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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2650/2023

ATA/597/2024 du 14.05.2024 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2650/2023-AIDSO ATA/597/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mai 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocate

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1995, est un ressortissant camerounais arrivé à Genève le 16 octobre 2011. Il a été au bénéfice d'une autorisation de séjour (permis B) jusqu'au 15 octobre 2021 et est désormais au bénéficie d'une autorisation d'établissement (permis C) délivrée le 20 juin 2022 et valable jusqu'au 15 octobre 2026. Il a également été titulaire d'une carte de séjour temporaire française délivrée le 5 décembre 2022 et valable jusqu'au 4 décembre 2023.

b. Il est le père de B______, née le ______ 2021, et de C______, née le ______ 2023, qu'il a eues avec D______. Celle-ci est domiciliée au E______, à F______en France.

c. A______ est titulaire d'un CFC de peintre en bâtiment obtenu en août 2016 et de plusieurs diplômes dans le domaine du coaching sportif, obtenus depuis 2020.

B. a. A______ a touché des prestations allouées par l'Hospice général (ci‑après : l'hospice) du 1er juin 2019 au 31 octobre 2019, puis du 1er mars 2021 au 30 avril 2023. Lors de la seconde période, une somme totale de CHF 31'124.15 lui a été allouée.

b. Dans le formulaire de demande de prestations d'aide sociale financière qu'il a rempli le 5 juin 2019, il a indiqué comme adresse celle de sa mère, G______, au H______, en apposant la mention « adresse courrier ».

Dans le même formulaire qu'il a rempli le 8 avril 2021, à l'occasion de la seconde demande d'aide financière, il a laissé vierge la rubrique consacrée à son adresse.

c. Les 29 mai 2019, 10 mars 2021, 4 avril 2022 et 8 mars 2023, il a signé un document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » (ci-après : « mon engagement »), s'engageant à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, et à informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d’aide financière.

d. Lors des entretiens avec son assistante sociale des 20 mai 2019, 7 juin 2019 et 5 juillet 2019, il a expliqué avoir dû quitter le domicile familial et vivre à « gauche et à droite », mais pas chez son amie, D______, où il dormait parfois.

e. Lors de l'entretien du 9 avril 2021, il a indiqué avoir vécu chez une amie d'où il était parti à la fin du confinement. Depuis lors, il vivait « ici et là » chez des amis, tout en ayant conservé son domicile officiel chez sa mère où il recevait son courrier.

f. Le 17 mai 2021, A______ a exposé à son assistance sociale que des amis l'hébergeaient et qu'il continuait de chercher du travail en tant que peintre en bâtiment, aucun coaching n'étant « en vue ».

g. En juin 2021, il a informé son assistante sociale du fait qu'il deviendrait prochainement père d'un enfant issu de son union avec son ex-amie, D______.

h. Lors de l'entretien périodique du 30 juillet 2021, il a annoncé la naissance de sa fille, qu'il avait reconnue et qui vivait en France avec sa mère, laquelle ne voulait pas qu'il partage sa vie. Il s'occupait de sa fille malgré les difficultés relationnelles avec la mère de celle-ci. Il n'avait pas l'intention de conclure une convention d'entretien et de droit de visite.

i. Lors de l'entretien périodique du 17 septembre 2021, qui n'a pas fait l'objet de notes de séance, il a expliqué être en meilleurs termes avec la mère de son enfant, qu'il aidait autant que possible. Il ne souhaitait pas vivre en France, de peur de perdre son permis B, et n'envisageait pas de se marier.

j. Le 4 mai 2022, il a annoncé vouloir se remettre en ménage commun avec la mère de sa fille dès qu'elle aurait trouvé un appartement à Genève, où elle travaillait. Il vivait toujours « à droite et à gauche » et dormait parfois chez la mère de son enfant en France voisine.

k. Le même jour, il a signé une « demande de prestations d'aide sociale financière / réévaluation » dans laquelle il a mentionné, comme modification de sa situation, la naissance, le ______ 2021, de sa fille B______. Il a précisé que la mère de sa fille et lui se mettraient « ensemble » dès qu'ils auraient trouvé un appartement.

l. Par courriel du 20 juillet 2022, il a notamment informé son assistante sociale du fait que son permis B était en cours de renouvellement. À la suite de la radiation d'une poursuite dont il faisait l'objet, il avait obtenu son permis C. Son amie et sa fille s'étaient vu refuser un permis de séjour car la première avait perdu son emploi.

m. Lors de l'entretien du 5 août 2022, il a expliqué que la mère de sa fille s'était domiciliée à Genève où elle cherchait un appartement. Dès qu'elle en aurait trouvé un, il se « mettrait avec » elle.

n. Le 28 septembre 2022, il a fait savoir à son assistante sociale que son amie ne voulait plus s'installer à Genève, alors même qu'il ne pouvait pas habiter en France.

o. Le 25 novembre 2022, il a déclaré à son assistante sociale rendre souvent visite à sa fille en France.

p. Le 14 décembre 2022, il a transmis à l'hospice un certificat médical établi par le Dr I______de l'hôpital privé J______le 13 décembre 2022 et attestant que son état nécessitait un arrêt de travail.

À réception dudit certificat, son assistante sociale lui a rappelé que seules les personnes ayant leur domicile et résidence effective à Genève avaient droit à des prestations d'aide financière. S'il lui était possible de tolérer qu'il dorme régulièrement chez la mère de sa fille, il n'avait pas le droit d'y vivre, à moins de renoncer à son permis C et aux prestations de l'hospice.

q. Le 15 décembre 2022, A______ a répondu à son assistante sociale qu'il avait consulté un médecin en France car il n'avait pas pu fixer rapidement un rendez‑vous avec son médecin-traitant en Suisse. Il rendait visite à la mère de sa fille quelque jours par mois mais ne vivait pas chez elle. Il ne souhaitait pas renoncer à son permis C et était « toujours sur le territoire suisse ».

r. Après avoir annoncé à son assistante sociale, lors de l'entretien périodique du 31 mars 2023, avoir trouvé une colocation à la rue K______, celle-là lui a demandé de lui faire parvenir le contrat de colocation.

A______ lui a répondu que « la personne » était en vacances et qu'à son retour, elle lui donnerait le bail. Pour le moment, il ne vivait pas là-bas.

C. a. Les 22 et 28 mars 2023, des contrôles ont été effectués par le service des enquêtes et conformité (SEC) de l'hospice à l'adresse officielle de A______, au H______, où résident sa mère et son frère.

Selon le rapport d'enquête établi le 3 avril 2023 par le contrôleur, le 22 mars 2023, à 17h40, personne n'avait répondu à la porte. Le 28 mars 2023, à 10h20, le frère de A______ avait indiqué que ce dernier ne vivait plus à cette adresse, mais en France. Quelques instants plus tard, sa mère avait confirmé qu'il résidait principalement chez son amie et mère de son enfant, en France. Elle avait ajouté qu'il venait uniquement chez elle pour leur rendre visite et qu'il lui arrivait de dormir un ou deux jours sur place.

b. Le 13 avril 2023, l'assistante sociale de A______ a tenté d'appeler ce dernier, sans succès.

c. Par décision du 17 avril 2023, déclarée exécutoire nonobstant opposition, l'hospice a mis fin aux prestations d'aide financière de A______, avec effet au 1er mai 2023.

Ce dernier ne vivait pas de manière effective dans le canton de Genève, ce dont il ne l'avait pas informé. Ses déclarations selon lesquelles son amie attendait un deuxième enfant et celles de sa mère et de son frère lors du contrôle du 28 mars 2023 permettaient d'établir qu'il vivait en France chez son amie.

d. Par décision du 4 mai 2023, l'hospice a demandé à A______ le remboursement des montants qu'il avait indûment perçus depuis le 1er mars 2021, soit CHF 31'124.15.

D. a. Par courriel du 26 septembre 2023 adressé à l'hospice, la caisse des allocations familiales (ci-après : CAF) de la Haute-Savoie a indiqué que A______ était titulaire d'un titre de séjour temporaire délivré par la préfecture de Haute‑Savoie le 5 décembre 2022 pour une durée d'une année, avec comme remarque « vie privée et familiale, autorise son titulaire à travailler » et comme adresse E______, F______(Haute-Savoie). Sur le formulaire de demande de titre de séjour, il avait déclaré une situation de concubinage. L'adresse de D______ était le E______. Deux enfants étaient enregistrés dans son dossier, soit B______ et C______.

Des prestations familiales étaient versées depuis mai 2022 à D______ et les deux enfants, soit une allocation de base depuis mai 2022, une prime de naissance en janvier 2023, des allocations familiales depuis avril 2023 et une aide au logement depuis juillet 2023. D______ avait déclaré une vie maritale avec A______ du 1er au 30 avril 2023.

E. a. Par actes séparés, A______ a formé opposition à l'encontre des décisions des 17 avril et 4 mai 2023.

Sa mère et son frère contestaient les faits mentionnés dans la décision du 17 avril 2023. Il était domicilié à Genève depuis plus de dix ans et se rendait en France uniquement pour exercer son droit de visite sur sa fille.

Il a joint à ses oppositions divers documents, notamment des témoignages écrits de sa mère et de son frère établis le 28 avril 2023 ainsi que trois attestations d'hébergement temporaire, établies le 26 avril 2023 par L______, domicilié rue K______ , par sa mère et par une personne domiciliée rue M______, dont le nom n'apparaît pas.

Selon le témoignage écrit de G______, celle-ci avait dit à l'enquêteur que l'adresse officielle de A______ était chez elle, mais qu'il n'y demeurait pas et était hébergé par différents amis à Genève depuis plus de deux ans. Elle avait ajouté qu'il venait lui rendre visite de temps en temps avec sa fille et qu'il leur arrivait de passer une nuit chez elle. Elle attestait que A______ ne vivait pas en France, contrairement à ce qui était écrit dans la lettre de l'hospice du 17 avril 2023.

Selon le témoignage écrit du frère de A______, N______, celui-ci avait indiqué à l'enquêteur que son frère n'était pas là et qu'il ignorait où il se trouvait. Il ne lui avait pas déclaré que son frère ne vivait plus là mais en France. En effet, il savait qu'il vivait à Genève, chez des amis, depuis environ deux ans.

Selon les trois attestations d'hébergement temporaire, dont le contenu est strictement identique, leurs auteurs respectifs attestaient avoir hébergé A______ de façon temporaire et à titre gratuit afin de le dépanner, à différentes reprises, au cours de l'année 2022/2023.

b. Après avoir joint les procédures, l'hospice a rejeté les oppositions.

Lors du contrôle effectué par le SEC, tant la mère que le frère de A______ avaient indiqué que l'intéressé vivait en France.

Le témoignage écrit de sa mère du 28 avril 2023 divergeait de son attestation d'hébergement établie le 26 avril 2023. Dans ce dernier document, elle attestait avoir hébergé A______ à différentes reprises de façon temporaire entre 2022 et 2023, alors que dans son témoignage, elle attestait qu'il venait de temps en temps lui rendre visite et passer une nuit chez elle avec sa fille. Dans le premier cas, il séjournait seul à diverses reprises chez sa mère alors que dans le second, il passait occasionnellement une nuit chez sa mère avec sa fille. De plus, dans son témoignage, sa mère laissait entendre qu'il n'habitait plus chez elle mais chez des amis depuis deux ans, ce qui était contraire aux déclarations de A______ du 29 mai 2019 et à celles du 9 avril 2021. Des divergences apparaissaient aussi dans les déclarations de ce dernier. Tantôt il disait dormir parfois chez sa compagne, tantôt il n'y allait que pour voir sa fille ou y passait quelques jours par mois. Or, dans son opposition, il avait allégué n'y aller que pour exercer son droit de visite.

Il formait avec sa compagne et sa fille une famille depuis longtemps sans cacher vouloir vivre ensemble. Il n'avait pas voulu conclure de convention d'entretien et de droit de visite, ce qu'il aurait fait s'il ne partageait pas sa vie avec sa compagne et son enfant. Il n'était pour le surplus pas crédible de vivre sans logement fixe pendant si longtemps, sans être capable de communiquer les coordonnées d'un logeur ou de trouver un logement. Malgré l'aide apportée par son assistante sociale, il n'avait pas fait le nécessaire pour remplir des demandes de logement aux régies publiques.

Les attestations d'hébergement temporaire qu'il avait produites étaient sans pertinence. Elles émanaient d'une personne dont le nom était illisible, de sa mère dont les déclarations étaient contradictoires et d'une personne au sujet de laquelle il avait annoncé le 31 mars 2023 qu'il deviendrait son colocataire, ce qui contredisait le fait qu'elle l'aurait hébergé en 2022.

A______ connaissait son obligation de renseigner mais l'avait violée pendant plusieurs années en cachant son réel lieu de résidence. La demande de remboursement était donc fondée sur le principe. Il n'avait pas été de bonne foi, si bien qu'une remise était exclue.

En tant qu'elle mettait un terme avec effet au 30 avril 2023 à l'aide financière qui était allouée à A______, la décision sur opposition était déclarée exécutoire nonobstant recours.

F. a. Par acte remis à la poste le 23 août 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition de l'hospice, concluant à son annulation, à ce qu'il soit rétabli dans ses droits d'aide sociale ainsi qu'à l'audition de témoins et de l'enquêteur de l'hospice.

Le simple fait qu'il entretenait une relation avec une femme résidant en France ne suffisait pas à retenir qu'il y détenait sa résidence habituelle. Son domicile s'était toujours trouvé à Genève, de même que sa résidence habituelle. Il se rendait en France régulièrement pour voir sa fille et passait parfois la nuit chez sa compagne. En revanche, il ne souhaitait ni ne pouvait y résider, ne disposant pas d'autorisation pour y vivre. Il était sans logement « propre » et avait indiqué vivre chez des connaissances selon les possibilités d'accueil qui lui étaient offertes. Les seuls éléments fondant la position de l'hospice découlaient d'un rapport d'enquête consignant des faits contestés.

b. L'hospice a conclu au rejet du recours. Il a repris et complété son argumentation précédente.

Depuis le 5 décembre 2022 au moins, A______ était titulaire d'un titre de séjour temporaire français au motif de sa vie privée et familiale. Tant sur son titre de séjour que sur l'acte de naissance de sa seconde fille, il était domicilié au E______, soit l'adresse de sa compagne et de leurs filles. Il était ainsi domicilié en France avec sa famille. Il utilisait son compte bancaire uniquement pour des dépenses non essentielles, ce qui n'était pas étonnant puisque pour ses besoins courants, il dépendait de sa compagne qui percevait des prestations sociales en France.

Il avait contrevenu pendant plusieurs années à son obligation de renseigner en cachant son réel lieu de résidence. Il ne faisait aucun doute qu'il avait vécu pendant toute la période d'aide financière en France chez sa compagne.

L'hospice a fourni diverses pièces, en particulier des extraits du compte bancaire de A______ pour la période s'étendant du 1er janvier 2020 au 21 mars 2023. Le contenu de ces extraits sera repris dans la partie en droit du présent arrêt.

c. A______ a sollicité l'audition de D______, de G______ et de N______.

d. Le juge délégué a tenu des audiences de comparution personnelle et d'enquêtes les 29 novembre 2023 et 17 janvier 2024.

d.a A______ a expliqué que L______, qui habitait à la rue K______, et un certain O______, dont il ne connaissait pas le nom de famille et qui habitait au P______, l'avaient hébergé pendant la période litigieuse. Il vivait chez eux en alternance, de même que chez sa mère et parfois chez D______. Il prenait ses repas chez des amis, chez la mère de ses enfants, parfois dans des restaurants ou chez sa mère.

Il avait dit à son assistante sociale qu'il lui arrivait de dormir chez D______. Il entretenait avec elle une relation sentimentale très compliquée. Dans les moments de discorde, elle le laissait venir uniquement pour voir leur fille B______.

Il avait annoncé à son assistante sociale qu'il partait au Cameroun avec D______ en mars 2023 pour trois semaines et qu'à leur retour, ils projetaient de faire ménage commun. Ce projet n'avait pas abouti puisqu'à leur retour, ils avaient décidé de se séparer.

Fin 2022, son permis B avait expiré. Pendant huit mois, il était en cours de renouvellement. Sa compagne lui ayant « mis la pression » pour qu'il soit plus présent, il avait déposé une demande de permis de séjour en France. Jusqu'en mars 2023, il était resté en Suisse. Après s'être séparé de sa compagne, il avait demandé officiellement l'annulation de son permis de séjour français.

d.b D______ a indiqué que sa relation avec A______ avait connu « des hauts et des bas ». Depuis 2021, ils avaient aussi la relation qui existe entre deux parents d'enfants mineurs.

Pendant la période litigieuse, A______ venait chez elle pour voir sa fille mais il n'y vivait pas. Quand il venait, il dormait chez elle, et ce quelques fois dans l'année, mais pas de manière régulière. Comme il ne travaillait pas et n'avait pas de situation stable, il lui était impossible de le prendre en charge, en plus des enfants. Il lui arrivait également d'emmener sa fille chez la mère de A______ environ une fois par mois.

Il avait été question d'emménager ensemble en Suisse. Toutefois, elle avait perdu son travail en 2022 et il était compliqué de trouver un logement abordable à Genève. Début 2023, ils avaient eu des velléités de reformer la famille mais cela ne s'était pas passé comme prévu. Elle lui avait demandé de revenir l'aider pour s'occuper des enfants, de sorte qu'il vivait chez elle au mois d'avril 2023. Il était parti dès le mois de mai 2023.

A______ ne lui avait pas indiqué où il dormait quand il n'était pas chez elle. Il passait beaucoup de temps à la salle de sport. Elle l'avait incité à demander un titre de séjour français, dans la mesure où il était dans l'incertitude sur la prolongation de son permis en Suisse. Après avoir obtenu son permis C, il avait abandonné son permis français, dont il n'avait jamais fait usage.

d.c Q______, contrôleur-inspecteur, présent lors du contrôle du 28 mars 2023, a indiqué que la totalité des échanges avaient eu lieu sur le palier de l'appartement. Il avait demandé au frère de A______ si ce dernier se trouvait dans l'appartement. Le frère lui avait dit que l'intéressé ne résidait plus à cette adresse, mais en France. La mère de A______ avait confirmé de manière assez directe que son fils résidait principalement chez sa copine qui vivait en France. Il n'avait pas posé plus de questions et était parti.

d.d G______ a précisé que A______ avait quitté la maison en 2019 ou 2020. Il habitait « par-ci par-là », elle ne savait pas exactement où. Lors du contrôle, son fils N______ l'avait prévenue qu'une personne demandait à voir A______. Le contrôleur lui avait demandé où vivait son fils aîné, ce à quoi elle avait répondu qu'il dormait « à gauche, à droite » chez des amis et qu'il dormait chez elle de temps en temps. Ce qu'elle n'avait pas dit à l'inspecteur, c'est qu'il venait dormir surtout lorsque D______ laissait leur fille chez elle. Elle n'avait pas prononcé le mot « France ».

Parmi les amis chez qui A______ dormait, elle ne connaissait que le nom de L______. Durant certains mois, A______ ne venait pas chez elle. Durant d'autres mois, il y venait une ou plusieurs fois. Il possédait la clef de l'appartement.

Elle avait des contacts réguliers avec D______. Elle passait toujours par elle pour voir sa petite-fille aînée. À sa connaissance, son fils et D______ n'avaient jamais vécu en ménage commun.

d.e Bien que convoqué par courrier du 10 novembre 2023, N______ ne s'est pas présenté à l'audience du 29 novembre 2023.

e. Dans ses observations après enquêtes, A______ a relevé que l'hospice, pour prétendre qu'il vivait en France, ne disposait que de preuves indirectes, à savoir le rapport du 3 avril 2023, qui ne faisait que rapporter les déclarations contestées de sa mère et celles de son frère. L'enquête avait été menée de façon sommaire. D______ avait démenti qu'ils vivaient ensemble. Elle avait expliqué de façon convaincante qu'elle ne pouvait pas le prendre en charge.

Il n'entendait pas réclamer le bénéfice de l'assistance publique à compter de mai 2023, mais contestait le remboursement qui lui était réclamé.

f. Dans ses observations après enquêtes, l'hospice a relevé que A______ n'avait pas apporté le moindre élément crédible sur son lieu de vie. Il prétendait vivre en alternance depuis 2020 chez L______, chez le prénommé O______, chez sa mère et chez sa compagne. Or, ceci n'était pas crédible. Il ne connaissait pas l'adresse de L______, ni le nom et l'adresse du prénommé O______. Tant sa mère que sa compagne avaient déclaré qu'il logeait rarement chez elles. Il n'était pas vraisemblable qu'il vive depuis près de quatre ans chez deux amis dont il ignorait les adresses et le nom de l'un d'eux.

De nombreux indices montraient qu'il vivait principalement chez sa compagne depuis juin 2020. Lorsqu'il avait sollicité une deuxième aide financière en avril 2021, il avait déclaré avoir vécu chez son amie pendant le confinement, ce qui correspondait à la date indiquée comme étant celle d'entrée en France sur la fiche détaillant son titre de séjour français fournie par la CAF de Haute-Savoie.

Les divergences entre les propos de A______, ceux de sa mère et ceux de D______ sur la fréquence des nuits chez l'une et l'autre contribuaient à mettre en doute leur déclaration. Le recourant avait indiqué vivre en alternance chez sa mère, ses amis et sa compagne, alors que cette dernière avait déclaré qu'il venait chez elle seulement quelques fois dans l'année.

Le recourant avait demandé le renouvellement de son permis C le 3 novembre 2021 et avait obtenu son permis en juin 2022, soit 6 mois avant d'avoir reçu son autorisation de séjour française, contrairement à ce qu'il prétendait.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04).

2.             Il a été fait droit à la demande du recourant d'entendre D______ et G______. Quant à N______, dont l'audition a également été sollicitée, il ne s'est pas présenté à l'audience du 29 novembre 2023, bien que dûment convoqué.

3.             Le recours porte sur le bien-fondé de la demande de restitution des prestations versées au recourant du 1er mars 2021 au 30 avril 2023. Le bien-fondé de la décision de mettre fin aux prestations alloués à l'intéressé ne sera en revanche pas examiné, ce dernier ayant, dans ses observations après enquêtes, informé qu'il n'entendait pas réclamer le « bénéfice de l'assistance publique » à compter de mai 2023.

4.             Le recourant conteste avoir eu un domicile et une résidence effective en France du 1er mars 2021 au 30 avril 2023.

4.1 Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

4.2 En droit genevois, la LIASI et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

4.3 Ont droit à des prestations d'aide financière prévues par la LIASI les personnes qui : a) ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire de la République et canton de Genève, b) ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et c) répondent aux autres conditions de la LIASI (art. 11 al. 1 LIASI).

4.4 Les conditions du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève sont cumulatives, de sorte que des prestations d’aide financière complète ne sont accordées qu’aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d’origine genevoise, aux confédérés et aux étrangers bénéficiant d’un titre de séjour (ATA/249/2024 du 27 février 2024 consid. 5.2 et les arrêts cités).

Selon l’art. 23 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir (al. 1). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (al. 2).

L’art. 24 CC prévoit que toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau (al. 1). Le lieu où elle réside est considéré comme son domicile, lorsque l’existence d’un domicile antérieur ne peut être établie ou lorsqu’elle a quitté son domicile à l’étranger et n’en a pas acquis un nouveau en Suisse (al. 2).

La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3 ; 134 V 236 consid. 2.1).

Le centre de vie déterminant correspond normalement au domicile, c'est-à-dire au lieu où la personne dort, passe son temps libre et où se trouvent ses effets personnels ainsi qu'usuellement un raccordement téléphonique et une adresse postale (arrêt du Tribunal fédéral 4A_695/2011 du 18 janvier 2012 consid. 4.1). Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de la personne intéressée (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3). La présomption que ces indices créent peut être renversée par des preuves contraires (ATF 136 II 405 consid. 4.3 ; 125 III 100 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_757/2015 du 15 janvier 2016 consid. 4.2).

Ce n'est pas la durée du séjour à cet endroit qui est décisive, mais bien la perspective d'une telle durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A.398/2007 du 28 avril 2008 consid. 3.2 et 5A.34/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.2). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122 consid. 3.6 = JdT 2011 IV 372 ; 133 V 309 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.398/2007 précité consid. 3.2).

Pour déterminer si une personne réside dans un lieu déterminé avec l'intention de s'y établir durablement (élément subjectif du domicile), la jurisprudence ne se fonde pas sur la volonté interne de l'intéressé ; seules sont décisives les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant de déduire une telle intention (ATF 127 V 237 consid. 1 ; ATF 120 III 7 consid. 2b ; ATF 119 II 64 consid. 2b/bb). Pour qu'une personne soit domiciliée à un endroit donné, il faut donc que des circonstances de fait objectives manifestent de manière reconnaissable pour les tiers que cette personne a fait de cet endroit, ou qu'elle a l'intention d'en faire, le centre de ses intérêts personnels, sociaux et professionnels (ATF 119 II 64 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.163/2005 du 25 août 2005 consid. 4.1 et les références citées). Même un séjour d'emblée temporaire peut constituer un domicile, lorsqu'il est d'une certaine durée et que le centre des intérêts de la personne y est transféré (Daniel STÄHELIN, in Basler Kommentar - ZGB, 6e éd., 2018, n. 7 ad art. 23 CC et les références citées). L’intention de quitter un lieu plus tard n’empêche pas d’y constituer un domicile (ATF 127 V 237 consid. 2c).

En l'absence d'un domicile volontaire et légal, l'art. 24 CC établit des règles subsidiaires qui permettent de définir un domicile fictif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.4).

4.5 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. L’art. 33 al. 1 LIASI prévoit en outre que le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression.

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation économique (ATA/195/2021 du 12 juillet 2022 consid. 4a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a). La chambre de céans a eu l’occasion de relever que l’engagement écrit du bénéficiaire de l’aide sociale comprenait l’obligation de signaler tout départ, absence de Genève ou voyage à l’étranger (ATA/1198/2023 du 7 novembre 2023 consid. 3.4 et les arrêts cités).

4.6 L'art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (let. a) ou lorsqu'elle ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 (let. c) ou qu'elle refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (let. d).

La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 consid. 3b = JdT 1998 I 562 ; ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7).

4.7 Sous le titre « Prestations perçues indûment », l'art. 36 LIASI dispose qu'est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/15/2023 du 10 janvier 2023 consid. 2g ; ATA/850/2022 du 23 août 2022 consid. 5b ; ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/508/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.3.2 et l'arrêt cité).

4.8 Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi. Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/508/2023 précité consid. 3.3.2).

4.9 En droit administratif, les faits doivent en principe être établis d’office (art. 19 LPA) et, dans la mesure où l’on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle procède à cette recherche, les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s’appliquent pas. Il n’en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, la règle de l’art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie. Ainsi, pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (art. 8 CC ; ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2).

La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/22/2024 du 9 janvier 2024 consid. 5.3 et l'arrêt cité).

4.10 De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/174/2022 du 17 février 2022 consid. 3f).

La chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s’en écarter (ATA/22/2024 du 9 janvier 2024 consid. 5.4 et les arrêts cités). Dès lors que les membres du personnel de l'hospice chargés d'effectuer des enquêtes en lien avec l'octroi de prestations d'aide financière sont assermentés (art. 54 al. 2 LIASI), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

5.             En l'espèce, la solution apportée au présent litige commande de traiter d'abord la période allant du 1er mars 2021 au 5 décembre 2022, date à laquelle le recourant a obtenu un titre de séjour temporaire français, et ensuite celle s'étendant jusqu'au 30 avril 2023.

5.1 L'intimé a alloué au recourant des prestations d'aide sociale dès le 1er mars 2021 et jusqu'au 30 avril 2023. Il a donc considéré que l'intéressé a apporté, lors de sa demande d'aide financière, la preuve de son domicile et de sa résidence effective à Genève, à défaut de quoi de telles prestations n'auraient pas pu lui être octroyées (art. 11 al. 1 let. a LIASI a contrario). Par conséquent, et conformément aux règles sur le fardeau de la preuve, il appartient à l'intimé de prouver que le recourant n'avait en réalité pas son domicile et sa résidence effective dans le canton pendant la période litigieuse, mais en l'occurrence en France, et qu'il a quitté le canton.

L'intimé soutient que l'intéressé, depuis le début de l'aide financière, n'a pas de résidence effective en Suisse et est domicilié en France, au E______, avec sa compagne et ses deux enfants. L'intimé fonde son argumentation sur le rapport d'enquête du 3 avril 2023, sur le titre de séjour temporaire français obtenu par l'intéressé le 5 décembre 2022, sur le manque de pertinence des attestations d'hébergement temporaire qu'il a produites, sur ses déclarations mensongères, lacunaires et contradictoires, sur le fait que le centre de sa vie familiale se trouve en France et, enfin, sur le fait qu'il utilise son compte bancaire uniquement pour des dépenses non essentielles.

Il n'est pas contesté que le recourant ne vit plus chez sa mère et son frère au H______. Comme cela ressort des déclarations de l'intéressé et de ces derniers, il a quitté cette adresse à tout le moins depuis le début de la période litigieuse (mars 2021) et l'a officiellement conservée pour y recevoir son courrier. Ses séjours sporadiques dans l'appartement depuis le mois de mars 2021, environ une fois par mois tel que l'on peut en inférer du témoignage de sa mère et de D______, ne suffisent pas à y fonder le centre de ses intérêts.

L'analyse des relevés bancaires du recourant montre que ce dernier a régulièrement effectué divers achats dans des commerces sis à R______ et S______ du 8 juillet 2021 au 17 août 2021, mais plus aucun à partir de cette date. Cela rend plausible le fait qu'il a été hébergé par le prénommé O______, domicilié au P______ selon lui, mais exclusivement pendant cette brève période.

À teneur des relevés bancaires du recourant toujours, ce dernier a effectué régulièrement plusieurs transactions dans des supermarchés à T______ et a fréquenté le U______ Fitness des V______ du 29 février 2020 jusqu'au 31 août 2021. À partir de cette date, les achats dans lesdits supermarchés sont plus rares jusqu'au 31 mai 2022 et ensuite inexistants. Il apparaît donc probable que le recourant ait été hébergé ponctuellement et de façon irrégulière par L______, domicilié rue K______, à proximité de la gare de T______, jusqu'à fin mai 2022. L'attestation d'hébergement signée par ce dernier tend à le confirmer en tant qu'il atteste avoir hébergé l'intéressé au cours de l'année 2022. En revanche, sa force probante doit être relativisée en tant que L______ confirme avoir hébergé le recourant au cours de l'année 2023, les relevés bancaires de ce dernier ne faisant pas état de transactions à proximité de T______ pendant cette période.

Il ressort de ce qui précède qu'à partir du mois d'août 2021, le recourant a très vraisemblablement logé de façon très sporadique chez L______, chez sa mère, de même que chez D______, conformément aux déclarations de celle-ci. Il ne donne aucune autre information permettant de retenir que d'autres personnes l'auraient hébergé à Genève le reste du temps, se limitant à affirmer vivre chez des connaissances selon les possibilités d'accueil, sans toutefois fournir une liste de ces personnes. C'est le lieu de préciser que l'attestation d'hébergement établie le 26 avril 2023 par un individu domicilié au M______ n'a aucune valeur probante puisqu'on ignore qui l'a rédigée, mais aussi dans la mesure où le recourant, lors de son audition devant la cambre de céans, n'a pas confirmé avoir été hébergé par ledit individu. Les informations figurant au dossier font dès lors apparaître un flou sur les endroits où le recourant habite quand il n'est pas hébergé par les personnes précitées.

L'intimé en déduit que l'intéressé habiterait chez D______. Plaident de prime abord en faveur de cette thèse les déclarations de la mère du recourant et de son frère lors du contrôle le 28 mars 2023, retranscrites dans le rapport du SEC établi le 3 avril 2023, selon lesquelles l'intéressé vit en France. Quand bien même les personnes concernées ont ultérieurement contesté leurs déclarations, la préférence sera donnée à ces dernières, puisqu'elles ont été données en premier lieu alors qu'elles en ignoraient les éventuelles conséquences pour le recourant, et dans la mesure également où le rapport a été rédigée par une personne assermentée qui a en confirmé le contenu lors de son audition devant la chambre de céans. En outre les déclarations ultérieures de G______ sont contradictoires puisqu'elle a attesté, le 28 avril 2023, que le recourant ne vivait pas en France alors qu'elle a indiqué, lors de son audition devant le chambre de céans, qu'elle ne savait pas exactement où il habitait.

Les déclarations susmentionnées ne suffisent toutefois pas à établir que le recourant aurait eu son domicile et sa résidence effective en France du 1er mars 2021 au 5 décembre 2022. En effet, les intéressés n'ont pas indiqué depuis quand le recourant vivait en France et leurs déclarations ont été recueillies seulement à la fin de la période litigieuse mais également après le 5 décembre 2022.

En outre, le titre de séjour temporaire français obtenu par l'intéressé n'est pas pertinent pour la période antérieure au 5 décembre 2022 puisqu'il a obtenu ce titre à cette date.

Aussi, l'intimé ne peut rien tirer de l'argument selon lequel le recourant utiliserait son compte bancaire uniquement pour des dépenses non essentielles, ce qui s'expliquerait par le fait que pour ses besoins courants, il dépendrait de sa compagne qui touchait des prestations sociales en France. En effet, outre le fait qu'il ne s'agit que de simples suppositions, les relevés bancaires du recourant montrent qu'il dépense régulièrement des sommes modestes dans des supermarchés et qu'il mange régulièrement au restaurant (restauration rapide en particulier), de surcroît en Suisse. Il s'agit de dépenses essentielles, puisqu'elles portent sur la consommation de nourriture. De plus, dans la mesure où il dit être hébergé par des connaissances, il parait plausible qu'il trouve chez ses logeurs des produits d'hygiène notamment et de la nourriture également.

Enfin et surtout, D______ a indiqué de manière convaincante que le recourant venait dormir quelques fois chez elle dans l'année, notamment pour s'occuper de leur fille, mais pas de manière régulière. Elle a encore précisé qu'il ne vivait pas chez elle et qu'elle ne savait pas où il logeait le reste du temps. Dès lors, s'il apparaît que le recourant passe certes du temps chez la mère de ses enfants en France, ce temps est relativement limité et on ne saurait en déduire qu'il a fait du domicile de D______ le centre de ses intérêts personnels. Il ne ressort au demeurant pas de la procédure qu'il travaillerait en France, ce que l'intimé n'allègue d'ailleurs pas, et ses relevés bancaires font apparaître que ses dépenses en Suisse sont plus nombreuses que celles en France.

Au vu de ce qui précède, l'intimé ne parvient pas à démontrer que le recourant a eu son domicile et sa résidence effective en France du 1er avril 2021 au 5 décembre 2022 et aurait abandonné son domicile à Genève. Il supporte les conséquences de l'absence de cette preuve, si bien que la décision de restitution n'est pas justifiée pour cette période et devra être annulée.

5.2 Autre est toutefois la situation pour la période postérieure au 5 décembre 2022. En effet, il ressort des informations communiquées par la CAF de la Haute‑Savoie le 26 septembre 2023 que le recourant est titulaire d'un titre de séjour temporaire délivré par la préfecture de Haute-Savoie le 5 décembre 2022 pour une durée d'une année, avec comme remarque « vie privée et familiale, autorise son titulaire à travailler » et comme adresse celle de D______, soit le E______, F______(Haute-Savoie). En outre, sur le formulaire de demande de titre de séjour, il a déclaré une situation de concubinage. Dès lors, il confine à la certitude qu'à partir du 5 décembre 2022, le recourant a transféré son centre de vie en France, en vue d'y vivre en concubinage avec la mère de ses enfants, et a quitté le canton. Le témoignage de D______ tend à le confirmer, puisqu'elle a déclaré qu'au début de l'année 2023, elle et le recourant ont eu des velléités de reformer la famille et qu'elle lui avait demandé de revenir l'aider pour s'occuper des enfants. Il en va de même des témoignages de la mère du recourant et de son frère lors du contrôle du 28 mars 2023, ceux-ci ayant indiqué que le recourant vivait désormais en France. La décision de restitution est donc fondée sur son principe pour la période allant du 5 décembre 2022 au 31 avril 2023, ce d'autant plus que l'intéressé a également violé son obligation de renseigner en omettant de transmettre les informations – nécessaires – liées à l'obtention de son titre de séjour en France. Pour ce motif d'ailleurs, il n'a pas été de bonne foi, si bien que toute remise est exclue.

Il ressort de la pièce n° 1 produite par l'intimé, intitulée « attestation d'aide financière du 18 septembre 2023 » que, pour la période allant du 1er décembre 2022 au 31 avril 2023, le recourant a touché un montant de CHF 6'330.20. C'est en conséquence ce montant qu'il devra restituer à l'intimé.

Le recours sera donc partiellement admis et la décision querellée annulée en tant qu'elle réclame au recourant le remboursement d'un montant de CHF 31'124.15, celui-ci étant ramené à CHF 6'330.20. L'intéressé ayant, dans ses observations après enquête, informé qu'il n'entendait pas réclamer le « bénéfice de l'assistance publique » à compter de mai 2023, la décision querellée, en tant qu'elle porte sur la fin des prestations, sera confirmée sur ce point.

6.             Vu l’issue de la procédure, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- sera allouée au recourant, à la charge de l'intimé (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 août 2023 par A______ contre la décision de l'Hospice général du 21 juin 2023 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

réforme la décision de l'hospice général du 21 juin 2023 en ce sens que le montant de la restitution demandée à A______ est ramené à CHF 6'330.20 ;

confirme la décision de l'Hospice général du 21 juin 2023 pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, à la charge de l’Hospice général ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andrea VON FLÜE, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :