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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/477/2024

JTAPI/666/2024 du 28.06.2024 ( OCIRT ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION DE TRAVAIL;LIMITATION DU NOMBRE DES ÉTRANGERS;ACTIVITÉ LUCRATIVE DÉPENDANTE;PRIORITÉ DES TRAVAILLEURS INDIGÈNES;OBJET DU LITIGE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION
Normes : LEI.11; LEI.18; LEI.21.al1; OASA.19.al4.leta; Cst.29
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/477/2024

JTAPI/666/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Arnaud BEURET, avocat, avec élection de domicile

 

contre



OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             B______ SA est une société anonyme inscrite le ______ 2010 au registre du commerce du canton de Vaud, qui a pour but notamment la conception, le développement, la création et la production de nouveaux matériaux et de produits nécessaires à la santé de l'homme et des animaux utilisant notamment les technologies modernes suisses, ainsi que toute autre prestation de service dans ce domaine d'activité, notamment la recherche scientifique, le conseil professionnel, la formation continue des médecins, des pharmaciens, des esthéticiens et autres spécialistes. Toute activité commerciale et financière liée à la représentation et la distribution de produits médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et cosmétiques.

2.             Madame A______, née le ______ 1986, est une ressortissante russe.

Selon son curriculum vitae (CV), elle est titulaire d’un diplôme universitaire en économie de l’Université d'État C______, en Russie (2009), d’un Baccalauréat universitaire en D______ (E______), F______, F______ (2016) et d’une G______ de l’E______, Geneva H______, H______ (2021). A titre d’expériences professionnelles, elle a travaillé neuf mois au sein d’une société de recyclage de métaux I______, en Russie, en 2009/2010, comme assistante d’hôtel, en Suisse, à temps partiel, de 2011 à 2015, comme analyste junior/assistante du directeur des investissements auprès d’J______ SA à temps partiel (15 h par semaine) de 2017 à 2019, puis comme auxiliaire de recherche et d’enseignement à l’E______ à temps partiel (20 %) du 1er  février au 31 mars 2020.

3.             Le 22 juillet 2010, Mme A______ a été mise au bénéfice d'une autorisation temporaire pour formation au sens de l’art. 23 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), auprès de l'E______, prolongée à plusieurs reprises, la dernière fois jusqu’au 31 septembre 2021. Elle a par la suite été mise au bénéfice d'une autorisation de courte durée pour séjour en vue de mariage du 1er septembre 2021 au 30 août 2022.

4.             Par formulaire M daté du 30 novembre 2023, accompagné d'un courrier explicatif, B______ SA a transmis une demande d'autorisation de séjour à l'année avec activité lucrative (permis B) en faveur de Mme A______ auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), pour une activité de « market research analyst and customer excellence service specialist for Russian-speaking markets », au salaire mensuel de CHF 7'000.- calculé sur douze mois. L’entrée en fonction était prévue à réception de l’autorisation de travail.

Après avoir rappelé le cahier des charges de l’analyste d’études de marché et spécialiste du service d’excellence client pour les marchés étrangers, en particulier elle a exposé que Mme A______ possédait les qualifications et compétences requises, connaissances et compétences qu’elle avait pu démontrer durant ses années de travail d’une part dans le domaine de l’analyse financière pour une entreprise privée de gestion de patrimoine basée en Suisse et d’autre part en tant qu’auxiliaire de recherche dans le cadre d’un projet de recherche à la faculté d’économie et de management de l’E______. Elle parlait en outre le russe, l’anglais, le français et possédait des notions en allemand. L’engagement de l’intéressée serait un atout et un investissement rentable pour elle, ce qui représentait un intérêt économique direct pour le canton et la Suisse en général.

Elle a joint des pièces, dont ses résultats financiers, le CV de Mme A______, plusieurs documents relatifs à sa formation et son expérience professionnelle et le contrat de travail conclu avec l’intéressée du même jour.

5.             Par courriel du 6 décembre 2023, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui l'OCPM avait transmis cette demande, a requis des pièces et renseignements complémentaires de la société, à savoir notamment son effectif (au niveau suisse et pour le bureau de Genève), les objectifs de développement assignés à l'intéressée pour 2024 et 2025 et en quoi son engagement permettrait de développer le bureau genevois, le cas échéant, la raison pour laquelle le russe était demandé, sachant que la Russie n'était pas mentionnée dans le courrier du 30 novembre 2023, et le nom des actionnaires de la société.

6.             Par courrier du 14 décembre 2023, B______ SA a transmis à l’OCIRT les informations concernant son effectif, les noms de ses actionnaires et les objectifs de développement assignés à Mme A______ pour les années 2024-2025. La maîtrise du russe était demandée car ses partenaires de marché en Russie restaient importants. En outre, le russe restait une langue essentielle pour ses clients des pays de la Communauté des États indépendants (CEI) et de l’ex-CEI.

7.             Le 10 janvier 2024, l'OCIRT, après examen du dossier par la commission tripartite, a refusé l'octroi de l'autorisation sollicitée, au motif que l'admission en vue de l'exercice de l'activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse selon l'art. 18 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). De plus, l'ordre de priorité de l'art. 21 LEI n'avait pas été respecté, l'employeur n'ayant pas démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un pays de l'UE et de l'AELE n'avait pu être trouvé.

8.             Par acte du 12 février 2024, Mme A______, sous la plume d’un conseil, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à sa nullité, soit, subsidiairement, à sa reconsidération en ce sens qu’un permis B de séjour et de travail, subsidiairement un permis L de séjour et de travail, lui soit attribué, sous suite de frais et dépens.

La décision entreprise violait son droit d'être entendu, ne mentionnant pas, ni ne prenant en compte, les éléments de la réponse de B______ SA du 14 décembre 2023. En outre, l’absence d’intérêt économique pour la Suisse, élément retenu par l’OCIRT, n’était pas motivé. Il n’était ainsi pas possible de savoir si l’art. 21 al. 3 LEI avait été pris en compte, lequel permettait l’obtention d’une autorisation sans avoir à respecter l’ordre de priorité. Le poste à pourvoir, du fait de ses compétences, connaissances et relations, notamment dans l’industrie médico-cosmétique, aurait un impact direct sur l’économie genevoise et ainsi également en Suisse, dans la mesure où, cas échéant, plusieurs prises d’emploi supplémentaires pourraient voir le jour déjà à partir de courant 2024. Les conditions des art. 22 et 23 LEI étaient également remplies. Enfin, le refus de l’OCIRT violait les art. 3 al. 1 LEI et 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). La nullité de la décision devait ainsi être constatée, soit à tout le moins, celle-ci devait être annulée.

Elle rappelait sa bonne intégration en Suisse, depuis 2010. Partant, sa demande devait également être acceptée sous l’angle de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Elle a joint un chargé de pièces, dont divers documents visant à attester de sa bonne intégration en Suisse.

9.             Par courriers des 5 et 12 mars 2024, Mme A______ a encore versé des pièces complémentaires à la procédure.

10.         Dans ses observations du 15 avril 2024, l'OCIRT a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Aucune violation du droit d'être entendu n’était à déplorer. Les motifs invoqués à l’appui de sa décision définissaient clairement les raisons pour lesquelles l'autorisation sollicitée n'avait pas été accordée ainsi que les bases légales applicables. La recourante avait d’ailleurs pu faire valoir tous les griefs utiles dans son recours. Conformément à l'art. 90 LEI, la recourante se devait en outre de déposer une demande complète et de fournir sans retard les moyens de preuve nécessaires afin qu’il puisse prendre une décision en toute connaissance de cause. Sa demande n’étant pas complète, il lui avait adressé une demande de renseignements et de pièces le 6 décembre 2023. Or, dans le cadre de sa réponse, la recourante aurait pu ajouter toutes les informations complémentaires qu’elle estimait importantes.

Pour le surplus, le fait que la recourante ait résidé sur le territoire suisse au bénéfice d’une autorisation temporaire pour études ne lui conférait aucun droit quant à une prise d’activité. Elle devait ainsi être considérée comme une nouvelle demandeuse d’emploi et, partant, remplir les conditions nécessaires à l’octroi d’une autorisation de travail au sens des art. 18 et ss LEI. Or, à cet égard, il ne ressortait pas de l'expérience ou des diplômes de Mme A______ qu'elle était spécialiste en études de marché. Elle ne disposait ainsi ni de qualifications ni d'une expérience à ce point particulière qu'il serait impossible à l'employeur de recruter un travailleur doté des compétences requises sur le marché local ou titulaire d'un passeport européen au sein de IUE/AELE. Dans le courrier du 30 novembre 2023 puis dans le recours, le poste recherché était au demeurant celui d'un ou d'une analyste d'études de marché et spécialiste du service d'excellence pour les marchés étrangers. Ce n’était que dans le contrat de travail que la mention « specialist for Russian-speaking markets » apparaissait, ce qui limitait les candidats alors même que d'après les explications fournies par la recourante, la connaissance du marché de l'Europe de l'Est apparaissait plus importante que la maîtrise de la langue russe.

En outre, B______ SA n'avait pas annoncé la vacance du poste à l'office cantonal de l'emploi (OCE) et n'avait fait aucune recherche sur le marché suisse ou européen. Elle n'avait fait aucun effort pour trouver un travailleur correspondant au profil requis en Suisse ou au sein de l'UE/AELE et n'avait par conséquent pas respecté le principe de la priorité dans le recrutement. Si certes l’intéressée était diplômée d'une haute école suisse, son diplôme lui avait été délivré le 17 septembre 2021. Partant, sa demande d’autorisation ayant été déposée le 30 novembre 2023, soit plus de 6 mois après l'obtention du diplôme, le délai pour se prévaloir de l'art. 21 al. 3 LEI était échu et son application exclue.

Par ailleurs, il n’était pas possible d'affirmer qu'il existait une pénurie de la main-d'œuvre pour les spécialistes en études de marché à Genève, sur la base du rapport du SECO de 2016, lequel traitait des données au niveau national. Il n’était en tout état pas pertinent par rapport à la situation actuelle.

La recourante expliquait encore que son engagement aiderait significativement l'introduction du produit K______ de la société sur le marché de l'Europe de l'Est, car elle maîtrisait le russe et possédait une compréhension approfondie de la culture et des coutumes locales de l'Europe de l'Est. Or, il ressortait de son CV qu’après avoir obtenu son diplôme universitaire à la faculté d'L______, elle n'avait eu qu'une seule expérience professionnelle en Russie ce qui ne saurait lui avoir donné une grande connaissance des marchés de l'Europe de l'Est. Dès lors, l'on ne pouvait considérer qu’elle disposait de qualifications particulières dans un domaine souffrant en Suisse et dans les Etats membres de l'UE et de l'AELE d'une pénurie de main-d'œuvre spécialisée. II s'en suivait que les conditions de l'art. 21 al. 3 LEI n’étaient pas remplies et que l'ordre de priorité n'avait pas été respecté au sens de l'art. 21 al. 1 LEI, les recherches n'étant pas suffisantes.

Sous l’angle de l’art. 18 LEI, il ressortait du dossier que, malgré un bénéfice de CHF 491’409.44 pour l'activité annuelle de 2022, montrant une amélioration par rapport à l'année 2021 (perte de CHF 659'536.29), les comptes présentés par la société affichaient tout de même une perte reportée d’un montant de CHF  358'004.34.- au 31 décembre 2022. Il était dès lors difficile d'envisager que la société puisse générer une activité durable et servir les intérêts économiques de la Suisse. De plus, et malgré sa demande, l'employeur n’avait pas spécifié les objectifs de développement assignés à la recourante, se contentant d'affirmer qu’elle était indispensable à l'entreprise et cela grâce à sa connaissance du russe.

Les arguments avancés en relation avec sa situation personnelle et sa bonne intégration n’avaient enfin pas à être pris considération dans le cadre de la présente procédure, seul le volet économique des activités devant être pris en compte. Au surplus, l'objet du litige portait sur le refus de lui délivrer une autorisation à l'année avec activité lucrative (permis B) et non pas sur une autorisation avec activité lucrative de courte durée (permis L). Une telle requête était dès lors irrecevable.

11.         Par courrier du 19 juin 2024, faisant suite à une demande de renseignement du tribunal, B______ SA a confirmé sa ferme volonté d’engager la recourante.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ  - E 2 05  ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Bien que la recourante ne soit pas la destinataire de la décision querellée rendue par l'OCIRT, il n'en demeure pas moins qu'elle est directement atteinte par son contenu. Elle dispose dès lors d'un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée, étant par ailleurs précisé que B______ SA a confirmé vouloir toujours l’engager par courrier du 24 juin 2024.

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24  avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions de la recourante ou du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/185/2020 du 18 février 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés.

Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/4418/2019 du 23  mars 2021, consid.10b; ATA/185/2020 précité consid. 2b).

Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/648/2016 du 26  juillet 2016 consid. 2b).

7.             En l'espèce, l'objet du litige porte sur le refus de l'OCIRT de délivrer une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative (permis B) à la recourante. Il n'y a ainsi pas lieu d'examiner sa situation sous l'angle du cas de rigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI) et/ou de l’art. 8 CEDH, cet examen devant faire l'objet d'une demande propre, traitée par l'OCPM. De même, il ne sera pas entré en matière sur sa requête tendant à l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité de courte durée (permis L), celle-ci sortant du cadre de la présente procédure. Eu égard au respect du double degré de juridiction, le tribunal ne saurait en effet se prononcer, en première instance, sur cette demande.

8.             La recourante reproche à l’OCIRT d’avoir violé son droit d’être entendu en ne mentionnant pas ni ne prenant en compte, les éléments de la réponse de B______ SA du 14 décembre 2023 et en ne motivant pas l’absence d’intérêt économique pour la Suisse retenu dans sa décision. Il n’était pas possible de savoir si l’art. 21 al. 3 LEI avait été pris en compte, lequel permettait l’obtention d’une autorisation sans avoir à respecter l’ordre de priorité.

9.             Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst, le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 135 I 279 consid. 2.6.1 ; 135 I 187 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_529/2016 du 26 octobre 2016 consid. 4.2.1 ; 5A_681/2014 du 14 avril 2015 consid. 31 ; ATA/289/ 2018 du 27 mars 2018 consid. 2b). Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

Il comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.2.1).

10.         Dans une procédure initiée sur requête d'un administré, celui-ci est censé motiver sa requête en apportant tous les éléments pertinents ; il n'a donc pas un droit à être encore entendu avant que l'autorité ne prenne sa décision afin de pouvoir présenter des observations complémentaires (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, n° 1528 ss, p. 509 s ; ATA/523/2016 du 21 juin 2016 consid. 2b).

11.         Le droit d'être entendu implique aussi pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que l'autorité ou le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; ATF 137 II 266 consid. 3.2 ; ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; ATF 134 I 83 consid. 4.1 ; ATA/967/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2b).

12.         La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2 ; 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).

Toute violation des règles impératives de procédure n'entraîne ainsi pas nécessairement l'annulation de la décision contestée.

Quant à la nullité absolue, elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Hormis dans les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Si de graves vices de procédure, tels que l'incompétence qualifiée de l'autorité qui a rendu la décision, peuvent constituer des motifs de nullité, des vices de fond n'entraînent qu'à de très rares exceptions la nullité d'une décision (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 ; 138 III 49 consid. 4.4.3 ; 137 I 273 consid. 3.1 ; 136 II 489 consid. 3.3 ; 133 II 366 consid. 3.2 ; ATA/845/2022 du 23 août 2022 ; ATA/835/2022 du 23 août 2022).

13.         En l'espèce, alors même qu’il lui appartenait de motiver sa requête en apportant tous les éléments pertinents, l’OCIRT a dû interpeller le futur employeur de la recourante, par courrier du 6 décembre 2023, afin qu’il explicite sa demande et produise un certain nombre de documents complémentaires. Celui-ci y a répondu le 14 décembre 2023, soit avant que cet office ne prononce sa décision, le 10 janvier 2024, de sorte qu’aucune violation du droit d’être entendu n’est à déplorer à cet égard. Par ailleurs, si certes la décision litigieuse est succincte, elle demeure néanmoins parfaitement claire et ne nécessite pas de plus amples développements. Elle mentionne les bases légales applicables, soit les art. 18 et 21 LEI, ainsi que les motifs de refus. Ces éléments ont d’ailleurs permis à la recourante, sous la plume de son conseil, de motiver son recours de manière complète et, en particulier, d’y exposer de manière approfondie les raisons pour lesquelles elle estimait qu’une autorisation devait lui être délivrée. Dès lors, elle n’a subi aucun préjudice procédural. En tout état, même à supposer qu’une violation de son droit d’être entendu aurait été imputable à l’autorité intimée, ce grief a pu être réparé devant le tribunal et le renvoi de la cause à l’OCIRT constituerait ainsi une vaine formalité.

Ce grief d’ordre formel sera dès lors écarté.

14.         La recourante conteste le refus de l'OCIRT de lui délivrer une autorisation de séjour avec activité lucrative (permis B) auprès de B______ SA, comme « market research analyst and customer excellence service specialist for Russian-speaking markets ».

15.         La LEI et ses ordonnances règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants russes.

16.         Selon l'art. 11 al. 1 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour.

17.         L’art. 18 LEI prévoit qu’un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Lesdites conditions sont cumulatives (ATA/362/2019 du 2 avril 2019 ; ATA/494/2017 du 2 mai 2017 consid. 3 : ATA/401/2016 du 10 mai 2016).

18.         Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation (ATA/494/2017 précité). En raison de sa formulation potestative, l’art. 18 LEI ne confère aucun droit à l’autorisation sollicitée par un éventuel employé. De même, un employeur ne dispose d’aucun droit à engager un étranger en vue de l’exercice d’une activité lucrative en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3).

19.         Un étranger ne peut en outre être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEI).

20.         En d'autres termes, l'admission de ressortissants d'États tiers n'est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE ne peut être recruté. Le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18  décembre 2018 consid. 3c).

21.         Les conditions d'admission ont matériellement pour but de gérer de manière « restrictive » l'immigration ne provenant pas de la zone UE/AELE, de servir conséquemment les intérêts économiques à long terme et de tenir compte de manière accrue des objectifs généraux relatifs aux aspects politiques et sociaux du pays et en matière d'intégration (ATAF 2011/1 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1 ; C-6198/2014 du 18 mai 2015 consid. 6.1 ; C-857/2013 consid. 5).

22.         Les employeurs sont tenus d'annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement les emplois vacants qu'ils présument ne pouvoir repourvoir qu'en faisant appel à du personnel venant de l'étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l'exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l'ensemble du territoire suisse. L'employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu'ils déploient des efforts en vue d'offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c et les arrêts cités ; directives LEI, ch. 4.3.2.1).

23.         Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches à une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d'exercer cette activité (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.3). L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l'UE/AELE. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question, etc. (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3286/2017 du 18 décembre 2017 consid.  6.2 ; F-1992/2015 du 10 mars 2017 consid. 5.5 ; ATA/1094/2019 du 25  juin 2019 consid. 5c).

24.         Conformément à l'art. 90 LEI, l'étranger et les tiers participant à une procédure prévue par la loi doivent collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Ils doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (let. a) et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (let. b).

25.         En dérogation à l'art. 21 al. 1 LEI, un étranger titulaire d'un diplôme d'une haute école suisse peut être admis si son activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Il est admis provisoirement pendant six mois à compter de la fin de sa formation ou de sa formation continue en Suisse pour trouver une telle activité (art. 21 al. 3 LEI). Dans ce cas, l'employeur ne devra plus démontrer qu'il n'a pu trouver une personne correspondant au profil requis en dépit de ses recherches (ATA/1194/2021 du 9 novembre 2021 consid. 6b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2, Loi sur les étrangers, 2017, p. 171 n. 23).

26.         La notion d’« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s'agit, d'une part, des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. D'autre part, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, in FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main d'œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-5912/2011 du 26 août 2015 consid.  7.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.1 et les références citées ; C_8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 5 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid.  5d ; ATA/1018/2017 du 27 juin 2017 consid. 4c). L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (cf. ATA/896/2018 du 4 septembre 2018 consid. 6b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 s. et les références citées).

27.         Une activité lucrative revêt un intérêt économique prépondérant lorsqu'il existe sur le marché du travail un besoin avéré de main-d'oeuvre dans le secteur d'activité correspondant à la formation et que l'orientation suivie est hautement spécialisée et en adéquation avec le poste à pourvoir. Cette précision garantit que ce régime particulier ne s'applique que lorsqu'il y a effectivement pénurie de travailleurs dans un certain domaine de spécialité (par exemple informaticiens, médecins, enseignants ou encore infirmier diplômés) et que des personnes au chômage établies en Suisse ou provenant des pays de l'UE/AELE ne peuvent accomplir cette activité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.2  ; Rapport de la Commission des institutions publiques du Conseil national du 5 novembre 2009 relatif à l'initiative parlementaire visant à faciliter l'admission et l'intégration des étrangers diplômés d'une haute école suisse, FF 2010 373, p. 384 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 172 n. 26). L'admission de cette catégorie de personnes a lieu sans examen de règle sur l'ordre de priorité des travailleurs. Une activité lucrative revêt également un intérêt économique prépondérant lorsque l'occupation du poste permet de créer immédiatement de nouveaux emplois ou de générer de nouveaux mandats pour l'économie suisse (Directives LEI, chapitre 4, ch. 4.4.6 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-674/2011 du 2 mai 2012 consid. 6).

28.         La dérogation que constitue l'art. 21 al. 3 LEI par rapport à l'al. 1 de cette même disposition implique d'examiner d'abord si l'engagement de la personne concernée répond aux conditions de l'al. 3. C'est seulement si tel n'est pas le cas que l'on examine ensuite si les conditions de l'al. 1 sont réalisées. Par ailleurs, il faut observer que la condition de l'intérêt économique que l'engagement de la personne concernée doit représenter pour la Suisse est une condition préalable à l'engagement de toute personne étrangère (hors UE/AELE), selon ce qui découle de l'art. 18 let. a LEI. Cette condition s'applique ainsi à une admission au sens de l'art. 21 al. 1 LEI, même si elle n'est pas mentionnée par cette disposition. Cela signifie que la notion d'intérêt économique prépondérant spécifiquement mentionnée par l'art. 21 al. 3 LEI a une connotation particulière, qui implique que l'engagement de la personne concernée ne doit pas simplement servir les intérêts économiques de la Suisse, mais doit satisfaire à cette exigence dans une mesure remarquable.

29.         En l'espèce, s'agissant tout d'abord de la dérogation de l’art. 21 al. 3 LEI et de l'intérêt scientifique ou économique prépondérant invoqués par la recourante, si certes l’intéressée est diplômée d’une haute école suisse, son dernier diplôme lui a toutefois été délivré le 17 septembre 2021. Ainsi, lors du dépôt, le 30 novembre 2023, de la demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative en sa faveur, le délai de six mois à compter de la fin de sa formation pour trouver une activité lucrative revêtant un intérêt économique ou scientifique prépondérant était largement échu. Par conséquent, l'une des conditions de l'art. 21 al. 3 LEI n'étant pas remplie, il ne se justifiait pas qu'il soit dérogé à l'ordre de priorité prescrit par l'al. 1 de cette même disposition, auquel la demande litigieuse restait dès lors soumise.

Reste dès lors à examiner si la demande d'engagement de la recourante respecte les conditions prévues par l'art. 21 al. 1 LEI, telles qu'elles ont été rappelées plus haut. Or, à cet égard, le tribunal ne peut que constater que l'analyse à laquelle a procédé l'OCIRT, qui dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation, n'apparaît pas inappropriée. En effet, il ne ressort pas du dossier que B______ SA aurait annoncé la vacance du poste à l’OCE et/ou fait des recherches sur le marché suisse ou européen. La recourante ne conteste pas l’absence de démarches de son potentiel employeur, fondant l'essentiel de son argumentation sur le fait que cette exigence n'était pas applicable en raison de la dérogation prévue par l'art. 21 al. 3 LEI.

Il en découle que l'existence de recherches nécessaires et suffisantes pour retenir que la condition de l'ordre de priorité est remplie n'a pas été démontrée à satisfaction de droit.

L'une des conditions légales cumulatives applicables (art. 18 let. c cum 21 al. 1 LEI) n'ayant pas été respectée, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres conditions sont réalisées. À toutes fins utiles, il sera toutefois relevé qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'activité de la recourante au sein de B______ SA pourrait représenter un intérêt économique pour la Suisse au sens de l'art. 18 let. a LEI, tel que défini plus haut, que ce soit en termes de création de places de travail, d'investissements ou de diversification de l'économie régionale, faute de preuves du contraire et étant rappelé qu'il convient de ne pas confondre l'intérêt économique de la Suisse avec celui de cette société à engager la recourante en vue de développer son activité.

30.         En conclusion, l'autorité intimée n'a ni violé le droit ni excédé son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer à la recourante l’autorisation requise.

31.         Au vu de ce qui précède, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

32.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours.

33.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

34.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 10 janvier 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par son avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière