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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1990/2025

JTAPI/621/2025 du 10.06.2025 ( MC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1990/2025 MC

JTAPI/621/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 juin 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Audrey EIGENMANN, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1981, est originaire du Maroc. Démuni de documents d'identité, il est arrivé en Suisse en 2010 et s'est présenté devant les autorités helvétiques sous un alias, Monsieur B______, né le ______ 1988, originaire d'Algérie.

2.             Dès son arrivée en Suisse, l'intéressé a déployé une activité criminelle régulière, laquelle lui a valu, à teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, 26 condamnations par les instances pénales genevoises entre le 27 février 2015 et le 3 septembre 2024, dont deux fois pour vol au sens de l'art. 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), treize fois pour rupture de ban au sens de l'art. 291 al. 1 CP, et quatre fois pour infraction à l'art 119 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) (interdiction de pénétrer dans une région déterminée).

3.             M. A______ a par ailleurs fait l'objet de différentes mesures d'éloignement administratives et judiciaires dont une décision de renvoi de Suisse prise le 3 juin 2010 par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), trois interdictions de pénétrer dans le centre-ville de Genève prises par le commissaire de police les 24 octobre 2012, 9 novembre 2016 et 22 mars 2018 et trois expulsions judiciaires de Suisse prononcées par les juridictions genevoises les 4 mai 2018 (pour une durée de 5 ans selon l'art 66a bis CP), 4 mars 2020 (pour une durée de 7 ans selon l'art 66a bis CP), et 3 septembre 2024 (pour une durée de 10 ans selon l'art 66a bis CP).

4.             Le 1er avril 2010, les autorités genevoises ont requis le soutien du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) en vue de l'identification formelle de M. A______ par un État. Cette demande a abouti le 25 avril 2024 lorsque le SEM a annoncé au canton de Genève que l'intéressé avait été identifié par les autorités marocaines et qu'un laissez-passer pouvait être obtenu dans un délai d'au moins trois semaines avant un vol de type DEPU (six semaines avant un vol de type DEPA).

5.             La première tentative de refoulement de M. A______ programmée pour le 14 octobre 2024 n'a pas pu se concrétiser car l'intéressé, alors en détention pénale à la prison de Champ-Dollon, s'est vu signifier un écrou pénal supplémentaire de six mois. Le laissez-passer établi le 26 septembre 2024 par l'ambassade du Maroc est arrivé à échéance le 26 novembre 2024.

6.             Dans le formulaire que M. A______ a rempli en vue de l'examen de sa libération conditionnelle, ce dernier a indiqué être célibataire et sans enfant. Il souhaitait désormais s'installer en France, une connaissance étant susceptible de pouvoir le loger à sa sortie de prison.

7.             Le 28 janvier 2025, le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé la libération conditionnelle de M. A______, estimant que l'intéressé se retrouverait à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir, en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement. Son projet de sortie, ni concret ni étayé, de se rendre en France pour effectuer du jardinage n'apparaissait pas crédible au vu de son parcours, ni légal au vu du signalement dans le système information Schengen (SIS) de sa dernière expulsion judiciaire.

8.             Le 15 mai 2025, le médecin conseil du SEM a déclaré M. A______ apte à voyager en avion.

9.             Le 7 juin 2025, l'intéressé a été libéré de détention pénale et remis aux services de police.

10.         Le vol avec escorte policière à destination du Maroc est prévu, mais n'est pas encore confirmé, pour le 19 juin 2025, à 07h55 au départ de Genève.

11.         Le laissez-passer sera délivré quelques jours avant le vol.

12.         Le 7 juin 2025 à 10h10, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois, considérant que ce dernier avait refusé de retourner dans son pays d'origine depuis le prononcé de son renvoi par l'OCPM le 3 juin 2010, soit il y avait presque 15 ans, et avait préféré déployer une activité criminelle sur le territoire suisse qui s'était soldée par treize condamnations pour rupture de ban, deux pour vol, soit un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP et quatre fois pour infraction à l'art. 119 LEI (interdiction de pénétrer dans un région déterminée). Il avait en outre fait l'objet d'une décision de renvoi fédérale et de trois expulsions judiciaires de Suisse, entrées en force. L'intéressé avait ainsi démontré son mépris total pour les injonctions qui lui avaient été données par les autorités judiciaires et administratives helvétiques. Démuni de documents de voyage valables, et faisant usage d'un alias dans le but de dissimuler son origine, il avait obligé les autorités suisses à entreprendre de longues démarches en vue de son identification. Son comportement laissait apparaître qu'il n'était pas disposé à retourner dans son pays d'origine et qu'il refusait d'obtempérer aux injonctions des autorités.

Enfin, sa situation personnelle – démuni d'adresse, d'emploi légal et de relations familiales ou amicales à Genève susceptibles de l'aider, désirant se rendre en France – faisait craindre un risque important de disparition dans la clandestinité s'il devait être laissé en liberté. Au vu de ce qui précédait, les conditions de la mise en détention administrative de M. A______ s'avéraient réalisées.

Quant au principe de proportionnalité, la mesure de détention était évidemment adéquate pour permettre la bonne exécution de son renvoi de Suisse. Elle était également nécessaire dès lors qu'aucune autre mesure moins incisive, telle une assignation à un lieu de résidence, ne pouvait garantir sa disponibilité le jour de l'exécution de son renvoi de Suisse.

Pour ce qui était de la proportionnalité au sens étroit, la situation de M. A______, criminel récidiviste, établissait de manière incontestable que l'intérêt public à sa mise en détention administrative aux fins de mettre en œuvre son renvoi de Suisse primait largement son intérêt personnel à ne pas être momentanément privé de sa liberté.

Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi avaient été réalisées avec célérité, les autorités ayant obtenu l'identification de l'intéressé et une place à bord d'un avion de ligne alors que ce dernier était encore en détention pénale.

La durée de la détention, à savoir deux mois, prenait en considération le temps nécessaire pour permettre le refoulement de M. A______ au moyen d'un vol avec escorte policière (les vols spéciaux pour le Maroc n'étant pas disponibles). Même si le vol de refoulement était confirmé pour le 19 juin 2025, en cas d'annulation à cause d'un problème technique ou administratif lié à la compagnie aérienne, les services de police devaient pouvoir disposer du temps nécessaire pour pouvoir organiser un autre vol de remplacement. En cas d'échec de la tentative de refoulement en raison du comportement de l'intéressé, le commissaire de police examinerait la possibilité de prononcer une détention fondée sur l'art. 78 LEI (détention pour insoumission).

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Maroc, sans indiquer de motif. Il était en bonne santé et ne suivait aucun traitement médical.

13.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

14.         Entendu le 10 juin 2025 par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il ne savait pas qu'un vol avait été réservé pour lui le 19 juin 2025. Il a confirmé qu'il était opposé à son renvoi au Maroc. Il avait un projet de mariage en Italie avec sa copine, C______, laquelle était domiciliée à ______(Italie). Il n'avait pas encore obtenu d'autorisation de séjour en Italie. Après que le tribunal lui ait rappelé qu'il faisait l'objet de trois mesures d'expulsion judiciaire et que celle prononcée le 3 septembre 2024 avait fait l'objet d'un signalement dans le Service d'information Schengen (SIS) de sorte que, sauf circonstances très particulières, il n'avait pas le droit de séjourner dans un État de l'Espace Schengen jusqu'à l'échéance de cette mesure, il a répondu qu'il le savait. Il était allé en prison plusieurs fois car il n'avait pas de papiers. C'était cependant ce qu'il se passait en théorie. Certains pays régularisaient les sans-papiers.

Après que le tribunal lui ait rappelé, qu'en janvier 2025, il avait expliqué que son intention à sa sortie de prison était de se rendre en France pour y travailler comme jardinier, il a expliqué que la situation avec son amie s'était améliorée et que leur projet de mariage s'était ainsi concrétisé.

S'agissant de sa situation personnelle, il a confirmé ses précédentes déclarations, à savoir : qu'il n'avait ni documents de voyage, ni documents d'identité, qu'il n'avait pas de domicile fixe, aucun moyen de subsistance légal, enfin qu'il n'avait ni ami ni famille ni encore aucune attache avec la Suisse. Sa sœur, son frère et sa tante vivaient en France. Il avait encore de la famille au Maroc. Il n'avait pas d'enfant.

Sur questions de son conseil, il a précisé être avec sa compagne depuis 2009. Son projet de s'installer en France était toujours d'actualité. En réalité, les deux projets étaient d'actualité.

Avec l'aide de son conseil, il a produit un e-mail de son beau-frère, M. D______ du 10 juin 2025 adressé à son conseil, à teneur duquel ce dernier confirmait sa volonté de l'accueillir, de l'héberger à son domicile à ______(France), en France et de lui apporter toute l'aide nécessaire pour faciliter son intégration, y compris son assistance dans le cadre des démarches administratives à entreprendre.

Sur question du tribunal, il a confirmé qu'il n'était pas au bénéfice d'un titre de séjour en France.

La représentante du commissaire de police a informé le tribunal qu'elle n'avait pas vu les échanges du 10 juin 2025 dans la matinée entre le bureau du commissaire de police et le tribunal relatifs à la demande d'interprète du contraint, mais qu'un collègue l'en avait informée. Elle attirait l'attention du tribunal sur le fait que le contraint avait été entendu sans interprète à la police et devant le tribunal en 2018 déjà, comme cela ressortait du procès-verbal figurant au dossier.

M. A______ a contesté ces propos en indiquant qu'ils étaient inexacts et qu'il y avait eu des interprètes. Il avait appris le français sur le tard, mais il n'avait pas un niveau avancé, raison pour laquelle il avait demandé un interprète. Il ne comprenait pas tout, sans quoi il n'aurait pas demandé d'interprète.

La représentante du commissaire de police a indiqué qu'une confirmation du vol était attendue, ainsi que le laissez-passer quelques jours avant le vol, précisant qu'un laissez-passer avait déjà été délivré en 2024 et que la situation du contraint n'avait pas changé depuis lors. Les données médicales étaient par ailleurs à jour et le SEM avait confirmé l'aptitude au vol du contraint.

M. A______ a confirmé qu'il n'avait aucun problème de santé.

Sur questions du conseil de M. A______, la représentante du commissaire de police a indiqué que la demande de laissez-passer était faite concomitamment à la demande de réservation du vol. Le SEM s'en chargeait. Les échanges entre le SEM et les représentations étrangères n'étaient pas forcément transmis au commissaire de police. Le laissez-passer était toujours délivré quelques jours seulement avant le vol. Il était exact qu'il s'agissait d'un vol DEPA et que la demande de vol devait être effectuée au moins six semaines avant la date du vol. Dans le cas d'espèce, la demande de vol avait été faite le 20 mai 2025.

Sur question du conseil de M. A______ qui lui a demandé si le laissez-passer serait obtenu dans les délais dès lors que quatre semaines seulement séparaient la demande de vol de la date du vol, elle a répondu que oui, en principe. Les agents de la Brigade migration et retour (ci-après : BMR) réservaient le vol par l'intermédiaire de SwissREPAT en tenant compte de ces délais.

Sur question du conseil de M. A______ qui lui a demandé quelles démarches avaient été effectuées depuis le 20 mai 2025 dès lors qu'aucune confirmation de vol ni demande de laissez-passer ne figuraient au dossier, elle a répondu que toutes les démarches avaient été entreprises et qu'il convenait désormais d'attendre le retour des autorités marocaines en charge de délivrer le laissez-passer.

La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative tant dans son principe que dans sa durée prononcée à l’encontre M. A______ le 7 juin 2025 pour une durée de deux mois.

M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a plaidé et conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative et à sa mise en liberté immédiate. Il avait a été entendu sans interprète. Il s'agissait d'une violation de son droit d'être entendu. Pour ce motif déjà, l'ordre de mise en détention devait être annulé et sa mise en liberté ordonnée. L'autorité avait en outre violé son devoir de diligence et de célérité en n'effectuant aucune autre démarche en vue de l'exécution de son renvoi depuis le 20 mai 2025, lequel était par ailleurs inexécutable vu l'absence de laissez-passer.

La représentante du commissaire de police a répliqué. Elle a contesté une quelconque violation du droit d'être entendu du contraint pour les motifs évoqués précédemment, ajoutant que si le tribunal devait néanmoins retenir une telle violation, l'audience du 10 juin 2025, ainsi que les explications qui avaient été données au contraint par le tribunal étaient de nature à la réparer. Par ailleurs, s'agissant du délai de six semaines, elle a rappelé qu'en 2024, un premier laissez-passer avait été délivré de sorte qu'il avait certainement été considéré que quatre semaines entre la demande de vol et le vol étaient en l'espèce suffisantes.

M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a brièvement dupliqué. Il attirait l'attention du tribunal sur le fait que le raccourcissement prétendu de ce délai n'était étayé par aucun élément figurant au dossier.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 7 juin 2025 à 09h55.

3.            Dans un premier grief d'ordre formel, qu'il convient de traiter en premier, M. A______ se plaint d'une violation de son droit d'être entendu au motif qu'il a été entendu par le commissaire de police qui lui a notifié l'ordre de mise en détention administrative alors qu'il n'était pas assisté d'un interprète, concluant à l'annulation de cet ordre et à sa mise en liberté immédiate.

4.            Tel qu'il est garanti par l'art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2024 du 15 novembre 2024 consid. 3.2).

5.            La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2017 du 25 juin 2018 consid. 3.2). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle‑ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_46/2020 du 5 mai 2020 consid. 6.2).

6.            En l'espèce, le tribunal retient qu'aucun élément au dossier ne permet de retenir, comme l'allègue M. A______, qu'il aurait été entendu et se serait vu notifier l'ordre de mise en détention administrative sans être assisté d'un interprète alors qu'il en avait fait la demande. En tout état, même à retenir que son droit d'être entendu aurait été violé, ce qui n'est pas établi, cette violation a été réparée devant le tribunal, M. A______, assisté de son conseil, ayant été en mesure de se déterminer sur l'ordre prononcé à son encontre et de faire valoir ses arguments.

7.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

8.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. b, c et h LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment, lorsque celle-ci quitte la région qui lui est assignées ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l'art. 74 (let. b), si elle franchit la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être immédiatement renvoyée (let. c) ou si elle a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).

9.            Une mise en détention est aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b
ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/943/2014 du 28 novembre 2014 ; ATA/616/2014 du 7 août 2014).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1 ; ATA/740/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/739/2015 du 16 juillet 2015 ; ATA/682/2015 du 25 juin 2015 ; ATA/261/2013 du 25 avril 2013 ; ATA/40/2011 du 25 janvier 2011).

10.        En l’espèce, M. A______ a fait l’objet de différentes mesures d'éloignement judiciaires et administratives dont une décision de renvoi prononcée le 3 juin 2010 par l'OCPM, trois interdictions territoriales prises par le commissaire de police les 24 octobre 2012, 9 novembre 2016 et 22 mars 2018, ainsi que trois expulsions judiciaires les 4 mai 2018 (pour une durée de cinq ans), 4 mars 2000 (pour une durée de 7 ans) et 3 septembre 2024 (pour une durée de 10 ans avec signalement dans le SIS).

Une première tentative de refoulement n'a pas pu être concrétisée le 14 octobre 2024 au motif que l'intéressé, alors en détention pénale, s'est vu signifier un écrou supplémentaire de six mois. Le laissez-passer délivré par les autorités marocaines, le 26 septembre 2024, est arrivé à échéance le 26 novembre 2024.

L'intéressé a par ailleurs été condamné à 26 reprises par les instances pénales genevoises entre le 27 février 2015 et le 3 septembre 2024, notamment deux fois pour vol, soit des crimes au sens de l’art. 10 al. 2 CP. Sa détention administrative se justifie par conséquent sur la base des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. b et h LEI déjà, sans qu’il soit nécessaire d’analyser si sa détention pourrait également se fonder sur un autre motif.

Ce nonobstant, force est encore ici de souligner que M. A______, qui n'a pas quitté la Suisse malgré les nombreuses injonctions des autorités tant pénales qu'administratives, n'a pas l'intention de se conformer à cette obligation dès lors qu'il a confirmé lors de l'audience de ce jour qu'il refusait d'être expulsé vers le Maroc et qu'il ne prendrait pas le vol du 19 juin 2024 dont la réservation est en attente de confirmation. Au vu de sa situation personnelle – l'intéressé étant démuni de documents d'identité, de domicile, de toute source légale de revenu, de relations familiales, amicales ou autres attaches en Suisse – il existe un risque concret de disparition dans la clandestinité en cas de remise en liberté, de sorte que les conditions de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 sont également réalisées.

Il faut ainsi conclure de ce qui précède que le principe de la légalité est respecté.

L’assurance de son départ effectif répond par ailleurs à un intérêt public certain, l'intéressé ayant commis à réitérées reprises des infractions, notamment des crimes, et fait l’objet de nombreuses décisions et mesures tant administratives que pénales. Les autorités suisses doivent s’assurer du fait qu’il quittera effectivement le territoire à destination du Maroc, seul État dans lequel il est autorisé à résider, et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence lorsqu’il devra être emmené à bord du vol pour lequel la réservation d'une place est en attente de confirmation dès lors qu'il a réitéré devant le tribunal s’opposer à l’exécution de son expulsion vers le Maroc.

L'email produit en audience, à teneur duquel il bénéficierait, à son arrivée en France, du soutien administratif et financier de son beau-frère, ne saurait suffire à démontrer qu'il a un projet concret de réinsertion dans cet État dès lors qu'il a lui-même admis n'y avoir aucun titre de séjour.

Son projet de mariage, non étayé, n'apparaît pas plus crédible, rien ne s'opposant par ailleurs à la mise en œuvre de ce projet depuis le Maroc.

Quoi qu’il en soit, M. A______ ayant reconnu ne disposer d'aucun titre de séjour en France, les autorités compétentes ne peuvent légalement pas le renvoyer dans ce pays (art 69 al. 2 LEI).

11.        Même si un motif de détention existe, la mise en détention doit respecter le principe de la proportionnalité.

12.         Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

13.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

14.         Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

15.        En l'espèce, M. A______ demande sa mise en liberté immédiate au motif que l'exécution de son renvoi serait inexécutable.

16.        L’art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention est levée lorsque le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

17.        Selon l’art. 80 al. 4 LEI, lorsqu’elle examine la décision de détention, de maintien ou de levée de celle-ci, l’autorité judiciaire tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention.

18.        Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui‑ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

19.        En l'espèce, force est de constater que l’exécution de l’expulsion de l'intéressé est exécutable et que M. A______ semble confondre inexécutabilité de l'expulsion avec la prévisibilité de sa mise en œuvre.

Or, même à traiter son grief sous l'angle de la prévisibilité de l'exécution de son expulsion, le fait que le laissez-passer n'ait pas encore été délivré par les autorités marocaines ne permet pas de retenir l'absence de perspectives sérieuses permettant de conclure que son expulsion ne pourrait intervenir dans un délai prévisible. En effet, comme l'a rappelé le commissaire de police, la demande de laissez-passer par le SEM est toujours faite concomitamment à la demande de réservation d'un vol, le laissez-passer n'est par ailleurs délivré par les autorités étrangères qu'après confirmation du vol et quelques jours seulement avant le départ. Le délai de quatre semaines entre la demande de réservation et la date du vol ne prête pas flanc à la critique dès lors qu'il est inférieur aux six semaines mentionnées dans l'ordre de détention et donc plus favorable à l'intéressé dont la durée de la détention administrative se verrait ainsi d'autant réduite.

20.        Dans un dernier grief, M. A______ se plaint d'une violation du principe de célérité au motif qu'aucune démarche n'aurait été entreprise en vue de l'exécution de son expulsion depuis le 20 mai 2025.

21.        Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010).

22.        Le principe de célérité est considéré comme violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune mesure en vue du renvoi ou de l'expulsion n'a été effectuée par les autorités compétentes de droit des étrangers (cantonales ou fédérales), sauf si le retard est imputable en premier lieu au comportement des autorités étrangères ou de l'étranger concerné (ATF 139 I 206 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_387/2023 du 7 août 2023 consid. 7.1, les deux avec les arrêts cités). Les autorités ne peuvent toutefois se prévaloir du manque de collaboration de l'étranger que pour autant qu'elles-mêmes ne soient pas restées inactives (ATF 139 I 206 consid. 2.3). Elles doivent aussi relancer les autorités étrangères et non pas se contenter d'attendre passivement que celles-ci se manifestent (arrêt du Tribunal fédéral 2C_428/2023 du 11 octobre 2023 consid. 5.2 et les références citées).

23.        En l'espèce, le tribunal retient que les démarches nécessaires à l'exécution de l'expulsion de M. A______ ont été entreprises sans tarder puisque qu'une demande de réservation de vol et de délivrance d'un laissez-passer a été faite alors que ce dernier se trouvait encore en détention et qu'il convient d'attendre le retour des autorités marocaines, lequel est attendu au cours des prochains jours.

24.        Enfin la durée de la détention, soit deux mois, apparaît proportionnée vu les démarches en cours et celles à venir, étant rappelé qu'il n'appartient qu'à M. A______ de faciliter ces démarches s'il le souhaite, réduisant d'autant la durée de sa détention administrative.

25.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

26.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à
M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 7 juin 2025 à 10h10 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 6 août 2025 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier