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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3211/2024

ATA/1252/2024 du 29.10.2024 ( DIV ) , RETIRE

Recours TF déposé le 31.10.2024, 2C_540/2024
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3211/2024-DIV ATA/1252/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 29 octobre 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

ASSOCIATION A______
et
B______
représentés par Me Romain JORDAN, avocat recourants

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé

 



Attendu, en fait, que :

A. a. L’association A______ (ci-après : l’association), avec siège à Genève, est une association de protection des animaux à but non lucratif, organisée conformément aux art. 60ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Selon ses statuts, elle a pour buts le remplacement de l’expérimentation animale par des méthodes plus étiques, scientifiques et sûres pour la santé publique ; à obtenir sur l’ensemble du territoire suisse, une législation qui garantisse la défense et le respect des animaux ; à promouvoir l’amélioration constante de cette législation et contrôler en permanence son application stricte ; à produire du contenu informatif et factuel, soutenu par des sources contrôlées, en lien avec les buts et objectifs de l’association.

b. Son président est B______, domicilié à C______.

B. a. Le 18 octobre 2023, le Conseil d’État a autorisé par voie d’arrêté le tir des cerfs dans la région de Versoix et de Collex-Bossy. 25 cerfs avaient été tirés entre le 1er décembre 2023 et le 31 janvier 2024.

b. Par courrier du 26 octobre 2023, l’association a invité le Conseil d’État à renoncer aux tirs prévus de cerfs, et plus globalement, à renoncer à l’abattage des animaux commettant des dégâts et à mettre sur pied une étude pilote visant la limitation des naissances des populations d’animaux concernés par l’administration d’un vaccin immuno-contraceptif comme le GonaCon. En cas de résultats positifs de l’étude, il convenait de planifier l’utilisation du GonaCon sur tout le territoire cantonal afin de promouvoir une gestion éthique et efficace de la faune sauvage.

c. Par courrier du 7 décembre 2023, le Conseil d’État a répondu que l’utilisation d’un vaccin immuno-contraceptif ne faisait pas partie des « mesures préventives à épuiser ». Il partageait l’avis des professionnels de la gestion de la faune sauvage selon lequel il n’était pas judicieux d’interférer avec des produits chimiques dans la biologie des espèces sauvages. Les cerfs faisaient partie de la biodiversité et, en raison notamment des dégâts dont ils étaient responsables, faisaient l’objet d’une attention particulière. Leur population, trop dense à certains endroits devait être gérée afin de permettre la cohabitation avec les activités humaines. À cet effet, des zones de tranquillité avaient été créées et les corridors de migration transfrontaliers mieux protégés. Au niveau de la gestion forestière, tout avait été entrepris pour que les cerfs puissent couvrir leurs besoins physiologiques dans les bois : création de lisières pour la diversité de la nourriture ligneuse, forêts claires, clairières pour la nourriture herbacée et fourrés pour la tranquillité. Toutes les cultures sensibles avaient été protégées par des clôtures électriques. La limite des efforts raisonnables de prévention avait été dépassée et une régulation mesurée était devenue nécessaire.

d. En février 2024, mandatée par l’État de Genève, D______ Sàrl a réalisé une analyse sur l’application du « vaccin contraceptif » GonaCon. Cette étude retient que le contrôle de la fertilité des animaux sauvages ne peut pas complètement substituer le contrôle des densités par des méthodes létales, en particulier pour des populations présentant des densités élevées, lorsque l’objectif est de réduire ou de maintenir les effectifs.

e. Lors d’une séance du 16 mai 2024, l’association et l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) ont discuté de l’opportunité de mener une étude pilote sur l’utilisation du GonaCon sur les ongulés.

f. Par courrier du 20 juin 2024 adressé au Conseil d’État, l’association a regretté que sa demande d’utilisation du vaccin contraceptif GonaCon à titre de mesure préventive aux tirs n’ait pas été retenue. Le Conseil d’État était invité à réaliser une étude pilote afin d’évaluer l’efficacité du GonaCon, notamment sur le sanglier.

g. Par courrier du 28 août 2024 adressé à l’association, le Conseil d’État a relevé que la stérilisation temporaire par vaccination appartenait aux mesures de régulation, tout comme les tirs, leur objectif étant de réduire le nombre d’animaux sauvages vivant sur un territoire. Les mesures préventives ayant de leur côté pour but de diminuer les dégâts, en particulier en empêchant des animaux de pénétrer dans les cultures. Or, toutes les mesures préventives possibles avaient été épuisées, telles que la mise en place de surface de gagnage en forêt, la délimitation de zones de tranquillité, la régulation du trafic routier ou la mise en place de clôtures de protection des cultures. Il était ainsi adéquat et conforme à la législation de procéder à des tirs de régulation afin de réduire la densité des ongulés sauvages présents à Genève. La question d’une expérimentation de la stérilisation temporaire avec le GonaCon avait été soumise à la sous-commission de la faune de la commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB), qui était très largement défavorable à une telle expérimentation. Au vu de l’impact durable d’une stérilisation sur le fonctionnement hormonal des animaux, sur leur biologie et sur leur étiologie, il considérait que la mise en place d’une telle mesure n’était pas opportune et portait atteinte au bien-être et à la dignité des animaux. Cette analyse s’appuyait notamment sur les positions défavorables exprimées par l’office fédéral de l’environnement et par l’office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

h. Par arrêté du 28 août 2024, publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 30 août 2024, le Conseil d’État, se référant au préavis favorable de la sous-commission de la faune de la CCDB du 6 juin 2024 et au préavis divergent (un oui, un non) émis par la commission consultative de régulation de la faune (ci-après : CCRF) du 6 juin 2024, a autorisé le tir des cerfs dans la région de Versoix et de Collex-Bossy. Le nombre d’animaux à prélever serait évalué par la sous-commission de la faune de la CCDB, en fonction de la situation. Seuls les gardes de l’environnement de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature étaient habilités à procéder à des tirs. En cas de nécessité, les tirs pouvaient avoir lieu dans les secteurs protégés.

L’arrêté tenait compte de l’importance des dégâts que les cerfs provoquaient localement aux cultures, de l’impossibilité de les réduire suffisamment par des mesures préventives proportionnées, sans générer d’autres problèmes importants, des risques d’accident entre véhicules et cerfs (notamment le long de la route de Sauverny) et des demandes des partenaires français et vaudois (forestiers et gestionnaires de la faune) de contribuer à l’effort de régulation de cette espèce au niveau régional, réitérées lors de la séance « plateforme cerf » du 24 avril 2024.

Les dispositions de l’arrêté étaient limitées à la période du 1er novembre 2024 au 31 janvier 2025.

C. a. Par acte du 30 septembre 2024, l’association et B______ ont recouru contre cet arrêté, concluant à son annulation. Sur effet suspensif, ils ont conclu à sa restitution et à la suspension de la mise en œuvre de l’arrêté. Ils ont également sollicité la tenue d’une audience publique de plaidoiries au sens de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

B______ disposait de la qualité pour recourir. Son engagement pour la protection des animaux et de la faune sauvage était notoire. Résidant à Genève et promeneur régulier des Bois de Versoix, il était davantage touché que la majorité des administrés. L’arrêté attaqué heurtait ses convictions fondamentales attachées à l’interdiction de la chasse, laquelle était inscrite dans la Constitution cantonale depuis plus de 50 ans. Quant à l’association, elle sollicitait la mise en place d’un projet-pilote mesuré et réaliste de vaccination immuno-contraceptive. Complexe et multifactorielle, la question justifiait sa qualité pour agir au regard de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme
(ci-après : CourEDH) et de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (Convention d’Aarhus - RS 0.814.07).

Il se justifiait de « restituer » l’effet suspensif au recours. Le Conseil d’État n’avait jamais allégué d’urgence particulière. Il s’agissait uniquement de préserver l’intégrité de la population de cerfs le temps de la procédure de recours et non d’accorder aux recourants ce qu’ils requéraient au fond.

L’arrêté entrepris violait leurs droits d’être entendus, le principe de la proportionnalité et les art. 10, 15 et 16 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ainsi que 9 CEDH. Alors que les deux derniers préavis de la CCRF s’étaient révélés « divergents », l’association, pourtant initiatrice de la discussion relative à la vaccination immuno-contraceptive, n’avait jamais été conviée à présenter ses arguments auprès de la CCRF et de la sous-commission de la faune de la CCDB. Le département du territoire
(ci-après : le département) s’était écarté sans motif du préavis de la CCRF, lequel aurait dû l’enjoindre à clarifier la situation au moyen d’une étude de terrain. Le Conseil d’État ne s’était même pas basé sur le rapport scientifique de février 2024 commandité par le département.

La faune locale était au bénéfice d’un statut similaire aux espèces strictement protégées sous l’angle de la Convention de Berne. Or, selon l’art. 6 de cette convention, toute mise à mort intentionnelle était strictement interdite. Elle devait constituer une ultima ratio. Or, l’utilisation du GonaCon n’était pas une mesure de régulation mais une mesure préventive pouvant intervenir en amont de l’ultima ratio que représentait le tir.

b. Par réponse du 14 octobre 2024, l’OCAN a conclu à l’irrecevabilité du recours et de la demande de restitution de l’effet suspensif et sollicité le retrait de l’effet suspensif au recours.

La conclusion des recourants en « restitution de l’effet suspensif » était doublement irrecevable. D’une part, le recours était lui-même irrecevable, faute pour les recourants d’avoir qualité pour recourir. D’autre part, le recours avait automatiquement effet suspensif.

Les convictions personnelles et les engagements de B______ constituaient à l’évidence un intérêt idéal qui ne fondait pas sa qualité pour recourir. Se déclarer être promeneur régulier des Bois de Versoix n’établissait pas qu’il fût touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés. L’arrêté contesté ne comprenait au demeurant aucune mesure de limitation ou de restriction de la circulation des piétons dans les Bois de Versoix. Les tirs étaient effectués de nuit et avec des moyens techniques spéciaux. La probabilité qu’un promeneur, même régulier, des Bois de Versoix soit touché par une action de régulation apparaissait dès lors « hypothétique ».

La législation ne conférait pas de droit de recours spécial en faveur des associations d’importance cantonale. L’association recourante ne faisait pas partie des organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection et de l’environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage désignée par l’ODE en application des art. 55, 55f de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement,
LPE- RS 814.01), 28 de la loi fédérale sur l'application du génie génétique au domaine non humain du 21 mars 2003 (Loi sur le génie génétique, LGG - 814.91) ou 12 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966, (LPN - RS 451). Ni la protection de la nature, ni la protection de la faune sauvage ne faisaient partie des buts de l’association, à teneur de ses statuts. Les conditions du recours corporatif n’étaient pas remplies, chacun de ses membres n’ayant pas, à titre individuel, la qualité pour recourir. Il n’était pas établi que la Convention d’Aarhus s’appliquait à la gestion de la faune sauvage. Ses dispositions ne conféraient du reste pas aux organisations environnementales un droit de recours plus large que celui prévu par les art. 55 LPE et 12 LPN. L’arrêt de la CourEDH dans l’affaire des Aînées pour le climat n’était pas pertinent puisqu’il concernait des questions climatiques, ce qui n’avait aucune connexion avec le litige. Enfin, WWF Suisse et Pro Natura auraient pu recourir en application de l’art. 12 LPN.

Au cas où le recours serait néanmoins déclaré recevable, il sollicitait le retrait de l’effet suspensif. Les conditions cumulatives d’une lésion grave des intérêts de la partie requérante et de l’absence d’intérêts opposés prépondérants étaient réalisées.

Les mesures préventives avaient non seulement été épuisées, mais leur quantité dépassait des proportions acceptables pour les travaux agricoles et nuisait à la biodiversité en affaiblissant la fonctionnalité des corridors biologiques. Les enjeux de régénération de la forêt et de réduction des dégâts aux cultures étaient forts. Les autorités françaises et vaudoises concernées attendaient une participation active et constante du canton pour contribuer à l’effort collectif de réduction des effectifs de la population des cerfs, après des années d’absence. Les 25 cerfs tirés en hiver
2023-2024 avaient permis d’infléchir la courbe, l’indice kilométrique d’abondance était passé de 164 à 144. Le plan de tir devait toutefois être constant pour que l’accroissement naturel de la population de cerfs ne vienne pas compenser la diminution consécutive aux tirs effectués chaque année. Le plan de tir de 40 animaux envisagé en 2024-2025 ne menaçait pas la présence du cerf au vu de son indice kilométrique d’abondance et de la densité de ses effectifs. Ce plan de tir restait d’ailleurs prudent.

c. Par réplique sur effet suspensif du 28 octobre 2024, les recourants ont conclu au maintien de l’effet suspensif automatique. Il n’y avait aucun intérêt public prépondérant à l’immédiateté de l’exécution de l’arrêté litigieux. L’intimé admettait que, depuis 2013, le coût des dégâts afférant aux cerfs s’était stabilisé grâce aux mesures préventives mises en place pour protéger les cultures. Aucun dégât particulier ne découlerait ainsi d’une non application immédiate de l’arrêté. La régulation d’une densité de 30 à 40 individus au kilomètre carré ne représentait pas à elle seule un intérêt public impérieux, étant rappelé que les deux tiers des cerfs quittaient le canton en avril pour rejoindre les territoires français et vaudois. Les intérêts publics français et vaudois invoqués à l’appui de la régulation de la faune dans la région de Versoix ne sauraient prévaloir sur le territoire genevois où régnaient l’interdiction de la chasse et le caractère subsidiaire des mesures létales de régulation de la faune.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1.             Le recours est interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑
LPA ‑ E 5 10). L’examen complet de sa recevabilité sera effectué dans l’arrêt final.

2.             Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de
ceux-ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 20 juin 2020).

2.1 Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 LPA).

Lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

Selon la jurisprudence, il y a lieu d'effectuer une pesée entre les intérêts public et privé en jeu, étant précisé que l'autorité peut aussi tenir compte des chances de succès du recours (ATA/962/2016 du 14 novembre 2016 ; ATA/192/2014 du 31 mars 2014 ; ATA/650/2011 du 17 octobre 2011 consid. 2).

L'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, elle n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les références citées ; ATA/962/2016 précité ; ATA/192/2014 précité ; ATA/190/2013 du 22 mars 2013 consid. 4).

L'effet suspensif vise à maintenir une situation déterminée et non pas à créer un état qui serait celui découlant du jugement au fond, dans l'hypothèse où le recourant obtiendrait gain de cause, la décision sur effet suspensif ne devant pas préjuger de l'issue du litige en vidant celui-ci de tout objet (ATA/962/2016 précité ; ATA/192/2014 précité ; ATA/650/2011 précité consid. 2 ; Fritz GYGI, Beiträge zum Verfassungs- und Verwaltungsrecht, 1986, p. 481) en créant une situation de fait quasi irréversible (arrêt du Tribunal fédéral 2C_356/2007 du 18 septembre 2007).

Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

2.2 Par ailleurs, selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte le retrait de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II
253-420, 265).

L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3, in RDAF 2002 I 405).

2.3 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b et l'arrêt cité).

Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué, qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 143 II 506 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2019 du 19 août 2020 consid.  1.2). En application de ces principes, le recours d’un particulier ou d'une association, formé dans l’intérêt général ou d’un tiers, est irrecevable (ATF 138 II 162 consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2019 du 12 juillet 2019 consid. 1.2 ; ATA/23/2021 du 12 janvier 2021 consid. 4). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire proscrite en droit suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_61/2019 du 21 janvier 2019 consid. 3.1). Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 143 II 578 consid. 3.2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_536/2021 consid. 1 ; ATA/303/2023 du 23 mars 2023 consid. 2a). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1).

Une association jouissant de la personnalité juridique est autorisée à former un recours en son nom propre lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection (art. 60 al. 1 let. a et b LPA).

Une association peut faire valoir les intérêts de ses membres lorsqu’il s’agit d’intérêts qu’elle doit statutairement protéger, qui sont communs à la majorité ou à un grand nombre de ses membres et que chacun a qualité pour s’en prévaloir à titre individuel, aussi nommé « recours corporatif égoïste » (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 137 II 40 consid. 2.6.4 ; 131 I 198 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_52/2009 du 13 janvier 2010 consid 1.2.2, non publié in ATF 136 I 1). Ces conditions doivent être remplies cumulativement ; elles doivent exclure tout recours populaire. Celui qui ne fait pas valoir ses intérêts propres, mais uniquement l’intérêt général ou l’intérêt public, n’est pas autorisé à recourir. Le droit de recours n’appartient par conséquent pas à toute association qui s’occupe, d’une manière générale, du domaine considéré. Il doit au contraire exister un lien étroit et direct entre le but statutaire de l’association et le domaine dans lequel la décision litigieuse a été prise (JdT 2011 p. 286 consid. 1.1.1 et les références citées). En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ;142 II 80 consid. 1.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_749/2021 du 16 mars 2022 consid. 1.2.1 ; ATA/1064/2022 du 18 octobre 2022 consid. 5b).

Ont aussi qualité pour recourir les organisations auxquelles la loi reconnaît le droit de recourir (art. 60 al. 1 let. e LPA).

Selon l’art. 1 de la Convention d’Aarhus, afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque Partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la Convention. Le terme « public » désigne une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la coutume du pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes (art. 2 par. 4 de la Convention).

2.4 Selon l’art. 16 al. 1 de loi sur la faune du 7 octobre 1993 (LFaune - M 5 05), pour prévenir des dommages ou des nuisances excessifs, et pour diminuer des dangers manifestes, le Conseil d’État peut, après épuisement des mesures préventives, et sur préavis de la commission instituée à l’art. 37 LFaune, autoriser le département à prendre des mesures régulatrices pour assurer une sélection et un meilleur état sanitaire de la faune ou pour réduire les espèces occasionnant des perturbations.

La commission est formée de deux membres, dont un désigné par les milieux de protection de la nature et un par ceux de la protection des animaux. Ces représentants sont également membres de droit de la commission consultative de la diversité biologique (art. 37 al. 2 LFaune).

La commission consultative de la diversité biologique assiste le département dans l’application de la présente loi (art. 34 al. 1 LFaune).

Selon l’art. 15 du règlement d’application de la loi sur la faune du 13 avril 1994 (RFaune - M 5 05.01), le Conseil d’État fixe, par voie d’arrêté, les espèces animales dont la régulation est autorisée (al. 1). Seuls les agents de l’office cantonal sont habilités à intervenir, si nécessaire, à l’intérieur des secteurs protégés (al. 2).

3.             En l’occurrence, l’arrêté litigieux n’a pas été déclaré exécutoire nonobstant recours, si bien qu’il a effet suspensif de plein droit. Dans sa réponse, l’autorité intimée sollicite le retrait de l’effet suspensif, ce à quoi les recourants s’opposent.

Il appert toutefois, et sans préjudice de l’examen au fond, que l’autorité intimée peut se prévaloir d’un intérêt public important au retrait de l'effet suspensif, à savoir le maintien d’un équilibre entre activités sylvicoles, agricoles et de loisirs, d’une part, et la présence de la faune, dont font partie les cerfs, d’autre part. La mesure sollicitée a pour but d’éviter le problème des surdensités des cerfs impactant négativement l’agriculture et la forêt. Elle vise également à diminuer les risques d’accidents entre véhicules et cerfs (notamment le long de la route de Sauverny) et à contribuer à l’effort de régulation de cette espèce au niveau régional.

La protection des animaux, et l’intérêt à la conservation d’une population de cerfs dans les Bois de Versoix, constituent certes également des intérêts publics importants. Toutefois, comme l’explique l’autorité intimée, la mesure sollicitée ne menace pas la présence du cerf au vu de son indice kilométrique d’abondance et de la densité de ses effectifs. Quant à l’intérêt à la protection des animaux, il apparaît a priori avoir été pris en compte au vu des nombreuses mesures préventives déjà prises par le canton de Genève depuis plusieurs années, soit en particulier la mise en place de surface de gagnage en forêt, la délimitation de zones de tranquillité, la régulation du trafic routier et la mise en place de clôtures de protection des cultures. L’autorité intimée a notamment expliqué que ces mesures avaient été mises en place depuis 2013 et qu’en 2023-2024, la longueur des clôtures électrifiées nécessaires à la protection des cultures ayant atteint 24 kilomètres, soit 80% des cultures de la région de Versoix. L’intérêt – purement idéal – des recourants à la protection des animaux ne saurait ainsi l’emporter, à ce stade de la procédure, face aux enjeux publics de régénération de la forêt et de réduction des dégâts aux cultures.

Quant aux chances de succès du recours, elles n’apparaissent prima facie pas évidentes. À première vue, le seul fait pour le recourant de s’engager pour la protection des animaux et de la faune sauvage est, en soi, insuffisant à démontrer qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général. Le fait qu’il soit un promeneur régulier des Bois de Versoix ne suffit pas non plus à lui fonder une qualité pour recourir, l’intéressé n’apparaissant pas plus touché qu’un autre usager des Bois de Versoix. Quant à l’association recourante, elle ne conteste pas qu’aucune disposition légale – fédérale ou cantonale – ne lui confère la qualité pour recourir. Ses buts statutaires se rapportent au remplacement de l’expérimentation animale par des méthodes plus étiques, à l’adoption d’une législation qui garantisse la défense et le respect des animaux et à la production d’un contenu informatif et factuel en lien avec les buts et objectifs de l’association. Comme le relève l’autorité intimée, la protection de la nature et de la faune sauvage ne font a priori pas partie de ses buts statutaires. L’association recourante n’a pas non plus démontré que chacun de ses membres avait, à titre individuel, qualité pour recourir. Il est enfin douteux que l’art. 2 par. 4 de la Convention d’Aarhus s’applique à la question de la régulation de la faune sauvage. S’ajoute à cela que dans l’arrêt Verein Klimaseniorinnen Schweiz et autres c. Suisse rendu par la Grande Chambre de la CourEDH du 9 avril 2024, cité par les recourants, la qualité pour recourir de l’association découlait notamment de la nature particulière du changement climatique, sujet de préoccupation pour l’humanité toute entière. Or, une telle configuration ne ressort pas de la présente affaire. Partant, la question de la recevabilité du recours paraît prima facie douteuse sous l’angle de la qualité pour recourir.

Les chances de succès du recours apparaissent ainsi, et sans préjudice de l’examen au fond, insuffisantes pour contrebalancer les intérêts publics à la mise en place immédiate de la réglementation prévue par l'arrêté attaqué, si bien que la chambre de céans ordonnera le retrait de l’effet suspensif au recours.

Il conviendra toutefois que le présent dossier soit traité rapidement compte tenu de la durée de validité dudit arrêté.

4.             Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

retire l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat des recourants ainsi qu'au Conseil d'État.

Le président :

C. MASCOTTO

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :