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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4487/2018

JTAPI/576/2019 du 24.06.2019 ( ICCIFD ) , REJETE

REJETE par ATA/617/2020

Descripteurs : DROIT FISCAL; RESPONSABILITÉ SOLIDAIRE ; CONJOINT
Normes : LIFD.9.al1; LIFD.13
Résumé : Les recourants se prétendent insolvables (art. 13 LIFD), mais ne parviennent pas à démontrer que les actifs dont ils disposent ne couvrent de loin pas leurs dettes indonésiennes et fiscales.
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4487/2018 ICCIFD

JTAPI/576/2019

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2019

 

Dans la cause

 

Madame ______ et Monsieur A______, représentés par Mes Michel CABAJ et Thierry ADOR, avocats, avec élection de domicile

 

Contre

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne l’ICC 2000 à 2006, ainsi que l’IFD 2001 à 2006 de Madame ______ et Monsieur A______, ressortissants indonésiens.

2.             Le ______ 1998, ils ont pris résidence à Genève et le ______ 2000, ils ont emménagé dans une propriété immobilière sise à ______[GE]. En 2002, ils ont fait construire une seconde villa sur le même bien-fonds. Le ______2006, ils ont quitté la Suisse pour s'établir en Grande-Bretagne. En 2007, la valeur de vente de la propriété a été estimée à CHF 23.3 millions.

3.             Peu avant ou après son arrivée en Suisse, le contribuable a constitué diverses sociétés de droit suisse ou étranger.

Taxation des années fiscales 2000 à 2006

4.             Pour les années fiscales 1999 et 2000, le contribuable a été imposé à la source sur le salaire versé par l’une de ses sociétés sises à Genève. En revanche, dès la période fiscale 2001-A, les époux ont été inscrits au rôle ordinaire en raison de l’acquisition de leur bien immobilier.

5.             Le 11 avril 2003, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) les a taxés d'office pour l’année fiscale 2001-B, taxations qui ont fait l’objet d’une réclamation, le 12 avril 2003.

6.             Le 28 novembre 2003, l’AFC-GE a ouvert à l’encontre des contribuables une procédure en rappel d’impôt pour l’IFD 1999-2000 et l’ICC 1998-2000.

7.             Le 10 mai 2004, le conseiller fédéral en charge du département fédéral des finances a donné ordre à la division des affaires pénales et enquêtes de l’administration fédérale des contributions (ci-après : DAPE) de mener une enquête au sujet du contribuable, afin de déterminer si l’intéressé avait ou non commis de graves infractions fiscales, à savoir en particulier la soustraction continue de montants importants ou des délits fiscaux, au cours des périodes 1999-2000, 2001 et 2002.

8.             Le 15 décembre 2005, l’AFC-GE a notifié aux contribuables un bordereau d’ICC 2000, ainsi qu’un bordereau d’amende d’un même montant.

9.             Le 19 janvier 2006, les contribuables ont élevé réclamation à l'encontre des bordereaux de taxation et d'amende du 15 décembre 2005. Ils n'avaient pas été assujettis à l'impôt à Genève durant l'intégralité de la période fiscale 2000, n’ayant pris résidence en Suisse qu'après le 1er janvier 2000. Par ailleurs, leurs revenus et fortune étaient inférieurs aux éléments retenus dans la décision de taxation.

10.         Le 16 novembre 2007, l’AFC-GE a informé les contribuables que les procédures de rappels d'impôt pour les années 1998 à 2000 étaient étendues aux périodes fiscales 2001-B et 2002.

11.         Le 19 décembre 2007, l’AFC-GE a taxé les contribuables pour l’année fiscale 2002. Ces bordereaux ont fait l’objet d’une réclamation, le 18 janvier 2008.

12.         Le 19 décembre 2008, l’AFC-GE leur a notifié des bordereaux d’IFD et d’ICC pour les périodes fiscales 2003 à 2005, à l’encontre desquels ils ont élevé réclamation, le 16 janvier 2009.

13.         Le 24 mars 2009, la DAPE a rendu son rapport d’enquête et indiqué les reprises nécessaires.

Il était notamment retenu que M. A______ n’avait pas déclaré des revenus équivalant à plusieurs millions de francs suisses.

La condition de l'intention était réalisée. La DAPE proposait de fixer la quotité de l'amende à 75 % le montant des impôts soustraits. Toutefois, dans la mesure où les périodes fiscales 2001-B et 2002 n'étaient pas entrées en force, l'amende devait s'élever au deux tiers de celle qui aurait été prononcée en cas de soustraction consommée, soit à 50 % des reprises d'impôt. 

La situation financière de l'intéressé était jugée excellente, tant sur le plan de la fortune, estimée à plus de CHF 1.5 milliard au 31 décembre 2006, qu’au niveau de ses revenus. Il résidait à ______[Grande-Bretagne] où il dirigeait la société B______ (ci-après : B______), dont il détenait la majeure partie du capital-actions et qui était active dans le domaine ______. Ses revenus étaient sans doute substantiels. Compte tenu de sa situation personnelle, les reprises et les amendes ne le mettraient pas dans le dénuement.

14.         Par décision du 18 décembre 2009, l’AFC-GE a rejeté la réclamation relative à l’ICC 2000 ainsi qu’à l’amende y relative et a modifié cette taxation en défaveur des contribuables. Elle a admis la réclamation relative à l’ICC et l’IFD 2002, rejeté celle relative 2001 à 2005 en modifiant les taxations 2001 en leur défaveur. Les taxations relatives aux périodes fiscales 2003 à 2005 étaient maintenues dès lors que seul le principe de l’assujettissement était contesté.

15.         Le 20 janvier 2010, les contribuables ont interjeté un recours auprès de la Commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue depuis le janvier 2011, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), à l'encontre des décisions sur réclamation du 18 décembre 2009. Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/239/2010.

16.         Le 15 janvier 2010, l’AFC-GE a notifié aux contribuables des bordereaux d'amendes pour l’IFD et l’ICC 2001-B et 2002. Ces bordereaux ont fait l’objet d’une réclamation, le 17 février 2010.

17.         Par deux décisions sur réclamation du 19 août 2010, l'une concernant l’IFD et l’autre, l’ICC, l’AFC-GE a confirmé les bordereaux d’amendes du 15 janvier 2010.

18.         Le 20 août 2010, l’AFC-GE a notifié aux contribuables des bordereaux d’ICC et d’IFD pour la période fiscale 2006 du 1er janvier au 6 avril 2006.

19.         Le 17 septembre 2010, les contribuables ont interjeté un recours auprès de la CCRA contre les décisions sur réclamation du 19 août 2010. Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/3227/2010.

20.         Le 21 septembre 2010, les contribuables ont élevé réclamation contre les bordereaux de taxation 2006 du 20 août 2010. Par décisions du 30 septembre 2010, l’AFC-GE a rejeté cette réclamation.

21.         Le 27 octobre 2010, les contribuables ont interjeté recours auprès de la CCRA contre ces deux décisions. Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/3825/2010.

22.         Par jugement du 21 mai 2012 (JTAPI/679/2012), le tribunal a joint les causes A/3825/2010 et A/3227/2010 à la cause A/239/2010, déclaré irrecevable le recours portant sur l'année fiscale 2000 (A/239/2010) et rejeté les recours pour le surplus.

23.         Par arrêt du 24 novembre 2015 (ATA/1261/2015), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté dans la mesure où il était recevable le recours interjeté par les contribuables contre le JTAPI/679/2012 précité.

24.         Par arrêt du 24 novembre 2016 (2C_32/2016 et 2C_33/2016), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours interjeté contre l’ATA/1261/2015 susmentionné, a annulé les bordereaux d’amende pour l’ICC et l’IFD 2001-B et renvoyé la cause à l’instance précédente pour nouvelle décision, en faisant une correcte application des art. 180 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 57 al. 4 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

La chambre administrative n’avait pas violé le droit international en retenant que les contribuables étaient assujettis aux impôts suisses et genevois pour les périodes fiscales 2001 à 2006. Toutefois, il ressortait de l'ensemble des actes et des procédures que seul M. A______ était au centre des enquêtes et des décisions prises en matière de tentative de soustraction fiscale. Par conséquent, l’amende prononcée à l’encontre de son épouse devait être annulée.

25.         Par arrêt du 22 août 2017 (ATA/1204/2017), la chambre administrative, statuant suite au renvoi de la cause par le Tribunal fédéral, a admis partiellement le recours de Mme A______ et annulé les décisions de l’AFC-GE en tant qu’elles lui infligeaient des amendes pour les périodes 2001-B et 2002.

Cet arrêt est en force.

Taxation des périodes 2007 à 2014

26.         Dans leurs déclarations fiscales 2007 à 2009, les contribuables ont déclaré uniquement leur bien immobilier sis à ______[GE] et ils n’ont ainsi été imposés que sur cet élément.

27.         Pour les périodes 2010 à 2014, ils ont été taxés d’office, faute d’avoir retourné leurs déclarations fiscales. Le 7 octobre 2015, ils ont élevé réclamation à l’encontre de ces taxations. Par décisions du 28 septembre 2015, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation des intéressés.

28.         Le 28 octobre 2016, les contribuables ont recouru devant le tribunal à l’encontre de ces décisions, en faisant notamment valoir que l’immeuble d’______[GE] devait être considéré comme sans valeur au niveau du revenu et de la fortune, en raison du séquestre le grevant.

29.         Par jugement du 7 février 2018 (JTAPI/126/2018), le tribunal a rejeté leur recours.

30.         Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative, le 5 mars 2019 (ATA/223/2019).

Séquestres

31.         Le 9 avril 2010, l’AFC-GE a formé, à l’encontre des contribuables, quatre demandes de sûretés valant ordonnances de séquestre (fiscal) pour un montant total de CHF 139'484'026.10, afin de garantir le paiement de l’ICC 2000 à 2005 et de l’IFD 2001 à 2005.

32.         Les précités ayant formé opposition aux commandements de payer notifiés par l’AFC-GE, celle-ci a requis la mainlevée des oppositions, procédures qui ont fait l’objet de recours jusqu’au Tribunal fédéral, lequel a statué par arrêts des ______ 2018 (déclarant irrecevables les recours ______/2018, ______/2018 et ______/2018) et ______ 2018 (rejetant les recours ______/2018, ______/2018 et ______/2018).

Dans les trois premiers arrêts, le Tribunal fédéral a retenu que les recourants se contentaient d’alléguer leur insolvabilité sans nullement étayer leur propos, et de faire référence à leur « situation financière actuelle », sans la décrire, ni a fortiori la démontrer, de sorte que leur argumentation ne satisfaisait nullement aux exigences de motivation requises.

Dans les trois derniers, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n'appartenait pas au juge de la mainlevée, en l'absence de décision de répartition prise par les autorités fiscales, de se préoccuper de l'éventuelle insolvabilité d'un époux.

33.         Le 23 mai 2017, l’AFC-GE a requis quatre nouveaux séquestres contre les précités, également pour un montant total de CHF 139'484'026.10, avec intérêts à 5 % l’an dès le 23 mai 2017, afin de garantir les impôts susmentionnés. Ces séquestres se fondaient sur l’art. 271 al. 1 ch. 6 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1).

34.         Les ordonnances de séquestres et les commandements de payer en validation du séquestre ont été communiqués aux contribuables par voie édictale. Ces derniers y ont fait opposition.

35.         Les ordonnances de séquestres sont entrées en force (arrêts du Tribunal fédéral ______/2018, ______/2018 et ______/2018 du ______ 2018).

36.         Par arrêts du ______ 2018 (______/2018, ______/2018, ______/2018 et ______/2018), la chambre civile a suspendu l’effet exécutoire accordé aux quatre jugements rendus par le Tribunal de première instance prononçant la mainlevée de l’opposition aux commandements de payer susmentionnés, considérant que, compte tenu de l’importance des montants litigieux, il était vraisemblable que la continuation des poursuites serait de nature à provoquer des difficultés financières pour les contribuables.

Taxation des années 2015 et 2016 et allégation d’insolvabilité

37.         Les contribuables ont été taxés d’office pour les années 2015 et 2016, n’ayant pas renvoyé leurs déclarations fiscales dans les délais prescrits.

38.         Après avoir reçu leurs bordereaux 2015, ils ont remis une déclaration fiscale.

39.         Le 4 août 2017, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre de leur taxation 2016. Il y avait lieu de tenir compte de leur situation patrimoniale sur le plan mondial, ainsi que de leurs dettes fiscales en Suisse, confirmées par le Tribunal fédéral. Au 31 décembre 2015, celles-ci s’élevaient à CHF 86'202'807.- pour M. A______ et à CHF 60'748'536.- pour son épouse, intérêts en sus. Pour l’année 2015, ils demandaient la prise en considération de la fortune et des revenus sis hors canton, ressortant de leur déclaration fiscale indonésienne qu’ils joignaient.

40.         Par pli du 18 octobre 2017 adressé à l’AFC-GE, les contribuables ont exposé que les déclarations fiscales suisse et indonésienne 2015 faisaient apparaître une fortune de CHF 20'681'606.-, alors que les dettes « solidaires » s’établissaient à CHF 117'556'665.-. Ils n’étaient ainsi pas en mesure de faire face à leurs obligations financières, à savoir à leurs dettes fiscales excédant CHF 86 millions et aux intérêts y afférents, de sorte qu’ils se trouvaient en situation d’insolvabilité. En conséquence, l’AFC-GE aurait déjà dû émettre une décision fixant la part d’impôt due pour chacun des époux.

41.         Par pli du 18 janvier 2018 les contribuables ont invité l’AFC-GE à donner suite à leur requête du 18 octobre précédent,

42.         Par décision du 8 février 2018, l’AFC-GE a rejeté la demande de répartition, pour le motif que les précités n’avaient pas établi qu’ils se trouvaient en situation d’insolvabilité. Les pièces remises ne permettaient pas d’attester de leur incapacité durable de remplir leurs obligations financières.

43.         Les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre de cette décision, par lettre du 15 mars 2018.

Selon le rapport de la DAPE, l’ensemble des éléments imposables du couple avait été attribué à M. A______, hormis ceux relatifs à l’immeuble d’______[GE]. L’AFC-GE était au courant de leur situation d’insolvabilité depuis 2016, suite au recours ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2016. Ils avaient remis une « due diligence » mondiale de leurs actifs.

Les 4 août et 18 octobre 2017, ils avaient établi leur situation d’insolvabilité. Par ailleurs, compte tenu de la situation économique précaire prévalant en Indonésie, la valeur de leurs actifs s’était dépréciée. Leurs dettes indonésiennes se montaient à l’équivalent de CHF 157'650'000.-, auxquelles s’ajoutaient les prétentions de l’AFC-GE ascendant à plus de CHF 86 millions, alors que leurs actifs équivalaient à quelque CHF 90 millions. Ils ne pourraient ainsi jamais faire face à leurs obligations.

44.         Le 30 avril 2018, les contribuables ont complété leur réclamation en concluant, préalablement, à la suspension des procédures de poursuites en liens avec les impôts 2000 à 2006 et, principalement, à ce que l’AFC-GE procède à la répartition des éléments imposables entre les époux

Ils ont produit un « due diligence opinion addenda » daté du même jour, établi par une étude d’avocats jakartanaise, qui évaluait les actifs de M. A______ à USD 17'925'643.-. Ses principales dettes, envers les sociétés C______ (ci-après : C______) et D______ (ci-après : D______), totalisaient environ USD 165'821'774.-. Dès lors, ses actifs présentaient un solde négatif de USD 147'896'131.-, sans compter leurs dettes fiscales pour les années 2000 à 2006, qui ascendaient, pour M. A______ et pour son épouse à respectivement CHF 130 millions et à CHF 92 millions environ, y compris les intérêts. Par ailleurs, si l’on défalquait des actifs de M. A______ la valeur des biens immobiliers singapouriens et suisses, propriétés de son épouse, le solde débiteur était porté à CHF 292'661'426.-, respectivement à CHF 237'825'097.- pour son épouse. Ils faisaient par ailleurs l’objet de nombreuses poursuites pour dettes en Suisse.

Leurs revenus de l’année 2016 se chiffrant à CHF 100'155.-, ils étaient incapables de faire face à leurs engagements financiers, et ils devaient être considérés comme insolvables, ne répondant plus solidairement des impôts dus.

45.         Par décision du 13 novembre 2018, l’AFC-GE a rejeté la réclamation, pour le motif que les contribuables n’avaient pas démontré qu’ils se trouvaient en situation d’insolvabilité.

Le « due diligence opinion addenda » et leur déclaration fiscale indonésienne ne constituaient pas des éléments de preuve suffisants. Ils n’avaient produit aucun acte de défaut de biens les concernant, ni aucune pièce établissant l’existence d’une faillite ou d’un concordat par abandon d’actifs. Leurs seules poursuites, hormis celles émanant de l’AFC-GE, portaient sur de faibles montants et se rapportaient à leur villa d’______[GE], qui n’était gagée qu’à concurrence de CHF 1.6 million, alors qu’elle avait été estimée à une valeur oscillant entre CHF 12 et CHF 23 millions.

En outre, ils ne faisaient pas état d’hypothèques grevant leur immeuble sis au Royaume-Uni. La prétendue diminution de valeur d’actifs mondiaux d’un richissime homme d’affaires ne saurait être assimilée à une situation de surendettement. En 2017, le magazine J______ avait classé M. A______ au ______ème rang des personnes les plus riches d’Indonésie. Les contribuables étaient toujours représentés par des avocats réputés, qui fonctionnaient peu probablement à découvert.

Dans ses arrêts du ______ 2018 (______/2018, ______/2018 et ______/2018), le Tribunal fédéral avait globalement retenu que les époux n’avaient nullement démontré leur situation d’insolvabilité.

Procédure de recours

46.         Par acte du 14 décembre 2018, les contribuables ont interjeté recours devant le tribunal de céans à l’encontre de la décision du 13 novembre précédent, concluant, préalablement, à l’octroi d’un délai supplémentaire pour compléter leur recours, et principalement, à l’annulation de la décision entreprise, des bordereaux d’ICC 2000 à 2006 et d’IFD 2001 à 2006 ainsi qu’à l’ouverture d’une procédure de répartition des éléments imposables des époux. Subsidiairement, ils ont conclu à l’annulation de la décision attaquée et des bordereaux susmentionnés, en tant que Mme A______ ne devait être imposée que sur l’immeuble d’______[GE], et à l’émission de nouveaux bordereaux.

Selon leur déclaration fiscale indonésienne pour l’année 2017, les actifs de M. A______, d’une valeur de quelques millions de francs suisses, ne couvraient de loin pas leurs dettes se chiffrant à plus de CHF 300 millions, à savoir CHF 157'650'000.- auxquelles s’ajoutaient des dettes fiscales et intérêts ascendant à respectivement CHF 86 millions et CHF 50 millions. Les actifs de son épouse étaient valorisés à CHF 20 millions, tandis que ses dettes s’établissaient à CHF 220 millions. Les recourants étaient dès lors manifestement en situation d’insolvabilité.

Ils étaient par ailleurs endettés auprès des sociétés indonésiennes D______ et C______, ainsi que des créanciers suisses, tels que des entreprises de réparation ou d’entretien, en lien avec leur immeuble d’______[GE], ou encore des avocats.

Le rapport de la DAPE avait, prima facie, attribué l’ensemble des éléments imposable du couple à M. A______, hormis le revenu et la fortune en lien avec le bien immobilier précité.

47.         Le 21 décembre 2018, le tribunal a accusé réception du recours, en accordant aux contribuables un délai au 15 janvier suivant pour le compléter.

48.         Dans leur complément de recours du 15 janvier 2019, les précités ont exposé que la situation économique en Indonésie s’était dégradée en 2014 suite au ralentissement économique mondial, ce qui avait conduit à une chute de la roupie indonésienne de l’ordre de 14 % entre 2014 et 2016. Les sociétés détenues par le recourant avaient accumulé au cours des années des pertes se montant à USD 700 millions environ et de nombreux créanciers avaient tenté de faire valoir leurs prétentions. Ainsi, D______ avait notamment mis le recourant en demeure de payer l’équivalent de CHF 52'310'400.- au 7 mai 2014. Aucune des sociétés en mains de l’intéressé ne disposait d’actifs distribuables.

Leur immeuble de ______[Grande-Bretagne] avait été acquis en 2007 pour GBP 6.5 millions, soit environ CHF 14.6 millions au 31 décembre 2007. Sa valeur n’avait pas augmenté depuis lors, la revue immobilière spécialisée K______ faisant au contraire état d’une perte de valeur de l’ordre de 10 %.

La fortune du recourant avait fortement fluctué dans un intervalle très court. Il avait sauvé E______, l’entreprise de son frère, en épongeant notamment une dette d’un montant équivalant à CHF 132 millions. L’AFC-GE se référait pourtant au sauvetage intervenu en 2014 ______ pour près de CHF 420 millions. Ce montant devait être imputé sur le prétendu bénéfice de USD 1.5 milliard d’une des sociétés du recourant, C______.

Les évaluations effectuées par les magazines tels que J______ n’étaient pas probantes.

Ils déposaient par ailleurs huit titres faisant état de créances émanant de divers créanciers privés, à divers degrés d’avancement, pour un montant de près de CHF 300 millions. Les déclarations des administrateurs devaient être prises en considération, car leur responsabilité pourrait être engagée à titre personnel, si leurs propos ne correspondaient pas à la réalité.

49.         Dans sa réponse du 21 février 2019, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours, reprenant, en les développant, les arguments développés dans ses précédentes écritures.

Le mémoire du 15 janvier 2019 devait être considéré comme un nouveau recours et déclaré irrecevable, les griefs y figurant étant totalement distincts de ceux figurant dans le recours du 14 décembre 2018. Par ailleurs, les pièces produites en langue étrangère devaient être écartées de la procédure.

Il était réclamé au recourant des montants d’ICC et d’IFD (amendes incluses) s’élevant à CHF 102'862'983.30 et à CHF 36'621'042.75, montants confirmés par le Tribunal fédéral dans ses arrêts 2C_32/2016 et 2C_33/2016 du 24 octobre 2016.

Il résultait pour le surplus d’informations provenant d’internet que le contribuable était issu d’une grande famille ______ indonésienne. En 2012, le chiffre d’affaires de son empire économique et de diverses activités d’F______, qui en était la holding, était estimé à USD 1.2 milliard. En 2011, il était considéré comme la ______ème fortune d’Indonésie, détenant USD 910 millions. En 2017, le magazine J______ le classait au ______ème rang des personnalités des plus fortunées de son pays, avec une fortune estimée à USD 850 millions. Dans son précédent classement, il se trouvait au ______ème rang, de sorte que son patrimoine continuait de croître. En 2018, sa fortune nette avait été évaluée à USD 915 millions par L______, le plaçant à la ______ème place des personnes les plus riches d’Indonésie. Pour cette même année, J______ avait évalué sa fortune nette à USD 850 millions.

Le droit fiscal indonésien ne connaissait pas l’impôt sur la fortune, de sorte que leur niveau de fortune réelle, demeurait inconnu. Ils n’avaient par ailleurs produit aucun bordereau de taxation et ne s’étaient pas déterminés sur l’amortissement des dettes qui figuraient dans leurs déclaration fiscale 2015, mais plus en 2016. Homme d’affaires avisé, le recourant était capable de constituer des montages financiers par le biais de structures de sociétés qui avaient dissimulé de manière coutumière durant plusieurs années une importante partie de ses revenus et de ses rendements au fisc.

Dans leurs courriers des 4 août et 18 octobre 2017, les recourants n’avaient apporté aucun justificatif propre à établir leur situation d’insolvabilité. De plus, le montant total de leurs dettes ne correspondait pas à celui figurant dans leur déclaration fiscale indonésienne 2015, ni à ceux mentionnés dans leur déclaration fiscale suisse pour cette même année. Dans le « due diligence », du 15 mars 2018, l’avocat indonésien paraphrasait la déclaration fiscale indonésienne du recourant et associait ses actifs à sa fortune personnelle, alors que le droit indonésien ne connaissait pas l’impôt sur la fortune. Le « due diligence opinion addenda » du 30 avril 2018 faisait référence à plusieurs pièces non traduites en français et, partant, irrecevables. De plus, ce document, émis à la demande du recourant, ne constituait pas un élément probant.

Enfin, les éléments du dossier démontraient que l’insolvabilité dont se prévalaient les recourants avait pour seule finalité d’échapper aux impôts dus selon l’arrêt du Tribunal fédéral du 24 novembre 2016.

50.         Par réplique du 9 avril 2019, les contribuables ont maintenu leurs conclusions.

Leur complément de recours du 15 janvier précédent était recevable et il restait dans le cadre du litige, défini par leurs conclusions initiales.

Il était courant que des pièces en langue étrangère soient produites devant l’AFC-GE, étant précisé que toutes les pièces indispensables avaient fait l’objet d’une traduction libre. Si le tribunal devait les écarter, il y aurait lieu, cas échéant, de renvoyer la cause à l’AFC-GE pour qu’elle désigne les documents à traduire. Les données provenant de Wikipédia, dont se prévalait l’AFC-GE, ne pouvaient être prises en considération, car ce site était dépourvu de force probante.

Le fisc indonésien n’émettait pas de bordereaux de taxation. La déclaration fiscale valait bordereau dès paiement du montant de l’impôt qui y était mentionné, ainsi qu’il découlait des récépissés annexés. Même si l’Indonésie ne prélevait pas l’impôt sur la fortune, celle-ci devait être déclarée. Ils avaient procédé à une dénonciation spontanée en 2017, année au cours de laquelle cet État avait octroyé une ultime amnistie fiscale, avant l’entrée en vigueur de la convention relative à l’échange automatique de renseignements, notamment avec la Suisse, avec effet au 1er janvier 2018. Ils avaient ainsi dû payer un impôt forfaitaire se montant à 4 % de la valeur des actifs annoncés spontanément. Si les dettes indonésiennes apparaissaient tangibles pour le fisc de cet État, l’on ne voyait pas pour quelle raison il en irait différemment s’agissant de l’AFC-GE.

Entre 2015 et 2016, le recourant avait réorganisé son patrimoine. En 2016, il avait pu éponger sa dette envers G______, qui s’élevait à CHF 66'527'200.-, et dégager une créance à l’encontre de cette société d’un montant de quelques CHF 66 millions, grâce à un emprunt auprès de C______, auprès de laquelle il se trouvait endetté à concurrence de CHF 114 millions.

La « due dilligence » et le « due dilligence opinion addenda », dont la valeur probante était contestée par l’AFC-GE, se fondaient sur les déclarations fiscales indonésiennes, ainsi que sur les bordereaux et récépissés de paiement. L’on voyait mal quels documents ils pourraient produire pour démontrer leur insolvabilité.

Ils contestaient se comporter de manière contraire au principe de la bonne foi. Il n’était pas abusif de s’opposer à des procédures civiles tendant à la réalisation forcée d’un immeuble qui subissait une forte décote, alors que la recourante ne se trouverait débitrice que d’un faible montant, si la procédure de répartition des éléments imposables entre époux était ouverte. Le moyen tiré de l’insolvabilité pouvait être soulevé, tant que les impôts étaient encore dus.

51.         Dans sa duplique du 6 mai 2019, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

52.         Les arguments des parties seront repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 LIFD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Dans sa réponse, l’AFC-GE conclut à l’irrecevabilité du complément de recours du 15 janvier 2019.

L’autorité intimée ne peut être suivie. En effet, dans sa jurisprudence (JTAPI/1491/2015 du 18 octobre 2015), le tribunal de céans admet la recevabilité des compléments de recours. Il faut toutefois réserver le cas où ils contiennent de nouvelles conclusions – ce qui n’est pas le cas en l’espèce – lesquelles sont irrecevables (ATA/697/2014 du 2 septembre 2014 ; JTAPI/1096/2017 du 16 octobre 2017).

4.             Les recourants concluent à l’annulation des bordereaux d’ICC 2000 à 2006 et d’IFD 2001 à 2006.

Cette conclusion doit être rejetée. En effet, à l’exception des bordereaux d’amende pour les années 2001-B et 2002, ces bordereaux sont entrés en force le 24 novembre 2016, lorsque le Tribunal fédéral a statué dans les causes 2C_32/2016 et 2C_33/2016 (art. 61 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

Les bordereaux d’amendes 2001-B et 2002 sont entrés en force à l’échéance du délai de recours contre l’ATA/1204/2017 du 22 août 2017, rendu sur renvoi de la cause par le Tribunal fédéral dans les causes 2C_32/2016 et 2C_33/2016, puisque cet arrêt n’a pas été attaqué.

5.             Les recourants soutiennent qu’ils ne répondent plus solidairement du paiement de l’impôt, du fait de leur insolvabilité.

6.             Les revenus des époux qui vivent en ménage commun sont additionnés, quel que soit le régime matrimonial (art. 9 al. 1 LIFD ; art. 8 al. 1 1ère phr. aLIPP-I de l’ancienne loi sur l’imposition des personnes physiques - Objet de l’impôt - Assujettissement à l’impôt du 22 septembre 2000 - aLIPP‑I - D 3 11).

Les époux qui vivent en ménage commun répondent solidairement du montant global de l'impôt. Toutefois, chaque époux répond du montant correspondant à sa part de l'impôt total lorsque l'un d'eux est insolvable. (art. 13 al. 1 1ère phr. LIFD ; art. 12 al. 1 1ère phr. aLIPP-1).

Lorsque les époux ne vivent pas en ménage commun, l'obligation de répondre solidairement du montant global de l'impôt s'éteint pour tous les montants d'impôt encore dus (art. 13 al. 2 LIFD ; art. 12 al. 2 aLIPP-1).

7.             La solidarité prend fin ex lege, lorsque l'un des époux est insolvable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1098/2014 du 1er décembre 2015 consid. 5.2). L’insolvabilité des conjoints a pour conséquence que la responsabilité de chacun d’eux se réduit à sa part personnelle à l’impôt total pour tous les montants d’impôt encore impayés.

La preuve de l’insolvabilité en tant que fait de nature à diminuer ou à éteindre la dette fiscale revient à l’époux qui invoque pareille situation afin de se soustraire à la responsabilité solidaire illimitée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_709/2008 du 2 avril 2009 consid. 4.3). Il y a insolvabilité lorsque l’autre époux fait l’objet d’actes de défaut de biens (définitifs), qu’il est en faillite ou qu’un concordat par abandon d’actifs a été passé avec lui ou encore lorsque d’autres indices pertinents prouvent une impécuniosité durable l’empêchant d’honorer ses engagements financiers, notamment lorsqu’il est criblé de dettes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1098/2014 du 1er décembre 2015 consid. 5.2 = StE 2016 B 92.9 Nr. 11 ; 2C_58/2015 du 23 octobre 2015 consid. 5.2 ; 2C_709/2008 du 2 avril 2009 consid. 4.2).

En droit des poursuites, comme en droit fiscal, la notion d’insolvabilité va nécessairement au-delà d’une incapacité uniquement temporaire du débiteur d’honorer ses obligations financières. Il doit s’agir d’une situation durable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_709/2008 du 2 avril 2009 consid. 4.2 ; 2C_306/2007 du 13 décembre 2007 consid. 3.4 ; 2P.67/2003 du 12 août 2003 consid. 3.3 = RF 2003 97).

8.             Seule l’autorité fiscale, à l’exclusion du juge de la mainlevée définitive, est habilitée à décider si les conditions sont réalisées pour retenir l’exception à la règle de solidarité entre époux, que constitue l’insolvabilité de l’un d’entre eux. En l’absence de décision contraire du fisc, la solidarité entre époux subsiste et la décision de taxation du couple vaut titre de mainlevée à l’égard de chaque conjoint (arrêt du Tribunal fédéral 5D_169/2013 du 6 décembre 2013, rés. in SJ 2014 I 197).

Lorsque la condition de l’insolvabilité est remplie et que la responsabilité de chaque époux se réduit à la part personnelle à l’impôt global pour tous les montants d’impôts encore impayés, une décision particulière sur la responsabilité, susceptible d’être attaquée, doit fixer la part de chaque conjoint à l’impôt et faire ressortir les éléments de calcul (arrêt du Tribunal fédéral 2C_592/2011 du 8 décembre 2011 consid. 2).

9.             En matière fiscale, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3).

10.         En l’espèce, les recourants font valoir que les actifs dont ils disposent ne couvrent de loin pas leurs dettes indonésiennes et fiscales.

Dans son rapport du 24 mars 2009 (ch. 7.1), la DAPE relève que la situation personnelle du recourant est excellente, tant sur le plan de la fortune estimée à plus de CHF 1.5 milliard au 31 décembre 2006, que sur le plan de ses revenus. L’intéressé dispose des pleins pouvoirs sur C______, laquelle avait à cette date un bénéfice reporté de plus de USD 1.5 milliard provenant de la vente d’une participation dans I______ (ci-après : I______), devenue B______. Vivant à ______[Grande-Bretagne] le recourant dirige la société B______, active dans le domaine ______ et dont il détient la majeure partie du capital-actions. Bien que la DAPE ne dispose pas d’éléments chiffrés, les revenus que l’intéressé perçoit de cette société sont sans aucun doute substantiels. Compte tenu de sa situation personnelle, les montants relatifs au rappel d’impôt et à l’amende proposée par la DAPE ne le mettront pas dans le dénuement.

Le recourant n’apporte pour sa part aucune pièce probante remettant en cause la teneur de ce rapport. Il ne conteste pas non plus qu’il dispose des pleins pouvoir sur C______. Cela étant, dans sa réplique, se fondant sur un extrait du Registre du commerce de Genève, il fait valoir que B______ a été liquidée en 2008. Or, cette extrait concerne la succursale de Genève de I______ et ne comporte en revanche aucune indication concernant le siège principal, respectivement B______.

S’agissant pour le surplus de ses allégués relatifs aux investissements ______ auxquels il aurait procédé, à l’instar de B______ et de ses filiales, durant les années 2007 à 2009 pour près de USD 690 millions, à la réduction du capital-actions de B______ en 2007, 2008 et 2011 pour un total de USD 577'911'836.- et à ses fonds propres qui ne se seraient élevés qu’à USD 356'521'000.- en 2012, ils ne peuvent être pris en considération, faute d’être établis par pièces. Il n’en va pas différemment des pertes que les sociétés détenues par le recourant auraient accumulé au cours des années pour un montant de USD 700 millions environ, à la suite de la crise économique qui a frappé l’Indonésie en 2014. Les contribuables ne prouvent enfin pas non plus que certains créanciers, tels D______, auraient mis en demeure l’intéressé de payer CHF 52'310'400.- au 7 mai 2014, qu’il a dû éponger une dette de son frère, à hauteur de USD 420 millions, qu’il a financé des œuvres caritatives, ni qu’ils ont totalement dilapidé leur fortune.

11.         Les contribuables se prévalent encore d’un « due diligence opinion addenda » du 30 avril 2018, établi par une étude d’avocats jakartanaise, dont il résulte que leurs actifs présentent un solde négatif de USD 147'896'131.-, compte tenu des principales dettes du contribuable envers les sociétés C______ et D______.

Il ressort de leur déclaration fiscale indonésienne 2015, qu’ils ont en effet fait état de dettes envers les sociétés indonésiennes H______ et G______, pour un montant total de IDR 782'373'352'325.-. Ce montant correspond à CHF 56'808'129.-, compte tenu d’un taux de change au 31 décembre 2015 de CHF 0.007261 / IDR 100. Dans cette même déclaration, leurs actifs totalisaient IDR 320'292'163'549.-, soit CHF 23'256'414.-. Dans leur déclaration 2016, ils ont mentionné une dette envers C______ se montant à IDR 1'609'520'000'000.-, soit CHF 121'406'094.-, eu égard au taux de change au 31 décembre 2016 de CHF 0.007543 / IDR 100. Leurs actifs ascendaient à IDR 1’317’406’330'018.-, soit CHF 99'371'959.-.

Les contribuables font en outre valoir qu’entre 2015 et 2016, le recourant a réorganisé son patrimoine, épongeant, en 2016, sa dette envers G______ grâce à un emprunt auprès de C______, envers laquelle il se trouvait désormais endetté à concurrence de CHF 114 millions.

Il découle ainsi de leurs déclarations fiscales indonésiennes 2015 et 2016 que les dettes des recourants excèdent leurs actifs de plusieurs dizaines de millions de CHF.

Cela étant, les recourants n’ont produit aucun justificatif relatif à la seule dette dont il se prévale encore dans leur déclaration fiscale indonésienne 2016, à savoir la créance d’C______ à leur encontre, dont l’existence paraît au demeurant douteuse. En effet, le 25 avril 2018, C______ a attesté qu’outre ses liquidités, son seul actif se composait d’une participation dans la société canadienne B______, n’indiquant aucunement qu’elle serait titulaire d’une créance à l’encontre du recourant.

Au vu des éléments exposés ci-dessus, le tribunal laissera ouverte la question de la force probante des sources provenant d’internet, telles que J______, L______ et Wikipedia, sur lesquelles l’AFC-GE s’est fondée pour établir le niveau de fortune des recourants.

Au surplus, il n’est pas déterminant que, par arrêts du ______2018 (______/2018, ______/2018 et ______/2018), le Tribunal fédéral ait jugé que les recourants n’avaient pas démontré leur situation d’insolvabilité. En effet, cette jurisprudence a été rendue dans le cadre d’une procédure de mainlevée d’opposition et non dans une procédure fiscale. La Haute Cour n’a ainsi pas été amenée à appliquer les art. 13 al. 1 1ère phr. LIFD et 12 al. 1 1ère phr. aLIPP-1.

12.         En conclusion, le tribunal retiendra donc que les recourants n’ont pas démontré qu’ils se trouvaient de manière durable en situation d’insolvabilité.

N’ayant pas été en mesure de contester l’existence de leur importante fortune relevée par la DAPE dans son rapport, soit en particulier les USD 1.5 milliard provenant de la vente d’une participation dans I______, le tribunal considère qu’ils sont à même de s’acquitter des impôts, dont le montant totalise, à teneur de la réponse de l’AFC-GE, à CHF 139'484'026.05 (CHF 102'862'983.30 + CHF 36'621'042.75).

Par ailleurs, au vu des rapports de proximité existant entre le recourant et C______, le tribunal estime peu vraisemblable que cette société procède au recouvrement forcé de sa créance, à supposer qu’elle existe. En conséquence, même avérée elle ne pourrait être prise en compte pour déterminer la solvabilité des recourants.

Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

13.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 2'000.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 décembre 2018 par Madame ______ et Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 13 novembre 2018 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2'000.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Stéphane TANNER et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière