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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4044/2021

ATA/847/2022 du 23.08.2022 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4044/2021-FORMA ATA/847/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 août 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Mattia Deberti, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 2001, s'est inscrite à l'Université de Genève (ci-après : l'université) à la rentrée académique 2019-2020 afin de suivre le cursus de baccalauréat universitaire (ci-après : BU) en physique au sein de la faculté des sciences. Lors du même semestre, sa demande de changement de faculté afin d'étudier le cursus du BU en économie et management au sein de la faculté d'économie et de management (ci-après : la faculté) a été admise.

2) À l'issue de l'année académique 2020, Mme A______ était au bénéfice de dix-huit crédits European Credit Transfer and Accumulation System (ci-après : ECTS) sur les soixante requis pour la validation de l'année propédeutique, soit la première partie du cursus.

Elle avait une moyenne de 3,58 pour le bloc « Management » (trois matières), de 3,44 pour le bloc « Économie, mathématiques et statistiques » (quatre matières) et de 3,67 pour le bloc « Finance, comptabilité et droit » (trois matières). Pour les trois matières où elle avait obtenu des crédits, ses notes oscillaient entre 4 et 4,25 ; pour les sept autres, entre 3 et 3,50.

3) Lors de l'année académique 2020-2021, Mme A______ a présenté des examens de première et de deuxième partie de cursus.

À l'issue de l'année académique, elle a obtenu, pour la première partie, une moyenne de 4 pour le bloc « Management », de 3,81 au bloc « Économie, mathématiques et statistiques » et de 4,67 pour le bloc « Finance, comptabilité et droit » (trois matières).

Sur les dix matières, deux notes (3,50 et 3,25) provenaient d'examens passés lors de la session de février 2020, une (5) de septembre 2020, trois (3,50, 3,25 et 4) de février 2021 et quatre (3,50, 5,5 et 5) de juin 2021.

4) Par décision du 28 juin 2021, Mme A______ a été éliminée de la faculté, ayant subi un échec définitif au bloc « Économie, mathématiques et statistiques ».

5) Le 18 juillet 2021, Mme A______ a formé opposition à la décision d'élimination précitée.

Elle avait dû présenter des matières de deuxième partie lors de sa deuxième année à la faculté, alors qu'elle aurait préféré se concentrer sur le passage de sa première partie. La crise sanitaire ne lui avait laissé que quatre mois « en présentiel au sein des locaux de l'université ». Même pour les cours à distance, elle était isolée et ne pouvait pas faire appel à ses camarades pour utiliser certaines ressources ou répondre à certaines questions.

Lors de la session d'automne 2020 et les semaines l'ayant précédée, elle n'avait pu réviser convenablement car sa grand-mère avait été hospitalisée, et qu'elle était constamment inquiète pour l'état de santé de cette dernière, laquelle était décédée pendant la période d'examens, le soir avant l'un d'eux. Cette série d'événements l'avait énormément affectée psychologiquement, avec un effet négatif tant sur sa vie personnelle que sur ses études.

Il lui suffisait de récupérer sa note de Mathématiques I de son premier semestre en automne 2019 pour avoir la moyenne au bloc « Économie, mathématiques et statistiques », car elle avait alors eu la note de 4,25, contre 3.5 lors de la session de février 2021.

6) Le 30 juillet 2021, le doyen de la faculté a autorisé Mme A______ à présenter des examens de deuxième partie lors de la session de rattrapage d'août-septembre 2021.

7) Le 4 août 2021, la commission chargée d'instruire les oppositions au sein de la faculté (ci-après : commission RIO) a demandé à Mme A______ d’apporter tout élément permettant d'apprécier la proximité ou l'intensité particulière de ses liens avec sa grand-mère, ainsi que le rapport de causalité entre le décès de celle-ci et son échec.

8) Par courriel du 8 août 2021 et sur question de Mme A______, la représentante facultaire de la commission RIO lui a indiqué que la pièce demandée était une lettre de sa part expliquant sa relation avec feu sa grand-mère.

9) Le 18 août 2021, Mme A______ a écrit à la commission RIO en décrivant sa relation avec sa grand-mère. C'était cette dernière qui s'était occupée d'elle depuis sa naissance lorsque ses parents travaillaient, et avait vécu au sein du foyer familial pendant une grande partie de son enfance, prenant soin d'elle comme de sa propre fille. C'était comme sa deuxième maman.

Plus tard, sa grand-mère avait connu des problèmes de santé, notamment un diabète de type 1, ainsi qu'une peur du monde extérieur faisant qu'elle ne sortait plus de chez elle. Elle comptait donc sur sa famille pour tous les gestes du quotidien, à savoir les repas, la toilette, les courses, les injections d'insuline et sa « dextro », les rendez-vous médicaux dû à son orteil qui n'avait jamais pu cicatriser et qui exigeait des soins quotidiens. Elle était ainsi sollicitée pour assurer tous les jours ces soins et s'était occupée de sa grand-mère de manière soutenue. Sa perte avait été comme la disparition d'un morceau de sa propre existence, et huit mois plus tard, elle n'arrivait toujours pas à se convaincre que sa grand-mère ne connaîtrait jamais ses arrière-petits-enfants.

10) Par décision du 21 octobre 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, le doyen a rejeté l'opposition de Mme A______.

La situation sanitaire en Suisse et son évolution étaient certes particulières, mais ne revêtaient pas un caractère exceptionnel ou grave. Les autorités cantonales, dont l'université, avaient pris des décisions destinées à tenir compte des effets de la pandémie de coronavirus, avec pour conséquence que, depuis juin 2020, la faculté disposait d'un cadre réglant les modalités de poursuite des cursus et d'évaluation des connaissances pour la « période Covid ».

Le décès ou la maladie d'un proche n'étaient pris en compte que si la proximité de cette personne avec l'étudiant était telle que la pathologie (qui devait elle-même être grave) ou le décès constituaient un choc violent pour l'étudiant. La proximité supposait une réelle proximité de vie, d'une intensité dépassant des liens d'amitié ou de reconnaissance, voire une communauté de vie. Dans d'autres dossiers, la proximité n'avait pas été retenue, malgré les liens familiaux et de sang, dans le cas d'étudiants ayant perdu un grand-parent, un oncle ou une tante domiciliés à l'étranger.

Les explications données à ce sujet par Mme A______ prenaient la forme d'un récit, sans « preuve au sens formel ». En l'absence de telles preuves, la proximité était impossible à établir sans une communauté de vie avec sa grand-mère. Mme A______ ne démontrait pas non plus la causalité entre le décès de sa grand-mère, survenu le 19 janvier 2021, et les résultats obtenus lors de la session de mai/juin 2021, étant rappelé qu'elle avait obtenu de bonnes notes, lors de la session d'examens de janvier/février 2021, le lendemain et le surlendemain du décès de sa grand-mère, tandis que la session de mai/juin 2021 était éloignée temporellement de la date du décès, et ne permettait pas de retenir un lien de causalité en l'absence de preuve contraire.

De plus, aucun règlement ne prévoyait la possibilité de récupérer et valider une note insuffisante obtenue lors d'une session précédente, si bien que sa conclusion à cet égard était rejetée.

11) Le 22 octobre 2021, l'université a procédé à l’exmatriculation de Mme A______.

12) Par acte déposé le 26 novembre 2021, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition de l'université du 21 octobre 2021 confirmant son élimination de la faculté du fait de son échec définitif au bloc « Économie, mathématique et statistique », concluant principalement à l'annulation de la décision attaquée, à sa réintégration dans le cursus de baccalauréat universitaire en économie et management, à être admise à présenter lors d'une ultime tentative les examens échoués (sic) lors de la session d'automne 2020 et à l'octroi d'une indemnité de procédure. À titre préalable, elle requérait la restitution de l'effet suspensif au recours, voire l'octroi de mesures provisionnelles, afin de sauvegarder ses intérêts.

Elle exposait la relation privilégiée voire fusionnelle qu'elle entretenait avec sa grand-mère, laquelle était décédée le 19 janvier 2021. Ce décès l'avait affectée à tel point qu'elle n'avait pas pu avoir les résultats escomptés lors des examens subséquents. Sur la question de la proximité avec sa grand-mère, le doyen et la commission RIO avaient procédé à un établissement incomplet des faits, dès lors qu'elle-même avait proposé de fournir des attestations de proches et des certificats médicaux, mais que cela n'avait pas été jugé nécessaire par la commission RIO. Le principe de la bonne foi avait également été violé, dès lors que la faculté lui avait précisé qu'une lettre de sa part précisant sa relation avec sa grand-mère était suffisante.

Le fait de retenir qu'il n'existait pas de proximité entre elle et sa grand-mère relevait d'un établissement inexact des faits, tout comme l'absence de lien de causalité. À cet égard, l'impact psychologique du décès de sa grand-mère sur ses prestations universitaires était confirmé par un certificat médical joint, établi par la Docteure B______. Il était en outre absurde d'indiquer que sa réussite à quelques-uns des examens de la session prouvait que le décès de sa grand-mère ne l'avait pas « négativement impactée ». Sur huit examens présentés lors de la session de janvier 2021, elle n'en avait réussi que trois, dont deux tout juste avec la note minimale requise. Le résultat de 5,25 obtenu pour l'examen d'« Introduction au marketing et à la dirigeance d'entreprise » était en outre une note composite, l'évaluation comprenant deux contributions de l'étudiant rédigées durant le semestre en sus du résultat de l'examen final.

Le doyen aurait dès lors dû considérer que sa situation équivalait à des circonstances exceptionnelles au sens de l'art. 58 al. 4 du statut de l’université, entré en vigueur le 24 juillet 2011 (accessible sous : www.unige.ch/files/1716/ 2566/2224/Statut-Version-1juillet2021.pdf ; ci-après : le statut).

Elle joignait vingt-cinq pièces, notamment des attestations de proches au sujet de sa relation avec sa grand-mère, l'acte de décès de cette dernière, des attestations médicales concernant l'état de santé de sa grand-mère.

Selon l'attestation établie le 18 novembre 2021 par la Dre B______, celle-ci suivait Mme A______ depuis le mois de juillet 2021. L'élaboration du deuil de sa grand-mère maternelle était un des éléments du suivi. Elle estimait que le décès précité, survenu en janvier 2021, avait pu perturber ses prestations académiques lors de la session d'examens de janvier-février 2021 ainsi que celles des mois suivant la disparition de sa grand-mère. En effet, le trouble thymique réactif à la perte d'un proche était un élément présent dans l'élaboration du deuil et se manifestait, entre autres choses, par des troubles de l'attention et de la mémoire. Mme A______ était en outre l'un des proches aidants de sa grand-mère jusqu'à la disparition de celle-ci, élément qui pouvait aussi plaider en faveur de la présence d'une fatigue ayant pu affecter ses prestations académiques, ce jusqu'en juillet 2021.

13) Le 28 décembre 2021, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de mesures provisionnelles.

14) Le 31 janvier 2022, l'université a conclu au rejet du recours.

L'élimination de Mme A______ avait été prononcée sur la base de l'art. 16 al. 1 let. b du règlement d'études applicable. Mme A______ avait pu bénéficier des dispositions dérogatoires fixées par la directive du rectorat relative à la session de mai-juin 2020, dès lors que la tentative de validation utilisée pour deux examens lors de cette session n'avait pas été décomptée comme telle, et qu'elle avait pu refaire une première tentative pour les deux examens concernés lors de la session de septembre 2020.

Sur la base des pièces nouvelles jointes au recours, la faculté admettait qu'il existait un lien de proximité entre Mme A______ et sa grand-mère. Un lien de causalité entre le décès de cette dernière et l'échec définitif faisait néanmoins défaut. Le décès était intervenu le 19 janvier 2021 et la session d'examens à l'issue de laquelle l'élimination avait été prononcée s'était déroulée entre le 31 mai et le 19 juin 2021. Ce délai laissait du temps à l'étudiante pour analyser son état de santé psychologique et son aptitude à affronter une période d'examens, afin d'entreprendre des démarches pour reporter l'ensemble de ceux-ci avant le début de la session. Elle avait cependant choisi de se présenter et, elle ne pouvait revenir sur ce choix une fois les résultats connus et l'élimination prononcée.

Les candidats qui étaient malades ou confrontés à des difficultés psychologiques ou d'ordre familial graves devaient, lorsqu'ils estimaient que ces circonstances étaient propres à les empêcher de subir l'examen normalement, les annoncer avant le début de celui-ci. En l'occurrence, Mme A______ avait annoncé une absence pour un examen, mais avait décidé de se présenter à tous les autres examens prévus de sa session. Du reste, tant en janvier-février 2021 qu'en mai-juin 2021, elle avait obtenu des résultats satisfaisants à certains examens, ce qui démontrait qu'elle était en mesure de passer et de réussir des épreuves. Le certificat médical produit dans la procédure de recours était par ailleurs manifestement tardif ; la signataire avait d'ailleurs commencé à suivre Mme A______ en juillet 2021, soit après son élimination de la faculté.

15) Le 9 février 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 4 mars 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires.

16) Le 4 mars 2022, Mme A______ a persisté dans ses conclusions. Elle avait, par décision sur opposition du 2 mars 2022, été exonérée des taxes universitaires pour l'année 2021-2022, si bien que la procédure était gratuite.

Elle prenait par ailleurs bonne note que l'université considérait désormais le lien de proximité avec sa grand-mère comme établi et qu'elle se limitait à contester le rapport de causalité entre le décès de cette dernière et son échec définitif. L'université avançait que le délai écoulé entre le décès et la session d'examens de juin 2021 lui permettait d'analyser son état de santé psychologique et son aptitude à affronter une période d'examens, de sorte qu'elle aurait pu entreprendre les démarches nécessaires à reporter l'ensemble de ceux-ci avant la session. Un tel raisonnement ne pouvait être suivi.

En effet, elle n'avait jamais affirmé que le décès de sa grand-mère aurait eu un impact sur le résultat de ses examens à la session de mai-juin 2021, mais uniquement sur le résultat des examens de la session de janvier-février 2021. Lors de cette session, elle avait obtenu quatre notes inférieures à la moyenne, deux notes de 4, donc égales à celle-ci, et une note de 5,25 au cours « Introduction au marketing et à la dirigeance d'entreprise ». S'agissant de cette dernière note, elle ne renseignait en rien sur la performance livrée durant la session, car il s'agissait d'une note composite. Malgré ses demandes, elle n'avait pas pu obtenir le détail de la note obtenue lors de l'examen final. On ne pouvait dès lors inférer de cette note composite qu'elle était en mesure d'obtenir de bonnes notes à cette session.

De plus, il était insensé d'attendre d'une personne vivant une situation traumatique de deuil qu'elle soit en mesure d'effectuer une auto-analyse de son état de santé psychologique. Au contraire, le déni était l'une des réactions habituelles dans le deuil. Il ne pouvait ainsi être attendu d'elle qu'elle réagisse comme une personne raisonnable. Elle avait certes pu valablement excuser son absence à l'examen de « Corporate Finance » du 20 janvier 2021, mais c'était en raison non de son état psychologique mais de sa participation aux obsèques. On ne pouvait dès lors affirmer qu'elle avait accepté de se présenter dans un état déficient à ses examens.

17) L'université ne s'étant pas manifestée, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 43 al. 1 et 2 de la loi sur l'université du 13 juin 2008 - LU - C 1 30 ; art. 36 al. 1 et 37 du règlement relatif à la procédure d’opposition au sein de l’université du 16 mars 2009 - RIO-UNIGE ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige s’examine à l’aune du règlement d'études du BU en économie et management (ci-après : BUEM), entré en vigueur le 17 septembre 2018 (ci-après : RE-BUEM) ainsi que du statut, ce qui n’est au demeurant pas contesté.

En l’espèce, le contentieux porte sur la décision d’élimination définitive de la recourante du cursus de BUEM en raison de son échec définitif au bloc « Économie, mathématiques et statistiques ».

3) a. La durée de la première partie du BUEM est de deux semestres au minimum et de quatre semestres au maximum (art. 8 ch. 2 RE-BUEM). Au terme de chaque semestre, une session d'examens est organisée (sessions de janvier/février et de mai/juin ; art. 10 ch. 1 RE-BUEM). Une session extraordinaire est organisée en août/septembre – dans le cadre de la première partie du plan d'études, uniquement pour les étudiants ayant une absence justifiée (art. 10 ch. 2 RE-BUEM).

b. L'étudiant acquiert les crédits d'un bloc s'il obtient une moyenne pondérée par le nombre de crédits attachée à chaque enseignement du bloc égale ou supérieure à 4,00 ; les crédits sont alors octroyés « en bloc » (art. 15 ch. 3 let. a RE-BUEM). La première partie est réussie si l'étudiant acquiert les crédits de chacun des blocs (art. 15 ch. 3 et. D RE-BUEM). En cas d'échec à un ou plusieurs blocs, l'étudiant bénéficie d'une seconde et dernière tentative pour les blocs échoués (sic) l'année suivante à la session d'examens ordinaire qui suit immédiatement la fin de l'enseignement concerné ; il doit refaire tous les examens du bloc échoué (sic) auxquels il a obtenu une note inférieure à 5,00 ; un deuxième échec est éliminatoire (art. 10 ch. 3 let. e RE-BUEM). Les étudiants ayant échoué à un ou plusieurs blocs lors de la première tentative peuvent, durant l'année de leur seconde tentative, s'inscrire à des enseignements de la seconde partie du BU ne comportant pas de prérequis ou pour lesquels ils ont satisfait aux prérequis (art. 15 ch. 4 RE-BUEM).

c. Subit un échec définitif et est éliminé de la faculté l'étudiant qui n'a pas obtenu les crédits correspondant à chacun des blocs au terme de la seconde et dernière tentative conformément à l'art. 15 RE-BUEM (art. 16 ch. 1 let. b RE-BUEM).

4) En l'espèce, la recourante, à l'issue de la seconde tentative de réussite de sa première partie de BU, n'avait obtenu au bloc « Économie, mathématique et statistique » qu'une moyenne de 3,81, sur la base de deux examens passés lors de la session de janvier-février 2021 (avec les notes de 3,50 et 3,25) et de deux autres passés lors de la session de mai-juin 2021 (avec des notes de 3,50 et 5).

Sa situation entraînait donc sur le principe, en application de l'art. 16 ch. 1 let. b RE-BUEM précité, son élimination.

5) La recourante soutient toutefois qu’elle doit être mise au bénéfice de circonstances exceptionnelles au sens de l’art. 58 al. 4 du statut.

a. L'art. 58 al. 4 du statut prévoit la prise en compte des situations exceptionnelles lors d'une décision d'élimination.

b. Selon la jurisprudence, l’admission d’une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l’égalité de traitement entre tous les étudiants s’agissant du nombre de tentatives qu’ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N’est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l’étudiant, ce tant d’un point de vue subjectif qu’objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l’étudiant et être en lien de causalité avec l’événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d’un large pouvoir d’appréciation, dont l’autorité de recours ne censure que l’abus. La chambre de céans n’annule donc le prononcé attaqué que si l’autorité intimée s’est laissée guider par des motifs sans rapport avec l’examen ou d’une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/121/2018 du 6 février 2018 ; ATA/994/2016 du 22 novembre 2016 ; ATA/906/2016 du 25 octobre 2016).

Ont été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d’un proche – s’il est établi qu’il a causé un effet perturbateur en lien de causalité avec l’échec de l’étudiant –, de graves problèmes de santé ou encore l’éclatement d’une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l’étudiant (ATA/424/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3b ; ATA/906/2016 précité ; ATA/155/2012 du 20 mars 2012).

En revanche, et toujours selon la jurisprudence constante en la matière, des difficultés financières, économiques ou familiales ainsi que l’obligation d'exercer une activité lucrative en sus des études ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte (ATA/357/2009 du 28 juillet 2009). Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d’une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/161/2009 du 31 mars 2009).

c. Les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l’annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l’étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l’annulation des résultats obtenus (ATA/906/2016 précité ; ATA/712/2016 du 23 août 2016 ; ATA/424/2011 du 28 juin 2011).

Un motif d’empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu’avant ou pendant l’examen (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] B-6593/2013 du 7 août 2014 consid. 4.2 ; ATA/906/2016 précité ; ATA/712/2016 du 23 août 2016 ; ATA/721/2014 du 9 septembre 2014 consid. 17 et la référence citée).

Des exceptions au principe évoqué ci-dessus permettant de prendre en compte un certificat médical présenté après que l’examen a été passé ne peuvent être admises que si cinq conditions sont cumulativement remplies : la maladie n’apparaît qu’au moment de l’examen, sans qu’il ait été constaté de symptômes auparavant, le candidat à l’examen acceptant, dans le cas contraire, un risque de se présenter dans un état déficient, ce qui ne saurait justifier après coup l’annulation des résultats d’examens ; aucun symptôme n’est visible durant l’examen ; le candidat consulte un médecin immédiatement après l’examen ; le médecin constate immédiatement une maladie grave et soudaine qui, malgré l’absence de symptômes visibles, permet à l’évidence de conclure à l’existence d’un rapport de causalité avec l’échec à l’examen ; l’échec doit avoir une influence sur la réussite ou non de la session d’examens dans son ensemble (arrêt du TAF B-6593/2013 précité ; ATA/121/2018 précité ; ATA/1242/2017 du 29 août 2017 ; ATA/906/2016 précité).

6) Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3 ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). Ce principe est l'émanation d'un principe plus général, celui de la confiance, lequel suppose que les rapports juridiques se fondent et s'organisent sur une base de loyauté et sur le respect de la parole donnée. Le principe de la loyauté impose aux organes de l'État ainsi qu'aux particuliers d'agir conformément aux règles de la bonne foi ; cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; ATA/555/2022 du 24 mai 2022 consid. 9).

7) En l’espèce, la recourante a perdu sa grand-mère le 19 janvier 2021. Elle développe divers griefs dans son recours au sujet de l'absence de reconnaissance du lien particulier de proximité qui la liait à sa grand-mère et l'intimée reconnaît désormais que tel est le cas. Il convient en effet d'admettre en l'espèce l'existence d'un tel lien au vu des différentes pièces produites. L'intimée conteste cependant toujours l'existence d'un lien de causalité entre ledit décès et l'échec définitif de la recourante.

Il convient tout d'abord de relever que si l'objet du litige est déterminé, puisqu'il s'agit de la décision d'élimination rendue sur opposition par le doyen le 21 octobre 2021, il n'en va pas de même de la session d'examens dont les résultats auraient été affectés par le décès de la grand-mère de la recourante. En effet, dans son opposition, la recourante a mentionné uniquement la session d'automne 2020 comme ayant été affectée par son état lié à l'état de santé de sa grand-mère. D'ailleurs, dans son acte de recours, elle conclut à être admise à présenter lors d'une ultime tentative les examens non réussis lors de la session d'automne 2020. En revanche, dans ses dernières écritures, elle indique que le décès de sa grand-mère aurait affecté uniquement le résultat des examens de la session de janvier-février 2021, tout en renvoyant aux conclusions de son acte de recours.

Quelle que soit cependant l'hypothèse, l'invocation de circonstances exceptionnelles relatives à des sessions d'examens plus anciennes que celle ayant conduit à l'échec définitif est tardive, que ce soit à l'aune du principe de la bonne foi ou des conditions jurisprudentielles posées en cas de maladie somatique ou psychologique. Du point de vue de la bonne foi, l'on ne saurait attendre que les dernières tentatives données pour un cursus ou une partie de cursus soient achevées, avec des résultats au final défavorables, pour remettre en cause une session d'examens passée. Du point de vue des conditions jurisprudentielles énoncées ci-dessus, tant la consultation d'un médecin que la rédaction du certificat sont extrêmement tardives, le suivi auprès de la Dre B______ ayant commencé en juillet 2021, et le certificat médical datant du 18 novembre 2021, soit de nombreux mois voire presque un an après les sessions d'examens concernées. Qui plus est, le certificat médical en question se contente d'émettre des conjectures au sujet du lien de causalité, dès lors qu'il retient simplement que le décès survenu en janvier 2021 « a pu » perturber les prestations académiques de la recourante lors de la session d'examens de janvier-février 2021 et de la suivante.

La tardiveté de l'allégation des circonstances exceptionnelles remet en cause le lien de causalité entre le relatif échec de la recourante lors de la session de janvier-février 2021 et son échec définitif sur un autre plan, à savoir que de meilleurs résultats lors de la session de mai-juin 2021 lui auraient permis d'éviter l'élimination. Cette dernière est due, comme déjà exposé, à une moyenne de 3,81 sur les quatre examens du bloc « Économie, mathématique et statistique ». Or, la recourante a passé deux des examens de ce bloc en mai-juin 2021 et obtenu des notes de 3,50 et de 5. Il lui aurait ainsi suffi d'obtenir 0,75 en plus à l'un ou l'autre de ces examens, ou en combinaison entre les deux, pour obtenir une moyenne de 4 au bloc qui a entraîné son élimination, si bien que l'on ne peut retenir que ce serait la session de janvier-février 2021 qui lui a été fatale. La session de septembre-octobre 2020 n'entre quant à elle pas en ligne de compte, dès lors qu'aucun des examens du bloc en cause retenu pour le calcul final n'a été passé lors de cette session.

Enfin, comme relevé par l'intimée et malgré les dénégations de la recourante, cette dernière a obtenu lors de la session de janvier-février 2021 quelques notes acceptables (soit deux 4,00), et même une bonne (5,25 à un examen de deuxième partie de BU). À cet égard, même s'il s'agit d'une note composite, le document de présentation du cours produit par la recourante indique que la note finale est une moyenne entre deux éléments, à savoir le travail personnel de l'étudiante basé sur plusieurs petits travaux effectués au cours de l'année et l'examen final passé sous forme de questionnaire à choix multiples. Dès lors pour obtenir une note de 5,25 au total, la recourante a dû obtenir au moins 4,5 à l'examen final, ce qui tend à démontrer qu'elle ne se trouvait pas dans un état d'inaptitude totale à passer des examens.

Il découle de l'ensemble des circonstances qui précèdent que le décès de la grand-mère de la recourante ne peut pas être pris en compte à titre de circonstance exceptionnelle au sens de l'art. 58 al. 4 du statut, si bien que le doyen n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en confirmant la décision d'élimination.

Le recours sera ainsi rejeté.

8) Malgré l'issue du litige et la demande de restitution de l'effet suspensif, aucun émolument ne sera perçu, la recourante ayant démontré être dispensée des taxes universitaires (art. 87 al. 1 LPA cum art. 11 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu'à l'université, qui dispose d'un service juridique susceptible de traiter ce type de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 novembre 2021 par Madame A______ contre la décision sur opposition du doyen de la faculté d'économie et de management du 21 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mattia Deberti, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :