Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/532/2025 du 13.05.2025 ( FPUBL ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/4012/2024-FPUBL ATA/532/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 13 mai 2025 |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Mathieu JAQUERIOZ, avocat
contre
HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Véronique MEICHTRY, avocate
A. a. A______, né le ______ 1966, travaille aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) depuis le 1er avril 2014.
Il a d’abord été exclusivement au bénéfice de contrats de droit privé puis, dès le 1er mars 2015, a travaillé en qualité d’employé des HUG et parallèlement sur la base de contrats de droit privé. Dès le 13 septembre 2016, il a travaillé pour les HUG en qualité d’employé, au poste d’adjoint scientifique au sein du service des spécialités psychiatriques (ci-après : SSP). Dès le 4 avril 2017 et avec effet au 1er avril 2017, il a été nommé fonctionnaire à ce même poste. Dès le 1er décembre 2021, il a augmenté son taux d’activité à 60%. Le 7 septembre 2022, les HUG l’ont autorisé à exercer une activité accessoire en qualité d’adjoint scientifique auprès de l’Université de Genève (ci-après : l’université) à un taux de 10% et pour une durée limitée d’un an. En dernier lieu, il était employé à 60% par les HUG et 40% par l’université.
b. Selon un entretien d’évaluation du 16 mars 2017, ses prestations étaient satisfaisantes ou très satisfaisantes, et il avait notamment un très bon contact avec les patients et les collaborateurs. Des objectifs avaient été fixés en matière d’acquisition de connaissances dans le domaine du « neurofeedback », d’achèvement d’un projet destiné à publication et d’interaction avec les services et de développement d’un propre axe de recherche.
c. Le 2 avril 2024, B______, professeur et chef de service du SSP, et C______, responsable des ressources humaines ad interim, ont entendu D______ et E______, toutes deux assistantes de recherche à l’université. Un procès-verbal de cet entretien a été établi le 4 avril 2024.
D______, qui travaillait comme doctorante au sein du SSP depuis le 1er juillet 2023 sous la direction du Professeur F______, avait reçu le 22 mars 2024 un courrier de A______ lui reprochant le retard pris dans le recrutement des patients dans le cadre de leur étude. Elle avait répondu et contesté ce reproche, expliquant avoir effectué près des deux tiers des recrutements alors qu’elle ne travaillait qu’à 30% sur cette étude et qu’il était lui-même tenu de participer à ce recrutement. Dans l’échange, A______ lui avait reproché d’être agressive et qu’elle aurait pu lui répondre plus rapidement. Elle avait suggéré de reprendre la discussion avec le prof. F______. Ce dernier avait demandé quelques semaines auparavant à A______ de l’aider dans l’étude à laquelle E______ participait aussi.
Le 26 mars 2024, comme elle n’avait pas reçu le soutien attendu de A______, elle lui avait adressé un courriel, qui était resté sans réponse, puis était passée dans son bureau lui demander s’il serait présent et il lui avait répondu sèchement qu’il était occupé.
Un peu plus tard, elle avait entendu A______ dire à une collègue dans la cuisine qu’il ne l’aiderait pas, « elle, là », finissant par préciser qu’il s’agissait d’elle, « C______ ». Elle lui avait alors demandé s’il avait quelque chose à lui dire et il avait commencé à l’insulter copieusement, lui disant notamment : « ferme-la », « ta gueule », « tu n’es qu’une emmerdeuse », « tu es une lèche-cul ». Il avait tenu ces propos en boucle pendant plusieurs minutes, en présence d’G______, H______ et I______, ce dernier ayant demandé à A______ d’arrêter. Elle lui avait dit que son comportement n’était pas professionnel. Elle avait eu peur que la situation dégénère et qu’il s’en prenne physiquement à elle.
Elle avait demandé au prof. F______ d’être retirée de l’étude et de n’avoir plus à interagir avec A______.
Auparavant, A______ avait commencé à lui faire des compliments sur son physique. Puis, un jour, il lui avait dit qu’elle s’habillait comme une prostituée et ressemblait à une actrice porno, lui montrant une image de cette actrice. Lorsqu’elle portait des bottes, il lui disait qu’elle ressemblait à une dominatrice et qu’il pensait que les Portugaises – sa nationalité – étaient des femmes soumises.
D______ et E______ ont ajouté qu’il leur avait dit qu’il souhaitait construire un robot sexuel à leur effigie et à leurs noms, auquel il aurait ajouté un bouton pour les éteindre lorsqu’elles le « faisaient chier ». Il leur faisait souvent des compliments sur leurs tenues vestimentaires, notamment lorsqu’elles portaient des jupes.
Récemment, A______ avait demandé à D______ s’ils pouvaient faire le chemin en amoureux, en se tenant la main, pour aller déposer des échantillons dans le bâtiment des laboratoires.
Il lui faisait des commentaires sur les relations sexuelles qu’elle avait selon lui avec un collègue. En public, il faisait des sous-entendus sur le même sujet.
Les commentaires étaient devenus lourds à partir de novembre et décembre 2023. D______ lui avait demandé à plusieurs reprises de cesser, mais il réagissait par des rires et lui demandait d’être moins agressive et plus douce.
J______, auquel elle s’était confiée, lui avait dit que ce n’était pas la première fois qu’il tenait de tels propos. Elle avait elle-même été témoin d’une discussion entre lui et K______, l’entendant dire à celle-ci qu’il « se faisait » des scénarios de films où elle se faisait violer par quatre hommes dans une ruelle.
D______ s’était également trouvée dans ce type de situation avec A______. Il avait fait allusion au fait qu’elle pourrait jouer dans des films de James Bond et être une actrice sexy, qui aurait des relations – entendre : sexuelles – avec des acteurs, ce qui rendrait son copain jaloux. Il l’avait également comparée à une escorte de luxe. Il lui faisait souvent des commentaires subtils mais gênants sur ses tenues. C’était son premier emploi, et il était son supérieur hiérarchique, plus âgé qu’elle, et il lui semblait qu’il en profitait.
C______ était souvent amenée à travailler avec lui, et neuf fois sur dix il y avait des allusions à connotation sexuelle.
Il adoptait souvent ce genre de comportement avec des femmes jeunes mais jamais avec des femmes âgées. Il y avait parfois eu des mains posées sur l’épaule ou la cuisse, mais il était difficile de qualifier cela d’agression sexuelle, même si les gestes étaient gênants.
d. Le 17 avril 2024, L______ a décrit par courriel au prof. B______ les propos que A______ lui avait tenus le 12 mai 2022.
Comme elle lui reprochait le ton qu’il avait employé à son égard lors d’une soirée du 6 mai 2022, il lui a dit qu’il pensait qu’elle préférait les femmes, qu’elle était une « lèche-cul », qu’il ne l’aimait pas et ne l’avait jamais aimé, avant de quitter le bureau puis de revenir pour lui dire qu’il ferait semblant à l’avenir que tout allait bien entre eux, à quoi elle avait répondu que pour elle ce ne serait pas le cas.
Elle avait été affectée par le ton et les propos tenus, s’en était alors ouverte à son entourage proche, qui lui avait dit qu’il s’agissait d’une agression verbale, puis en avait reparlé le lundi 16 mai 2022 au prof. F______, qui lui avait dit que c’était inacceptable, qu’il allait recadrer A______ et lui dire de venir s’excuser et que si elle voulait aller plus loin – ce qu’elle n’avait finalement pas fait – il la soutiendrait.
e. Les 23 mai, 6 et 11 juin 2024, la hiérarchie du SSP a entendu plusieurs collaborateurs et collaboratrices du service au sujet des agissements de A______. Un procès-verbal a été à chaque fois établi.
ea. G______ a indiqué qu’elle était présente lors de l’altercation survenue à la cuisine. Il ne s’agissait pas d’une grosse dispute. Elle ne se souvenait pas sur quel sujet elle portait, mais la situation s’était vite calmée et les protagonistes étaient restés dans la cuisine pour manger. La dispute avait commencé lorsque A______ avait dit à D______ qu’elle commençait vraiment à l’« emmerder ». Elle travaillait pour A______ depuis 2015 et ne l’avait jamais entendu se disputer avec quiconque et n’avait elle-même jamais eu de problème avec lui. Il pouvait être stressé mais ne s’était jamais énervé ni avec elle ni avec un autre collègue. A______ avait aidé D______ à se faire embaucher comme doctorante, et celle-ci lui faisait beaucoup de demandes pour sa recherche. Il s’était plaint des nombreux courriels directifs qu’elle lui envoyait et de ses exigences, ce qui avait mené à l’incident du 22 (recte : 26) mars 2024. Il s’était confié à elle après la dispute et elle lui avait conseillé d’en parler à la hiérarchie. A______ était un collaborateur travailleur et passionné, original et doté d’une personnalité singulière, drôle, spontané et bon collègue, parlant facilement, surtout aux nouveaux et mettant facilement à l’aise. Il parlait beaucoup, presque trop. Lorsqu’il avait dit à D______ qu’elle commençait à l’« emmerder », c’était simplement sa spontanéité à l’œuvre. On pouvait cependant entendre qu’il était énervé, et elle lui avait demandé de se calmer.
eb. H______ avait été témoin de l’altercation de la cuisine. Le ton était monté très vite au sujet d’un courriel. Le sang-froid de D______ l’avait impressionnée. Les propos de A______ étaient insultants et comportaient des termes tels que « borderline », « fais chier » et « ta gueule ». L’échange était très intense et elle s’était sentie mal à l’aise. Elle n’avait jamais constaté rien de tel de la part de A______. Celui-ci pouvait être taquin et direct et faire des blagues qui pouvaient être mal perçues, tenir des propos limites et politiquement incorrects. Elle n’avait jamais eu de souci avec lui. Il pouvait pratiquer le premier, le second ou le troisième degré sur certains sujets, mais elle ne s’était jamais sentie blessée ni dénigrée. Il avait toujours été comme ça. Elle avait pu observer un peu d’inconfort chez certaines personnes face à ses propos et son comportement.
ec. I______ avait été témoin de l’altercation de la cuisine. A______ avait traité D______ de « lèche-cul ». La situation n’avait pas duré plus de deux minutes. Il était intervenu pour calmer la situation. Un incident d’une telle ampleur n’était jamais survenu. Il arrivait que A______, extraverti et expansif, et qui apportait une certaine dynamique et une certaine ambiance, positive dans la majorité des cas car il aimait participer lors des interactions sociales, tienne des propos nécessitant d’être repris et recadrés, lesquels n’étaient jamais malicieux mais tenaient des « propos de bar » et pouvaient être aussi bien politiques que religieux, sexuels ou sexistes. Cela arrivait par périodes et semblait refléter des passes difficiles où il gérait certaines émotions par l’humour.
ed. M______ a décrit A______ comme une personne hyperactive, impulsive, ne mesurant pas très bien ce qu’il disait, sympathique dans l’interaction, pouvant se montrer flatteur, très positif et motivé. D______ s’était confiée à lui d’interactions difficiles avec A______. Il avait lui-même observé que A______ pouvait rapidement amener les conversations sur une sphère intime ou sexuelle, poser des questions pouvant être gênantes ou faire des commentaires ou des blagues parfois déplacés. Il l’avait vu dire à deux ou trois reprises à des personnes différentes des phrases du type « Tu me fais penser à une actrice porno ». Il lui était également arrivé de faire des commentaires sur les comportements sexuels présumés des collègues féminines. Il supposait que c’était en raison d’une forme d’attirance qu’il éprouvait pour elles. Il l’avait vu une fois dire à un collègue que son épouse était « bien » en la présence de celle-ci, puis demandé plus tard au collègue s’il pouvait la consulter, étant précisé qu’elle travaillait également aux HUG. Ceux qui le connaissaient avaient tendance à banaliser ses comportements ou ses propos. Pour les autres, cela pouvait être plus gênant. Il pouvait se montrer susceptible face aux critiques.
ee. K______ s’entendait bien avec A______. Il parlait et « rigolait » aisément avec les gens, mais n’était pas « monsieur tout le monde ». Il aimait faire des boutades et attirer l’attention, mais ne savait pas s’arrêter au bon moment et allait parfois trop loin. Elle avait parfois dû le reprendre sur certains sujets, et lui avait dit que tout le monde n’avait pas forcément le sens du second degré, mais il n’avait pas semblé comprendre sa remarque. Lors d’une discussion, elle lui avait dit qu’il allait trop loin et il s’était vexé et lui avait demandé de sortir de son bureau. Il était excessif au sens où il faisait des remarques sexistes ou à caractère sexuel. Il lui avait demandé si une nouvelle patiente était belle. Il avait l’habitude de regarder les patientes de haut en bas. Il lui avait montré une photo d’elle sur les réseaux sociaux faisant mine de ne pas la reconnaître et lui disant qu’elle était bien mieux avant et avait jusqu’à janvier pour perdre du poids, commençant à l’appeler « bébé ». Elle avait l’habitude de le reprendre. Il ne faisait pas peur et elle était en mesure de le gérer. Ce n’était pas normal mais il n’était pas dérangeant. Il se montrait également homophobe, utilisant le mot « PD » même devant des patients. Il avait inventé un acronyme pour « SSP » se terminant par « pute ». Il était notoire qu’il était attiré par les femmes noires. Il avait très vite montré de l’intérêt pour une stagiaire noire mais avait fini par faire des commentaires racistes à son sujet, affirmant que les Noirs mentaient beaucoup, se créaient de faux profils et ne savaient pas travailler. La stagiaire n’était pas compétente mais les propos à son sujet étaient déplacés. Il lui avait dit avoir rêvé que la stagiaire se vengerait d’elle en l’enfermant dans une cave avec trois de ses cousins pour qu’ils l’agressent. A______ ne se rendait pas compte de ce qu’il faisait et était davantage le « rigolo » du groupe qu’un individu malveillant. Il faisait très attention depuis les faits de mars 2024, car il savait que D______ s’était plainte de lui. S’il était juste un « lourdingue », il avait un comportement punitif et tendance à lancer des rumeurs sur les gens qui le contrariaient ou ne validaient pas son comportement. A______ s’était souvent plaint du fait que D______ ne répondait pas à ses attentes professionnelles. D’autres personnes s’étaient plaintes de D______, qui était assez difficile, ne parlait aux gens que quand elle avait besoin de quelque chose, était très centrée sur elle-même et se vexait facilement. Lorsque A______ avait appris la plainte de D______, il l’avait appelée pour lui demander de témoigner en sa faveur, insistant sur le fait qu’il ne l’avait pas traitée de « pute ».
ef. L______ se souvenait que comme elle avait fait observer à A______ son comportement rude à l’occasion d’un apéritif de départ, celui-ci lui avait demandé si elle ne préférait pas les femmes et l’avait traitée de « lèche-cul », lui disant qu’elle avait toujours « léché le cul » de la professeure. Elle n’en avait pas parlé à l’époque, ne voulant pas compliquer l’entrée en fonction du nouveau professeur. Le comportement de A______ était clairement orienté vers les femmes, et tous les problèmes qu’il avait eus impliquaient des femmes. Elle l’avait entendu traiter des personnes de « pédés ». Il lui avait été rapporté qu’une patiente l’avait trouvé inadéquat. Il était connu qu’il avait une forte préférence pour les femmes noires et aurait pu avoir des problèmes avec une apprentie mais cela n’avait pas été le cas. Si une personne ayant son comportement devait être engagée dans le service, cela ne passerait pas. Même si A______ recevait un blâme, s’il ne se faisait pas soigner, il recommencerait.
eg. N______ a expliqué que A______ était une personne vive, bruyante et « brute de décoffrage ». Il lui était déjà arrivé de lui demander de baisser d’un ton quand elle l’entendait tenir des propos inadéquats ou s’énerver au téléphone, même sur des sujets privés. Par propos inadéquats, elle entendait des blagues intimes ou d’ordre sexuel. Plusieurs collègues étaient souvent présents et rentraient dans son jeu pour profiter du spectacle. Il n’avait pas forcément conscience de ce qu’il faisait et ses collègues en profitaient. Il avait un bon public composé autant de médecins, d’assistants et de secrétaires qui parfois, surenchérissaient sur ses propos. Son humour n’était pas particulièrement dirigé contre les femmes mais il était incorrect sur tous les sujets, ce qui n’était pas une posture professionnelle adéquate. On ne pouvait dire que son comportement était influencé par sa vie privée. Il était comme ça et ne savait pas se tenir. C’était lui qui avait intégré D______ dans le SSP. La dispute, à laquelle elle n’avait pas assisté, aurait été causée par des divergences sur leur travail de recherche. D______ aurait expliqué qu’elle avait décidé de ne plus se laisser faire et de lui parler de manière plus directive, ce qu’il n’avait pas apprécié. Elle savait qu’elle avait porté l’événement devant la hiérarchie et ne s’était pas sentie d’intervenir, d’autant qu’elle appréciait A______. Lorsqu’on lui signalait clairement que son comportement ou ses propos ne jouaient pas, il donnait tout de suite raison et se calmait. Le souci était qu’il allait recommencer et qu’il faudrait le lui rappeler souvent. Il lui était arrivé de lui expliquer que les gens ne percevaient pas forcément les choses de la même manière que lui et qu’il devait savoir faire la part des choses et prendre une posture professionnelle. Il ne semblait pas savoir ce qui se faisait ou non sur la place de travail. Depuis les événements de mars 2022, il était beaucoup plus discret et se faisait moins remarquer. Il y avait une sorte d’effet de groupe au SSP et A______ était juste le plus bruyant. Les autres le savaient et s’en servaient en le titillant. Il était une proie facile et il était très facile pour les autres d’obtenir la réaction souhaitée de sa part.
eh. O______ travaillait avec A______ depuis son arrivée au SSP et avait vu son comportement se dégrader avec le temps. Avec P______, elle était la première personne à avoir osé dire quelque chose. Elle n’avait jamais été la cible de ses blagues mais avait été témoin de plusieurs blagues graveleuses à caractère sexuel. Les collègues avaient souvent dû lui dire de se calmer. Elle mangeait avec lui au début mais avait fini par dire qu’elle le trouvait trop lourd. La situation s’était aggravée en 2020, après que le suicide du médecin responsable de certaines recherches eût entraîné l’arrêt de celles-ci et réduit l’activité de A______. Il s’était alors mis à tourner autour des bureaux des femmes, en particulier ceux des jeunes stagiaires et intérimaires qu’il invitait souvent dans son bureau. Elle était intervenue une fois pour dire qu’il n’y avait pas de raison qu’une jeune stagiaire aille dans son bureau, en l’absence de recherche en cours. Ce jour-là, l’ambiance à la cafétéria était électrique et il faisait des plaisanteries sur la stagiaire en disant qu’elle avait un physique de borderline et d’anorexique, ce qui était choquant car parmi les personnes qui riaient certaines s’occupaient précisément de ce type de troubles. Elle s’en était ouverte à sa hiérarchie. Comprenant que le sujet avait déjà été abordé sans que rien ne soit fait, elle était alors allée voir le prof. B______ pour lui demander de recadrer A______. Depuis lors, ce dernier avait obtenu un bureau plus éloigné du sien, mais elle l’entendait toujours lorsqu’il était irrité. Elle entendait également parler de ses blagues toujours axées sur le physique des femmes et du fait qu’il continuait de « scanner » les femmes de haut en bas. Elle l’avait entendu dire à des femmes « tu as maigri », « tu as pris du poids » ou « tu as pris des fesses ». Elle avait fini par ne plus aller à la cafétéria pour ne plus entendre ses réflexions. Les patients pouvaient entendre ce qu’il disait et certains lui avaient fait la remarque que le service se moquait des patients et lui avaient demandé si on se moquait d’eux en leur absence. Il y avait un danger de dégât d’image pour le service. Le service était plus calme en son absence, mais il était charismatique et avait un impact sur les jeunes collaborateurs qui étaient influencés par son comportement. Même si ce n’était pas toujours lui qui provoquait, il était toujours au milieu de la polémique. Il était très malléable et il était facile pour les autres de lui faire commencer une blague déplacée en lançant le sujet. Elle et une autre collègue parvenaient à le recadrer. Il était verbalement explosif. Il était très porté sur les femmes noires et avait tendance à leur tourner autour. La situation était tellement connue qu’il était possible qu’une personne n’ait pas été engagée dans le service « car A______ va flamber ».
ei. Q______ a expliqué que lorsqu’il était arrivé en novembre 2023, A______ avait fait circuler des rumeurs sur une relation entre lui et D______. Il faisait des commentaires sur le ton de l’humour mais c’était quand même gênant. Il était venu une fois dans son bureau pour lui demander s’il était en couple avec elle et il avait démenti. Il était d’origine brésilienne et A______ faisait parfois des commentaires sur les Brésiliens parlant de la pauvreté et des favelas et disant que les femmes brésiliennes étaient faciles, ce qui le gênait. Les commentaires avaient cessé après les deux premiers mois, et A______ ne lui parlait plus. Il pensait que c’était parce qu’il était devenu proche de D______. Il l’avait également entendu faire des commentaires racistes sur les Arabes dans le cadre du conflit israélo‑palestinien. Il avait tenu des propos délacés sur la destruction de Gaza, en public, comme il avait l’habitude de le faire. Q______ pensait que A______ avait un fond raciste et sans scrupules et que les gens s’étaient accommodés de cela. Il y avait une forme de banalisation.
f. Le 25 juin 2024, A______ a demandé à être reçu par sa hiérarchie. Il avait appris que plusieurs collègues avaient été entendus, et pensait que c’était en lien avec une altercation avec l’une de ses assistantes. Il souhaitait s’exprimer sur ces faits. Il avait entendu des dires rapportant des paroles qu’il n’avait pas prononcées.
g. Le 3 juillet 2024, A______ a été entendu.
Il avait été cité pour les comportements inappropriés à l’égard d’une collègue. Il travaillait avec D______ sur un projet multicentrique. Il l’avait accueillie alors qu’elle se plaignait d’avoir été maltraitée dans son précédent poste, et il l’avait rassurée en lui disant que ça se passait bien au SSP, où il avait formé une cinquantaine d’étudiants en 17 ans. Il l’avait encouragée à faire une thèse. Il l’avait accompagnée et lui avait montré ce qu’était la recherche. Il recevait chaque semaine des remerciements d’anciens étudiants. Elle avait souvent une attitude défensive et agressive et contrôlait souvent ce qu’il faisait. Elle devait recruter avec lui des patients TDA-H et borderline et il s’occupait du recrutement des patients bipolaires. Il avait accepté de les aider, elle et E______, sur une autre étude. Elle était froide et ne disait pas toujours bonjour. Ils avaient une relation professionnelle difficile. Elle avait refusé de prendre un bureau au campus biotech. Une fois il l’avait vue aux archives face-à-face avec Q______. Il avait pensé qu’elle voulait rester à cause de lui.
Le jour de l’altercation, il était à la cafétéria et avait dit d’elle qu’elle était une « emmerdeuse ». Elle avait surgi derrière lui et lui avait demandé ce qu’il avait dit, et il avait répondu « J’ai dit que tu es une emmerdeuse, tu es toujours après moi, tu me contrôles. Tu prends des rendez-vous, tu ne les tiens pas et tu fais plein d’erreurs, mais c’est toujours toi qui as raison ». Cela s’était arrêté là et il n’avait rien dit d’autre. Trois ou quatre collègues étaient présents. Par la suite, le prof. F______ lui avait dit qu’il ne travaillerait plus avec elle. Elle lui avait laissé du travail bâclé. Elle avait tout arrêté d’un coup. Il avait l’impression qu’elle n’avait pas grand-chose à faire. Il la trouvait très désagréable et il était très difficile de travailler avec elle.
Il n’avait pas fait de remarques sexuelles ou agressives, par exemple « tu ressembles à une actrice porno » ni parlé de construire des robots sexuels qui ressemblaient à des collègues, ou encore « tu ressembles à une escort de luxe ». Le matin même, il avait bu un café avec K______. Elle avait payé et la caissière avait dit que c’était bien, sur quoi ils avaient plaisanté sur le fait qu’ils allaient se marier. C’était le type de blague qu’il faisait. La veille, il avait parlé avec N______ et lui avait dit qu’elle avait une belle robe.
Il était de confession juive et on lui disait souvent que c’était pour cela qu’il avait fait un doctorat, grâce à la communauté juive. Comme il disait à D______ qu’il ne pouvait lui donner tous ses bons Migros, elle lui avait répondu « ah oui, j’avais oublié que tu es juif ». Il lui avait demandé ce que cela signifiait et elle lui avait répondu que les juifs étaient avares. Il n’avait pas eu de propos déplacés sur les Arabes ou les Noirs. Son ex-épouse était Camerounaise et son épouse actuelle était des Caraïbes. Il n’était donc pas raciste.
Le prof. F______ était content de son travail depuis qu’il était entré aux HUG en 2007. Il avait auparavant été directeur d’hôtel, avait repris des études à 40 ans, étant devenu le premier étudiant en master de neurosciences et avait fait un doctorat sur la neuroimagerie génétique du TDA. Il était un passionné. Il n’avait rencontré le prof. B______ qu’une fois en deux ans et celui-ci ne le connaissait pas du tout. Il admettait qu’il disait parfois des choses un peu « lourdes », des « conneries », mais cela n’allait pas plus loin. Il trouvait aussi que l’ambiance au SSP n’était pas bonne, mais pas à cause de lui, et il y avait de nombreux burn-out dans l’unité des troubles de l’humeur. Il savait que ses blagues pouvaient déranger certaines personnes, alors il ne leur parlait pas. Mais il y avait aussi des personnes que ces blagues ne dérangeaient pas. Personne n’était venu lui dire que ses blagues dérangeaient. Il savait qu’il y avait certaines personnes avec lesquelles il ne pouvait pas plaisanter. Plus personne ne « rigolait » désormais, l’ambiance était mauvaise.
Lors du repas de la fondue avec le prof. F______, D______ avait raconté que quelqu’un lui avait dit dans le bus « tu me suces pour 5 francs » ou qu’une autre personne lui avait demandé si elle ne voulait pas faire l’amour avec elle. Tout cela n’était pas rapporté car c’était dans l’interaction. Pour lui, D______ était l’image de sa fille : elles avaient à peu près le même âge. Il n’avait pas tenu de propos à caractère sexuel. Il était possible que parfois s’échangent des blagues au sein du service. Il choisissait les personnes avec lesquelles il plaisantait. Des collègues lui avaient conseillé de ne plus manger à la cafétéria quand il y avait D______ et E______, et il mangeait désormais seul dans son bureau. Il avait toujours été bienveillant. Il ne faisait plus de blagues. D______ avait menti.
h. Le 8 juillet 2024, les HUG ont convoqué A______ à un entretien de service le 15 août 2024.
i. Le 12 juillet 2024, A______ a demandé la copie des procès-verbaux des auditions d’H______, K______, N______, G______ et I______.
j. Le 6 août, A______ s’est plaint de ce que les HUG avaient refusé de lui transmettre les procès-verbaux. Il avait déjà été entendu et avait contesté les faits qui lui étaient reprochés et qui serviraient manifestement de fondement à la décision administrative, de sorte qu’il était en droit de prendre connaissance des renseignements écrits, soit notamment des procès-verbaux.
Aussi, et dans la mesure où il n’entendait pas se prêter à des actes d’instruction redondants et superfétatoires, il refusait de se présenter à l’entretien de service aussi longtemps que son droit d’être entendu ne serait pas respecté.
k. Le 8 août 2024, les HUG ont indiqué à A______ que l’entretien de service devait lui permettre de s’exprimer sur l’ensemble des faits qui lui seraient présentés. Le contenu essentiel des procès-verbaux serait alors porté à sa connaissance, les procès-verbaux eux-mêmes ne lui étant pas transmis pour des raisons d’intérêt prépondérant des personnes entendues qui travaillaient toutes dans le même service que lui. L’entretien pouvait être déplacé d’une semaine au plus. À défaut, il se déroulerait par écrit.
l. Le 9 août 2024, A______ a demandé l’application de la procédure écrite.
m. Le 15 août 2024, les HUG ont détaillé par écrit les fait rapportés par des collègues de A______ – son comportement lors de l’altercation du 22 (recte : 26) mars 2022, les propos déplacés récurrents notamment à caractère sexuel ou raciste et un comportement globalement inadéquat sur le lieu de travail décrits comme un fonctionnement pérenne et habituel – et indiqué que si ceux-ci étaient avérés, ils constitueraient des manquements graves et répétés aux devoirs de service et pourraient conduire à la résiliation des rapports de service pour juste motif ou au prononcé d’une sanction.
Le 22 (recte : 26) mars 2022, il s’était énervé, avait haussé le ton et avait notamment dit à D______ « ta gueule, ferme-la », « borderline, fais chier », « tu n’es qu’une emmerdeuse », « tu es une lèche-cul ». L’altercation avait paru comme violente et avait suscité un malaise parmi les témoins.
Il scannait régulièrement les collaboratrices de haut en bas ; il faisait des remarques à caractère sexuel envers les femmes ; par exemple des remarques sur leurs tenues vestimentaires, leur physique, notamment quand elles portaient des jupes : « tu t’habilles comme une prostituée » ; sur leur poids : « il m’a expliqué que j’étais bien mieux avant et que j’avais jusqu’à janvier pour perdre du poids », « tu as pris des fesses » ; en parlant d’une collègue : « elle a un physique borderline et elle doit avoir un trouble du comportement alimentaire ; « tu me fais penser à une actrice porno » ; « tu ressembles à une escorte de luxe » ; il avait dit vouloir construire un robot sexuel à l’effigie de certaines collègues ; il faisait des commentaires sur les comportements sexuels supposés de ses collègues féminines : « je me pose la question de savoir si tu ne préfères pas les femmes » ; il avait demandé à « faire le chemin en amoureux, main dans la main » ; il faisait des gestes déplacés, sur la main, l’épaule ou la cuisse ; il affichait sa préférence sexuelle pour les femmes noires de manière très ouverte et prononcée, mettant mal à l’aise ses collègues ; il tenait des propos homophobes ; il avait traité des personnes de « pédés » ; il proférait des remarques à caractère raciste : « les Portugaises sont des femmes soumises », « les Brésiliennes sont des femmes faciles », « les Noirs mentent beaucoup », « les Noirs se créent de faux profils et ne savent pas travailler » ; il était verbalement explosif : « vachette », « je ne t’aime pas, je ne t’ai jamais aimé », « qu’est-ce que vous foutez, vous foutez rien » (en criant), « mythomane » (en criant dans les couloirs) ; ce comportement, récurrent, était perçu par toutes les personnes entendues comme étant lourd, déplacé, inadéquat et profondément gênant.
Il était décrit par ses collègues comme impulsif, bruyant, « brut de décoffrage », pas conscient de ce qu’il disait, ayant simplement un humour incorrect sur tous les sujets, « comme ça » et ne sachant pas se tenir, tenant des « propos de bar », ou des propos nécessitant d’être repris ou recadrés ou incitant ses collègues à lui demander de « baisser d’un ton », donnant l’impression de ne pas savoir ce qui se faisait ou non au travail. Sa posture envers des patients « questionnait », elle pouvait être irrespectueuse et provoquer un dégât d’image pour tout le service. Malgré les remarques, il ne modifiait pas son comportement, inscrit dans la durée et rapporté comme récurrent. Il avait un comportement punitif envers des gens qui le contrariaient ou ne validaient pas son comportement, en lançant des rumeurs ou en faisant des remarques désagréables. Certaines collègues l’évitaient, le tenaient à distance ou même n’allaient plus déjeuner à la cafétéria. Le comportement était perçu par toutes les personnes interrogées comme problématique et inacceptable sur le lieu de travail. Il était clivant pour l’équipe, ne permettait pas de créer un climat de travail sain et professionnel et avait un impact sur le fonctionnement du service. Il n’était pas tolérable au sein de l’institution et du service. A______ ne remettait aucunement en question son comportement.
n. Le 27 août 2024, A______ a demandé à nouveau un tirage complet des onze procès-verbaux d’entretien de ses collègues. La demande se justifiait d’autant plus que le rapport d’entretien de service se fondait essentiellement sur ces témoignages.
o. Le 30 août 2024, les HUG ont refusé de transmettre copie des procès-verbaux, au vu de la nécessité de protéger les intérêts prépondérants des personnes entendues. Le contenu essentiel avait été porté à sa connaissance par le biais de l’entretien de service.
p. Le 30 septembre 2024, A______ s’est déterminé, relevant qu’il lui était difficile de se prononcer sans connaître les procès-verbaux et le contexte du recueillement des témoignages et les auteurs de ceux-ci, ce qui n’était pas anodin puisqu’il entretenait de mauvaises relations avec certains collègues, qui avaient intérêt à noircir le tableau.
Les relations avec D______ étaient cordiales au début mais s’étaient rapidement détériorées au raison des qualités professionnelles et personnelles problématiques de celle-ci. À la fin de l’année 2023, les tensions avaient atteint un point culminant lors de deux épisodes où elle avait tenu des propos antisémites et homophobes à son égard. Il s’en était plaint au prof. F______, le prof. B______ n’étant que rarement présent. Il avait proposé à D______ et E______ un bureau au campus biotech, qu’elles avaient refusé. Le 26 mars 2022, il s’était plaint à G______ des difficultés qu’il éprouvait avec D______. Il admettait avoir dit à G______ « je n’en peux plus, c’est une emmerdeuse » en parlant de D______. Lorsque cette dernière, entendant son nom, lui avait demandé s’il avait quelque chose à lui dire, il lui avait répété qu’elle était une « emmerdeuse » et qu’elle lui « coll[ait] au cul ». Il regrettait ces mots peu amènes mais contestait avoir insulté D______. Il sollicitait l’audition d’R______, S______, T______, U______, V______ et W______.
On ignorait quels collègues avaient pu avoir l’impression qu’il avait un « comportement clairement orienté vers les femmes ». Il contestait cet « avis général » ainsi que « quasiment intégralement » les remarques à caractère sexuel qu’on lui reprochait. Il s’agissait de propos rapportés par plusieurs personnes sans qu’on sache lesquelles.
Il admettait qu’il s’était déjà exprimé sur le poids de D______, étant précisé que celle-ci était préoccupée par son poids et en parlait elle-même beaucoup. Il admettait avoir touché l’épaule de collègues en signe de gratitude ou d’amitié mais pas d’avoir pris des mains ni touché des cuisses.
Lui reprocher de préférer les femmes noires et d’exprimer des propos racistes à leur sujet était « schizophrénique ». Il était choqué d’être accusé sur la base d’hypothèses de « certaines personnes » qui pensaient qu’on avait hésité à engager des femmes noires à cause de lui. Il contestait les reproches en lien avec la stagiaire noire – au contraire : celle-ci n’était pas bien intégrée et subissait un dénigrement de la part de différents collaborateurs, et il était le seul à s’inquiéter de son bien‑être ; elle avait fini par quitter le service en raison du comportement de certains collaborateurs à son égard, et non du sien, et elle avait gardé avec lui des liens cordiaux, ce dont elle pourrait témoigner.
S’agissant des reproches de propos homophobes, il était bisexuel, sans qu’il ait pu dévoiler son orientation aux personnes de son entourage comme il le souhaitait, en raison des remarques désobligeantes adressées par certains collègues, dont D______, qui lui avait dit « tu es le seul à ne pas savoir que tu es pédé », à quoi il avait répondu « oui, je suis pédé ». Il avait particulièrement souffert de cette situation et cherché de l’aide auprès des associations DIALOGAI et 360, ce qui lui avait permis de comprendre qu’il était victime d’une « outing » forcé, soit une forme d’agression le privant de la possibilité d’accomplir son « coming-out » de façon apaisée et après s’y être préparé. Il était particulièrement inique de lui prêter un comportement homophobe alors qu’il militait au sein d’associations juives pour l’inclusion de la cause LGBT. Il admettait avoir prononcé le mot « pédé », mais jamais en présence de patients.
Il contestait les allégations de remarques à caractère raciste. Il avait subi une séparation difficile avec son épouse noire en 2022 et s’en était ouvert à des collègues, leur confiant qu’elle avait admis avoir triché en engageant un tiers pour la rédaction de son mémoire.
Il n’avait jamais proféré de commentaires racistes sur les Arabes. Il était juif marocain et en tant que membre de l’association Suisse-Israël, il avait uniquement motivé son opinion que l’État d’Israël était en droit de se défendre contre l’organisation Hamas, qu’il considérait comme terroriste.
Il pouvait être dynamique et exubérant et sa voix pouvait porter, mais il n’était ni explosif ni verbalement agressif et n’avait ni tenu les propos décrits ni crié dans les couloirs. Il avait en revanche pu dire à L______ qu’il avait l’impression qu’ils ne s’aimaient pas, mais postérieurement à l’altercation de 2022 en lien avec l’attribution d’un bureau, laquelle avait eu lieu le jour de la séparation avec son épouse alors qu’il était dans un état psychologique et nerveux très compliqué.
Il ne niait pas sa personnalité affable, exubérante et loquace. Conscient qu’elle pouvait déranger certaines personnes, il s’adaptait et communiquait essentiellement avec celles avec qui il entretenait des rapports amicaux. Conscient que ses plaisanteries pouvaient apparaître comme « lourdes » à certains, il les réservait aux collègues qui ne se sentaient ni choqués ni brusqués. Il contestait avoir tenu les propos inadéquats qui lui étaient reprochés ou adressé à des patients des questions intrusives – lesquelles n’étaient d’ailleurs pas détaillées. Cela étant, il suivait des patients atteints de TDA-H et devait leur appliquer un protocole comprenant des questions sur le nombre des partenaires sexuels, les éventuels abus subis ainsi que le poids corporel. Il contestait avoir un comportement punitif. L’accusation selon laquelle il aurait lancé une rumeur au sujet de D______ était risible et infondée.
Il était employé des HUG depuis plus de 17 ans et il ressortait de l’entretien d’évaluation du 22 mars 2017 que le comportement, la communication et l’information envers les autres collaborateurs et la hiérarchie étaient ses points forts. Cette évaluation permettait de nuancer grandement les accusations portées contre lui. Il avait été irréprochable durant toute sa carrière. Il n’acceptait pas les nombreuses accusations portées contre lui, qui étaient mensongères et non prouvées. Le climat de travail s’était grandement détérioré depuis que le prof. B______ avait succédé au prof. X______ à la fin de l’année 2021. Il reprochait au prof. B______ son absentéisme du service, qui ne permettait pas de créer une atmosphère de travail convenable et une cohésion de groupe adaptée. Le prof. B______ avait été particulièrement critique à son égard après qu’il eût présenté son étude sur les douleurs du membre fantôme. Son courriel du 9 octobre 2023 aux différents collaborateurs était particulièrement acerbe à son égard et il considérait qu’il avait été dénigré par son chef de service. Il s’inquiétait également de sa charge de travail particulièrement épuisante, dès lors qu’il travaillait seul sur le projet « DynaMond » alors que les autres équipes étaient composées de cinq à sept collaborateurs. Il s’en était plaint à deux reprises au prof. B______, sans succès. Il avait adopté les bons réflexes en informant sa hiérarchie du litige l’opposant à D______, hélas sans succès. Il considérait qu’il pouvait être victime de mobbing. Il demandait quelles mesures étaient mises en place pour protéger sa personnalité.
L’audition d’R______, adjointe scientifique du doyen, de S______, data manager des études cliniques pour les prof. Y______ et X______, de T______, psychologue au SSP et au service de psychiatrie de liaison, d’U______, secrétaire, de V______, stagiaire secrétaire, et de W______, secrétaire, devait être ordonnée.
Il produisait plusieurs pièces, dont un courriel du 23 septembre 2024 par lequel il se plaignait au directeur des ressources humaines des HUG de la chasse aux sorcières dont il faisait l’objet de la part du prof. B______ et des ressources humaines de la psychiatrie des HUG, à la suite d’une banale altercation avec une collègue, après laquelle un dossier à charge totalement mensonger avait été « monté » contre lui.
q. Par décision du 29 octobre 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, les HUG ont résilié les rapports de service de A______ pour motif fondé et avec effet au 28 février 2025.
Son comportement inapproprié sur le lieu de travail constituait un manquement répété à ses devoirs de service entraînant une insuffisance de prestations ainsi qu’une rupture du lien de confiance.
Compte tenu de la rupture du lien de confiance, aucun poste ne pouvait lui être proposé au titre du reclassement.
Il était libéré de son obligation de travailler avec effet immédiat et son salaire lui serait versé jusqu’à l’échéance du congé.
r. A______ a été en arrêt pour cause de maladie dès le 30 octobre 2024, selon certificat médical de la docteure Z______ du même jour. Le 25 novembre 2024, l’incapacité de travail a été prolongée par la Dre Z______ jusqu’au 23 décembre 2024.
Compte tenu de cette incapacité de travail, les HUG ont prolongé l’échéance du congé au 31 mars puis au 30 avril 2025.
B. a. Par acte remis à la poste le 29 novembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que sa réintégration soit ordonnée. Subsidiairement, les HUG devaient se voire enjoindre d’ordonner son reclassement. En tout état de cause, le droit devait lui être accordé de modifier ses conclusions en cours d’instance. Préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours, l’intégralité de son dossier personnel et les procès‑verbaux des auditions de tous les collaborateurs devaient être produits par les HUG, et l’audition d’R______, S______, T______, U______, V______, G______ et X______ devait être ordonnée.
Son dossier personnel était vierge de toute sanction. Il était en incapacité de travail en raison de la procédure de résiliation des rapports de service. Il souhaitait terminer sa carrière aux HUG, à tout le moins dans un autre service.
Son droit d’être entendu avait été violé. La décision querellée n’indiquait nullement quels comportements ou manquements lui étaient reprochés. Les HUG n’avaient pas donné suite à ses offres de preuve et ne lui avaient pas remis les procès-verbaux des auditions des collègues sur lesquelles ils fondaient leurs reproches.
Le motif fondé invoqué par les HUG n’était pas établi. Si par impossible un comportement inapproprié devait être retenu, il ne revêtirait pas un caractère systématique ou répété et il ne pourrait pas être établi qu’un degré de gravité tel aurait été atteint que la résiliation des rapports de service serait fondée. Ses explications selon lesquelles il évoluait dans un service laissé à l’abandon par la hiérarchie avaient été balayées. Or, cette absence avait détérioré les relations internes. C’était dans ce contexte particulier que sa personnalité avait été gravement atteinte et que sa hiérarchie n’avait pas su le protéger malgré ses plaintes.
La décision violait le principe de proportionnalité. Il eût été bienvenu que les HUG, confrontés aux plaintes d’un ou plusieurs collaborateurs, proposent des mesures alternatives à la résiliation, telles que son déplacement d’un service à un autre ou une sanction.
C’était en violation de la loi que les HUG ne lui avaient pas proposé de reclassement ni de mesures de développement et de réinsertion professionnelle. Ils ne lui avaient jamais rien propos pour apaiser les tensions, manifestement vives, au sein du service. Aucune circonstance ne justifiait une exception au principe du reclassement. L’altercation avec C______ était un incident isolé dans son parcours. Son dossier immaculé démontrait qu’il était en mesure d’évoluer sereinement dans un service diligemment et adéquatement encadré par la hiérarchie. Les HUG ne démontraient ni n’alléguaient en quoi son comportement empêcherait un reclassement dans une autre fonction ou à un autre poste au sein des HUG ou d’un autre établissement public médical voire au sein de l’administration cantonale.
b. Après un échange d’écritures, la chambre administrative a refusé, le 28 janvier 2025, de restituer l’effet suspensif au recours.
c. Le 31 janvier 2025, les HUG ont conclu au rejet du recours. Ils ont notamment produit les procès-verbaux des auditions des collaborateurs sur lesquelles ils avaient fondé leur décision.
Le droit d’être entendu du recourant n’avait pas été violé. Le motif fondé de licenciement était établi. Les comportements rapportés n’étaient pas isolés mais constitutifs d’un mode de fonctionnement pérenne, voire s’aggravant, et ils étaient accompagnés d’un déni complet de la part du recourant empêchant tout changement de comportement.
Le reclassement était illusoire. Le comportement du recourant avai perduré durant des années et s’était aggravé dès 2020. Le recourant ne s’était à aucun moment remis en question lors de l’entretien du 3 juillet 2024 et lors de l’entretien de service, il n’avait reconnu aucune part de responsabilité mais rejeté la faute sur la gestion du service ou les personnes qui ne pensaient pas comme lui. Un reclassement reviendrait à reporter dans un autre service ses problèmes de comportement. Compte tenu de la nature des manquements reprochés, pour certains constitutifs de harcèlement sexuel et d’atteinte à la personnalité de collègues ou de patients, un reclassement irait à l’encontre de l’obligation des HUG de protéger la personnalité des membres de leur personnel ainsi que de leur patientèle.
d. Le 21 mars 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions et son argumentation.
Les HUG ne réfutaient pas, ni même ne discutaient, l’atteinte à la personnalité qu’il avait subie. Il persistait à mettre en exergue l’absence de hiérarchie au sein du service, laquelle avait contribué notamment à exacerber les tensions existantes.
Il demandait l’audition de AA______, qui avait été son assistante durant la période litigieuse.
e. Le 7 avril 2025, les HUG ont dupliqué.
Ils avaient réfuté toute atteinte à la personnalité du recourant et soutenu au contraire que c’était lui qui avait porté atteinte à la personnalité de plusieurs collègues de travail.
Ils ont demandé l’audition de AB______ et D______ si les faits qu’ils avaient allégués et documentés par pièces devaient ne pas être tenus pour établis.
f. Le 8 avril 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
g. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les allégués et pièces produits par les parties.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. À titre préalable, le recourant et les intimés concluent à l’audition de témoins, et le recourant à la production de son dossier et des procès-verbaux des auditions de ses collègues.
2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier. En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).
2.2 En l’espèce, les intimés ont produit le dossier du recourant contenant entre autres les procès-verbaux de toutes les auditions de ses collègues dans le cadre de la procédure ayant conduit à la décision litigieuse. La conclusion préalable a ainsi perdu son objet sur ce point.
Les témoins dont le recourant demande l’audition devraient tout d’abord attester qu’il n’aurait jamais adressé des propos ou remarques à caractère sexuel dans le service. Or, le dossier contient nombre de témoignages individuels de collègues attestant que le recourant tenait régulièrement et depuis des années des propos à caractère sexuel, et le recourant lui-même a admis dans ses écritures qu’il pouvait tenir des propos « lourds ». Il paraît difficile voire impossible qu’une seule personne ou même plusieurs personnes puissent établir par témoignage l’inexistence générale et durable d’un fait ou d’un agissement, en l’espèce des propos topiques rapportés par des individus ou des groupes y ayant assisté. À cela s’ajoute que le recourant a indiqué qu’il limitait ses propos « lourds » à des collègues qui ne s’en plaignaient pas.
Il peut ainsi être conclu à ce stade que les éventuelles déclarations individuelles de témoins qui affirmeraient ne jamais avoir entendu de propos à caractère sexuel seraient sans effet sur la valeur probante des déclarations d’autres collègues affirmant avoir été destinataires ou témoins de tels propos, de sorte qu’il peut par appréciation anticipée des preuves être renoncé à ces témoignages.
Quant au fait que le recourant aurait par ailleurs entretenu de bonnes relations et se serait montré bienveillant avec certains collègues et patients, cela n’est pas contesté et a été consigné dans son évaluation périodique et rapporté par la plupart des collègues entendus par les HUG. Il en va de même des confidences qu’il aurait faites à certains collègues sur son ex-épouse. L’effet de ces circonstances sur l’issue du litige sera examiné plus loin. Il n’y a pas lieu de le faire confirmer par témoins.
Les atteintes à la personnalité dont le recourant se plaint ne sont pas l’objet de la présente procédure. Quand bien même il serait établi qu’il aurait subi des propos de nature sexiste ou méprisante et que sa hiérarchie ne l’aurait pas protégé, cela serait sans effet sur la solution du litige, ainsi qu’il sera vu plus loin, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’entendre de témoins sur ce point.
Il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction.
3. Dans un premier grief, d’ordre formel, le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu.
3.1 Le droit d’être entendu comprend le droit pour l’intéressé d’avoir accès au dossier lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 135 I 279 consid. 2.3) ainsi que l’obligation de motiver les décisions. Cette obligation vise à ce que le justiciable comprenne la décision et exerce ses droits de recours et à ce que l’autorité de recours puisse effectuer son contrôle. Elle est réalisée lorsque l’autorité mentionne les motifs sur lesquels elle fonde sa décision de manière à ce que le recourant saisisse la portée de la décision et puisse l’attaquer en connaissance de cause (ATF 129 I 232 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_70/2012 du 2 avril 2012 ; 8C_104/2010 du 29 septembre 2010 consid. 3.2 ; ATA/1092/2015 du 13 octobre 2015 consid. 3 et les références citées). Le droit d’être entendu ne contient en revanche pas d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1).
3.2 L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu ; l’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 144 I 11 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités).
3.3 En matière de fonction publique, la jurisprudence admet de manière générale le renvoi au contenu d'entretiens avec la hiérarchie s'agissant des motifs de licenciement (ATA/582/2024 du 14 mai 2024 consid. 3.2 ; ATA/1275/2022 du 20 décembre 2022 consid. 2 ; ATA/418/2022 du 26 avril 2022 consid. 2b). Elle admet également que des occasions relativement informelles de s'exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d'être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu'une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (ATF 144 I 11 consid. 5.3 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_176/2022 du 21 septembre 2022 consid. 4.1). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais doit également savoir qu'une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (arrêt du Tribunal fédéral 8C_158/2009 du 2 septembre 2009 consid. 5.2, non publié aux ATF 136 I 39, et les arrêts cités).
3.4 Au sein des HUG, un entretien de service entre le membre du personnel et son supérieur hiérarchique a pour objet les manquements aux devoirs du personnel (art. 46 al. 1 du statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999 ; ci-après : le statut - PA 720.0). Le membre du personnel peut se faire accompagner d'une personne de son choix. Un responsable des ressources humaines est présent (art. 46 al. 2 du statut). La convocation doit parvenir au membre du personnel quatorze jours avant l'entretien. Ce délai peut être réduit lorsque l'entretien a pour objet une infraction aux devoirs du personnel (art. 46 al. 3 du statut). Un compte rendu d'entretien est établi dans les sept jours. Les divergences éventuelles peuvent y figurer ou faire l'objet d'une note rédigée par le membre du personnel dans un délai de quatorze jours, dès réception du compte rendu de l'entretien de service (art. 46 al. 5 du statut).
3.5 Selon l’art. 28 al. 1 LPA, lorsque les faits ne peuvent être éclaircis autrement, les autorités suivantes peuvent au besoin procéder à l’audition de témoins : le Conseil d’État, les chefs de départements et le chancelier (let. a) ; les autorités administratives qui sont chargées d’instruire des procédures disciplinaires (let. b) ou les juridictions administratives (let. c). L’art. 42 al. 1 LPA prévoit que les parties ont le droit de participer à l’audition des témoins, à la comparution des personnes ordonnées par l’autorité ainsi qu’aux examens auxquels celle-ci procède.
Dans un cas portant sur l’audition par une autorité de chauffeurs d’une plateforme de diffusion de courses, la chambre de céans a retenu que les chauffeurs n’ayant pas été entendus par une autorité au sens de l’art. 28 al. 1 LPA, ils ne pouvaient être considérés comme des témoins. L’autorité n’était en conséquence pas tenue de convier les recourantes aux auditions des chauffeurs. Cela étant, les procès-verbaux de ces auditions avaient été adressés aux recourantes avant le prononcé de la décision et celles-ci n’avaient pas sollicité l’audition des chauffeurs par la chambre administrative. En outre, si tant est qu’il fallût admettre une violation de leur droit d’être entendues, celle-ci avait été réparée devant la chambre administrative, les recourantes ayant pu se déterminer sur ces auditions devant celle-ci, étant relevé que la chambre administrative disposait d’une pleine cognition en fait et en droit (ATA/1151/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4bb, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_34/2021 du 30 mai 2022 consid. 4.2.2). Le même raisonnement a été appliqué plus récemment à l’audition par l’OCIRT d’employés de maison et de voisins dans un cas de respect des conditions du contrat-type de travail de l’économie domestique (ATA/1268/2023 du 24 novembre 2023 consid. 4).
3.6 Une décision entreprise pour violation du droit d'être entendu n'est en principe pas nulle, mais annulable (ATF 136 V 117 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3). La réparation du droit d'être entendu en instance de recours n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_533/2012 du 12 septembre 2013 consid. 2.1). Elle dépend aussi de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2). La possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. La partie lésée doit pouvoir faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/711/2020 du 4 août 2020 consid. 4b).
3.7 En l’espèce, le recourant reproche d’abord aux intimés de ne pas lui avoir transmis la copie des procès-verbaux des auditions de ses collègues avant de prendre la décision querellée.
Ce refus ne porte toutefois pas à conséquence, dès lors que les HUG ont communiqué au recourant la teneur des reproches lors de l’entretien de service par écrit et que celui-ci a pu se déterminer à leur sujet.
Certes, le recourant n’a alors pas disposé du texte intégral des dépositions et n’a en particulier pas pu contextualiser les reproches ni identifier tous leurs auteurs. S’il devait être considéré que cette circonstance a constitué une violation de son droit d’être entendu, celle-ci serait mineure et aurait été réparée dès lors que le recourant a eu accès aux procès-verbaux devant la chambre de céans et que l’occasion lui a ainsi été donnée de compléter sa détermination au sujet des reproches de ses collègues.
Le recourant reproche ensuite aux intimés un défaut de motivation de la décision. Il ne peut être suivi : la décision se réfère expressément à l’entretien de service écrit durant lequel les reproches adressés au recourant ont été détaillés de manière exhaustive. Le recourant connaissait donc les motifs de la résiliation des rapports de service et il les a d’ailleurs réfutés de façon détaillée.
Le recourant reproche enfin aux intimés de ne pas s’être prononcés sur ses objections et réfutations. Il est exact que la décision ne dit rien à cet égard. Toutefois, l’autorité n’est pas tenue de se prononcer sur tous les arguments de l’administré. C’est qui importe, c’est que la motivation de sa décision soit compréhensible à ce dernier. Le recourant a pu comprendre en l’espèce que le point de vue des intimés n’avait pas été modifié par ses déterminations. Les intimés se sont en outre déterminés sur sa position dans leur réponse à son recours, de sorte que l’occasion lui a été donnée de se déterminer à ce propos.
Le grief sera écarté.
4. Dans un second grief, le recourant conteste le bien-fondé de la résiliation de ses rapports de service.
4.1 Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).
Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).
4.2 La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1046/2024 du 3 septembre 2024 consid. 3.4 et l'arrêt cité).
4.3 En tant que membre du personnel des HUG, le recourant est soumis au statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999 (ci-après : le statut - PA 720.0) en application de l'art. 1 al. 1 let. e de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du Pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et de l'art. 7 let. e de la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 (LEPM - K 2 05). Il est aussi soumis à la LPAC et au règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du Pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) notamment.
4.4 Les devoirs des membres du personnel des HUG sont énoncés dans le titre III du statut. Ces derniers sont tenus au respect de l'intérêt de l'établissement et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 du statut). Selon l'art. 21 du statut, qui reprend en substance la teneur de l'art. 21 RPAC, les membres du personnel se doivent notamment, par leur attitude, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a) ; de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c) ; d’adopter un comportement adapté à la situation des personnes malades, en particulier en faisant preuve de tact, de patience, de compréhension et en leur apportant les services dont ils ont besoin (let. d).
4.5 Les rapports de service peuvent être résiliés pour motif fondé (art. 21 al. 3 LPAC). Selon l'art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ou de la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).
4.6 L'élargissement des motifs de résiliation des rapports de service, lors de la modification de la LPAC entrée en vigueur le 31 mai 2007, n'implique plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration. L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1219/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4c et les références citées). Il faut que le comportement de l'employé – dont les manquements sont aussi reconnaissables pour des tiers – perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.1 et 4.2). De jurisprudence constante, le fait de ne pas pouvoir s'intégrer à une équipe ou de présenter des défauts de comportement ou de caractère tels que toute collaboration est difficile ou impossible est de nature à fonder la résiliation des rapports de travail, quelles que soient les qualités professionnelles de l'intéressé (ATA/530/2024 du 30 avril 2024 consid. 5.3 et l'arrêt cité). En outre, alors même que la relation avec les patients est bonne, des difficultés relationnelles répétées avec les collègues et la hiérarchie, émaillées d'incidents et d'emportements, mis en évidence par les évaluations successives et ayant fait l'objet d'entretiens, de rappels et d'accompagnements, pris dans leur ensemble, peuvent constituer un motif fondé de résiliation (ATA/1521/2019 du 15 octobre 2019 consid. 6 et 7).
4.7 La notion de motifs fondés doit être concrétisée, dans chaque situation, à la lumière des circonstances du cas d’espèce. L’employeur jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration (ATA/530/2024 précité consid. 5.3 et l'arrêt cité). Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) et de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. ; ATA/530/2024 du 30 avril 2024 consid. 5.4 et les arrêts cités).
4.8 Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1).
4.9 Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le recours à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs est admis. Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu’il est incompatible avec le comportement que l’on est en droit d’attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut ainsi engendrer une sanction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.2).
4.10 Les justes motifs de renvoi des fonctionnaires ou employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_667/2019 du 28 janvier 2021 consid. 6.2 et les arrêts cités ; 8C_638/2016 du 18 août 2017 consid. 4.2 et les références citées). Les conditions justifiant une résiliation ne se déterminent pas de façon abstraite ou générale, mais dépendent concrètement de la position et des responsabilités de l'intéressé, de la nature et de la durée des rapports de travail ainsi que du genre et de l'importance du manquement (ATF 142 III 579 consid. 4.2).
4.11 Les art. 2 à 7 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l’égalité, LEg - RS 151.1) s'appliquent aux rapports de travail régis par le droit public fédéral, cantonal ou communal (art. 2 LEg).
Selon l’art. 4 LEg, par comportement discriminatoire, on entend tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d’imposer des contraintes ou d’exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d’obtenir d’elle des faveurs de nature sexuelle.
Bien que les exemples cités à l'art. 4 LEg ne se réfèrent qu'à des cas d'abus d'autorité, la définition englobe tous les comportements importuns fondés sur le sexe, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple les plaisanteries déplacées, les remarques sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.1.1 et les arrêts cités). Selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l'art. 4 LEg ; la répétition d'actes ou l'accumulation d'incidents n'est toutefois pas une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (Claudia KAUFMANN, in Commentaire de la loi sur l'égalité, Margrith BIGLER-EGGENBERGER/Claudia KAUFMANN [éd.], 2000, n. 59 ad art. 4 LEg p. 118 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 3.1.1).
Afin de juger du caractère importun des actes, il faut considérer non seulement le point de vue objectif d’une « personne raisonnable », mais aussi la perception de la victime, eu égard aux circonstances du cas d’espèce. L’existence d’un harcèlement sexuel ne saurait être écartée du seul fait que la personne concernée a aussi eu recours à un vocabulaire grossier ou a « choisi » de travailler dans un milieu où ce type de langage est courant (Karine LEMPEN, in Commentaire romand - Code des obligations I, vol. 2, Luc THÉVENOZ/Franz WERRO [éd.], 3e éd., 2021, n. 25 ad art. 328 CO et les références citées, en particulier ATF 126 III 395 consid. 7d ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.60/2006 du 22 mai 2006 consid. 3.1). Vu le rapport de subordination résultant du contrat de travail, on ne saurait inférer un acquiescement (consentement) tacite d'une collaboratrice victime de remarques déplacées à connotation sexuelle (sur son lieu de travail) du seul fait qu'elle n'a exprimé aucune plainte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.3).
L'employeur a l'obligation de protéger son personnel contre des actes commis par la hiérarchie, des collègues ou des personnes tierces (art. 4 LEg, art. 6 de la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce du 13 mars 1964 - loi sur le travail - LTr - RS 822.11 ; art. 2 de l’ordonnance 3 relative à la LTr du 18 août 1993 - OLT 3 - RS 822.113). Son devoir de diligence comporte deux aspects, à savoir prévenir les actes de façon générale et y mettre fin dans les cas concrets.
En droit genevois, il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel, par des mesures de prévention et d’information (art. 2B al. 1 LPAC, 2 al. 2 RPAC). Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (art. 2B al. 2 LPAC, 2 al. 2 RPAC). L’organisation du travail dans l’administration doit être conçue de telle sorte qu’elle assure des conditions de travail normales aux membres du personnel et leur permette de faire valoir leur personnalité, leurs aptitudes professionnelles et leurs facultés d’initiative (art. 2 al. 1 RPAC).
4.12 En l’espèce, l’emportement du recourant et certains propos qu’il a tenus lors de l’altercation du 26 mars 2024 avec C______ sont établis par les déclarations concordantes de collègues ayant assisté à la scène. C______ s’est plainte des expressions « ferme-la », « ta gueule », « tu n’es qu’une emmerdeuse » et « tu es une lèche-cul ». H______ a pour sa part entendu les termes « borderline », « fais chier » et « ta gueule ». Il peut être observé que dans le même registre, L______ s’est plainte d’avoir été traitée par le recourant de « lèche-cul ».
Même si seules les expressions « borderline », « fais chier » et « ta gueule » auraient été employées, le fait de s’en prendre verbalement à une collègue, de surcroît subordonnée, en présence d’autres collègues, de manière véhémente et offensante n’est pas conforme aux devoirs de service, étant précisé que les éventuels désaccords entre le recourant et C______ ou l’éventuelle insatisfaction professionnelle du recourant à l’égard de celle-ci ou de son travail ne peuvent en aucun cas justifier un tel comportement.
L______ s’est plainte d’avoir été traitée de « lèche-cul » et de s’être entendue dire par le recourant qu’il ne l’aimait pas. Le recourant admet lui avoir dit qu’il pensait qu’ils ne s’aimaient pas et conteste l’expression « lèche-cul ». Or, le recourant a également employé cette dernière expression à l’égard de C______, selon cette dernière, et d’autres témoins le décrivent comme familier des expressions grossières.
Quoi qu’il en soit, même le simple fait de dire à une collègue qu’on pense ne pas s’entendre avec elle et réciproquement est inapproprié et peut objectivement être ressenti comme une agression, l’accomplissement des tâches professionnelles appelant des efforts pour trouver l’entente entre collègues. L’attitude du recourant ne peut se justifier par un différend qui serait survenu au sujet d’une place de travail. Les dissensions sont courantes dans le travail en équipe et inférer d’une divergence d’opinion une inimitié ne répond pas à la nécessité de cultiver des relations pacifiques.
D______ s’est plainte de ce que le recourant avait commencé à lui faire des compliments sur son physique, puis avait dit qu’elle s’habillait comme une prostituée et ressemblait à une actrice porno, avant de lui montrer une image de l’actrice en question. M______ avait vu le recourant dire à deux ou trois reprises à des personnes différentes des phrases du type « tu me fais penser à une actrice porno ». D______ s’était plainte qu’il lui avait dit qu’elle ressemblait à une dominatrice alors qu’elle portait des bottes et qu’il pensait que les Portugaises étaient des femmes soumises. D______ et E______ se sont plaintes qu’il leur avait dit vouloir construire un robot sexuel à leur effigie et à leurs noms, auquel il aurait ajouté un bouton pour les éteindre lorsqu’elles le « faisaient chier », et qu’il leur faisait souvent des compliments sur leurs tenues vestimentaires, notamment lorsqu’elles portaient des jupes.
Ce type de commentaires, corroboré par M______ s’agissant du qualificatif d’actrice porno, n’est pas compatible avec le respect dû à la personnalité de collègues féminines. Le même raisonnement peut être fait au sujet de la remarque du recourant selon laquelle la stagiaire avait un physique de borderline et d’anorexique, ou encore des commentaires à des collègues tels que « tu as maigri », « tu as pris du poids » ou « tu as pris des fesses », tous rapportés par O______. Les commentaires récurrents et insistants du recourant sur le physique de ses collègues féminines sont attentatoires à leur personnalité et contraires aux devoirs de service du recourant. La figuration de ses collègues en robot sexuel avec un bouton d’arrêt lorsqu’elles le « faisaient chier » revient à les décrire comme des objets ou esclaves sexuels pouvant être arrêtées à tout moment en raison de leur caractère pénible, et constitue ainsi une atteinte particulièrement grave à leur personnalité.
O______ a expliqué avoir vu le comportement du recourant se dégrader depuis son arrivée au SSP. Elle avait été témoin de plusieurs blagues graveleuses à caractère sexuel. Les collègues avaient souvent dû lui dire de se calmer. Elle mangeait avec lui au début mais avait fini par dire qu’elle le trouvait trop lourd. La situation s’était aggravée en 2020. Le recourant s’était alors mis à tourner autour des bureaux des femmes, en particulier ceux des jeunes stagiaires et intérimaires qu’il invitait souvent dans son bureau. Elle était intervenue une fois pour dire qu’il n’y avait pas de raison qu’une jeune stagiaire aille dans son bureau, en l’absence de recherche en cours. Elle entendait également parler de ses blagues toujours axées sur le physique des femmes et du fait qu’il continuait de « scanner » les femmes de haut en bas.
Outre D______ et E______, G______, H______, I______, M______, K______, L______, N______ et Q______ ont décrit le recourant comme familier des propos à caractère sexuel, recourant volontiers à un lexique cru ou encore se montrant de façon générale « lourd ». Plusieurs collègues ont expliqué qu’ils ne voyaient pas de malice dans le comportement du recourant, mais la plupart ont également précisé que son attitude et ses propos étaient souvent déplacés et gênants et qu’il fallait régulièrement le reprendre ou l’arrêter. Le recourant lui-même admet s’exprimer dans un registre « lourd ». Il soutient réserver cette attitude à des collègues qui la tolèrent, mais les déclarations concordantes de ses collègues suggèrent plutôt qu’il en use avec tout le monde et de façon systématique.
Le fait que le recourant ait pu être malléable ou enclin à se laisser pousser dans des propos outranciers par des collègues, ainsi qu’il a pu être rapporté, ne le dispensait pas d’en percevoir le caractère inapproprié et ne permet pas d’excuser son comportement.
Les attitudes et les discours du recourant ont été décrits par ses collègues comme s’inscrivant dans la durée et correspondant à son mode de fonctionnement. Ainsi que l’ont relevé les intimés, le recourant a contesté toute faute lors de l’entretien de service, et même rejeté la faute sur ses collègues ou sa hiérarchie. Dans son recours, il a commencé à admettre certains comportements, pour toutefois en minimiser l’étendue et les effets.
Les éléments qui précèdent, que la chambre de céans tient pour établis, suffisaient aux intimés pour conclure que le recourant contrevenait depuis de nombreuses années, systématiquement et de façon répétée et importante à ses devoirs de service, en portant atteinte à l’honneur et à la personnalité de ses collègues femmes par une attitude et des propos à caractère sexuel particulièrement déplacés, que cette attitude compromettait la bonne marche du service et avait rompu la confiance qu’ils devaient pouvoir placer en lui. Ils pouvaient également tenir pour établi que le recourant n’admettait aucune responsabilité, ce qui, ajouté au caractère systématique de ses agissements, permettait d’exclure qu’il puisse s’amender.
Il n’est ainsi pas nécessaire de déterminer si le recourant a effectivement montré un intérêt insistant et déplacé pour les collègues féminines de peau noire, s’il a tenu des propos homophobes ou méprisants pour les homosexuels, s’est montré méprisant à l’endroit des Arabes ou a vanté les dommages infligés par l’armée israélienne aux Arabes du Proche-Orient, ou encore s’il a usé de propos ou d’attitudes inadéquates avec les patients.
Les agissements établis par la procédure suffisaient pour permettre aux intimés de conclure que la poursuite des rapports de service ne pouvait plus être exigée d’eux.
La résiliation des rapports de service est ainsi apte à atteindre le but d’intérêt public à employer dans les établissements publics médicaux du personnel respectueux de l’institution, des collègues et des patients, de ses obligations.
La mesure est nécessaire pour atteindre cet objectif et proportionnée, compte tenu notamment de l’absence de remise en question du recourant lors de l'entretien de service. Les qualités du recourant rapportées par plusieurs collègues, tels par exemple son dynamisme, sa disponibilité et sa bonne humeur, ou encore le fait qu’il a, comme il l’indique, fourni un travail scientifique de qualité durant près de deux décennies et accompagné de nombreux doctorants, si elles doivent être reconnues, ne sont pas de nature, dans la pesée que devaient effectuer les intimés, à atténuer la gravité des comportements qui ont fondé la résiliation des rapports de service.
Il sera encore observé que le reproche adressé par le recourant à sa hiérarchie d’avoir délaissé la gestion du SSP, à supposer qu’il soit fondé, ne pouvait en aucun cas justifier son comportement. Il est, certes, regrettable que les intimés ne soient apparemment jamais intervenus alors que les comportements du recourant contraires aux devoirs de service perduraient depuis des années, allant même s’aggravant, et portaient atteinte à l’honneur et à la personnalité de nombreuses collègues féminines. Il est même probable que, ce faisant, les intimés aient failli à leur obligation de protéger activement la personnalité des collègues du recourant et de prévenir de manière générale le harcèlement et les atteintes à la personnalité dues au genre. La gravité des propos tenus, la durée du comportement problématique et le nombre des collègues concernées interpellent en effet quant à l’efficacité des mesures de prévention, obligatoires selon la loi, que l’employeur a mis en place, notamment le rappel régulier au personnel des moyens à disposition, de leur facilité d’accès ainsi que du soutien actif, notamment des cadres, à cette politique de prévention.
Ces carences n’empêchaient toutefois pas le recourant de s’abstenir des comportements qui lui sont reprochés, dont le caractère inadmissible pouvait d’autant moins lui échapper que plusieurs de ses collègues ont indiqué avoir dû l’arrêter ou le reprendre à de nombreuses reprises ou encore s’être résignées à l’éviter en raison de son attitude. Ainsi, le fait que le recourant n’avait jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire ni même d’un recadrage ou d’un avertissement de la part de sa hiérarchie n’empêchait pas les intimés, sous l’angle du principe de proportionnalité, vu la gravité des propos tenus, la durée du comportement problématique et le nombre de collègues concernées, de conclure que les rapports de service ne pouvaient pas être poursuivis.
Le recourant fait enfin valoir des atteintes à sa personnalité et reproche à sa hiérarchie de ne pas l’avoir protégé. Il ne soutient toutefois pas avoir saisi le groupe de confiance. Les allégations au sujet de remarques antisémites ou homophobes qu’il aurait subies, même si elles devaient être fondées, ne permettraient en aucun cas de justifier ou d’excuser les violations répétées de ses devoirs de fonction.
Les intimés étaient en conséquence fondés à mettre un terme aux rapports de service du recourant, sans mésuser de leur pouvoir d’appréciation ni violer la loi et les principes constitutionnels applicables, en particulier le principe de la proportionnalité.
Le grief sera écarté.
5. Dans un troisième et dernier grief, le recourant se plaint de l'absence de procédure de reclassement.
5.1 Préalablement à la décision de résiliation, l'autorité compétente est tenue de proposer au fonctionnaire qu'elle entend licencier des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond à ses capacités (art. 21 al. 3 LPAC).
5.2 À teneur de l’art. 46 RPAC, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). L’intéressé bénéficie d’un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement (al. 4). En cas de refus, d’échec ou d'absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).
L’art. 48A du statut a la même teneur, à la seule exception que son al. 1 prévoit qu'un reclassement est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein des établissements publics médicaux.
5.3 Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2). La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui. En outre, l’obligation de l’État de rechercher un autre emploi correspondant aux capacités du membre du personnel se double, corrélativement, d’une obligation de l’employé, non seulement de ne pas faire obstacle aux démarches entreprises par l’administration, mais de participer activement à son reclassement (ATA/530/2024 du 30 avril 2024 consid. 6.3).
5.4 L’État a l’obligation préalable d’aider l’employé et de tenter un reclassement, avant de prononcer la résiliation des rapports de service : il s’agit tout d’abord de proposer des mesures dont l’objectif est d’aider l’intéressé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. Avant qu’une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes, comme le certificat de travail intermédiaire, un bilan de compétences, un stage d’évaluation, des conseils en orientation, des mesures de formation et d’évolution professionnelles, un accompagnement personnalisé, voire un « outplacement ». Il s’agit ensuite de rechercher si une solution alternative de reclassement au sein de l’établissement peut être trouvée (ATA/530/2024 du 30 avril 2024 consid. 6.3).
5.5 Le Tribunal fédéral a rappelé qu’il n’existait pas d’obligation pour l’État d’appliquer dans chaque cas l’intégralité des mesures possibles et imaginables, l’autorité disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer et choisir les mesures qui lui semblaient les plus appropriées afin d’atteindre l’objectif de reclassement. L’intéressé peut faire des suggestions mais n’a pas de droit quant au choix des mesures entreprises. Le principe du reclassement, qui concrétise le principe de la proportionnalité, signifie que l’employeur est tenu d’épuiser les possibilités appropriées et raisonnables pour réincorporer l’employé dans le processus de travail et non de lui retrouver coûte que coûte une place de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 6.2).
5.6 Lorsqu’un reclassement revient à reporter dans un autre service des problèmes de comportement, il paraît illusoire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_839/2014 du 5 mai 2015 consid. 7.1). Toutefois, seules les circonstances particulières, dûment établies, peuvent justifier une exception au principe légal du reclassement et faire primer l’intérêt public et privé de nombreux employés de l’État sur l’intérêt privé, pourtant important, de la personne licenciée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_609/2023 du 24 mai 2024 consid. 4.1 ; ATA/71/2024 du 23 janvier 2024 consid. 6.4 et les arrêts cités).
5.7 En l’espèce, l’intérêt du recourant à un reclassement est très important, compte tenu notamment de son âge et des probables difficultés qu’il rencontrera pour retrouver un emploi. Toutefois, le caractère durable et répétitif de ses agissements, portant atteinte à la personnalité de nombreuses femmes de son entourage professionnel, et son apparente incapacité à en prendre conscience et à s’amender, pouvaient fonder la crainte exprimée par les intimés qu’un reclassement dans un autre service ou un autre poste ne ferait que déplacer le problème de comportement du recourant.
Les intimés pouvaient dans ces circonstances retenir qu’un intérêt public à la protection de la personnalité de leurs employées commandait de ne pas placer le recourant dans une autre fonction.
C’est ainsi de manière conforme à la loi et à la jurisprudence suscitée que les intimés ont renoncé à la procédure de reclassement.
Le grief sera écarté.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
6. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.-, qui prend en compte la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu'aux intimés, ces derniers disposant de leur propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/67/2024 du 23 janvier 2024 consid. 4 et les références citées).
La valeur litigieuse au sens des art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) est supérieure à CHF 15'000.-.
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 29 novembre 2024 par A______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 29 octobre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal-fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Mathieu JACQUERIOZ, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Véronique MEICHTRY, avocate des intimés.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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