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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2119/2021

ATA/585/2022 du 31.05.2022 sur JTAPI/800/2021 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2119/2021-ICCIFD ATA/585/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 mai 2022

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 août 2021 (JTAPI/800/2021)


EN FAIT

1) Par décision sur réclamation du 18 mai 2021, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a refusé de faire droit à la réclamation de Monsieur A______.

2) Par acte du 15 juin 2021, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

3) Par pli recommandé du 23 juin 2021, le TAPI a imparti à M. A______ un délai au 23 juillet 2021 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 700.-, sous peine d’irrecevabilité.

4) L’avance de frais a été créditée sur le compte du Pouvoir judiciaire le 26 juillet 2021.

5) Par courrier du 29 juillet 2021, le TAPI a invité M. A______ à lui transmettre, au plus tard le 11 août 2021, tout justificatif démontrant la date à laquelle il s’était acquitté du paiement de l’avance de frais (avis de débit, extrait de compte, récépissé postal), sous peine d'irrecevabilité.

6) Le 9 août 2021, M. A______ a produit une copie de la documentation de sa banque (B______) relative à son ordre de paiement de l’avance de frais de CHF 700.-, dont il ressortait que celui-ci avait été établi le vendredi 23 juillet 2021 à 23h25, mais que le paiement avait été exécuté le lundi 26 juillet 2021. Un second document bancaire de B______, intitulé « Détails de la transaction », mentionnait le 26 juillet 2021 comme dates de transaction, de comptabilisation, de valeur et de réception de l’ordre.

Dans sa lettre d’accompagnement, M. A______ a expliqué avoir effectué le paiement le 23 juillet 2021, malgré des difficultés à réunir les fonds nécessaires. Il a ajouté : « mais entretemps j’ai eu des prélèvements qui n’étaient pas prévus. J’aimerais vous remercier par avance de votre compréhension surtout par ces temps de crise (COVID 19) où nous avons du mal à joindre les deux bouts ».

7) Par jugement du 11 août 2021, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

L’avance de frais avait été créditée sur le compte du Pouvoir judiciaire le 26 juillet 2021. Au vu des pièces bancaires fournies par M. A______, il s’avérait que son compte bancaire avait été débité le 26 juillet 2021, soit après l’échéance du 23 juillet 2021.

Dans ces circonstances, il devait être constaté que le paiement de l’avance de frais avait été effectué en dehors du délai imparti. En outre, les motifs allégués ne constituaient pas un cas de force majeure pouvant justifier une prolongation (recte : une restitution) de délai.

8) Par acte posté le 16 septembre 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, sans prendre de conclusions formelles.

Il demandait exceptionnellement une « grâce » car il avait fait le maximum pour que le paiement soit fait le 23 août (recte : juillet) 2021. Les documents qu'il avait fournis démontraient qu'il avait bien effectué le paiement, qu'il avait saisi à la main, le 23 août (recte : juillet) 2021. Si le paiement avait été reçu plus tard, c'était indépendamment de sa volonté.

9) Le 14 octobre 2021, l'AFC-GE s'en est rapportée à justice, considérant ne pas être compétente en matière d'avance de frais.

10) Le 9 novembre 2021, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 3 décembre 2021 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

11) Le 17 novembre, l'AFC-GE a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

12) M. A______ ne s'est pas manifesté.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé du jugement d’irrecevabilité prononcé par le TAPI pour non-paiement de l’avance de frais dans le délai imparti, étant rappelé que la chambre de céans est une autorité de recours qui examine la conformité au droit des décisions de l'administration et le cas échéant des jugements du TAPI, mais ne saurait accorder de « grâce », comme le demande le recourant.

Il ressort par ailleurs du recours de ce dernier, malgré l'absence de conclusions formelles à cet égard, qu'est matériellement demandée l'annulation du jugement d'irrecevabilité, de telle sorte qu'il peut être entré en matière sur le recours.

3) a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).

b. En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/1043/2021 du 5 octobre 2021 consid. 3b ; ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c).

c. Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/158/2020 du 11 février 2020 ; ATA/38/2020 du 14 janvier 2020 ; ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées).

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 précité ; ATA/916/2015 précité consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, n. 14 et 15 ad art. 133).

4) a. Selon la jurisprudence, le moment déterminant pour constater l'observation ou l'inobservation du délai est celui auquel la somme a été versée en faveur de l'autorité à la Poste suisse (que ce soit au guichet d'un bureau de poste ou lors d'un transfert depuis l'étranger) ou celui auquel l'ordre de paiement en faveur de l'autorité a été débité du compte postal ou bancaire du recourant ou de son mandataire
(ATF 139 III 364 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_884/2017 du 22 février 2018 consid. 3.1.1 et les arrêts cités ; ATA/1170/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3b).

b. Il découle en outre de la jurisprudence que tant la partie que son mandataire doivent avoir un comportement exempt de tout faute (ATF 119 II 86 consid. 2 ; 114 II 181 consid. 2). Les principes de la représentation directe déploient tous leurs effets (arrêt du Tribunal fédéral 2C_511/2009 du 18 janvier 2010 consid. 5.3).

5) Selon l'art. 16 al. 2 LPA, le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration.

6) a. La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.) le principe de l’interdiction du déni de justice formel, qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2). L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1 ; ATA/49/2017 du 24 janvier 2017). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.1 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 261 n. 2.2.4.6 et les références citées).

b. De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2 ; ATA/564/2012 du 21 août 2012). De jurisprudence constante, la sanction de l’irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l’avance de frais ne procède pas d’un excès de formalisme ou d’un déni de justice, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1002 ad art. 86 LPA).

c. Enfin, la gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

7) En l’espèce, le recourant ne conteste pas avoir été informé du délai imparti pour verser l'avance de frais, du caractère suffisant dudit délai, ainsi que des conséquences d'une absence de versement en temps voulu.

Il résulte des pièces fournies par le recourant que si l'ordre de paiement a bien été donné le vendredi 23 juillet 2021, ce vingt-cinq minutes avant l'expiration du délai, son compte bancaire n'a été débité que le lundi 26 juillet 2021, soit au-delà du délai imparti.

Les difficultés à réunir la somme demandée, pas plus que les conditions sanitaires alors en vigueur, ne sauraient équivaloir à un cas d'impossibilité non fautive, cette dernière étant nécessaire pour retenir une restitution du délai au sens de l'art. 16 al. 3 LPA ; ce d'autant plus que le recourant ne prétend pas avoir été dans l'impossibilité de demander la prolongation du délai au sens de l'art. 16 al. 2 LPA, ce qu'il pouvait faire en contactant le TAPI avant l'expiration du délai de paiement.

C'est dès lors de manière conforme au droit que le TAPI a déclaré le recours irrecevable, ce qui conduit au rejet du recours.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 septembre 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 août 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de M. A______ un émolument de 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :