Décisions | Tribunal pénal
JTDP/225/2025 du 25.02.2025 sur OPMP/8977/2024 ( OPOP ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire | ||
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE POLICE
Chambre 5
|
MINISTÈRE PUBLIC
contre
Madame A______, née le ______1986, domiciliée route B_____ 1, [code postal] C______ [GE], prévenue, assistée de Me Pierre OCHSNER
CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :
Le Ministère public conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité des chefs de faux dans les certificats (art. 252 CP), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI cum 22 CP). Il conclut au prononcé d'une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans.
A______, par la voix de son Conseil, conclut au classement des infractions pour la période de septembre 2017 à janvier 2018. Elle conclut pour le surplus à son acquittement pour toutes les infractions retenues dans l'acte d'accusation et à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions en indemnisation.
*****
Vu l'opposition formée le 23 septembre 2024 par A______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 6 septembre 2024;
Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 24 septembre 2024;
Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;
Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant sur opposition :
Déclare valables l'ordonnance pénale du 6 septembre 2024 et l'opposition formée contre celle-ci par A______ le 23 septembre 2024;
et statuant à nouveau :
A.a. Par ordonnance pénale du Ministère public du 6 septembre 2024, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ d'avoir, entre le mois de septembre 2017, début de la période non-atteinte par la prescription, et le 14 décembre 2022, date de son interpellation, séjourné et travaillé sur le territoire suisse, alors qu'elle était dépourvue des autorisations nécessaires, faits qualifiés de séjour illégal au sens de l'art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (ci-après : "LEI") et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation au sens de l'art. 115 al. 1 let. c LEI.
b. Il lui est également reproché d'avoir, le 29 novembre 2018, produit à l'appui d'une demande d'autorisation de séjour déposée auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : "OCPM"), dans le cadre de l'opération "Papyrus", différents documents falsifiés ou contrefaits, à savoir les documents suivants :
- un certificat de travail au nom de l'entreprise D______ SARL portant sur la période du 4 février 2012 au 28 février 2017,
- un certificat de travail au nom de l'entreprise E______ SARL portant sur la période de 2008 à 2017,
tout en indiquant, faussement, pièces à l'appui, qu'elle avait séjourné et travaillé durant dix ans de manière ininterrompue à Genève, ayant tenté de la sorte d'induire en erreur l'OCPM en lui donnant des fausses indications sur ses années passées en Suisse, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour qui aurait amélioré son statut administratif au regard du droit des étrangers, étant précisé qu'une telle autorisation ne lui a finalement pas été délivrée, faits qualifiés de faux dans les certificats (art. 252 CP) ainsi que de tentative d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEI.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
Dénonciation
a.a. Le 31 octobre 2022, le service juridique de l'OCPM a dénoncé au Ministère public les agissements de A______ dans le cadre d'une demande d'autorisation de séjour "Papyrus" déposée le 29 novembre 2018. Les soupçons étaient liés à l'existence d'une attestation de travail établie au nom de D______ SARL, société qui apparaissait dans de nombreux dossiers "Papyrus", tout comme la société F______, qui avait signé un contrat de travail avec A______.
a.b. À l'appui de sa dénonciation, l'OCPM a produit les documents suivants :
- une demande d'autorisation de séjour et/ou de travail à Genève pour A______ datée du 29 novembre 2018 et comportant les signatures d'elle-même et d'un représentant de l'entreprise F______ , mentionnant une arrivée de A______ à Genève en 2008;
- un contrat de travail de durée indéterminée du 19 novembre 2018 pour un poste d'agent d'entretien, comportant des signatures pour F______ et A______;
- une attestation de travail en faveur de A______ au nom la société D______ SARL, non datée, portant sur la période du 4 février 2012 au 28 février 2017, mentionnant des tâches de "vérification des factures fournisseurs", "établissement des factures clients", "prise de rendez-vous", "standard téléphonique", "classement divers" et "nettoyage d'entretien" et comportant une signature et un timbre au nom de D______ SARL, étant précisé que ledit timbre mentionne une adresse au 2, route G______, [code postal] H______ [GE], tandis que le papier à entête utilisé indique une adresse au 3, rue I______, [code postal] J______[GE];
- une attestation de travail en faveur de A______ au nom de la société E______ SARL, datée du 7 mars 2017 et portant sur la période de 2008 à 2017, certifiant ce qui suit: "Par la présente nous attestons que Madame A______ a été et est toujours employé (sic) dans nos diverses entreprises depuis 2008. Il (sic) nous a suivi dans toutes activités liées aux aménagements paysagistes. E______ de 2008 à 2014, EE______ Sàrl de 2014 à 2017. Lorsque la société était en difficulté, il s'est montré d'une grande aide et a toujours répondu présent. Il est très poli de nature calme, consciencieux et il fait partie des atouts de la société. Très apprécié de notre clientèle, il a de plus de responsabilités au sein de notre entreprise". Cette attestation comporte une signature et un timbre mentionnant comme adresse route K______ 10 [code postal] L______ [VD];
- une fiche de salaire établie par la société M______ SA en faveur de A______ pour le mois de mai 2020;
- une quittance de loyer pour le mois de février 2020 concernant un appartement, sis 5, rue N______ à O______ [France] et adressée à P______, le mari de A______;
- l'acte de naissance de Q______, l'une des filles de A______, née le ______ 2018 à O______ [France], indiquant notamment que le domicile commun était sis, 5, rue N______ , appartement 6, O______ [France];
- un extrait du compte individuel AVS de A______ délivré par la Caisse cantonale genevoise de compensation le 8 novembre 2021, sur lequel aucune mention ne figure, en particulier sous les rubriques "employeur ou genre de revenu".
S'agissant de la période antérieure à la demande d'autorisation de séjour du 29 novembre 2018, les documents suivants ont été fournis :
- un certificat de vaccination des HUG de A______ daté du ______ décembre 2009;
- une attestation de R______ [association], datée du ______ juin 2009, selon laquelle A______ avait suivi le cours de français 1 (sessions 2008/09);
- une attestation de S______ [association] selon laquelle A______ avait participé à des cours de français intensifs (niveau débutant) du ______ septembre 2009 au ______ février 2010;
- une attestation de S______ [association] selon laquelle A______ avait participé à des cours de français ("vie quotidienne – intermédiaire 2") du ______ septembre 2010 au ______février 2011;
- un CV de A______ d'agent d'entretien à 100% avec la mention, comme expériences professionnelles, des sociétés E______ (de 2008 à 2014), EE______ SARL (de 2014 à 2017), D______ SARL (de 2012 à 2017) et la société F______ (2018);
- plusieurs documents relatifs à des soins médicaux (ordonnances, notes d'honoraires, justificatifs de remboursement) en faveur de A______, datés des années 2010, 2012 et 2013;
- des preuves d'achat par A______ d'abonnements CFF pour les années 2014 à 2017;
- divers courriers reçus par A______ à l'adresse rue T______ 7, [case postale] U______ [GE], entre 2017 et 2018;
- un contrat de bail à loyer mentionnant les locataires V______ et W______, parents de A______, pour un appartement de trois pièces sis chemin X______ 8, [code postal] Y______ [GE], pour une durée du _____ mai 2018 au ______ mai 2019;
- une attestation de l'Hospice général du ______ novembre 2018 selon laquelle, à cette date, A______ n'était pas aidée financièrement par l'Hospice général;
- un extrait du casier judiciaire de A______ daté du ______novembre 2018;
- un extrait du registre des poursuites de A______ daté du ______ novembre 2018;
- une attestation de connaissance de la langue française du ______ novembre 2018 selon laquelle A______ avait, avec succès, passé l'examen de français oral niveau A2;
- une copie de la carte AVS de A______.
Pour la période postérieure à la demande d'autorisation de séjour du 29 novembre 2018, les documents suivants ont été fournis :
- une attestation de l'OCPM du ______ décembre 2018 attestant que A______ était domiciliée p.a. V______ , chemin X______ 8, [code postal] Y______ [GE];
- une demande de visa du ______ décembre 2018, signée par A______, pour retourner au Kosovo du ______ décembre 2018 au ______ janvier 2019 afin de rendre visite à sa famille, munie de la quittance d'autorisation de l'OCPM;
- une attestation de l'OCPM du ______ juin 2019 attestant que A______ était domiciliée p.a. V______ , chemin X______ 8, [code postal] Y______ [GE];
- une demande de visa du ______ juin 2019, signée par A______, pour retourner au Kosovo pendant une durée de maximum 30 jours afin de rendre visite à sa famille, munie de la quittance d'autorisation de l'OCPM;
- une demande d'autorisation de séjour et/ou de travail à Genève pour ressortissant étranger du 4 mai 2020, signée par A______, accompagnée d'une "annonce de nouveaux collaborateurs" remplie par société M______ SA pour annoncer l'engagement de A______ à partir du 1er mai 2020 et un contrat de travail entre M______ SA et A______, engagée à partir du 1er mai 2020 en qualité de serveuse;
- des échanges de courriers du ______ mai 2020 au ______ juillet 2020 entre l'OCPM et A______ afin de lui demander des documents complémentaires suite à sa demande d'autorisation de séjour pour elle et sa fille, Q______ ;
- une attestation de l'OCPM du ______ septembre 2020 attestant que A______ était domiciliée p.a. V______ , chemin X______ 8, [code postal] Y______ [GE];
- une attestation de l'OCPM du ______ avril 2021 attestant que A______ était domiciliée p.a. V______ , chemin X______ 8, [code postal] Y______ [GE];
- une attestation de l'OCPM du ______ août 2021 attestant que A______ était domiciliée p.a. V______ , chemin X______ 8, [code postal] Y______ [GE];
- un certificat de mariage délivré le ______ août 2021 par la République du Kosovo attestant du mariage entre P______ et A______ en date du même jour, à ______, au Kosovo;
- des échanges de courriels entre octobre 2021 et octobre 2022 entre l'OCPM, A______ et son Conseil au sujet de documents et renseignements complémentaires dans le cadre de l'examen du dossier de A______;
- une attestation de l'OCPM du ______ janvier 2022 attestant que A______ était domiciliée p.a. V______ , chemin X______ 8, [code postal] Y______ [GE];
- un extrait de l'acte de naissance de Z______, la fille cadette de A______, née le ______ 2022 à Genève;
- une attestation de l'OCPM du ______ mai 2022 attestant que A______ était domiciliée p.a. V______ , chemin X______ 8, [code postal] Y______ [GE];
- une promesse d'embauche du 23 août 2022 de la société AA______ SA en faveur de A______ en qualité de nettoyeuse / agente de propreté à 100% à partir de la régularisation de sa situation et l'obtention de son permis de séjour et de travail;
- une demande d'autorisation de séjour avec ou sans activité à Genève pour ressortissant étranger du 24 août 2022, signée par A______, l'employeur mentionné étant la société AA______ SA;
- une attestation de l'OCPM du ______ septembre 2022 attestant que A______ était domiciliée p.a. V______ , chemin X______ 8, [code postal] Y______ [GE];
- un contrat de bail signé le 26 septembre 2022 par P______ , l'époux de A______, en qualité de locataire pour un appartement situé route B_____ 1, [code postal] C______ [GE];
- une lettre du ______ septembre 2022 de V______ , la mère de A______, à l'OCPM, indiquant que sa fille habitait à son domicile, sis chemin X______ 8, [code postal] Y______ [GE], de manière constante depuis le 29 novembre 2018 et qu'elle était désormais dans un nouveau domicile avec son époux depuis le 26 septembre 2022;
- un extrait du compte individuel AVS de A______ auprès de l'Office cantonal des assurances sociales de Genève (ci-après : "OCAS") du 16 novembre 2022, sur laquelle aucune retenue de charges sociales n'apparaissait.
Eléments relatifs aux sociétés D______ SARL et E______ SARL
b.a. Selon l'extrait du Registre du commerce genevois, D______ SARL, EN LIQUIDATION a été inscrite le ______ 2012, avant d'être radiée le ______ 2019. Cette société avait pour but "toutes activités dans le domaine des revêtements de sols, des aménagements intérieurs et des nettoyages". L'associé gérant était AB______ (avec signature individuelle) jusqu'au 15 janvier 2018, puis, à partir de cette date, il s'agissait de AC______ (avec signature individuelle également). Le siège de la société était sis route G______, [code postal] H______ [GE], depuis le 7 mai 2017, alors que l'ancien siège était 3, avenue I______, [code postal] J______[GE];
b.b. E______ SARL n'apparaît pas au Registre du commerce. En revanche, selon l'extrait du Registre du commerce vaudois, la société EE_____ Paysagiste SArl, EN LIQUIDATION a été inscrite le ______ 2008, avant d'être radiée le ______ 2015. Cette société avait pour but "l'étude et la réalisation d'aménagement de parcs, de promenades et de jardins et de centres sportifs et de loisirs, l'entretien de jardins et de propriétés, tous travaux d'aménagements extérieurs, la création et l'entretien de piscines". Le siège de la société était sis chemin AD______ 9, [code postal] AE______ [VD] et son associé gérant ont été AF______ et AG______, puis AH______.
Déclarations de A______
c.a. Entendue par la police le 14 décembre 2022, A______ a déclaré être née au Kosovo, puis être venue en Suisse en 2008 pour rejoindre ses parents qui se trouvaient déjà à Genève. Elle avait vécu ensuite de 2008 à 2018 chez ses parents, à AI______ [GE]. Elle s'était mariée en 2021 au Kosovo avec P______, avec lequel elle avait eu trois enfants. Son aînée, Q______, était née en France en 2018, car elle n'avait pas d'assurance pour accoucher en Suisse. A cette époque, son mari, qui était encore son petit ami et qu'elle avait rencontré en 2016 lors des Fêtes de Genève, vivait à O______ [France]. Sa deuxième fille était également née sur le territoire français alors que la troisième était née à Genève. Après ses accouchements, elle était revenue habiter chez ses parents avec sa famille jusqu'en 2022. Durant cette période, elle ne vivait donc pas avec son époux qui venait lui rendre visite. Ce n'était qu'en octobre 2022 qu'elle avait, avec son époux et ses enfants, emménagé à C______, à Genève. Elle avait ainsi quitté le territoire suisse en 2018 et en 2020 pour se rendre en France et accoucher de ses deux filles et était retournée au Kosovo en 2019 et 2021, munie d'un visa.
Elle avait déposé sa demande "Papyrus" en 2018, car à l'époque, il fallait avoir vécu en Suisse pendant dix ans, ce qui était son cas en 2018. Toutes les preuves qu'elle avait produites à l'appui de sa demande étaient des documents originaux. Elle n'avait payé personne pour faire sa demande et avait demandé une attestation de travail aux quelques endroits où elle avait travaillé, pour expliquer les tâches effectuées. Personne ne l'avait aidée pour faire sa demande, car elle comprenait ce qui était écrit sur le formulaire d'inscription qu'elle avait rempli elle-même et auquel elle avait joint les preuves nécessaires, avant de l'envoyer par le poste. Par la suite, elle avait fait appel à un avocat, car l'OCPM lui demandait des documents complémentaires et elle ne comprenait pas de quoi il s'agissait.
Par le passé, elle avait travaillé où elle avait "pu" car elle avait "besoin d'argent". De 2012 à 2017, elle avait, sur appel, fait des nettoyages pour AJ______. Dans ce cadre, elle avait travaillé pour des sociétés nommées société F______ et D______ et également pour un certain "AB______ " [uniquement le prénom] dont elle ne se souvenait pas du nom de famille. En 2020, elle avait travaillé un peu pour E______ SARL et, par la suite, elle n'avait plus travaillé. Les patrons de F______ et de D______ connaissaient le patron de E______ SARL et ce sont eux qui l'avaient envoyée travailler pour cette dernière entreprise, pendant trois mois en 2020. Elle avait été rémunérée en espèces, de main à main. Elle pensait avoir été déclarée pour son travail, mais avait constaté, lorsqu'elle avait demandé une attestation à l'OCAS, que tel n'avait pas été le cas. Elle s'était alors enquise de cette situation auprès de "AB______" [uniquement le prénom] et AJ______ qui lui avaient indiqué avoir fait le nécessaire. C'était d'ailleurs "AB______" [uniquement le prénom] qui avait émis l'attestation de l'OCAS qui se trouvait dans son dossier pour la demande "Papyrus". Elle souhaitait pour sa part simplement travailler, mais ne savait pas ce que "AB______" [uniquement le prénom] et AJ______ avaient fait en réalité.
Confrontée à l'attestation établie au nom de E______ SARL, laquelle indiquait qu'elle avait travaillé de 2008 à 2017 pour cette société, et non pas en 2020, A______ a déclaré ne pas se souvenir des dates exactes et ne pas se souvenir forcément des noms des sociétés. Il lui était arrivé de rencontrer AJ______ et "AB______" [uniquement le prénom] à Bel-Air et ils l'envoyaient ensuite à une adresse pour des faire des ménages de bureau.
Confrontée encore au fait que l'attestation de travail émise par E______ SARL comportait de nombreuses fautes d'orthographes et mentionnait le pronom "il", elle a répondu qu'elle le savait, mais que ce n'était pas de sa faute. C'était "AB______" [uniquement le prénom] qui lui avait remis ce document et lorsqu'elle l'avait contacté par la suite pour lui indiquer cette erreur, il avait reconnu que c'était de sa faute. Il lui avait aussi expliqué que la société avait changé d'adresse, dans le canton de Vaud, mais que le tampon de la société était néanmoins resté dans son ancien bureau. Elle a admis que, contrairement à ce qui était indiqué sur l'attestation de travail établie au nom de E______ SARL, elle n'avait jamais fait d'aménagements paysagistes, mais uniquement du nettoyage. Elle a enfin assuré que ce n'était pas elle qui avait émis ce document et qu'elle ne l'avait pas regardé jusqu'à ce que les autorités lui demandent de se justifier à son propos. Elle s'était, à ce moment-là, rendue compte des inexactitudes susmentionnées.
S'agissant de D______ SARL, elle pensait que c'était "AB______" [uniquement le prénom] qui était derrière cette société. Elle avait travaillé pour cette entreprise de 2012 à 2017 et était rémunérée en espèces, car elle n'avait pas de compte bancaire. Elle pensait aussi qu'elle était déclarée. Confrontée à l'attestation de travail établie au nom de cette société, elle a indiqué qu'elle avait contacté AJ______ et "AB______" [uniquement le prénom] lorsqu'elle avait eu besoin des documents et qu'elle les avait ensuite récupérés auprès d'eux, sans savoir exactement lequel des deux avait émis quel document. Lorsqu'elle avait récupéré les documents auprès de "AB______" [uniquement le prénom] et AJ______, elle en avait alors signé quelques-uns, sans les vérifier, ce qui constituait une erreur de sa part. Sur présentation d'une planche photographique, A______ a reconnu "AB______ " [uniquement le prénom], dont le nom de famille est AB______ [nom de famille], tout en indiquant que AJ______ ne se trouvait pas sur la planche photographique, ce qui était exact. A______ a encore déclaré avoir, sur appel, travaillé quelques fois pour F______ dès novembre 2018 et, aussi, encore sur appel, durant trois mois, depuis mai 2020, pour la société M______ SA.
Confrontée ensuite à l'acte de naissance de sa fille Q______, sur lequel il était indiqué qu'elle avait accouché à O______ [France] et qu'elle était domiciliée 5, rue N______, appartement 6, à O______ [France] ainsi qu'à une quittance de loyer pour le mois de février 2020, payé par son mari en qualité de locataire du l'appartement précité, A______ a indiqué qu'il s'agissait de l'adresse de son mari à O______ [France]. Elle n'avait, pour sa part, jamais habité là-bas. Elle avait expliqué au contrôle de l'habitant que ce n'était pas son adresse, mais celle de son mari, et avait envoyé le contrat de bail de l'appartement en France qui prouvait que seul celui-ci était mentionné sur le bail. Son mari avait ainsi réellement habité à O______ [France], puis était venu à Genève en décembre 2021, où il avait habité au début chez sa famille et chez des amis.
A______ a enfin déclaré reconnaître avoir séjourné et travaillé en Suisse sans les autorisations nécessaires et indiqué que sa demande de régularisation était en cours auprès de l'OCPM.
c.b. Devant le Ministère public le 15 mars 2023, A______ a d'emblée confirmé son opposition à l'ordonnance pénale qui avait été rendue à son encontre, indiquant qu'elle n'avait pas "fait les choses" qui lui étaient reprochées. Elle avait travaillé un peu pour la société E______ SARL, sur appel. Elle faisait, dans ce cadre, des nettoyages. Son interlocuteur auprès de cette société était AB______. C'était le seul qu'elle connaissait et pensait que c'était lui le patron de la société. Face aux déclarations de AH______, elle a expliqué qu'en réalité, elle avait travaillé pour AB______ et que lorsqu'elle lui avait demandé des preuves, elle ne savait pas où il l'avait envoyée ni le nom des entreprises pour lesquels il lui avait demandé de travailler. Elle n'avait alors pas travaillé beaucoup et seulement dans des bureaux pour faire du nettoyage. Elle n'avait jamais vu auparavant AH______.
Elle a encore précisé qu'elle n'était pas en mesure de comprendre les documents qui lui avaient été remis par AB______ et qu'elle lui faisait confiance, car elle le connaissait depuis longtemps, soit environ depuis 2010-2011. Elle avait commencé à travailler pour lui en 2016, en faisant des nettoyages. Elle ne connaissait néanmoins pas le nom de l'entreprise pour laquelle elle avait travaillé et savait simplement que AB______ en était le patron. Elle n'avait pas reçu de fiches de salaire. Elle a encore précisé qu'avant 2016, elle ne travaillait pas. Pour le surplus, elle ne connaissait pas AC______, le frère de AB______.
Confrontée aux déclarations de AB______, elle a confirmé que l'attestation de travail établie au nom de la société E______ SARL lui avait été remise en mains propres par ce dernier, en présence de AJ______. Il lui avait également remis des contrats et des documents qui permettaient de justifier qu'elle se trouvait en Suisse depuis dix ans, dont notamment les attestations de D______ SARL, de M______ SA et de F______. Pour le surplus, elle ne connaissait pas AL______ et avait travaillé pour D______ SARL plus qu'un mois, dès 2016. C'était toujours AB______ qui l'appelait lorsqu'il avait besoin d'elle et qui la payait pour le travail effectué.
c.c. Entendue à nouveau par le Ministère public le 1er juin 2023, A______ a déclaré que la demande d'autorisation de séjour du 29 novembre 2018 lui avait été remise en mains propres par AJ______ et qu'elle l'avait signée avec ce dernier. Il lui avait ensuite promis de la déclarer, mais il ne l'avait pas fait. Elle avait également signé le contrat de travail conclu avec F______ le 29 novembre 2018 et avait travaillé seulement pendant deux à trois mois pour cette société.
Au Procureur qui lui rappelait que l'attestation d'E______ SARL était annexée à la demande d'autorisation de séjour du 29 novembre 2018, elle a déclaré avoir pris le dossier remis par AJ______ et AB______, sans vérifier ce qu'il contenait, puis l'avoir envoyé. En fait, elle avait une enveloppe dans laquelle elle avait tous ses documents et elle avait simplement ajouté ceux remis par AJ______ et AB______. Elle avait procédé à l'envoi le même jour. Elle avait produit elle-même les preuves de son séjour en Suisse, les attestations de médecins, l'extrait des poursuites, du casier judiciaire et de l'Hospice général. Ce n'était pas non plus elle qui avait rédigé le CV produit en annexe de la demande. Elle ne connaissait pas Monsieur AH______ et n'avait travaillé ni pour lui ni pour sa société.
Déclarations des autres protagonistes
d.a. Entendu par-devant le Ministère public le 15 mars 2023, AH______ a déclaré être le patron de E______ SARL, laquelle était en faillite depuis 2016. La société, active dans le domaine du paysagisme, comptait à l'époque une quinzaine d'employés et c'était AM______ qui gérait toute la partie administrative. La société avait un bureau à L [VD], à la route K______ 10. Il s'agissait alors plutôt d'un dépôt pour les outils et le matériel et aucune femme de ménage ne nettoyait ce local. Il connaissait tous les employés qui avaient travaillé pour sa société, mais il ne connaissait pas A______, laquelle était présente lors de son audition.
S'agissant de l'attestation de travail établie au nom d'E______ SARL, il a affirmé que sur ce document, il ne s'agissait pas de sa signature ni du tampon de la société. En outre, la mention "route K______ 10" était fausse, car E______ SARL avait son siège social au chemin AD______ 9, à AE______ [VD]. Pour appuyer ses propos, il a produit des documents comportant sa signature, précisant que celle-ci était complément différente de celle figurant sur l'attestation qui lui avait été soumise.
La société M______ SA et la personne de AN______ ne lui évoquaient rien. Il ne connaissait pas non plus AB______, également connu sous le nom de ABB______. En outre, c'était la première fois que le nom de sa société était utilisé pour faire des faux documents.
d.b. Entendu par-devant le Ministère public le 15 mars 2023, AB______ a déclaré qu'il connaissait A______ depuis longtemps, soit environ huit ou neuf ans. L'intéressée avait fait des ménages pour la société D______ SARL qu'il détenait auparavant. Il ne s'était pas occupé de ressembler les pièces pour la demande "Papyrus" de A______ et ne lui avait pas non plus remis l'attestation de travail établie au nom de la société E______ SARL. Il lui avait uniquement remis des documents concernant D______ SARL.
Il ne savait pas s'il avait déclaré A______ auprès des organismes sociaux usuels et a affirmé qu'elle n'avait pas travaillé durant cinq ans pour D______ SARL, mais seulement durant un mois maximum, soit en 2014 ou en 2015, bien qu'il n'était plus très sûr des dates. C'était bien lui qui avait signé l'attestation de travail de D______ SARL, mais il ne savait pas ce qu'il avait signé, car, à l'époque, il ne parlait pas très bien français. L'attestation avait probablement été rédigée par la secrétaire ou bien le technicien, AL______, lequel avait été en charge de A______ dans la mesure où il s'occupait des ménages.
AB______ a encore précisé qu'il connaissait AJ______, lequel avait travaillé pour lui il y a longtemps comme sous-traitant. Il ignorait si ce dernier était intervenu comme intermédiaire entre A______ et lui-même. En tout cas, il n'avait jamais payé de cotisations sociales pour A______ et c'était la première fois qu'il voyait les documents transmis par AJ______ à A______.
d.c. Entendu à nouveau par le Ministère public le 1er juin 2023, AB______ a confirmé que AJ______ avait travaillé pour lui comme sous-traitant. Il lui avait dit que si une personne était engagée et devait travailler pour lui en qualité de sous-traitant, il fallait faire une demande "Papyrus". Ce n'était pas lui qui avait rempli la demande d'autorisation de séjour pour A______. La société E______ SARL ne lui évoquait rien. Enfin, ce n'était pas lui qui avait rédigé le CV produit en annexe de la demande d'autorisation de séjour de A______.
d.d. Entendu par-devant le Ministère public le 15 mars 2023, AC______ a déclaré avoir travaillé pour D______ SARL, puis avoir repris cette entreprise en son nom en 2018, car il souhaitait continuer à y travailler. Il ne connaissait pas A______ alors qu'en principe, il connaissait tous les employés de D______ SARL. Ce n'était pas lui qui avait signé l'attestation de travail établie au nom de D______ SARL, laquelle était active dans la pose de parquet, du nettoyage et de la peinture. Lorsque son frère avait été malade, il avait géré l'entreprise pendant un an et, fin 2018, elle avait fait faillite. Il ne connaissait pas AJ______, mais connaissait AL______, lequel s'était occupé des sous-traitants lorsque son frère avait eu une crise cardiaque alors, qu'auparavant, il était simplement ouvrier.
d.e. Entendu par la police le 23 mars 2023, en qualité de prévenu, dans la mesure où il lui était notamment reproché d'avoir fourni des documents frauduleux à AO______ et A______ dans le cadre de leur demande de régularisation "Papyrus", AJ______ a déclaré que, par le passé, il avait été gérant des sociétés AP______ et AQ______ SARL. Pour la société AP______, il s'occupait d'engager les employés et, au début, c'était le comptable, AR______, qui s'occupait des contrats de travail, des fiches de salaires et des déclarations des charges sociales. AR______ gérait ainsi la société AP______, avait le tampon de celle-ci et avait même établi un contrat de travail à l'entête de la société contre CHF 500.- ou CHF 1'000.-. Lorsque AJ______ s'en était rendu compte, il avait "retiré le dossier" de sa société de chez AR______ et s'était adressé à AB______ [avec ancien nom de famille], dont le nom de famille était désormais AB______. Il avait connu AB______ en 2017 ou 2018, par l'intermédiaire de la société AS______, et lui faisait confiance. AB______ s'était occupé de l'administratif de AP______ et, en parallèle, il avait ouvert la société AQ______ SARL avec son propre argent et établi de faux documents, alors qu'il n'avait pour sa part rien signé. AB______ avait ainsi ouvert la société AQ______ SARL, mais l'avait mise au nom de AJ______. En contrepartie, AB______ lui donnait du travail en tant qu'indépendant sur des chantiers.
Il avait appris que AO______, un de ses employés, avait été déclaré depuis 2009 alors que la société AP______ existait seulement depuis 2015 ou 2016. Cela avait été fait afin que AO______ obtienne les papiers nécessaires à sa demande "Papyrus" et ce dernier était passé par AB______ pour compléter son dossier "Papyrus". Plusieurs personnes qui n'avaient alors jamais travaillé pour sa société avaient fourni des justificatifs au nom de sa société. Il avait confiance en AB______ et ne pensait pas que ce dernier allait le tromper. La signature présente sur les documents fournis par les personnes qui n'avaient jamais travaillé pour lui n'était pas la sienne.
Il était au courant de tous ces éléments car il avait été convoqué il y a quatre ou cinq mois par le Ministère public et on lui avait montré trois fiches de salaire pour des personnes qui, en réalité, n'avait pas travaillé pour lui. On lui avait également montré un contrat selon lequel une personne avait travaillé pour lui durant plus de deux ans, mais la signature de ce contrat n'était pas la sienne. AB______ était présent lors de l'audition et les policiers avaient retrouvé des documents de sa société au domicile de AB______. Il n'avait pourtant jamais autorisé AB______ à faire des faux documents au nom de son entreprise. AB______ et son comptable étaient en charge de déclarer les employés aux assurances sociales.
Interrogé ensuite au sujet de A______, AJ______ a indiqué spontanément que cette dernière n'avait jamais travaillé pour lui et qu'il pensait avoir dû prendre une femme pour le nettoyage des chantiers, mais ne se souvenait plus de son nom. Le nom de A______ ne lui disait toutefois rien. Contrairement à ce qu'elle avait déclaré, il a affirmé qu'elle n'avait pas travaillé pour lui, sur appel, pour faire des nettoyages de 2012 à 2017. Il n'avait en outre pas signé le contrat de travail du 19 novembre 2018 de A______, ni le formulaire M en son nom. Il pensait que ce dossier était sorti du bureau de AB______. Confronté au fait que A______ figurait parmi les employés déclarés à l'OCAS pour AP______ du 19 novembre 2018 au 31 janvier 2019, il a indiqué avoir remarqué qu'il ne connaissait pas certains des employés déclarés comme liés à la société AP______. C'était alors peut être AB______ qui avait fourni de fausses informations. S'agissant du paiement des charges sociales relatives à la LAA et LPP de A______ et AO______, il les payait au début, de 2016 à 2019. Ensuite, c'était AB______ qui devait s'en charger mais il ne savait pas ce que ce dernier avait fait.
Il ne connaissait pas la société M______ SARL et A______ mentait lorsqu'elle avait déclaré que lui et AB______ l'avait envoyée travailler au noir pour cette société. Pour le surplus, il ne savait pas si AB______ avait joué un rôle dans l'établissement des documents frauduleux se trouvant dans le dossier de régularisation de A______.
AJ______ a enfin été interrogé sur les nombreux employés déclarés pour la société AP______ depuis sa création. Il a pris note et/ou reconnu que la majorité d'entre eux était démunis d'une autorisation de séjour. Il y avait néanmoins des personnes qu'il ne connaissait pas et il pensait alors que c'était AB______ qui les avait déclarées à son insu.
d.f. Entendu par le Ministère public le 1er juin 2023, AJ______ a confirmé ses précédentes déclarations à la police. Il exploitait la société AP______, aussi appelée F______. Il n'avait jamais vu le contrat de travail du 19 novembre 2018 établi entre sa société et A______, sans compter que la signature présente sur ce contrat n'était pas la sienne. Il a ensuite reconnu que A______ avait travaillé dans le nettoyage pour AP______ à 50%, très peu de temps, soit entre un mois et trois mois, mais pas depuis 2012. Il avait, pour elle, déposé une demande pour une carte AVS et avait des poursuites de la part de l'OCAS. A la police, s'il avait déclaré ne pas connaître A______, c'était parce qu'on lui avait simplement montré sa photo et qu'il ne l'avait pas reconnue. Ce n'était pas lui qui avait signé et rempli le formulaire OCPM (demande d'autorisation de séjour) daté du 29 novembre 2018 pour A______, mais il savait que ce document était sorti du bureau de AB______, lequel était son comptable. Il reconnaissait également avoir fait la démarche de demande "Papyrus" pour AO______. La société E______ SARL ne lui évoquait rien, tout comme l'attestation de travail du 7 mars 2017 établie au nom de cette société. Pour le surplus, ce n'était pas lui qui avait rédigé le CV produit en annexe de la demande d'autorisation de séjour de A______.
Ordonnance de classement partiel
e. Par ordonnance de classement partiel du 6 septembre 2024, le Ministère public a prononcé le classement de la procédure à l'égard de A______ s'agissant de son séjour en Suisse du 31 janvier 2016 au mois d'août 2017, puisque ces faits étaient atteints par la prescription. Il a aussi ordonné le classement s'agissant des documents au nom des entreprises M______ SA et F______ produits à l'appui de sa demande d'autorisation de séjour du 29 novembre 2018, à défaut de soupçon qui justifierait une mise en accusation pour ces faits.
Audience de jugement
C. a. A l'audience de jugement du 9 janvier 2025, A______ a déclaré qu'elle persistait à contester les faits ainsi que la sanction retenue à son encontre dans l'ordonnance pénale du 6 septembre 2024.
S'agissant en premier lieu des infractions qualifiées de faux dans les certificats et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités, elle ne reconnaissait pas avoir produit, dans le cadre de sa demande "Papyrus" du 29 novembre 2018, deux faux certificats de travail ainsi que d'avoir faussement indiqué séjourner et travailler durant dix ans en Suisse, de manière ininterrompue. Elle avait fait l'erreur, dans cette affaire, de ne pas avoir regardé les documents qu'elle avait envoyés. Elle a confirmé ne pas avoir travaillé pour AH______ et pour sa société. Elle ignorait que le certificat de travail établi au nom d'E______ SARL était mensonger, tout en étant d'accord pour dire que son contenu était faux. S'agissant du certificat de travail établi au nom de D______ SArl, elle l'avait reçu en 2018, probablement le 29 novembre 2018 car c'était ce jour-là qu'elle avait reçu tous les documents qu'elle avait ensuite envoyés à l'OCPM, peu avant la fermeture de la poste. Elle admettait que le contenu de ce certificat était mensonger dans la mesure où elle n'avait fait que des nettoyages et non pas des tâches de secrétaire-réceptionniste. A l'évocation de l'incohérence entre la période de travail mentionnée sur ce certificat, soit du 4 février 2012 au 28 février 2017, et sa déclaration devant le Ministère public selon laquelle elle avait commencé à travailler en Suisse en 2016, elle a déclaré qu'il était vrai que les dates mentionnées sur ledit certificat étaient fausses. Ce n'était pas elle qui avait indiqué ces dates. Elle n'avait pas payé AB______ et pas non plus AJ______ pour lui fournir des certificats de travail ne correspondant pas à la réalité, pas même une seule fois. Elle ne pensait pas qu'on pouvait lui donner des faux certificats, car elle avait confiance en AB______ et AJ______. Elle se rendait bien compte du fait que le dépôt d'une demande "Papyrus" était une démarche importante dans la vie d'une personne étrangère et elle avait commis une grosse erreur. Si elle avait su, elle n'aurait jamais déposé ces documents.
Elle a reconnu les faits qualifiés d'infraction de séjour illégal, pour la période de septembre 2017 au 14 décembre 2022. Se trouvant en Suisse depuis 2008, elle y était restée de manière ininterrompue. Elle était allée à O______ [France] pour ses accouchements et était à chaque fois restée là-bas entre un ou deux mois, dans l'appartement qu'occupait son mari à l'époque.
En ce qui concerne l'accusation portant sur une activité illicite de travail en Suisse de septembre 2017 au 14 décembre 2022, elle a déclaré avoir travaillé un peu en 2016, un peu en 2018 et trois mois en 2020. En revanche, elle n'avait pas du tout travaillé en 2021 ni en 2022.
b. A______ a, par le biais de son Conseil, déposé des conclusions en indemnisation et, à ce titre, a requis l'octroi d'une indemnité de CHF 2'000.- pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
Situation personnelle
D.a. A______, ressortissante du Kosovo née le ______ 1986, est mariée et mère de trois filles, nées respectivement en 2018, 2020 et 2022. Elle vit en Suisse avec son mari et ses enfants. Sa sœur et sa mère vivent également en Suisse, alors que seul son oncle paternel vit encore au Kosovo. Elle n'est pas au bénéfice d'un titre de séjour dans un pays européen et, en Suisse, sa situation administrative est toujours en cours d'examen auprès de l'OCPM.
Elle a étudié pendant douze ans au Kosovo, école obligatoire et collège compris. Son mari travaille et réalise un salaire mensuel net de CHF 4'000.-. La famille reçoit en complément des allocations familiales à hauteur d'environ CHF 1'000.-. Au niveau des charges, l'assurance-maladie pour toute la famille s'élève à CHF 984.- par mois. Enfin, elle n'a pas de fortune ni de dettes.
b. L'extrait de son casier judiciaire suisse, dans sa teneur au 18 décembre 2024, est vierge.
Culpabilité
1.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; ATF 127 I 28 consid. 2a).
En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1145/2014 du 26 novembre 2015 consid. 1.2).
Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).
1.1.2. A teneur de l'art. 252 CP, quiconque, dans le dessein d’améliorer sa situation ou celle d’autrui, contrefait ou falsifie des pièces de légitimation, des certificats ou des attestations, fait usage, pour tromper autrui, d’un écrit de cette nature, ou abuse, pour tromper autrui, d’un écrit de cette nature, véritable mais non à lui destiné, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L'art. 252 CP vise tant le faux matériel, qui consiste dans la fabrication d'un document faux ou la falsification d'un document, que le faux intellectuel, c'est-à-dire l'établissement d'un document qui émane de son auteur apparent, mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 126 IV 65 consid. 2a).
Un simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel punissable. Il est nécessaire, pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel, que le document ait une capacité accrue de convaincre, parce qu'il présente des garanties objectives de la véracité de son contenu. Une simple allégation, par nature sujette à vérification ou discussion, ne suffit pas. Il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée (ATF 142 IV 119 consid. 2.1 et les références citées; ATF 138 IV 130 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_55/2017 du 24 mars 2017 consid. 2.2 et 6B_117/2015 du 11 février 2016 consid. 2.4.1).
Selon la jurisprudence, un certificat de salaire, respectivement un décompte de salaire au contenu inexact ou un contrat de travail simulé pour obtenir une attestation de séjour constituent un simple mensonge écrit, faute de valeur probante accrue de ces faux intellectuels (ATF 118 IV 363 consid. 2, JdT 1995 IV 41; arrêts du Tribunal fédéral 6B_382/ 2011 du 26 septembre 2001 consid. 2.2 et 6B_72/2015 du 27 mai 2015 consid. 1.5 et 1.6).
Lorsque l'auteur désigné par le titre est une personne morale, il y a lieu d'évaluer si le document est en soi apte à prouver que la personne morale a fait une déclaration, faute de quoi il ne s'agit pas d'un titre. Si c'est le cas, l'établissement de ce titre au nom de la personne morale par une personne qui ne peut pas (ou plus) valablement l'engager dans les rapports externes est un faux matériel (cf. ATF 123 IV 17 consid. 2b; Commentaire romand du Code pénal II, Bâle 2017, N 29 ad art. 251).
L’infraction est intentionnelle. Le dol éventuel suffit (Commentaire romand du Code pénal II, Bâle 2017, N 29 ad art. 252). L’infraction suppose une intention de tromper, même pour les variantes pour lesquelles le texte légal ne le mentionne pas expressément. Il suffit d’avoir l’intention de tromper; il n’est pas nécessaire qu’un tiers ait été effectivement trompé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1187/2013 du 28 août 2014 consid. 7.1 (d)).
1.1.3. Selon l'art. 118 al. 1 LEI, quiconque induit en erreur les autorités chargées de l’application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait, obtient frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers ou évite le retrait d’une autorisation est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Selon le message du Conseil fédéral (FF 2002, p. 3588), les personnes impliquées trompent par leur comportement les autorités délivrant des autorisations, car celles-ci n’octroieraient pas d’autorisation si elles connaissaient les données réelles. Selon l’art. 90 LEI, les personnes impliquées dans la procédure sont tenues de faire des déclarations conformes à la vérité (l'étranger ou les tiers).
L'obligation de collaborer a une portée essentielle en droit à l’égard des étrangers car les autorités sont tributaires des indications véridiques des requérants. Tel est avant tout le cas pour les faits qui, sans la collaboration des personnes concernées, ne peuvent pas être déterminés du tout ou pas sans efforts disproportionnés.
L'auteur doit avoir un comportement frauduleux qui induit l'autorité en erreur relativement à un fait essentiel, ce qui amène celle-ci à accorder ou à ne pas retirer une autorisation; il doit ainsi exister un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation de séjour au sens que si l'autorité avait eu connaissance de la vérité, elle n'aurait pas délivré ladite autorisation (AARP/327/2021 du 19 octobre 2021 consid. 2.2.1).
Le résultat de l'infraction se produit lorsque l'autorisation de séjour est accordée; à défaut, il s'agit d'une tentative (AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.1). Dans ce cas, selon l'art. 22 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.
L'infraction de comportement frauduleux à l'égard des autorités est une infraction intentionnelle; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2018 du 13 janvier 2022 consid. 5.1; AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.2).
1.1.4. Aux termes de l'art. 115 al. 1 LEI, sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b) et quiconque exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).
En principe, l'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d'autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l'étranger (art. 17 al. 1 LEI). Cela vaut aussi pour l'étranger résidant illégalement en Suisse qui tente de légaliser son séjour par le dépôt ultérieur d'une demande d'autorisation de séjour durable (ATF 139 I 37 consid. 2.1). Selon le message du Conseil fédéral, le requérant ne peut pas se prévaloir, déjà durant la procédure, du droit de séjour qu'il sollicite ultérieurement, à moins qu'il ne remplisse "très vraisemblablement" les conditions d'admission (FF 2002 3469 ss, p. 3535).
L'art. 17 al. 2 LEI prévoit, en effet, que l'autorité cantonale compétente peut autoriser l'étranger à séjourner en Suisse durant la procédure si les conditions d'admission sont manifestement remplies.
1.1.5. L'opération dite "Papyrus", qui a pris fin au 31 décembre 2018, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE, bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir : avoir un emploi, être indépendant financièrement, ne pas avoir de dettes, avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum pour les familles avec enfants scolarisés ou sinon dix ans minimum, faire preuve d'une intégration réussie, et ne pas avoir de condamnation pénale autre que celle pour séjour illégal (ATA/1255/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5; ATA/1153/2022 du 15 novembre 2022 consid. 7; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 7).
Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst.; ce principe est également rappelé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP qui prévoit que les autorités pénales s'y conforment (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.1).
Le principe de la bonne foi protège ainsi le justiciable dans la confiance légitime qu'il place dans sa relation avec les autorités. Le Ministère public a changé de pratique quant à l'opportunité de poursuivre une infraction de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) dans l'hypothèse où un prévenu est acquitté de celle prévue par l'art. 118 LEI, dans le cadre d'une opération de régularisation comme "Papyrus", et ce pour la période pénale couverte par celle-ci.
Ce raisonnement s'inscrit dans le contexte particulier où des étrangers sans autorisation sont invités par l'État à dévoiler leur situation irrégulière dans l'espoir de se voir octroyer un permis. Il paraît en effet conforme au principe de la bonne foi que les autorités pénales, qui n'auraient pas eu connaissance du séjour illégal sans la révélation volontaire de l'administré, ne le poursuivent pas si celui-ci n'adopte aucun comportement frauduleux à l'égard des autorités (AARP/70/2023 du 6 mars 2023 consid. 3.1 et 3.2; AARP/118/2023 du 27 mars 2023 consid. 2.1.5). Cela se justifie également au regard de la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de s'auto-incriminer, qui constitue un principe général applicable à la procédure pénale, découlant de l'art. 32 Cst., de l'art. 14 al. 3 let. g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2) et du droit à un procès équitable au sens de l'art. 6 ch. 1 CEDH (ATF 142 IV 207 consid. 8.3).
Ce raisonnement ne s'applique toutefois qu'au plaideur qui était en droit de penser au moment où il avait déposé la requête, que celle-ci avait des chances d'aboutir, à l'exclusion de celui qui avait fait usage de faux pour tenter d'induire l'autorité en erreur (AARP/235/2023 du 6 juillet 2023 consid. 3.2.2). Autrement dit, seul l'étranger de bonne foi peut se prévaloir de la protection conférée par une opération tendant à permettre la régularisation d'étrangers séjournant et travaillant illégalement en Suisse mais pouvant être tenus pour étant désormais bien intégrés et répondant aux critères définis aux fins de ladite opération (AARP/458/2023 du 29 novembre 2023 consid. 3.5.2).
1.2.1. En l'espèce, il est établi que dans le cadre de sa demande d'autorisation de séjour du 29 novembre 2018, A______ a produit auprès de l'OCPM deux certificats de travail au nom, respectivement, de la société D______ SARL et de la société E______ SARL, afin de prouver l'existence d'une activité lucrative en Suisse.
Ces deux documents comportent toutefois plusieurs éléments douteux.
En premier lieu, s'agissant du certificat de travail établi au nom de D______ SARL, sa forme est discutable. En effet, force est de constater que ce document n'est pas daté et que l'adresse de la société figurant au bas du certificat (laquelle correspondait à un ancien siège social de la société) diffère de celle figurant sur le tampon de la société (laquelle correspondait au dernier siège social de la société). Le Tribunal en infère que ce document a été signé en tout cas après le 7 mai 2017, date à laquelle la société avait modifié son siège social. Le Tribunal n'est toutefois pas en possession d'indices supplémentaires lui permettant de dater plus précisément le document litigieux.
Le contenu de cette attestation est également problématique. Il est mentionné que A______ a travaillé en tant qu'agent d'entretien, mais dans le descriptif des tâches accomplies, certaines n'ont rien à avoir avec le nettoyage et correspondent plutôt à un poste de secrétaire-réceptionniste.
De l'aveu même de A______, elle a commencé à faire du nettoyage pour cette société seulement en 2016 et, de manière générale, elle a débuté une activité professionnelle en Suisse en 2016. Quant à AB______, il a déclaré que A______ avait fait du nettoyage pour D______ SARL durant un mois maximum, soit en 2014 ou en 2015. La période de travail mentionnée, soit du 4 février 2012 au 28 février 2017, n'est ainsi pas réelle et largement amplifiée.
A______ a également admis, notamment lors de l'audience de jugement, qu'elle n'avait effectué que des nettoyages et pas des tâches de secrétaire-réceptionniste, de sorte que les mentions y relatives sur ledit certificat ne correspondent pas à la réalité.
AB______ a reconnu, en outre, que c'était lui qui avait signé le certificat de travail établi au nom de D______ SARL tout en indiquant que son contenu était incorrect et qu'il avait été rédigé par une autre personne. Il ignorait alors ce qu'il avait signé, car, à l'époque, il ne parlait pas très bien français.
Enfin, il est à rappeler que, selon les propres constatations de l'OCPM, la société D______ SARL est apparue dans de nombreux dossiers "Papyrus", élément qui a fait naître des soupçons au sein de ce service.
La conjonction de ces différents éléments conduit le Tribunal à retenir que le contenu du certificat de travail établi au nom de D______ SARL est mensonger et qu'il constitue un faux intellectuel, étant relevé que AB______ a reconnu l'avoir signé, en sa qualité d'associé-gérant de la société, ce que les éléments de la procédure ne permettent pas d'infirmer.
Comme un certificat de salaire au contenu inexact pour obtenir une attestation de séjour doit être qualifié, selon la jurisprudence, de simple mensonge écrit, faute de valeur probante accrue, la prévenue devra être acquittée de l'infraction de faux dans les certificats s'agissant du certificat de travail établi au nom de D______ SARL.
Relativement, en second lieu, à l'attestation de travail établie au nom de E______ SARL, on relèvera d'emblée que même s'il est indiqué qu'elle est "pour madame A______", elle est rédigée au masculin ("a été et est toujours employé", "il nous a suivi", "il s'est montré d'une grande aide et a toujours répondu présent", "très apprécié de notre clientèle" etc.), ce qui est un signe flagrant que ce document était en fait destiné à un collaborateur homme. A cela s'ajoutent quelques fautes d'orthographe et des incohérences, notamment s'agissant de la raison sociale de la société, laquelle se nomme en réalité EE_____ Paysagiste SArl et non pas E______ SARL ou encore EEE______ SARL, cette dernière dénomination figurant tant dans le corps du texte que sur le tampon apposé sur le document. L'adresse mentionnée sur ledit tampon (route K______ 10 [code postal] L______ [VD]) ne correspond d'ailleurs pas à l'adresse du siège social situé à J______[GE].
En outre, la société EE_____ Paysagiste SArl ayant été radiée du Registre du commerce le _____ 2015, aucune attestation postérieure à cette date ne pouvait valablement avoir été établie en son nom, alors que l'attestation litigieuse est datée du 7 mars 2017.
Enfin, dans la mesure où A______ a toujours déclaré avoir commencé à travailler en Suisse en 2016, on voit mal comment elle aurait été employée dans cette société à compter de 2008. Les "activités liées aux aménagements paysagistes" et le fait d'avoir des "responsabilités" ne cadrent pas non plus avec le profil établi de la prévenue.
En définitive, après avoir varié à ce sujet, elle a reconnu n'avoir jamais travaillé pour EE_____ Paysagiste SArl. AH______, ancien associé gérant de cette société, a quant à lui affirmé qu'il ne connaissait pas la prévenue et qu'il n'avait pas signé l'attestation en cause. AB______ et AJ______ ont, quant à eux, déclaré que la société E______ SARL ne leur évoquait rien.
Tous ces éléments laissent apparaître que le contenu du certificat établi au nom d'E______ SARL est mensonger et que, son auteur, en l'état indéterminé, n'est en tout cas pas une personne ayant les pouvoirs de représenter la société, laquelle n'existait plus lors de l'établissement du certificat. Ce document fabriqué de toutes pièces est un faux dans tous ses aspects.
Sur le plan subjectif, A______ a indiqué avoir produit les certificats de travail susmentionnés sans les avoir lus au préalable, alors qu'ils lui avaient été donnés par AJ______ et AB______ en qui elle avait confiance et pour lesquels elle soutenait avoir réellement travaillé.
Le Tribunal constate tout d'abord que la prévenue apparaît peu crédible dans ses déclarations, dans la mesure où elle a varié sur des éléments essentiels. D'une part, elle a indiqué – à la police et au Ministère public – qu'elle avait travaillé pour E______ SARL puis, confrontée aux déclarations de AH______, elle s'est ravisée, ce qu'elle a ensuite confirmé en audience de jugement, en admettant clairement n'avoir jamais travaillé pour cette société. D'autre part, elle a varié au sujet de la durée de son travail en Suisse, puisque, devant la police, elle a déclaré avoir fait des nettoyages de 2012 à 2017 alors que, par la suite, elle a spécifié avoir commencé à travailler pour le compte de AB______ en 2016, tout en affirmant n'avoir pas travaillé avant 2016. La crédibilité des déclarations de la prévenue apparaît ainsi sujette à caution.
A cela s'ajoute qu'au vu de l'importance d'une demande "Papyrus" et des enjeux majeurs qu'elle comporte pour une personne étrangère qui voit son avenir en Suisse, A______ est difficilement crédible lorsqu'elle indique ne pas avoir lu les certificats de travail, après les avoir réceptionnés. Elle a déclaré d'elle-même avoir récolté et assemblé l'intégralité des autres documents nécessaires à sa demande "Papyrus", tout en ayant parfaitement compris ce qui était inscrit sur le formulaire de la demande d'autorisation de séjour. Elle était ainsi impliquée dans cette démarche, ce qui rend très peu vraisemblable le fait qu'elle n'aurait pas vérifié les documents remis par AJ______ et AB______. Il s'agissait d'ailleurs de peu de documents et elle avait tout loisir de les relire, même rapidement, avant de les intégrer à son dossier. Une lecture, même brève, permettait d'ailleurs de déceler les défauts manifestes de ces certificats, à commencer par les périodes de travail dont la fausseté était visible au premier coup d'œil.
Dans la mesure où le certificat de travail établi au nom de D______ SARL ne correspond pas à un faux au sens de l'art. 252 CP, même s'il a un contenu non conforme à la réalité, le Tribunal s'en tiendra au certificat de travail établi au nom d'E______ SARL, en considérant que la prévenue ne pouvait qu'avoir conscience de la fausseté dudit certificat et que c'est avec conscience et volonté qu'elle l'a produit auprès de l'OCPM, dans le but de tromper les autorités quant à la réalité de son activité lucrative en Suisse.
Dans ces circonstances, la prévenue sera reconnue coupable de faux dans les certificats (art. 252 CP) s'agissant du certificat de travail établi au nom de E______ SARL, mais acquittée s'agissant du certificat de travail établi au nom d'D______ SARL.
1.2.2. A______ a délibérément transmis à l'OCPM deux certificats de travail au contenu mensonger, amenant les autorités à considérer, prima facie, qu'elle travaillait en Suisse depuis 2008. Elle a agi ainsi pour favoriser sa demande d'autorisation de séjour formée dans le cadre de l'opération "Papyrus", alors qu'elle n'était pas en mesure de prouver certaines conditions posées à sa régularisation, soit dans le but d'obtenir un avantage illicite. Ce faisant, elle n'est toutefois pas parvenue à tromper l'autorité compétente, puisqu'en définitive, aucune autorisation de séjour ne lui a été délivrée. En effet, la diligence des autorités a permis de ne pas se fier aux informations fournies et à interrompre le processus.
En conséquence, la prévenue sera également reconnue coupable de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al.1 CP et 118 al. 1 LEI).
1.2.3. S'agissant enfin des infractions de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation, il faut observer en premier lieu que la période pénale visée par l'acte d'accusation pour ces deux infractions, soit entre le mois de septembre 2017 et le 14 décembre 2022, ne peut pas être intégralement considérée, vu le délai de prescription de 7 ans (art. 97 al. 1 let. d CP) applicable à l'infraction visée à l'art. 115 al. 1 LEI.
En conséquence, la période courant du mois de septembre 2017 au 25 février 2018 donnera lieu à un classement (art. 329 CPP et art. 97 al.1 let. d CP) et seule la période se déployant du 26 février 2018 au 14 décembre 2022 sera soumise à l'examen du Tribunal.
A______ a reconnu avoir séjourné en Suisse depuis de nombreuses années et le Tribunal n'est pas en mesure de contredire cela, étant observé que sa présence à O______ [France] semble avoir été d'une durée limitée. Elle a aussi admis avoir travaillé en Suisse en 2016, un peu en 2018 et trois mois en 2020, sans les autorisations nécessaires. En revanche, elle a affirmé n'avoir pas du tout travaillé en 2021 et pas non plus en 2022, ce qui n'est contredit par aucun élément présent au dossier.
Les pièces versées à la procédure – couplées à ses propres déclarations – permettent de tenir pour établi qu'elle a effectivement travaillé en Suisse pour la société M______ SA dès le 1er mai 2020 et jusqu'en juillet 2020, sans les autorisations nécessaires. La faible activité qu'elle dit avoir déployée en 2018 ne sera pas prise en compte, faute d'éléments tangibles quant à la période en cause, étant rappelé la prescription intervenue antérieurement au 26 février 2018 et le fait que le doute doit profiter à la prévenue.
Le Tribunal retient encore que, dans le contexte de sa demande d'autorisation de séjour et/ou de travail du 29 novembre 2018, il est établi qu'elle a fait usage d'un faux document, de sorte que s'étant également rendue coupable d'infraction à l'art. 118 LEI, elle ne peut se prévaloir du principe de bonne foi s'appliquant, selon la jurisprudence précitée, au cas d'acquittement du prévenu d'infraction à l'art. 118 LEI.
Il ressort enfin de la procédure que, le 4 mai 2020, la prévenue a déposé une nouvelle demande d'autorisation de séjour et/ou de travail à Genève pour ressortissant étranger, signée par elle-même et pour la société M______ SA, demande dans le cadre de laquelle il n'a pas été établi que de faux documents auraient été produits. Le Tribunal considère ainsi que, dès le 4 mai 2020, la prévenue a démontré qu'elle cherchait véritablement à régulariser sa situation administrative et qu'elle n'était plus dans l'optique d'adopter un comportement pénalement répréhensible. Un séjour illégal et/ou un exercice d'une activité lucrative sans autorisation n'entrent ainsi plus en ligne de compte à partir de cette date.
En définitive, la prévenue sera reconnue coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) pour la période courant du 26 février 2018 au 3 mai 2020. Elle sera également reconnue coupable d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al.1 let. c LEI), en lien avec trois jours travaillés du 1er au 3 mai 2020. Les périodes non visées par cette condamnation et non prescrites seront retranchées et un acquittement sera prononcé dans cette mesure.
Peine
2.1.1. Selon l'art. 47 al. 1 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP).
2.1.2. Si en raison d'un ou plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines du même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois pas excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).
2.1.3. Aux termes de l'art. 40 al.1 CP, la durée minimale de la peine privative de liberté est de trois jours, sauf exception. La durée de la peine privative de liberté est en principe de 20 ans au plus (al. 2).
2.1.4. En vertu de l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus. Il peut exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, être réduit jusqu'à 10 francs. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
2.1.5. Si le juge suspend totalement ou partiellement l’exécution d’une peine, il impartit au condamné un délai d’épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP). Le juge peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour la durée du délai d’épreuve (art. 44 al. 2 CP).
2.2. En l'espèce, la faute de la prévenue est d'une certaine gravité, car elle a fait preuve d'un mépris caractérisé envers la législation en matière de droit des étrangers ainsi qu'à l'égard de l'OCPM, dont elle a cherché à tromper la confiance dans l'idée de privilégier ses propres intérêts.
Le souhait de construire sa vie en Suisse ne saurait justifier de tels actes, étant observé que le respect des règles en vigueur est un prérequis indispensable.
La période pénale est limitée.
La situation personnelle de la prévenue ne commandait pas qu'elle agisse comme elle l'a fait. Sa collaboration a été mitigée, mais sa prise de conscience n'est pas entamée, dans la mesure où elle persiste à considérer qu'elle n'a rien fait de mal.
Il y a concours d'infractions, facteur aggravant de la peine.
Il n'y a ni fait justificatif ni circonstance atténuante.
Toutes les infractions mises à la charge de la prévenue sont passibles soit d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire. C'est ce dernier genre de peine qui sera choisi, dans la mesure où une peine privative de liberté ne paraît pas justifiée pour le détourner d'autres infractions et où la quotité de la peine à envisager entre dans le champ d'une peine pécuniaire.
L'infraction de faux dans les certificats, objectivement la plus grave, sera augmentée en application du principe d'aggravation.
La peine pécuniaire sera assortie du sursis, en l'absence d'un pronostic clairement défavorable. Le délai d'épreuve sera d'une durée moyenne suffisamment longue pour dissuader la prévenue de récidiver.
Compte tenu de ce qui précède, A______ sera condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.-, peine assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 3 ans.
Indemnisation et frais
3. Vu le verdict largement condamnatoire, la prévenue sera déboutée de ses conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 let. a CPP).
4. Les frais de la procédure, s'élevant à CHF 948.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, seront mis à la charge de la prévenue (art. 426 al. 1 CPP et 9 al. 1 let. d RTFMP).
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant contradictoirement :
Classe les infractions de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) en tant qu'elles portent sur la période du mois de septembre 2017 au 25 février 2018 (art. 329 al. 5 CPP et art. 97 al. 1 let. d CP).
Acquitte A______ de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI, s'agissant de la période du 4 mai 2020 au 14 décembre 2022), d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI, s'agissant de la période du 26 février 2018 au 30 avril 2020 et du 4 mai 2020 au 14 décembre 2022) et de faux dans les certificats (art. 252 CP), en lien avec le certificat de travail au nom de D______ SARL.
Déclare A______ coupable de faux dans les certificats (art. 252 CP), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI, s'agissant de la période du 26 février 2018 au 3 mai 2020), d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI, s'agissant de la période du 1er au 3 mai 2020) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum 118 al. 1 LEI).
Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (art. 34 CP).
Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.
Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).
Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).
Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).
Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 948.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).
Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).
La Greffière | La Présidente |
Voies de recours
Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Etat de frais
Frais du Ministère public | CHF | 510.00 |
Convocations devant le Tribunal | CHF | 60.00 |
Frais postaux (convocation) | CHF | 14.00 |
Emolument de jugement | CHF | 300.00 |
Etat de frais | CHF | 50.00 |
Frais postaux (notification) | CHF | 14.00 |
Total | CHF | 948.00 |
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Notification à A______ et au Ministère public, par voie postale.