Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/868/2024 du 03.09.2024 ( OCPM ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 3 septembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Liburn MEHMETAJ, avocat, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Monsieur A______, né le ______ 1969, est ressortissant du Kosovo.
2. Le 18 mars 2016, M. A______ a été condamné par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.- avec sursis et délai d'épreuve de 4 ans.
3. Le 11 mai 2018, M. A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour, dans le cadre de l’opération Papyrus.
A l'appui de sa demande, il a fourni les documents d'usage ainsi que plusieurs documents relatifs à divers emplois.
4. Par ordonnance pénale du 25 juillet 2018, M. A______ a été condamné par le Ministère public de Genève pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation, à une amende de CHF 2000.- ainsi qu’à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 100.- avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans.
5. Entre juin et octobre 2019, l’OCPM a invité M. A______ a lui fournir divers documents complémentaires en lien avec sa demande d'autorisation de séjour, ce qu’il a fait, dans les délais impartis.
6. Par courrier du 3 février 2020, l’OCPM a informé M. A______ qu’il était disposé à faire droit à sa demande. Sa décision d’octroi d’un titre de séjour en sa faveur était soumise à l’approbation du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), dont la décision était réservée.
7. Le 18 janvier 2021, le SEM a retourné le dossier pour nouvel examen à l’OCPM. Ce renvoi était notamment motivé par les dettes de plus de CHF 30'000.- de l’intéressé et plusieurs incohérences sur des documents visant à attester la continuité de son séjour.
8. Par ordonnances pénales des 7 septembre 2021 et 7 juillet 2022, le Ministère public de Genève a condamné M. A______ pour, respectivement, escroquerie et faux dans les titres, à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 70.- avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, et détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.-, cette peine étant complémentaire à celle prononcée le 7 septembre 2021. Il a renoncé à révoquer les sursis accordés en 2018 et 2021, et a prolongé les délais d'épreuve d'un an.
9. Selon un décompte de l’office des poursuites du 7 novembre 2023, M. A______ était redevable, à cette date, de poursuites et actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 45'257.35.
10. Par courrier A+ du 9 novembre 2023, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser sa demande de régularisation, notamment en raison de ses condamnations pénales récentes et de ses dettes. Il lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir ses observations écrites.
11. M. A______ s’est déterminé le 21 novembre 2023, après plusieurs demandes de prolongation de délai et après avoir consulté le dossier, sous la plume d’un conseil.
Il a notamment fait valoir qu’il avait été condamné en 2021 et 2022 par méconnaissance du système et qu’il n’avait alors pas les ressources pour contester cette accusation. Ses dettes étaient le résultat de ses condamnations et il disposait d’un plan de remboursement.
Aucune pièce n’était jointe.
12. Par décision du 5 mars 2024, l’OCPM a refusé d’accéder à la demande du 11 mai 2018 de M. A______ et de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM. Il a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 5 juin 2024 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen. L’exécution de cette mesure apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible.
Au vu de ses condamnations, notamment en 2021 et 2022 pour escroquerie et détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, sa situation ne répondait pas aux critères de l'opération Papyrus. En effet son comportement et ses infractions répétées n’étaient pas des signes d'une bonne intégration en Suisse. La contestation de ces accusations, dans ses observations du 31 janvier 2024, n’y changeait rien, dès lors qu’elle aurait dû être effectuée par les voies de droit d'usage, notamment la révision pénale.
Par ailleurs, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), vu, en particulier ses nombreuses dettes pour lesquelles il n’avait pas justifié de remboursement. Par ailleurs, il n’avait pas démontré une situation familiale justifiant une exemption des mesures de limitation, étant relevé qu’il avait, entre 2018 et 2022, sollicité et obtenu 6 visas de retour afin de rendre visite à sa famille au Kosovo. Finalement, il n’avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.
13. Par acte du 22 avril 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l’OCPM afin qu’il préavise favorablement sa demande d’autorisation de séjour auprès du SEM, sous suite de frais et dépens.
La décision violait les art. 30 al. 1 let. b LEI, 31 al. 1 OASA et 58a LEI.
Les infractions pour lesquelles il avait été condamné devaient être considérées dans leur contexte spécifique et ne devaient pas influencer de manière disproportionnée la décision concernant sa régularisation. La nature des délits, le degré de culpabilité et la gravité des peines devaient être pris en compte. Or, ses condamnations se rapportaient à des circonstances exceptionnelles et ne reflétaient pas un comportement habituel ou une menace pour la société. Ainsi, l’infraction, concernant le prêt COVID-19, était survenue alors qu’il faisait face à des défis imprévus en raison de la pandémie et la somme impliquée était modeste. Quant au détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, il était directement liée à une série de difficultés personnelles et financières dues au prêt COVID, exacerbées par des problèmes de santé et une baisse de revenus. Ce n'était pas le résultat d'une intention malveillante. Ces infractions ne devaient pas masquer le fait qu’il avait toujours eu un comportement exemplaire avant ces événements et, ne constituant pas une menace réelle pour la sécurité et l'ordre publics, elles ne devaient pas impacter négativement sa demande de régularisation.
Ses dettes et poursuites découlaient de l'engrenage lié au remboursement du prêt COVID-19. Or, on ne pouvait considérer cet évènement exceptionnel et cet enchaînement comme dénotant une mauvaise intégration de sa part. Il s'agissait plutôt d'une difficulté passagère et malheureuse. Il disposait d'un plan de remboursement et était prêt à éponger ses dettes. Sa régularisation lui permettrait en outre de travailler à plus grande cadence et surtout en dehors de Genève, là où il disposait de nombreuses opportunités (de par les relations nouées par son fils). Les revenus supplémentaires ainsi obtenus lui permettraient de rembourser ses dettes rapidement, ce à quoi il s'engageait. Enfin, son fils, Monsieur B______ avait accepté de se porter garant de toutes ses dettes et était prêt à s'y engager par écrit en cas de décision positive quant à sa régularisation.
Pour le surplus, il avait largement atteint le niveau de français requis, était financièrement indépendant, ayant même créé à Genève sa propre société C______, et n'avait jamais fait appel à l'aide sociale. Son fils habitait en Suisse et ses liens avec son pays d'origine étaient très faibles, notamment depuis le décès de sa mère en 2020. Il fallait également tenir compte de la longue durée de son séjour en Suisse, soit depuis 2008, et de l’absence de possibilités de réintégration dans son pays d’origine, de ce fait et vu son âge.
L’OCPM avait abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant, à tort, que le centre de ses intérêts serait au Kosovo, et non en Suisse, en raison de l'obtention de visas de retour (six en cinq ans 2018 à 2022 compris). Ces voyages, de courtes durées, étaient en effet clairement motivés par des obligations familiales ponctuelles et des circonstances exceptionnelles et non par un désir de résidence ou d'intégration continue au Kosovo.
Quant au remboursement de toutes ses dettes, il s’y était engagé et avait expliqué qu'il procéderait de deux manières : (1) remboursement par le biais de son fils, entrepreneur à Zurich et (2) augmentation de ses revenus par la possibilité de travailler en dehors de Genève une fois le permis de séjour obtenu. En considérant qu’il n’avait pas apporté la preuve qu’il disposait d’un plan de remboursement de ses dettes, l’OCPM avait constaté les faits de manière inexacte et violé le principe de proportionnalité. En effet, assortir le préavis de l’OCPM au SEM à la condition suspensive de remboursement de l'intégralité des dettes encore échues aurait déjà permis d’atteindre le but souhaité. Partant, la décision devait être annulée et le dossier renvoyé à l'autorité pour réexamen, avec l'instruction de prendre en considération son offre de remboursement des dettes et d'en faire une condition suspensive à l'octroi du préavis positif ou de l'autorisation de séjour.
14. Dans ses observations du 24 juin 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.
L’intéressé ne satisfaisait pas aux strictes conditions nécessaires à l'octroi d'un permis humanitaire au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, son intégration en Suisse ne revêtant pas une importance suffisante à cette fin. Il rappelait à cet égard les condamnations dont il avait fait l’objet et ses poursuites et actes de défaut de bien à hauteur de CHF 45'000.- environ. Il n’avait en outre pas démontré qu'en cas de retour au Kosovo il serait exposé à des conditions socioéconomiques ou sanitaires autrement plus difficiles que celles auxquelles est confrontée la plupart de ses compatriotes restés au pays.
15. Invité à répliquer par courrier du tribunal du 28 juin 2024, le recourant n’a pas donné suite.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1331/2023 du 12 décembre 2022 consid. 3).
5. Le 1er janvier 2019, une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors LEI, est entrée en vigueur. Selon l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a).
6. En l'occurrence, le recourant a déposé sa requête le 11 mai 2018. La loi dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 reste donc applicable au présent litige.
7. La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.
8. Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n'a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.
L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).
Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).
9. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c).
10. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid. 4.6 et les références citées ; ATA/353/2019 précité consid. 5d ; ATA/38/2019 précité consid. 4d).). Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e et les références citées).
La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’intéressé, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/577/2021 du 1er juin 2021 consid. 2c).
11. L'impact de l'endettement dans l'appréciation de l'intégration d'une personne dépend du montant des dettes, de leurs causes et du point de savoir si la personne les a remboursées ou s'y emploie de manière constante et efficace (arrêts du Tribunal fédéral 2C_364/2017 du 25 juillet 2017 consid. 6.2 ; 2C_895/2015 du 29 février 2016 consid. 3.2). Par ailleurs, le fait que certaines dettes soient des dettes fiscales ou des montants dus à l'assurance-maladie, soit des obligations légales qui incombent à toute personne vivant en Suisse parle en défaveur du recourant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_352/2014 du 18 mars 2015 consid. 4.5).
12. L'opération « Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).
Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (« Point de situation intermédiaire relatif à la clôture du projet Papyrus » publié par le Conseil d'État en date du 4 mars 2019, cf. https://www.ge.ch/dossier/operation-papyrus).
Enfin, il convient de préciser que les critères appliqués dans le cadre de l’opération « Papyrus » étaient les critères prévus dans les dispositions légales en matière de régularisation des cas de rigueur (cf. ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 10b).
13. Celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/543/2022 du 24 mai 2022 consid. 4c).
14. Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).
Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d'un droit à l'autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d'un pouvoir d'appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l'inverse aurait pour effet de déduire de l'art. 96 LEI un droit à l'obtention ou au renouvellement de l'autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).
15. En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, y compris sous l'angle particulier de l'opération « Papyrus », étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n'est à cet égard pas suffisant, sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.
Ayant déposé sa demande de régularisation et d'autorisation de séjour pour cas de rigueur le 11 mai 2018, c'est à juste titre que l'autorité intimée l’a d’abord examinée sous l'angle des critères de l'opération Papyrus. Toutefois, pour bénéficier de ce programme, l’intéressé devait notamment pouvoir démontrer un séjour continu d’une durée de dix ans au jour du dépôt de sa requête, une indépendance financière complète, l’absence de condamnation pénale (pour des faits autres que le séjour illégal et le travail sans autorisation) et ne pas avoir de dettes. Or, force est de constater concernant ces deux dernières conditions que, d’une part, le recourant a fait l’objet de condamnations pénales en 2021 et 2022 pour escroquerie, faux dans les titres et détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice et que, d’autre part, il avait, le 7 novembre 2023, des poursuites et actes de défaut de biens à hauteur de plus de CHF 45'000.-, qu’il n’a pas démontré avoir remboursé, ni même au demeurant être en train de rembourser, depuis lors. Partant, le recourant ne peut obtenir une autorisation de séjour sur la base des critères cumulatifs - stricts et sans dérogation possible - retenus dans le cadre de cette opération, puisque deux conditions pour ce faire ne sont pas réalisées.
Sous l’angle du cas de rigueur, si l’on retient que le recourant est arrivé en Suisse en 2008, soit il y a 16 ans, il doit également être relevé qu’il n'a jamais bénéficié d'un quelconque titre de séjour et que depuis le dépôt de sa demande de régularisation, le 11 mai 2018, son séjour se poursuit au bénéfice d'une simple tolérance. Il ne peut dès lors tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui doit en l'occurrence être fortement relativisée, pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d’admission. Il doit en outre être relevé qu’arrivé en Suisse à l’âge de 39 ans, le recourant a vécu la majeure partie de son existence dans son pays d'origine, notamment son enfance, son adolescence, période essentielle pour la formation de la personnalité, et une grande partie de sa vie d’adulte. Il a en outre manifestement gardé des attaches avec sa patrie, dont il connait parfaitement les us et coutumes, puisqu’y vivent notamment toujours deux de ses 5 enfants, selon ses déclarations à la police du 19 avril 2021. Il y est d’ailleurs régulièrement retourné, au vu des visas au dossier.
Son intégration socio-professionnelle ne justifie également pas, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Le tribunal se contentera d’insister sur le fait qu’au sens de la jurisprudence rappelée plus haut, seule une intégration exceptionnelle, et non pas le simple fait d’avoir déployé une activité lucrative sans dépendre de l’aide sociale, peut permettre dans certains cas d’admettre un cas individuel d’extrême gravité. Dans le cas du recourant, quand bien même son intégration pourrait être qualifiée de moyenne sous l’angle socio-professionnel, étant rappelé qu’il fait l’objet de poursuites et d’actes de défaut de bien pour des montants importants, elle demeure néanmoins ordinaire et ne correspond pas au caractère exceptionnel rappelé plus haut. En outre, son activité professionnelle exercée en Suisse se rapporte au domaine du bâtiment. Il ne s’agit donc pas d’une profession spécifiquement liée à la Suisse, de sorte qu’il convient de retenir que le recourant sera en mesure d’utiliser au Kosovo les compétences et l’expérience professionnelles acquises en Suisse. Le recourant ne démontre pas non plus l’existence de liens amicaux et affectifs à Genève d’une intensité telle qu’il ne pourrait être exigé de sa part de poursuivre ses contacts par les moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo. Il convient aussi de relever qu’il a fait l’objet de pas moins de quatre condamnations pénales depuis qu’il est en Suisse. Un tel comportement, qu’il tente vainement de minimiser, dénote un mépris certain pour l’ordre juridique suisse et ses valeurs, preuve supplémentaire de son manque d’intégration.
Enfin, bien que l'on puisse imaginer que la réintégration du recourant dans son pays d'origine ne sera pas simple, cette circonstance n'apparaît pas, à teneur du recours, liée à des circonstances personnelles, mais bien davantage aux conditions socio-économiques prévalant au Kosovo. Le recourant y a de plus toujours des attaches, puisqu’y vivent notamment deux de ses enfants. Partant, il n'apparaît pas que sa réintégration dans son pays d'origine soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement. S’il se heurtera sans doute à quelques difficultés de réadaptation, il ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour lui que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que le recourant n’a pas établi. Par ailleurs, les diverses expériences professionnelles acquises en Suisse par le recourant ainsi que ses connaissances en langue française pourront constituer des atouts susceptibles de favoriser sa réintégration sur le marché du travail de son pays. Enfin, il faut rappeler que celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, au vu de son statut précaire en Suisse, le recourant ne pouvait à aucun moment ignorer qu'il risquait d'être renvoyé dans son pays d'origine.
Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la LEI ni excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en rejetant la demande de régularisation des conditions de séjour du recourant. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA). Il ne saurait ainsi, en particulier, lui renvoyer le dossier pour réexamen, avec l'instruction de prendre en considération son offre de remboursement des dettes – qui plus est conditionnée à l’octroi de l’autorisation de séjour requise - et en faire une condition suspensive à l'octroi du préavis positif ou de l'autorisation de séjour.
16. Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.
Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).
17. Dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier du recourant au SEM en vue de la délivrance d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.
18. Mal fondé, le recours sera rejeté.
19. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-.
20. Le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).
21. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
22. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 5 mars 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;
4. le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;
5. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Marielle TONOSSI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |