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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2041/2024

JTAPI/602/2024 du 20.06.2024 ( MC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2041/2024 MC

JTAPI/602/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Majid LAVASSANI, avocat

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1981, alias B______, né le ______ 1992, est ressortissant espagnol.

2.             Il a été condamné par le Ministère public de Genève :

-          le 9 octobre 2023, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à CHF 30.-, avec sursis, délai d’épreuve 3 ans, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ;

-          le 19 janvier 2024, à une peine privative de liberté de 120 jours, pour infraction à l’art. 19 al. 1 let. c et d de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI. Il lui a été reproché en substance, d’avoir, la veille, vendu deux boulettes de cocaïne d’un poids total de 1,2 grammes à un consommateur et d’avoir détenu, sans droit, 0.6 grammes de cocaïne, destiné à la vente.

3.             Le 18 janvier 2024, le commissaire de police a notifié à l’intéressé une interdiction de pénétrer sur l’ensemble du territoire genevois, pour une durée de douze mois.

4.             Le 29 janvier 2024, il a, à nouveau, été condamné, par le Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 75 jours-amende, à CHF 10.-, et à une amende de CHF 300.-, pour infraction aux art. 115 al. 1 let. a et 119 LEI et contravention à l’art. 19a ch. 1 LStup. Il lui était notamment reproché d’avoir contrevenu à l’interdiction de périmètre précitée.

5.             Le 8 février 2024, il a été condamné par le Ministère public de Genève, à une peine privative de liberté de 60 jours, et à une amende de CHF 300.-, pour infraction aux art. 115 al. 1 let. a et 119 LEI et contravention à l’art. 19a ch. 1 LStup. Il lui était encore reproché de s’être soustrait à l’interdiction de périmètre prononcée le 18 janvier 2024.

6.             Le 7 juin 2024, M. A______ s'est vu notifier une décision de renvoi prononcée par l'office cantonal de la population et des migrations de la République et canton de Genève (ci-après : OCPM), en application de l'article 64 LEI, l'intéressé devant quitter la Suisse immédiatement.

7.             Il a toutefois été interpellé à Genève, à la rue de Berne, le 17 juin 2024, après avoir ingéré une boulette de cocaïne et mis à disposition du Ministère public qui l’a relâché le lendemain.

8.             Les démarches en vue de l'exécution de son renvoi en Espagne ont été immédiatement entreprises, notamment par une demande de réadmission effectuées le 18 juin 2024.

9.             Le 18 juin 2024 toujours, à 14h04, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de six semaines sur la base des art. 75 al. 1 let. b et g et 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu’il ne s'opposait pas à son retour en Espagne. Il était en outre d’accord « à ce que le Tribunal administratif de première instance renonce à la procédure orale », après que le commissaire de police avait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers a débuté à 12h25.

10.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour, par courriel, à 18h01.

11.         À réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 20 juin 2024 à 12h00.

12.         Par courriel adressé au tribunal le 20 juin 2024, M. A______, par l’intermédiaire de son conseil, a conclu à sa mise en liberté immédiate. Il s’opposait à sa mise en détention. Sa condamnation à une peine ferme par les autorités genevoises et l’interdiction qui lui avait été faite de pénétrer sur le territoire genevois étaient contradictoires car il était supposé pouvoir être interpellé à tout moment en vue d’exécuter sa peine. Dès lors, on ne saurait retenir qu’il s’était soustrait à son refoulement en étant resté à Genève suite à sa condamnation du 29 janvier 2024, d’autant plus qu’il avait affirmé au commissaire de police le 18 juin 2024 être d’accord de retourner en Espagne. Si l’ordre de mise en détention devait être confirmée, il devait être noté au dossier que l’autorité de police avait disposé de tout le temps utile à l’accomplissement des démarches de renvoi, dans le cas où une prolongation de la détention était sollicitée.

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

3.             Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 18 juin 2024 à 12h25, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées).

4.             Toutefois, selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.

Le message du Conseil fédéral relatif à cette disposition précise : « Dans la pratique, il s’avère de manière générale que la procédure en vue du prononcé d’une détention du droit en matière d’étrangers prend beaucoup de temps pour les autorités. C’est pour cette raison que l’alinéa 3 prévoit nouvellement que l’autorité peut renoncer à une procédure orale devant le juge de la détention lorsque le renvoi a lieu à bref délai et que la personne concernée a donné son accord écrit. Cependant, il faut lui accorder le droit d’être entendue. Dans ce cas, l’examen de la détention a lieu par écrit sur la base du dossier. S’il s’avère par la suite que le renvoi planifié ne peut pas être exécuté dans le délai prévu, la procédure orale doit avoir lieu après coup. Ainsi, un examen judiciaire complet est garanti » (FF 2002 3469, p. 3573).

Ainsi, s’il est possible de renoncer initialement à la procédure orale dans les conditions prévues par l’art. 80 al. 3 LEI, le tribunal reste néanmoins tenu d’examiner la légalité et l’adéquation de la détention au terme d’une procédure écrite.

5.             En l’espèce, tout porte à croire que le renvoi pourra avoir lieu dans le délai de huit jours précité, puisque les démarches en vue de la réadmission de l’intéressé en Espagne ont été entreprises sans tarder.

Par ailleurs, M. A______ a donné par écrit son consentement à ce que le tribunal statue sur son sort sans l’entendre oralement.

Le tribunal se prononce donc sur la base du dossier du commissaire de police et après avoir donné la possibilité à M. A______, sous la plume de son conseil, de déposer des observations écrites.

6.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

7.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

8.             Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. b LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEI.

9.             Comme cela ressort du texte même de l'art. 76 al. 1 LEI et de la jurisprudence constante, une mise en détention administrative n'implique pas que la décision de renvoi ou d'expulsion qui la sous-tend soit entrée en force et exécutoire (cf. ATF 140 II 409 consid. 2.3.4 ; 140 II 74 consid. 2.1 ; 130 II 377 consid. 1 ; 129 II 1 consid. 2 ; 122 II 148 consid. 1 ; 121 II 59 consid. 2a ; ATA/252/2015 du 5 mars 2015 consid. 6a ; Grégor CHATTON/Laurent MERZ in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II [Loi sur les étrangers], 2017, n. 5 p. 779).

10.         Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité « peut » prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

11.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

12.         Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

13.         Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

14.         Enfin, selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

15.         En l’espèce, M. A______ s’est vu notifier une décision de renvoi. Il fait par ailleurs l’objet d’une interdiction de pénétrer sur le territoire genevois pour une durée de douze mois depuis le 19 janvier 2024. Il n’a aucunement respecté cette décision, ayant notamment été interpellé à Genève à trois reprises depuis le prononcé de l’interdiction actuellement en cours.

16.         Partant, le principe de la légalité de la détention est respecté, sans qu’il ne soit nécessaire d’analyser si la détention pourrait être fondée sur un autre motif.

17.         L’assurance du départ de M. A______ de Suisse répond par ailleurs à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où l’intéressé devra monter dans l’avion devant le reconduire en Espagne, étant souligné qu’il n’a ni domicile ni source de revenu avéré ou attaches quelconques en Suisse, et qu’ainsi, s’il était remis en liberté, il se soustrairait très vraisemblablement à son renvoi.

18.         Concernant les démarches entreprises, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a adressé au SEM, le 18 juin dernier un formulaire d’examen d’une demande de réadmission à l’attention des autorités espagnoles. Elle est dans l’attente de la réponse.

19.         Ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de six semaines, qui respecte en soi l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée, étant rappelé que la réponse des autorités espagnoles n’est pas encore intervenue, qu’il s’agira, en cas de réponse positive, de réserver une place sur un vol et, dans l’hypothèse où la réponse serait négative ou si M. A______ s’opposait à son renvoi, d’entreprendre de nouvelles démarches. Toutefois, la détention prendra immédiatement fin lorsque M. A______ prendra place à bord du vol sur lequel une place lui aura été réservée.

20.         Cela étant, il sera souligné que si le renvoi n'a pas eu lieu dans le délai de huit jours suivant l'ordre de détention, M. A______ sera entendu par le tribunal au plus tard douze jours après l'ordre de détention (art. 80 al. 3 LEI). Dans cette perspective, il appartiendra au commissaire de police de faire savoir au tribunal, le 26 juin 2024 au plus tard, si l'exécution du renvoi s'est concrétisée ou non.

21.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 18 juin 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 29 juillet 2024 ;

2.             invite le commissaire de police à faire savoir au tribunal le 26 juin 2024 au plus tard si l’exécution du renvoi a eu lieu ou non ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier