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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3465/2023

JTAPI/496/2024 du 23.05.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR
Normes : LCI.129
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3465/2023 LCI

JTAPI/496/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 mai 2024

 

dans la cause

 

Messieurs A______ et B______, représentés par Jurisconsultes LIAUDET & Associés, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             La C______ (ci-après : C______) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de D______ ; elle est située en zone de développement industriel et artisanal.

2.             Le ______ 1995, Monsieur B______ a obtenu une autorisation de construire portant sur l’édification d’un bâtiment à destination d’atelier et de dépôt (bâtiment n° 2______), une aire de sablage et un container sur ladite parcelle (DD 3______).

3.             Par contrat du 27 juin 1995, un droit de superficie a été constitué sur ladite parcelle en faveur de M. B______ et son épouse, Madame E______. Son article 6 prévoyait que le droit de superficie conférait au superficiaire le droit de construire et d’exploiter le bâtiment résultant du dossier d’autorisation DD 3______. L’article 12 prévoyait par ailleurs les obligations du superficiaire.

4.             Par courrier du 4 février 2022, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a informé M. B______ que, le 21 janvier précédent, il avait visité l’entreprise « F______ » en compagnie de représentants de divers services : il avait été constaté que ladite entreprise occupait l’emplacement de l’ancien garage « G______ » qui avait été détruit lors d’un incendie début octobre 2020 et que les murs de cette partie de l’ancien atelier avaient été récemment reconstruits afin de fermer un couvert existant et y poursuivre des activités de garage-carrosserie.

Après recherche dans les bases de données, aucune trace de demande d’autorisation de construire n’avait été trouvée, hormis la DD 3______, ce que Monsieur A______ avait confirmé.

Le SABRA demandait alors confirmation que les travaux effectués auraient dû ou non faire l’objet d’une demande d’autorisation de construire auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) et, dans le cas d’une réponse positive, si une telle demande était existante.

5.             Le 1er avril 2022, le département a informé M. et Mme B______ et E______, M. A______ ainsi que la C______, par quatre courriers séparés, que lors d’un contrôle sur place du 18 mars 2022, il avait été constaté qu’un ou plusieurs éléments soumis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) auraient été réalisés sans autorisation ; il s’agissait de l’installation de trois containers (et non d’un bâtiment) (objet A), de la construction d’un bâtiment cadastré n° 4______ (objet B), de la construction d’un bâtiment (objet C), de la construction d’un bâtiment cadastré n° 5______ (objet D), de la construction d’un bâtiment (objet E) et de la construction d’un parking et du stockage de véhicules (objet F).

Il les invitait à se déterminer sur ces objets dans un délai de dix jours et réservait toutes mesures et/ou sanctions (infraction I-6______).

6.             MM. B______ et A______, sous la plume de leur mandataire, ont adressé leurs observations au département le 20 mai 2022.

M. B______ avait mis en sous-location la construction principale autorisée, ayant dû mettre fin à son activité professionnelle. Suite à un incendie criminel, la construction n° 2______ ainsi que les trois containers avaient été entièrement brûlés. M. A______ avait dû procéder lui-même au déblaiement. Les containers objet A qui abritaient les WC et les vestiaires avaient simplement été remplacés par M. B______ et ils abritaient aujourd’hui du matériel et les outils non utilisés. M. A______ n’ayant pas les moyens financiers de reconstruire le bâtiment principal sans le concours de l’assurance, M. B______ lui avait mis à disposition, dans l’urgence et provisoirement le bâtiment objet C - dont le gabarit avec le toit n’était que boulonné et était alors ouvert trois côtés sur quatre. M. B______ ne se souvenait pas s’il avait averti le département de ces constructions. Avec l’hiver, il avait dû fermer les deux côtés avec des tôles.

Le bâtiment E était cadastré mais inutilisé.

Si des corrections ou des modifications raisonnables devaient être apportées, ils s’exécuteraient dans les meilleurs délais.

7.             Par courrier du 7 avril 2022, la C______ a transmis ses observations au département.

8.             Par décision du ______ 2022, le département a ordonné à MM. B______ et A______, en application des art. 129 ss LCI, de requérir dans un délai de 30 jours une autorisation de construire en procédure définitive complète et en bonne et due forme par le biais d’un mandataire professionnellement qualifié portant sur l’installation de trois containers (A), d’un bâtiment cadastré n° 4______ (B), d’un bâtiment cadastré n° 5______ (D), de deux autres bâtiments (C et E) et d’un parking et du stockage de véhicules (F). Il devra être clairement stipulé sur le formulaire de requête dans la description du projet « Demande de régularisation I-6______ » suivi du détail.

Toutefois, s’ils ne souhaitaient pas tenter de régulariser la situation par l’obtention d’une autorisation de construire, il leur était loisible de procéder à la mise en conformité des lieux en procédant à la démolition et à l’évacuation des éléments dans un délai de 30 jours. Dans ce cas, un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de la mise en conformité devrait lui parvenir dans le même délai.

A défaut du dépôt d’une telle requête en autorisation de construire dans le délai imparti et sans mise en conformité complète dans le même délai, son service statuera par décision séparée sur les mesures applicables visant le rétablissement d’une situation conforme au droit.

S’agissant de la sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit, celle-ci ferait l’objet d’une décision à l’issue du traitement du dossier I-6______, raison pour laquelle elle restait en l’état réservée.

9.             Par acte du 19 septembre 2022, MM. B______ et A______ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), recours déclaré irrecevable par jugement du ______ 2023 (JTAPI/7______).

10.         Le 9 juin 2023, le département a ordonné à MM. B______ et A______ de requérir, dans un nouveau délai de 30 jours, une autorisation de construire.

11.         Le département a infligé à MM. B______ et A______, le ______ 2023, une amende de CHF 500.-, ayant constaté que ses divers courriers étaient restés sans suite, tout en leur accordant un délai au 31 août 2023 pour requérir une autorisation de construire. S’agissant d’une mesure d’exécution, la présente ne pouvait faire l’objet d’un recours. Par contre, l’amende pouvait faire l’objet d’un recours auprès du tribunal.

12.         Par courriel du 4 septembre 2023, le conseil de MM. B______ et A______ a sollicité auprès du département un délai supplémentaire d’un mois.

13.         Par décision du ______ 2023, le département a ordonné à MM. B______ et A______ le rétablissement d’une situation conforme au droit au 15 novembre 2023, en procédant à la suppression de toutes les constructions et installations sur la parcelle n° 1______, y compris l’évacuation des véhicules. Un reportage photographique attestant de manière univoque de cette remise en état devait lui parvenir dans le même délai.

14.         Par acte du 23 octobre 2023, MM. B______ et A______ ont recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant préalablement à l’octroi d’un délai pour compléter leur recours et à leur audition et, au fond, à son annulation et à ce qu’il soit constaté que les bâtiments A à F avaient été érigés légalement, subsidiairement que leur démolition fut suspendue jusqu’au 31 décembre 2024, sous suite de frais et dépens.

L’autorisation de construire DD 3______ visait un atelier/dépôt, une zone de sablage et un container. La zone de sablage recouvrait les bâtiments C-D-E, l’atelier dépôt le bâtiment A et le container le bâtiment B. L’objet F était un espace parking cédé gratuitement à la société H______ SA, avec l’accord de la C______. Les bâtiments B, C, D et E avaient été érigés en 1995, il s’agissait des bâtiments existants à la rue I______ qui avaient été démontés et remontés à l’identique sur le site de D______. Il s’agissait uniquement de constructions tubulaires boulonnées au sol, nécessaires pour respecter le point 9 de l’autorisation de construire, lequel prescrivait l’obligation d’installer des protections latérales évitant la propagation de sable sur les industries voisines.

Le bâtiment A, le container B et les parcs F avaient été mis en sous-location à « G______ ». Le bâtiment A avait été intentionnellement incendié le 10 octobre 2020. L’exploitation du garage étant devenue impossible, M. B______ avait mis à disposition de M. A______ la zone de sablage (bâtiments C et D) ; les tôles du bâtiment C avaient dû être replacées suite à l’incendie.

C’était en toute bonne foi que M. B______ avait déboulonné les installations tubulaires à J______ et « reboulonné » à l’identique à D______. Il invoquait par ailleurs la prescription acquisitive pour faire échec à la décision, les installations étant présentes et bien visibles depuis 28 ans.

15.         Le département s’est prononcé sur le recours le 9 janvier 2024, concluant à son rejet, sous suite de dépens. Il a produit son dossier.

La DD 3______ ne portait que sur la construction du bâtiment n° 2______, à savoir un bâtiment à destination d’atelier et de dépôt ; figurait également sur le plan une aire de sablage. Les recourants faisaient fausse route en considérant que l’élément A aurait été autorisé dans le cadre de cette autorisation, celle-ci ne prévoyant aucunement l’installation de trois containers à cet endroit. Le fait que les objets B, C, D et E ne soient que boulonnés au sol n’avait aucune incidence. Le fait de devoir remplacer les tôles du bâtiment C ne dispensait pas les recourants de solliciter une autorisation de construire pour entreprendre ces travaux. L’élément F était également assujetti à une autorisation de construire.

Les recourants estimaient que l’ordre violerait le principe de la bonne foi. Or, ils ne pouvaient déduire du contrat de superficie une autorisation en bonne et due forme des installations encore moins une assurance qu’elles seraient tolérées. En tout état, seul le département était compétent pour autoriser de telles installations. M. B______ ne pouvait par ailleurs ignorer qu’il devait demander une autorisation de construire pour les éléments litigieux, l’ayant fait par le dépôt de la DD 3______. Enfin, ils ne démontraient pas que le département leur aurait donné une quelconque assurance ou indication selon laquelle les installations litigieuses, non comprises dans la DD 3______ seraient tolérées.

Pour terminer, les installations litigieuses ayant été édifiées, selon les recourants, il y avait 28 ans, elles ne pouvaient bénéficier de la prescription trentenaire.

16.         Les recourants, sous la plume de leur mandataire, ont répliqué par écriture du 1er mars 2024.

Le contrat de superficie ne mentionnait pas, à son article 12, l’obligation de requérir de nouvelles autorisations de construire ; on pouvait s’étonner de l’absence de cette clause pourtant usuelle. Son article 6 prévoyait quant à lui « le droit de construire et d’exploiter le bâtiment résultant du dossier d’autorisation de construire DD 3______ (…) et à ses compléments ou modifications ». Les termes « compléments et modifications » ajoutaient de la confusion et M. B______ avait été conforté dans son affirmation par 27 ans d’exploitation au vu et au sus de tous, sans que le département de fit la moindre illusion d’illicéité. On peinerait par ailleurs à comprendre pourquoi M. B______ n’aurait pas déposé une telle demande d’autorisation puisqu’il l’avait déjà fait avec la DD 3______.

La constitution du droit de superficie avait été ajoutée au prix d’acquisition de la parcelle de J______ pour faire plier les époux B______ et E______ et « éviter une longue procédure d’expropriation qui aurait considérablement retardé le projet d’utilité public » : ils sollicitaient l’« apport de ces dossiers à la présente procédure ».

Vu les délais écoulés depuis près de 30 ans, aucune urgence à voir le rétablissement d’une situation conforme ne pouvait être invoquées « pour faire échec à cette requête ».

17.         Le département a dupliqué le 26 mars 2024, maintenant ses conclusions.

Le tribunal disposait de tous les éléments pertinents, les raisons pour lesquelles un droit de superficie avait été concédé à M. B______ étant exorbitantes à l’objet du litige. Le département avait par ailleurs produit le microfilm de la DD 3______, son descriptif et un plan illustrant clairement l’atelier-dépôt autorisé.

Le fait que les installations litigieuses ne constituent que des installations tubulaires, démontées et remontées à l’identique n’étaient d’aucun secours aux recourants, dans la mesure où l’acte notarié stipulait explicitement que les installations devaient être installées conformément à la demande d’autorisation de construire de DD 3______, ce qui n’était précisément pas le cas.

18.         Les arguments des parties et le contenu des pièces seront repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 179 n. 515).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             À titre préalable, les recourants sollicitent l’apport de dossiers à la procédure, notamment en lien avec l’acquisition par les époux B______ et E______ d’une parcelle à J______ – sans autres précision - et l’octroi du droit de superficie sur la parcelle n° 1______.

6.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à leur détriment, de produire des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à leurs offres de preuves pertinentes ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 142 II 218 consid. 2.3).

Ce droit ne peut toutefois être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l’issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou, en procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/ 2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

7.             Par ailleurs, ce droit ne comprend pas celui d’être entendu oralement (cf. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b), ni la tenue d’une inspection locale, en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, ce qui n’est pas le cas à Genève (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1).

8.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments utiles lui permettant de statuer en connaissance de cause sur le recours. En effet, grâce notamment aux plans et courriers versés au dossier et aux données librement accessibles découlant du SITG, il est parfaitement en mesure de situer et de visualiser la parcelle en cause, les éléments qui y sont érigés et les alentours. Par ailleurs, il est en possession de l’acte notarié portant sur le droit de superficie dont bénéficie M. B______ et les éléments essentiels relatifs à l’autorisation de construire DD 3______. Vu les considérants qui suivent, il n’apparait pas que la production de pièces relatives à l’acquisition d’une parcelle à J______ par M. et Mme B______ et E______ soit nécessaire pour trancher le litige.

Dès lors, ces actes d’instruction, en soi non obligatoires, n’étant pas nécessaires pour trancher le présent litige, la requête sera rejetée.

9.             Au fond, les recourants contestent l'ordre de remise en état ordonnant la suppression de tous les éléments litigieux, y compris les véhicules.

10.         Selon l'art. 22 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1). L'autorisation est délivrée si : a) la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone ; b) le terrain est équipé (al. 2). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (al. 3).

11.         Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; 123 II 256 consid. 3; ATF 119 Ib 222 consid. 3a). La définition jurisprudentielle susmentionnée comporte quatre conditions cumulatives (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 214-218) :

1.      la création par la main de l'homme, excluant toute modification naturelle du terrain telle que des éboulis ;

2.      la durabilité de l'aménagement, contrairement à une construction provisoire qui peut être enlevée sans frais excessifs et dont l'existence est limitée dans le temps de manière certaine. La condition est remplie pour l'installation d'une caravane pour une durée supérieure à deux mois, un dépôt de matériel d'excavation aménagé pour une durée supérieure à trois mois ou neuf projecteurs qui ne sont pas ancrés solidement au sol mais vissés sur des socles, des parois ou des câbles et sont rapidement démontables parce qu'ils sont destinés à éclairer la pointe du Pilate (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259). Ont en revanche un caractère provisoire, l'édification répétée, mais pour quelques jours seulement d'un pavillon destiné à des manifestations musicales ou une installation de triage de gravats et de déchets de construction, régulièrement démontée (exemples tirés de Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, op. cit. p. 215) ;

3.      la fixation au sol de la construction. Sont assimilés à des constructions tous les bâtiments en surface, y compris les abris mobiles, installés pour un temps non négligeable en un lieu fixe. L'exigence de la relation fixe avec le sol n'exclut pas la prise en compte de constructions mobilières, non ancrées de manière durable au sol et qui sont, cas échéant, facilement démontables. Ainsi, neuf projecteurs qui ne sont pas fixés au sol mais à des socles, rattachés par des vis à des parois et des cordes et démontables rapidement, remplissent cette condition, l'installation étant aménagée afin de rester là à demeure (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259 ; arrêt du Tribunal fédéral du 5 juillet 2011 dans la cause 1C_75/2011 consid. 2.1; Alexander RUCH, in Heinz AEMISEGGER/Alfred KUTTLER/Pierre MOOR/Alexander RUCH, Commentaire de la LAT, 2010, n. 24 ad art. 22 LAT). Des nattes en géotextile, utilisées pour aménager une parcelle d'une superficie de 5'773 m2, couvrant les talus en pente depuis plus de deux ans et demi sont indéniablement des éléments durablement fixés au sol (arrêt du 5 septembre 2011 du Tribunal fédéral du 1C_107/2011 consid. 3.3). Les roulottes pour forains ne remplissent pas cette condition parce qu'elles ne sont pas dépendantes d'un lieu déterminé au contraire d'un « véhicule habité » (ATF 99 Ia 115 consid. 3 = Jdt 1974 I 642). Un abri mobile servant de logement pour des requérants d'asile remplit cette condition (exemple cité par Alexander RUCH, op. cit, p. 15).

4.      l'incidence sur l'affectation du sol, laquelle peut se manifester de trois manières, alternatives ou cumulatives, à savoir l'impact sur le paysage, les effets sur l'équipement et l'atteinte à l'environnement au sens large, soit la protection des eaux, de la forêt, de la faune, de la nature et du paysage par son impact esthétique sur le paysage (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, op. cit., p. 216). L'élément déterminant n'est pas tant l'installation en soi que l'utilisation qui en sera faite et en particulier son impact sur l'environnement au sens large (ATA/244/2013 du 16 avril 2013 ; ATA/61/2011 du 1er février 2011 ; Alexander RUCH, op. cit., ad art. 22 n. 28 ; DFJP/OFAT, Étude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, ad art. 22 n. 5 ss).

Ainsi la jurisprudence a soumis à autorisation trois pyramides métalliques de couleur rouille, de 3,68 m de largeur à la base et 2,76 m de hauteur, destinées à orner un alpage et sous lesquels les cendres des défunts pouvaient être répandues celles-ci ayant été considérées comme ayant un impact esthétique sur le paysage (ATF 119 Ib 444 consid. 3b), à l'instar de quatre panneaux solaires de 4 m2 à flanc de montagne (ZBI 1988 p. 333), des statues de chevaux éclairées la nuit dans une allée d'une propriété privée, mais située en zone de protection (arrêt du Tribunal fédéral 1C_529/2012 du 29 janvier 2013). Pour les impacts sur l'environnement, une place d'atterrissage pour planeurs, même sommairement aménagée (ATF 119 Ib 222), des installations d'éclairage d'une montagne (ATF 123 II 256), une installation d'effraiement des oiseaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2007) sont soumis à autorisation.

Dans son arrêt ATA/161/2021 du 9 février 2021, la chambre administrative de la Cour de justice a retenu qu'un paddock, son chemin d'accès et sa barrière, un marcheur à chevaux, de même qu'un abri en bois pour ces derniers, revêtaient cette qualification d'installation au sens de l'art. 22 al. 1 LAT.

12.         Conformément à l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier, même partiellement, le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b), modifier la configuration du terrain (let. d) et aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).

L'art. 1 al. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) précise que sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol, ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit, notamment, les garages et ateliers de réparations, les entrepôts, les dépôts de tous genres (let. c) et les installations extérieures destinées à l’exploitation d’une industrie ou à l’extraction de matières premières (let. e).

13.         Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescription de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI).

14.         De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux. L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/19/2016 du 12 janvier 2016 consid. 5 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 consid. 6b et les références citées).

15.         Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application de ces deux dispositions (art. 131 LCI).

16.         Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATA/213/2018 précité consid. 11 ; ATA/738/2017 précité consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016).

17.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24c ; ATA/700/2014 du 2 septembre 2014 consid. 5a ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

18.         L'autorité renonce à un ordre de démolition si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/213/2018 précité consid. 11; ATA/738/2017 précité consid. 8).

19.         En matière administrative, la jurisprudence admet une application analogique de la disposition sur la prescription acquisitive de l'art. 662 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Elle prévoit que la compétence des autorités pour ordonner la démolition ou la remise en état d'un bâtiment non conforme au droit est soumise en principe à un délai de péremption de trente ans, sous réserve des règles du droit des constructions qui ne souffrirait d'aucune dérogation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2020 du 13 mai 2020 consid. 2.1). Exceptionnellement, en effet, la compétence d'exiger la démolition d'une installation pour rétablir une situation conforme au droit peut être exercée au-delà du délai en question, si des motifs de police au sens strict imposent une telle mesure. En outre, inversement, l'autorité peut en être déchue avant l'écoulement des trente ans, lorsque le principe de la bonne foi le commande, en particulier si les autorités ont toléré pendant de nombreuses années la construction illicite (cf. ATF 132 II 21 consid. 6.3 ; 107 Ia 121 consid. 1c ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_318/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1.2 ; 1A.78/2005 du 19 janvier 2006 consid. 5.1 ; 1P.153/2003 du 25 avril 2003 consid. 3).

20.         Cette jurisprudence vise uniquement la question du rétablissement d'une situation conforme au droit. Selon le Tribunal fédéral, le fait qu'une affectation illégale perdure depuis plus de trente ans sans intervention des autorités communales et cantonales - et donc le fait que la prescription trentenaire soit acquise - n'a pas pour effet de la rendre licite, mais s'oppose tout au plus à une remise en état des lieux. Le statut de construction érigée ou transformée légalement ne peut donc s'acquérir avec le temps (arrêts du Tribunal fédéral 1C_2/2020 précité consid. 2.2; 1A.42/2004 du 16 août 2004 consid. 3.2 confirmant l'ATA/67/2004 du 20 janvier 2004 ; ATA/532/2021 du 18 mai 2021 consid. 7 ; ATA/635/2018 du 19 juin 2018 consid. 4).

21.         En l’espèce, les recourants sont bien les perturbateurs par comportement puisque ce sont eux qui ont fait procéder aux travaux d’aménagement sur la parcelle et que M. A______ utilise lesdites installations. Comme cela sera exposé plus loin, une partie de ces aménagements n’ont par ailleurs jamais été autorisés et ont été réalisés depuis moins de trente ans, comme le reconnaissent du reste les recourants dans leurs écritures. Enfin, les recourants n’ont jamais reçu d’assurance ou de promesses du département, le contenu de l’acte notarié octroyant le droit de superficie ne les dispensant aucunement de requérir une autorisation de construire pour les installations qui n’ont pas été autorisées dans la première autorisation délivrée en 1995, laquelle avait du reste été demandée par M. B______ lui-même juste avant la signature de l’acte ; leur bonne foi n’est dès lors pas protégée.

De l’aveu même des recourants, les constructions litigeuses ont été érigées depuis 28 ans au moment du dépôt du recours, soit en 1995. Dès lors, la prescription trentenaire ne peut être considérée comme acquise.

22.         L’autorisation de construire DD 3______ portait sur la construction d’un atelier/dépôt (objet cadastré sous le n° 2______), lequel n’est pas visé par la décision querellée, ainsi qu’une aire de sablage - où se situe actuellement l’objet C. Aucune autre installation n’a été autorisée. Or, force est de constater, en référence aux objets énumérés par le département dans son courrier du 1er avril 2002, les éléments suivants :

-          objet A : l’installation de trois containers est sans contestation possible soumise à autorisation et n’a été ni autorisée dans le cadre de la DD 3______ ni ultérieurement ;

-          objets B, C (lequel prend place sur l’aire de sablage dûment autorisée), D et E : ces quatre bâtiments n’ont jamais fait l’objet d’une autorisation de construire. Le fait qu’il s’agisse de bâtiments démontés d’une parcelle sise à J______ et remontés à l’identique sur la parcelle n° 1______ ne les soustrait pas à la définition d’une installation soumise à autorisation au sens de la LCI et de la jurisprudence rappelée précédemment ; de même, le fait d’avoir dû remplacer des tôles du bâtiment C suite à l’incendie ne permet pas encore de conclure que le bâtiment en lui-même serait légal et que ces remplacements auraient dispensé les recourants de solliciter une autorisation de construire – en particulier du fait que l’objet C n’a pas été reconstruit à l’identique puisque, notamment, ses côtés ont été fermés ;

-          objet F : il s’agit d’un espace de stationnement mis à disposition de l’entreprise H______ SA, sujette à autorisation, laquelle n’a jamais été sollicitée.

Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que le département a demandé la remise en état de la parcelle en supprimant toutes les constructions et installations listées dans son courrier du 1er avril 2022, lesquelles n’ont jamais fait l’objet d’une autorisation de construire et ont ainsi été érigées en toute illégalité.

23.         En tous points mal fondé, le recours est rejeté et la décision confirmée.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2023 par Messieurs A______ et B______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Messieurs A______ et B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Diane SCHASCA et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière