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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3743/2024

JTAPI/1149/2024 du 22.11.2024 ( MC ) , REJETE

REJETE par ATA/1468/2024

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);INTERDICTION DE PÉNÉTRER DANS UNE ZONE;PROPORTIONNALITÉ;ACTIVITÉ LUCRATIVE
Normes : LEI.74
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3743/2024 MC

JTAPI/1149/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 novembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Brice Van ERPS, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


EN FAIT

1.            Madame A______, née le ______ 2004, est originaire de Roumanie.

2.            Elle a occupé pour la première fois les services de police genevois le 4 novembre 2021, date à laquelle elle a été arrêtée par les forces de l'ordre genevoises dans les toilettes publiques du METRO SHOPPING de la gare de Cornavin. A cette occasion, elle a en substance reconnu qu’elle s’adonnait à la prostitution et qu’elle pratiquait régulièrement la mendicité avec toute sa famille.

3.            A teneur de l’extrait de son casier judiciaire (état au 1er novembre 2024), Mme A______ a été condamnée, par jugement du Tribunal de police de Genève du 14 décembre 2023, pour violation de domicile, au sens de l'art. 186 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

4.            Le 21 octobre 2024, Mme A______ a été arrêtée par les services de police après avoir pénétré dans le METRO SHOPPING précité dont elle était interdite d’entrée pour une durée de deux ans à compter du 23 octobre 2023.

5.            Par ordonnance du 22 octobre 2024, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière après qu’une procédure pénale ait été ouverte à l’encontre de l’intéressée en raison des faits précités.

6.            Le 1er novembre 2024, elle a derechef été interpellée par la police genevoise, à la rue de Lyon. Il lui était reproché d’avoir, avec sa sœur, Madame B______, les 18 ou 19 octobre 2024, soutiré de l’argent à un homme âgé de 81 ans, sous de faux prétextes, et de lui avoir volé les sommes de EUR 3'370 et CHF 2'400.-.

Entendue dans ce cadre, elle a nié les faits et dans un premier temps prétendu ne pas connaître le lésé (alors que la police avait pu établir qu’elle lui avait téléphoné à onze reprises depuis le 20 octobre 2024), avant de se raviser. Elle a expliqué que l’argent trouvé dans les effets personnels de sa sœur, soit CHF 1'500.-, provenait de la mendicité. Elle n’avait aucun moyen de subsistance et se trouvait en Suisse depuis un mois. Ses parents vivaient en Roumanie. Elle n'avait aucune attache sur le territoire helvétique où elle séjournait avec sa sœur.

7.            Mise à disposition du Ministère public, elle a été condamnée par ce dernier, par ordonnance pénale du 1er novembre 2024, pour vol (art. 139 ch. 1 CP) et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), ordonnance à laquelle elle a fait opposition.

8.            Le 2 novembre 2024 à 12h15, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de Mme A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès au canton de Genève) pour une durée de douze mois.

9.            Mme A______ a, sous la plume de son conseil, formé opposition contre cette décision par courrier du 11 novembre 2024 adressé au Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal).

10.        Par courriel du 20 novembre 2024, le commissaire de police a transmis au tribunal des pièces relatives à la procédure pénale P/_____/2024 ouverte à l’encontre de Mme A______.

Il ressort de ces dernières que l’intéressée avait été arrêtée le 4 novembre 2024, suite à un vol à la Migros et prévenue d’infraction à la LEI (notamment séjour illégal sur le territoire, non-respect de l’interdiction de pénétrer prise en son encontre et mendicité dans des lieux proscrits).

Entendue dans ce cadre, elle a notamment indiqué qu’elle était arrivée en Suisse trois semaines plus tôt, afin de chercher du travail et qu’elle allait rentrer en Roumanie si elle était relâchée. Elle était venue en bus depuis la France.

11.         Lors de l'audience de ce jour, Mme A______ a indiqué maintenir son opposition. Elle n'était pas d'accord avec la mesure car elle avait l'intention de rester sur le territoire suisse pour trouver du travail. Elle confirmait avoir déclaré, lors de son audition du 4 novembre 2024, que si elle était relâchée, elle retournerait en Roumanie mais, aujourd'hui, elle souhaitait rester à Genève pour trouver du travail car elle vivait en situation de précarité. Elle n'avait pas entrepris grand-chose depuis son arrivée afin de trouver du travail, mais elle allait continuer à en chercher. Elle prenait note qu'il lui était possible de chercher du travail dans d'autres cantons que Genève si la mesure était confirmée. Elle avait bien compris que ses condamnations pénales, si elles étaient confirmées, pourraient impacter son droit de séjourner en Suisse et qu'un séjour et une activité professionnelle en Suisse étaient soumis à certaines conditions, en particulier celles de disposer de moyens financiers suffisants et d'annoncer toute prise d'activité. Elle comptait chercher du travail essentiellement à Genève car elle ne savait pas comment se rendre dans un autre canton. Elle n'avait pas de logement à Genève et dormait dans la rue. Elle avait en revanche un logement en Roumanie. Elle était venue à Genève en bus, par une ligne directe depuis la Roumanie. Ses parents se trouvaient actuellement en Roumanie. Ils étaient pauvres et sa mère était malade. Sur question de son conseil, les CHF 150.- qui se trouvaient sur elle lors de son interpellation du 4 novembre 2024, lui avait été envoyés par sa mère depuis la Roumanie. Sur question du tribunal, sa mère avait emprunté cette somme et la lui avait remise par l'intermédiaire d'un voisin en Roumanie qui venait travailler à Genève car elle n'avait plus d'argent pour s'acheter à manger. Sur question de la représentante du commissaire de police, elle pourrait travailler dans le nettoyage. Elle s'était renseignée auprès de plusieurs entreprises mais on lui avait dit qu'il n'y avait pas de travail. Elle connaissait des compatriotes qui travaillaient dans ce domaine.

Son conseil a versé à la procédure l'ordonnance de non-entrée en matière du 22 octobre 2024. Il a plaidé et conclu à l'annulation de la mesure d'interdiction de périmètre du 2 novembre 2024 et au prononcé en lieu et place d'un avertissement, mesure apparaissant plus proportionnée et adéquate en l’espèce, compte tenu des moyens de subsistances et des droits découlant de l'ALCP dont disposait sa cliente.

Sur question du tribunal, la représentante du commissaire de police a confirmé que si Mme A______ devait trouver du travail à Genève, la délivrance d'un sauf-conduit pourrait être envisagée afin qu'elle puisse s'y rendre selon ses horaires de travail. Elle a plaidé et conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de la mesure tant dans sa durée que son étendue géographique. Elle a relevé à toutes fins utiles que plusieurs avertissements avaient déjà été donnés à l'intéressée par le biais d'interdictions de pénétrer dans des commerces et qu'il lui avait clairement été indiqué, lors du prononcé de la mesure d'interdiction du 2 novembre 2024, qu'elle avait 24 heures pour quitter la zone interdite.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.

3.             Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.

4.             Selon l'art. 74 al. 1 LEI, l’autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :

- l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants (let. a);

- l’étranger est frappé d’une décision de renvoi ou d’expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu’il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n’a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (let. b);

- l’exécution du renvoi ou de l’expulsion a été reportée (art. 69, al. 3) (let. c).

5.             Selon l'alinéa 2, 1ère phrase de cette disposition, la compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui exécute le renvoi ou l'expulsion.

6.             De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

7.             Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics, plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).

8.             Les étrangers dépourvus d'une autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner de telles mesures n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. En particulier, des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 2.1 ; 2C_1142/2014 du 29 juin 2015 consid. 3.1 ; 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 et la référence citée ; ATA/233/2018 du 13 mars 2018 consid. 4b ; ATA/1041/2017 du 30 juin 2017 ; ATA/199/2017 du 16 février 2017 ; ATA/885/2016 du 20 octobre 2016. De simples vétilles ne sauraient toutefois suffire, au regard du principe de la proportionnalité, pour prononcer une telle mesure (cf. Grégor CHATTON/Laurent MERZ, Code annoté de droit des migrations, vol. II, n. 16 ad art. 74 p. 733 et les arrêts cités).

9.             La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants et à éloigner les personnes qui sont en contact répété avec le milieu de la drogue des lieux où se pratique le commerce de stupéfiants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_570/2016 du 30 juin 2016 consid. 5.1 ; 2C_1142/2014 du 29 juin 2015 consid. 3.1 ; 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1 ; ATA/199/2017 du 16 février 2017 ; ATA/73/2014 du 10 février 2014 ; ATA/45/2014 du 27 janvier 2014). D'autres comportements permettent néanmoins aussi de retenir un trouble ou une menace de la sécurité et de l'ordre publics. On peut songer à la commission de vols et d'autres larcins (réitérés), même de peu d'importance du point de vue du droit pénal, à la mendicité organisée ou aux « jeux » de bonneteau sur la voie publique, qu'ils soient ou non pénalisés, à des contacts que l'étranger entretiendrait avec des groupes d'extrémistes politiques, religieux ou autres, à la violation grave et répétitive de prescriptions et d'injonctions découlant du droit des étrangers, notamment le fait d'avoir passé outre à une assignation antérieure ou de tenter de saboter activement les efforts entrepris par les autorités en vue d'organiser le renvoi de l'étranger (cf. Grégor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 20 ad art. 74 p. 735 et les arrêts cités).

10.         La jurisprudence considère qu'une condamnation pénale n'a pas besoin d'être définitive pour fonder au moins l'existence de soupçons d'une infraction, lesquels sont suffisants dans le cadre de l'application de l'art. 74 LEI.

11.         En l'espèce, s'agissant de la première condition de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l’intéressée, qui est de nationalité roumaine, n'est pas au bénéfice d'une autorisation de courte durée (art. 32 LEI), de séjour (art. 33 LEI) ou d'établissement en Suisse (art. 34 LEI), ce qu’elle ne conteste pas. Son appartenance à un État partie à l’ALCP ne lui octroie par ailleurs pas ex lege une autorisation de séjour, et n’exclut pas par principe le prononcé d’une mesure de l’art. 74 LEI.

S'agissant de la seconde condition, Mme A______ a notamment été condamnée par ordonnance pénale du 1er novembre 2024 pour vol. Même si sa condamnation n’est pas en force, puisqu’elle a été frappée d’opposition, les circonstances dans lesquelles l’intéressée a été arrêtée permettent à tout le moins de nourrir des soupçons sur sa participation au vol qui lui est reproché. Dans ces conditions, il n'est pas déraisonnable de penser que sa présence à Genève résulte d'une volonté de commettre ou de permettre la commission d’activités délictuelles et criminelles, telles que celle pour laquelle elle a été condamnée et qu'elle pourrait encore être amenée à en commettre ou à permettre leur commission.

Dès lors, le commissaire de police pouvait effectivement considérer qu'elle constituait une menace pour l'ordre et la sécurité publics suffisante pour justifier l'application des art. 74 al. 1 let. a LEI et 6 al. 3 LaLEtr, dont les conditions sont donc réunies.

L’on relèvera au demeurant que cette menace s’est réalisée puisque l’intéressée s’est faite arrêter le 4 novembre 2024 dans le magasin Migros de Cornavin, suite à un vol, deux jours après le prononcé de l’interdiction de pénétrer prise à son encontre, qu’elle n’a ainsi pas respectée. Elle a également été condamnée pour ce motif, condamnation frappée d’opposition.

12.         Les mesures interdisant de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l’art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Elles doivent être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4). En particulier, la délimitation géographique et la durée de la mesure doivent être prises en considération en fonction du but poursuivi. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles. Elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c).

13.         L'art. 74 LEI ne précise pas la durée de la mesure. Celle-ci doit répondre au principe de proportionnalité, à savoir être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Elle ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3).

14.         Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; ATA/1371/2020 du 30 décembre 2020 consid. 5); vers le haut, des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2 ; ATA/1347/2018 du 13 décembre 2018 consid. 6), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

15.         Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles ; elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Cela étant, le périmètre d'interdiction peut inclure l'ensemble du territoire d'une ville (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; 2A.647/2006 du 12 février 2007 consid. 3.3 pour les villes d'Olten et de Soleure ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 4.2 pour la ville de Berne).

16.         Les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 et la référence citée ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2b et les références citées ; ATA/45/2014 du 27 janvier 2014 ; ATA/778/2012 du 14 novembre 2012).

17.         A titre d'exemple, dans sa jurisprudence récente, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a notamment confirmé une première mesure d’interdiction de pénétrer visant tout le canton pour une durée de douze mois prononcée contre un ressortissant portugais, condamné notamment pour vols et violation de domicile (non-respect d’une interdiction d'entrer dans un magasin MIGROS), relevant que l’intéressé n’avait aucun emploi, ni titre de séjour en Suisse, ni de lien avéré avec ce pays ou même avec le canton de Genève, ne disposait pas de moyens de subsistance et n’avait pas allégué une nécessité de se rendre à Genève. Il n’avait également pas respecté la mesure d’interdiction qui faisait l’objet de la procédure (ATA/385/2024 du 19 mars 2024 du 19 mars 2024).

Elle a également confirmé l’interdiction du territoire de tout le canton pour une durée de douze mois prononcée contre un ressortissant français sans casier judiciaire ni en Suisse ni en France interpellé par la police genevoise, dans le quartier des Pâquis, après avoir, selon les agents de police, été observé en train de participer à la vente à un tiers de 2.8 g de marijuana contre la somme de CHF 40.- mais dont la condamnation pénale pour les faits précités avait toutefois fait l’objet d’une ordonnance de classement, après son audition, vu la prévention pénale insuffisante s’agissant de la vente de produits stupéfiants et la faible quantité de cannabis détenue, destinée à sa propre consommation. Quand bien même les faits de trafic n’étaient plus retenus, restait que l'intimé détenait du haschich pour sa propre consommation et n'avait pas contesté se trouver dans un lieu notoire de revente de stupéfiants (carrefour entre la rue du Môle et la rue de Berne aux Pâquis), étant rappelé d'une part qu'une mesure basée sur l’art. 74 al. 1 let. a LEI ne présupposait pas une condamnation pénale de l’intéressé, et qu'elle pouvait se fonder à teneur de la jurisprudence sur la seule possession de stupéfiants destinés à une consommation personnelle, ce qui était le cas en l'espèce. Dès lors, le classement de la procédure pénale ne suffisait pas à permettre la levée de la mesure d'interdiction de périmètre. La mesure était au surplus proportionnée dans la mesure où l’intéressé n’avait pas démontré une quelconque nécessité de se rendre dans le canton de Genève, notamment pour y trouver du travail (ATA/34/2024 du 12 janvier 2024).

18.         En l’espèce, concernant le périmètre de l'interdiction, étendu à l'ensemble du canton de Genève, comme le tribunal de céans a déjà eu l'occasion de le retenir, il ne constitue pas un usage excessif du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée.

Mme A______ n’indique au demeurant pas avoir de nécessité de se rendre à Genève en particulier où elle n’a ni attaches, ni lieu de vie, ni moyens de subsistance. Si elle soutient désormais vouloir y chercher du travail, elle ne fournit toutefois aucun début de preuve de démarches entreprises dans ce sens. Ces déclarations à l’audience de ce jour sont en outre en contradiction avec celles faites le 4 novembre 2024 à la police. A cette occasion, elle a en effet déclaré que si elle était relâchée, elle retournerait en Roumanie où elle dispose d’un domicile et où vivent ses parents.

Compte tenu de ces éléments, l'intérêt des autorités genevoises à ne pas devoir tolérer la présence de Mme A______ sur le territoire, l'emporte sur l'intérêt de cette dernière à pouvoir y séjourner.

L’on relèvera encore, à toutes fins utiles, que seul le canton de Genève lui est interdit, à ce stade, et qu’il lui est dès lors loisible de chercher du travail dans un autre canton. Le commissaire de police a en outre indiqué que si Mme A______ venait à trouver du travail à Genève, la délivrance d'un sauf-conduit pourrait être envisagée afin qu'elle puisse s'y rendre.

Quant à la durée de la mesure fixée à douze mois par le commissaire de police, elle est conforme à la jurisprudence et apparait également proportionnée au regard des circonstances et des intérêts en présence, même s'il s'agit d'une première mesure.

19.         Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de Mme A______ pour une durée de douze mois.

20.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à Mme A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

21.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 11 novembre 2024 par Madame A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 2 novembre 2024 pour une durée de douze mois ;

2.             la rejette ;

3.             confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 2 novembre 2024 à l'encontre de Madame A______ pour une durée de douze mois ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Madame A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière