Décisions | Tribunal pénal
JTDP/591/2025 du 21.05.2025 sur OPMP/3333/2022 ( OPOP ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire | ||
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE POLICE
Chambre 21
|
MINISTÈRE PUBLIC
contre
Monsieur A______, prévenu, né le ______ 1969, domicilié ______ [GE], assisté de Me B______
CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :
Le Ministère public conclut au maintien de son ordonnance pénale.
A______, par la voix de son conseil, conclut à son acquittement.
*****
Vu l'opposition formée par A______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 26 avril 2022;
Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public;
Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;
Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant sur opposition :
Déclare valables l'ordonnance pénale du 26 avril 2022 et l'opposition formée contre celle-ci par A______ le 4 mai 2022.
et statuant à nouveau :
A.a. Par ordonnance pénale du 26 avril 2022, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, entre le 5 janvier 2021, lendemain de sa dernière condamnation, et le 25 avril 2022, date de son arrestation, pénétré régulièrement sur le territoire suisse, en particulier à Genève, et d'y avoir séjourné et travaillé, alors qu’il était dépourvu des autorisations nécessaires.
Ces faits ont été qualifiés par le Ministère public d'entrée et séjour illégaux au sens de l'art. 115 al. 1 let. a et b de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20) ainsi que d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation au sens de l'art. 115 al. 1 let. c LEI.
b. Il est également reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 13 mars 2019, produit à l'appui d’une demande d'autorisation de séjour déposée auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), différents documents falsifiés ou contrefaits et indiqué faussement, pièces à l’appui, qu'il avait séjourné et travaillé durant dix ans de manière interrompue à Genève. Il a ainsi tenté d'induire en erreur l'OCPM en lui donnant de fausses indications sur ses années passées en Suisse et sur ses employeurs, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour qui aurait amélioré son statut administratif au regard du droit des étrangers, étant précisé qu'une telle autorisation ne lui a finalement pas été délivrée. Il a notamment produit des fausses fiches de salaire pour les années 2009 et 2010 prétendument établies par les entreprise C______ Sàrl et D______ Sàrl comportant notamment des fiches de salaire ainsi qu'un contrat de travail prétendument établis par la société E______ Sàrl indiquant des adresses incorrectes.
Ces faits ont été qualifiés par le Ministère public de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 CP cum 118 al. 1 LEI).
c. Il lui est enfin reproché de s'être, entre le 5 janvier 2021, lendemain de sa dernière condamnation, et jusqu'au 25 avril 2022, date de son interpellation, dérobé à l'obligation de s'assurer pour le risque maladie, laquelle est prévue par l'article 3 de la Loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal; RS 832.10).
Ces faits ont été qualifiés par le Ministère public d'infraction à l'art. 92 al. 1 let. a LAMal.
B. Il ressort de la procédure les faits pertinents suivants:
a.a. Le 18 octobre 2021, le service juridique de l'OCPM a dénoncé au Ministère public les agissements de A______, dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour "Papyrus" déposée le 12 mars 2019. Les soupçons étaient liés à l'existence de décomptes de salaire notamment établis par les entreprises C______ Sàrl, D______ Sàrl et E______ Sàrl.
a.b. A l'appui de sa dénonciation, l'OCPM a produit les documents suivants:
- un extrait du compte individuel AVS de A______ délivré par la Caisse cantonale genevoise de compensation (OCAS) le 1er décembre 2021, sur lequel figure la société E______ Sàrl, ayant cotisé pour les janvier à mars 2015, ainsi que F______ Sàrl, ayant cotisé pour les mois de septembre à décembre 2015, puis entre mai à décembre 2016, ainsi que les années 2017 à 2020;
- une attestation de la société C______ Sàrl du 2 décembre 2010 en faveur de A______, domicilié ______ [GE], certifiant que ce dernier a travaillé en qualité de peintre entre le 1er septembre 2009 et le 30 novembre 2009, puis entre le 1er septembre 2010 et le 30 novembre 2010;
- des certificats de salaire établis par C______ Sàrl pour les mois de septembre à novembre 2009 ainsi que les mois de septembre à novembre 2010, à teneur desquels A______, domicilié ______ [GE], a perçu CHF 4'395.40 à titre de salaire brut, les charges sociales s'élevant à CHF 670.-, étant précisé que, selon l'OCPM, ces taux de cotisation pour les années 2009 et 2010 sont incorrects;
- une attestation de la société D______ Sàrl en faveur de A______, domicilié ______ [GE], certifiant que ce dernier a travaillé en qualité de peintre entre le 1er septembre 2011 et le 30 novembre 2011, puis entre le 1er septembre 2012 et le 30 novembre 2012 et entre le 1er septembre 2013 et 30 novembre 2013;
- des certificats de salaire établis par D______ Sàrl pour les mois de septembre à novembre 2011, septembre à novembre 2012, ainsi que septembre à novembre 2013, à teneur desquels A______, domicilié ______ [GE], a perçu CHF 4'711.80 à titre de salaire brut, les charges sociales s'élevant à CHF 713.95;
- un extrait du registre du commerce de la société E______ Sàrl, en liquidation, dont le siège était ______ [GE], inscrite depuis le ______ 2014 au Registre du commerce;
- un contrat de travail de durée déterminée datant du 1er juin 2014, conclu entre E______ Sàrl, dont le siège se situe au ______ [GE], et A______, à teneur duquel ce dernier était employé en qualité de peintre du 1er juin 2014 au 31 octobre 2014;
- des certificats de salaire établis par E______ Sàrl, dont le siège se situe au ______ [GE], pour les mois de juin à octobre 2014, à teneur desquels A______, domicilié ______ [GE], a perçu CHF 4'711.80 à titre de salaire brut, les charges sociales s'élevant à CHF 713.95;
- un contrat d'engagement conclu le 1er septembre 2015 entre F______ SA et A______, dont il ressort que ce dernier était engagé en qualité d'ouvrier-bâtiment pour une durée indéterminée, soit "selon la durée des travaux", à partir du 1er septembre 2015;
- un contrat d'engagement conclu le 1er avril 2016 entre F______ SA et A______, dont il ressort que ce dernier était engagé en qualité de personnel technique et nettoyage pour une durée indéterminée, à partir du 1er avril 2016 et pour un salaire de CHF 2'500.-par mois;
- des certificats de salaire établis par F______ SA pour les mois d'avril et mai 2019, à teneur desquels A______ a perçu CHF 2'500.- à titre de salaire brut, les charges sociales s'élevant à CHF 222.51.
b. Il ressort de divers documents à la procédure que A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour en date du 12 mars 2019, par l'intermédiaire d'un mandataire, G______. A l'appui de la demande, ont été produits une procuration donnant mandat à H______, soit G______, d'agir au nom de A______ dans le cadre de toutes les démarches administratives liées à l'obtention d'un visa d'entrée en Suisse, d'une autorisation de séjour et/ou de travail, d'une autorisation d'établissement et/ou d'une naturalisation ainsi qu'un formulaire M (demande d'autorisation de séjour avec ou sans activité à Genève pour ressortissant étranger) du 10 mars 2019, lequel indique que A______ est arrivé à Genève le 1er janvier 2015 et est employé par F______ SA.
c. Le 30 avril 2019, l'OCPM a requis plusieurs documents, notamment tous les justificatifs de la présence de A______ en Suisse.
d. Par courrier du 25 juillet 2019 adressé à G______, l'OCPM a indiqué qu'il entendait refuser la requête de A______, dès lors que ce dernier était arrivé en Suisse le 1er janvier 2015 et que la courte durée de son séjour ne saurait justifier l'octroi d'une telle autorisation de séjour. Il lui octroyait un délai de trente jours pour faire parvenir ses observations.
e. En date du 26 août 2019, G______ a envoyé un courrier à l'OCPM indiquant que A______ était arrivé à Genève en 2009 mais n'avait pas été en mesure de fournir de preuve à ce jour, dès lors qu'il avait travaillé mais n'avait pas été déclaré durant cette période. Il a produit plusieurs témoignages d'amis de A______ certifiant de leur durée d'amitié avec celui-ci, ainsi qu'une liste de membre de sa famille.
f. Le 30 août 2019, A______ s'est vu refuser l'octroi d'une autorisation de séjour et l'OCPM a prononcé son expulsion, l'autorité ayant tenu pour établi qu'il résidait en Suisse depuis le 1er janvier 2015, cette durée de séjour étant insuffisante pour justifier une suite favorable à sa demande d'autorisation de séjour.
g. Le 27 septembre 2019, A______, par le biais de son avocat, a sollicité auprès de l'OCPM la reconsidération de la décision litigieuse, arguant qu'il était arrivé en Suisse en 2009 et avait travaillé dans différentes entreprises, soit respectivement E______ Sàrl, D______ Sàrl et C______ Sàrl. Il précisait avoir effectué de courts séjours en Bosnie Herzégovine, afin de rendre visite à son épouse et son fils.
h. Le 27 novembre 2019, l'OCPM a annulé sa décision et transmis le dossier au "service compétent".
i. En parallèle, A______, par le biais de son avocat, a formé recours contre le refus d'octroi d'autorisation de séjour de l'OCPM, puis a retiré son recours après que l'OCPM ait annulé sa décision. A teneur du recours précité, A______ a allégué vivre et travailler en Suisse depuis le mois de septembre 2009 et qu'il avait indiqué, par erreur, sur le formulaire du 12 mars 2019, être arrivé en Suisse en 2015. Selon lui, l'OCPM n'avait pas pris en compte le courrier du 26 août 2019 démontrant qu'il résidait à Genève depuis 2009. Les pièces 8 à 21 du recours correspondaient aux documents faisant l'objet de la dénonciation du 18 octobre 2021 de l'OCPM.
j. Le 18 janvier 2021, A______ a déposé une nouvelle demande d'autorisation de travail en Suisse, précisant que la société I______ SA s'occupait de la partie administrative de sa demande et était compétente pour toute demande de production d'éventuels documents complémentaires. Il a produit un formulaire M daté du 15 janvier 2021, duquel il ressort que A______ était arrivé à Genève le 1er janvier 2015 et était employé par F______ SA.
k. Par courriel du 16 mars 2021, l'OCPM a informé A______ qu'il était autorisé à travailler auprès de F______ SA durant l'instruction de son dossier.
l. Selon le rapport d'arrestation du 25 avril 2022, la police a contacté téléphoniquement J______, signataire des attestations de travail de F______ SA, lequel a confirmé que A______ avait travaillé pour la société précitée.
m. Entendu par la police le 25 avril 2022, A______ a déclaré être arrivé en Suisse en 2009. Jusqu'en 2014, environ tous les trois mois, il avait fait des allers-retours entre la Suisse et Bosnie-Herzégovine. Il s'était installé durablement en Suisse au printemps 2014. Entre 2009 et 2014, grâce à l'aide du dénommé K______, il avait trouvé du travail au noir auprès de différents employeurs. L'intéressé n'était pas directement le directeur de ces différentes entreprises, mais celui-ci lui donnait différentes tâches et lui versait un salaire en espèces. Il ne connaissait pas le nom des patrons pour lesquels il avait travaillé et ne se souvenait pas avoir reçu de fiches de salaire. Au printemps 2014, K______ avait constitué sa propre entreprise, E______ Sàrl, et l'avait engagé "en continu" jusqu'en 2015. Il avait bénéficié d'un contrat de travail à présenter en cas de contrôles des autorités et K______ lui avait assuré l'avoir déclaré, bien qu'il recevait son salaire en espèces et ne recevait pas de fiches de salaire. Par la suite, il avait travaillé pour F______ SA, en qualité de technicien machiniste, jusqu'au mois de janvier 2021. Entre janvier 2021 et le début de l'année 2022, il avait à nouveau œuvré pour K______, au sein de l'une de ses entreprises, appelée L______ Sàrl. En 2022, il avait racheté une entreprise appartenant à K______, M______, dont il était devenu le directeur.
S'agissant de sa demande d'autorisation de séjour, son cousin lui avait parlé de la possibilité d'en obtenir une. En 2018, il s'était rendu à une présentation faite par une association située proche de ______, qui avait expliqué le fonctionnement de la demande et les documents à produire. Il avait demandé à un consultant, soit G______, de l'aider. Il lui avait simplement indiqué où il avait travaillé et celui-ci s'était chargé de regrouper tous les documents nécessaires. G______ lui avait alors dit que sa demande avait peu de chance d'aboutir. Il avait personnellement demandé à K______ les documents nécessaires et ce dernier les avait transmis directement à G______. Ce dernier avait ensuite remis la demande auprès de l'OCPM, contre un montant de CHF 1'500.-. Après une longue attente, l'OCPM avait rendu une décision négative et son mandataire lui avait fait comprendre qu'il devait prendre un avocat. Il en avait alors mandaté un, auprès duquel il s'était rendu avec O______, ne maitrisant pas bien le français. Mais rien ne se passait et son dossier semblait ne pas avancer. Un ami lui avait alors présenté des spécialistes qui prétendaient pouvoir accélérer le processus, soit la société I______ SA, et on lui avait garanti "à 100%" qu'il allait obtenir son permis au plus tard dans les dix-huit mois. Il avait conclu un contrat avec cette société qui était, selon lui, une "vraie mafia". Après leur avoir versé un premier montant de CHF 3'000.-, la société lui avait réclamé CHF 20'000.- pour déposer sa demande, ainsi que celle de son épouse, étant précisé qu'il était censé versé à nouveau ce même montant à la réception des permis de séjour. Vu qu'il n'en avait pas les moyens, O______ avait payé ce premier montant. Malgré cela, I______ SA n'avait jamais rien fait. Lorsqu'il avait reçu la convocation de la police, il avait essayé de joindre cette société, sans succès. S'agissant de son assurance maladie, P______, travaillant au sein de I______ SA, était censée se charger des démarches auprès de Q______. Il n'avait pas personnellement souscrit à une assurance maladie.
Interrogé au sujet des attestations de salaire transmises à l'OCPM, il a expliqué n'avoir jamais travaillé pour les sociétés C______ Sàrl et D______ Sàrl. Il n'avait jamais habité ______[GE] ni vu les documents établis par ces sociétés. Au contraire, à cette période, il travaillait au noir pour K______. Confronté aux attestations et aux fiches de salaire desdites sociétés, il a déclaré avoir demandé des preuves de son travail à K______ qui lui avait promis de s'en charger et d'en parler aux personnes concernées. Il était possible que K______ ait voulu l'aider et que ces documents soient faux.
S'agissant de son emploi auprès de E______ Sàrl, il croyait que K______ avait payé les cotisations AVS, concédant toutefois n'avoir jamais vu les attestations de cette société. Concernant le contrat de travail transmis à l'OCPM, l'adresse et les dates mentionnées étaient fausses. Il ne devait pas s'agir du contrat qui lui avait été remis à l'époque où il travaillait dans cette entreprise.
n. Par ordonnance pénale du 26 avril 2022, A______ a été condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 50.- le jour, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 4 janvier 2021 par le Ministère public du Valais, pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI, tentative d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEI et infraction à l'art. 92 al. 1 LAMal.
o. Par courrier du 4 mai 2022, A______ a formé opposition à l'ordonnance précitée.
p. Entendu par le Ministère public le 26 janvier 2024, A______ a déclaré que les documents transmis à l'appui de sa demande "Papyrus" avaient été fournis par K______. Ce dernier l'avait appelé pour l'informer qu'il allait remettre des attestations démontrant qu'il avait travaillé avec lui depuis 2009 à G______. Il a précisé que les deux intéressés se connaissaient avant qu'il ait déposé sa demande Papyrus. Il n'avait jamais envisagé que K______ puisse faire de faux documents, précisant qu'après son audition à la police, il l'avait appelé et lui avait demandé pourquoi il avait agi ainsi, ce à quoi l'intéressé avait répondu qu'il avait voulu l'aider afin qu'il obtienne son permis et qu'il puisse continuer à travailler. K______ avait refusé de venir témoigner auprès des autorités mais lui avait remis une déclaration notariée datée du 24 janvier 2023.
A teneur de celle-ci, K______ admettait avoir établi le contrat de travail et les fiches de salaire de A______ et les avoir adressées à l'avocat de celui-ci, en vue de l'obtention d'un permis de travail et pour l'aider. Il certifiait que A______ avait travaillé en Suisse avec lui sans être déclaré et que lui-même et des amis avaient "arrangé cela". Lorsqu'il avait envoyé les documents litigieux à l'avocat de A______, ce dernier ne se trouvait pas en Suisse. Il avait effectué personnellement "toutes les procédures" liées au permis de séjour de A______.
q. Les documents suivants figurent également à la procédure:
- un contrat de bail à loyer conclu le 15 décembre 2014 entre, N______ SA, représenté par R______, bailleur, et F______ SA, locataire, ayant pour objet un immeuble situé au ______ [GE];
- un certificat d'engagement daté du 15 janvier 2018 par J______, administrateur au sein de F______ SA, en faveur de A______, attestant que ce dernier bénéficie d'un logement, à disposition comme partie de la rémunération dans le cadre de son emploi;
- le rapport de l'Administration fédérales des douanes (AFD) du 12 février 2019, dont il ressort que A______ a été appréhendé le 12 février 2019 à 14h15, au passage frontière de ______[GE], lors de son entrée en Suisse;
- le procès-verbal d'audition de A______, entendu le 12 février 2019 en qualité de prévenu par l'AFD, à teneur duquel l'intéressé a déclaré se rendre en Suisse pour travailler et rendre visite à sa fille qui habite en Suisse. Il était arrivé en octobre mais venait régulièrement en Suisse. Son employeur, F______ SA, pour qui il travaillait depuis environ dix-huit mois, avait établi un contrat de travail en sa faveur et lui avait promis de faire une demande afin qu'il obtienne un permis. Pour cela, il lui avait fourni tous les documents nécessaires et la société précitée lui avait confirmé avoir effectué les démarches utiles. Il possédait également une carte AVS. En plus de bénéficier d'un logement de fonction, il percevait CHF 2'500.- par mois et était payé par virement bancaire. Son employeur payait ses charges sociales et avait entrepris des démarches pour qu'il souscrive à une assurance maladie, environ deux mois auparavant. Avant cet emploi, il avait également travaillé pour E______ Sàrl, par périodes temporaires, durant un an et demi, voire deux ans. Il avait conscience de n'avoir aucune autorisation pour séjourner en Suisse mais pensait être en règle, en faisant uniquement de courts séjours;
- l'ordonnance pénale du 13 mars 2019, laquelle reconnait A______ coupable d'infraction à l'art. 115 let. b et c LEI, pour avoir séjourné, à Genève, à tout le moins d'août 2017 au 12 février 2019 en Suisse, alors qu'il était dépourvu des autorisations nécessaires;
- une modification du contrat d'engagement conclu le 1er septembre 2020 entre A______ et F______ SA, à teneur duquel A______ perçoit un salaire de CHF 4'200.- par mois;
- une attestation d'hébergement établie le 11 septembre 2020 par J______, administrateur de N______ SA, certifiant que A______ et S______ étaient logés à titre gracieux à la rue 1______, propriété de N______ SA;
- une demande d'attestation de résidence ou de départ non datée en faveur de A______, pour laquelle les frais de CHF 25.- ont été payés par le biais d'une carte bancaire au nom de P______.
C. L'audience de jugement s'est tenue le 24 mars 2025.
a. A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés. Il a expliqué qu'entre 2009 et 2014, il avait travaillé avec K______ environ trois mois par année, entre septembre et décembre, dans différents appartements, à Genève et dans des communes proches de Lausanne. Il ignorait s'il avait travaillé pour des sociétés ou directement pour le compte de K______. Le reste de l'année, il était domicilié en Bosnie avec son épouse et son fils, où il travaillait dans l'agriculture. Il avait rencontré K______ à Plainpalais, à la fin de l'été 2009, lors d'un regroupement de personnes de la communauté albanaise. Celui-ci avait demandé qui était intéressés d'effectuer des travaux rémunérés et il s'était proposé. Il ne pouvait pas expliquer pourquoi le contrat de travail conclu avec E______ Sàrl mentionnait qu'il avait un contrat à durée indéterminée, alors qu'il y avait travaillé temporairement et pas de manière continue. Il a confirmé avoir signé la demande Papyrus. Selon lui, cette dernière mentionnait qu'il était arrivé en Suisse en janvier 2015 car il s'agissait de la date de son nouveau contrat de travail avec E______ Sàrl. Il ignorait pour quelle raison les documents litigieux avaient été envoyés postérieurement à sa demande déposée auprès de l'OCPM. K______ l'avait aidé dans ses démarches, dès lors que ce dernier l'avait aidé à communiquer avec l'agence, avait traduit en français lorsque cela était nécessaire et lui avait indiqué quels documents il devait produire. Confronté au fait que c'était son ancien avocat qui avait transmis les documents litigieux dans le cadre de son recours au TAPI le 30 septembre 2019 contre la décision de l'OCPM du 30 août 2019, il a expliqué qu'à cette période, il travaillait à ______, en France, sur un chantier. K______, qui ne se trouvait pas en Suisse à ce moment-là, l'avait appelé pour lui annoncer qu'il avait préparé les documents prouvant qu'il se trouvait en Suisse entre 2009 et 2014, les avait transmis à son avocat, ajoutant qu'il ne fallait pas s'inquiéter. K______ lui avait causé des problèmes en agissant de la sorte et il était très fâché contre lui.
b. A______ a produit un contrat conclu avec I______ SA, mandaté pour se charger de l'obtention de son titre de séjour et de celui de son épouse, contre la somme de CHF 10'000.- par personne dès la signature du contrat, puis CHF 5'000.- par personne au moment de la réception "d'attestation".
c. A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.
D. A______ est né le ______ 1969 à ______, en Bosnie-Herzégovine, pays dont il est originaire. Il est marié depuis 1992 et père de deux enfants majeurs. Son épouse vit la plupart du temps en Bosnie, et se rend parfois à Genève.
Il a terminé sa scolarité obligatoire en Bosnie, avant d'effectuer un apprentissage de machiniste technique durant quatre ans. Il est parti vivre en Croatie, à ______, lorsqu'il avait environ 20 ans, et y a travaillé en tant que pompier professionnel. En 1991, il est retourné en Bosnie, à cause de la guerre, et a été mobilisé en tant que soldat, jusqu'en 1995. Il a ensuite travaillé pour le ______, jusqu'à sa retraite militaire. Il a été blessé durant la guerre et est resté en Bosnie, jusqu'en 2009, bénéficiant d'une pension de blessé de guerre.
Dès lors qu'il ne bénéficie plus d’un permis de séjour, il a dû quitter la Suisse en novembre ou décembre 2024.
Vivant actuellement en Bosnie, il perçoit une retraite militaire à hauteur d'environ EUR 600.- par mois et entreprend des démarches pour ouvrir une boulangerie.
Sa fille vit à Genève, alors que son fils vit et travaille en France. Sa sœur, naturalisée suisse, vit à Genève et a trois enfants. Il a également deux cousines qui vivent à Genève. Une partie de sa famille, dont sa mère et son frère, vivent en Bosnie.
b. A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné (i) le 13 mars 2019 par le Ministère public du canton de Genève à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 40.-, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans ainsi qu'à une amende de CHF 1'440.-, pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. b et c LEI) et (ii) le 4 janvier 2021 par le Ministère public du Valais, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.-, pour entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI).
Culpabilité
1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (RS 0.101; CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101; Cst.) et 10 al. 3 du code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (RS 312.0; CPP), concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; ATF 127 I 28 consid. 2a).
En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c et 2d).
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a; 124 IV 86 consid. 2a ; 120 Ia 31 consid. 2c).
De la demande "Papyrus"
2.1.1. Selon l'art. 118 al. 1 LEI (anciennement LEtr), quiconque induit en erreur les autorités chargées de l’application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait, obtient frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers ou évite le retrait d’une autorisation est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L'auteur doit avoir un comportement frauduleux qui induit l'autorité en erreur, ce qui l'amène à accorder ou renouveler une autorisation. L'erreur doit avoir comme objet des faits. Il doit exister un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation de séjour. Si l'autorité avait eu connaissance de la vérité, elle n'aurait pas délivré cette autorisation (Nguyen/Amarelle (éds), Code annoté de droit des migrations, vol. II, Loi sur les étrangers, Berne 2017, N 7 et 9 ad art. 118 LEtr; Vetrelli/D'addaio Di Paolo, in Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, Berne 2010, N 4 ss ad art. 118).
Dans une récente affaire, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a prononcé l'acquittement de l'appelant de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités, en application du principe in dubio pro reo (AARP/118/2023 du 27 mars 2023). En l'occurrence, une demande d'autorisation de séjour avait été déposée par l'appelant auprès de l'OCPM dans le cadre de l'opération "Papyrus". De faux documents, en particulier des certificats de salaire, avaient été produits. Or, l'appelant avait fait appel à un tiers qu'il croyait avocat pour préparer et déposer sa demande, ce qui avait été fait sans qu'elle ne lui soit soumise au préalable. Ledit tiers était d'ailleurs précisément connu des autorités pénales pour avoir falsifié des documents dans le cadre d'autres dossiers "Papyrus", sans qu'il soit possible d'affirmer que l'appelant le savait ou s'était adressé à lui pour ce motif. Par ailleurs, l'appelant avait, d'emblée et de manière constante, contesté avoir travaillé pour les sociétés dont les documents émanaient prétendument. Il avait dès lors contesté avoir remis un quelconque faux document au tiers susmentionné à l'appui de sa demande. Enfin, l'appelant paraissait avoir passé la majeure partie de son temps en Suisse depuis les années 90 et y avait travaillé pour différentes entreprises depuis lors, tel que cela ressortait de l'extrait de son compte individuel AVS. L'appelait avait dès lors légitimement pu croire que sa demande avait des chances d'aboutir, surtout si elle était motivée par un homme de loi, sans avoir nécessairement à produire de faux documents. Ainsi, selon la Cour de justice, il existait à tout le moins un doute sérieux quant au fait que l'appelant aurait participé à l'élaboration des faux documents incriminés ou acquiescé d'une quelconque façon à leur production, avec conscience et volonté. Son acquittement des faits de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités a ainsi été prononcé (art. 22 CP cum art. 118 al. 1 LEI ; consid. 2.2.1.).
Le résultat de l'infraction se produit lorsque l'autorisation de séjour est accordée; à défaut, il s'agit d'une tentative (AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.1). Dans ce cas, selon l'art. 22 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.
L'infraction de comportement frauduleux à l'égard des autorités est une infraction intentionnelle; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2018 du 13 janvier 2022 consid. 5.1; AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.2).
2.1.2. Aux termes de l'art. 251 ch. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Le titre est défini comme un écrit destiné et propre à prouver un fait ayant une portée juridique (art. 110 al. 4 CP). L'écrit doit être objectivement en mesure de prouver un fait dont dépend la naissance, l'existence, la modification, le transfert, l'extinction ou la constatation d'un droit. Autrement dit, sa lecture doit convaincre de l'existence d'un fait de nature à modifier la solution apportée à un problème juridique (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3ème édition, N 17 à 27 ad art. 251 CP).
Le législateur réprime deux types de faux dans les titres: le faux matériel et le faux intellectuel. On parle de faux matériel lorsque le véritable auteur du titre ne correspond pas à l'auteur apparent (ATF 129 IV 130 consid. 2.1, JdT 2005 IV 118). Autrement dit, le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité. Commet un faux intellectuel, celui qui aura constaté ou fait constater faussement un fait ayant une portée juridique. Le faux intellectuel se rapporte ainsi à l'établissement d'un titre authentique (réalisé par l'auteur apparent), mais mensonger du fait que le contenu réel et le contenu figurant dans le titre ne concordent pas. Comme le simple mensonge écrit n'est pas répréhensible, même en présence d'un titre, il faut que celui-ci ait une valeur probante plus grande qu'en matière de faux matériel, pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel (Petit commentaire du CP, 2ème édition, N 34 ad art. 251).
Des fiches de salaire créées de toutes pièces par un tiers, à l'en-tête d'une société inexistante, ont été considérées par le Tribunal fédéral comme des titres, sous forme de faux matériels, dès lors que l'auteur apparent desdites fiches de salaire ne correspond pas à leur auteur réel et qu'elles établissent l'existence de rapports de travail ainsi que le montant d'un salaire y relatif, en vue d'obtenir des prestations indues (arrêt du Tribunal fédéral 6B_473/2016 du 22 juin 2017 consid. 4.2.1).
Lorsque l'auteur désigné par le titre est une personne morale, il y a lieu d'évaluer si le document est en soi apte à prouver que la personne morale a fait une déclaration, faute de quoi il ne s'agit pas d'un titre. Si c'est le cas, l'établissement de ce titre au nom de la personne morale par une personne qui ne peut pas (ou plus) valablement l'engager dans les rapports externes est un faux matériel (cf. ATF 123 IV 17 consid. 2b; Commentaire romand du Code pénal II, Bâle 2017, N 29 ad art. 251 CP).
Dans toutes les variantes envisagées, l'infraction est intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs objectifs, y compris sur le fait que le document ne correspond pas à la vérité et qu'il a une valeur probante. Le dol éventuel est suffisant. L'élément subjectif de l'infraction requiert, dans tous les cas, l'intention de tromper autrui pour se procurer ou procurer à un tiers un avantage illicite, ou causer un préjudice (Petit commentaire du CP, 2ème édition, N 46 et 48 ad art. 251).
Il y a concours réel entre l'art. 251 CP et l'art. 118 LEI si le comportement frauduleux à l'égard des autorités a été réalisé à l'aide de documents falsifiés (Nguyen/Amarelle, op. cit., N 3 ad art. 118 ; AARP/179/2022 du 15 juin 2022, consid. 2.1.3).
L'art. 251 CP exige de surcroît un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (ATF 138 IV 130 consid. 3.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 6B_736/2016 du 9 juin 2017 consid. 2.1). La notion d'avantage est très large. Elle vise tout type d'avantage, d'ordre matériel ou immatériel, qui peut être destiné à l'auteur lui-même ou à un tiers (ATF 129 IV 53 consid. 3.5 p. 60; arrêt du Tribunal fédéral 6B_116/2017 du 9 juin 2017 consid. 2.2.3). L'illicéité peut être déduite du seul fait que l'auteur recourt à un faux (arrêt du Tribunal fédéral 6B_441/2016 du 29 mars 2017 consid. 6.2)
2.1.3. L'opération dite "Papyrus", qui a pris fin au 31 décembre 2018, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE, bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir: avoir un emploi, être indépendant financièrement, ne pas avoir de dettes, avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum pour les familles avec enfants scolarisés ou sinon dix ans minimum, faire preuve d'une intégration réussie, et ne pas avoir de condamnation pénale autre que celle pour séjour illégal (ATA/1255/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5; ATA/1153/2022 du 15 novembre 2022 consid. 7; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 7 ; ATA/679/2022 du 28 juin 2022 consid. 6).
2.1.4. Le principe de l'accusation est consacré à l'art. 9 CPP, mais découle aussi des art. 29 al. 2 Cst., 32 al. 2 Cst. et 6 par. 1 et 3 let. a et b CEDH. Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le Ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits (art. 9 al. 1 CPP).
A teneur de l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne en particulier, le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, avec indication du lieu, de la date et de l'heure de leur commission, ainsi que de leurs conséquences et du mode de procéder de l'auteur (let. f).
En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du Ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu. Il doit les décrire de façon suffisamment précise pour lui permettre d'apprécier les reproches qui lui sont faits, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (fonction de délimitation et d'information ; ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2018 du 5 février 2019 consid. 1.1).
2.2. En l'espèce, le Tribunal tient pour établi, au vu des éléments figurant à la procédure et des déclarations constantes du prévenu à ce sujet, que les fiches de salaire pour les années 2009 et 2010 et les attestations prétendument établies par les entreprises C______ Sàrl et D______ Sàrl, ainsi que le contrat de travail établis au nom de la société E______ Sàrl ne correspondent pas à la réalité.
Ces documents n'émanent pas de leur auteur apparent ni d'une personne apte à représenter et/ou engager l'entreprise durant la période considérée, de sorte qu'il s'agit bien de faux matériels, au sens de la jurisprudence en la matière.
Cependant, le Tribunal constate que l'acte d'accusation retient que le prévenu a produit les documents litigieux dans le cadre de sa demande d'autorisation de séjour "Papyrus" déposée le 13 mars 2019. Or, il ressort des documents figurant à la procédure que la demande déposée le 12 mars 2019 par G______ ne contenait pas les documents litigieux. Au contraire, le formulaire M déposé lors de cette demande mentionne que le prévenu est arrivé le 1er janvier 2015 en Suisse.
Ces documents n'ont également pas été produits en annexe du courrier du 26 août 2019 envoyé à l'OCPM par G______, celui-ci mentionnant que le prévenu ne disposait pas de preuve attestant qu'il était arrivé en Suisse en 2009, dès lors qu'il n'avait pas été déclaré lors de ces différents emplois, et mentionne, à titre d'annexes, uniquement des témoignages d'amis et une liste de membres de sa famille.
Ainsi, le Tribunal retient que les documents litigieux ont été produits pour la première fois à l'appui de la demande de reconsidération du 27 septembre 2019 adressée à l'OCPM ainsi qu'à l'appui du recours déposé au TAPI le 30 septembre 2019, envoyé par le biais de l'avocat du prévenu.
La question de savoir si ces éléments respectent le principe d'accusation (art. 9 CPP) peut rester ouverte pour les raisons suivantes.
Force est de constater que, si les activités du prévenu sont bien documentées dès 2015, tel n'est pas le cas pour la période antérieure.
Le prévenu, dès sa première audition à la police, a déclaré que les documents litigieux étaient des faux, qu'il avait travaillé en Suisse pendant environ trois mois dès l'année 2009, sans être déclaré et sans recevoir de fiches de salaire. S'agissant du contrat de travail de E______ Sàrl, il a également spontanément indiqué que les adresses mentionnées sur ce contrat étaient incorrectes.
Le prévenu a, de manière constante, déclaré qu'il n'avait jamais vu ces documents et que ceux-ci avaient été transmis directement par K______ à son mandataire, G______, en charge à l'époque de son dossier et qui, au demeurant, connaissait personnellement K______. Il faut relever que la déclaration écrite de ce dernier, bien que n'ayant qu'une force probante limitée, dès lors que l'intéressé n'a pas été entendu formellement dans le cadre de la présente procédure ni averti de son obligation de témoigner et de répondre conformément à la vérité (art. 177 al. 1 CPP), corrobore la version du prévenu, hormis qu'il atteste avoir transmis les documents à l'avocat de l'intéressé.
Le prévenu a également déclaré avoir travaillé en Suisse entre 2009 et 2014 par périodes temporaires et pensait que les documents transmis par K______ correspondaient aux emplois qu'il avait occupés.
La question de savoir qui a transmis les documents litigieux à l'avocat en charge de la demande de reconsidération et du recours au TAPI n'a pas été instruite par le Ministère public, de même que celle de savoir si le prévenu savait que ces documents seraient produits à l'appui de ces actes de procédure et s'il avait conscience de leur fausseté.
Le dossier ne permet ainsi pas de savoir si le prévenu a lui-même confectionné ces faux, s'il les a simplement utilisés comme moyen de preuve ou si ceux-ci ont été directement transmis à son avocat par G______ ou par K______, qui lui avait dit avoir fait le nécessaire.
Que le prévenu, ne maîtrisant pas le français, ait eu conscience et volonté de produire de faux documents et, par conséquent, d'induire en erreur les autorités n'est donc pas démontré; qu'il l'ait envisagé et accepté ne l'est pas davantage (art. 12 al. 2 CP), aucun élément ne permettant de conclure qu'il avait connaissance des agissements de son mandataire et/ou de son avocat.
Par conséquent, en application du principe in dubio pro reo, le prévenu sera acquitté de faux dans les titres et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités.
De l'entrée, du séjour et de l'exercice d'une activité lucrative
3.1.1. Aux termes de l'art. 115 al. 1 LEI, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b), exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).
A teneur de l'art. 10 LEI, tout étranger peut séjourner en Suisse sans exercer d’activité lucrative pendant trois mois sans autorisation, sauf si la durée fixée dans le visa est plus courte (al. 1). L’étranger qui prévoit un séjour plus long sans activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation. Il doit la solliciter avant son entrée en Suisse auprès de l’autorité compétente du lieu de résidence envisagé (al. 2).
L'art. 11 LEI dispose quant à lui que tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d’activité salariée, la demande d’autorisation est déposée par l’employeur (al. 3).
3.1.2. Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. ; ce principe est également rappelé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP qui prévoit que les autorités pénales s'y conforment (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.1).
Le principe de la bonne foi protège ainsi le justiciable dans la confiance légitime qu'il place dans sa relation avec les autorités. Le Ministère public a changé de pratique quant à l'opportunité de poursuivre une infraction de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) dans l'hypothèse où un prévenu est acquitté de celle prévue par l'art. 118 LEI, dans le cadre d'une opération de régularisation comme "Papyrus", et ce pour la période pénale couverte par celle-ci. Ce raisonnement s'inscrit dans le contexte particulier où des étrangers sans autorisation sont invités par l'État à dévoiler leur situation irrégulière dans l'espoir de se voir octroyer un permis. Il paraît en effet conforme au principe de la bonne foi que les autorités pénales, qui n'auraient pas eu connaissance du séjour illégal sans la révélation volontaire de l'administré, ne le poursuivent pas si celui-ci n'adopte aucun comportement frauduleux à l'égard des autorités (AARP/70/2023 du 6 mars 2023 consid. 3.1 et 3.2; AARP/118/2023 du 27 mars 2023 consid. 2.1.5). Cela se justifie également au regard de la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de s'auto-incriminer, qui constitue un principe général applicable à la procédure pénale, découlant de l'art. 32 Cst., de l'art. 14 al. 3 let. g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II; RS 0.103.2) et du droit à un procès équitable au sens de l'art. 6 ch. 1 CEDH (ATF 142 IV 207 consid. 8.3).
Ce raisonnement ne s'applique toutefois qu'au plaideur qui était en droit de penser au moment où il avait déposé la requête, que celle-ci avait des chances d'aboutir, à l'exclusion de celui qui avait fait usage de faux pour tenter d'induire l'autorité en erreur (AARP/235/2023 du 6 juillet 2023 consid. 3.2.2). Autrement dit, seul l'étranger de bonne foi peut se prévaloir de la protection conférée par une opération tendant à permettre la régularisation d'étrangers séjournant et travaillant illégalement en Suisse mais pouvant être tenus pour étant désormais bien intégrés et répondant aux critères définis aux fins de ladite opération (AARP/458/2023 du 29 novembre 2023 consid. 3.5.2).
3.2. En l'espèce, il est établi à teneur des éléments figurant au dossier que le prévenu a séjourné et exercé une activité lucrative en Suisse entre le 5 janvier 2021 et le 25 avril 2022, ce qu'il a, au demeurant, admis.
Le Tribunal tient également pour établi que le prévenu a déposé une seconde demande d'autorisation de séjour le 15 janvier 2021 par le biais de I______ SA. Selon les déclarations du prévenu, cette société lui avait garanti "à 100%" qu'il obtiendrait une autorisation de séjour.
Le Tribunal constate que, suite à la demande d'autorisation de séjour précitée, l'OCPM a notifié au prévenu, en date du 16 mars 2021, un courrier l'autorisant à continuer à travailler auprès de F______ SA jusqu'à droit connu sur sa demande d'autorisation.
Certes, le prévenu a été condamné le 4 janvier 2021 par le Ministère public du Valais, à pour entrée illégale (art. 115 al. 1 LEI). Toutefois, dans les circonstances évoquées et pour les raisons susmentionnées, le prévenu, acquitté de comportement frauduleux à l'égard des autorités, pouvait se fier au courriel envoyé le 16 mars 2021 par l'OCPM, l'autorisant à séjourner et travailler en Suisse en attente d'une décision finale au sujet d'une éventuelle autorisation de séjour.
Ainsi, il sera acquitté d'entrée illégale, séjour illégale et exercice d'une activité lucrative sans autorisation.
De la non-affiliation à une assurance-maladie
4.1. A teneur de l'art 92 al. 1 let. a LAMal, celui qui se dérobe, partiellement ou totalement, à l'obligation de s'assurer, par des indications fausses ou incomplètes ou de toute autre manière, sera puni d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus.
Selon l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de recours AARP/37/2023, l'art. 92 al. 1 let. a LAMal doit être compris en ce sens que cette norme punit uniquement les actes actifs de tromperie, et en particulier le recours à des indications fausses ou incomplètes, menant à une absence d'affiliation. La simple omission de s'affilier à une assurance LAMal dans le délai légal fixé par les art. 3 al. 1 LAMal et 7 OAMal n'est en revanche pas réprimée par cette norme.
4.2. En l'espèce, dans la mesure où il est uniquement reproché au prévenu de n'avoir pas effectué de démarches actives pour obtenir une assurance LAMal, soit une simple omission de s'affilier, il ne saurait être reconnu coupable de l'infraction visée à l'art. 92 al. 1 let. a LAMal.
Le prévenu sera donc acquitté de ce chef d'infraction.
Frais et indemnisation
5. Compte tenu du verdict d'acquittement pour tous les faits reprochés au prévenu, les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).
6.1. Si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité fixée conformément au tarif des avocats, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure; les tarifs des avocats n'opèrent aucune distinction entre l'indemnité allouée et les honoraires dus en cas de défense privée (art. 429 al. 1 let. a CPP).
Le Message du Conseil fédéral indique que "cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l'Etat ne prend en charge ces frais que si l'assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail était ainsi justifié" (FF 2006, p.1313).
Au moment de déterminer si le recours à un avocat revêt un caractère raisonnable, la durée de la procédure et ses effets sur les relations personnelles et professionnelles du prévenu doivent être pris en considération, à côté de la gravité de l'accusation et de la complexité du cas en fait et en droit (ATF 138 IV 197 consid. 2.3.5, JdT 2013 IV 184). En ce qui concerne le caractère proportionné du volume de travail de l'avocat, ce dernier devra se limiter à un minimum dans les cas juridiquement simples. Lorsqu'il s'agit de crimes ou de délits, le concours d'un avocat ne pourra qu'exceptionnellement être considéré en tant que tel comme un exercice non raisonnable des droits de procédure (ATF 138 IV 197 consid. 2.3.5, JdT 2013 IV 184).
6.2. En l'occurrence, le prévenu a chiffré ses conclusions en indemnisation à un montant total de CHF 4'050.-, correspondant à 09h00 d'activité de son conseil au tarif horaire de CHF 450.-, ce à quoi il convient de rajouter 01h30 pour l'audience de jugement.
Il convient de considérer que l’assistance du prévenu par un avocat était in casu nécessaire et que les prestations facturées sont adéquates.
En conséquence, l'indemnité allouée au prévenu pour ses frais de défense sera fixée à CHF 4'725.- (soit 10,5 x 450.-).
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant contradictoirement :
Acquitte A______ de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), d'infraction à l'article 115 alinéa 1 lettre a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), d'infraction à l'article 115 alinéa 1 lettre b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), d'infraction à l'article 115 alinéa 1 lettre c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), de tentative d'infraction à l'article 118 alinéa 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) (art. 22 al. 1 CP) et d'infraction à l'article 92 alinéa 1 lettre a de la Loi fédérale l'assurance-maladie (LAMal).
Condamne l'Etat de Genève à verser à A______ CHF 4'725.-, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).
Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).
Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office fédéral de la police, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).
Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).
La Greffière | Le Président |
Voies de recours
Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).
Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).
L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Etat de frais
Frais du Ministère public | CHF | 335.00 |
Convocations devant le Tribunal | CHF | 45.00 |
Frais postaux (convocation) | CHF | 14.00 |
Emolument de jugement | CHF | 300.00 |
Etat de frais | CHF | 50.00 |
Frais postaux (notification) | CHF | 7.00 |
Total | CHF | 751.00 |
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Notification à A______
Par voie postale
Notification au Ministère public
Par voie postale