Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2654/2023

JTAPI/460/2024 du 16.05.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; CDE.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2654/2023

JTAPI/460/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______, agissant en son nom et au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs C______ et D______, et Monsieur E______, représentés par Me Michel CELI VEGAS, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1981, son épouse, Madame B______, née le ______ 1982, ainsi que leurs enfants E______, né le ______ 2005, C______, né le ______ 2008, et D______, né le ______ 2016, sont ressortissants du Kosovo.

2.             Par courrier réceptionné le 27 juin 2017, M. A______ a sollicité de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) la délivrance d'une autorisation de séjour, indiquant une date d'arrivée à Genève courant 2012.

3.             Par décision du 15 janvier 2018, entrée en force, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur à M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

4.             Le 30 juillet 2018, M. A_______ a déposé une demande de régularisation de ses conditions de séjour dans le cadre de l'opération Papyrus et dans laquelle il indiquait résider en Suisse depuis 2007. À l'appui de sa demande, il a notamment fourni des fiches de salaire, un contrat de travail, un formulaire M et OCIRT, un extrait de casier judiciaire, une attestation de l'office des poursuites et une de l'Hospice général ainsi que la copie de son passeport.

5.             Par courrier du 29 juillet 2019, l'OCPM a sollicité de M. A______ la production d'une attestation de connaissance de la langue française de niveau A2 à l'oral et de justificatifs de résidence pour les années 2009 à 2013.

6.             Par courriels des 5 septembre et 3 octobre 2019, M. A______ a transmis à l'OCPM des attestations de l'Hospice général et de l'office des poursuites, une attestation d'inscription au test de français ainsi qu'une attestation de connaissance de la langue française niveau A2.

7.             Par courrier du 8 décembre 2020, M. A______ a également transmis un extrait de compte individuel AVS, un extrait de casier judiciaire ainsi qu'une attestation de l'Hospice général.

8.             Le 9 mai 2022, l'OCPM a dénoncé M. A______ au Ministère public pour suspicion de faux documents.

9.             Le 6 octobre 2022, M. A______ a été auditionné par les services de police. Il a notamment déclaré être arrivé en Suisse pour la première fois en avril 2009, avant de repartir pour le Kosovo en décembre 2009. Peu après, il était revenu en février 2010 pour regagner à nouveau son pays d'origine en 2011. Il était ensuite revenu en Suisse en août 2012 avant de retourner au Kosovo en 2013. Enfin, il était une fois de plus revenu en février 2014, puis reparti dans sa patrie en fin d'année 2015, avant de revenir en Suisse en janvier ou février 2016. Sa femme et ses enfants étaient en Suisse depuis juillet 2019, sans titre de séjour valable. Il a également admis avoir payé un compatriote afin qu'il rédige une attestation de connaissance de la langue française et qu'il n'avait jamais passé un tel test. Par ailleurs, après la décision de renvoi du 15 janvier 2018, il était parti au Kosovo mais était revenu ultérieurement en Suisse. Il avait également formulé une demande d'asile en France en 2012.

10.         Le 23 janvier 2023, M. A______ a déposé une demande de regroupement familial en faveur de son épouse et de ses trois enfants.

11.         Par décision du 21 juin 2023, l'OCPM a refusé la demande de régularisation de séjour de M. A______ ainsi que des membres de sa famille, et a prononcé leur renvoi de Suisse.

Lors de son audition par les services de police du 6 octobre 2022, il avait admis avoir quitté la Suisse suite à la décision de renvoi prononcée le 15 janvier 2018 et il était revenu à une date indéterminée. Sa situation ne correspondait dès lors pas aux critères de l'opération Papyrus, notamment sous l'angle de la durée du séjour.

Par ailleurs, bien qu'aucune condamnation n'avait été prononcée, il avait reconnu avoir payé une tierce personne afin d'obtenir l'attestation de connaissance de la langue française niveau A2 et ainsi avoir induit en erreur l'autorité. Il avait également omis d'informer du dépôt de sa demande d'asile en France dans le courant de l'année 2012. Cette façon d'agir démontrait un comportement inadéquat pour toute personne souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Il n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Il avait passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, de sorte qu'il y était encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'était pas si profonde et irréversible qu'un retour dans son pays constituerait un déracinement complet. Il avait bénéficié de plusieurs visas ces derniers années afin de se rendre au Kosovo où se trouvaient encore, et ce jusqu'en septembre 2019, à tout le moins, son épouse et ses enfants.

Enfin, il n'invoquait pas et n'avait pas démontré l'existence d'obstacle à son retour dans son pays d'origine.

Dans ces conditions, la demande de regroupement familial déposée pour le compte de son épouse et de leurs enfants devenait sans objet.

12.         Par acte daté du 4 octobre 2021 déposé à La Poste le 23 août 2023, sous la plume de leur conseil, M. A______ et les membres de sa famille (ci-après: les recourants) ont formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) contre la décision précitée concluant, préalablement, à ce que le tribunal ordonne leur comparution personnelle, principalement, annule la décision précitée et, subsidiairement, renvoi le dossier à l'OCPM pour nouvel examen, le tout sous suite de frais et dépens.

Il résidait de manière continue en Suisse depuis 2014, de sorte que la condition de la durée de séjour d'une famille de 5 ans était largement remplie.

Il avait reconnu et regrettait qu'il y eut des erreurs lors de la création de son dossier de régularisation. Sa négligence ne devait cependant pas porter préjudice à l'ensemble des membres de sa famille.

La famille était très bien intégrée à Genève. Il avait une activité lucrative stable et disposait d'un revenu supérieur à CHF 5'616.-, de sorte à subvenir aux besoins de la famille. Les trois enfants étaient scolarisés et obtenaient de bons résultats. Ils parlaient bien le français et continuaient leurs efforts pour mieux maitriser la langue.

Ils n'avaient plus aucun soutien au Kosovo. Leur réintégration était ainsi impossible et un retour dans leur pays d'origine constituerait un véritable déracinement.

Il convenait également de prendre en compte les dispositions pertinentes de la CEDH relatives à l'unité familiale.

13.         Le 17 octobre 2023, l'OCPM a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

Les critères de l'opération Papyrus n'étaient pas remplis. Le recourant avait déposé une première demande d'autorisation de séjour le 27 juin 2017, dans laquelle il alléguait travailler en Suisse depuis 2012. Cette demande avait été rejetée par décision du 15 janvier 2018. Dans sa seconde demande déposée quelques mois plus tard dans le cadre de l'opération Papyrus, il affirmait résider en Suisse depuis 2007. Il avait également partiellement admis avoir produit de faux documents à l'appui de sa requête lors de son audition par la police du 6 octobre 2022.

Dans son recours, il ne prétendait pas qu'il totaliserait 10 ans de séjour continu en Suisse lors du dépôt de sa demande, mais invoquait la présence et l'intégration de son épouse et de ses trois enfants. Or, ces derniers, arrivés en 2019, soit postérieurement à la demande de régularisation, ne pouvaient pas se prévaloir d'un séjour suffisamment long en Suisse, selon les critères « post Papyrus ». S'agissant en particulier d'E______ et de C______, qui avaient passé une partie de leur adolescence à Genève, ils avaient effectué l'essentiel de leur scolarité au Kosovo. Ainsi, ils pouvaient de réadapter à leur ancien lieu de vie, où ils avaient certainement conservé d'étroites attaches.

14.         Le 10 novembre 2023, les recourants ont répliqué.

Vu la décision de refus de régularisation et de renvoi du 15 janvier 2018, la demande du 30 juillet 2018 pouvait être considérée comme une demande de reconsidération. Conscient des erreurs lors de sa demande, le père de famille avait fait des aveux sincères, ce qui devait être pris en compte.

15.         Le 29 novembre 2023, l'OCPM a informé le tribunal ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler.

16.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             En préambule, s'agissant de la remarque des recourants sur le fait que la demande du 30 juillet 2018 pourrait être considéré comme une demande de reconsidération, force est de constater que cette remarque manque de pertinence. En effet, en prononçant la décision litigieuse, l'autorité intimée a de facto accepté de réexaminer la situation du recourant. Dans cette mesure, peu importe qu'il s'agisse d'une demande de reconsidération ou d'une nouvelle demande, le résultat final reste identique.

6.             Les recourants sollicitent préalablement leur audition.

7.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Par ailleurs, ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

8.             En l’espèce, les recourants ont eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises par écrit durant la procédure, d’exposer leur point de vue et de produire tous les justificatifs qu’ils estimaient utiles à l’appui de leurs allégués. L’OCPM a répondu à leurs écritures et les recourants ont eu l’occasion de répliquer. Le dossier comporte de plus tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder à la comparution personnelle des parties, cet acte d’instruction, non obligatoire, ne s’avérant pas nécessaire.

9.             Au fond, les recourants contestent l'appréciation de l'OCPM des conditions nécessaires à l'obtention d'un titre de séjour pour cas individuel d'extrême gravité sous l'angle de l'opération « Papyrus ».

10.         Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1), étant précisé que la plupart des dispositions sont demeurées identiques.

11.         En l'espèce, la demande d'autorisation de séjour a été formée le 30 juillet 2018, ce que l'autorité intimée ne conteste pas, de sorte que c'est l'ancien droit qui s'applique.

12.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

13.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n'a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

14.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

15.         La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid. 4.6 et les références citées ; ATA/353/2019 précité consid. 5d ; ATA/38/2019 précité consid. 4d).). Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).

16.         Il doit également être tenu compte de l’art. 3 par. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l’Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), qui impose d’accorder une importance primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 4.3). Les dispositions de la CDE ne font toutefois pas de l’intérêt de l’enfant un critère exclusif, mais un élément d’appréciation, dont l’autorité doit tenir compte lorsqu’il s’agit de mettre en balance les différents intérêts en présence, étant relevé que les dispositions de cette convention ne confèrent aucune prétention directe à l’octroi d’une autorisation de séjour (ATF 139 I 315 consid. 2.4).

Sous l’angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 al. 1 CDE (ATF 135 I 153 consid. 2.2.2 ; arrêt 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1).

Les dispositions de la CDE, qui ne posent que des principes dont les autorités législatives, exécutives et judiciaires des États parties doivent s’inspirer, ne font d’ailleurs pas de l’intérêt de l’enfant un critère exclusif, mais un élément d’appréciation dont l’autorité doit tenir compte lorsqu’il s’agit de mettre en balance les différents intérêts en présence, de sorte qu’aucune prétention directe à l’octroi d’une autorisation de droit des étrangers ne peut en être déduite (ATF 144 I 91 consid. 5.1 ; 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_241/2023 du 17 mai 2023 consid. 4.2.3 ; 2C_544/2022 du 11 juillet 2022 consid. 4.3).

La CDE n’est pas applicable à un enfant devenu majeur au cours de la procédure de regroupement familial (art. 1 CDE ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_767/2013 du 6 mars 2014 consid. 3.5 ; ATA/51/2021 du 19 janvier 2021 consid. 4a).

17.         D’une manière générale, lorsqu’un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l’état d’avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L’adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b). Sous l’angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant prescrite par l’art. 3 al. 1 de la convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107 ; ATF 135 I 153 consid. 2.2.2).

18.         L'opération « Papyrus » est un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al.1 let. b LEI et 31 OASA) » (cf. communiqué de presse du 21 février 2017 accessible sur Internet à l'adresse suivante : https://www.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017).

Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (« Point de situation intermédiaire relatif à la clôture du projet « Papyrus » publié par le Conseil d'État en date du 4 mars 2019, cf. https://www.ge.ch/dossier/operation-papyrus).

19.         Les critères objectifs et cumulatifs permettant aux personnes concernées de demander la légalisation de leur séjour selon ce programme étaient les suivants : une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ; une absence de condamnation pénale ; une indépendance financière complète ; un séjour continu de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires.

20.         S'agissant des justificatifs de séjour à Genève, un document par année de séjour est exigé pour les preuves de catégories A (à savoir, extraits AVS, attestations de l'administration fiscale, de scolarité ou de suivi d'un cours de langue à Genève, fiches de salaire, contrats de travail ou de bail, polices d'assurance, abonnements TPG nominatifs, extraits de compte bancaires ou postaux, factures nominatives de médecin, de téléphone ou des SIG). Pour les preuves de catégories B (à savoir, abonnements de fitness, témoignages « engageants » notamment d'enseignants, d'anciens employeurs ou de médecins ou des documents attestant de différentes démarches) trois à cinq documents par année de séjour sont exigés.

21.         Le Conseil fédéral a précisé que, dans le cadre de ce projet pilote, le SEM avait procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agissait donc pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse, ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur simplement parce qu'elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d'un cas de rigueur, en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation de ses enfants (ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a; ATA/1234/2019 du 13 août 2019 consid. 6 ; ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

22.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). Sauf prescription particulière de la loi ou d'un traité international, l'étranger n'a donc en principe aucun droit à la délivrance et au renouvellement d'un permis de séjour pour cas de rigueur. L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties. Le contrôle de l'usage du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée par le tribunal de céans doit donc s'exercer avec retenue et se limiter au cas de l'excès ou de l'abus du pouvoir d'appréciation. Le tribunal ne saurait ainsi substituer sa propre appréciation des preuves à celle de l'autorité intimé en l'absence d'une appréciation manifestement contraire au droit, voire choquante.

23.         Lorsque l'autorité administrative déduit son appréciation de l'atteinte à l'ordre public de la commission (présumée) d'infractions pénales, le principe de la présomption d'innocence trouve application (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-233/2019 du 23 février 2021, consid. 7.1).

Cette garantie est notamment ancrée aux art. 14 par. 2 Pacte ONU II, 6 par. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 10 al. 1 du code de procédure pénale (CPP - RS 312.0). Elle prévoit en substance que toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Le principe de la présomption d'innocence ne constitue pas seulement une garantie de procédure, mais aussi un principe fondamental de l'État de droit, en vertu duquel nul ne doit être traité (ou qualifié) de coupable avant que sa culpabilité n'ait été légalement établie par le tribunal compétent (cf. Esther TOPHINKE, Das Grundrecht der Unschuldsvermutung, Berne 2000, p. 140). Il s'impose à tous les organes de l'État et dans tous les domaines du droit (cf. Esther TOPHINKE, op. cit., p. 140 et 146; arrêt du Tribunal fédéral 2C_749/2011 du 20 janvier 2012 consid. 3.3 in fine).

24.         On rappellera, cela dit, que le droit pénal et le droit des étrangers poursuivent des buts distincts. Ainsi, le respect de l'ordre et de la sécurité publics en droit des étrangers ne se recoupe pas nécessairement avec la violation de dispositions pénales. L'autorité de police des étrangers s'inspire, par ailleurs, de considérations différentes de celles qui guident l'autorité pénale. Alors que le prononcé du juge pénal est dicté, au premier chef, par des considérations liées aux perspectives de réinsertion sociale du condamné, c'est la préoccupation de l'ordre et de la sécurité publics qui est prépondérante en matière de police des étrangers. L'appréciation émise par l'autorité de police des étrangers peut, dès lors, s'avérer plus rigoureuse que celle de l'autorité pénale (cf. ATF 140 I 145 consid. 4.3 ; 137 II 233 consid. 5.2.2 ; 130 II 493 consid. 4.2).

25.         En droit des étrangers, le principe de la présomption d'innocence se concrétise, de manière générale, en ce sens que l'autorité est tenue d'écarter de l'examen les délits qui n'ont pas (encore) donné lieu à une condamnation, à moins que la personne mise en cause ait expressément admis (ou, du moins, en partie) les faits à leur origine ou que les preuves soient accablantes (cf. ATF 130 II 176 consid. 4.3.3; arrêts du Tribunal fédéral 2C_99/2019 du 28 mai 2019 consid. 5.4.3 ; 2C_39/2016 du 31 août 2016 consid. 2.5; 2C_170/2015 du 10 septembre 2015 consid. 5.1; 2C_749/2011 du 20 janvier 2012 consid. 3.3 in fine; 2C_795/2010 du 1er mars 2011 consid. 4.2 ; arrêt du TAF F-821/2018 du 22 mai 2019 consid. 7.5).

26.         Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (cf. not. ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2D_30/2019 du 14 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_459/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance - par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours - ne sont en revanche pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2).

27.         En l'espèce, si une procédure pénale est en cours d'instruction à l'encontre du recourant pour des soupçons relatifs à l'authenticité de documents produits dans le cadre de sa demande de régularisation, il ne fait pour l'heure l'objet d'aucune condamnation en Suisse. Cela étant, il sied de constater qu'à l'occasion de son audition par les services de police du 6 octobre 2022, il a notamment admis avoir frauduleusement transmis une fausse attestation de connaissance de la langue française à l'OCPM dans le but d'obtenir une autorisation de séjour. Il a en effet admis avoir transmis à l'OCPM une telle attestation quand bien même il n'avait alors jamais passé aucun test de connaissance de la langue française. Sur cette base, il est manifeste qu'en tentant sciemment d'induire l'autorité en erreur en vue d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour, le comportement du recourant dénote un certain mépris pour l'ordre juridique suisse et ses valeurs, ce qui tend à démontrer son manque d'intégration.

Quoiqu'il en soit, concernant la durée de son séjour, force est de constater que les déclarations du recourant divergent au fils du temps. En effet, lors de sa première demande d'autorisation de séjour du 27 juin 2017, il avait déclaré être arrivé en Suisse en 2012. Ensuite, à l'occasion de sa demande d'autorisation de séjour sous l'angle de l'opération Papyrus, il a déclaré être en Suisse depuis 2007. Enfin, lors de son audition par les services de police du 6 octobre 2022, il a notamment déclaré être arrivé pour la première fois à Genève en 2009 et avoir fait de nombreux allers-retours entre la Suisse et le Kosovo jusqu'à 2016. À cela s'ajoute qu'à teneur des éléments du dossier, en particulier son extrait de compte individuel AVS, il ne parvient à démontrer à satisfaction de droit son séjour en Suisse, au mieux, qu'à partir de l'année 2014. Il en découle que son séjour allégué concernant la période 2009 à 2014 doit être fortement relativisé. Partant, il ne remplit manifestement pas la condition de séjour continu de dix ans au minimum nécessaire à l'octroi d'une autorisation de séjour dans le cadre de l'opération « Papyrus ».

Concernant sa femme et ses enfants, lors de l'audition du 6 octobre 2022, le recourant a déclaré qu'ils étaient arrivés en Suisse en juillet 2019, soit après la fin de l'opération Papyrus, de sorte que la durée de leur séjour en Suisse n'a pas à être pris en compte sous cet angle.

Dans ces circonstances, le recourant ne remplit à l'évidence pas les conditions strictes nécessaires à l'octroi d'une autorisation de séjour sous l'angle de l'opération « Papyrus ».

28.         Reste encore à examiner si les recourants remplissent les conditions pour obtenir une autorisation de séjour pour cas de rigueur au sens des art. 30 LEI et 31 OASA.

29.         En l'espèce, comme expliqué plus haut, au moment du dépôt de la requête de régularisation de ses conditions de séjour, le recourant ne pouvait se prévaloir, au mieux, que d'un séjour continu depuis 2014, soit une durée de quatre ans au moment du dépôt de la demande de régularisation. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue qu'il a toujours séjourné en Suisse sans titre de séjour. Depuis le dépôt de sa demande d'autorisation, le 30 juillet 2018, son séjour se poursuit au bénéfice d'une simple tolérance. Or, il ne peut déduire des droits résultant d'un état de fait créé en violation de la loi. Il ne peut en tout cas pas tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui doit en l'occurrence être fortement relativisée, pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission (cf. ATA/169/2015 du 17 février 2015 consid. 8). S'agissant de son épouse et de ses enfants, comme indiqué précédemment, ces derniers ne sont arrivés en Suisse qu'en juillet 2019, de sorte qu'ils n'étaient pas encore présents sur le territoire au moment de la demande d'autorisation de séjour. La durée de leur séjour en Suisse doit partant elle aussi être relativisée.

L'intégration socio-professionnelle en Suisse du recourant ne saurait être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle. Même s'il n’a pas de dettes, parvient à subvenir à ses besoins et n’a jamais émargé à l’aide sociale, ces éléments ne sont pas constitutifs d’une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Il n’apparaît en outre pas qu’il se soit investi d'une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour. Par ailleurs, le recourant, qui est actif dans le domaine du bâtiment, ne peut se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays. Il n’a pas non plus fait preuve d'une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse. En outre, s'il n'a certes pour l'heure pas fait l'objet d'une condamnation pénale, les faits qui lui sont reprochés, et qu'il a expressément admis avoir commis, démontrent à l'évidence son manque d'intégration. Au demeurant, s'il a effectivement avoué avoir produit de faux documents, son aveu ne peut pas être considéré comme une preuve de sa bonne foi, car c'est à l'occasion de l'audition par la police que le recourant a été mis face au fait accompli et a avoué pour la première fois cette infraction.

S'agissant de son épouse, aucun élément du dossier ne démontre qu'elle exercerait une quelconque activité professionnelle, bien qu'elle suive des cours de français. Son intégration socio-professionnelle ne saurait ainsi également être qualifiée de remarquable ou d'exceptionnelle.

Par ailleurs, arrivé à l'âge de 28 ans – selon ses déclarations du 6 octobre 2022 –, le recourant a passé toute son enfance et son adolescence ainsi que le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine et en maîtrise manifestement la langue ainsi que les us et coutumes. Il pourra par ailleurs faire valoir les compétences linguistiques et professionnelles acquises à Genève à son retour au Kosovo. En outre, il est encore jeune et en bonne santé. Il en va à l'évidence de même de son épouse.

Ainsi, même si l’on peut comprendre que les recourants soient réticents à abandonner ce qu’ils ont peu à peu commencé à construire en Suisse et à retourner dans leur pays d’origine, rien n'indique que les difficultés auxquelles ils devraient faire face dans ce cas seraient plus lourdes que celles que rencontrent d'autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d'origine au terme d'un séjour régulier en Suisse. Par conséquent, leur relation avec la Suisse n'apparait pas si étroite qu'il ne puisse être exigé de leur part qu'ils retournent vivre dans leur pays d'origine.

Partant, ni l'âge des recourants, ni la durée de leur séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients d'ordre professionnel et personnel auxquels ils pourraient éventuellement se heurter dans leur pays d'origine ne constituent des circonstances si singulières qu'il faille considérer qu'ils se trouveraient dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation. Une telle exception n'a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d'origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu'on ne saurait exiger d'eux qu'ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que les recourants n'ont pas établi.

S’agissant enfin des enfants des recourants, il convient de distinguer la situation d'E______, lequel est majeur, et celle de C______ et D______, lesquels sont encore mineurs.

E______, arrivé en Suisse en 2019 alors âgé de 14 ans, est désormais âgé de 19 ans. La durée de son séjour doit être relativisée, dès lors que son séjour ne se déroule que sous le sceau de la tolérance de l'autorité intimée jusqu'à droit connu quant à la demande de régularisation des conditions de séjour déposée par son père avant son arrivée. Sur le plan de l’intégration, sa situation est plus délicate, dès lors qu’il a passé presque toute son adolescence en Suisse, période jugée essentielle pour la formation de la personnalité. Un tel élément ne justifie toutefois pas, en soi et à lui seul, de lui octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur, à moins de reconnaître, de facto, un droit à chaque jeune passant la totalité de son adolescence en Suisse à y demeurer (cf. p. ex. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4478/2016 du 29 janvier 2018 consid. 6). Il faut déterminer si sa relation avec la Suisse est si étroite qu’on ne puisse exiger de lui qu’il aille vivre dans son pays d'origine. À Genève, il a suivi sa scolarité obligatoire à l'école publique et poursuit actuellement ses études auprès de l'école de culture générale. Sa scolarité peut ainsi être qualifiée de bonne. Cependant, même en reconnaissant que le processus d’intégration entamé par E______ depuis son arrivée en Suisse ne peut être nié, il n’est pas à ce point profond et irréversible qu’un renvoi ne puisse être envisagé. Il a en effet passé son enfance et le début de son adolescence dans son pays d'origine, de sorte qu'il en maîtrise manifestement les us et coutume. Ainsi, sous l’angle de la durée, du degré de réussite, de l’effort d’intégration et de l’état d’avancement de sa formation, son renvoi ne représenterait pas une rigueur excessive, étant par ailleurs observé que les compétences qu’il a acquises en Suisse devraient lui profiter dans la suite éventuelle de sa formation et que sa bonne intégration scolaire dénote des capacités d’adaptation qu’il pourra sans doute mettre à profit dans son pays natal.

Il en va de même concernant C______, lequel est arrivé en Suisse à l'âge de 12 ans et est aujourd'hui âgé de 16 ans. Bien que scolarisé, il ne peut être retenu qu’il aurait fait preuve en Suisse d’une intégration particulière. En outre, il a passé toute son enfance et les prémisses de son adolescence au Kosovo, de sorte qu'un renvoi dans son pays d'origine ne sera manifestement pas constitutif d'un déracinement.

Enfin, s'agissant d'D______, âgé de 3 ans à son arrivée en Suisse et désormais âgé de 8 ans, bien que lui aussi scolarisé à Genève depuis son arrivée, compte tenu de la capacité d’adaptation des jeunes enfants, il apparaît qu’un déménagement dans son pays d'origine, en compagnie de ses parents qui s’occupent de lui depuis sa naissance, ne représenterait pas un obstacle insurmontable pour lui.

30.         Ainsi, au vu de l'ensemble de ces circonstances, l'appréciation que l'autorité intimée a faite de la situation des recourants sous l'angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA apparaît parfaitement admissible. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

31.         Au surplus, l'art. 8 CEDH n’est également d’aucun secours aux recourants, ces derniers n’ayant pas séjourné légalement en Suisse pendant au moins dix ans, ni ne pouvant se prévaloir d’une forte intégration, comme exposé ci-dessus.

32.         Compte-tenu de ce qui précède, il apparaît que l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation en rejetant les requêtes des recourants. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

33.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

34.         Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

35.         En l’espèce, dès lors qu'il a refusé de délivrer une autorisation de séjour aux recourants, l'OCPM devait ordonner leur renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI. Aucun élément ne laisse pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure se révélerait impossible, illicite ou inexigible.

36.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombe, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

37.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 août 2023 par Monsieur A______ et Madame B______, agissant en son nom et au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs C______ et D______, et Monsieur E______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 21 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière