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Décisions | Tribunal pénal

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P/14261/2019

JTDP/924/2021 du 08.07.2021 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.261bis
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 18


8 juillet 2021

 

MINISTERE PUBLIC DU CANTON DE GENEVE

C______ , ______, partie plaignante, assistée de Me I______

Monsieur B______ , partie plaignante, assisté de Me I______

contre

Monsieur A______, né le ______1966, domicilié ______, FRANCE, prévenu, assisté de Me Pascal JUNOD


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à ce que le prévenu ne soit pas autorisé à faire la preuve de la vérité, à un verdict de culpabilité des chefs de discrimination raciale, d'injure et de diffamation, au prononcé d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 200. -, sans sursis, à ce que le prévenu soit condamné aux frais, au rejet de ses conclusions en indemnisation, au bon accueil sur le principe des conclusions civiles tout en s'en rapportant à justice sur les montants.

La C______ conclut à un verdict de culpabilité du chef d'injure et persiste dans ses conclusions en indemnisation et civiles.

B______ conclut à ce que le prévenu ne soit pas autorisé à faire la preuve de la vérité, en application de l'art. 173 al. 3 CP, à un verdict de culpabilité des chefs d'injure et de diffamation et persiste dans ses conclusions en indemnisation et civiles.

A______ conclut à son acquittement des chefs de discrimination raciale, d'injure et de diffamation pour les faits visés aux points 1.1.1, 1.2.1 et 1.3.1, subsidiairement, en cas de verdict de culpabilité du chef d'injure, à ce qu'il soit exempté de toute peine et persiste dans ses conclusions en indemnisation.

EN FAIT

A.a. Par acte d'accusation du 22 décembre 2020, il est reproché à A______ d'avoir, entre le 4 et le 6 janvier 2019, au Théâtre de Marens à Nyon, et le 28 et le 29 juin 2019, au Centre d'Animation Cinématographique "CAC" Voltaire, à Genève, dans le cadre de son spectacle "En vérité", à un moment donné, alors qu'il jouait un personnage qui se croit condamné dans un avion en perdition, déclaré en public: "les chambres à gaz n'ont jamais existé",

faits qualifiés de discrimination raciale au sens de l'art. 261bis al. 4 CP (chiffre 1.1. de l'acte d'accusation).

b. Il lui est également reproché d'avoir, le 28 juin 2019, alors qu'il se produisait au Centre d'Animation Cinématographique "CAC" Voltaire, à Genève, avec son spectacle "En vérité", dit au public: "La C______ , les associations juives ah bon ils ne m'aiment pas ces gens-là, encore aujourd'hui? Ah j'ai un procès demain? La C______ me fait un procès? Il faut leur dire d'aller se faire enculer à la C______ !",

faits qualifiés d'injure au sens de l'art. 177 al. 1 CP (chiffre 1.2. de l'acte d'accusation).

c. Enfin, il lui est reproché d'avoir, le 22 novembre 2019, lors d'une interview donnée sur la chaîne publique Youtube de H______ , à Genève, intentionnellement porté atteinte à l'honneur et à la considération de B______ en disant:

"Il apporte des affirmations qui sont des mensonges donc ça va être à lui de démontrer ce qu'il dit, donc ça sera le rendez-vous devant les tribunaux avec cet homme qui tout simplement, a une haine envers moi, mais je pense que c'est envers le Noir que je suis. On sent qu'il porte l'héritage de ces négriers juifs qui pendant des siècles ont déporté des hommes comme moi et je pense qu'il considère que nous ne sommes pas des êtres humains et que nous sommes des animaux avec un visage humain. ( ) je crois que chez lui c'est devenu une religion le mensonge et donc j'espère qu'on aura la manifestation de la vérité devant les juges suisses, en tous cas il avance des choses qui sont erronées. C'est un menteur, c'est un raciste. ( ) Donc là, cet homme, ce malhonnête aura à répondre de ses accusations, de ses propos, de ses mensonges devant la justice suisse",

soit en l'accusant, en particulier, d'être raciste, de proférer des mensonges et d'être malhonnête,

faits qualifiés de diffamation au sens de l'art. 173 ch. 1 CP, subsidiairement d'injure au sens de l'art. 177 al. 1 CP (chiffre 1.3. de l'acte d'accusation).

B. Après appréciation des éléments figurant à la procédure, le Tribunal retient ce qui suit:

a.a. A______ est un humoriste français, connu dans le monde francophone. Il a commencé sa carrière aux côtés de l'humoriste français de confession juive E______. Par la suite, parallèlement à son métier d'humoriste, il s'est engagé en politique et a fréquenté les milieux négationnistes et antisémites. Il est notamment devenu proche de F______, connu pour ses thèses négationnistes et révisionnistes, et d'S______, antisémite et négationniste notoire.

a.b. Depuis 2006, A______ a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales en raison de propos antisémites tenus à l'occasion de certains de ses spectacles.

En particulier, il a été condamné en France le 15 novembre 2007 pour avoir comparé les Juifs à des négriers, le 26 juin 2008 pour avoir utilisé l'expression "pornographie mémorielle" en visant la mémoire de la Shoah, le 28 novembre 2013 pour avoir transformé et diffusé la chanson "Chaud cacao" en "Shoah nanas" et le 21 juin 2016 pour avoir publié sur son compte Facebook le message "Je me sens Charlie Coulibaly" trois jours après les attentats de Paris, en faisant référence à l'auteur de la prise d'otages meurtrière de l'Hyper Cacher.

Il a également été condamné en Belgique le 20 janvier 2017 pour avoir tenu des propos antisémites et révisionnistes lors d'un spectacle.

Dans une décision du 10 novembre 2015, la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) a considéré que le contenu d'un de ses spectacles, produit en 2008, à la fin duquel il avait invité F______ à le rejoindre sur scène afin de lui remettre "le prix de l'infréquentabilité et de l'insolence", était une démonstration de haine et d'antisémitisme ainsi qu'une remise en cause de l'Holocauste, qui ne lui permettaient pas de bénéficier de la liberté d'expression.

a.c. Tant ces condamnations que les positions polémiques de A______ à l'égard des Juifs ont été relayées dans la presse et sont largement connues de la population suisse.

b.a. A______ a co-écrit avec G_____ , se déclarant de confession juive, incarcéré en France depuis 1998, mis en scène et interprété un spectacle intitulé "En vérité".

b.b. Entre le 4 et le 6 janvier 2019, A______ s'est produit sur la scène du Théâtre de Marens à Nyon avec son spectacle "En vérité". Il a également joué ce spectacle les 28 et 29 juin 2019 au Centre d'Animation Cinématographique "CAC" Voltaire.

b.c. Plusieurs membres de la C______, dont J______ et K______, employés de la C______, ont assisté aux représentations des 4 janvier 2019 et 28 juin 2019, et ce dans le but de contrôler le contenu du spectacle afin de pouvoir dénoncer d'éventuels propos antisémites.

b.d. Il découle du visionnement du DVD du spectacle "En vérité" que dans l'un des premiers sketches, A______ tourne en dérision le procès de Nuremberg, critiquant le fait que c'est à cette occasion qu'a été conçue la notion de crime contre l'humanité, et se désole du peu de cas fait de l'extermination des Indiens et de la souffrance du peuple africain. Plus tard, dans un autre sketch, il prononce le mot "Shoah nanas". Enfin, vers la fin du spectacle, il joue le rôle d'un passager canadien à bord d'un avion qui va vraisemblablement s'écraser. Après l'annonce du commandant de bord, le passager en question est d'abord calme et dit à sa voisine qu'il faut "prendre de la hauteur" et qu'il faut rester digne, alors qu'elle s'est urinée dessus, qu'il ne sert à rien de crier ( ) Puis il dit: "ça commence à monter ( ) je t'emmerde compagnie de merde. J'encule la reine d'Angleterre, ça me fait du bien tu sais" ( ). Il raconte un incident survenu lors de son embarquement puis dit "j'aurais dû être terroriste, au moins tu crèves pour quelque chose. Les terroristes, il y a de l'ambiance, Allahou Akbar, il se passe quelque chose, ils vont au bout de quelque chose. ( ) J'emmerde tout le monde, les chambres à gaz n'ont jamais existé". Finalement, on comprend que l'avion s'est posé sans dommage, et le sketch finit sur ces paroles du passager canadien: "on a atterri là ? Il y a une boîte noire là-dessus ? Je crois que je suis mort là".

b.e. Il est établi par le témoignage écrit et oral de J______ et celui, oral, de K______ , que A______ a joué le sketch de l'avion en perdition lors de ses spectacles des 4 au 6 janvier 2019 au Théâtre de Marens et des 28 et 29 juin 2019 au Centre d'Animation Cinématographique "CAC" Voltaire et qu'il a prononcé la phrase "les chambres à gaz n'ont jamais existé".

b.f. G______ a confirmé avoir collaboré à l'écriture du sketch de l'avion en perdition et avoir notamment écrit la phrase "les chambres à gaz n'ont jamais existé".

En tant que descendant de Juifs décédés pendant la Seconde Guerre Mondiale, il s'était occupé d'écrire les passages relatifs aux critiques des associations juives par A______. Il revendiquait une maîtrise de "l'humour juif", à savoir la capacité de se moquer de soi-même et de ses souffrances pour mieux les exorciser.

Son texte contenait une réflexion sur le rôle des associations juives, qui se permettent de parler au nom de toutes les victimes de la Shoah de manière illégitime, et sur les raisons pour lesquelles on s'en prend aux thèses révisionnistes. D'après lui, l'immense majorité des Juifs décédés dans les camps étaient morts de mauvais traitements et il y avait un doute sur le fait de savoir s'il y avait "besoin d'autre chose pour les exterminer". Le but de ce sketch était de réhabiliter l'humour juif pour exorciser le doute et donner le courage de dénigrer les associations juives pour se libérer et avoir un autre positionnement que celui de la victime pleurnicharde.

Le contexte entourant la phrase "les chambres à gaz n'ont jamais existé" était très important et il fallait entendre le tout pour comprendre correctement le passage. Il avait également écrit une chanson qui devait être chantée juste avant cette phrase. Le message était de montrer le détachement du personnage qui finissait par exorciser ce doute sur les chambres à gaz en indiquant qu'elles n'avaient pas existé. Le personnage tel qu'il l'avait imaginé devait être déguisé en une caricature d'un Juif portant les papillotes et la kippa.

Il ne savait pas comment A______ avait présenté son texte ni s'il l'avait édulcoré. Il n'avait jamais vu le spectacle "En vérité" tel que finalement joué par A______.

b.g. A______ n'a pas contesté avoir dit "les chambres à gaz n'ont jamais existé" dans son spectacle "En vérité". Il a cependant affirmé que, d'une part, ce n'était pas lui mais son personnage qui avait prononcé cette phrase, et que, d'autre part, son avocat français lui avait assuré que son spectacle ne contenait pas de propos problématique; d'ailleurs, il n'avait pas été dénoncé en France.

Il avait réduit la version du sketch de G______, qui était trop longue, et avait notamment supprimé la chanson prévue par ce dernier. Il n'a pas répondu à la question de savoir pourquoi le personnage canadien n'était pas déguisé en une caricature du Juif, comme suggéré par G______. A la question de savoir pourquoi le personnage avait dit "les chambres à gaz n'ont jamais existé", il a répondu que c'était de la responsabilité de G______. Le contexte humoristique était que, dans la panique, ce personnage devenait drôle, excessif et délirant, et qu'il disait des choses qu'il n'aurait jamais dites en temps normal, comme "j'encule la reine d'Angleterre" ou "les chambres à gaz n'ont jamais existé".

Il ne niait pas l'existence des chambres à gaz, lesquelles avaient "certainement existé". Il avait beaucoup parlé avec E______ de la souffrance respective des Juifs et des Africains. Il faisait également des sketchs sur l'esclavage car les gens avaient besoin de s'amuser et de rire de leur souffrance. La hiérarchisation de la souffrance était un sujet humoristique qui le passionnait. Il y avait une sorte de compétition victimaire, notamment entre les Noirs et les Juifs, or, selon lui, la souffrance était unique et universelle.

A la question de savoir s'il reprochait à la C______ et aux organisations juives en général, voire à l'Etat d'Israël, de bénéficier de moyens financiers et d'une organisation leur permettant d'intervenir pour maintenir vive la mémoire de l'Holocauste, il a répondu que chacun faisait comme il l'entendait en fonction de sa conscience, mais qu'il s'amusait de l'outrancerie, soit du fait de laisser entendre que la souffrance des Juifs était unique. Le racisme provenait selon lui du "communautarisme hystérique".

b.h. S'agissant du sens à donner à la phrase "les chambres à gaz n'ont jamais existé" et de sa compréhension par le public, le Tribunal relève qu'il convient de tenir compte de l'ensemble des circonstances, et en particulier de la personnalité de A______, du cercle des personnes visées et du contexte.

Il ressort de la procédure, en particulier des déclarations de A______ et de ses antécédents, que l'intéressé a déjà proféré des injures raciales envers les Juifs, notamment en les comparant à des négriers et en qualifiant la commémoration de la Shoah de pornographie mémorielle, propos jugés antisémites par la justice française. Peu importe de savoir si ces faits auraient aussi donné lieu à une condamnation pénale en Suisse, le fait est que A______ est connu pour tenir régulièrement ce genre de propos. Il est également de notoriété publique que l'intéressé a des accointances avec des négationnistes et antisémites notoires, tels que F______ et S______.

Les personnes visées par les propos de A______ sont les Juifs. Or, il est établi par les éléments figurant à la procédure que A______, outre les propos antisémites déjà tenus, voue une haine tenace aux organisations juives qui maintiennent vive la mémoire de la Shoah, les accusant d'agir au soutien de l'Etat d'Israël. En outre, il dénonce le fait que la notion de crime contre l'humanité ne soit apparue que lors du procès de Nuremberg et s'offusque de l'importance donnée au génocide du peuple juif en comparaison des souffrances éprouvées par d'autres peuples.

S'agissant du contexte, la phrase litigieuse a été prononcée au cours d'un spectacle dit humoristique mais dans le cadre d'un sketch qui n'avait nullement pour vocation de caricaturer ou de tourner en dérision les révisionnistes, les organisations juives ou encore le sionisme. Elle n'avait pas non plus pour but, comme l'aurait prévu G______ , de mettre en scène un Juif qui rirait de la Shoah, montrerait du détachement voire banaliserait le génocide afin de tourner en dérision les associations juives qui ne le représentent pas – selon lui – légitimement, plutôt que d'avoir de la haine pour ces associations. Cette phrase, prononcée par un voyageur canadien – non Juif –, était totalement sortie de tout contexte lié à une éventuelle critique des organisations juives ou à une volonté de réhabiliter l'humour juif pour exorciser le doute. Ainsi, force est de constater que dans la version définitive du spectacle, ce sketch ne porte absolument pas sur les Juifs. Si on peut faire un lien entre le voyageur canadien et la phrase "J'encule la reine d'Angleterre", ce n'est manifestement pas le cas de celle concernant les chambres à gaz. Enfin, la phrase litigieuse a été prononcée alors que dans ce même spectacle, A______ montre son mépris pour le procès de Nuremberg et utilise une nouvelle fois l'expression "Shoah nanas" pour laquelle il avait déjà été condamné en France.

Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal tient pour établi que la phrase litigieuse n'a pas d'autre signification que celle, littérale, de nier l'existence des chambres à gaz de la Seconde Guerre Mondiale.

c.a. Il est également établi que lors de la représentation du spectacle "En vérité" du 28 juin 2019, A______ a mentionné le fait qu'il était sous la surveillance d'associations juives et s'est écrié: "la C_____, les associations juives ah bon ils ne m'aiment pas ces gens-là, encore aujourd'hui? Ah j'ai un procès demain? La C______ me fait un procès? Il faut leur dire d'aller se faire enculer à la C______ !".

c.b. En effet, tant J______ que K______, témoins assermentés, ont affirmé avoir entendu ces propos. Le fait que ces témoins aient un lien de subordination avec la C______ ne suffit pas à remettre en cause la crédibilité de leurs déclarations, sauf à sous-entendre qu'ils auraient menti à la demande de leur employeur, ce qu'aucun élément matériel du dossier ne vient appuyer.

c.c. Les témoignages des spectateurs entendus au Ministère public ne permettent pas de remettre en cause la crédibilité de ces déclarations. En effet, L______ ne sait plus si elle a assisté au spectacle le 28 ou le 29 juin 2019 et ne se souvient pas que des membres de la C______ aient été présents; M______ a assisté au spectacle le 28 juin 2019 et ne se souvient pas que la C______ ait été évoquée, ni que des membres de la C______ aient été présents: N______ n'a jamais vu le spectacle "En vérité"; O______ a vu un seul spectacle de A______ mais ne se souvient pas si c'était en juin 2019 et ne se souvient pas d'avoir entendu parler des chambres à gaz durant ce spectacle; P______ dit être allé voir le spectacle "En vérité" en juin 2019 mais affirme ne pas avoir entendu A______ nier l'existence des chambres à gaz.

Ainsi, les témoignages – lacunaires, voire erronés – de ces fans de A______ ne sont pas suffisants pour remettre en question les témoignages d'J______ et de K______ , dans la mesure où certains de ces fans affirment ne pas avoir entendu de propos sur les chambres à gaz lors du spectacle du 28 ou du 29 juin 2019 alors même que A______ a admis les avoir tenus. En outre, il n'est pas exclu que ces fans aient assisté au spectacle du 29 juin 2019 alors qu'il ressort des déclarations d'J______ que c'est le 28 juin 2019 que A______ a dit "Il faut leur dire d'aller se faire enculer à la C______ !".

c.d. A cela s'ajoute que A______, sans admettre avoir prononcé cette phrase précisément, a admis qu'il était possible qu'il ait prononcé quelques mots à l'endroit des membres de la C_____ , cela parce qu'il avait vu certains d'entre eux distribuer des tracts lors de ses spectacles.

c.e. Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que A______ a dit, lors de la représentation de son spectacle "En vérité" du 28 juin 2019: "Il faut leur dire d'aller se faire enculer à la C______ !".

d.a. Le 18 novembre 2019, lors d'une interview donnée sur Radio______ en relation avec le spectacle "En vérité" de A______, B______ , secrétaire général de la C______ , a notamment tenus les propos suivants:

-       "[A______ ] est un individu qui a fait l'objet de condamnations diverses, alors je vous l'ai dit pour antisémitisme, aussi pour fraude fiscale, blanchiment ( );

-       "les propos qu'il tient, et notamment ceux qu'il a tenus, qui sont des propos négationnistes visant à nier l'existence de la Shoah pendant son dernier spectacle qu'il a tenu en Suisse à deux reprises, sont des propos qui tombent sous le coup de la loi, heureusement d'ailleurs que la justice est bien faite et que nous sommes un état de droit";

-       "à chaque spectacle en fait il trouve un moyen de faire soit la promotion du terrorisme, on a vu ça avec Coulibaly, de faire de l'antisémitisme";

-       "ce leader ou ce gourou politique qui balance des messages racistes et antisémites";

-       "ils [S______ et A______] ont bénéficié du soutien d'un état étranger qui est donc l'Iran pour financer leur parti qui était à l'époque le parti antisioniste";

-       "on a des individus [S______ et A______] qui sont quasiment aujourd'hui, qui fonctionnent presque hors-la-loi, ils font l'objet de condamnations ( ) des individus qui ont été condamnés à maintes reprises et qui continuent tranquillement à vivre leur petite vie ( ) ils profitent un peu du système qu'ils dénoncent en permanence, mais enfin c'est eux le système. On a affaire aujourd'hui à la fachosphère qui alimente les réseaux complotistes conspirationnistes qui viennent soutenir les actions terroristes et dénoncer les juifs pour ce qu'ils sont".

d.b. Le 22 novembre 2019, A______ a donné une interview sur la chaine Youtube de H______. Interrogé sur sa réaction face aux déclarations faites par B______ lors de son interview sur Radio______, A______ a notamment déclaré:

"Il me diffame, il nous diffame, avec ______ [S______]. Il apporte des affirmations qui sont des mensonges donc ça va être à lui de démontrer ce qu'il dit, donc ça sera le rendez-vous devant les tribunaux avec cet homme qui tout simplement, a une haine envers moi, mais je pense que c'est envers le Noir que je suis. On sent qu'il porte l'héritage de ces négriers juifs qui pendant des siècles ont déporté des hommes comme moi et je pense qu'il considère que nous ne sommes pas des êtres humains et que nous sommes des animaux avec un visage humain. Moi je le considère comme un homme et donc je lui donne rendez-vous devant le Tribunal, tous ses mensonges, parce que je crois que chez lui c'est devenu une religion le mensonge et donc j'espère qu'on aura la manifestation de la vérité devant les juges suisses, en tous cas il avance des choses qui sont erronées. C'est un menteur, c'est un raciste. Je vous rappelle que j'ai été moi traité de nègre par un certain D______, un autre suisse producteur juif qui a dit que, en répondant à la question d'une personne ou l'affirmation qui a dit que "oui je ne suis pas très subtil A______" et on lui a dit "ben oui c'est un nègre" et donc le parquet avait classé sans suite dans le cadre de la liberté d'expression. Donc bon j'ai compris qu'il y avait un cadre très élargi ici en Suisse de la liberté d'expression, tant mieux pour les Suisses mais la diffamation c'est le mensonge direct. Donc là, cet homme, ce malhonnête aura à répondre de ses accusations, de ses propos, de ses mensonges devant la justice suisse".

d.c. A______ a reconnu avoir tenu ces propos. Il l'avait fait en réponse aux déclarations de B______ sur Radio______ et à la haine qu'avait ce dernier envers lui et envers le peuple noir. Il n'avait jamais rencontré B______ personnellement avant l'ouverture de la présente procédure.

A la question de savoir sur quels éléments il se basait pour dire que B______ était raciste, il a répondu qu'il le voyait dans son regard, son rictus et sa posture d'arrogance. Il avait tenu des propos racistes en associant tous les Noirs au terrorisme et en faisant des amalgames. Il s'attaquait à lui en tant qu'homme noir et le considérait comme un moins que rien. Dans son "regard de haine", il ressentait "les lanières de cuir qui venaient lacérer le dos de [s]a grand-mère".

S'agissant du qualificatif de menteur, il a expliqué que B______ avait menti en l'associant à des mouvements terroristes.

Enfin, il estimait que B______ avait été malhonnête lorsqu'il l'avait traité de terroriste; à cet égard, il faisait référence au passage de l'interview dans lequel l'intéressé parlait de "la fachosphère qui alimente les réseaux complotistes conspirationnistes qui viennent soutenir les actions terroristes et dénoncer les juifs pour ce qu'ils sont".

d.d. Confronté à certains propos tenus lors de son interview sur Radio______, B______ a expliqué que l'expression "ce leader, ce gourou qui balance des propos racistes" visait le fait que A______ s'attaquait à des groupes d'individus, notamment les Noirs, les Juifs et les Arabes, ce qui était une forme de racialisation. Son sous-entendu selon lequel A______ soutenait des actions terroristes faisait notamment référence au fait que l'intéressé avait dit "Je me sens Charlie Coulibaly", mais également au fait qu'il fréquentait des groupes terroristes en Iran et au Liban, en particulier le HEZBOLLAH.

Pour sa part, il participait activement à la lutte contre le racisme. Les propos tenus par A______ à son encontre visaient à le salir et à nuire à sa respectabilité.

d.e. Sur la base de ces éléments, le Tribunal tient pour établi que lors de son interview donnée sur la chaîne publique Youtube de H______ le 22 novembre 2019, A______ a traité B______ de menteur, de raciste et de malhonnête.

Il retient également que A______ a prononcé ces mots en réaction à l'interview de B______ sur Radio______ le 18 novembre 2019, dans laquelle ce dernier l'accusait notamment de faire la promotion du terrorisme lors de chacun de ses spectacles et de faire partie de la fachosphère qui alimentait les réseaux complotistes conspirationnistes, lesquels soutenaient les actions terroristes.

Il n'est toutefois pas établi par les éléments matériels du dossier que B______ se serait montré raciste ou aurait tenu des propos racistes à l'égard de A______ . En effet, c'est sans fondement que A______ affirme voir de la haine dans les yeux de B______ et qu'il prétend que ce dernier le critique parce qu'il est Noir. De toute évidence, B______ ne l'apprécie pas en raison des propos antisémites qu'il lui reproche d'avoir tenus et non pas de ses origines ou de sa couleur de peau.

C.a. A______, de nationalités française et camerounaise, est né le ______1966 en France. Il est père de sept enfants âgés de 21 à 10 ans, dont trois sont encore à sa charge. Après avoir obtenu son baccalauréat en France, il a commencé à faire des spectacles et n'a jamais exercé d'autre métier que celui d'humoriste. Il réalise d'ordinaire un revenu de l'ordre de EUR 100'000.- par an, excepté durant la période du COVID, pendant laquelle il n'a pas pu se produire.

b.a. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ n'a aucun antécédent judiciaire.

b.b.a. Il ressort de son casier judiciaire français que A______ a été condamné à 20 reprises depuis 2006, à plusieurs reprises pour injure publique ou diffamation envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine, ainsi que provocation à la discrimination nationale, raciale ou religieuse et provocation à la haine ou à la violence en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion. Il a été condamné à des amendes allant de EUR 1'000.- à EUR 20'000.-, à des jours-amende et à trois reprises à plusieurs mois d'emprisonnement avec sursis.

b.b.b. Suite à une condamnation par la cour d'appel de Paris du 17 mars 2011 pour injure publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine, A______ a saisi la CourEDH, laquelle a considéré que l'intéressé tentait de détourner l'art. 10 CEDH de sa vocation en utilisant son droit à la liberté d'expression à des fins contraires au texte et à l'esprit de la CEDH et qui, si elles étaient admises, contribueraient à la destruction des droits et libertés garantis par la CEDH, et a déclaré sa requête irrecevable (arrêt de la CourEDH A______ c. France du 10 novembre 2015 [requête n. 25239/13]).

b.b.c. Il ressort également du casier judiciaire français de A______ que l'intéressé a été condamné le 20 janvier 2017 en Belgique pour calomnie/diffamation dans des réunions ou des lieux publics, l'un des mobiles étant la haine, le mépris ou l'hostilité à l'égard de la victime en raison notamment de sa prétendue race, couleur, origine nationale ou ethnique, ainsi que pour racisme, xénophobie et infraction à la loi sur l'égalité, à une peine d'emprisonnement de deux mois et à une amende de EUR 9'000.-.

D.a. La C______ a conclu à ce que A______ soit condamné à lui verser CHF 1.- symbolique au titre de réparation du tort moral et CHF 18'940.- au titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure.

b. B______ a conclu à ce que A______ soit condamné à lui verser CHF 1.- symbolique au titre de réparation du tort moral et CH 15'502.60 au titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure.

c. A______ a conclu à l'octroi d'une indemnité de CHF 11'850.- pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

 

EN DROIT

Culpabilité

1.1.1. L'art. 261bis al. 4 CP punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque publiquement, par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaisse ou discrimine d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle ou qui, pour la même raison, nie, minimise grossièrement ou cherche à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité.

L'art. 261bis al. 4, 2ème partie CP se rapporte au fait de nier, minimiser grossièrement ou chercher à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité (DUPUIS et al., Petit commentaire du Code pénal, 2ème éd., 2017, n. 57 ad art. 261bis CP). L'auteur doit agir publiquement. Le seul fait de s'adresser à des tiers et non pas directement aux personnes visées ne suffit pas à exclure l'application de l'art. 261bis al. 4 CP (Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 58-59 ad art. 261bis CP). Il découle du caractère notoire et incontestable du génocide des juifs par les nazis qu'il n'a plus à être prouvé dans le procès pénal (arrêt du Tribunal fédéral 6B_398/2007 du 12 décembre 2007 consid. 3.4.3). Le fait de nier l'existence des chambres à gaz à Auschwitz constitue une négation d'une partie importante de l'Holocauste (arrêt du Tribunal fédéral 6B_398/2007 du 12 décembre 2007 consid. 6).

S'agissant des éléments constitutifs subjectifs, l'infraction est intentionnelle mais le dol éventuel suffit. Le comportement de l'auteur doit être dicté par des mobiles de haine ou de discrimination raciale. L'acte doit s'expliquer principalement par l'état d'esprit de l'auteur, qui déteste ou méprise les membres d'une race, d'une ethnie ou d'une religion (Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 80-81 ad art. 261bis CP).

Le mobile discriminatoire est pratiquement intrinsèque à toute tentative de justifier un génocide ou un autre crime contre l'humanité fondés sur l'appartenance raciale, ethnique ou religieuse des victimes, car un tel comportement implique nécessairement une forme d'approbation de telles atrocités et des idéologies qui les inspirent. Une telle déduction ne saurait en revanche être tirée en présence de la négation ou de la minimisation d'un génocide ou d'un autre crime contre l'humanité et il convient dès lors d'examiner les circonstances de chaque cas d'espèce, même si de tels comportements ne laissent que peu de place à des mobiles "respectables". Cependant, la jurisprudence a implicitement admis un tel automatisme et considéré comme acquis l'existence d'un mobile discriminatoire dans l'affaire dite du "mensonge d'Auschwitz" qui représente aujourd'hui l'expression d'un antisémitisme extrême. Celui qui conteste ou remet en question l'existence des chambres à gaz dans le contexte de l'extermination des juifs par le régime national-socialiste donne, à tout le moins implicitement, l'impression que ce régime n'était pas pire que d'autres et qu'il a fait en réalité beaucoup moins de victimes que ce que l'on pense. Il porte une accusation plus ou moins voilée de falsification de l'Histoire en faisant croire à une conjuration qui profiterait aux victimes elles-mêmes. Celui qui s'en prend à l'existence des chambres à gaz est donc en principe guidé par un mobile discriminatoire (ATF 145 IV 23 consid. 4.3 et les références citées, JdT 2019 IV 107; arrêt du Tribunal fédéral 6B_350/2019 du 29 mai 2019 consid. 1.3 et les références citées).

1.1.2. La liberté d'opinion et d'expression est garantie par les art. 16 Cst. et 10 CEDH. A l'instar des autres droits fondamentaux, cette liberté n'a toutefois pas une valeur absolue. Des restrictions peuvent y être apportées si elles sont fondées sur une base légale, sont justifiées par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et demeurent proportionnées au but visé (art. 36 Cst. et art. 10 § 2 CEDH).

Lors de l'interprétation de l'art. 261bis CP, le juge doit tenir compte de la liberté d'opinion. Il ne saurait notamment apporter une trop grande restriction à celle-ci et rendre intouchable certains groupes humains, en interdisant toute critique à leur égard. Seules des critiques heurtant directement le principe de la dignité humaine et celui d'égalité pourront légitimement limiter la liberté d'opinion (arrêt du Tribunal fédéral 6S.148/2003 du 16 septembre 2003).

Dans l'arrêt PERINÇEK c. Suisse du 15 octobre 2015 [requête n. 27510/08], la CourEDH s'est prononcée sur une condamnation à raison de discrimination raciale au sens de l'art. 261bis al. 4 CP relative à la négation du génocide arménien, la considérant contraire à l'art. 10 CEDH car non nécessaire dans une société démocratique pour la protection de la réputation et des droits d'autrui, autrement dit disproportionnée. Dans ce cadre, la CourEDH a établi une série de critères d'appréciation des restrictions à cette liberté, notamment l'absence de consentement entre les Etats contractants en ce qui concerne l'incrimination de la négation de tout génocide et l'absence d'obligations internationales à cet égard (ATF 145 IV 23 consid. 5.2, JdT 2019 IV 107).

La CourEDH a été saisie de plusieurs requêtes portant sur la négation de l'Holocauste et sur d'autres propos concernant les crimes nazis, déclarées irrecevables (arrêts de la CourEDH WITZSCH c. Allemagne du 20 avril 1999 [requête n. 41448/98]; SCHIMANEK c. Autriche du 1er février 2000 [requête n. 32307/96]; GARAUDY c. France du 24 juin 2003 [requête n. 65831/01]; WITZSCH c. Allemagne du 13 décembre 2005 [requête n. 7485/03]; GOLLNISCH c. France du 7 juin 2011 [requête n. 48135/08]). Ces affaires concernaient des propos niant de différentes façons l'existence des chambres à gaz, qualifiant celles-ci d'"imposture" et l'Holocauste de "mythe", appelant leur évocation le "business de la Shoah", des "mystifications à des fins politiques" ou de la "propagande", ou contestant le nombre de personnes tuées et disant de manière ambiguë que les chambres à gaz étaient une question qui relevait des historiens.

Dans l'affaire A______ c. France du 10 novembre 2015 [requête n. 25239/13], la CourEDH a considéré que le requérant ne pouvait prétendre avoir agi en qualité d'artiste ayant le droit de s'exprimer par le biais de la satire, de l'humour et de la provocation. Dans cette valorisation du négationnisme à travers la place centrale donnée à l'intervention de F______ et dans la mise en position avilissante des victimes juives des déportations face à celui qui nie leur extermination, la CourEDH a vu une démonstration de haine et d'antisémitisme, ainsi que la remise en cause de l'Holocauste, et a conclu que l'expression d'une idéologie allant à l'encontre des valeurs fondamentales de la CourEDH, à savoir la justice et la paix, ne relevait pas la protection de l'art. 10 CEDH.

1.2. En l'espèce, il convient de déterminer si, en déclarant publiquement lors de son spectacle "En Vérité" que "les chambres à gaz n'ont jamais existé", le prévenu s'est rendu coupable de discrimination raciale au sens de l'art. 261bis al. 4 CP.

1.2.1. A toutes fins utiles, le Tribunal relève que le prévenu est seul responsable des propos qu'il tient, peu importe que ce soit en jouant le rôle d'un personnage sur scène ou ailleurs.

1.2.2. Objectivement, il est établi (point b.h. supra) que la phrase "les chambres à gaz n'ont jamais existé" ne peut être comprise autrement que comme la négation de l'existence des chambres à gaz durant la Seconde Guerre Mondiale.

1.2.3. Du point de vue subjectif, l'intention du prévenu a porté sur tous les éléments objectifs de l'infraction, à savoir sur le fait qu'il a tenu des propos niant l'existence des chambres à gaz, sur le fait qu'il les a prononcés en public et sur l'interprétation qu'allait en faire son public. Au vu des éléments retenus ci-dessus (point b.h.), l'intention du prévenu n'était à l'évidence pas de dénoncer l'instrumentalisation de la Shoah par les associations juives, ni de critiquer la politique de l'Etat d'Israël.

Selon la jurisprudence susmentionnée, le mobile discriminatoire est pratiquement intrinsèque à toute tentative de justifier un génocide, et ce notamment dans les cas de contestation ou de remise en question de l'existence des chambres à gaz dans le contexte de l'extermination des Juifs par le régime national-socialiste.

Dans le cas d'espèce, compte tenu de ses précédentes déclarations du même ordre, des propos tenus au début de son spectacle, de ses prises de positions et de l'absence de tout caractère humoristique de ces propos dans le cadre du sketch de l'avion en perdition, il est établi que le prévenu était mu par un mobile discriminatoire.

1.2.5. Par conséquent, le prévenu sera reconnu coupable de discrimination raciale au sens de l'art. 261bis al. 4 CP.

1.2.6. S'agissant de l'examen des art. 16 Cst. et 10 CEDH, il va de soi que le prévenu bénéficie du droit fondamental à la liberté d'expression et d'opinion et qu'une condamnation pour discrimination raciale en raison d'une phrase prononcée lors d'un spectacle représente une ingérence dans l'exercice de ce droit.

Cependant, force est de constater qu'une telle ingérence est prévue par une base légale, soit l'art. 261bis CP, et justifiée par un intérêt public important, à savoir la dignité des personnes de confession juives ainsi que la paix publique. Elle est également nécessaire à la sauvegarde de cet intérêt public, en tant que le fait de remettre en question l'existence des chambres à gaz durant la Seconde Guerre Mondiale, même dans le cadre d'un spectacle dit humoristique, s'assimile à une critique heurtant directement le principe de la dignité humaine.

Par conséquent, la condamnation du prévenu pour discrimination raciale ne viole pas sa liberté d'expression et d'opinion.

2.1. Celui qui, de toute autre manière, aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur sera, sur plainte, puni d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus (art. 177 al. 1 CP).

Les éléments constitutifs de l'injure sont une atteinte à l'honneur, une forme d'injure et l'intention, le dol éventuel étant suffisant (Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 5-6 ad art. 177 CP).

L'infraction d'injure réprime tout acte qui, d'une autre manière que la diffamation et la calomnie, aura porté atteinte à l'honneur d'un tiers. Elle réprime de ce fait trois formes d'atteinte à l'honneur: un jugement de valeur offensant, une injure formelle et un fait attentatoire à l'honneur allégué en s'adressant au lésé (Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 7 ad art. 177 CP).

Le Tribunal fédéral a jugé que le terme "vaffanculo" constituait une injure formelle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_794/2007 du 14 avril 2008).

2.2. Il est établi (point c.e. supra) que le prévenu a dit: "Il faut leur dire d'aller se faire enculer à la C______ !". D'après la jurisprudence, certes ancienne car datant de 2008, l'expression "allez vous faire enculer", traduction française de "vaffanculo", constitue une injure formelle. Quand bien même le langage courant a pu changer et se relâcher depuis 2008, cette expression reste de toute évidence injurieuse. Le fait d'utiliser la forme directe ("allez vous faire enculer") ou indirecte ("il faut leur dire d'aller se faire enculer") n'y change rien.

Certes, le prévenu avait des raisons d'être exaspéré par le fait que la C______ le surveille et assiste à ses spectacles dans le but de vérifier s'ils contenaient des propos antisémites, avant de le dénoncer pour ces faits; il pouvait et devait cependant exprimer son mécontentement de façon non injurieuse. Il a agi intentionnellement.

Partant, le prévenu sera reconnu coupable d'injure au sens de l'art. 177 al. 1 CP.

3.1.1. D'après l'art. 173 ch. 1 CP, celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon, sera, sur plainte, puni d'une peine pécuniaire.

Les éléments constitutifs objectifs de la diffamation sont une atteinte à l'honneuret une communication à un tiers. Sur le plan subjectif, l'infraction implique l'intention, mais le dol éventuel suffit (Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 4-5 et 22 ad art. 173 CP).

Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 128 IV 53 consid. 1a).

L'analyse de l'allégation attentatoire à l'honneur doit se faire de façon objective, soit selon le sens qu'un destinataire non prévenu devait, dans les circonstances de l'espèce, lui attribuer (ATF 119 IV 44 consid. 2a; 118 IV 248 consid. 2b; 117 IV 27 consid. 2c; arrêt du Tribunal fédéral 1B_368/2012 du 13 mai 2013 consid. 4.2).

3.1.2. A teneur de l'art. 173 ch. 2 CP, l'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies.

Si l'allégation litigieuse concerne la commission d'un comportement punissable, la preuve de vérité ne peut se faire qu'en produisant un jugement de condamnation de la personne visée. Ainsi, la preuve de la vérité ne peut être apportée si la victime a été acquittée lors d'une procédure antérieure ou si la poursuite a été interrompue ou abandonnée (Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 32 ad art. 173 CP et les références citées).

Le prévenu est de bonne foi s'il a cru à la véracité de ce qu'il disait. La bonne foi ne suffit cependant pas; encore faut-il que le prévenu ait eu des raisons sérieuses de croire ce qu'il disait. Il doit donc démontrer avoir accompli les actes qu'on pouvait attendre de lui, selon les circonstances et sa situation personnelle, pour contrôler la véracité de ses allégations et la considérer comme établie. Autrement dit, le prévenu doit prouver qu'il a cru à la véracité de ses allégations après avoir fait consciencieusement tout ce que l'on pouvait attendre de lui pour s'assurer de leur exactitude. Il faut se fonder exclusivement sur les éléments dont le prévenu avait connaissance au moment où il a tenu les propos litigieux; il n'est pas question de prendre en compte des moyens de preuve découverts ou des faits survenus postérieurement (ATF 124 IV 149 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 6S.451/2002 du 10 janvier 2003 consid. 2.1).

3.1.3. L'inculpé ne sera pas admis à faire la preuve de la vérité ou de la bonne foi et il sera punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille (art. 173 ch. 3 CP).

La jurisprudence et la doctrine interprètent de manière restrictive les conditions énoncées à l'art. 173 ch. 3 CP. En principe, le prévenu doit être admis à faire les preuves libératoires et ce n'est qu'exceptionnellement que cette possibilité doit lui être refusée (ATF 132 IV 112 consid. 3.1; CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., 2010, n. 54 ad art. 173 CP; RIKLIN, Basler Kommentar Strafgesetzbuch II, N. 20 ad art. 173 StGB). Pour que les preuves libératoires soient exclues, il faut, d'une part, que le prévenu ait tenu les propos attentatoires à l'honneur sans motif suffisant (d'intérêt public ou privé) et, d'autre part, qu'il ait agi principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui. Ces deux conditions doivent être réalisées cumulativement pour refuser les preuves libératoires. Ainsi, le prévenu sera admis aux preuves libératoires s'il a agi pour un motif suffisant – et ce, même s'il a agi principalement pour dire du mal d'autrui – ou s'il n'a pas agi pour dire du mal d'autrui – et ce, même si sa déclaration n'est pas fondée sur un motif suffisant (ATF 132 IV 112 consid. 3.1; 116 IV 31 consid. 3).

3.2.1. En l'espèce, il est établi (point d.e. supra) que le 22 novembre 2019, lors d'une interview donnée sur la chaîne publique Youtube de H______ , le prévenu a traité B______ de menteur, de raciste et de malhonnête.

Il est également établi que le prévenu a prononcé ces mots en réaction à l'interview de B______ sur Radio______ le 18 novembre 2019, dans laquelle ce dernier l'accusait notamment de faire la promotion du terrorisme lors de chacun de ses spectacles et de faire partie de la fachosphère qui alimente les réseaux complotistes conspirationnistes, lesquels soutiennent des actions terroristes.

3.2.2. Les propos tenus par le prévenu sont objectivement et indiscutablement attentatoires à l'honneur, dans la mesure où ils font apparaître B______ comme une personne méprisable. Ils ont été communiqués à des tiers, puisqu'ils ont été diffusés sur une chaîne publique Youtube. Objectivement, les propos tenus par le prévenu sont constitutifs de diffamation. En outre, le prévenu a agi intentionnellement.

3.2.3. Les conditions restrictives qui permettraient de refuser au prévenu de tenter de faire la preuve de la vérité ou de la bonne foi ne sont pas réalisées. En effet, aucun élément matériel du dossier ne permet de retenir qu'il aurait agi sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant et principalement dans le dessein de dire du mal de B______ . Au contraire, il apparaît que le prévenu a agi en réaction à des propos tenus par B______ à son encontre, soit dans son propre intérêt, afin de se défendre contre des propos qu'il a jugé défavorables. Il n'a ainsi pas agi principalement dans le but de dire du mal de B______ , mais plutôt pour se défendre. A toutes fins utiles, il sera relevé que les propos tenus par le prévenu au sujet de B______ n'ont pas trait à la vie de famille ou à la vie privée de ce dernier.

3.2.4. En ce qui concerne la preuve de la vérité, le Tribunal relève que l'allégation de "raciste", prononcée par le prévenu au sujet de B______, dénonce un comportement susceptible de tomber sous le coup de la loi pénale, plus précisément l'art. 261bis CP. Or, force est de constater que le prévenu ne dispose pas d'un jugement condamnant B______ pour discrimination raciale. Ainsi, en ce qui concerne l'usage du terme "raciste", le prévenu a échoué à faire la preuve de la vérité.

S'agissant des autres allégations reprochées au prévenu, la procédure ne contient aucun élément permettant de retenir que B______ est véritablement un menteur et un malhonnête. Le prévenu n'a donc également pas apporté la preuve de la vérité s'agissant de ces mots.

3.2.5. S'agissant de la preuve de la bonne foi, il s'agit de déterminer si le prévenu avait des raisons sérieuses de croire que B______ était un raciste, un menteur et/ou un malhonnête, et s'il tenait effectivement pour vraies ses allégations, étant précisé que le prévenu a prononcé ces allégations suite aux propos tenus à son encontre par B______ sur Radio______.

3.2.5.1. Aucun élément matériel du dossier ne permet sérieusement de retenir que le prévenu aurait fait la promotion du terrorisme lors de chacun de ses spectacles, ni qu'il fréquenterait des groupes terroristes libanais ou iraniens ou qu'il soutiendrait des actions terroristes d'une autre manière. La seule phrase "je me sens Charlie COULIBALY", pour laquelle le prévenu a été condamné en France, ne permet pas encore de retenir qu'il soutiendrait inconditionnellement et en tout temps le terrorisme.

Le prévenu avait des raisons sérieuses de croire ce qu'il disait et de tenir pour vrai le fait qu'en l'accusant de faire la promotion du terrorisme, B______ a menti et a été malhonnête.

Ainsi, s'agissant des allégations de menteur et de malhonnête, le Tribunal retient que le prévenu n'a pas apporté la preuve stricte de la vérité mais a apporté celle de la bonne foi, et l'acquittera donc du chef d'infraction de diffamation pour ces propos.

3.2.5.2. En revanche, s'agissant du terme "raciste", le prévenu n'a apporté aucun élément qui permettrait de retenir que B______ aurait tenu des propos racistes ou adopté des attitudes racistes, ni à son égard, ni à l'égard des Africains en général.

Le prévenu n'a donc pas apporté la preuve de la bonne foi s'agissant du terme "raciste" prononcé à l'égard de B______. Comme expliqué supra (consid. 3.2.4), il n'a pas non plus apporté la preuve de la vérité s'agissant de ce propos.

3.2.6. Par conséquent, le prévenu sera reconnu coupable de diffamation pour avoir traité B______ de raciste (art. 173 ch. 1 CP), mais sera acquitté de cette même infraction pour avoir dit de B______ qu'il était un malhonnête et qu'il proférait des mensonges (art. 173 ch. 2 CP).

Peine

4.1.1. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravite de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerne, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

4.1.2. Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lie par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).

4.1.3. A teneur de l'art. 34 al. 1 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.

En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3000.- au plus. Il peut exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, être réduit jusqu'à CHF 10.-. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).

4.1.4. En ce qui concerne l'infraction d'injure, l'art. 177 al. 2 CP dispose que le juge pourra exempter le délinquant de toute peine si l'injurié a directement provoqué l'injure par une conduite répréhensible.

Si l'injurié a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait, le juge pourra exempter de toute peine les deux délinquants ou l'un d'eux (art. 177 al. 3 CP).

4.2. En l'espèce, la faute du prévenu est importante. Il a porté atteinte à la dignité humaine et à la paix publique, heurtant les principes essentiels d'une société fondée sur le respect de l'être humain, de même qu'à l'honneur de B______.

Hormis son mépris des personnes de confession juive, soit un mobile égoïste, on ne voit pas ce qui aurait pu animer sa volonté.

Le prévenu a agi à plusieurs reprises, notamment lors de représentations devant un public. Le fait d'être une personnalité connue, qui bénéficie de l'écoute inconditionnelle de ses fans, et donc susceptible de les faire adhérer à ses opinions, vient alourdir sa faute.

Ni sa situation personnelle, ni ses origines ne sauraient expliquer ses actes. De toute évidence, il est contestable de hiérarchiser la douleur des divers peuples touchés par des génocides ou par l'esclavage et il est regrettable que certaines associations de défense des victimes bénéficient de plus de moyens financiers que d'autre, dans la mesure où cela conduit forcément à une visibilité plus importante de certains génocides. Le soutien de la C______ à l'Etat d'Israël, de même que la politique de cet Etat, sont en elles-mêmes susceptibles de faire l'objets de critiques; cependant, de telles positions ne sauraient autoriser le prévenu, sous couvert d'un spectacle humoristique, à minimiser l'immense souffrance du peuple juif et à nier l'existence des chambres à gaz.

S'agissant d'une hypothétique exemption de peine pour l'infraction d'injure, plaidée par le conseil du prévenu, le Tribunal relève en premier lieu qu'on ne saurait considérer que la C______ aurait adopté une conduite répréhensible ou blâmable en déposant la dénonciation pénale début février 2019, et que dite dénonciation ne contient pas de termes injurieux à l'égard du prévenu, étant précisé qu'il n'est de plus pas établi que ce dernier aurait riposté à cette dénonciation, et encore moins qu'il aurait riposté immédiatement. En deuxième lieu, l'injure ne peut pas être consécutive aux propos de B______ de novembre 2019, puisque ceux-ci sont postérieurs au spectacle du 28 juin 2019. En dernier lieu, il ne ressort pas que la C______ aurait riposté immédiatement à cette injure par une autre injure. Par conséquent, le prévenu ne peut bénéficier ni de l'exemption de peine prévue par l'art. 177 al. 2 CP, ni de celle prévue par l'art. 177 al. 3 CP.

La collaboration du prévenu a été sans particularité.

Sa prise de conscience est inexistante. Bien loin de se remettre en question, il minimise la gravité de ses agissements et se victimise.

Il y a concours d'infractions, facteur aggravant de la peine.

Au vu des éléments qui précèdent, le Tribunal prononcera une peine pécuniaire de 180 jours-amende.

Le montant du jour-amende sera arrêté à CHF 170.- l'unité, compte tenu des revenus allégués par le prévenu, étant relevé qu'il n'a produit aucun document permettant d'établir avec exactitude ses revenus et charges.

Le prévenu n'a pas d'antécédent judiciaire en Suisse. Cependant, il a de nombreux antécédents spécifiques en France. Il est vrai que les antécédents inscrits au casier judiciaire français sont relativement anciens. Toutefois, ces antécédents, cumulés à l'absence de prise de conscience et aux termes injurieux tenus par le prévenu à l'encontre de la C______ peu après avoir émis des propos négationnistes, fondent un pronostic défavorable. Le sursis ne lui sera par conséquent pas octroyé.

Prétentions civiles

5.1.1. A teneur de l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.

5.1.2. Conformément à l'art. 122 al. 1 CPP, les prétentions civiles que peut faire valoir la partie plaignante sont exclusivement celles qui sont déduites de l'infraction. Cela signifie que les prétentions civiles doivent découler d'une ou plusieurs infractions qui figurent dans l'acte d'accusation élaboré par le ministère public en application de l'art. 325 CPP. La plupart du temps, le fondement juridique des prétentions civiles réside dans les règles relatives à la responsabilité civile des art. 41ss CO (arrêts 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 6.1.; 6B_486/2015 du 25 mai 2016 consid. 5.1. et les références citées).

5.1.3. Lorsque le lésé présente ses prétentions civiles dans le cadre de la procédure pénale, les dispositions du droit civil s'appliquent, en particulier les art. 8 CC et 42 al. 1 CO s'agissant de la preuve du dommage qui incombe au demandeur, la reconnaissance de la qualité de partie plaignante dans une procédure ne l'exonérant pas de son obligation d'apporter la preuve de son dommage (arrêt 6B_586/2011 du 7 février 2012 consid. 7.2.2.).

5.1.4. Selon l'art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.

L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne, dans ces circonstances, s'adresse au juge pour obtenir réparation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1021/2018 du 19 décembre 2018 consid. 1.1).

5.2. En l'espèce, la diffamation et l'injure subies par les parties plaignantes constituent des atteintes illicites à leur personnalité. Cependant, la gravité toute relative de ces atteintes ne justifie pas de réparation morale, dès lors qu'il n'est ni établi, ni objectivement soutenable que les parties plaignantes auraient subi de graves souffrances physiques ou psychiques consécutives aux atteintes subies.

Par conséquent, les parties plaignantes seront déboutées de leur conclusions civiles en réparation du tort moral.

Frais et indemnités

6.1. Le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné (art. 426 al. 1 CPP).

A teneur de l'art. 426 al. 2 CPP, même lorsque le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile sa conduite.

6.2. En l'espèce, compte tenu du verdict de culpabilité – l'acquittement ne portant que sur un point mineur – les frais de la procédure, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.-, seront entièrement mis a la charge du prévenu (art. 9 al. 1 let. d du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP; E 4.10.03]).

7.1.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu qui est au bénéfice d'une ordonnance de classement ou qui est acquitté totalement ou en partie a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

L'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure pénale ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP).

7.1.2. L'art. 430 al. 1 let. a CPP est le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais. La question de l'indemnisation doit être traitée après celle des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation. Ainsi, si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1258/2018 du 24 janvier 2019 consid. 3.1; 6B_474/2018 du 17 décembre 2018 consid. 2.2; 6B_472/2018 du 22 août 2018 consid. 1.1).

7.2. En l'espèce, le prévenu ayant été condamné au paiement des frais de procédure, ses conclusions en indemnisation seront rejetées, en application de la jurisprudence susmentionnée.

8.1.1. L'art. 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b).

L'al. 2 prévoit que la partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s'acquitte pas de cette obligation, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande.

8.1.2. La partie plaignante obtient gain de cause au sens de l'art. 433 al. 1 CPP si les prétentions civiles sont admises et/ou lorsque le prévenu est condamné.

8.1.3. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre ainsi les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat (ATF 139 IV 102 consid. 4.1). En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense raisonnable du point de vue de la partie plaignante (ATF 139 IV 102 consid. 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_524/2017 du 22 novembre 2017 consid. 2.1; 6B_864/2015 du 1er novembre 2016 consid. 3.2; 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.3).

Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv; RS/GE E 6 10), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. Sur cette base, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire allant de CHF 400.- à CHF 450.- pour un chef d'étude, de CHF 350.- pour les collaborateurs et de CHF 150.- pour les stagiaires (AARP/38/2018 du 26 janvier 2018 consid. 7).

8.2. En l'espèce, à la lecture des time-sheet et notes d'honoraires produites par le conseil des parties plaignantes, il n'est pas possible de déterminer quelle partie de l'activité a trait aux plaintes de B______ et de la C______ et laquelle a trait aux dénonciations de la C______. En outre, le Tribunal relève que certains postes de ces notes d'honoraires sont excessifs au vu de la complexité toute relative des plaintes déposées par B______ et la C______, abstraction faite des dénonciations de cette dernière. En effet, en regard de ce qui précède, le temps passé à la rédaction de ces plaintes pénales est disproportionné, étant au passage relevé que nul n'était besoin de produire les innombrables documents relatifs à la biographie du prévenu. A cela s'ajoute que les très nombreux courriers, e-mails, téléphones et séances internes ne peuvent être intégralement considérés comme des démarches nécessaires et adéquates pour la défense raisonnable du point de vue de la partie plaignante, de sorte que ces postes doivent être fortement réduits.

Pour ces raisons, le Tribunal fixera les indemnités dues aux parties plaignantes ex aequo et bono et retiendra un total de 13h30 d'activité d'avocat par plaignant (soit 3 heures de conférence avec le client, 2 heures de rédaction de plainte, 1 heure d'audience au Ministère public, 2 heures comprenant les échanges par téléphone, courrier et courriel avec le client, 2 heures de préparation d'audience de jugement et 3 heures et demi d'audiences de jugement, soit la durée totale des audiences divisée par deux). Sur ces 13h30 par plaignant, 7h30 seront indemnisées au tarif horaire de CHF 350.- (collaborateur) et 6h au tarif horaire de CHF 450.- (chef d'Etude), ceci dans un esprit de simplification, vu qu'il est impossible pour le Tribunal d'attribuer chaque activité à un intervenant déterminé. Il conviendra ensuite d'ajouter 3% pour les frais administratifs, ainsi que la TVA à 7.7%.

Au vu de ce qui précède, le prévenu sera condamné à verser à chaque plaignant CHF 5'907.10 à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare A______ coupable de discrimination raciale (art. 261bis al. 4 CP), de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et d'injure (art. 177 al. 1 CP).

Acquitte A______ de diffamation pour les termes malhonnête et menteur (art. 173 ch. 2 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 170.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______(art. 429 CPP).

Déboute la C______ et B______ de leurs conclusions civiles en réparation de leur tort moral (art. 49 CO).

Condamne A______ à verser à la C______ CHF 5'907.10, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ à verser à B______ CHF 5'907.10, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'225.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

La Greffière

Karin CURTIN

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

Vu l'annonce d'appel formée par le prévenu et par B______ , laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP).

LE TRIBUNAL DE POLICE

Condamne A______à payer un émolument complémentaire de CHF 1'000.- à l'Etat de Genève.

La Greffière

Karin CURTIN

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

1050.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

90.00

Frais postaux (convocation)

CHF

35.00

Emolument de jugement

CHF

1000.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

Emolument de jugement complémentaire

Total

CHF

CHF

CHF

2225.00

1000.00

3'225.00

==========

 

Notification à A______, soit pour lui à son conseil

Par voie postale

 

Notification à la C______, soit pour lui à son conseil

Par voie postale

 

Notification à B______, soit pour lui à son conseil

Par voie postale

 

Notification au Ministère public

Par voie postale