus d'effet à cet égard. La responsabilité solidaire est non seulement exclue pour les créances fiscales futures, mais aussi pour toutes celles déjà exigibles. Comme il y a eu doute, lors des débats au Parlement, sur le point de savoir si l'extinction de la solidarité valait aussi pour les anciennes créances fiscales, nées pendant la vie commune et non encore réglées, l'al. 2, qui supprime la solidarité « pour tous les montants d'impôt encore dus », a été ajouté afin de lever toute ambiguïté. Après la séparation, chaque conjoint ne répond ainsi que jusqu'à concurrence du montant correspondant à sa part de l'impôt global pour les créances fiscales nées avant la séparation ou, plus précisément, pour les créances issues d'une période de taxation commune, puisque, dans le système postnumerando, la taxation séparée rétroagit au 1er janvier de l'année durant laquelle est intervenu la séparation ou le divorce (Christine JAQUES/Huges SALOMÉ, in Yves NOËL/ Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017., ad art. 13 LIFD n. 17 et 18 p. 214 et 215).

c. Dans sa jurisprudence (ATA/385/2015 du 23 avril 2015), la chambre de céans a mis hors de cause une contribuable qui avait contesté avec son époux un jugement du TAPI mais qui, au cours de la procédure de recours par-devant la chambre administrative, avait été autorisée à vivre séparée par jugement du Tribunal civil de première instance.

7. a. Conformément à l'art. 29 al. 3 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP - RS 291), lorsqu'une décision étrangère est invoquée à titre préalable, l'autorité saisie peut statuer elle-même sur la reconnaissance. Dans cette hypothèse, qui constitue la règle en comparaison avec celle où la question de la reconnaissance est traitée dans une procédure autonome, l'autorité suisse appelée à connaître d'une demande principale dans un procès au fond tranchera elle-même, à titre préalable, la question de la reconnaissance de la décision étrangère invoquée par l'une des parties. Elle le fera soit lorsqu'elle statuera sur le fond, soit en cours de procès au moyen d'une décision incidente. Malgré son libellé, l'art. 29 al. 3 LDIP ne consacre pas une simple faculté pour le juge. Celui-ci doit se prononcer sur la reconnaissance si cette question est pertinente pour trancher le litige. Il peut également, le cas échéant, surseoir à statuer jusqu'à droit connu sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 5A_70/2021 du 18 octobre 2021 consid. 5.1 et les références citées). 

b. En matière de police des étrangers, s’agissant d'un mariage entaché de nullité, les autorités de police des étrangers peuvent examiner à titre préjudiciel la question de la reconnaissance d'un acte étranger. Elles sont toutefois liées par la décision y relative rendue par les services compétents de l'état civil, sauf si ce prononcé est radicalement nul (arrêt du Tribunal fédéral 2C_792/2012 du 6 juin 2013 consid. 3.2).

c. à teneur de l'art. 65 al. 1 LDIP, un jugement de divorce étranger est reconnu en Suisse lorsqu'il a été rendu dans l'État du domicile ou de la résidence habituelle, ou dans l'État national de l'un des époux, ou s'il est reconnu dans l'un de ces États. Cette disposition doit être lue en relation avec les normes générales des art. 25 ss LDIP, qui prévoient en substance qu'une décision étrangère est reconnue en Suisse pour autant que les autorités judiciaires de l'État dont émane la décision soient compétentes, que celle-ci ne soit plus susceptible d'un recours ordinaire et qu'elle ne soit pas manifestement incompatible avec l'ordre public suisse matériel ou procédural (ATF 126 III 327 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_697/2007 du 3 juillet 2008 consid. 2.1).

d. En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public s'interprète de manière restrictive, spécialement en matière de reconnaissance et d'exécution de jugements étrangers, où sa portée est plus étroite que pour l'application directe du droit étranger. Il y a violation de l'ordre public selon l'art. 27 al. 1 LDIP lorsque la reconnaissance et l'exécution d'une décision étrangère heurte de manière intolérable les conceptions suisses de la justice. Le principe de l'unité du jugement de divorce ne relève pas de l'ordre public suisse (ATF 109 Ib 232 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_697/2007 précité). Une décision étrangère peut être incompatible avec l'ordre juridique suisse non seulement à cause de son contenu matériel, mais aussi en raison de la procédure dont elle est issue (art. 27 al. 2 LDIP). à cet égard, l'ordre public suisse exige le respect des règles fondamentales de la procédure déduites de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), tels notamment le droit à un procès équitable et celui d'être entendu (ATF 126 III 327 ; 126 III 101 ; 122 III 344). La reconnaissance constitue la règle, dont il ne faut pas s'écarter sans bonne raison, en regard de l'effet atténué de l'ordre public (arrêt du Tribunal fédéral 5P.351/2005 du 17 février 2006 et les jurisprudences citées). En effet, il s'agit, au stade de la reconnaissance et de l'exécution des décisions étrangères, d'éviter, autant que faire se peut, les situations juridiques boiteuses. Le temps écoulé depuis le prononcé de la décision étrangère est un facteur important (ATF 120 II 89). L'ordre public est apprécié au regard du résultat auquel aboutit la décision et non sur la base des motifs de celle-ci ou du contenu de la loi étrangère appliquée (ATF 120 II 155 ; Andreas BUCHER, Commentaire romand de la loi sur le droit international privé et la convention de Lugano, 2011, ad art. 27 n° 3 ss).

e. S'agissant plus particulièrement de la reconnaissance des jugements de divorce étrangers, le Tribunal fédéral a précisé que l'expression de la volonté de divorcer fait partie de l'ordre public suisse. La volonté de divorcer ne doit pas nécessairement faire l'objet d'une audition personnelle devant le juge du divorce. Elle peut aussi se manifester dans un document écrit, dans la mesure où celui-ci permet au juge d'acquérir, de manière suffisamment sûre, la conviction que les parties veulent divorcer. Il est dès lors possible de reconnaître un jugement de divorce étranger qui est issu d'une procédure au cours de laquelle les époux n'ont pas personnellement comparu (ATF 131 III 182).

Le Tribunal fédéral a en particulier admis la reconnaissance d'un jugement de divorce étranger, alors que les époux n'avaient pas été personnellement entendus par le juge étranger, au motif que la volonté de divorcer des parties ressortait de la procuration donnée à l'avocat. Bien que la référence à un tel document soit délicate, en particulier lorsque les circonstances entourant sa signature ne sont pas connues, un tel document devait être pris en compte dans la mesure où la procuration avait été rédigée de manière si concrète qu'il n'existait aucun doute sur la volonté de la défenderesse de vouloir divorcer d'un commun accord et que la signature de ladite procuration avait eu lieu devant un notaire suisse. L'argument selon lequel la défenderesse pouvait révoquer ladite procuration sans que le tribunal ne soit au courant était de nature hypothétique et n'avait pas à être retenu car dans les faits, la défenderesse n'avait pas affirmé avoir effectivement révoqué la procuration (ATF 131 III 182, 187 consid. 4.3).

En cas d’opposition d’un conjoint, l’ordre public suisse refuse la reconnaissance lorsque le juge du divorce a donné suite à la demande sans vérifier la rupture de l’union conjugale. Que cette rupture ait été examinée sur la base de circonstances concrètes, ou simplement déduite d’une certaine durée de vie séparée des époux, n’est pas déterminant. Cette durée ne doit cependant pas avoir été trop courte, au point de donner effet, en définitive, à un divorce purement unilatéral, proche d’une répudiation. Il a été jugé que l’ordre public ne tolère pas qu’un tel échec soit présumé après un délai de six mois seulement. Par contre, une séparation de fait de trois ans, constitutive d’une cause déterminée de divorce, n’a pas heurté l’ordre public. On peut estimer qu’aujourd’hui, une séparation d’une année ne serait pas davantage choquante du point de vue suisse (Andreas BUCHER, op. cit., 2011, n° 10 art. 65 LDIP).

Même si le motif de divorce à la base de la décision heurte, en soi, l’ordre public suisse, celui-ci n’est pas lésé si les circonstances du cas particulier démontrent que la rupture de l’union a été consommée en fait au moment du divorce. L’ordre public suisse doit être jugé en fonction du résultat de l’atteinte, sous tous les angles pertinents. Il n’est pas heurté si la reconnaissance de la décision étrangère aboutit à une situation qui n’est pas fondamentalement éloignée de celle qui se serait produite en application du droit suisse (Andreas BUCHER, op. cit., 2011, n° 12 ad art. 65 LIFD).

Dans un arrêt du 20 novembre 2012 (ATA/793/2012), la chambre de céans a confirmé l’inscription en tant que personnes divorcées de ressortissants russes dans les registres d’état civil sur la base de la décision de divorce des autorités russes du 4 août 2011, revêtue de l’apostille de la Convention Apostille. Les conditions de la reconnaissance de la décision de divorce russe en Suisse au sens des art. 25 à 27 LDIP étaient réunies. Il n’y avait aucune raison de s’opposer à cette reconnaissance.

8. a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale (Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7).

La jurisprudence a tiré de l'art. 29 al. 1 Cst. et de l'obligation d'agir de bonne foi à l'égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.), le principe de l'interdiction du déni de justice formel qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; 135 I 6 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2). L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1). Ainsi en va‑t‑il lorsque la violation d'une règle de forme de peu d'importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d'irrecevabilité (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_824/2014 du 22 mai 2015 consid. 5.3).

b. L'interdiction de l'abus de droit se déduit du principe de la bonne foi (art. 2 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210 et art. 9 Cst.) et s'étend à l'ensemble des domaines juridiques (ATF 131 I 185 consid. 3.2.3 ; 130 IV 72 consid. 2.2). L’interdiction de l’abus de droit s’applique ainsi, tout comme la notion de fraude à la loi qui en constitue une composante, en droit administratif (ATF 142 II 206 consid. 2.3). Elle vise non seulement les particuliers, mais aussi l'administration (ATF 110 Ib 332 consid. 3a). L'abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger soit manifeste (ATF 130 IV 72 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_658/2021 du 15 mars 2022 consid. 4.2.1).

c. En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5).

9. a. En l’occurrence, il convient à titre préalable de distinguer l’exequatur du jugement de divorce du 2 décembre 2019 de sa reconnaissance au sens de l’art. 29 al. 3 LDIP. Si, comme le relève le TAPI, il ne saurait être compétent pour examiner la première, il lui appartenait en revanche de se prononcer sur la seconde, dans la mesure où celle-ci conditionne le règlement du présent litige sur le fond.

En premier lieu, il convient donc d’appréhender la reconnaissance du jugement de divorce du 2 décembre 2019 au regard de l’ordre public suisse, avant d’en analyser ses conséquences en matière de droit fiscal.

b. Conformément à la jurisprudence et à la doctrine susrappelées, la reconnaissance d’un jugement de divorce en conformité à l’ordre public doit essentiellement s’examiner par rapport à la volonté commune des parties de mettre fin à leur union conjugale.

En l’espèce, plusieurs éléments versés au dossier tendent à souligner des contradictions entre le divorce invoqué et la réalité de la fin de l’union conjugale des intimés.

Tout d’abord, ainsi que le relève la recourante, la concomitance chronologique des éléments invoqués en vue de l’ouverture d’une procédure de scission ou de séparation de soldes d’impôts questionne. À la lecture du dossier, il apparaît en effet que ce n’est que le 29 juillet 2019 que les intimés ont informé la recourante de leur prétendue séparation de fait, tandis que le TAPI venait de rejeter, par jugement du 24 juin 2019, leur demande de procéder à une répartition des impôts dus en raison de leur insolvabilité. À cet égard, les arguments des intimés consistant à faire valoir des circonstances personnelles particulières ne sauraient suffire à expliquer qu’une prétendue séparation de fait datant du 30 juin 2018 ou du mois de décembre 2018 selon les différents documents produits, ait été alléguée près d’un an plus tard.

Selon leurs dires, le contexte particulier aurait pu induire quelques hésitations ayant justifié ce délai. Toutefois, ces explications apparaissent encore en contradiction avec le fait qu’il aura fallu moins de six mois, entre le 29 juillet 2019 et le 2 décembre 2019, pour que leur divorce soit prononcé, puis entré en force le 16 décembre 2019.

En outre, les approximations contenues tant dans le jugement de divorce du 2 décembre 2019, que dans les traductions y relatives en anglais ou en français, - à savoir l’usage des termes « musulmane » au lieu de « chrétienne » et de « demanderesse » au lieu de « défendeur » -, ainsi que l’absence de publication dudit jugement, ajoutent au caractère douteux de la réelle intention des intimés de mettre un terme à leur union conjugale.

Cette approche est encore confirmée par les nombreuses photographies et vidéos produites par la recourante, montrant les intimés ensemble, adoptant un comportement semblable à celui d’un couple, à l’occasion de divers événements. Certes, la convention de séparation du 24 juillet 2019 prévoit à cet égard que le contribuable continuerait de participer activement, financièrement et personnellement, à deux fondations de charité. Si toutefois ce devoir de représentation était expressément prévu pour ces activités, tel n’est pas le cas pour des réunions de famille, en particulier pour la célébration de leur anniversaire de mariage, occasion qu'il est du reste pour le moins étrange de voir un couple divorcé célébrer.

Ces éléments sont encore confortés par le fait que ce n’est qu’à partir de l’année 2021 que les intimés ont été taxés séparément, alors que leur divorce datait de deux ans auparavant. Leurs arguments sur ce point ne sauraient convaincre. Si certes l’autorité doit établir les faits pertinents d’office, les intimés perdent de vue qu’ils ont également, en tant que parties, le devoir de collaborer à la constatation des faits, étant rappelé que les administrés eux-mêmes sont les mieux à même de renseigner l’autorité sur les éléments de leur situation personnelle (ATA/913/2022 du 13 septembre 2022 consid. 7). Or, force est de constater que ce n’est que contraints par l’insistance de la recourante que les intimés ont produit leurs taxations indonésiennes 2019, 2020 et 2021. Leur statut n’a été modifié que dans leur déclaration fiscale 2021, soit postérieurement à la demande d’entraide administrative de la recourante du 10 décembre 2021. En revanche, ils n’ont remis aucun acte d’état civil confirmant leur statut de « divorcés ».

En ces circonstances, démontrant une coïncidence fort opportune entre le divorce des intimés, prononcé dans des conditions permettant de remettre en cause leur réelle intention de divorcer, il y a lieu de retenir que le jugement de divorce du 2 décembre 2019 n’est pas conforme à l’ordre public suisse.

c. Pour les mêmes motifs que ceux précités, il appert que le but du divorce invoqué tardivement ne pouvait tendre à un autre objectif pour les intimés que de se départir de leurs obligations de régler les soldes d’impôts dus, compte tenu de la répartition de leur charge fiscale, ainsi que de leurs biens immobiliers, après que l’ensemble de leurs moyens invoqués à cette fin ont été écartés.

Ainsi, en détournant une institution juridique dans le but d’obtenir une situation à leur avantage, les intimés ont commis un abus de droit.

Dans ce contexte, c’est à juste titre que la recourante a maintenu, dans sa décision sur réclamation du 9 avril 2020, son refus de procéder à la scission des impôts dus par les intimés.

Le recours sera dès lors admis, le jugement attaqué annulé et la décision sur réclamation rétablie.

10. Dans leurs ultimes observations, les intimés ont conclu à ce qu’une amende au sens de l’art. 88 LPA soit infligée à la recourante.

a. Selon l'art. 88 LPA, la juridiction administrative peut prononcer une amende à l’égard de celui dont le recours, l’action, la demande en interprétation ou en révision est jugée téméraire ou constitutive d’un emploi abusif des procédures prévues par la loi (al. 1). L’amende n’excède pas CHF 5'000.- (al. 2). Le droit des parties d’obtenir la réparation du dommage causé par l’emploi abusif des procédures aux fins d’obtenir l’effet suspensif est réservé (al. 3).

Conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans, les conclusions des parties portant sur l'art. 88 al. 1 LPA sont irrecevables (ATA/1775/2019 du 10 décembre 2019 consid. 11 ; ATA/180/2018 du 27 février 2018 consid. 6 et les références citées).

b. En l’espèce, force est de constater qu'il n’y a pas de motifs justifiant le prononcé d’une telle amende in casu, tandis que chacune des parties, y compris les intimés, ont largement fait valoir leur droit d’être entendu par écrit, invoquant des arguments les plus divers. La recourante a valablement exercé les moyens de droit prévus par la loi, en soulevant des griefs pertinents. Le recours a d’ailleurs été admis.

11. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge solidaire des contribuables qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 juillet 2021 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 juin 2021 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 juin 2021 ;

rétablit les décisions de l'administration fiscale cantonale du 21 février 2020 et sur réclamation du 9 avril 2020 ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge solidaire de Madame A______et de Monsieur B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, s’il est formé avant le 1er janvier 2023 au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, s’il est formé après le 1er janvier 2023 au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Me Michel Cabaj, avocat, et à Monsieur Thierry Ador, mandataire des intimés, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Michon Rieben, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :