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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3045/2021

ATA/321/2022 du 29.03.2022 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 19.05.2022, rendu le 09.10.2023, REJETE, 1C_288/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3045/2021-AMENAG ATA/321/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 mars 2022

 

dans la cause

Mmes et MM. A______, B______, C______ et D______

représentés par Me Romain Jordan, avocat

et

Mmes et MM. E______, F______, G______, H______ et I______, formant la communauté héréditaire de feu M. J______,
représentés par Me Robert Cramer, avocat

et

Mmes et MM. K______, L______, M______ et N______ et O______,

représentés par Me Philippe Cottier, avocat

 

contre

GRAND CONSEIL



EN FAIT

1) Au lieu-dit P______ (ci-après : le périmètre), situé sur la commune de Q______ (ci-après : la commune), se trouvent les parcelles nos 7'261, 7'355, 7'356, 7'357, 7'365, 7'366, 7'367, 7'389, 7'846, 7'872, 7'874, 8'335, 8'337, 8'346 et, en partie, n° 7'941.

La parcelle n° 7'356 appartient à l’État de Genève, la parcelle n° 8'337 à la commune et les parcelles nos 7'336, 7'491, 7'874 et 8'346 ressortissent au domaine public de la commune.

Mme B______, MM. C______ et D______ sont propriétaires de la parcelle n° 7'367. Mme A______ est propriétaire de la parcelle n° 7'389, où elle vit avec son époux M. A______. Mmes et MM. E______, F______, G______, H______ et I______, formant la communauté héréditaire de feu M. J______, sont propriétaires de la parcelle n° 7'365. M. O______ est propriétaire de la parcelle n° 8'335. MM. M______ et N______ sont propriétaires de la parcelle n° 7'261. Mmes K______ et L______ et M. L______ sont propriétaires de la parcelle n° 7'355.

Le périmètre forme un triangle bordé sur son côté Est par la voie d’accès à l’autoroute de contournement, sur son côté Sud par la route R______ et sur son côté Ouest par le chemin S______.

Il était incorporé en zone agricole depuis le 19 décembre 1952 et représente une surface d’environ 44'631 m2, dont 29'191 m2 relèvent des surfaces d’assolement (ci-après : SDA). Il est bordé sur son flanc Ouest et Nord-Ouest par une zone 4B et une zone de développement 3, sur son flanc Est par une zone agricole (bretelle autoroutière) puis une zone de verdure et sur son flanc Sud Sud-Ouest par une zone de développement 3.

2) Le 12 avril 2017, le département du territoire (ci-après : DT ou département) a élaboré un avant-projet de plan de modification des limites de zone n° 1______ créant dans le périmètre une zone d’équipement public. Le projet a été modifié le 24 avril 2017 pour créer une zone de bois et forêts sur la parcelle n° 7'846.

3) L’enquête publique a eu lieu du 13 avril au 14 mai 2018.

4) a. Le 14 mai 2018, M. E______ et l’hoirie de feu J______, Mme K______, ainsi que MM. L______, MM. M______ ET N______ et M. O______ ont adressé au département des observations. Ils ne s’opposaient

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


pas au développement urbain du canton et en particulier de la commune, mais déploraient que la réalisation de l’objectif puisse impliquer la voie de l’expropriation et souhaitaient qu’une solution de compromis soir trouvée, qui pourrait passer par l’attribution d’un droit de superficie en faveur de l’État ou l’échange de droits à bâtir dans le secteur.

Le département s’est déclaré disposé à les rencontrer pour définir leurs besoins.

b. Le même jour, les époux A______ ont pour leur part proposé la création sur la moitié Ouest du périmètre d’une zone mixte/logements, une affectation purement publique ne leur permettant pas de valoriser leur bien en vue de financer leur retraite.

Le département a répondu que la coexistence d’un campus et de villas n’était pas possible. Quant à la création d’une zone mixte, elle contredisait le plan directeur de quartier (ci-après : PDQ) n° 2______ « Q______ » adopté en 2017. Le site était soumis aux contraintes de bruit et de risques majeurs, ce qui avait écarté une affectation au logement mais permettait l’accueil d’équipement structurant. Les surfaces nécessaires au pôle public de formation contraignaient à déclasser l’entier du périmètre à son profit.

5) Le 16 octobre 2018, par 20 oui, 1 non et 1 abstention, le conseil municipal de la commune a délivré un préavis favorable à l’avant-projet, en émettant quelques réserves.

6) Le 10 avril 2019, le Conseil d’État a soumis au Grand Conseil le projet de loi 3______ (ci-après : PL 3______) modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Q______ et créant une zone affectée à de l’équipement public et une zone de bois et forêts, selon le plan n° 1.

7) Le 30 avril 2019, la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) a publié l’ouverture de la procédure d’opposition portant sur le PL, pour une durée allant jusqu’au 31 mai 2019, ainsi que l’ouverture de la procédure d’opposition portant sur la déclaration d’utilité publique, allant du 1er au 10 juin 2019.

8) Le 14 mai 2019, le Grand Conseil a envoyé le PL en commission d’aménagement (ci-après : CAC).

9) Le 31 mai 2019, Mme et M. A______, Mme B______et MM.  C______ et D______ ainsi que T______ SA, Mme K______ et MM. L______, MM. M______ et N______, M. O______, M. E______ et la communauté héréditaire de feu M. J______ ont formé opposition contre le PL 3______.

Les 7 et 11 juin 2019, ils se sont opposés à la déclaration d’utilité publique.

10) Le 29 août 2019, la CAC a entendu Mme et M. A______, Mme B______ et MM. C______ et D______ ainsi que T______ SA, Mme K______ et MM. L______, M. N______, M. O______.

11) Les 27 et 28 novembre 2019, à la demande de la CAC, ils ont été reçus par le département.

12) Le 7 août 2020, la CAC a déposé son rapport PL 3______-A.

Outre les opposants, elle avait entendu différents responsables du département et de la commune et gelé le projet jusqu’à fin 2019 pour permettre de rechercher une solution transigée, laquelle n’avait pas été trouvée. Les griefs d’absence de processus de concertation et de violation du droit d’être entendu, de violation du principe de coordination, d’absence d’examen global et d’étude d’impact, de violation de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) et de l’ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs du 27 février 1991 (OPAM - RS 814.012), de violation de la garantie de la propriété et d’inopportunité devaient être rejetés. Le projet était approuvé par 12 oui contre 3 non et 0 absention.

13) Le 1er octobre 2020, le Grand Conseil a adopté la loi 3______ et le plan n° 1 et rejeté les oppositions, reprenant les arguments du rapport de la CAC.

14) Le 7 octobre 2020, le Conseil d’État a promulgué la loi. Le 9 octobre 2020, l’arrêté de promulgation est paru dans la FAO. Le délai référendaire a été fixé au 18 novembre 2020. Le 3 février 2021, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement du référendum. La votation populaire s’est déroulée le 13 juin 2021 et la loi a été approuvée par 78'805 oui contre 44'950 non, soit 63.68 % des votants.

15) Par acte remis à la poste le 10 septembre 2021, Mme et M. A______, Mme B______et MM. C______ et D______ ainsi que T______ SA, Mme K______ et MM. L______, MM. M______ et N______, M. O______, MM. et Mme E______, F______, G______, H______, I______, formant la communauté héréditaire de feu M. J______, ont formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette loi, concluant à son annulation et à l’allocation d’une indemnité de procédure.

La loi violait l’art. 33 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Le Grand Conseil avait décidé au bénéfice d’un plein pouvoir d’examen, y compris de l’opportunité, en statuant sur leurs oppositions, ce qui n’était plus conforme à l’art. 33 LAT depuis l’entrée en vigueur de l’art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et de l’art. 110 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

Le Grand Conseil avait violé l’art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) en déclarant à tort irrecevable le grief tiré de l’absence de coordination des procédures. Son pouvoir d’examen était plus large que celui de la chambre administrative, de sorte que la violation était irréparable.

La loi violait le principe de coordination des art. 15 al. 3 et 25A LAT, en s’abstenant de coordonner la loi litigieuse avec la loi n° 4______ qui visait les parcelles directement voisines et avec les enjeux d’aménagement et de circulation pendants devant l’office fédéral des routes (ci-après : OFROU).

La procédure avait violé leur droit d’être entendus. Aucune de leur requêtes d’instruction n’avait été respectée.

L’art. 47 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT – RS 700.1) avait été violé. Aucun rapport sur la conformité du plan d’affectation à la législation fédérale sur la protection de l’environnement n’avait été établi.

L’adoption de la loi avait violé le principe de proportionnalité et consacrait un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité. La pesée des intérêts en présence était incomplète et reposait sur une documentation insuffisante, que ce soit en termes de droit de l’environnement, d’accidentologie ou de coordination des procédures.

La garantie de la propriété avait été violée. Leur intérêt privé n’avait pas été évoqué.

L’art. 8 Cst. avait été violé. Leurs parcelles avaient le droit d’être classées en zone d’habitations, comme les parcelles voisines concernées par la loi n° 4______.

L’art. 26 OAT avait été violé. La suppression des surfaces d’assolement ne respectait pas le quota fixé par le Conseil fédéral au canton.

16) Le 11 novembre 2021, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours.

Les recourants ne démontraient pas que la chambre administrative dût disposer d’un plein pouvoir d’examen.

Le grief de défaut de coordination avec l’OFROU avait été examiné et rejeté comme infondé, et non déclaré irrecevable, de sorte qu’aucune violation de l’art. 29a Cst. n’avait été commise.

Le grief de violation du principe de coordination n’était plus recevable devant la chambre administrative. La délimitation des zones relevait de la politique de l’aménagement du territoire, pour laquelle le Grand Conseil disposait d’un large pouvoir d’appréciation.

Les modifications de zones n’étaient pas soumises aux études d’impact sur l’environnement (ci-après : EIE). Un examen prima facie des contraintes environnementales avait toutefois été effectué par le service de l’environnement et des risques majeurs (ci-après : SERMA), qui avait émis un préavis favorable. La question de l’équipement des voies d’accès n’avait pas à être traitée à ce stade, et la direction générale des transports (ci-après : DGT) avait rendu un préavis favorable.

Le grief de violation du droit d’être entendu était infondé. Les propositions des recourants relevaient de l’opportunité et n’étaient pas recevables devant la chambre administrative.

L’établissement d’un rapport selon l’art. 47 OAT n’était ni nécessaire ni utile lorsque le canton était, comme en l’espèce, seul compétent pour établir le plan, l’adopter et l’approuver.

L’atteinte à la propriété des recourants reposait sur une base légale, était justifiée par un intérêt public prépondérant et respectait le principe de la proportionnalité. La clause d’utilité publique pourrait être attaquée en même temps que l’arrêté du Conseil d’État décrétant l’expropriation des droits et immeubles nécessaires, et le recours était irrecevable en tant qu’il portait sur celle-ci.

Le principe de la proportionnalité avait été respecté et aucun abus du pouvoir d’appréciation n’avait été commis. La loi permettrait la construction d’un cycle d’orientation (ci-après : CO), de centres de formation santé (ci-après : CFPSa) et social (ci-après : CFPSo) ainsi que d’un parking d’échange modal (ci-après : P+R).

Le grief de violation du principe d’égalité de traitement n’était plus recevable devant la chambre administrative. P______ avait été dévolue par le PDQ à de l’équipement public structurant à haute valeur ajoutée, et l’inclusion des parcelles des recourants dans le périmètre du plan n° 5______ visé par la loi n° 4______ du 11 mai 2017 était inopportune et prématurée.

L’art. 26 OAT n’avait pas été violé. La diminution des SDA de 2.9 ha environ entraînée par la loi n’entamait pas les 8'400 ha arrêtés par la Confédération en 1992 et modifiés en 2020, le Conseil d’État ayant porté à 8'490.6 ha le nouvel inventaire du canton. L’office cantonal de la nature avait d’ailleurs rendu un préavis favorable.

17) Le 14 février 2022, les recourants ont persisté dans leurs conclusions et leur argumentation.

18) Le 21 février 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

Il sera revenu en tant que de besoin sur le détail de leurs allégués et de leurs argumentations dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1. Le recours est dirigé contre la loi n° 3______ modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune (création d'une zone affectée à de l’équipement public et d’une zone de bois et forêts) sur le périmètre de P______. Cette loi, adoptée par le Grand Conseil le 1er octobre 2020, constitue une mesure d'aménagement du territoire au sens de l'art. 12 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

2) Selon l'art. 35 LaLAT, la décision par laquelle le Grand Conseil adopte un plan d'affectation du sol visé à l'art. 12 LaLAT peut fait l'objet d'un recours à la chambre administrative (al. 1). Le délai pour recourir est de trente jours dès la publication de l'arrêté de promulgation de la loi (al. 2). Le recours n'est par ailleurs recevable que si la voie de l'opposition a été préalablement épuisée (al. 4). La loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) est applicable pour le surplus (al. 5).

La loi modifiant les zones équivaut à un plan d’affectation.

En l'espèce, le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente et est donc recevable.

3) Selon l’art. 35 al. 4 LaLAT, le recours n'est recevable que si la voie de l'opposition a été préalablement épuisée.

En l'occurrence, tous les recourants ont formé opposition contre la modification de zones litigieuse.

4) Les recourants requièrent « formellement » l’audition d’un représentant de l’OFROU.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, il sera vu plus loin que le grief de violation du principe de coordination avec l’OFROU est infondé, pour des motifs juridiques ne nécessitant pas l’audition de ce dernier.

La demande sera ainsi rejetée.

5) a. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA et 35 al. 5 LaLAT). Les juridictions administratives n'ont cependant pas de compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

b. Le pouvoir d'examen juridictionnel à propos des décisions appliquant les principes essentiels d'aménagement du territoire doit être reconnu de façon assez large, dans la mesure où la transgression de ces principes n'est pas seulement inopportune, mais constitue également une violation du droit (Office fédéral de l'aménagement du territoire, Études relatives à la LAT, 1981, p. 93). Cependant, la présence dans la LAT d'un nombre important de notions juridiques indéterminées ne laisse finalement à la chambre de céans qu’une marge d'appréciation limitée à l'excès ou l'abus de son pouvoir d’appréciation par le Grand Conseil (ATA/557/2015 du 2 juin 2015 consid. 4 et les références citées).

c. Aux termes de l'art. 33 al. 2 LAT, le droit cantonal doit prévoir au moins une voie de recours contre les plans d’affectation. Parmi les autorités chargées de cette tâche, l'une d'elles au moins doit disposer d’un libre pouvoir d’examen (art. 33 al. 3 let. b LAT). Ce libre examen ne se réduit pas à un contrôle complet de la constatation des faits et de l'application du droit ; il comporte aussi un contrôle de l'opportunité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_447/2009 du 11 mars 2010 consid. 2.1). L'autorité de recours au sens de l'art. 33 al. 3 let. b LAT ne doit pas nécessairement être une autorité de juridiction administrative chargée par le droit cantonal de statuer sur des recours stricto sensu. Une autorité compétente pour statuer sur des oppositions, par exemple un gouvernement cantonal, peut également satisfaire aux exigences du droit fédéral (ATF 127 II 238 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_447/2009 précité consid. 2.1).

d. Par ailleurs, la délimitation des zones est une question qui relève surtout de la politique générale de l'aménagement du territoire (ATF 127 II 238 consid. 3b/bb ; 108 Ib 479 consid. 3c) et le contrôle par le juge des choix opérés par le législateur dans ce domaine ne saurait par conséquent toucher aux pures questions d'opportunité (ATA/699/2020 du 4 août 2020 consid. 6d ; ATA/557/2015 précité ; ATA/397/2009 du 25 août 2009 ; ATA/621/2004 du 5 août 2004 ; ATA/286/2004 du 6 avril 2004 et les références citées). À cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé à plusieurs occasions que le Grand Conseil, en tant qu'autorité cantonale supérieure de planification, possède un large pouvoir d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_447/2009 précité ; 1C_161/2008 du 15 juillet 2008 consid. 2.2 ; 1P.444/2001 du 29 novembre 2001 consid. 3b/bb ; 1P.350/1998 du 27 septembre 2000 consid. 3).

La chambre de céans ne peut donc revoir un plan d'affectation que sous l'angle de la légalité, son opportunité étant examinée au stade de l'opposition et le Grand Conseil ayant un plein pouvoir d'examen (ATA/397/2009 précité ; Jean-Charles PAULI, L'élargissement des compétences du Tribunal administratif [dont les compétences ont été reprises par la chambre de céans] en matière d'aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000 I p. 526 ; Thierry TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10). Elle ne peut en particulier revoir le choix de l'autorité intimée de déclasser un terrain plutôt qu'un autre, et doit se borner à examiner si la solution adoptée est conforme à la loi (ATA/495/2018 du 22 mai 2018 consid. 7c ; ATA/632/2011 du 11 octobre 2011 consid. 9c).

6) Les recourants soutiennent qu’en raison de l’entrée en vigueur des art. 29a Cst et 110 LTF cette jurisprudence ne pourrait être maintenue.

L’art. 29a Cst., en vigueur depuis le 1er janvier 2007, dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire, et que la Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l’accès au juge dans des cas exceptionnels. L’art. 110 LTF, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 également, dispose que si, en vertu de la LTF, les cantons sont tenus d’instituer un tribunal comme autorité cantonale de dernière instance, ils font en sorte que ce tribunal ou une autre autorité judiciaire, statuant en instance précédente, examine librement les faits et applique d’office le droit déterminant.

Les recourants font valoir que la chambre administrative, seule à revêtir la qualité d’autorité judiciaire de recours et précédant immédiatement le Tribunal fédéral, doit se voir reconnaître un libre pouvoir d’examen s’étendant également à l’opportunité. Ils ne sauraient toutefois être suivis.

La jurisprudence relative au pouvoir d’appréciation de l’autorité de planification en charge de l’aménagement (ATA/891/2003 du 2 décembre 2003 consid. 2b) n’a pas, quoi qu’en disent les recourants, varié depuis les modifications législatives susmentionnées. L’autorité de planification bénéficie toujours d’une importante liberté d’appréciation, sous réserve qu’elle se conforme aux buts et principes de l’aménagement du territoire et aux exigences de la protection de l’environnement et de la nature et qu’elle fonde sa décision sur une pesée des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 1C_97/2017 du 19 décembre 2018 consid. 4.1). Le Tribunal fédéral examine en principe librement si les mesures d’aménagement du territoire répondent à un intérêt public et respectent le principe de la proportionnalité ; il s'impose toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales, mieux connues des autorités cantonales, ou de trancher de pures questions d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_414/2013 du 30 avril 2014 consid. 5.1, qui se réfère à l’ATF 132 II 408). La chambre de céans, si elle s’est dispensée d’examiner le grief dans le cas concret traité dans l’arrêt ATA/699/2020 précité, n’en a pas moins réaffirmé le principe que son contrôle ne s’étendait pas aux questions d'opportunité.

L’opportunité doit demeurer une prérogative de l’autorité de planification. Elle peut être critiquée par les opposants et est revue librement par le Grand Conseil statuant sur leurs oppositions. Il n’y a pas lieu que la chambre de céans étende son pouvoir d’examen à l’opportunité, sous peine d’empiéter sur la marge de manœuvre de l’autorité et de porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Les recourants ont en l’espèce pu soumettre, avec tous leurs autres griefs, la question de l’opportunité au Grand Conseil, et la présente procédure devant la chambre administrative leur permet de faire examiner à nouveau la légalité du projet ainsi que le respect des principes de la bonne foi, de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire.

Le système répond ainsi aux exigences des art. 29a Cst et 110 LTF, et le grief de violation de l’art. 33 LAT sera écarté.

7) La loi dont les recourants demandent l’annulation ordonne le déclassement en zone affectée à de l’équipement public et en zone de bois et forêts de parcelles auparavant sises en zone agricole.

a. Selon l’art. 1 al. 1 LAT, la Confédération, les cantons et les communes veillent à une utilisation mesurée du sol et à la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire. Les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol (art. 14 al. 1 LAT). Ils délimitent en premier lieu les zones à bâtir (définies aux art. 15 et 15a LAT), les zones agricoles (art. 16 ss LAT) et les zones à protéger (art. 17 LAT). Le droit cantonal peut prévoir d’autres zones d’affectation (art. 18 al. 1 LAT). Il peut régler le cas des territoires non affectés ou de ceux dont l’affectation est différée (art. 18 al. 2 LAT).

À teneur de l’art. 12 LaLAT, pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones, dont les périmètres sont fixés par des plans annexés à LaLAT (al. 1). Les zones instituées à l’alinéa 1 sont de 3 types : a) les zones ordinaires b) les zones de développement et c) les zones protégées (al. 2).

Parmi les zones ordinaires figurent notamment les zones à bâtir (art. 19 al. 1 à 7 LaLAT), la zone agricole (art. 20 et 21 LaLAT), la zone de bois et forêts (art. 23 LaLAT) et les zones de verdure et de délassement (art. 24 et 25 LaLAT).

S’agissant des zones à bâtir, les trois premières zones à bâtir sont destinées aux grandes maisons affectées à l’habitation, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire. D’autres activités peuvent y être admises lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public (art. 19 al. 1 LaLAT). En fonction de leur origine historique, la délimitation de ces zones s’établit comme suit : la 1ère zone comprend les quartiers de la Ville de Genève qui se trouvent dans les limites des anciennes fortifications (let. a) ; la 2ème zone comprend les quartiers édifiés sur le territoire des anciennes fortifications et des quartiers nettement urbains qui leur sont contigus (let. b) ; la 3ème zone comprend les régions dont la transformation en quartiers urbains est fortement avancée (let. c) ; la 4ème zone (ou zone 4A) est destinée principalement aux maisons d’habitation, comportant en principe plusieurs logements, mais elle peut aussi abriter des activités, si celles-ci ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage ou le public (art. 19 al. 2 LaLAT) ; la 5ème zone est une zone résidentielle destinée aux villas (art. 19 al. 3 LaLAT) ; les zones industrielles et artisanales (art. 19 al. 4 LaLAT), la zone ferroviaire (art. 19 al. 5 LaLAT), la zone aéroportuaire (art. 19 al. 6 LaLAT), les zones d’activités mixtes (art. 19 al. 7 LaLAT) et les zones affectées à de l’équipement public (art. 19 al. 8 LaLAT) sont également des zones à bâtir.

b. Selon l’art. 19 al. 8 LaLAT, les zones affectées à de l’équipement public sont destinées à des constructions, autres que du logement, nécessaires à la satisfaction des besoins d’équipement de l’État, des communes, d’établissements ou de fondations de droit public. Sauf disposition contraire de la loi de modification des limites de zones concernée, les constructions édifiées dans les zones affectées à de l’équipement public sont soumises aux dispositions applicables à la 3e zone. Les biens-fonds compris dans ces zones sont grevés d’un droit de préemption au profit de l’État ou des communes intéressées, lequel est mentionné au registre foncier et s’exerce conformément aux modalités prévues par les art. 30A, al. 2, et 30B de la loi.

Selon l’art. 23 LaLAT, la zone des bois et forêts comprend la surface forestière du canton, telle que déterminée par la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10 ; al. 1). Celle-ci définit les possibilités de constructions dans ladite zone (al. 2).

8) Les recourants se plaignent de la violation des principes de coordination et de l’interdiction du déni de justice formel, le Grand Conseil ayant déclaré irrecevable leur grief de violation du principe de coordination.

a. Le principe de coordination formelle et matérielle est ancré à l'art. 25a LAT. Selon cet article, une autorité chargée de la coordination est désignée lorsque l'implantation ou la transformation d'une construction ou d'une installation nécessite des décisions émanant de plusieurs autorités (al. 1). L'autorité chargée de la coordination peut prendre les dispositions nécessaires pour conduire les procédures (let. a), veille à ce que toutes les pièces du dossier de requête soient mises en même temps à l'enquête publique (let. b), recueille les avis circonstanciés relatifs au projet auprès de toutes les autorités cantonales et fédérales concernées par la procédure (let. c) et veille à la concordance matérielle ainsi que, en règle générale, à une notification commune ou simultanée des décisions (let. d ; al. 2). Les décisions ne doivent pas être contradictoires (al. 3). Ces principes sont applicables par analogie à la procédure des plans d'affectation (al. 4). Le principe de la coordination est également applicable lorsque plusieurs décisions émanent d'une même autorité (arrêt du Tribunal 1C_536/2019 et 1C_537/2019 du 16 septembre 2020 consid. 7 et la référence citée). La loi ne tend pas à une coordination maximale, mais doit assurer une coordination suffisante, ce que précisent les textes allemand et italien de l'art. 25a al. 1 LAT. Le contenu ou l'ampleur d'une coordination « suffisante » ressort des principes généraux (notamment de la nécessité d'effectuer une pesée globale des intérêts, dans la mesure où elle est exigée dans le droit de la construction et de l'aménagement) ou de prescriptions spéciales (arrêt du Tribunal fédéral 1C_242/2019 du 7 avril 2020 consid. 2.1 et les références citées).

Le principe de coordination est également prévu en droit cantonal à l'art. 12A LPA, lequel rappelle le principe général selon lequel les procédures doivent être coordonnées lorsque plusieurs législations ayant entre elles un lien matériel étroit sont applicables à un projet.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'autorité de planification doit prendre en compte, dans le cadre de l'adoption d'un plan partiel d'affectation ou d'un plan de quartier, tous les éléments déterminants du point de vue de la protection de l'environnement et de l'aménagement du territoire qui sont objectivement en relation les uns avec les autres, notamment ceux qui se trouvent dans une relation si étroite qu'ils ne peuvent être appliqués de manière indépendante (ATF 123 II 88 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_222/2019 du 4 septembre 2020 consid. 6.2.1). L'étendue de cet examen varie toutefois selon le degré de précision du plan. Ainsi, lorsque la modification de la planification a lieu en vue d'un projet précis et détaillé qui doit être mis à l'enquête ultérieurement, l'autorité doit contrôler à ce stade si celui-ci peut être réalisé de manière conforme aux exigences de la législation fédérale sur la protection de l'environnement ; dans les autres cas, elle doit être convaincue qu'un développement de la zone peut se faire de manière conforme à ces exigences moyennant, le cas échéant, des aménagements à définir dans la procédure d'autorisation de construire. En tout état, l'adoption d'une planification n'est pas admissible s'il apparaît d'emblée que la réalisation du projet est exclue au regard des exigences du droit de l'environnement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_489/2019 du 1er décembre 2020 consid. 3.1.2).

b. Selon la jurisprudence, un déni de justice formel est commis lorsqu'une autorité n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit ; l'autorité qui se refuse à statuer, ou ne le fait que partiellement, viole l'art. 29 al. 1 Cst. ; ATF 141 I 172 consid. 5 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_145/2021 du 12 août 2021 consid. 4.1).

c. En l’espèce, le grief relatif à la violation du principe de coordination a été examiné et discuté par la CAC aux pages 38 à 40 de son rapport du 7 août 2020. Celle-ci l’a jugé infondé et conclu qu’il devait être rejeté. Le Grand Conseil a fait siennes la motivation et les conclusions de la CAC (art. 5 al. 1 de la loi 3______). Le grief de déni de justice formel doit ainsi être écarté.

S’agissant de la violation du principe de coordination, l’intimé a relevé que le projet concernant le périmètre P______ n’était pas assez abouti pour que les parcelles des recourants soient incluses dans le périmètre du plan n° 6______ visé à l’art. 1 de la loi n° 4______ du 11 mai 2017, étant observé que le PDQ n° 7______ approuvé par le Conseil d’État le 26 avril 2017 affectait déjà le secteur à de l’équipement public structurant à haute valeur ajoutée, et que l’introduction dans la LaLAT de la zone d’équipement public (art. 19 al. 8 LaLAT) remonte au 22 avril 2016. Il s’agissait au surplus d’une question d’opportunité, dont le contrôle avait été épuisé lors de l’examen des oppositions par le Grand Conseil.

Par ailleurs, s’agissant de l’OFROU et de la coordination avec le déclassement de la parcelle abritant la bretelle d’autoroute, la question de l’équipement des voies d’accès nécessaires n’avait pas à être traitée dans le cadre de la planification générale au sens de l’art. 12 LaLAT, étant observé que l’OCT avait rendu un préavis favorable à la modification des zones et ne l’avait assorti d’aucune exigence relative au déclassement de la bretelle autoroutière, et que cette dernière solution pourrait en toute hypothèse être abandonnée au profit d’une solution d’accès alternative.

Ce raisonnement n’appelle pas de critiques. Les équipements, en l’espèce d’accès routier, ne doivent pas forcément être existants au moment de l'adoption d'une mesure de planification. Il suffit qu'ils soient réalisés au moment de la construction des bâtiments (ATF 113 Ia 266 consid. 3c), ce qui apparaît possible en l’espèce, d’autant plus que deux solutions au moins sont envisagées.

Le grief sera écarté.

9) Les recourants se plaignent de la violation de leur droit d’être entendus. Aucune de leurs suggestions et propositions, notamment la couverture de la tranchée existante et l’intégration au projet d’une zone mixte/logements, n’avait été respectée par l’autorité.

Il ressort du rapport de la CAC du 7 août 2020, que le Grand Conseil a fait sien, que les arguments des recourants relatifs à l’inopportunité du projet ont été examinés, et que leurs propositions d’extension de la zone constructible par la couverture de la bretelle autoroutière et d’extension de l’affectation à la construction de logements d’une partie du périmètre ont été jugés inconciliables avec la création d’équipement public ou non conformes au PDQ et d’un coût disproportionné.

Leur droit d’être entendus n’a ainsi pas été violé, et le grief sera écarté.

10) Les recourants se plaignent d’une violation de l’art. 47 OAT. Aucun rapport n’avait été établi.

a. Aux termes de l’art. 47 al. 1 OAT, l’autorité qui établit les plans d’affectation fournit à l’autorité cantonale chargée d’approuver ces plans (art. 26 al. 1 LAT), un rapport démontrant leur conformité aux buts et aux principes de l’aménagement du territoire (art. 1 et 3 LAT), ainsi que la prise en considération adéquate des observations émanant de la population (art. 4 al. 2 LAT), des conceptions et des plans sectoriels de la Confédération (art. 13 LAT), du plan directeur (art. 8 LAT) et des exigences découlant des autres dispositions du droit fédéral, notamment de la législation sur la protection de l’environnement.

b. Selon la doctrine et la jurisprudence, l’art. 47 al. 1 OAT exige de l’autorité de planification l’établissement d’un rapport qui démontre que les plans d’affectation sont conformes aux exigences découlant de la législation fédérale sur la protection de l’environnement ; il s’agit d’un instrument permettant de réaliser la coordination matérielle entre le droit de l’environnement et le droit de l’aménagement du territoire requise par l’art. 25a LAT (arrêt du Tribunal fédéral 1A.281/2005 du 21 juillet 2006 consid. 1.3 ; Pierre TSCHANNEN, Umsetzung vom Umweltrecht in der Raumplanung, DEP 2005 p. 423 ; Raymond MUGGLI, Umweltprüfung vor der Projektierung, DEP 2004 p. 451). Le rapport de conformité selon l’art. 47 OAT ne fait pas partie intégrante du plan, mais il constitue une aide à la décision à l’attention de l’autorité d’approbation (Raymond MUGGLI, op. cit., DEP 2004 p. 453). Il doit se prononcer concrètement sur les questions d’équipement, de bruit et de protection de l’air liées aux modifications proposées. Il doit en outre indiquer si et dans quelle mesure une réalisation des possibilités de construire conforme au plan augmenteront ou, au contraire, diminueront les charges pour l’environnement, et mentionner les éventuelles mesures prises pour éviter ces désagréments (arrêt du Tribunal fédéral 1A.281/2005 précité ; Martin PESTALOZZI, Bedeutung und Schwerpunkte der umweltrechtlichen Fragestellung in der Nutzungsplanung, DEP 2000 p. 775).

Dans plusieurs cantons, l'autorité qui établit les plans d'affectation est une autorité communale qui ne se borne pas à faire une proposition mais qui prend une véritable décision d'adoption du plan (par son organe délibérant ou par son assemblée des citoyens). Pour que le plan entre en vigueur et ait force obligatoire, la décision communale doit encore, en vertu de l'art. 26 LAT, être approuvée par une autorité cantonale. Le rapport selon l'art. 47 OAT est destiné à cette autorité cantonale. Il lui permet de mieux comprendre les enjeux de l'aménagement local, dans la commune concernée, et d'obtenir d'office des renseignements sur les différents points décisifs (arrêt du Tribunal fédéral 1C_17/2008 du 13 août 2008 consid. 2.2). Selon le Tribunal fédéral, ce rapport n'a pas la même fonction dans les cantons où la commune adopte le plan et fournit ensuite à l'autorité cantonale, que dans les cantons où le droit cantonal prévoit la compétence d’une autorité cantonale pour adopter les plans d’affectation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_17/2008 précité consid. 2.3.2).

c. Dans le canton de Genève, les autorités communales n'ont pas la compétence d'adopter les plans d'affectation. Cette compétence relève exclusivement des autorités cantonales. Les plans d’affectation généraux, soit les plans de zones, sont en principe adoptés par le Grand Conseil (art. 15 ss LaLAT).

Dans deux arrêts ayant trait à des plans d’affectation spéciaux (à savoir des PLQ), la chambre administrative a relevé qu’à Genève, l’importance du rapport prévu par l’art. 47 al. 1 OAT était moindre, dès lors que le Conseil d'État, autorité compétente pour adopter le plan, avait la possibilité de recueillir directement lui-même toutes les données pertinentes, au fur et à mesure de l'élaboration de cet instrument. L’absence d’un tel plan n’emportait dès lors pas violation de cette disposition, les PLQ litigieux n’ayant pas été présentés par les communes, mais élaborés par le département cantonal compétent (ATA/692/2014 du 2 septembre 2014 consid. 14 ; ATA/735/2014 du 16 septembre 2014 consid. 4b).

d. En l’espèce, le plan a été élaboré par le département, lequel a sollicité tous les préavis nécessaires – dont celui du SERMA – puis a mis le projet à l’enquête publique, l’a soumis au préavis de la commune et enfin à la procédure d’opposition muni d’un exposé des motifs détaillé.

La question de déterminer si, comme le soutient l’intimé, l’exposé des motifs à l’appui du PL 3______ ou le rapport de la CAC pourraient faire office de rapports au sens de l’art. 47 al. OAT, pourra rester indécise. En effet, dans une récente espèce relative au plan voisin dans la commune, la chambre de céans a rappelé que la modification des limites de zone litigieuse n’était à l’instar de celui objet de la présente procédure pas d’initiative communale, mais avait été élaborée par le département. Il n’y avait dès lors pas besoin d’établir un rapport au sens de l’art. 47 al. 1 OAT, l’autorité cantonale ayant entièrement mené toute la procédure d’élaboration du plan en requérant tous les préavis techniques nécessaires, puis en soumettant ledit plan à l’enquête publique. Le département n’était ainsi pas tenu de fournir de rapport au Grand Conseil, et encore moins à la commune, et il importait dès lors peu de savoir si le rapport élaboré par la CAC le 25 avril 2017 pourrait ou non faire office de rapport au sens de l’art. 47 al. 1 OAT, dès lors qu’un tel rapport n’était pas exigé par la loi dans le cas d’espèce (ATA/495/2018 du 22 mai 2018 consid. 11d).

Le grief sera écarté.

11) Les recourants se plaignent de la violation du principe de la proportionnalité et de l’abus par l’autorité de son pouvoir d’appréciation. La pesée d’intérêts présidant au projet était incomplète et reposait sur une documentation largement insuffisante, notamment s’agissant de conformité au droit de l’environnement, d’accidentologie ou de coordination des procédures d’aménagement.

a. Le principe de la proportionnalité, ancré à l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_635/2020 du 22 juin 2021 consid. 3.1 ; 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

b. Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

12) En l’espèce, les recourants soutiennent que chacun des équipements publics serait remis en cause par les préavis collectés et que l’analyse n’aurait pas « été suffisamment poussée en détail » alors que le devenir de la zone était connu et allégué en détail. Le principe de coordination n’aurait pas été respecté dès lors que le loi n° 4______ qui visait le périmètre entourant largement celui de P______ avait été votée sans coordination avec ce dernier. La DGE avait évoqué dans son préavis les exigences en matière de sécurité, et l’accidentologie « particulièrement sévère » ne plaidait pas en faveur d’installations publiques pouvant accueillir 900 élèves et les utilisateurs de parkings et de salles communales.

Les recourants ne sauraient être suivis. La direction générale de l’environnement (ci-après : DGE) devenue l’office cantonal de l’environnement (ci-après : OCE) a indiqué dans son préavis du 9 juin 2017, au terme d’un exposé fouillé des exigences légales, que la programmation était compatible avec les contraintes OPAM, et que les indications seraient complétées par une étude de faisabilité. L’OCE a établi le 13 décembre 2017 un préavis favorable sous conditions, expliquant que les mesures nécessaires et proportionnées seraient examinées dans le cadre des étapes ultérieures de conception du projet. Il a finalement assorti son préavis positif du 11 février 2019 de quatorze souhaits, dont huit relatifs à la prévention des accidents majeurs et à la protection contre les catastrophes, lesquels portent sur les phases ultérieures de développement des projets, les mesures constructives et organisationnelles à mettre en œuvre étant à définir au plus tard au stade des autorisations de construire. Ces préavis successifs, nuancés autant que précis s’agissant des conditions à respecter au stade des implantations et des autorisations de construire, permettaient à l’autorité d’asseoir sa décision sans commettre ni abus de son pouvoir d’appréciation ni violation du principe de proportionnalité, la destination à de l’équipement public apparaissant, au stade du déclassement, compatible avec les risques présents moyennant des aménagements, si bien que les principes de nécessité, d’adéquation et de proportionnalité au sens étroit ont été respectés.

Les griefs seront écartés.

13) Les recourants se plaignent d’une violation de la garantie de la propriété ainsi que de l’art. 1 al. 2 de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique du 10 juin 1933 (LEx-GE - L 7 05).

a. Aux termes de l’art. 26 Cst., la propriété est garantie. Dans sa dimension institutionnelle, qui concerne au premier chef le législateur, la garantie de la propriété protège l’existence même de la propriété privée, comprise comme une institution fondamentale de l’ordre juridique suisse, soit la possibilité d’acquérir tous éléments patrimoniaux – les droits réels, dont la propriété mobilière et immobilière au sens étroit du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les droits personnels ou obligationnels, les droits immatériels, les droits acquis –, d’en jouir et de les aliéner. Dans sa fonction individuelle, elle protège les droits patrimoniaux concrets du propriétaire, d’une part leur existence, s’étendant à leur conservation, leur jouissance et leur aliénation, et d’autre part leur valeur, sous la forme, à certaines conditions, d’un droit à une compensation en cas de réduction ou de suppression (ATF 119 Ia 348 consid. 2a ; 113 Ia 126 consid. 6 ; 88 I 248 consid. II.3 ; Jacques DUBEY, in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], op. cit., n. 23 ss ad art. 26 Cst. ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2021, n. 885 ss et 888 ss ; Klaus A. VALLENDER/ Peter HETTICH, in Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], Die Schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 3ème éd., 2014, p. 569 ss et 575 ss ad art. 26 Cst.).

Selon l’art. 36 Cst., toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés (al. 1). Toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2). Toute restriction d’un droit fondamental doit être proportionnée au but visé (al. 3).

b. Selon l’art. 1 LEx-GE, le droit d’expropriation pour cause d’utilité publique peut être exercé pour des travaux ou des opérations d’aménagement qui sont dans l’intérêt du canton ou d’une commune (al. 1). Il ne peut être exercé que dans la mesure nécessaire pour atteindre le but poursuivi (al. 2).

14) En l’espèce, les recourants font valoir que la destination du périmètre n’aurait cessé de varier au fil des années. L’emplacement et l’intégration de la salle communale auraient été critiqués, notamment par la direction générale de l’agriculture et de la nature (ci-après : DGAN) et la commission d’urbanisme. La pesée d’intérêts était incomplète et reposait sur une documentation largement insuffisante. Leurs intérêts privés n’avaient pas été pris en compte.

Ce point de vue ne peut être suivi. Le rapport de la CAC a examiné et discuté les griefs de violation de la garantie de la propriété et pris en compte les intérêts mis en avant par les recourants, soit notamment de conserver l’affectation à l’habitation d’une partie de leurs parcelles ou encore d’optimiser la valorisation de leurs
biens-fonds. La CAC a jugé le premier souhait incompatible avec le projet et considéré que l’intérêt privé à une valorisation maximale ne pouvait l’emporter sur l’intérêt public à la construction d’équipements publics. La pesée des intérêts a ainsi été accomplie.

La chambre de céans observe que l’intérêt public de l’affectation à de l’équipement public, en l’espèce notamment sous la forme d’un CO et de deux centres de formation professionnelle, n’est pas douteux et n’a d’ailleurs pas été remis en cause par les parties. Cet intérêt public subsisterait indépendamment des éventuelles critiques sur l’insertion de la salle communale et même s’il devait y être renoncé, dès lors que la destination du périmètre ne serait pas affectée.

L’intérêt public à un équipement scolaire rendu indispensable par l’accroissement des élèves et la concentration de sites de formation professionnelle prévaut sur l’intérêt privé des recourants à voir leurs parcelles maintenues dans leur zone actuelle ou encore colloquées en zone de construction de logements. Le choix du périmètre tient compte du développement de la commune, de l’affectation des périmètres voisins et d’une desserte particulièrement favorable en transports publics et privés.

Fondée sur une base légale, poursuivant un intérêt public prépondérant et respectant le principe de proportionnalité, la restriction que la modification de zones porterait à la propriété des recourants, apparaît ainsi, à ce stade de la procédure d’aménagement, admissible.

La déclaration d’utilité publique contenue dans la loi ne constitue, selon un arrêt du Tribunal fédéral relatif au canton de Genève, qu’une décision incidente, qui pourra être attaquée avec l’arrêté du Conseil d’État décrétant l’expropriation au sens de l’art. 30 LEx-GE (arrêt du Tribunal fédéral 1C_659/2013 du 4 mars 2014 consid. 3). L’arrêt tout récent concernant le canton de Neuchâtel, par lequel le Tribunal fédéral a jugé qu’une déclaration d’utilité publique contenue dans une loi constituait une décision et devait pouvoir être portée devant un juge, en tant qu’elle était susceptible de toucher des intérêts privés et qu'elle ouvrait au besoin la voie à l'expropriation formelle des terrains concernés, ce qu’excluait à tort le droit neuchâtelois (arrêt du Tribunal fédéral 1C_51/2022 du 10 mars 2022 consid. 1.2), se réfère expressément à cette jurisprudence et ne paraît pas la remettre en cause.

Le grief sera écarté, dans la mesure de sa recevabilité.

15) Les recourants se plaignent d’une violation du principe de l’égalité de traitement.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances (ATF 138 V 176 consid. 8.2 et les références citées). Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 138 I 225 consid. 3.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_582/2013 du 2 mai 2014 consid. 6.2.1). Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l’État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais qu’il les dénie à une autre qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.5.1).

b. En l’espèce, les recourants font valoir que leurs parcelles, qui bénéficiaient « de constructions au bénéfice de la garantie acquise », avaient un droit d’être classées en zone d’habitation, tout comme les constructions ayant fait l’objet de la loi 11980.

Les recourants n’exposent pas en vertu de quelle disposition la « garantie acquise », qu’ils évoquent sans plus de précision et dont ni la nature ni la réalité ne peuvent être déterminées, comporterait un droit pour leurs parcelles d’être « classées » en zone d’habitation. Ils perdent de vue que les modifications de zones sont déterminées par des considérations générales ayant trait à l’aménagement du territoire et que d’éventuels droits peuvent par la suite faire l’objet d’expropriations.

L’adoption successive de lois portant modification des zones dans des périmètres contigus a créé en l’espèce des situations différentes, de sorte que les recourants ne peuvent se plaindre que deux situations semblables auraient subi un traitement différent. La succession temporelle de l’adoption des deux plans et le choix de zones différentes obéissent à des critères rationnels ressortissant à l’aménagement du territoire. Ces choix relevaient de l’opportunité et pouvaient être critiqués lors de la procédure d’opposition devant le Grand Conseil.

Le grief sera écarté.

16) Dans un dernier grief, les recourants se plaignent d’une violation de l’art. 26 OAT. La loi porterait atteinte à la réserve minimale cantonale de SDA.

a. Selon l’art. 30 OAT, les cantons veillent à ce que les surfaces d’assolement soient classées en zones agricoles; ils indiquent dans leur plan directeur les mesures nécessaires à cet effet (al. 1). Des surfaces d’assolement ne peuvent être classées en zone à bâtir (al. 1bis) que lorsqu’un objectif que le canton également estime important ne peut pas être atteint judicieusement sans recourir aux surfaces d’assolement (let. a), et lorsqu’il peut être assuré que les surfaces sollicitées seront utilisées de manière optimale selon l’état des connaissances (let. b). Les cantons s’assurent que leur part de la surface totale minimale d’assolement soit garantie de façon durable. Si cette part ne peut être garantie hors des zones à bâtir, ils prévoient des zones réservées pour des territoires non équipés sis dans des zones à bâtir (al. 2).

b. En l’espèce, l’intimé a établi que le changement de zone n’affecterait pas la surface totale minimale de SDA du canton.

Les recourants se plaignent du caractère opportun de la modification de l’estimation de la surface totale de SDA disponible. Ils n’établissent toutefois ni ne soutiennent même que l’estimation ne serait pas conforme à la réalité.

Le grief sera écarté, pour autant qu’il soit recevable.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

17) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 septembre 2021 par Mme B______ et MM. C______ et D______ ainsi que T______ SA, Mme et M. A______, Mmes et MM. E______, F______, G______, H______ et I______, formant la communauté héréditaire de feu M. J______, M. O______, MM. M______ et N______, Mmes K______ et L______ et M. L______ contre la loi n° 3______ et le plan n° 1 adoptés le 1er octobre 2020 par le Grand Conseil et promulgués le 7 octobre 2020 par le Conseil d’État ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2’000.- à la charge solidaire de Mme B______ et MM. C______ et D______ et T______ SA, Mme et M. A______, Mmes et MM. E______, F______, G______, H______ et I______, formant la communauté héréditaire de feu M. J______, M. O______, MM. M______ et N______, Mmes K______ et L______ et M. L______ ;

dit qu’aucune indemnité de procédure n’est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat auprès duquel tous les recourants ont élu domicile, au Grand Conseil ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE) et à l’office fédéral de l’agriculture (OFAG) pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :