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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1087/2025

ATA/514/2025 du 07.05.2025 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1087/2025-FPUBL ATA/514/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 7 mai 2025

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Marc-Anthony DE BOCCARD, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé

 



Vu, en fait, le recours formé le 27 mars 2025 par A______ auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 25 février 2025 du département des institutions et du numérique (ci-après : DIN), déclarée exécutoire nonobstant recours, supprimant son traitement à compter du 12 novembre 2024 et pour toute la durée de son indisponibilité, compte tenu qu’il était détenu depuis le 29 octobre 2024 dans le cadre d’une procédure pénale et avait partant cessé d’occuper sa fonction ;

que la suppression de son traitement violait le principe de non-rétroactivité et devait être annulée et qu’il devait être ordonné au DIN de verser son traitement depuis le 1er janvier 2025 et jusqu’à notification d’une éventuelle nouvelle décision de suppression du traitement conforme à la loi ; subsidiairement, le versement de son traitement devait être ordonné pour les mois de janvier et février 2025 ; plus subsidiairement, la cause devait être retournée au DIN pour nouvelle décision ;

sur mesures provisionnelles, l’effet suspensif devait être restitué au recours et le maintien de son traitement ordonné ; la décision portait une atteinte grave et immédiate à sa situation financière ; la suspension de son traitement n’avait pas été précédée d’une procédure de suspension ou de révocation ; il n’existait « aucun risque identifiable pour l’intérêt public » à maintenir son traitement dans l’attente d’une décision définitive sur le fond, d’autant que le DIN avait déjà versé les traitements pour les mois de novembre et décembre 2024, reconnaissant implicitement l’absence de cessation de fonction ; à défaut de restitution de l’effet suspensif, il subirait un préjudice difficilement réparable, étant privé de ressources financières pour faire face à ses charges fixes mensuelles depuis janvier 2025 et ne disposant d’aucune épargne ; il n’avait pas droit au chômage tant qu’il se trouvait en détention provisoire, faute d’aptitude au placement ; il était séparé, père de deux enfants, de 12 et 6 ans ;

que le 11 avril 2025, le DIN a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif ; lors de son engagement en 2016, le recourant avait été affecté à l’établissement fermé de Curabilis ; depuis septembre 2023, il exerçait la fonction d’agent de détention au sein de l’B______ ; lors de son audition par l’inspection générale des services de police (ci-après : IGS) à la suite d’une perquisition de son domicile, il avait admis avoir consommé à plusieurs reprises de la cocaïne achetée à un ancien détenu de B______, accepté de recevoir trois pains de haschisch ainsi que des téléphones portables en vue de les introduire à B______ pour les remettre à des détenus ; il avait indiqué avoir agi ainsi en raison de menaces reçues de tiers et visant sa famille ; il avait soutenu avoir placé volontairement les téléphones à un endroit visible par ses collègues, mais ces explications n’étaient corroborées ni par l’agent de détention présent lors de la découverte des téléphones, ni par le détenu auquel ceux-ci étaient destinés ; le 18 décembre 2024, le DIN lui avait annoncé que son solde de vacances et d’heures supplémentaires était épuisé à compter du 11  novembre 2024 et qu’il envisageait de supprimer provisoirement son traitement pendant la durée de son incapacité de travailler ; le recourant s’y était opposé le 25 février 2025 ; le 14 mars 2025, le DIN lui avait adressé un entretien de service écrit en vue de la résiliation des rapports de service ; il attendait ses observations ; le DIN a produit notamment les pièces de la procédure pénale reçues de l’IGS sur autorisation du Ministère public ;

le 30 avril 2025, le recourant a indiqué qu’il n’avait pas d’observations supplémentaires à faire valoir sur effet suspensif ;

le 5 mai 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux‑ci, par un-e juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, spéc. 265) ;

que, par ailleurs, l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018) ;

que la restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018) ;

que selon l’art 53 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), le traitement du fonctionnaire est fixé dans les limites des lois et règlements (al. 1) ; le fonctionnaire a droit à son traitement dès le jour où il occupe sa fonction et jusqu’au jour où il cesse de l’occuper, pour cause de démission ou pour toute autre cause (al. 2) ; l’art. 54 RPAC règle le droit à une indemnité en cas d’incapacité de travail pour cause de maladie ou d’accident ; l’art. 54 al. 4 RPAC prévoit que l’indemnité pour incapacité de travail peut être réduite ou supprimée en cas d’abus ou lorsque l’accident ou la maladie sont dus à une faute grave du fonctionnaire ;

qu’en droit privé du travail, selon le Tribunal fédéral, en cas de détention provisoire d’un travailleur, il n’y a pas de droit au paiement du salaire selon l’art. 324a de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), qui règle le droit au salaire en cas d’empêchement du travailleur, l’empêchement étant dans ce cas de la faute du travailleur (ATF 138 V 140 consid. 2.3) ; selon le Tribunal administratif fédéral (ci‑après : TAF), cette jurisprudence peut être appliqué par analogie aux employés publics, et en règle générale, la détention provisoire du travailleur doit être considérée comme fautive, de sorte que l’employeur est libéré de son obligation de payer le salaire, sauf si la procédure pénale des termine par une non entrée en matière, un classement ou un acquittement et que ce ne sont pas des déclarations fausses ou contradictoires du travailleur qui ont conduit l’autorité de poursuite pénale à ouvrir une procédure et à prononcer la détention provisoire ; si l’arrestation ou la détention provisoire de l’employé reposent uniquement sur sa mise en cause par des déclarations de tiers, alors qu’il n’a rien à se reprocher, l’empêchement de travailler ne peut être considéré comme fautif (arrêt du TAF A‑4877/2022 du 5 septembre 2023 consid. 4.2.2.1) ; dans le même arrêt, le TAF, examinant le bien-fondé de la résiliation, a précisé que les prolongations successives de la détention avant jugement, qui supposaient que les soupçons se soient renforcés, permettaient de considérer que la condition de la faute inhérente au motif de résiliation était réalisée (ibid., consid. 4.2.2.2) ;

qu’en l’espèce, il ressort des pièces produites par l’intimé que la mise en prévention et la détention provisoire du recourant se fondent sur le résultat de la perquisition et sur ses aveux partiels ; l’intimé fait valoir que la détention provisoire du recourant a été régulièrement prolongée depuis le 28 octobre 2024, ce que ce dernier ne conteste pas, et qu’il prévoit de résilier les rapports de service ;

que le recourant fait valoir, au fond, une violation de l’interdiction de la rétroactivité ; sur mesures provisionnelles il soutient qu’il n’existerait aucun risque identifiable pour l’intérêt public à maintenir son traitement dans l’attente d’une décision définitive sur le fond ; il ne conteste pas avoir épuisé son droit aux vacances et la compensation de ses heures supplémentaires ; il ne détaille pas ses charges et ne documente pas l’absence de toute ressource, et notamment de fortune, qu’il allègue ;

que la rétroactivité est réalisée lorsque la loi attache des conséquences juridiques nouvelles à des faits qui se sont produits et achevés entièrement avant l’entrée en vigueur du nouveau droit ; ne constitue en revanche pas une rétroactivité proprement dite le fait de tenir compte d’événements passés pour régler de façon nouvelle une situation future ; de même, n’est pas constitutive de rétroactivité l’application de la loi à des situations durables nées sous l’ancien droit, pour autant qu’elle ne porte pas atteinte à des droits acquis (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 417‑419) ;

que de jurisprudence constante l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant bien qu’important, à percevoir le salaire durant la procédure (ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées) ;

que la comparaison des intérêts en jeu doit ainsi conduire au rejet de la requête de restitution de l'effet suspensif, étant relevé que les chances de succès du recours n’apparaissent, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif et de prononcer des mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Marc-Anthony DE BOCCARD, avocat du recourant, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

 

 

La Vice-Présidente :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :