Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/742/2025 du 07.07.2025 ( OCPM ) , REJETE
ATTAQUE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 14 juillet 2025
| ||||
dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Monsieur A______, né le ______ 1975, est ressortissant du Kosovo.
2. Le 27 septembre 2018, M. A______ a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) d’une demande de régularisation de ses conditions de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité, en application de l’« opération Papyrus ».
3. Par courrier reçu le 9 octobre 2018, il a transmis à l’OCPM un formulaire M indiquant une arrivée en Suisse en 2007.
À l’appui de sa requête, il a notamment fourni un extrait de son casier judiciaire, des attestations de l’office des poursuites et de l’Hospice général (ci-après : HG), deux attestations de travail de B______ SA datées des 15 décembre 2008 et 20 décembre 2010, indiquant qu’il avait travaillé pour elle onze mois en 2008 et onze mois en 2010, un contrat de travail à durée indéterminée de C______ Sàrl daté du 3 janvier 2007, un extrait de compte individuel de la caisse de compensation mentionnant des cotisations en 2004 (deux mois), 2007 (neuf mois), 2009 (douze mois), 2011 (cinq mois), 2012 (deux mois ), 2013 (deux mois ), 2014 (quatre mois), 2015 (deux mois), 2016 (deux mois), 2017 (douze mois), quatre lettres « engageantes » de tiers attestant le connaître depuis 2008 ou 2010, un abonnement téléphonique D______ datant du 22 novembre 2006, une confirmation de logement de Monsieur E______ du 9 septembre 2018, un formulaire M dûment complété, un certificat de langue française niveau A2 du 30 août 2018.
4. Le 25 juillet 2019, l’OCPM a invité M. A______ à lui transmettre le formulaire OCIRT, une déclaration par laquelle il attestait n’avoir pas déposé de demande d’autorisation de séjour dans un pays de l’UE/AELE, une attestation récente de non-poursuite, une attestation récente de non-assistance de l’HG, une attestation de niveau A2 du Cadre européen commun de référence (CECR) , une copie du contrat de travail le liant à C______ Sàrl et des justificatifs de résidence pour l’année 2010. Un délai de 30 jours lui a été imparti pour transmettre les documents requis.
5. Le 16 août 2019, suite à la réception des documents sollicités et après examen du dossier, l’OCPM a transmis son dossier au Secrétariat d’État aux migrations
(ci-après : SEM) avec un préavis favorable.
6. Le 3 mars 2020, le SEM a renvoyé le dossier de l’intéressé à l’OCPM pour nouvel examen.
7. Le 10 mars 2020, en réponse à un courriel du même jour de M. A______, l’OCPM a informé ce dernier que, conformément à l’explication du SEM, son dossier faisait actuellement l’objet d’un examen complémentaire au sein de leur cellule Papyrus.
8. Le 4 août 2020, M. A______ a sollicité un visa de retour afin d’être présent, au Kosovo, aux côtés de son épouse, dès le 10 septembre 2020, le terme de sa grossesse étant le 21 septembre 2020, documents médicaux à l’appui.
9. Le même jour, l’OCPM a refusé de lui délivrer le visa de retour sollicité. Dans le contexte actuel, il n’était plus en mesure d’accorder des visas de retour aux personnes dépourvues d’autorisations de séjour. Désormais, et jusqu’à nouvel avis, seules les personnes remplissant strictement les conditions posées par l’art. 21 de l’ordonnance sur l’entrée et l’octroi de visas du 15 août 2018 (OEV-RS 142.204) (titulaires de permis B et C dont le permis était en voie de renouvellement, personnes disposant d’un droit d’octroi d’une autorisation de séjour, personnes dont la demande de régularisation avait déjà été approuvée par le SEM) se verraient octroyer un visa de retour.
10. Le 18 décembre 2020, M. A______ a sollicité un visa de retour à l’OCPM pour la semaine suivante. À l’appui de sa demande, il a transmis copie de l’acte de naissance de son fils, F______, né au Kosovo, le 24 septembre 2020.
11. Le même jour, l’OCPM a refusé de lui délivrer le visa de retour sollicité, en rappelant la motivation déjà développée en date du 4 août 2020.
12. Le 9 février 2021, M. A______ a sollicité un visa de retour. Il souhaitait voir son épouse et ses enfants, en particulier son fils né le ______ 2020 qu’il n’avait pas encore vu depuis sa naissance.
13. Le lendemain, l’OCPM lui a accordé un visa de retour pour une durée de deux mois. Les conditions de l’art. 21 al. 2 OEV n’étaient pas réalisées. Cependant, à compter du 1er février 2021, sa pratique était d’accorder un unique visa de retour annuel valable deux mois aux personnes ayant déposé une demande de régularisation de leurs conditions de séjour dont l’instruction du dossier était en cours, ainsi qu’aux personnes à l’endroit desquelles il avait rendu une décision d’octroi/de renouvellement de leur autorisation de séjour (de courte durée) avec renvoi de Suisse, pour autant que celle-ci ne soit pas exécutoire. Toute demande de visa supplémentaire, quel qu’en était le motif, même s’il était grave ou urgent, ne pouvait donner lieu qu’à l’octroi d’une carte de sortie.
14. Le 5 juin 2023, l’OCPM a refusé la nouvelle demande de visa de retour déposée par M. A______ le 3 juin 2023. Les conditions de l’art. 21 OEV n’étaient pas satisfaites.
15. Les 4 septembre, 31 octobre 2023 et 12 février 2024, l’OCPM a refusé les demandes de visa de retour déposées par M. A______ au motif que les conditions de
l’art. 21 OEV n’étaient pas remplies.
16. Le 21 mars 2024, M. A______ a requis de l’OCPM que son état civil soit modifié afin qu’il indique marié, certificat de mariage à l’appui.
17. Le 17 avril 2024, l’OCPM a requis de M. A______ la transmission du formulaire M ainsi que la copie de ses trois dernières fiches de salaire.
18. Le 30 avril 2024, M. A______ a transmis à l’OCPM le formulaire M, copies de son passeport, de son certificat de mariage et de son acte de naissance au Kosovo, un extrait de casier judiciaire suisse vierge, des décomptes d’indemnités journalières pour les mois de janvier à mars 2024, une attestation de domicile, son contrat de bail à loyer, une attestation de non-poursuite, ainsi qu’un courriel du 17 avril 2024 indiquant qu’il n’était pas connu de l’HG.
19. Le 15 mai 2024, l’OCPM a demandé à Monsieur G______, en sa qualité d’ancien directeur de B______ SA, de confirmer l’authenticité des documents joints, ainsi que l’exactitude des informations mentionnées.
20. Le 15 mai 2024, l’office cantonal des assurances sociales a adressé à l’OCPM un extrait du compte individuel de M. A______.
21. Le 27 juin 2024, l’OCPM a refusé la demande de visa de retour déposée la veille par M. A______ au motif que les conditions de l’art. 21 OEV n’étaient pas remplies.
22. Le 22 juillet 2024, l’OCPM a fait part à M. A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande de régularisation déposée le 28 septembre 2018 et, par conséquent, de refuser de soumettre son dossier avec un préavis favorable au SEM. Il lui a imparti un délai de 30 jours pour faire valoir, par écrit, son droit d’être entendu.
Il avait été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève le 3 décembre 2024 pour séjour illégal. À cette occasion, il avait indiqué résider au chemin J______, en France, où une interdiction d’entrée en Suisse lui avait été envoyée. Le 9 octobre 2018, il avait fourni un formulaire M indiquant une date d’arrivée en Suisse en 2007. À l’appui de sa demande de régularisation, il avait fourni divers documents, notamment un formulaire Papyrus dans lequel il avait indiqué séjourner sur le territoire helvétique depuis 2004.
Il était constaté, à teneur des pièces produites, que son extrait de compte AVS faisait état de cotisations partielles tout du moins en 2017. Ces dernières démontraient une activité de trois mois environ par année en 2009 et entre 2011 et 2016. S’ajoutaient à cela ses nombreux voyages effectués durant cette période avec et sans visa valable dont l’obtention d’un visa italien en 2009, danois en 2011 et tchèque en 2014, ainsi que la naissance de ses enfants les 26 mai 2008, 27 juin 2010 et 25 décembre 2012 notamment. Il était rappelé qu’il avait été interpellé à la frontière de l’aéroport de Genève le 16 août 2014 pour séjour illégal et qu’à cette occasion, il avait indiqué résider en France. Son mariage avait en outre été célébré au Kosovo en 2015.
Dans ces circonstances, sa situation ne répondait pas aux critères de l’« opération Papyrus », ni aux critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité, au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), notamment un séjour prouvé et continu de dix ans minimum à Genève pour une personne célibataire et sans enfants scolarisés. En effet, au vu des cotisations susmentionnées, il était considéré que son cas relevait du travailleur saisonnier et que son installation de manière durable sur le territoire helvétique ne s’était pas faite avant l’année 2017. Ainsi, il ne comptabilisait que huit années de séjour en Suisse.
De plus, il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable ni qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales et sanitaires ou scolaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place.
Sur le plan professionnel, il était constaté qu’il exerçait une activité lucrative auprès de C______ Sàrl en tant que jardinier depuis de nombreuses années. Aussi, quand bien même il était relevé que son intégration personnelle n’était pas à négliger, il ne pouvait se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociales particulièrement marquée au point de devoir admettre qu’il ne puisse quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables.
Il n’avait pas non plus créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu’il ne puisse plus raisonnablement envisager un retour au Kosovo, étant précisé que, lors de ses multiples retours plus ou moins durables au Kosovo, il y avait fondé une famille, soit une épouse et quatre enfants, sans aucune garantie d’une éventuelle régularisation en Suisse. Il n’avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles ou qualifications spécifiques telles qu’il ne pourrait plus les mettre en pratique au Kosovo, ce d’autant plus que son expérience acquise en Suisse pourrait être mise à profit dans son pays d’origine.
23. Dans ses déterminations du 12 septembre 2024, M. A______, sous la plume de son conseil, a fait valoir que toutes les conditions de l’« opération Papyrus » étaient remplies. Il était arrivé définitivement en Suisse en 2007, après quelques séjours temporaires auparavant. Depuis cette arrivée définitive, il n’avait cessé de travailler, tant de manière déclarée qu’au noir en raison de sa situation administrative précaire. Son séjour continu depuis son arrivée était d’ailleurs établi grâce à de nombreux documents. Peu d’employeurs souhaitaient déclarer les sans-papiers. Il était donc normal que son extrait de compte soit parfois incomplet. Cela étant, il ressortait de l’extrait joint que l’activité en 2009 concernait douze mois pleins. Pour l’activité entre 2011 et 2016, il n’avait pas travaillé auprès d’un seul employeur et devait subvenir à ses besoins en travaillant de part et d’autre. Seul l’un de ses employeurs l’avait toujours déclaré à l’AVS. Il continuait d’ailleurs de travailler en tant que jardinier, malgré quelques soucis de santé. Il n’était pas pertinent d’évoquer ses voyages dans son pays d’origine dès lors qu’il y retournait uniquement lors de ses vacances. « La naissance de ses enfants et son mariage ne présageaient en rien de conceptions et d’une célébration lors desdites vacances. » Lors de son interpellation par la police le 16 août 2014, il n’avait pas souhaité dire qu’il résidait en Suisse, car il était sans-papiers à ce moment-là et avait donné une résidence abstraite en France. Il n’avait été condamné qu’à une amende pour séjour illégal par négligence en 2014, de sorte que cela ne devait pas être pris en compte comme antécédent délictuel.
Il a produit divers documents à l’appui de ses observations, notamment une copie de son passeport kosovar, un extrait individuel de son compte AVS mentionnant des cotisations, par le biais de son employeur C______ Sàrl, en 2009 (douze mois, en 2011 (cinq mois), en 2012 (deux mois), en 2013 (deux mois ), en 2014 (quatre mois), en 2015 (deux mois), en 2016 (deux mois) et entre 2017-2023 (douze mois de cotisation par année civile), un extrait de compte individuel de la caisse de compensation également mentionnant des cotisations en 2004 (deux mois) et 2007 (neuf mois), quatre attestations de travail émises par l’entreprise vaudoise H______. Entreprise générale (ci-après : H______), datées des 10 août 2014, 30 octobre 2015, 30 août 2016 et 17 décembre 2016, indiquant qu’il y avait travaillé respectivement huit mois en 2014 (du 10 janvier au 10 août), dix mois en 2015 (du 12 janvier au 30 octobre), sept mois et demi en 2016 (du 13 janvier au 30 août) et un mois et demi en 2016 (du 1er novembre au 17 décembre), trois attestations de travail émises par I______ SA (ci-après : I______), datées des 20 décembre 2011, 17 décembre 2012 et 30 octobre 2013, indiquant qu’il y avait travaillé cinq mois en 2011 (du 1er août au 20 décembre), dix mois en 2012 (du 5 mars au 17 décembre), onze mois en 2013 (du 8 janvier au 30 octobre), diverses factures, un extrait de son casier judiciaire vierge daté du 20 mai 2024, une attestation de non-assistance de l’HG datée du 11 septembre 2024, son extrait du registre des poursuites vierge daté du 11 septembre 2024, son contrat de travail avec C______ Sàrl du 1er septembre 2019, sa police d’assurance LAMal du 1er février 2019 et un rapport des HUG daté du 8 juillet 2022.
24. Le 25 septembre 2024, l’OCPM a informé l’intéressé que son attention s’était en particulier tournée vers les diverses attestations établies par H______ et I______. Aussi, il lui était demandé comment il avait obtenu ces documents et pour quelle raison il ne les avait pas transmis avant.
25. Le 27 septembre 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a indiqué avoir obtenu ces documents plusieurs années auparavant, mais ne pas les avoir produits au préalable lors de sa demande initiale au motif que ces sociétés étaient basées dans le canton de Vaud et qu’il pensait que « cela ne servirait pas sa cause ».
26. Le 28 octobre 2024, le dossier de M. A______ a été transmis à la police genevoise.
27. Par décision du 28 octobre 2024, l’OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de régularisation des conditions de séjour de M. A______ et, par conséquent, de soumettre son dossier avec un préavis positif auprès du SEM. Il a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 28 janvier 2025 pour quitter le territoire helvétique et le territoire des États membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen (Liechtenstein, Islande et Norvège), conformément à l’art. 64 al. 1 let. c LEI.
À teneur des documents produits, l’extrait de compte individuel AVS de M. A______ faisait état de cotisations partielles tout du moins jusqu’en 2017. Il apparaissait que ces dernières démontraient une activité de trois mois environ par année en 2009 et entre 2011 et 2016. S’ajoutaient à cela ses nombreux voyages effectués durant cette période avec et sans visa valable dont l’obtention de trois visas étrangers entre 2009 et 2011, puis la naissance de ses trois premiers enfants en 2008, 2010 et 2012 au Kosovo. Ses explications concernant les motifs de ses divers allers-retours au Kosovo pour les vacances étaient insuffisantes, vu les obstacles à surmonter pour revenir en Suisse (obtentions de visas Schengen, passeurs, délais). Il ne faisait aucun doute qu’en retournant au Kosovo, il n’avait aucune garantie de pouvoir revenir en Suisse. À cela s’ajoutait son interpellation en 2014 à la frontière
franco-suisse et son mariage au Kosovo en 2015.
Dans ces circonstances, la situation de l’intéressé ne répondait pas aux critères de l’« opération Papyrus » ni à ceux relatifs à un cas individuel d’extrême gravité au sens des arts. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA, notamment un séjour prouvé et continu de dix ans minimum à Genève pour une personne célibataire et sans enfants scolarisés. En effet, au vu des constatations susmentionnées, son cas relevait du travailleur saisonnier et son installation de manière durable sur le territoire helvétique ne s’était pas faite avant 2017. Il comptabilisait donc seulement huit ans de séjour.
Les attestations de travail établies par H______ et I______, dont il était constaté qu’elles faisaient état de ses emplois durant la période allant de 2011 à 2016 et qu’elles permettaient de combler les périodes d’absence de l’intéressé au jour près, devaient être écartées en raison du manque de crédibilité. Les explications de l’intéressé concernant la transmission de ces pièces six ans après le dépôt de sa demande peinaient à trouver écho. En outre, dites attestations de travail étaient établies à l’identique de B______ SA. H______ avait été radiée en 2019. Quant à I______, deux sociétés ressortaient du registre du commerce vaudois, mais elles n’avaient toutes deux été inscrites que depuis 2018 respectivement 2020, et l’une était en liquidation.
Par ailleurs, M. A______ n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable ni qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Malgré le fait qu’il ait travaillé durant de nombreuses années auprès de C______ Sàrl comme jardinier, il ne pouvait se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point de devoir admettre qu’il ne pouvait quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables.
Il n’avait pas non plus créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu’il ne pouvait plus envisager un retour dans son pays d’origine. Il avait fondé une famille lors de ses multiples retours au Kosovo sans aucune garantie d’une éventuelle régularisation en Suisse. Il n’avait pas acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu’il ne pourrait plus les mettre en pratique dans son pays d’origine.
28. Par acte du 26 novembre 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision. Il a conclu, principalement, à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de lui délivrer l’autorisation de séjour requise, le tout sous suite de frais et dépens, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée à l’OCPM pour nouvelle décision. Préalablement, il a requis l’octroi d’un délai supplémentaire pour compléter son recours, à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de produire son dossier et à son audition.
En substance, il a repris l’argumentation exposée dans ses déterminations du 12 septembre 2024 concernant la constatation inexacte des faits. En outre, l’OCPM se bornait à citer une conclusion prétendument logique concernant la non-obtention de son autorisation de séjour menant au prononcé de son renvoi. Cette motivation sommaire n’était pas satisfaisante, dès lors que la non-obtention de son autorisation de séjour était contestée dans la présente procédure et que malgré le fait qu’il ait encore quelques membres de sa famille au Kosovo, il ne connaissait plus son pays d’origine. Durant ses nombreuses années en Suisse, il avait forgé son caractère et s’était fait aux us et coutumes. Hormis le manque de perspectives professionnelles au Kosovo, les difficultés liées à un éventuel renvoi étaient exacerbées par son long séjour en Suisse. Enfin, le principe de proportionnalité n’était pas respecté en raison des arguments précités.
29. Le 10 décembre 2024, le recourant a complété son acte de recours.
30. Le 17 décembre 2024, il a transmis au tribunal copie du rapport de consultation d’antalgie ambulatoire du 11 juin 2024 des HUG.
Il avait été opéré en mai 2022 d’une fracture B2 au niveau D12-L1. Malgré une rééducation en centre de réadaptation du 20 avril au 11 mai 2022, il avait continué de souffrir de douleurs dorsolombaires intenses, permanentes et non soulagées par la position, ainsi que de crampes aux jambes. Il avait tenté plusieurs approches thérapeutiques (physiothérapie, TENS, infiltrations au Centre K______) sans amélioration durable. Il avait aussi signalé une dysfonction sexuelle survenue après l’accident. L’examen clinique ne révélait pas de déficit neurologique, mais des douleurs à la palpation du dos, en particulier au niveau de la fixation. Une radiographie EOS du 24 juin 2022 avait confirmé l’absence de complication secondaire, une bonne tenue du matériel d’ostéosynthèse et des tassements vertébraux stables. Selon les spécialistes en réadaptation, ses limitations fonctionnelles étaient principalement liées au statut postopératoire. Le pronostic pour la reprise d’une activité physique était jugé défavorable, en raison de facteurs contextuels (kinésiophobie, catastrophisme, mauvaise compréhension du français). Une consultation spécialisée pour les troubles sexuels avait été proposée et la question du retrait du matériel devait être discutée en colloque médical.
31. Dans ses observations du 31 janvier 2025, l’OCPM a conclu au rejet du recours. Il a transmis son dossier.
Le recourant n’avait pas prouvé une durée de séjour ininterrompue de dix ans en Suisse au moment du dépôt de sa demande, excluant ainsi sa régularisation dans le cadre de l’« opération Papyrus ». En effet, comme relevé à l’appui de la décision querellée, plusieurs éléments, tels que le faible montant des cotisations AVS entre 2008 et 2016, la mention d’une adresse en France en 2014, l’obtention de divers visas émis par des États de l’Union Européenne en 2009, 2011 et 2014, son mariage en 2015 et la naissance de ses trois premiers enfants au Kosovo entre 2008 et 2012 démontraient qu’il faisait en réalité des allers-retours entre la Suisse et son pays d’origine.
En outre, indépendamment de la durée de son séjour, il n’avait ni démontré ni allégué avoir tissé des liens particulièrement étroits en Suisse. Dans ce contexte, sa réintégration au Kosovo, où vivaient son épouse et ses quatre enfants et où il avait lui-même passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte, ne devrait pas lui causer des difficultés insurmontables.
Enfin, bien qu’il ait travaillé plusieurs années en Suisse, il ne pouvait se prévaloir d’une intégration professionnelle exceptionnelle ni d’une ascension professionnelle ou l’acquisition de qualifications qu’il ne pourrait mettre en pratique dans son pays d’origine.
32. Le 28 février 2025, le tribunal a transmis au recourant copie d’échanges de courriels datés du 13 février 2025 qui lui avaient été transmis par l’OCPM le 19 février 2025 et lui a imparti un délai au 10 mars 2025 pour se déterminer concernant la suite qu’il entendait donner à son recours et produire tout document utile y relatif.
33. Dans sa réplique du 26 février 2025, le recourant a pris note des arguments amenés par l’OCPM dans ses observations. Il a persisté dans ses conclusions prises dans son acte de recours et ses compléments des 10 et 17 décembre 2024.
34. Le 10 mars 2025, le recourant a informé le tribunal qu’il était parti de manière temporaire pour de très brèves vacances. Par conséquent, l’effet suspensif
(assorti ex lege) au recours ne devait pas être levé étant donné qu’il devait pouvoir revenir en Suisse sans que son séjour effectif en Suisse de plusieurs années ne soit interrompu par un simple voyage.
35. Dans sa duplique du 1er avril 2025, l’OCPM a confirmé qu’aucun départ définitif n’avait été enregistré dans le module eMAP du système d’information Schengen (ci-après : SIS) et que la décision de renvoi était à ce jour suspendue jusqu’à son entrée en force. Pour le surplus, le recourant ne faisait pas valoir d’observations ou de requêtes complémentaires dans le cadre de la présente procédure.
36. Le 14 avril 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions.
37. Par courrier du 30 juin 2025, le tribunal a demandé à l'OCPM de lui adresser un extrait à jour du casier judiciaire suisse du recourant.
38. Par courrier du 3 juillet 2025, reçu le lendemain, l'OCPM a transmis copie du casier judiciaire vierge du recourant.
39. Il ressort néanmoins des données accessibles au tribunal qu'une procédure pénale serait actuellement ouverte, notamment à l'encontre du recourant, et du frère de ce dernier, Monsieur E______, des chefs d'usure (art. 157 CP), incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux et emploi d'étrangers sans autorisation (art. 116 et 117 LEI).
40. Le contenu des pièces sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ;
140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/53/2025 du 14 janvier 2025 consid. 4).
5. Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il incombe à celles-ci d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître. Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a). En effet, il incombe à l’administré d’établir les faits qu’il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu’ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle.
En matière de droit des étrangers, l’art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l’étranger ou des tiers participants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 4.2). Cette obligation a été qualifiée de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu’il s’agit d’éléments ayant trait à la situation personnelle de l’intéressé et qu’il connaît donc mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2).
6. En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2). Selon ce dernier, le juge forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ainsi ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 46 et les arrêts cités).
7. À titre préalable, le recourant requiert son audition.
8. Tel que garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).
Ce droit ne confère par ailleurs pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_483/2023 du 13 août 2024 consid. 2.1 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA)
9. En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises, par écrit, durant la présente procédure, exposant ainsi son point de vue, et de produire toutes les pièces qu’il estimait utiles à l’appui de ses allégués. L’OCPM a aussi répondu à son recours, se prononçant sur les griefs qu’il estimait pertinents pour l’issue du litige. Le recourant s’est, en outre, vu octroyer la possibilité de répliquer, ce qu’il a d’ailleurs fait. Dans ces circonstances, le tribunal estime que sa comparution personnelle n’est pas nécessaire. Enfin, et en tout état, force est de constater que le tribunal dispose d’un dossier complet et des éléments utiles lui permettant de se forger une opinion et de statuer en connaissance de cause.
Il ne sera donc pas donné suite à la demande d’audition sollicitée, cet acte d’instruction n’étant au demeurant pas obligatoire.
10. Le 1er janvier 2019, une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors LEI, est entrée en vigueur.
Selon l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l’ancien droit (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a).
11. En l’occurrence, le recourant a déposé sa requête le 27 septembre 2018. La loi dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 reste donc applicable au présent litige.
12. La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI ; ATF 135 II 1 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4903/2021 du 12 septembre 2024 consid. 4.1), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.
13. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n’a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité.
14. L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).
15. Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral
F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).
16. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).
17. Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées). En particulier, les éventuels inconvénients liés à la recherche d’un logement ou d’un emploi sont des aspects qui touchent la majeure partie des étrangers qui retournent dans leur pays après une absence prolongée à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2024 du 4 novembre 2024 consid. 5.2.3).
La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).
18. La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).
19. S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017).
Ainsi, le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet pas d’admettre un cas personnel d’extrême gravité sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles (ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1).
20. En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).
Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ;
F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).
L’intégration socioculturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ;
C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ;
C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).
21. L’« opération Papyrus » est un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al.1 let. b LEI et 31 OASA) » (cf. communiqué de presse du 21 février 2017 accessible sur Internet à l’adresse suivante : https://www.ge.ch/actualite/operation-« Papyrus »-presentee-aux-medias-21 -02-2017).
Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (« Point de situation intermédiaire relatif à la clôture du projet « Papyrus » » publié par le Conseil d’État en date du 4 mars 2019, cf. https://www.ge.ch/dossier/operation-« Papyrus »).
Les critères objectifs et cumulatifs permettant aux personnes concernées de demander la légalisation de leur séjour selon ce programme étaient les suivants : une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ; une absence de condamnation pénale ; une indépendance financière complète ; un séjour continu de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires.
S’agissant des justificatifs de séjour à Genève, un document par année de séjour était exigé pour les preuves de catégories A (à savoir, extraits AVS, attestations de l’administration fiscale, de scolarité ou de suivi d’un cours de langue à Genève, fiches de salaire, contrats de travail ou de bail, polices d’assurance, abonnements TPG nominatifs, extraits de compte bancaires ou postaux, factures nominatives de médecin, de téléphone ou des SIG). Pour les preuves de catégories B (à savoir, abonnements de fitness, témoignages « engageants » notamment d’enseignants, d’anciens employeurs ou de médecins ou des documents attestant de différentes démarches) trois à cinq documents par année de séjour étaient exigés.
22. La durée prise en considération doit correspondre à un séjour continu. Si une ou deux courtes interruptions annuelles, correspondant par exemple à la durée usuelle de quatre semaines de vacances, sont admissibles, la continuité du séjour en Suisse n’est par contre pas compatible avec des absences répétées ou des allers-retours avec le pays d’origine, notamment lorsqu’aucun emploi ne peut être trouvé en Suisse, ou encore avec des séjours répétés dans d’autres pays pour des motifs familiaux ou professionnels. Dans ces cas, en effet, même lorsque la personne vit la majeure partie du temps en Suisse, cela dénote un mode de vie fondé sur des déplacements selon les opportunités et, quand bien même elle parvient à établir un réseau social en Suisse, on ne peut considérer qu’elle y a vraiment installé son centre de vie et que son départ au bout de plusieurs années constituerait pour elle un véritable déracinement (JTAPI/984/2021 du 27 septembre 2021 consid. 18, confirmé par ATA/191/2022 du 22 février 2022).
23. Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (cf. ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b). Le Tribunal administratif fédéral a précisé, en s’écartant sur ce point de la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice, qu’il se justifiait de restreindre l’application de l’opération « Papyrus » aux personnes étrangères qui en remplissaient la condition temporelle au moment où ce programme était encore en cours (arrêt F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 6.3).
Enfin, il convient de préciser que les critères appliqués dans le cadre de l’opération « Papyrus » étaient les critères prévus dans les dispositions légales en matière de régularisation des cas de rigueur (cf. ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 10b).
24. Celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/543/2022 du 24 mai 2022 consid. 4c).
25. Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).
Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).
26. En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, y compris sous l’angle particulier de « l’opération Papyrus », étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n’est à cet égard pas suffisant, sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.
Ayant déposé sa demande de régularisation et d’autorisation de séjour pour cas de rigueur le 27 septembre 2018, c’est à juste titre que l’autorité intimée l’a examinée sous l’angle des critères de l’« opération Papyrus ». Toutefois, pour bénéficier de ce programme, le recourant devait notamment pouvoir démontrer, au jour du dépôt de sa requête, un séjour continu d’une durée de dix ans ainsi que l’absence de condamnation pénale, pour des faits autres que le séjour illégal et le travail sans autorisation. Or, même à retenir que le recourant serait arrivé en Suisse en 2007, dans l’hypothèse qui lui est la plus favorable, soit onze ans avant le dépôt de sa demande, la continuité de son séjour n’a pas été démontrée. En effet, à l’appui de ses allégués, le recourant a fourni pour toutes preuves ; une attestation de l’office des poursuites et de l’HG, un extrait de son casier judiciaire, un extrait de compte individuel de la caisse de compensation mentionnant des cotisations d’un mois en 2004, de huit mois en 2007, de onze mois en 2009, de quatre mois en 2011, d’un mois en 2012, d’un mois en 2013, 2014, d’un mois en 2015, d’un mois en 2016, de onze mois en 2017, de onze mois en 2018, diverses factures, son contrat de travail avec la société C______ Sàrl du 1er septembre 2019, sa police d’assurance LAMal daté 1er février 2019. Il ressort certes des extraits du compte AVS du recourant des cotisations échelonnées sur plusieurs années entre 2007 et 2023 et de l’extrait de son compte individuel de la caisse de compensations des cotisations entre 2004 et 2018. Toutefois, ces cotisations se limitent à quelques mois par année, en particulier entre 2011 et 2016. Le recourant n’a ainsi pas fourni de preuves concluantes permettant d’établir sa présence en Suisse de manière continue durant cette période. Les attestations de travail produites postérieurement à l’intention de refus, censées combler les lacunes du dossier, sont fortement sujettes à caution : elles reprennent en effet un modèle identique à celui d’attestations précédemment considérées comme douteuses, émanant de sociétés sans trace active durant les années concernées, et ne sont assorties d’aucune pièce corroborante (bulletins de salaire, déductions sociales, correspondance administrative ou médicale, etc.).
Le fait qu’elles n’aient été produites que six ans après le dépôt de la demande affaiblit encore leur force probante. Par ailleurs, l’obtention de plusieurs visas Schengen pendant la période prétendument continue, la célébration du mariage du recourant en 2015 au Kosovo, la naissance de ses trois premiers enfants dans ce pays entre 2008 et 2012, ainsi que la déclaration d’une adresse en France lors de son interpellation en 2014 constituent autant d’indices convergents tendant à démontrer que le recourant n’avait pas encore fixé de manière durable son centre de vie en Suisse avant 2017. Même en tenant compte de certaines explications fournies quant à la difficulté d’être déclaré en tant que travailleur sans statut légal, les pièces produites n’atteignent pas le degré de preuve requis pour établir un séjour continu d’au moins dix ans à la date du dépôt de sa demande de régularisation le 27 septembre 2018.
Partant, faute d’avoir démontré la continuité de son séjour, le tribunal retiendra que la condition de dix ans de séjour continue en Suisse n’était pas remplie au jour du dépôt de sa demande de régularisation. Pour ce motif, le recourant ne peut donc pas obtenir une autorisation de séjour sur la base des critères cumulatifs, stricts et sans dérogation possible, retenus dans le cadre de l’« opération Papyrus ».
Sous l’angle du cas de rigueur, si l’on retient que le recourant est arrivée en Suisse en 2004, soit il y a 21 ans comme vu ci-dessus, la continuité de son séjour depuis lors n’a pas été démontrée. Or, conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, la notion d’intégration rattachée à la durée du séjour implique que la personne concernée implante véritablement son centre de vie en Suisse et qu’elle ne quitte plus ce pays, hormis pour de courts voyages à l’extérieur. Il doit également être relevé que le recourant n’a jamais bénéficié d’un quelconque titre de séjour et que depuis le dépôt de sa demande de régularisation, le 27 septembre 2018, son séjour se poursuit au bénéfice d’une simple tolérance. Il ne peut dès lors tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui doit en l’occurrence être fortement relativisée, pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission. Il doit en outre être relevé qu’arrivé en Suisse à l’âge de 29 ans, le recourant a vécu la majeure partie de son existence dans son pays d’origine, notamment son enfance et son adolescence, périodes essentielles pour la formation de la personnalité, et une grande partie de sa vie d’adulte. Il a en outre manifestement gardé des attaches avec sa patrie, dont il connait parfaitement les us et coutumes, puisqu’y vit sa famille proche, notamment son épouse et ses quatre enfants.
Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire d’évoquer en détail la question de l’intégration socioprofessionnelle du recourant. Le tribunal se contentera d’insister sur le fait, qu’au sens de la jurisprudence rappelée plus haut, seule une intégration exceptionnelle, et non pas le simple fait d’avoir déployé une activité lucrative sans dépendre de l’aide sociale ni accumuler de dettes, peut permettre dans certains cas d’admettre un cas individuel d’extrême gravité malgré que la personne concernée ne séjourne pas en Suisse de manière continue depuis une longue durée. Dans le cas du recourant, quand bien même son intégration serait qualifiée de moyenne sous l’angle socioprofessionnel, elle demeure néanmoins ordinaire et ne correspond pas au caractère exceptionnel rappelé plus haut.
Bien que l’on puisse imaginer que la réintégration du recourant dans son pays d’origine ne sera pas simple, cette circonstance n’apparaît pas, à teneur du recours, liée à des circonstances personnelles, mais bien davantage aux conditions socio-économiques prévalant au Kosovo. Le recourant a de plus toujours des attaches au Kosovo, puisqu’y vivent notamment sa femme et ses quatre enfants, dont deux filles âgées respectivement de 18 ans et 15 ans. Il pourra ainsi compter sur leur soutien, à tout le moins logistique. Partant, il n’apparaît pas que la réintégration du recourant dans son pays d’origine soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement. S’il se heurtera sans doute à quelques difficultés de réadaptation, il ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour lui que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que le recourant n’a pas établi.
Par ailleurs, les diverses expériences professionnelles acquises en Suisse par le recourant ainsi que ses connaissances en langue française pourront constituer des atouts susceptibles de favoriser sa réintégration sur le marché du travail de son pays. Enfin, il faut rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, au vu de son statut précaire en Suisse, le recourant ne pouvait à aucun moment ignorer qu’il risquait d’être renvoyé dans son pays d’origine.
27. Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la LEI ni excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en rejetant la demande de régularisation des conditions de séjour du recourant. Dans ces circonstances, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l’OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).
28. Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.
29. Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).
30. En l’occurrence, qu’il a refusé de soumettre le dossier du recourant au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur et de lui octroyer une autorisation de séjour à un autre titre, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.
31. Reste toutefois à déterminer si l’exécution de cette mesure est conforme à l’art. 83 LEI, plus particulièrement sous l’angle de l’exigibilité.
32. L’exécution du renvoi n’est pas possible lorsque l’intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans l’un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son État d’origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEI), ce qui est en particulier le cas lorsque l’étranger est exposé à un véritable risque concret et sérieux d’être victime, en cas de retour dans son pays, de traitements inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH ; sur cette question,
cf. ATAF 2011/24 consid. 10.4.1). L’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement la personne en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale
(art. 83 al. 4 LEI).
33. L’art. 83 al. 4 LEI ne confère donc pas un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine ou de destination de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d’origine ou de provenance de l’étranger concerné, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2092/2023 du 3 novembre 2023 consid. 7.1 et 7.2).
34. À teneur de l’art. 90 LEI - qui est également applicable en matière d’examen de l’exécutabilité du renvoi (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-883/2017 du 27 mars 2018 consid. 5.1) - l’étranger doit collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Il doit en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s’efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 5.1).
35. En l’espèce, il ressort du rapport médical versé au dossier que le recourant a subi une fracture dorsolombaire pour laquelle il a été opéré en mai 2022. Malgré un séjour au centre de réadaptation, ainsi que diverses tentatives thérapeutiques, ses douleurs dorsolombaires constantes et non soulagées par le repos ont persisté. Le recourant a également décrit des crampes dans les jambes et une dysfonction sexuelle apparue après l’accident. Une radiographie EOS réalisée en juin 2022 a toutefois exclu toute complication postopératoire confirmant une bonne tenue du matériel d’ostéosynthèse et la stabilité des tassements vertébraux. Aucun déficit neurologique n’a été objectivé et les limitations fonctionnelles ont été rapportées principalement au statut postopératoire. Par ailleurs, les médecins ont mis en évidence des facteurs contextuels (mauvaise compréhension du français, kinésiophobie et catastrophisme questionnaires) influençant négativement les aptitudes fonctionnelles rapportées par le recourant. S’il était prévu de réévaluer l’option d’un retrait du matériel, aucun traitement urgent ou vital n’a été indiqué. Il n’est pas non plus établi que les soins nécessaires à son état ne pourraient être assurés dans son pays d’origine.
Aussi, en l’état, rien ne permet de conclure que l’état de santé du recourant se dégraderait très rapidement à défaut d’un suivi médical en Suisse, au point de mettre concrètement sa vie en danger ou de porter atteinte de manière grave, sérieuse et durable à son intégrité physique. Il n’a pas été démontré que les soins essentiels ne pourraient être assurés au Kosovo, pays dans lequel il a passé de nombreuses années de sa vie d’adulte et où vivent son épouse et ses enfants. Le recourant ne fait valoir aucune documentation médicale détaillée sur l’offre de soins disponibles dans son pays d’origine, ni n’établit l’impossibilité de bénéficier d’un suivi orthopédique ou antalgique de base au Kosovo. En outre, le Tribunal administratif fédéral a retenu qu’un suivi orthopédique et des traitements de physiothérapie sont disponibles au Kosovo (cf. également ATAF F-3505/2018 du 20 novembre 2018 consid. 3.3.2 et D-3732/2012 du 17 avril 2013 consid. 5.3.2).
Au vu de ce qui précède, l’autorité intimée était fondée à tenir l’exécution de la mesure de renvoi pour possible, licite et raisonnablement exigible.
36. Mal fondé, le recours sera rejeté.
37. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
38. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 26 novembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 28 octobre 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.
| Genève, le |
| Le greffier |