Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/388/2024 du 05.11.2024 sur JTDP/758/2024 ( PENAL ) , REJETE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/20195/2021 AARP/388/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 5 novembre 2024 |
Entre
A______, domicilié c/o B______, ______ [GE], comparant par Me C______, avocat,
appelant,
contre le jugement JTDP/758/2024 rendu le 18 juin 2024 par le Tribunal de police,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/758/2024 du 18 juin 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 du Code pénal [CP]), de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. b et c de la loi sur les étrangers et l'intégration [LEI]), ainsi que de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 22 al. 1 CP cum art. 118 al. 1 LEI). Le TP l'a condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 30.- l'unité, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, avec sursis durant deux ans, ainsi qu'aux frais de la procédure en CHF 744.-, émolument complémentaire de jugement de CHF 300.- en sus.
a.b. A______ entreprend le jugement "dans son ensemble" mais ne conclut qu'à son acquittement des chefs de faux dans les titres et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités. Il ne s'oppose pas à un verdict de culpabilité pour l'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI et sollicite le prononcé d'une peine clémente, sous suite de frais et dépens.
b.a. Selon l'ordonnance pénale du 17 mai 2022, il est encore reproché à A______ d'avoir, le 26 novembre 2018, à Genève, à l'appui d'une demande d'autorisation de séjour "Papyrus" déposée auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), produit différents documents falsifiés ou contrefaits et indiqué faussement, pièces à l'appui, qu'il avait séjourné et travaillé durant dix ans de manière ininterrompue à Genève entre 2009 et 2018, tentant ainsi d'induire l'administration en erreur dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour qui aurait amélioré son statut administratif, étant précisé qu'une telle autorisation ne lui a pas été délivrée. Il a produit à ces fins un faux certificat de travail prétendument établi par D______ Sàrl, une fausse attestation de travail apparemment établie par E______ Sàrl, de faux certificats de salaire censément établis par F______ Sàrl, ainsi que fait état de fausses domiciliations dans les cantons de Genève et de Vaud.
b.b. Par cette même ordonnance pénale, il lui était également reproché d'avoir, entre mars 2015 et le 16 mai 2022, jour de son interpellation, séjourné et travaillé sur le territoire suisse, à Genève, sans les autorisations nécessaires. Ces faits ne sont pas contestés, le prévenu les ayant d'emblée admis lors de son audition à la police.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a.a. Le 15 octobre 2021, l'OCPM a dénoncé au Ministère public (MP) le cas de A______, relevant que sa demande d'autorisation de séjour étayait ses soupçons, du fait notamment qu'elle contenait des certificats de salaire établis par F______ Sàrl, société figurant sur la liste de la Brigade de lutte contre la traite d'êtres humains et la prostitution illicite (BTPI), et que l'extrait AVS de l'intéressé était vierge.
a.b. Parmi les documents à l'appui de cette demande figuraient :
- plusieurs décomptes et attestations de salaire établis par F______ Sàrl pour la période allant de 2010 à 2015 ;
- l'extrait du compte individuel AVS n° 1______, enregistré au nom A______ depuis le 1er juillet 2019, vierge de données ;
- plusieurs courriers de son avocate, adressés à l'OCPM courant 2019, au terme desquels étaient fournies, notamment, "des preuves de séjour supplémentaires pour l'année 2009", dont un certificat de travail de D______ Sàrl du 7 janvier 2010 (période du 10 décembre au 23 décembre 2009), ainsi qu'une attestation de travail de E______ Sàrl du 21 janvier 2010 (période du 27 novembre au 8 décembre 2009) ;
- des abonnements aux transports [de] K______ [VD] d'avril 2015 à août 2018 ;
- une demande d'autorisation de séjour et de travail du 21 novembre 2018 (formulaire M), établie par G______, indiquant que A______ serait arrivé à Genève le 25 novembre 2009, suivie d'un contrat de travail de durée indéterminée à compter du 27 septembre 2018 et accompagnée d'une annonce d'assuré à la Fondation institution supplétive LPP, étant précisé que le timbre humide de l'entreprise comporte une faute d'orthographe ("Général" au lieu de "Générale") ;
- une attestation de niveau de langue A2 à l'oral en français, délivrée le 30 septembre 2019 ;
- un formulaire d'annonce d'un début d'activité pour H______ Sàrl dès le 24 juin 2019.
a.c. Selon le rapport d'arrestation, la police avait relevé plusieurs anomalies dans le dossier "Papyrus" de A______. Celui-ci faisait également l'objet d'une interdiction d'entrée en suisse du 23 juillet 2015 au 22 juillet 2017, après avoir été interpellé à Bâle le 23 mars 2015, en provenance de l'Allemagne, sans les autorisations nécessaires. A______ ayant reconnu être arrivé en Suisse en 2015, la police en avait déduit que les documents produits concernant les années 2009 à 2015 étaient des faux.
b.a. Entendu par la police, A______ a confirmé que la signature figurant au bas du formulaire M du 21 novembre 2018 était bien la sienne. Comme il ne comprenait pas le français, il avait indiqué 2009 au lieu de 2019, s'agissant de son arrivée à Genève ; en réalité, il n'avait pas saisi la question, sinon il aurait indiqué être entré dans le pays en 2015. Il n'avait pas davantage compris le contenu du formulaire attestant de ce qu'il n'avait jamais déposé de demande d'autorisation de séjour dans un pays de l'UE/AELE, à défaut il aurait mentionné sa demande d'asile allemande rejetée en 2015. Il ignorait l'identité de la personne lui ayant fourni le document à signer.
Il n'avait jamais eu de véritable adresse en Suisse, ayant principalement résidé chez des compatriotes, toujours à court terme. Il vivait tantôt à Genève, tantôt sur le canton de Vaud, en fonction de son travail, raison pour laquelle il avait contracté un abonnement aux transports [de] K______. Les fausses domiciliations servaient uniquement d'adresses de correspondance. Il avait rencontré I______ sur un chantier, lequel s'était présenté comme patron. Celui-ci lui avait proposé d'utiliser son adresse en guise de domiciliation et lui avait dressé un contrat de travail. Il ignorait que seule l'épouse de ce dernier avait la faculté d'engager la société G______.
Au début, il avait travaillé pour des entreprises qui n'avaient aucun logo sur leurs véhicules ; il ignorait donc leur nom. Il n'avait d'ailleurs pas eu beaucoup de contacts avec les patrons. Lors de chaque engagement, il ne cherchait pas à connaître leur identité. Des amis ouvriers l'appelaient pour lui faire savoir qu'on avait besoin de ses services sur un chantier. Il s'agissait principalement de "bouche à oreille". Il ne se rappelait cependant plus des périodes de travail en question. Il avait bien travaillé pour D______ Sàrl, mais "beaucoup plus tard" que décembre 2009 ; il avait reçu la fausse attestation de travail de celle-ci de la part d'un collègue ou peut-être d'un chef d'équipe. Il avait transmis tous les documents à son avocate, avec laquelle il communiquait difficilement en raison de ses maigres connaissances en français. Il ignorait l'identité de celui qui avait signé et lui avait remis l'attestation émise par E______ Sàrl. Il était possible que différentes personnes lui aient fourni de tels papiers. Les entreprises l'ayant employé lui avaient toutes certifié que ses charges sociales seraient payées. Or, lorsqu'il avait reçu le décompte de l'assurance, il avait constaté que tel n'avait pas été le cas. Cela étant, depuis qu'il avait obtenu l'autorisation temporaire de travailler, toutes ses charges étaient correctement retenues, étant précisé qu'il avait été engagé par son frère, J______. Il n'avait pas eu beaucoup de contacts avec ce dernier auparavant, en raison d'un conflit familial.
Avant de soumettre sa demande "Papyrus" à l'OCPM, il s'était renseigné auprès de tiers qui avaient déjà effectué cette démarche. Il avait dû réunir de nombreux documents à cette fin, dont il n'avait pas compris toute la teneur. En tout état, il n'avait pas confectionné de faux documents pour justifier des années antérieures à son arrivée en Suisse. Il les avait reçus de la part des patrons, ils n'avaient pas été rémunérés pour cela, mais de l'argent avait été parfois retenu sur son salaire. Confronté au fait qu'il n'avait jamais travaillé pour les entreprises susmentionnées, il a exposé n'avoir pas examiné en détail les documents reçus, qu'il pensait être en lien avec son activité. Il ne connaissait pas davantage la personne qui lui avait remis les faux certificats de salaire de F______ Sàrl. Il ignorait quand il avait réellement œuvré pour cette entreprise mais, en tout état, il avait reçu ces documents après avoir travaillé pour une autre entreprise, laquelle avait effectué des retenues sur son salaire en échange de ce service. En fin de compte, il n'avait jamais travaillé pour F______ Sàrl. Les auteurs des documents avaient également dû recourir à des adresses de domiciliation inexistantes. Interpellé quant au fait que son numéro AVS figurait sur les documents litigieux alors que celui-ci n'existait pas encore lors de leur supposé établissement, il a répondu : "ils ont fait à leur manière".
b.b. Lors de ses auditions ultérieures, A______ a maintenu, en substance, ses déclarations. Il n'avait jamais su que les documents produits étaient des faux, ne sachant pas lire.
Il ne pouvait finalement exclure avoir été employé par F______ Sàrl dans la mesure où il avait travaillé sur de nombreux chantiers sans en connaître les patrons. Les collègues qui lui proposaient du travail lui communiquaient l'heure à laquelle il devait se trouver sur le trottoir pour être emmené sur les chantiers en question. Il ignorait également s'il avait travaillé pour D______ Sàrl ou encore E______ Sàrl.
Tous les documents litigieux lui avaient été remis "ensemble", sur un chantier, par des personnes qu'il ne connaissait pas ; en réalité, il ignorait si on les lui avait donnés en une seule ou plusieurs occasions. En tout état, il n'avait jamais demandé à recevoir ces documents et ne les avait reçus que parce qu'il avait discuté avec des ouvriers qui se trouvaient dans la même situation que lui sur la possibilité de régulariser leur statut administratif. Tout compte fait, quelqu'un avait fourni le dossier complet à l'un de ses anciens collègues de travail dont il ne se rappelait plus le nom, en raison de l'écoulement du temps ; il avait sollicité des personnes pour lesquelles il avait travaillé de le déclarer et en contrepartie il avait reçu ce dossier, étant précisé qu'il ignorait leur identité. Il n'avait rien payé pour cela.
Il avait consulté une avocate pour introduire une demande "Papyrus" mais ne se rappelait plus si le dépôt de son dossier avait été de son fait ; ou, plutôt, il avait déposé sa requête seul, sans l'aide de quiconque, étant précisé que d'autres jeunes gens, qu'il ne connaissait pas, remettaient également leur dossier à ce moment-là. L'avocate ne l'avait donc pas assisté à ce stade. Il avait pris contact avec elle en 2019, lorsqu'il avait commencé à travailler pour son frère, après avoir longuement attendu des nouvelles de l'OCPM, en vain. Il ne s'était pas non plus renseigné avant d'entreprendre les démarches. Il ignorait qu'il fallait dix ans de présence et de travail en Suisse pour en remplir les conditions ; on lui avait simplement indiqué qu'il devait être déclaré. Il regrettait d'avoir présenté aux autorités des documents dont il ignorait qu'ils étaient des faux.
c. Entendu en qualité de témoin, J______ a exposé que son frère faisait beaucoup d'efforts pour s'intégrer. Ils communiquaient en français. A______ travaillait pour lui depuis juillet 2019 et avait l'intention de rester en Suisse ; son avenir était ici. Il travaillait bien, était très serviable, professionnel et à l'écoute des besoins des clients. Aujourd'hui, il bénéficiait d'une attestation selon laquelle il était en attente d'une décision, mais n'avait pas encore de permis. Sans l'ombre d'un doute, son frère était victime de gens véreux qui avaient essayé de profiter de la situation. Lui-même n'avait eu "aucune possibilité de savoir si ces documents étaient faux", raison pour laquelle il ne l'avait pas aidé dans ses démarches.
d. D______ Sàrl a été radiée du registre du commerce le _____ 2014, E______ Sàrl le ______ 2015 et F______ Sàrl le ______ 2019.
C. a. Devant la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), A______ a confirmé ses précédentes déclarations.
Il avait effectivement "un peu" travaillé pour G______ à l'automne 2018. Il avait bien déposé une demande "Papyrus" mais n'était pas "au courant de la date de 2009". Il ne se rappelait pas qui avait rempli le formulaire M du 21 novembre 2018. Il l'avait bel et bien signé mais n'avait aucun souvenir relatif à la date manuscrite du "25/11/2009". Il avait déposé ce document avec des amis avec lesquels il s'était lancé dans le processus et ne se remémorait pas l'avoir relu auparavant, étant rappelé qu'il ne maîtrisait pas le français à cette époque.
Il avait mandaté une avocate car il n'avait pas obtenu de réponse de la part de l'OCPM et souhaitait s'enquérir du statut de sa demande. À cette époque, il ignorait que les documents produits n'étaient "pas bien". Il maintenait avoir ignoré qu'il fallait dix ans de présence en Suisse, quand bien même son avocate avait écrit dans ce sens à l'autorité, pour lui transmettre des "preuves de séjour supplémentaires pour 2009". Il s'était contenté de remettre à son conseil les pièces fournies. Cela étant, il n'aurait jamais déposé son dossier s'il avait su qu'il contenait des faux.
b. Par la voix de son conseil, A______ a modifié les conclusions formulées dans sa déclaration d'appel, concluant finalement à son acquittement de tous les chefs retenus à son encontre. Il sollicite en outre une indemnité de CHF 5'393.- pour ses frais de défense tout au long de la procédure.
L'infraction de faux dans les titres n'était pas réalisée. En effet, les documents produits, soit des certificats de travail et de salaire, ne jouissaient pas d'une valeur probante accrue de sorte qu'ils ne constituaient pas un faux intellectuel. L'intention n'était pas non plus donnée, en ce qu'il n'avait eu ni le dessein spécial de nuire aux intérêts d'autrui, ni celui de se procurer un avantage illicite. Sa maîtrise insuffisante du français ne lui permettait pas de comprendre les formalités de sa demande "Papyrus". Selon l'expérience générale de la vie, lorsqu'on ne comprenait pas quelque chose, il était usuel de se tourner vers autrui pour trouver de l'aide et de faire confiance : il s'était donc fié de bonne foi à ses collègues de chantier et aux documents fournis. Il n'était coupable de rien, sauf d'avoir été naïf.
Il n'y avait pas davantage de tentative d'un comportement frauduleux à l'égard des autorités. Il n'avait pas eu la volonté de tromper qui que ce soit et avait d'emblée reconnu être arrivé en Suisse en 2015, avant-même d'être confronté aux éléments matériels du dossier. Il avait également, à réitérées reprises, affirmé qu'il n'aurait jamais produit les documents en cause s'il avait su qu'ils étaient faux, étant précisé que seul l'OCPM pouvait déceler ces anomalies. Cette affirmation devait être jugée crédible et emportait la négation de son intention sous l'angle de la commission de l'infraction reprochée. En tout état, la négligence n'était pas réprimée et il fallait encore que la tromperie se rapportât à des faits essentiels au sens de la disposition, ce qui n'était pas le cas.
L'art. 399 al. 3 let. a du Code de procédure pénale (CPP) permettant de contester un jugement dans son ensemble, il était possible de modifier ses conclusions au plus tard au terme de la procédure probatoire (art. 346 al. 1 CPP cum art. 379 CPP), étant précisé que la Cour n'était pas liée par les conclusions des parties (art. 391 al. 1 let. b CPP). Partant, sa nouvelle conclusion tendant à son acquittement du chef de l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI était recevable. Dans la mesure où il n'avait pas commis de faux dans les titres, ni de tentative d'un comportement frauduleux à l'égard des autorités, il devait être acquitté d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI, conformément à la protection du justiciable découlant de l'art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.).
Si par impossible sa condamnation devait être confirmée, sa peine devait être sensiblement réduite pour tenir compte du fait qu'il n'avait causé aucun trouble à l'ordre public, que son casier judiciaire était vierge, qu'il faisait de son mieux pour s'intégrer, que son travail donnait entière satisfaction, qu'il avait eu une vie difficile, que sa collaboration avait été bonne tout au long de la procédure, qu'il s'était dit prêt à assumer les amendes infligées et qu'il vivait désormais en Suisse depuis dix ans.
c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué.
D. a. A______, ressortissant kosovar né le ______ 1987, est célibataire et sans enfant. Sa fiancée, de même que deux de ses frères et ses parents habitent au Kosovo. Depuis 2019, il travaille en tant que carreleur pour l'entreprise de son frère, H______ Sàrl, pour un salaire mensuel d'environ CHF 4'000.-. Il est gratuitement logé chez un ami et n'a comme charges que son assurance-maladie et son téléphone. Il n'a ni dettes ni fortune.
b. Son casier judiciaire suisse est vierge.
EN DROIT :
1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).
La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).
1.2.1. Dans sa déclaration d'appel, la partie doit notamment indiquer si elle attaque le jugement dans son ensemble ou seulement sur certaines parties (art. 399 al. 3 CPP). La partie qui attaque seulement certaines parties du jugement est tenue d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (art. 399 al. 4 CPP) : la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) ; la quotité de la peine (let. b) ; les mesures qui ont été ordonnées (let. c) ; les prétentions civiles ou certaines d'entre elles (let. d) ; les conséquences accessoires du jugement (let. e) ; les frais, les indemnités ou la réparation du tort moral (let. f) ; les décisions judiciaires ultérieures (let. g).
1.2.2. Lorsque l'appelant limite son appel à certaines parties du jugement attaqué, on parle d'appel partiel. L'appelant ne doit pas seulement mentionner les parties du jugement qu'il attaque, mais indiquer les modifications du dispositif qu'il demande sur ces points. Il peut modifier ses propositions jusqu'à la fin de la procédure probatoire (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019 n. 16 et 17 ad art. 399 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_63/2013 du 4 mars 2013 consid. 1.3 sur le prononcé d'une mesure thérapeutique institutionnelle).
La déclaration d'appel fixe de manière définitive l'objet de l'appel, en ce sens que l'appelant ne peut plus élargir sa déclaration d'appel à d'autres points au-delà du délai de vingt jours pour déposer celle-ci (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], op.cit., n. 21 ad art. 399).
1.2.3. L'appelant peut en revanche toujours limiter ultérieurement son appel, moyennant un retrait partiel (art. 386 al. 2 CPP). Pendant les débats devant la juridiction d'appel, il peut déposer en ce sens une requête orale, qui sera consignée au procès-verbal (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], op.cit., n. 22 ad art. 399).
La limitation de l'appel repose sur un souci d'économie du procès et d'allègement de la procédure. Après que l'objet de l'appel a été fixé dans la déclaration d'appel, la portée de celui-ci ne peut plus être élargie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1160/2017 du 17 avril 2018 consid. 1.1 ; Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 p. 1299).
1.3. En l'espèce, dans la déclaration d'appel, l'appelant, assisté d'un avocat, a indiqué qu'il attaquait le jugement "dans son ensemble", citant l'art. 399 al. 3 let. a CPP, tout en prenant des conclusions précises, avec l'énumération des modifications souhaitées. Il a ainsi conclu, de manière explicite et univoque, à son acquittement des chefs de faux dans les titres et de tentative d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEI, soulignant ne pas s'opposer à un verdict de culpabilité pour l'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI, et même conclure au prononcé d'une peine clémente.
À lecture de la déclaration d'appel, aucun doute n'est permis quant à la portée, explicite, que A______ entendait lui donner. Aucune remise en cause implicite de sa condamnation pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI ne peut y être décelée, quand bien même aurait-il dû être considéré que l'appel portait sur l'ensemble du jugement, étant rappelé qu'il a au contraire pris des conclusions sur la peine y relative.
Il en découle que, dans sa déclaration d'appel, le précité n'a, de manière définitive, pas contesté sa condamnation du chef d'infraction de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation prononcée par le premier juge et limité d'autant la portée de son appel. La faculté de modifier certains éléments de la déclaration d'appel avant l'issue de la procédure probatoire ne s'appliquerait, le cas échéant, qu'à des propositions de limitation, mais pas à la remise en cause de sa culpabilité d'un chef d'infraction supplémentaire.
Au vu de ce qui précède, sa nouvelle conclusion prise en audience d'appel est irrecevable, sans préjudice de ce que l'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI est réalisée, comme il sera vu ci-après (cf. infra consid. 2.4.1. et ss).
2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_86/2019 du 8 février 2019 consid. 1.1).
En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation ; le principe est violé lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_47/2018 du 20 septembre 2018 consid. 1.1 ; 6B_61/2015 du 14 mars 2016 consid. 3).
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a).
2.2.1. L'art. 251 ch. 1 CP sanctionne le comportement de celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.
La notion de titre est définie à l'art. 110 al. 4 CP. Seuls les documents destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique sont concernés. Le caractère de titre d'un écrit est relatif. Ainsi, certains de ses aspects peuvent être propres à prouver certains faits, alors que d'autres ne le sont pas (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 6 ad art. 251).
Le législateur réprime deux types de faux dans les titres : le faux matériel et le faux intellectuel. On parle de faux matériel lorsque le véritable auteur du titre ne correspond pas à l'auteur apparent (ATF 129 IV 130 consid. 2.1, JdT 2005 IV 118). Autrement dit, le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité. Commet un faux intellectuel, celui qui aura constaté ou fait constater faussement un fait ayant une portée juridique. Le faux intellectuel se rapporte ainsi à l'établissement d'un titre authentique (réalisé par l'auteur apparent), mais mensonger du fait que le contenu réel et le contenu figurant dans le titre ne concordent pas. Comme le simple mensonge écrit n'est pas répréhensible, même en présence d'un titre, il faut que celui-ci ait une valeur probante plus grande qu'en matière de faux matériel, pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op. cit., n. 34 ad art. 251).
Selon la jurisprudence, un certificat de salaire, respectivement un décompte de salaire au contenu inexact ou un contrat de travail simulé pour obtenir une attestation de séjour constituent un simple mensonge écrit, faute de valeur probante accrue de ces faux intellectuels (ATF 118 IV 363 consid. 2, JdT 1995 IV 41 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_382/ 2011 du 26 septembre 2001 consid. 2.2 et 6B_72/2015 du 27 mai 2015 consid.1.5 et 1.6).
Des fiches de salaire créées de toute pièces par un tiers, à l'en-tête d'une société inexistante, ont toutefois été considérées par le Tribunal fédéral comme des titres, sous forme de faux matériels, dès lors que l'auteur apparent desdites fiches de salaire ne correspond pas à leur auteur réel et qu'elles établissent l'existence de rapports de travail ainsi que le montant d'un salaire y relatif, en vue d'obtenir des prestations indues (arrêt du Tribunal fédéral 6B_473/2016 du 22 juin 2017 consid. 4.2.1).
Lorsque l'auteur désigné par le titre est une personne morale, il y a lieu d'évaluer si le document est en soi apte à prouver que la personne morale a fait une déclaration, faute de quoi il ne s'agit pas d'un titre. Si c'est le cas, l'établissement de ce titre au nom de la personne morale par une personne qui ne peut pas (ou plus) valablement l'engager dans les rapports externes est un faux matériel (cf. ATF 123 IV 17 consid. 2b ; Commentaire romand du Code pénal II, Bâle 2017, N 29 ad art. 251 CP).
Dans toutes les variantes envisagées, l'infraction est intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs objectifs. Le dol éventuel suffit (ATF 141 IV 369 consid. 7.4). L'auteur doit donc être conscient que le document est un titre. Il doit savoir que le contenu ne correspond pas à la vérité et avoir voulu (faire) utiliser le titre en le faisant passer pour véridique, ce qui présuppose l'intention de tromper (ATF 135 IV 12 consid. 2.2). L'art. 251 CP exige également un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (ATF 138 IV 130 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_736/2016 du 9 juin 2017 consid. 2.1).
2.2.2. En l'espèce, c'est en vain que l'appelant argue que l'infraction ne serait pas réalisée du fait que les documents produits seraient des faux intellectuels dépourvus de valeur probante accrue, soit de simples mensonges écrits.
Il est établi que le certificat de travail au nom de D______ Sàrl, les attestations de travail de E______ Sàrl et les décomptes de salaire de F______ Sàrl sont faux en ce qu'ils attestent d'une activité antérieure à l'arrivée de l'appelant en Suisse. L'appelant l'a du reste admis.
Cela dit, ses déclarations ont beaucoup varié et évolué. Il en ressort qu'il n'a jamais travaillé pour F______ Sàrl, bien qu'il soit ensuite revenu sur ses propos, et qu'il ne se rappelle plus, voire ignore s'il a réellement été employé par D______ Sàrl et E______ Sàrl.
Selon lui, il aurait été "engagé" par des collègues ouvriers pour travailler sur des chantiers où régnait une grande opacité. Il appert donc que les patrons ne savaient pas qui travaillaient pour eux de sorte qu'il apparaît douteux qu'ils puissent attester d'une activité lucrative exercée par l'appelant ; en outre, s'ils étaient peu désireux de le déclarer à l'époque, il apparaît tout aussi improbable qu'ils l'aient été en 2018.
L'appelant a ensuite exposé avoir reçu la fausse attestation de D______ Sàrl d'un collègue ou peut-être d'un chef d'équipe, et ne pas connaître la personne qui lui avait remis celle émise par E______ Sàrl, expliquant qu'il était possible que différentes personnes lui aient fourni de tels documents, avant d'affirmer les avoir obtenus "des patrons". Il a précisé ne pas avoir rémunéré ces derniers en retour, mais que ceux-ci se seraient servis sur son salaire, ou encore n'avoir jamais examiné en détail ces documents, étant précisé que les chiffres des dates indiquées auraient dû, en tout état, l'interpeller. Quant aux décomptes salaire de F______ Sàrl, il les aurait obtenus après avoir travaillé pour "une autre" entreprise, qui aurait effectué des retenues de salaire pour ce "service". Les auteurs des documents avaient "fait à leur manière", en indiquant une adresse de domiciliation inexistante et son numéro AVS, lequel a pourtant été enregistré après le dépôt de la demande "Papyrus". Il a prétendu enfin qu'un dossier complet lui aurait été remis, avec tous les documents litigieux "ensemble", par des personnes qu'il ne connaissait pas, ou peut-être qu'il les avait reçus en différentes occasions, avant de finalement indiquer l'avoir réceptionné d'un ancien collègue.
Au vu de ce qui précède, ses déclarations sont dénuées de toute crédibilité et l'appelant ne saurait être suivi lorsqu'il affirme que ces documents auraient été établis par leurs auteurs véritables. En tout état, dans la mesure où les trois sociétés en question ont été radiées avant son arrivée en Suisse, il est impossible que l'appelant ait pu travailler, ne serait-ce un jour, pour celles-ci. À l'époque de la création de ces documents, qui constituent des titres, dites entreprises avaient cessé d'exister. Il faut en conclure qu'il s'agit bien là de faux matériels.
L'appelant en a fait usage afin de régulariser son statut administratif, dans le but de se procurer un avantage illicite, auquel il savait ne pouvoir prétendre.
Il ne pouvait ignorer qu'il s'agissait de faux. Outre l'absence de crédibilité de ses déclarations, il a admis à demi-mot avoir dû payer une contrepartie pour ce "service", étant rappelé qu'il décrit avoir évolué sur des chantiers où régnaient une grande opacité. S'il a produit de faux documents, c'est bien parce qu'il savait que les conditions de l'opération n'étaient pas réalisées le concernant, comme il sera démontré ci-après (cf. infra consid. 2.3.2). L'élément subjectif est partant réalisé.
Au vu de ce qui précède, le verdict de culpabilité de faux dans les titres sera confirmé et l'appel rejeté sur ce point.
2.3.1. Selon l'art. 118 al. 1 LEI, quiconque induit en erreur les autorités chargées de l'application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et obtient, de ce fait, frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers, ou évite le retrait d'une autorisation, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Selon le message du Conseil fédéral (FF 2002, p. 3588), les personnes impliquées trompent par leur comportement les autorités délivrant des autorisations, car celles-ci n'octroieraient pas d'autorisation si elles connaissaient les données réelles. Selon l'art. 90 LEI, les personnes impliquées dans la procédure sont tenues de faire des déclarations conformes à la vérité (l'étranger ou les tiers). L'obligation de collaborer a une portée essentielle en droit à l'égard des étrangers car les autorités sont tributaires des indications véridiques des requérants. Tel est avant tout le cas pour les faits qui, sans la collaboration des personnes concernées, ne peuvent pas être déterminés du tout ou pas sans efforts disproportionnés.
L'auteur doit avoir un comportement frauduleux qui induit l'autorité en erreur relativement à un fait essentiel, ce qui amène celle-ci à accorder ou à ne pas retirer une autorisation ; il doit ainsi exister un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation de séjour au sens que si l'autorité avait eu connaissance de la vérité, elle n'aurait pas délivré ladite autorisation (AARP/327/2021 du 19 octobre 2021 consid. 2.2.1). Lorsqu'une personne fournit des informations incorrectes à l'autorité mais que celles-ci ne sont d'emblée pas de nature à avoir une influence sur l'octroi d'une autorisation, la condition de fait essentiel n'est pas remplie et l'infraction de l'art. 118 al. 1 LEI n'est pas réalisée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_838/2018 du 13 janvier 2022 consid. 5.1 ; 6B_833/2018 du 11 février 2019 consid. 1.5.2 ; 6B_72/2015 du 27 mai 2015 consid. 2.2 ; 6B_497/2010 du 25 octobre 2010 consid. 1.1). Le résultat de l'infraction se produit lorsque l'autorisation de séjour est accordée. À défaut, il s'agit d'une tentative (art. 22 CP).
L'infraction est intentionnelle ; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2018 du janvier 2022 consid. 5.1 ; voir également : AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2 ; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.2).
L'opération dite "Papyrus", qui a pris fin au 31 décembre 2018, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE, bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir : avoir un emploi, être indépendant financièrement, ne pas avoir de dettes, avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum pour les familles avec enfants scolarisés ou sinon dix ans minimum, faire preuve d'une intégration réussie, et ne pas avoir de condamnation pénale autre que celle pour séjour illégal (ATA/1255/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5 ; ATA/1153/2022 du 15 novembre consid. 7 ; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 7 ; ATA/679/2022 du 28 juin 2022 consid. 6).
2.3.2. En l'espèce, les dénégations de l'appelant n'emportent pas conviction.
Ne pas savoir lire une langue étrangère est une chose. Cependant, les chiffres arabes sont utilisés tant par les francophones que par les albanophones. Ainsi, l'appelant n'est pas crédible lorsqu'il prétend avoir mal compris la question posée par le formulaire, s'agissant de la date de son arrivée à Genève.
L'appelant était loin d'être démuni et isolé. De son propre aveu, il discutait avec de nombreux ouvriers dans la même situation que lui, de sorte qu'il est peu probable qu'aucun d'eux ne connût les véritables conditions de l'opération "Papyrus". Par ailleurs, il a un frère en Suisse, bien intégré, qui aurait pu l'aider dans ses démarches et traduire pour lui les questions du formulaire qu'il a rempli et signé, afin de dissiper toute incompréhension. À cet égard, l'appelant ne peut être suivi lorsqu'il allègue qu'il n'aurait renoué avec sa parenté que très récemment, son frère n'ayant mentionné l'existence d'aucun conflit et témoigné avec ferveur de la bonne moralité de l'intéressé. Enfin et surtout, l'appelant a mandaté une avocate pour appuyer sa requête et fournir "des preuves de séjour supplémentaires pour l'année 2009". Assisté d'un conseil, il ne pouvait en aucun cas ignorer les conditions légales requises pour obtenir la régularisation de son statut, de sorte qu'il a persisté à vouloir induire l'autorité en erreur et renforcer ses chances de succès, sous couvert du sérieux de la femme de loi qui le représentait, étant précisé qu'il a sciemment transmis à l'autorité de faux titres pour renforcer la crédibilité de son séjour. L'appelant a agi avec conscience et volonté.
Il ne peut de plus être suivi lorsqu'il allègue que la tromperie ne porterait pas sur un fait essentiel, dès lors qu'il a tenté d'établir un séjour antérieur à son arrivée, pour remplir précisément les conditions requises par l'opération "Papyrus". Or, sans ce mensonge, il n'aurait eu aucune chance de succès dans ses démarches de régularisation, dès lors qu'il ne pouvait se prévaloir d'un séjour en Suisse qu'à partir de 2015, et essentiellement sur le Canton de Vaud de surcroît.
Au vu de ce qui précède, le verdict de culpabilité de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités sera confirmé et l'appel rejeté à cet égard.
2.4.1. Se rend coupable de violation de l'art. 115 al. 1 LEI, quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse prévues à l'art. 5 LEI (let. a), y séjourne illégalement (let. b) ou exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).
Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. ; ce principe est également rappelé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP qui prévoit que les autorités pénales s'y conforment (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.1).
Le principe de la bonne foi protège ainsi le justiciable dans la confiance légitime qu'il place dans sa relation avec les autorités. Le MP a récemment changé de pratique quant à l'opportunité de poursuivre une infraction de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) dans l'hypothèse où un prévenu est acquitté de celle prévue par l'art. 118 LEI, dans le cadre d'une opération de régularisation comme "Papyrus", et ce pour la période pénale couverte par celle-ci. Ce raisonnement s'inscrit dans le contexte particulier où des étrangers sans autorisation sont invités par l'État à dévoiler leur situation irrégulière dans l'espoir de se voir octroyer un permis. Il paraît en effet conforme au principe de la bonne foi que les autorités pénales, qui n'auraient pas eu connaissance du séjour illégal sans la révélation volontaire de l'administré, ne le poursuive pas si celui-ci n'adopte aucun comportement frauduleux à l'égard des autorités (AARP/70/2023 du 6 mars 2023 consid. 3.1 et 3.2 ; AARP/118/2023 du 27 mars 2023 consid. 2.1.5). Cela se justifie également au regard de la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de s'auto-incriminer, principe général applicable à la procédure pénale et découlant de l'art. 32 Cst., de l'art. 14 al. 3 let. g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2) et du droit à un procès équitable au sens de l'art. 6 ch. 1 CEDH (ATF 142 IV 207 consid. 8.3).
Ce raisonnement ne s'applique toutefois qu'au plaideur qui était en droit de penser au moment où il avait déposé la requête, que celle-ci avait des chances d'aboutir, à l'exclusion de celui qui avait fait usage de faux pour tenter d'induire l'autorité en erreur (AARP/235/2023 du 6 juillet 2023 consid. 3.2.2). Autrement dit, seul l'étranger de bonne foi peut se prévaloir de la protection conférée par une opération tendant à permettre la régularisation d'étrangers séjournant et travaillant illégalement en Suisse mais pouvant être tenus pour étant désormais bien intégrés et répondant aux critères définis aux fins de ladite opération (AARP/458/2023 du 29 novembre 2023 consid. 3.5.2).
2.4.2. Dans la mesure où l'appelant a tenté de tromper l'OCPM en usant de faux titres, il ne peut en aucun cas se prévaloir de sa bonne foi.
L'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI est bel et bien réalisée, étant rappelé que l'appelant a reconnu les faits y relatifs et que sa conclusion sur ce point est en toute hypothèse irrecevable.
3. 3.1.1. L'infraction de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) est punie par une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou par une peine pécuniaire. Celle de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI) est réprimée par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou par une peine pécuniaire. Enfin, le séjour illégal et le travail sans autorisation (art. 115 al. 1 let. b et c LEI) sont sanctionnés par une peine privative de liberté d'un an au plus ou par une peine pécuniaire.
3.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).
3.1.3. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
3.1.4. L'art. 49 al. 1 CP prévoit que si, en raison de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.
3.2. En l'espèce, la faute de l'appelant est loin d'être négligeable.
Il a persisté à séjourner et à travailler en Suisse sans les autorisations nécessaires, ce alors même qu'il faisait l'objet d'une interdiction de territoire. La période pénale a été longue. Par ailleurs, il n'a pas hésité à fournir un dossier monté de toutes pièces pour tromper l'autorité dans l'espoir de bénéficier de l'opération "Papyrus". En fournissant de faux renseignements et de fausses attestations à l'autorité compétente, dans le but d'obtenir un titre de séjour et/ou de travail, il a porté atteinte à la confiance que l'administration est en droit d'attendre de l'administré ainsi qu'à la bonne foi dans les rapports entre celui-ci et l'État.
Ses mobiles sont purement égoïstes, puisqu'il a recherché avant tout un bénéfice économique, au mépris des règles du droit des étrangers en vigueur. Sa volonté de s'établir en Suisse ne justifie en rien ses agissements.
Il y a concours d'infractions, facteur d'aggravation de la peine.
Il n'a pas d'antécédent, facteur neutre sur la peine.
Si sa collaboration à la procédure peut être jugée comme bonne s'agissant du séjour illégal et du travail sans autorisation, elle doit être qualifiée de mauvaise pour les autres infractions, en ce qu'il n'a eu de cesse de mentir et de se victimiser, rejetant la faute sur des tiers non identifiés et se retranchant derrière sa faible maîtrise du français. Sa prise de conscience est nulle, les regrets exprimés depuis les débats de première instance apparaissant n'être que de pure circonstance.
Le principe de la peine pécuniaire est acquis à l'appelant. L'infraction objectivement la plus grave étant celle de faux dans les titres, celle-ci justifierait, à elle seule, d'être sanctionnée par une peine de base de 60 jours-amende, laquelle doit être augmentée de 30 jours-amende pour tenir compte de la tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (peine hypothétique de 40 jours-amende), ainsi que de 20 jours-amende supplémentaires pour le séjour illégal (peine hypothétique de 30 jours-amende) et de 20 jours-amende pour l'infraction de travail sans autorisation (peine hypothétique de 30 jours-amende). Au vu de ce qui précède, c'est une peine pécuniaire de 130 jours-amende qui sanctionnerait adéquatement la faute de l'appelant. En vertu du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, la peine clémente de 100 jours-amende, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, prononcée par le premier juge sera confirmée. Il en ira de même de la quotité du jour-amende.
Le sursis accordé est acquis à l'appelant et le délai d'épreuve de deux ans, adéquat, sera lui aussi confirmé (art. 42 al. 1 CP).
4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, lesquels comprendront un émolument d'arrêt en CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et art. 14 al. 1 let e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]). Il en ira de même du sort de l'émolument complémentaire de jugement en CHF 300.-.
Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance, vu l'issue de l'appel.
5. L'appelant sera débouté de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP a contrario).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/758/2024 rendu le 18 juin 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/20195/2021.
Le rejette.
Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'735.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'500.-.
Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :
"Déclare A______ coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI et de tentative d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEI.
Condamne A______ à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, sous déduction de 2 jours-amende, correspondant à 2 jours de détention avant jugement (art. 34 CP).
Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.
Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).
Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).
Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).
Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 744.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).
Fixe l'émolument complémentaire de jugement en CHF 300.- et le met à la charge de A______."
Notifie le présent arrêt aux parties.
Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.
La greffière : Lylia BERTSCHY |
| Le président : Vincent FOURNIER |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.
| ETAT DE FRAIS |
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| COUR DE JUSTICE |
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
Total des frais de procédure du Tribunal de police : | CHF | 1'044.00 |
Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
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Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 100.00 |
Procès-verbal (let. f) | CHF | 60.00 |
Etat de frais | CHF | 75.00 |
Emolument de décision | CHF | 1'500.00 |
Total des frais de la procédure d'appel : | CHF | 1'735.00 |
Total général (première instance + appel) : | CHF | 2'779.00 |