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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/21320/2021

ACJC/1064/2025 du 07.08.2025 sur JTPH/230/2024 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21320/2021 ACJC/1064/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU JEUDI 7 AOÛT 2025

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 6 septembre 2024 (JTPH/230/2024), représentée par
Me Marc OEDERLIN, avocat, NOMEA Avocats SA, avenue de la Roseraie 76A, case postale, 1211 Genève 12,

et

B______ SARL, sise ______, intimée, représentée par Me Xavier LATOUR, avocat, DGE Avocats, rue Bartholoni 6, case postale, 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH 230/2024 du 6 septembre 2024, reçu par A______ le 10 septembre 2024, le Tribunal des prud'hommes (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a déclaré recevable la demande formée le 2 mai 2022 par la précitée contre B______ SARL (chiffre 1 du dispositif), débouté A______ de ses conclusions (ch. 2), débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 8'370 fr. (ch. 4), mis à charge de A______ (ch. 5) et compensés avec l'avance versée par celle-ci en 8'000 fr., acquise à l'Etat de Genève (ch. 6), condamné A______ à verser 370 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de l'Etat de Genève (ch. 7), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 8) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 9).

B.            a. Par acte expédié le 10 octobre 2024 à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a fait appel de ce jugement, concluant à son annulation, sous suite de frais judiciaires. Cela fait, elle a conclu à la condamnation de B______ SARL au paiement des montants suivants : 207'175 fr. 80 nets avec intérêts à 5% l'an dès le 27 octobre 2020, 133'333 fr. 40 bruts avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2021, 500'000 fr. 25 bruts avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2020 et 30'000 fr. nets avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2021. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Dans sa réponse du 9 décembre 2024, B______ SARL a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais judiciaires.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. La cause a été gardée à juger le 18 mars 2025, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______ SARL (ci-après : B______ SARL ou l'employeuse) est une société inscrite au Registre du commerce de Genève depuis le ______ 2015, qui a pour but social la recherche, le développement, l'ingénierie, la production, la fabrication, le marketing, la distribution, l'achat et la vente de produits de consommation, en particulier dans le domaine de la beauté ; la société est active mondialement.

C______ en a été la gérante présidente et D______ le gérant d'octobre 2016 à décembre 2020.

B______ SARL fait partie du groupe international E______ INC., actif dans le développement, la commercialisation et la distribution de produits et soins de beauté.

En 2015-2016, E______ INC. a racheté une quarantaine de marques de beauté à F______ SARL, multinationale spécialisée dans les produits de nettoyage, d'hygiène et pharmaceutiques. Jusqu'en 2020, E______ INC. était structurée en trois divisions : la division "Consumer Beauty", spécialisée dans les produits cosmétiques, les produits ______ de grande consommation, les soins du corps et les parfums; la division "Luxury", spécialisée dans les parfums de prestige et les soins de la peau; et la division "Professional Beauty", spécialisée dans les produits destinés aux professionnels ______ (cf. l'article relatif à E______ INC. publié sur le site internet de Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/E______).

En 2019, E______ INC. a annoncé sa volonté de se séparer de sa division "Professional Beauty" et de recentrer son activité dans les domaines de la parfumerie, des produits cosmétiques et des soins pour la peau. Courant 2020, E______ INC. a conclu un partenariat stratégique avec le fonds d'investissement G______, lequel s'est notamment porté acquéreur de plusieurs marques de soins et produits ______ professionnels, dont la marque H______ (cf. infra let. e et suivantes).

b.a A fin 2017, alors qu'elle travaillait aux Pays-Bas pour le groupe alimentaire I______, A______ (ci-après également : l'employée), née le ______ 1973, a reçu une offre d'emploi de B______ SARL, qu'elle a contresignée le 7 décembre 2017.

Sur cette base, les parties ont signé le 6 février 2018 un contrat de travail de durée indéterminée, par lequel B______ SARL a engagé A______ en qualité de vice-présidente principale chargée du financement de la chaîne d'approvisionnement ("Senior Vice President Supply Chain Finance", ci-après : SVP SCF) à un taux d'activité de 100% dès le 1er mars 2018.

A teneur de l'art. 1 du contrat, l'employée était engagée au poste de SVP SCF. Toutefois, l'employeuse se réservait le droit de lui attribuer d'autres fonctions appropriées, correspondant à son expérience antérieure, tout en maintenant la rémunération applicable à ce moment-là. Un tel changement nécessitait toutefois que l'employée ait accepté ces nouvelles fonctions.

Après le temps d'essai, les rapports de travail pouvaient être résiliés par écrit moyennant un préavis de six mois.

Le salaire annuel brut convenu était de 350'000 fr., versé en douze fois. En sus de ce salaire, l'offre d'emploi et le contrat de travail prévoyaient ce qui suit :

(I) L'employée participait au plan de performance annuel de E______ INC., le "E______ Inc. Annual Performance Plan", et, à ce titre, était éligible au paiement d'un bonus (ci-après : le bonus APP) calculé en fonction du salaire annuel brut, la participation cible ("annual target award") correspondant à 40% de ce salaire. Le bonus APP était basé sur les performances individuelles de l'employée et sur les résultats de E______ INC. La décision d'octroi du bonus APP était laissée à la discrétion et à l'approbation du conseil d'administration de E______ INC. Les conditions de paiement du bonus APP étaient détaillées dans une brochure d'information séparée.

(II) En tant que cadre dirigeante de B______ SARL, A______ avait la possibilité de participer à un plan d'allocation d'actions et d'intéressement à long terme, le "E______ Inc. Equity & Long-Term Incentive Plan" (ci-après : le plan ELTIP).

Selon l'art. 5 du contrat, les rapports de travail étaient soumis au droit suisse, à l'exception des aspects concernant le plan ELTIP, soumis au droit de l'Etat de New-York (USA), avec une élection de for en faveur des tribunaux genevois.

b.b Au cours des rapports de travail, A______ a perçu les bonus APP suivants : 40'240 fr. pour l'année fiscale 2018, 89'080 fr. pour l'année fiscale 2019 et 233'903 fr. pour l'année fiscale 2020.

A teneur de la brochure d'information pour le premier semestre de l'année fiscale 2020 ("FY 2020 H1 - Annual Performance Plan (APP)"), le paiement du bonus APP devait intervenir au mois d'octobre, suite à la clôture de l'année fiscale concernée. Pour percevoir ce bonus, l'employé(e) devait être un(e) salarié(e) actif(ve) de E______ INC. au moment du paiement, étant précisé que la participation au plan APP prenait fin en même temps que les rapports de travail ("Participation in the program ends when your employment ends. You must be actively employed by E______ Inc. on the day the APP award is paid to be eligible"). En cas de période d'absence, le bonus APP pouvait être calculé au prorata de l'activité déployée ("In case of leave of absence periods, APP awards may be prorated"). Aucun bonus APP n'était versé aux employé(e)s dont les résultats n'étaient pas satisfaisants.

Dans une "Directive de rémunération pour l'année fiscale 2021" ("Compensation Policy Update FY 2021") du 4 septembre 2020, E______ INC. a annoncé que 2020 avait été une année difficile pour le groupe, notamment en raison de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19. En conséquence, la direction de E______ INC. avait décidé qu'aucun bonus APP ne serait versé aux employés de B______ SARL pour l'année fiscale 2021, compte tenu de la situation économique actuelle de l'entreprise et de la contreperformance attendue pour l'exercice concerné.

b.c Dans le cadre du plan ELTIP, A______ s'est vu attribuer, en date du 4 septembre 2018, 23'492 unités d'actions restreintes de E______ INC. ("Restricted Stock Units", ci-après : RSU) d'une valeur de 300'000 USD.

Les dates d'exigibilité des RSU étaient définies dans deux documents annexés. Il y était précisé qu'en cas de résiliation des rapports de travail pour des raisons autres que la maladie, la retraite ou le décès de l'employé(e), toutes les RSU non acquises ("unvested RSUs") étaient immédiatement annulées ("immediately forfeited").

c. En tant que SVP SCF, A______ a travaillé pendant une quinzaine de mois sous la supervision du directeur financier de E______ INC. ("Chief Group Financial Officer"), fonction occupée dès janvier 2019 par J______, avec qui l'employée avait déjà collaboré lorsqu'elle travaillait pour le groupe I______, ainsi que du directeur de la chaîne d'approvisionnement ("Chief Supply chain Officer"), fonction occupée par K______ jusqu'en décembre 2018, puis par L______ de janvier 2019 à mars 2020.

Entendus comme témoins par le Tribunal, d'anciens employés de B______ SARL, respectivement de E______ INC. – à savoir M______ (assistante de direction de 2011 à 2020), N______ (employé RH de 2016 à 2021), O______ ("VP Legal Supply" de septembre 2018 à octobre 2020), P______ (directrice RH pour E______ INC. jusqu'à fin 2021), Q______ (directrice RH pour la Suisse de 2016 à 2019) et R______ (employée RH de juillet 2018 à fin août 2020) – ont décrit K______ comme un responsable "à l'ancienne", difficile et autoritaire. Qualifié de tyrannique par certains (témoin M______), il s'agissait pour d'autres d'un chef exigeant, parfois brusque dans ses propos, mais très professionnel et correct (témoins N______, O______, P______ et R______).

M______ a déclaré que A______ s'était plainte auprès d'elle de l'attitude de K______, qui mettait la pression sur toute son équipe, mais sans évoquer un comportement inapproprié de sa part. Le précité était un chef exigeant envers tous ses subordonnés. Elle avait pu constater que A______ avait été isolée par K______, en ce sens qu'il n'écoutait plus ce qu'elle disait, ce que l'employée avait mal vécu. N______ a déclaré n'avoir rien remarqué de particulier lorsque K______ échangeait avec A______. A une reprise, celle-ci lui avait confié que K______ avait tenu des propos inappropriés la concernant; il lui avait conseillé d'utiliser la plateforme en ligne à disposition du personnel pour dénoncer ce type de comportement, ou alors de contacter "l'équipe RH locale", composée de Q______ et P______. Cette dernière a précisé n'avoir reçu aucune plainte de l'employée au sujet de K______. De son côté, Q______ a déclaré que l'employée lui avait rapporté qu'à une reprise, le précité avait tenu des propos inappropriés envers elle en lui demandant "si elle n'avait pas ses règles". A______ n'était "pas dans un très bon état" lorsqu'elle lui avait relaté cet incident. Le témoin n'avait cependant rien entrepris car ce n'était pas son rôle, étant précisé que l'employée n'avait pas requis son aide. O______ a déclaré que K______ était rigoureux et difficile envers tout le monde. Elle ne l'avait pas vu tenir des propos inappropriés, sauf une fois où elle avait "dû le reprendre au sujet des femmes et des sacs à mains". Le poste de "copilote financier" qu'occupait A______ était un poste important pour tout responsable; K______ était très exigeant avec elle, comme il l'aurait été avec un autre "copilote financier". L'employée s'était plainte auprès de O______ du comportement exigeant, autoritaire et désagréable de K______, mais n'avait pas évoqué de harcèlement de sa part. L______ a précisé avoir entendu des "bruits de couloir" au sujet de son prédécesseur, mais A______ ne lui en avait jamais parlé directement. Enfin, R______ a déclaré que l'employée lui avait confié avoir eu "un sujet" avec K______, mais sans lui donner d'autre explication.

Interrogée par le Tribunal pour le compte de B______ SARL, S______, responsable des ressources humaines pour E______ INC., a déclaré que K______ était un chef très exigeant et contrôlant. Il s'agissait toutefois d'une attitude générale qu'il réservait à tous ses subordonnés et non spécialement à A______. Elle a ajouté que K______ avait été licencié fin 2018 en raison des mauvais résultats de la "Supply Chain"; la décision de le licencier avait été prise par le "Chief Executive Officer" de l'époque. M______ et L______ ont déclaré qu'à leur connaissance K______ avait quitté l'entreprise en raison des performances insuffisantes de la "Supply Chain".

d. Selon un addendum au contrat de travail signé par les parties le 3 juin 2019, A______ a été nommée en tant que directrice financière de la division "Professional Beauty" ("Chief Financial Officer, Professional Beauty", ci-après : CFO PB) à compter du 1er juillet 2019, poste occupé jusque-là par D______. Le salaire annuel brut de l'employée a été augmenté à 400'000 fr., les autres clauses de son contrat demeurant inchangées.

Devant le Tribunal, L______ a déclaré avoir été content d'apprendre que A______ avait été choisie pour le poste de CFO PB, même s'il perdait un "très bon numéro deux". Il s'agissait selon lui d'une promotion à une fonction "plus exposée dans la société", étant précisé que l'employée disposait de l'expérience utile pour être complètement opérationnelle à ce nouveau poste en quelques semaines. R______ a déclaré que le salaire de A______ en tant que CFO PB dès juillet 2019 était "tout à fait décent". Elle a ajouté que les salaires pratiqués au sein de la "Supply Chain" étaient "équivalents entre hommes et femmes".

Suite à la nomination de A______ au poste de CFO PB, le poste de SVP SCF a été occupé par T______ pendant plusieurs mois.

Selon les grilles de rémunération établies par B______ SARL pour les années 2019 et 2020, le salaire annuel brut de D______ (employé de l'entreprise depuis juillet 1994) était de 446'400 fr., et celui de T______ (employé de l'entreprise depuis novembre 2017) de 370'800 fr. Par ailleurs, pour l'année fiscale 2020, A______ avait perçu un bonus APP supérieur à celui versé par B______ SARL à D______ et T______.

Devant le Tribunal, B______ SARL a allégué que la différence de salaire entre l'employée et D______ se justifiait par le fait que celui-ci disposait d'une expérience de plus de vingt-cinq ans dans le domaine de la production, de la vente et de la distribution de produits cosmétiques, ayant travaillé pour le groupe F______ SARL dès 1994, puis pour le groupe E______ INC. dès 2016 (suite à l'acquisition par E______ INC. de différentes marques de beauté appartenant à F______ SARL).

e. Dans le courant de l'année 2019, E______ INC. a décidé de déplacer son siège de Genève à U______ (Pays-Bas), d'une part, et de trouver un repreneur pour sa division "Professional Beauty & Retail V______" (ci-après : la division PB), d'autre part.

e.a Le redéploiement de E______ INC. à U______ ayant pour effet de supprimer de nombreux emplois à Genève, B______ SARL a adopté un plan social en faveur de son personnel le 25 novembre 2019.

e.b A la même époque, E______ INC. a annoncé que son projet de cession de la division PB à un nouvel acquéreur – intitulé le "projet W______" – se déroulerait en deux phases, la première d'octobre 2019 à mai 2020 (recherche d'un futur repreneur et procédure de due diligence) et la seconde de juin à novembre 2020 (transfert effectif de la division PB au nouvel acquéreur et clôture de l'opération de cession).

Pour mener à bien le projet W______, B______ SARL a réparti les collaborateurs concernés en deux équipes distinctes, à savoir l'équipe "X______" (constituée des employés de la division PB, dont les contrats de travail seraient transférés au futur acquéreur une fois la cession finalisée) et l'équipe "Y______" (constituée des employés participant au processus de cession de la division PB, mais dont les contrats de travail seraient maintenus chez B______ SARL, respectivement chez E______ INC., à l'issue de ce processus). D______ a été chargé de diriger l'équipe X______; il a ensuite quitté B______ SARL, une fois le projet W______ clôturé, son emploi ayant été transféré au repreneur de la division PB, soit H______ COMPANY (cf. infra let. j). Selon B______ SARL, A______ a été chargée de diriger l'équipe Y______, ce qui est contesté par l'employée.

e.c A la fin du mois de novembre 2019, B______ SARL a décidé d'accorder aux cadres dirigeants des équipes X______ et Y______ un bonus exceptionnel en cas d'aboutissement du projet W______ (ci- après : le bonus W______; cf. infra let. g et suivantes). Ce bonus, de nature discrétionnaire, devait être versé en deux fois : une première tranche à la signature de la transaction entre E______ INC. et le repreneur, et une seconde tranche à la clôture de l'opération de cession. Le bonus W______ cible correspondait à dix-huit mois de salaire (9 mois pour la 1ère tranche + 9 mois pour la 2ème tranche) pour les cadres de l'équipe X______ et à six mois de salaire (3 + 3) pour les cadres de l'équipe Y______.

Entendus comme témoins par le Tribunal, J______ et Z______, ancien employé de B______ SARL ayant fait partie de l'équipe X______, ont déclaré que les cadres de cette équipe avaient droit à un bonus W______ plus important en raison de l'incertitude qui pesait sur leur avenir professionnel. En effet, les contrats de travail des "cadres X______" devaient être transférés au futur acquéreur, avec tous les risques que cela comportait. Le bonus W______ octroyé aux "cadres X______" était donc plus élevé, car B______ SARL avait besoin de les maintenir en poste jusqu'à l'aboutissement du projet W______, étant précisé qu'il aurait été très difficile de les remplacer pendant cette phase de transition. P______ a ajouté qu'il y avait un bonus "spécial" pour les cadres de l'équipe X______, dans le but de les inciter à "rester" et à "transmettre leurs connaissances et compétences" liées à la division PB. Entendue comme témoin, AA______, ancienne directrice juridique de la division PB et membre de l'équipe X______, a confirmé que le bonus W______, dont elle avait elle-même bénéficié, était une prime de rétention [incitation financière offerte aux employés pour les encourager à rester dans une entreprise pendant une période spécifiée, en particulier lors de changements organisationnels]. Ce bonus lui avait été versé car elle était "un élément clé de la transaction" et qu'elle avait "participé activement à ce projet"; elle avait quitté E______ INC. en décembre 2020 et elle travaillait actuellement pour H______ CO. Pour sa part, R______ a expliqué que tout le monde n'avait pas reçu de bonus W______. Elle-même n'avait perçu que la première tranche de ce bonus, car elle ne travaillait plus pour l'entreprise au moment de la seconde phase du projet W______. Z______ a ajouté que personne n'avait formellement droit à recevoir le bonus W______, lequel n'était versé que si certains critères étaient respectés.

f. A l'époque où E______ INC. a annoncé son projet de cession de la division PB, la fonction occupée par A______ au sein de B______ SARL, respectivement de E______ INC., a fait l'objet de discussions entre la précitée et ses supérieurs hiérarchiques, à savoir J______ et C______, présidente de la division PB.

f.a Par courriel du 22 octobre 2019 signé "A______, CFO Professional Beauty", l'employée a informé C______ que, comme discuté avec J______, elle conservait son poste actuel de CFO PB et s'attendait à pouvoir continuer à assumer pleinement les responsabilités inhérentes à ce poste. Toutefois, elle souhaitait que sa fonction et celle de D______ soient clarifiées par sa hiérarchie, étant relevé que les changements annoncés, qu'elle n'avait pas délibérément choisis, n'impacteraient pas son niveau d'engagement pour E______ INC.

f.b Dans un courriel du 15 novembre 2019 envoyé à de nombreux collaborateurs de B______ SARL, respectivement de E______ INC., C______ a annoncé que D______ avait été nommé vice-président principal du projet W______ ("Senior Vice President Project W______ for V______ and Professional Beauty") et qu'il assumait à nouveau la fonction de CFO PB; sa grande expertise financière et ses récentes contributions pour l'entreprise faisaient de lui un excellent choix pour diriger le projet W______ et pour reprendre la direction financière de la division PB. A______ avait quant à elle été nommée vice-présidente principale du conseil du programme W______ ("Senior Vice President of the W______ Program Board", ci-après : SVP W______/PB). A ce titre, elle était chargée d'organiser et de coordonner les différents volets de la réflexion stratégique, étant précisé qu'elle restait subordonnée à J______, responsable mondial du projet W______. A______, qui avait œuvré comme CFO de la "Supply Chain" puis comme CFO de la division PB, était idéalement placée pour mener à bien cette nouvelle mission.

Dans une communication du 5 décembre 2019, E______ INC. a présenté la nouvelle organisation de son département des finances. Il y était indiqué notamment que D______ assumait la fonction de CFO PB et que, dans le cadre de cette fonction, il était amené à diriger le projet W______. De son côté, A______, précédemment responsable des finances de la division PB, assumait désormais la fonction de SVP W______/PB. Dans son nouveau rôle, elle organisait et coordonnait les différents chantiers impliqués dans la revue stratégique du projet W______.

f.c Devant le Tribunal, J______ a déclaré que c'était lui qui avait proposé le poste de SVP W______/PB à A______, pour qu'elle le seconde dans la gestion du processus de vente ("W______ Y______ leader"). Il ne se souvenait pas avoir discuté avec l'employée de la possibilité que celle-ci conserve la fonction de CFO PB, étant précisé qu'elle n'était pas la seule cadre à avoir changé de poste au sein de l'entreprise. Il a ajouté que son intention n'avait jamais été de "balancer [l'employée] de poste en poste". Il s'agissait de changements organisationnels qui ne la visaient pas personnellement. Au moment de la cession de la division PB, E______ INC. était sous pression financière et cette période avait été très compliquée à gérer. R______ a déclaré que A______ s'était vu offrir un nouveau poste lorsque D______ avait repris la direction financière de la division PB. Selon ce témoin, l'employée n'avait "plus le titre de CFO de la division PB" à partir de ce moment-là. P______ a encore précisé que lorsqu'il avait réintégré son poste de CFO PB, D______ avait repris toutes les tâches et responsabilités liées à ce poste. A______ exerçait quant à elle toutes les tâches et responsabilités liées à sa fonction de SVP W______/PB.

J______ a déclaré qu'il faisait partie de l'équipe Y______, tout comme A______ à compter de sa nomination au poste de SVP W______/PB. O______, AA______, P______, R______ et Z______ ont confirmé que l'employée appartenait à l'équipe Y______.

Interrogée par le Tribunal, S______ a déclaré que la stratégie de E______ INC. avait évolué au cours des dernières années, ce qui avait occasionnés d'importants changements organisationnels. Dans ce contexte, plusieurs collaborateurs avaient changé de fonctions au sein de l'entreprise, à l'instar de A______. Elle a ajouté qu'en cas de changement de postes, B______ SARL n'établissait pas systématiquement un avenant au contrat de travail du collaborateur concerné. P______ a confirmé que, comme A______, "beaucoup d'employés [avaient été] transférés d'un département à un autre", étant précisé que "lors de ces transferts, il y a[vait] surtout des addendum mais pas de nouveau contrat de travail". AA______ a quant à elle déclaré qu'il était fréquent que les collaborateurs changent de postes dans une entreprise comme B______ SARL, mais que A______ avait mal vécu cette situation. Selon ce témoin, l'employée avait les compétences requises pour mener à bien la vente de la division PB en tant que CFO PB. Toutefois, D______ avait l'avantage de disposer d'une "extrême connaissance" de cette division qu'il avait dirigée comme CFO pendant au moins cinq ans. J______, P______, R______ et Z______ ont confirmé que D______ avait plusieurs années d'expérience à son actif en tant que CFO PB, poste qu'il connaissait mieux que quiconque, raison pour laquelle il avait réintégré cette fonction pour diriger la vente, plutôt que A______. Z______ a ajouté que D______ travaillait pour la division PB de F______ SARL lorsque cette division avait été rachetée par E______ INC. en 2016. Selon ce témoin, D______ avait plus d'expérience que A______ pour être le "chef des finances" du projet W______, "car il avait déjà fait ce deal pour F______ SARL".

O______ a encore déclaré qu'au début de l'année 2020, la situation de E______ INC. était "pitoyable", qu'il y avait eu des licenciements "à tour de bras" et que l'action de l'entreprise était au plus bas. Beaucoup de personnes ne savaient pas ce qu'elles allaient devenir. A______, qui n'était pas la seule cadre à avoir changé de poste, lui avait confié qu'elle trouvait ces changements "désagréables", tout comme le fait de "ne pas avoir de visibilité"; elle lui avait également confié vouloir rester en Suisse. AA______ a précisé que A______ était extrêmement fatiguée et déstabilisée début 2020 en raison d'"une charge de travail très intense", ce à quoi toutes les personnes impliquées sur le projet W______ étaient confrontées, en particulier "le département juridique, finance et RH".

g. Par courrier du 29 novembre 2019, signé par J______ et une responsable des ressources humaines, B______ SARL a informé A______ de son intention de lui verser un bonus W______. Ce courrier était rédigé en ces termes (traduction libre de l'anglais) :

"E______ INC. a annoncé le 21 octobre 2019 que la compagnie explorait des options stratégiques pour son activité Professional Beauty (PB) et les marques ______ associées […] Le projet consiste à trouver des acheteurs potentiels et à négocier les meilleures offres pour une cession ciblée de 2.7 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Ce travail devrait être achevé d'ici l'été 2020.

En tant que membre clé de l'équipe de projet, vous jouez un rôle essentiel dans la réussite de ce projet, et votre engagement personnel et votre contribution sont vitaux pour en assurer la bonne réalisation.

A cette fin, j'ai le plaisir de vous informer qu'il a été décidé de vous accorder une prime exceptionnelle liée à l'achèvement de ce projet. Cette prime sera versée en deux tranches, suivant les principales étapes de l'opération de fusion-acquisition, à condition qu'à la date du versement vous soyez une employée active de E______ Inc., n'effectuant pas de période de préavis :

- 3 mois de salaire de base le mois suivant la signature d'une ou plusieurs transactions couvrant la cession d'au moins 2 milliards de dollars sur les 2.7 milliards visés.

- 3 mois de salaire de base dans le mois suivant la clôture des accords précédemment signés (les fonds sont échangés et la transaction a lieu).

Cette prime est purement discrétionnaire et n'est pas destinée à créer un précédent pour les années à venir. Elle sera versée sous réserve de toutes les obligations statutaires et de toutes les retenues fiscales [...]".

h. Le 9 février 2020, A______ a adressé le courriel suivant à J______, signé "A______, W______ Program Leader" :

"Comme suggéré, ci-dessous les points importants à agréer eu égard à mon transfert de CFO PB à W______ Program Board Leader. Comme déjà exprimé, j'ai accepté cette mission car je veux être à tes côtés pour ce que tu juges le plus approprié pour servir la Finance E______ Inc. et pour m'épanouir dans mon job. Leader ce projet m'inspire, m'expose à de nouveaux territoires et je te suis reconnaissante de ta confiance. J'ai conscience des enjeux du projet pour E______ Inc., de sa vitesse et je m'y suis préparée et j'y suis dédiée.

D'une certaine manière, ce poste est dans la continuité de mon rôle initial de CFO PB et, en ce sens, je souhaite conserver les éléments contractuels suivants : Contrat Suisse et éléments inhérents qui y sont rattachés […] Comme je te l'ai dit j'ai donc pris la décision de rester basée sur Genève en contrat Suisse jusqu'en octobre 2021 pour offrir à [ma fille] l'opportunité d'y faire ses études de ______ condition nécessaire pour conserver mon permis B et garantir son entrée en Université […]

Pour ce qui est des points plus spécifiques au projet W______ : Je souhaite revoir le niveau d'Incentive qui m'a été proposé. Ce Bonus doit refléter ma contribution dans mon rôle de Program Board Leader ainsi que ma responsabilité du périmètre Séparation pour les Y______. […] ma demande est un Incentive de 9 mois à la signature et 9 mois à la clôture du Deal (versus 3 + 3) […].

Pour ce qui est de ma next step, j'ai bien compris que tout bouge beaucoup et je ne cherche pas à te demander quel qu'engagement que ce soit. On en discutera au moment voulu. Tu sais que ma contrainte restera d'être sous contrat Suisse jusqu'en octobre 2021 avec la possibilité de voyager 2-3 jours / semaine. AB______ [prénom] a été claire avec moi que dans l'hypothèse [où] E______ Inc. ne m'offrait pas de position après ce projet, seul le plan social pourrait m'être proposé […]".

i. Par courriel du 5 avril 2020 concernant le bonus APP pour l'année fiscale 2020 ("FY20 H1 APP Bonus, April Advance Payout"), S______ a informé P______ qu'en dépit de la récente nomination de A______ au poste de SVP W______/PB, cette dernière avait droit cette année-là à un bonus APP calculé selon la "grille" applicable aux cadres de la division PB. J______ avait en effet approuvé le versement d'un tel bonus après en avoir discuté avec l'employée lorsque celle-ci avait pris ses nouvelles fonctions en novembre 2019.

j. Les 11 mai et 1er juin 2020, E______ INC. a annoncé aux collaborateurs de B______ SARL avoir conclu un partenariat stratégique avec le fonds de placement G______. Dans le cadre de ce partenariat, la division PB et les emplois rattachés à cette division allaient être transférés de E______ INC. à H______ COMPANY, entité elle-même détenue par G______ et E______ INC. (ci-après : H______ CO.). Le transfert des rapports de travail était prévu pour le 30 novembre 2020, les conditions d'emploi restant essentiellement les mêmes. Les employés concernés allaient recevoir une lettre à ce sujet ("employment transfer letter"), étant précisé qu'un délai au 17 octobre 2020 leur était fixé pour exprimer leur éventuelle opposition à ce transfert. Au surplus, le plan social adopté par B______ SARL le 25 novembre 2019 restait en vigueur et les employés dont le contrat de travail devait être transféré à H______ CO. pourraient en bénéficier s'ils remplissaient les conditions d'application.

A la même époque, B______ SARL a décidé d'octroyer un bonus exceptionnel aux employés de la division PB, faisant l'objet du transfert à H______ CO., en remplacement du bonus APP relatif au premier semestre de l'année fiscale 2021 ("FY21 H1", correspondant aux mois de juillet à décembre 2020). Dans la brochure informative intitulée "FY21 H1 Exeptional Bonus Plan (EBP) Professional Beauty", il était précisé que le bonus serait versé en février 2021 si tous les objectifs fixés étaient atteints. Pour percevoir ce bonus, l'employé(e) devait être un(e) salarié(e) actif(ve) de E______ INC. ou H______ CO. au moment du paiement, étant précisé que la participation au programme prenait fin en même temps que les rapports de travail. En cas de période d'absence, le bonus pouvait en outre être calculé au prorata de l'activité déployée.

Le 25 juin 2020, l'employeuse a versé 100'000 fr. 05 bruts à A______, montant équivalant à trois mois de salaire (400'000 fr. / 12 x 3), au titre de la première tranche du bonus W______. D______ a quant à lui perçu à ce titre 334'800 fr. bruts, montant équivalant à neuf mois de salaire (446'400 fr. / 12 x 9). Selon un tableau récapitulatif établi par B______ SARL, la première tranche du bonus W______ versée aux membres de l'équipe X______ s'est élevée à un montant équivalent à neuf mois de salaire pour quatre d'entre eux (dont D______), à six mois de salaire pour un d'entre eux et à trois mois de salaire pour cinq d'entre eux.

Dans un courriel du 24 septembre 2020, adressé en copie notamment à P______ et A______, un cabinet d'audit mandaté par E______ INC. a dressé un tableau avec la liste des collaborateurs appartenant aux équipes chargées du projet W______. Le nom de l'employée figurait dans l'équipe Y______ et ceux de D______ et Z______ dans l'équipe X______. Par courriel du 30 septembre 2020 adressé au cabinet d'audit, A______ a demandé à ce que ledit tableau soit modifié, en ce sens que sa fonction de CFO PB faisait d'elle un membre de l'équipe X______ et non de l'équipe Y______.

Dans un courriel du 8 octobre 2020 adressé à P______, une employée des ressources humaines a relevé que A______ appartenait à l'équipe Y______, que son centre des coûts ("cost center") était lié au projet W______ et qu'aucune lettre de transfert auprès de H______ CO. ne lui avait été adressée. Dans un courriel du 27 octobre 2020, P______ a confirmé au cabinet d'audit que A______ n'avait jamais appartenu à l'équipe X______.

k. Du 8 mai au 6 novembre 2020, A______ a été en incapacité de travail à 100% pour cause de maladie. Elle a produit plusieurs certificats médicaux non détaillés, établis respectivement par son médecin traitant, une neurologue et une psychiatre. Les raisons de son incapacité de travail n'y sont pas spécifiées.

Interrogée par le Tribunal, elle a déclaré qu'en raison du comportement tyrannique de K______ et de la pression que celui-ci lui avait fait subir au travail, elle était tombée en burn-out, ce qui avait nécessité un suivi auprès d'une psychiatre pendant dix-huit mois à raison de deux fois par semaine.

J______ a déclaré que A______ l'avait appelé "un matin entre mars et mai 2020" pour l'informer "qu'elle n'en pouvait plus [et] qu'elle ne pouvait plus continuer ainsi", ce qu'il avait compris car "le projet [W______] était extrêmement compliqué" et "devait aller vite". Cela avait créé d'importantes tensions entre les équipes impliquées, dans la mesure où les "Y______" souhaitaient privilégier les intérêts de E______ INC. et les "X______" ceux du futur repreneur de la division PB. Il avait dit à A______ de se reposer et de récupérer à son rythme, sans envisager de mettre fin à son contrat de travail. Au contraire, il avait besoin de sa force de travail et de ses excellentes qualités professionnelles pour l'accompagner "dans cette tâche compliquée". L'absence de A______ était survenue pendant la phase de clôture du projet W______, soit pendant une "phase d'accélération", lors de laquelle il n'avait "pas eu le temps de faire autre chose que de boucler le deal". Cette absence avait alourdi sa propre charge de travail, qui était devenue plus importante, de même que celle de plusieurs autres employés. Il n'avait pas perçu de bonus APP pour l'année 2021 car il avait lui-même quitté E______ INC. en février 2021. Il avait toutefois perçu des indemnités de départ.

P______ a déclaré qu'une réunion avait été organisée le 8 mai 2020 en présence de S______, sur demande de A______ qui avait exprimé le souhait de quitter B______ SARL/E______ INC. et de bénéficier du plan social en vigueur. L'employée avait toutefois annoncé qu'elle ne pourrait pas prendre part à cette réunion, vu son incapacité de travail.

l. Le 27 mai 2020, A______ a adressé un courrier à J______, avec copie à S______, "Chief Human Resources Officer ad interim" pour E______ INC., récapitulant son parcours au sein de l'entreprise depuis mars 2018 et formulant divers griefs envers B______ SARL.

Elle a exposé avoir subi de graves atteintes à sa personnalité de la part de son premier supérieur hiérarchique, K______, "en raison de son statut de femme". Tyrannique et humiliant envers ses collaborateurs, plus particulièrement envers les femmes, le précité l'avait par exemple appelée sur son téléphone portable, alors qu'elle organisait son déménagement de AC______ (Pays-Bas) à Genève, pour lui demander de manière très agressive où elle était. Sans la moindre considération pour ses jours de congé, il lui avait imposé de préparer une présentation pour le Comité exécutif, tâche qui ne présentait aucune urgence, ce qu'elle avait dû faire au lieu de s'occuper de son déménagement. De ce fait, elle n'avait pas pu surveiller les déménageurs et plusieurs effets personnels de valeur lui avaient été subtilisés. Un autre incident était survenu le 18 septembre 2018, date à laquelle sa fille de 14 ans avait été opérée d'urgence à l'hôpital. Ce jour-là, elle avait appelé son "bras-droit" de l'époque pour organiser le travail à faire en son absence. K______ n'avait toutefois pas supporté de recevoir un courrier rédigé non par elle-même mais par son bras-droit et elle avait reçu un appel colérique de l'intéressé. Elle avait essayé d'expliquer la situation à son supérieur, mais celui-ci n'avait rien voulu entendre. Enfin, lors d'une réunion en tête-à-tête le 18 juin 2018, K______, qui n'était pas satisfait du contenu d'un courriel, lui avait demandé si elle "avait ses règles" lorsqu'elle l'avait rédigé. Conscient qu'il avait été trop loin, il l'avait alors empêchée de sortir de la salle, jusqu'à ce qu'elle lui promette de pas évoquer cet épisode. K______ l'avait ensuite sciemment mise à l'écart de toutes les activités importantes de l'équipe de direction, tout en prenant soin de ne plus la mettre en copie des courriels importants. Il avait également exigé d'elle qu'elle soit présente au bureau douze heures par jour et durant de nombreux weekends. En retour de son assiduité et de son dévouement pour l'entreprise, elle avait été traitée sans le moindre respect ni la moindre reconnaissance.

A______ a aussi reproché à J______ de lui avoir imposé des changements de postes à plusieurs reprises, sans aucun ménagement, ce qui avait à chaque fois profité à un collègue de sexe masculin tout aussi – ou moins – qualifié qu'elle. Ainsi, le poste SVP SCF qu'elle occupait avec succès avait été "donné" à un homme qui avait démissionné peu de temps après. Elle avait ensuite été "éjectée" du poste CFO PB, lequel avait été "repris par un homme qui ne s'[était] pas épanoui dans son développement de carrière". Enfin, début 2020, J______ lui avait promis un nouveau poste de "CFO EMEA [Europe, the Middle East and Africa]" à U______ (Pays-Bas), lui assurant qu'elle était la candidate idéale, avant de lui annoncer à la dernière minute qu'un homme avait finalement été choisi à sa place.

Cette violence managériale, ce harcèlement et les discriminations subies avaient généré une incapacité de travail à 100%. En tant qu'employeuse, B______ SARL avait violé de manière crasse son obligation légale de protéger la personnalité de son employée ainsi que la loi fédérale en matière d'égalité entre femmes et hommes (LEg). A______ a souligné que de tels agissements ne pouvaient perdurer et qu'il fallait rapidement trouver une solution équitable et respectueuse de ses droits, faute de quoi elle serait contrainte de saisir les juridictions compétentes.

m. Par courrier du 5 juin 2020, S______ a contesté les reproches formulés par A______ dans son courrier du 27 mai 2020 et proposé à celle-ci d'organiser "une rencontre afin de pouvoir discuter ensemble de [ses] attentes".

S______ a souligné que les procédures standards en matière de recrutement et d'engagement des collaborateurs/cadres supérieurs avaient toujours été respectées, les candidats engagés l'ayant été sur la base de leur profil correspondant au poste, et non au détriment d'une postulation féminine. Le poste de CFO EMEA basé à U______ avait été "restreint en responsabilités", raison pour laquelle un candidat moins qualifié avait finalement été retenu. En effet, il n'était plus envisageable de proposer ce poste à A______, vu son niveau et sa position, d'autant que cela impliquait un transfert à U______ pour celle-ci et sa famille. "Dans le contexte actuel de E______ INC.", de nombreux employés étaient "régulièrement impactés par des changements de responsabilité, de postes ou de projets, de manière à s'adapter à l'évolution constante [du] domaine d'activités" de l'entreprise. Il s'agissait d'une "réalité commerciale et, en aucun cas, d'une stratégie délibérée visant à porter atteinte aux intérêts" de A______. Celle-ci faisait partie des cadres supérieurs de B______ SARL, avec un niveau de responsabilité et de rémunération correspondant. Son salaire avait été augmenté d'environ 15% en un peu moins de deux ans d'ancienneté, ce qui était tout à fait exceptionnel "chez E______ INC. en Suisse". Cette progression illustrait le fait que la performance et les compétences de l'employée étaient "amplement reconnues" par l'employeuse.

Enfin, B______ SARL ne pouvait pas se déterminer au sujet des doléances de A______ à l'endroit de K______, dans la mesure où les faits dénoncés n'avaient pas été portés à sa connaissance. A cela s'ajoutait que l'intéressé avait quitté B______ SARL en janvier 2019 et ne faisait donc plus partie du personnel.

n. Par courriel du 19 juin 2020, A______ a communiqué ce courrier à AD______, directrice juridique de E______ INC. ("Chief Legal Counsel"), soulignant que la réponse fournie par S______ n'était pas crédible. En effet, cette dernière avait personnellement souffert de l'attitude déplacée de K______ et était donc parfaitement informée du harcèlement sexuel exercé par celui-ci. A______ a cependant précisé que, pour elle, "le réel problème" consistait dans les changements de postes continuels auxquels elle était confrontée depuis plusieurs mois. En dépit de son très fort engagement et de la grande qualité de son travail, ces changements avaient systématiquement favorisé un collègue homme à son détriment. Contractuellement, elle était toujours CFO PB, mais ce poste était en réalité occupé par D______. Elle était en outre victime de discrimination salariale, puisque son bonus W______ était très largement inférieur à celui de D______. Elle avait donc demandé à percevoir le même bonus que ce dernier dans le courriel qu'elle avait adressé à J______ le 9 février 2020 (cf. supra let. h).

o. Par courriel du 22 juin 2020, AD______ a informé A______ qu'au vu de la gravité de ses allégations, elle allait immédiatement mettre en œuvre une enquête interne. Afin de mener cette enquête, elle avait désigné AE______, qui était le vice-président principal chargé des ressources humaines pour l'Europe, le Moyen Orient et l'Afrique ("SVP EMEA HR").

Par courriel du 26 juin 2020, A______ a émis des réserves au sujet de l'enquêteur désigné, dans la mesure où celui-ci était subordonné à S______ sur le plan hiérarchique. Elle a ajouté souhaiter que l'enquête soit menée par une personne francophone, afin de pouvoir défendre sa position dans sa langue maternelle. Peu après, AD______ a informé l'employée qu'elle avait nommé AF______ pour conduire l'enquête, précisant que cette dernière, basée à Paris (France), était une avocate confirmée qui occupait le poste de vice-présidente du service juridique de la division "Luxury" ("senior attorney, VP Legal Luxury").

p. Par pli de son conseil du 16 septembre 2020 adressé à J______, A______ a réitéré ses précédentes doléances envers B______ SARL. Elle a ajouté qu'à l'issue de son incapacité de travail – qui allait probablement prendre fin en novembre 2020 selon le médecin conseil de l'assurance perte de gains AG______ –, elle reprendrait "ses fonctions de CFO de la Division Professional Beauty, nouvellement renommée H______ Company".

Dans sa réponse du 25 septembre 2020, B______ SARL, sous la plume de son conseil, a formellement contesté avoir porté atteinte à la personnalité de son employée et/ou violé ses obligations découlant de la LEg. Selon les conclusions de l'enquête interne menée par AF______, dont le rapport était annexé au courrier (cf. infra let. q.a), A______ n'avait subi – "malgré certains manquements au niveau de la communication et de la gestion" dont B______ SARL prenait bonne note – ni harcèlement sexuel, ni harcèlement psychologique, ni discrimination sexuelle. L'employée ayant précisé que son incapacité de travail ne serait plus que de 20 % dès le 1er octobre 2020, il convenait de préparer son retour au travail. B______ SARL la contacterait directement à cet effet. Il y avait "lieu de souhaiter que ce retour au travail puisse se faire sereinement et dans un esprit de bonne entente".

Dans un courriel du même jour adressé à A______, P______ a pris note que celle-ci, avec l'accord de son médecin, pourrait reprendre le travail à 50% dès le 17 septembre 2020, puis à 80% dès le 1er octobre 2020. Elle lui a notamment
indiqué : "Dans le contexte de ton retour au bureau, je te propose de revenir à 80% dès le jeudi 1er octobre 2020. […] Bien entendu, tu reprendras ton rôle de « SVP W______ Program Board » […]. Je te saurais gré de bien vouloir me confirmer l'heure à laquelle tu pourras être au bureau jeudi 1er octobre 2020 matin afin de planifier assez de temps ensemble et informer tes équipes".

q.a Le 25 septembre 2020, AF______ a résumé à l'attention de A______ le résultat de son enquête interne. En préambule, elle a précisé que la durée de cette enquête avait été plus longue que d'habitude, en raison de la tenue de dix-huit entretiens et de la sensibilité/complexité de la situation impliquant des membres du Comité exécutif sur une longue période (trois ans), dont certains avaient quitté l'entreprise dans l'intervalle. Elle a rappelé que l'enquête avait été diligentée afin de répondre aux questions suivantes : (I) l'employée avait-elle fait l'objet de harcèlement sexuel de la part de K______ ? (II) l'employée avait-elle fait l'objet de discrimination basée sur le genre depuis son arrivée chez E______ INC. ? (III) l'employée avait-elle fait l'objet de harcèlement psychologique depuis son arrivée chez E______ INC. ? (IV) la direction des ressources humaines avait-t-elle été impliquée sur les points ci-dessus au cours des périodes concernées ?

S'agissant des allégations de harcèlement sexuel, de discrimination basée sur le genre et de harcèlement psychologique de mars 2018 à début 2019, l'enquêtrice avait eu connaissance, au cours des entretiens, de remarques et/ou comportements de nature sexiste de la part de K______, lequel était généralement reconnu comme étant un manager brutal, "sur-contrôlant" et sans filtre émotionnel. Ces comportements avaient toutefois été décrits comme s'appliquant à tous les membres de l'équipe de direction, sans viser spécifiquement l'employée. En outre, aucune plainte de harcèlement ou de discrimination sexuelle n'avait été enregistrée à l'encontre de K______. A______ avait été confrontée à ce type de comportements, à l'instar des autres membres de l'équipe, pendant environ huit mois, période correspondant à son arrivée chez E______ INC. jusqu'en novembre 2018 – l'employée ayant souligné que ses relations avec K______ s'étaient améliorées à cette date et qu'ils s'étaient quittés en bons termes.

En conclusion, même s'ils n'étaient pas acceptables, de tels comportements ne pouvaient être qualifiés de harcèlement sexuel, de harcèlement psychologique ou de discrimination de genre.

S'agissant des allégations de discrimination basée sur le genre et de harcèlement psychologique depuis le début de l'année 2019, il avait été constaté que le salaire de base de A______ lors de son embauche était globalement inférieur à celui de ses collègues masculins et féminins du même grade au sein de l'équipe de direction de la "Supply Chain". L'employée était néanmoins positionnée dès 2018 en quatrième place des meilleures rémunérations de la direction financière et l'augmentation qui lui avait été accordée en juillet 2019 l'avait maintenue à cette position. De plus, elle avait reçu la totalité du bonus APP pour la division PB en 2020 (bien qu'elle eût quitté cette division en novembre 2019), ainsi que la totalité de la première tranche du bonus W______ (versée en juin 2020, à la signature de l'accord négocié entre E______ INC. et G______) même si son état de santé ne lui avait pas permis de participer à l'aboutissement des négociations.

S'agissant des changements de fonctions intervenus entre 2018 et 2020, les deux collaborateurs de sexe masculin qui avaient remplacé A______ aux postes de SVP SCF et CFO PB avaient été choisis selon des critères objectifs, sur la base de leurs qualifications, compétences et expériences. S'agissant en particulier du poste de CFO PB, D______ "possédait une expertise et des antécédents historiques de longue date sur l'activité de la division PB, ce qui était très précieux à l'annonce du projet W______, au regard des soumissionnaires potentiels. En outre, ses capacités en matière de fusions-acquisitions déjà expérimentées lors de l'acquisition de [F______ SARL], [avaient] renforcé l'opportunité de le faire revenir dans ce rôle". Au cours des entretiens menés par l'enquêtrice, il avait toutefois été reconnu que "de tels changements de postes [avaient] manqué d'empathie et de délicatesse dans la manière dont ils [avaient] été communiqués". S'agissant du poste de CFO EMEA, il était exact que la candidature de A______ avait été sérieusement envisagée, mais il s'agissait "de discussions exploratoires visant à examiner le rôle que [l'employée] pourr[ait] avoir après le projet W______" et aucun entretien n'avait été organisé avec le responsable de la région EMEA. En outre, la portée du poste était incertaine puisqu'une réduction du niveau des responsabilités demeurait possible. Depuis qu'elle avait rejoint E______ INC. en mars 2018, A______ avait été affectée à des rôles de même niveau d'expérience et de responsabilité, sans incidence sur sa progression de carrière, et elle avait accepté chacun de ces changements. Il ressortait de plusieurs entretiens qu'il était usuel d'attendre un certain niveau de pression et d'engagement pour les "postes de grade 2" (cf. infra let. q.b, 2ème §) dans les entreprises internationales cotées en bourse, de même que la faculté de s'adapter à un environnement commercial et financier mouvant, surtout dans un contexte de fragilité comme celui qu'avait traversé E______ INC. En effet, les changements directionnels que le groupe avait connus depuis 2018 (délocalisation de l'entreprise à U______, cession de la division PB, etc.) étaient des éléments d'instabilité pour tout le personnel et non uniquement pour A______.

En conclusion, les mesures et changements susmentionnés n'étaient pas constitutifs d'une discrimination basée sur le genre ou d'un harcèlement psychologique. S'il était exact que ces changements avaient été menés avec peu de délicatesse et qu'ils avaient pu induire une certaine instabilité/incertitude, il n'en restait pas moins que A______ avait maintenu son grade et sa rémunération, ce qui exigeait également un niveau élevé d'implication et de capacité à absorber la pression. S'y ajoutait l'environnement commercial complexe en rapide évolution de E______ INC. au cours de la période concernée.

S'agissant de "l'implication de la fonction RH", plusieurs responsables des ressources humaines avaient précisé avoir eu des discussions et appels réguliers avec A______ en 2018-2020 au sujet de ses préoccupations quotidiennes, de sa carrière, de sa rémunération et de son évolution au sein de E______ INC. "Plus récemment, [l'employée] av[ait] échangé avec le Chief HR Officer sur les mesures du plan social dont [elle] pourr[ait] bénéficier puisqu'[elle] av[ait] expressément envisagé d'explorer les conditions d'un départ de la société". En conclusion, l'enquête interne n'avait pas mis en évidence un manque d'implication de la part des ressources humaines.

En définitive, aucun élément concret n'avait permis à l'enquêtrice – à l'issue de son investigation – d'appuyer les allégations de A______.

q.b Le 12 juillet 2023, sur injonction du Tribunal (cf. infra let. w.c), B______ SARL a produit l'intégralité du rapport d'enquête interne établi le 18 septembre 2020, partiellement caviardé, avec ses annexes. Elle a également produit deux organigrammes simplifiés des départements "Supply Chain" et "Finance Mondiale", ainsi que les fiches de salaire de A______ et de plusieurs employés de sexe masculin (dont celles de D______, T______ et L______) pour la période de janvier 2019 à avril 2021.

A cet égard, B______ SARL a précisé que l'entreprise était structurée en trois départements principaux : la chaîne d'approvisionnement ("Supply Chain"), la finance mondiale et les ressources humaines. Chaque employé était affilié à un grade allant de 1 (ce qui correspondait à l'équipe de direction mondiale, soit les membres du Conseil exécutif de E______ INC.) à 11 selon un ordre décroissant de responsabilité. Le grade représentait "un scope de responsabilité associé à un titre interne, un pouvoir de décision et d'impact sur le business et de rôle de leader dans l'organisation E______ INC." et avait "une influence sur la définition de la rémunération" payée; celle-ci était aussi définie en fonction du lieu de travail et des spécificités du poste concerné. En tant que SVP SCF, A______, cadre de grade 2, rapportait à deux supérieurs hiérarchiques, soit le responsable de la chaîne d'approvisionnement (K______, puis L______) et le responsable de la finance mondiale (J______); d'autres cadres de grade 2 étaient directement rattachés à la chaîne d'approvisionnement et n'avaient qu'un seul supérieur hiérarchique. Les postes occupés par les collègues masculins de A______ impliquaient des responsabilités et des cahiers de charges différents, d'une part, et les intéressés avaient une expérience et une ancienneté différentes de celles de l'employée, d'autre part. Il ne s'agissait pas de postes comparables à ceux occupés par cette dernière.

Il ressort de l'annexe 5 du rapport d'enquête interne, ainsi que des fiches de salaire susmentionnées, qu'en tenant compte exclusivement du salaire de base versé aux cadres de grades 1 et 2, sous réserve de la variation des taux de change (le salaire étant fixé en USD, EUR, CHF et GBP), celui perçu par A______ en 2018 était inférieur à celui de ses quatre collègues masculins au sein de l'équipe de direction de la "Supply Chain" (composée de sept cadres de grade 2), le salaire le plus bas étant attribué à un homme; en 2019-2020, l'employée avait bénéficié d'une augmentation de salaire, ce qui la classait parmi les quatre employés les mieux rémunérés au sein de la direction financière (composée de deux cadres de grade 1 et de six cadres de grade 2), le salaire le plus bas étant attribué à un homme. Devant le Tribunal, R______ a déclaré que les comparatifs de salaires figurant à l'annexe 5 lui semblaient corrects et que "la différence [de salaire] provenait de l'expérience professionnelle de chacun".

Il ressort de l'annexe 2 du rapport d'enquête interne, à savoir un courriel adressé par A______ à J______ et S______ le 7 avril 2020, que l'employée avait proposé de conclure un accord portant sur les modalités de son éventuel départ de B______ SARL d'ici le mois de décembre 2021, avec le paiement d'une indemnité correspondant à dix mois de salaire (quatre mois d'indemnité de licenciement selon le plan social + six mois d'indemnité de départ). Selon le rapport d'enquête, une réunion avait été proposée à l'employée le 8 mai 2020 pour en discuter, mais cette dernière ne s'y était pas présentée et s'était trouvée en arrêt maladie dès cette date (cf. supra let. k, 4ème §).

S'agissant de l'attitude de K______, quelques-unes des personnes entendues par l'enquêtrice avaient fait état de comportements/remarques sexistes de la part de l'intéressé (celui-ci ayant relevé le "style luxueux et talons hauts" d'une employée et traité les femmes de son équipe comme des secrétaires, en leur intimant de "prendre des notes", y compris les cadres supérieures). Selon plusieurs personnes, K______ était un manager "à l'ancienne", "brutal" et autoritaire. Cela étant, le précité n'avait fait l'objet d'aucun rapport ni d'aucune plainte pour harcèlement sexuel/psychologique ou discrimination fondée sur le genre, que ce soit à l'époque où il dirigeait la "Supply Chain" ou après son départ. En outre, à une exception près, toutes les personnes auditionnées avaient indiqué que les comportements incriminés ne visaient pas personnellement l'employée et que celle-ci en avait été affectée au même titre que les autres membres – hommes et femmes – de l'équipe de direction.

Selon le rapport d'enquête, les griefs soulevés par A______ n'avaient pas été objectivés. Des lacunes avaient néanmoins été identifiées en matière de gestion organisationnelle. A cet égard, il était recommandé, notamment, de veiller à ce qu'un avenant soit rédigé et signé lorsqu'un employé changeait de fonction au sein de l'entreprise, même si la réglementation locale ne l'exigeait pas (en l'occurrence, A______ n'avait pas signé d'avenant à son contrat de travail lorsqu'elle avait pris le poste de SVP W______/PB; de la même façon, D______ n'avait pas signé d'avenant lorsqu'il avait réintégré le poste de CFO PB).

r. Par courriel du 7 octobre 2020 adressé à AF______, A______ a contesté de façon détaillée les conclusions de l'enquête interne du 25 septembre 2020 et persisté dans ses doléances envers B______ SARL. Elle a souligné que "nombre de [s]es points d'attention et d'explication" avaient été écartés sans raison par l'enquêtrice, laquelle avait fait preuve d'un "manque flagrant d'impartialité".

s. Par courrier de son conseil du 14 octobre 2020 adressé à B______ SARL, A______ a annoncé qu'elle reprendrait ses fonctions de CFO PB au terme de son incapacité de travail, laquelle "devrait vraisemblablement prendre fin le 6 novembre 2020". Elle a réitéré ses griefs précédemment exposés et sommé l'employeuse de lui verser six mois de salaire d'ici le 30 octobre 2020, au titre du bonus W______ (première tranche), étant précisé que les neuf mois de salaire restants (deuxième tranche) devraient lui être versés d'ici fin novembre 2020, à l'issue de la phase de clôture du projet W______. Par pli de relance du 27 octobre 2020, A______ a indiqué qu'elle reprendrait le travail à l'issue de son incapacité de travail, soit dès le 9 novembre 2020. Elle s'est étonnée de n'avoir reçu aucune nouvelle de B______ SARL et l'a sommée de lui faire parvenir sans délai son cahier des charges ainsi que "toute la documentation relative au transfert de son contrat de travail à G______". Elle a en outre sollicité la tenue d'une réunion officielle avec la direction dans les plus brefs délais afin de planifier convenablement la reprise de son travail.

t. Par pli recommandé du 27 octobre 2020, B______ SARL a contesté la teneur du courrier de A______ du 14 octobre 2020 et résilié son contrat de travail pour le 30 avril 2021. Elle l'a en outre libérée de son obligation de travailler avec effet immédiat.

Le 12 novembre 2020, l'employée a demandé à connaître les motifs du congé. Le 23 novembre 2020, B______ SARL a répondu que le licenciement était motivé par le fait que le poste occupé par A______ n'existait plus "en raison de restructurations internes et de l'aboutissement du projet W______ au 1er décembre 2020".

u. Par courrier du 13 janvier 2021 portant sur la fin des rapports de travail, B______ SARL a informé l'employée qu'elle bénéficiait des mesures du plan social adopté le 25 novembre 2019 et, à ce titre, qu'elle allait percevoir les prestations suivantes : 105'667 fr. à titre d'indemnité de départ, 10'000 fr. à titre de services d'aide au départ et de reclassement ("outplacement services"), 1'585 fr. à titre de participation à l'assurance maladie et 1'000 fr. pour un conseil fiscal. Au surplus, aucun bonus APP ne lui serait versé pour l'année 2021, conformément à la décision prise par la direction de E______ INC. (cf. supra let. b.b, 3ème §).

v. Par pli recommandé du 28 avril 2021, A______ a informé B______ SARL qu'elle faisait "opposition à son licenciement au sens de l'article 336b alinéa 1 CO, qui [était] intervenu dans des conditions que le droit ne saurait pas protéger".

Le 13 juillet 2021, l'employée a par ailleurs sommé B______ SARL de lui verser divers montants à titre de prestations salariales (indemnité pour licenciement abusif, bonus APP pour l'année 2021, solde du bonus W______, etc.).

Le 22 juillet 2021, B______ SARL a contesté l'intégralité des prétentions formulées par A______.

w.a Par requête déposée en conciliation le 27 octobre 2021, puis demande introduite devant le Tribunal le 2 mai 2022 suite à l'échec de la tentative de conciliation, A______ a assigné B______ SARL en établissement d'un certificat de travail final et en paiement des montants suivants, intérêts moratoires en sus : 207'175 fr. 80 nets avec intérêts à 5% l'an dès le 27 octobre 2020 à titre d'indemnité pour licenciement abusif; 133'333 fr. 40 bruts avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2021 à titre de bonus APP pour l'année fiscale 2021; 500'000 fr. 25 bruts avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2020 à titre de bonus W______; 24'000 fr. nets à titre de "sign-on" bonus (ce poste n'est plus litigieux en appel); 64'141 fr. 05 bruts à titre de jours de vacances non pris (ce poste n'est plus litigieux en appel); 30'000 fr. nets avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 2021 à titre d'indemnité pour tort moral; et 180'000 USD correspondant à la valeur de ses actions restreintes de E______ INC. (RSU) (ce poste n'est plus litigieux en appel).

En substance, l'employée a allégué que son contrat de travail avait été résilié, d'une part, afin de l'empêcher de percevoir la seconde tranche du bonus W______ et, d'autre part, en représailles suites aux divers griefs qu'elle avait fait valoir de bonne foi auprès de B______ SARL. Le motif du congé fourni par l'employeuse – à savoir la suppression du poste qu'elle occupait au sein de l'entreprise à compter du 1er décembre 2020, suite à l'aboutissement du projet W______ – n'était pas conforme à la vérité puisque la résiliation lui avait été signifiée le 27 octobre 2020. En sus d'une indemnité pour licenciement abusif correspondant à six mois de salaire, elle réclamait une indemnité pour tort moral (art. 49 CO) vu la gravité de l'atteinte à la personnalité dont elle avait été victime. Elle avait en effet subi pendant de nombreux mois les comportements harcelants et sexistes de son supérieur K______, sans trouver le moindre appui auprès de sa hiérarchie, puis avait été confrontée à des changements de postes successifs, lesquels étaient systématiquement intervenus au profit d'un homme et sans respecter l'égalité salariale.

S'agissant du bonus APP pour 2021, elle a fait valoir que, conformément au plan social du 25 novembre 2019, les employés éligibles avaient droit au paiement de leurs bonus au prorata du nombre de mois courant jusqu'à la fin des rapports de travail, soit, en l'occurrence, pour la période courant du 1er juillet 2020 au 30 avril 2021, date à laquelle son contrat de travail avait pris fin. Pendant cette période, elle avait ainsi droit à la somme brute de 133'333 fr. 40 (40% x 400'000 fr. 20 = 160'000 fr. 08; 160'000 fr. 80 / 12 x 10 mois = 133'333 fr. 40).

S'agissant du bonus W______, elle a fait valoir qu'en vertu du dernier document contractuel signé par les parties, soit l'addendum du 3 juin 2019, elle avait été nommée au poste de CFO PB dès le 1er juillet 2019. Par ailleurs, il avait été convenu que tous les cadres dirigeants de la division PB travaillant sur le projet W______ allaient percevoir un bonus exceptionnel équivalent à dix-huit mois de salaire. La première moitié de ce bonus devait être versée en juin 2020 et la seconde au début du mois de décembre 2020. Son contrat ayant été résilié le 27 octobre 2020, elle n'avait pas pu bénéficier de la seconde moitié de son bonus exceptionnel. De plus, alors qu'elle était employée de la division PB, elle n'avait perçu en juin 2020 qu'un bonus équivalent à trois mois de salaire à la place des neuf mois qui lui étaient dus. Partant, elle réclamait le paiement de six mois de salaire pour la première tranche du bonus W______ (9 mois - 3 mois déjà versés) ainsi que le paiement de neuf mois de salaire pour la deuxième tranche, soit une somme brute totale de 500'000 fr. 25 (400'000 fr. 20 / 12 x 15 mois).

Dans ses écritures subséquentes, A______ a allégué avoir poursuivi sa carrière internationale "depuis son départ" de B______ SARL, en travaillant aux Pays-Bas en qualité de "CFO Monde" pour la société AH______ SAS. Depuis avril 2023, elle occupait le poste de "CFO Monde" au sein de la société de biotechnologie AI______ SAS.

w.b Par réponse du 21 octobre 2022, B______ SARL a conclu au rejet de la demande, faisant notamment valoir que l'employée ne s'était pas valablement opposée à son congé.

Elle a allégué que le bonus W______ était une prime de nature exceptionnelle et discrétionnaire, destinée à récompenser les efforts et la contribution de l'employée à la réalisation et à l'aboutissement du projet W______. Il s'agissait donc d'une prime de performance, dont la condition essentielle consistait en un investissement effectif dans le projet W______. Or l'employée, qui avait été absente dès le 8 mai 2020, n'avait pas participé à la seconde phase dudit projet, qui s'était terminée fin novembre 2020. Elle se trouvait de surcroît en période de préavis à cette date, de sorte qu'elle n'était pas éligible à percevoir le solde de cette prime exceptionnelle. En outre, le montant de ce bonus n'avait pas été arrêté de manière fixe et commune à tous les cadres et/ou collaborateurs des équipes X______ et Y______, de sorte qu'il n'en découlait aucune prétention pouvant être valablement rattachée au contrat de A______, étant souligné que celle-ci n'était plus employée de la division PB à ce moment-là.

L'employée n'avait pas été licenciée en représailles des griefs qu'elle avait émis en lien avec le harcèlement et/ou la discrimination dont elle se prétendait victime. A l'issue d'une investigation minutieuse, de nombreuses auditions et d'une analyse concrète de la politique salariale de B______ SARL/E______ INC., l'enquêtrice avait en effet constaté qu'aucun de ces griefs n'était démontré. Au contraire, l'employée avait accompli une progression de carrière et de rémunération plutôt exceptionnelle au sein de l'entreprise, se situant parmi les cadres supérieurs les mieux payés, aucune discrimination promotionnelle ou salariale ne pouvant ainsi être retenue. Les changements de postes de l'employée avaient toujours été discutés et acceptés par celle-ci. En particulier, sa nomination en qualité de CFO PB en juillet 2019 était une promotion avec une augmentation de salaire à la clé. De plus, cela répondait à la préoccupation exprimée par l'employée de rester à Genève, alors que E______ INC. venait d'annoncer son intention de délocaliser son siège à U______. Dans le cadre du projet W______, il avait été décidé que D______ – qui avait déjà occupé le poste de CFO PB durant plusieurs années et bénéficiait donc d'une solide expertise – serait réintégré dans l'équipe dirigeante de la division PB (i.e. l'équipe X______) afin de piloter la cession au futur repreneur. L'intéressé disposait en effet d'une connaissance/expérience de l'activité à céder plus approfondie que celle de l'employée, élément essentiel à la gestion/conduite du projet W______. En outre, dans la mesure où la gestion de la cession était intimement liée à la gestion financière de la division PB, il était apparu logique et nécessaire que D______ reprenne la fonction de CFO PB. L'employée s'était alors vu offrir le rôle de responsable de l'équipe Y______, afin d'œuvrer comme "bras droit" de J______ dans la gestion du projet W______. Cette nomination était vue par ce dernier comme une excellente opportunité de développement pour l'employée qui n'avait d'ailleurs formulé aucune contestation lors de cette annonce.

A______ avait manifesté le souhait de quitter B______ SARL en mars-avril 2020 et de négocier des conditions de départ élevées, mais l'employeuse n'avait pas souhaité y donner suite. Ensuite de quoi, l'employée s'était retrouvée en incapacité de travail, puis avait formulé, pour la première fois, des allégations de harcèlement et de discrimination en raison du genre.

Les motifs invoqués à l'appui de son congé n'avaient rien de fictifs. B______ SARL avait pris la décision de résilier son contrat de travail car le poste qu'elle occupait n'existait plus, suite à l'aboutissement du projet W______ et aux restructurations survenues au sein de E______ INC. Lorsque A______ avait été licenciée le 27 octobre 2020, la seconde phase du projet W______ était sur le point d'aboutir. Dans ce contexte, l'absence de l'employée, qui occupait une fonction dirigeante, avait contraint l'employeuse à se réorganiser à l'interne pour assurer la continuité dudit projet.

S'agissant du bonus APP 2021, B______ SARL a fait valoir que le contrat de travail signé par les parties stipulait expressément que les conditions d'attribution du bonus pouvaient être revues de manière discrétionnaire par le Conseil exécutif de E______ INC. Or, au vu des résultats financiers catastrophiques de l'entreprise en 2020, ledit Conseil avait décidé qu'aucun bonus ne serait octroyé au personnel de B______ SARL en 2021.

w.c Lors de l'audience de débats d'instruction du 13 juin 2023, le Tribunal a ordonné à B______ SARL de produire l'enquête interne concernant A______ in extenso (cf. supra let. q.b). Par ailleurs, lors de l'audience de débats principaux du 12 octobre 2023, les parties se sont mises d'accord sur le contenu du certificat de travail final établi par B______ SARL, dont il ressort, notamment, que l'employée avait travaillé à l'entière satisfaction de l'employeuse et qu'elle avait occupé successivement les postes suivants : SVP SCF de mars 2018 à juin 2019, CFO PB de juillet à octobre 2019, puis SVP W______/PB à partir de novembre 2019.

Entre octobre 2023 et mai 2024, le Tribunal a procédé à l'audition de plusieurs témoins, dont les déclarations ont été reprises ci-dessus dans la mesure utile. Lors de son audition du 16 novembre 2023, AA______ a indiqué avoir travaillé pour E______ INC. de décembre 2017 jusqu'au 1er décembre 2020 en tant que directrice juridique de la division PB. A ce titre, elle avait fait partie de l'équipe X______ et travaillait actuellement pour H______ (SUISSE) SARL. Elle a encore indiqué ce qui suit : "De mémoire, j'ai reçu un bonus APP pour l'année 2021 au prorata, juillet à novembre 2021".

Lors de l'audience de plaidoiries finales du 29 mai 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions, après quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 ss et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance rendue dans une affaire de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

1.2 Dans sa demande en paiement du 2 mai 2022, l'employée a soulevé des prétentions relevant aussi bien du contrat de travail que de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg), un tel cumul d'actions étant admissible selon la jurisprudence de la Cour de céans (CAPH/156/2020 du 17 août 2020 consid. 2; CAPH/155/2019 du 19 septembre 2019 consid. 3; cf. ég. arrêt du Tribunal fédéral 4A_522/2019 du 7 avril 2020 consid. 4).

Les prétentions relevant du contrat de travail, d'une valeur litigieuse supérieure à 30'000 fr., sont soumises à la procédure ordinaire (art. 243 al. 1 CPC a contrario) et à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC). Les prétentions relevant de la LEg sont soumises à la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. a CPC) et à la maxime inquisitoire sociale (art. 55 al. 2 et 247 al. 2 let. a CPC). Le litige est par ailleurs régi par le principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

La maxime inquisitoire sociale implique notamment que le juge n'est pas lié par les offres de preuves et les allégués de fait des parties (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2), et qu'il peut fonder sa décision sur des faits qui n'ont certes pas été allégués, mais dont il a eu connaissance en cours de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 5.1 ss).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le tribunal de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; 138 III 374 consid. 4.3.1).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Pour satisfaire à cette obligation de motivation, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'elle attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.2).

L'appel n'est pas une simple continuation de la procédure qui imposerait à l'instance supérieure de reprendre la cause ab ovo pour établir un nouvel état de fait : sa mission se limite à contrôler le bien-fondé de la décision rendue en première instance, et les griefs des parties constituent le programme de l'examen qu'elle doit accomplir (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_502/2021 du 17 juin 2022 consid. 4.1). Ainsi et en vertu de l'art. 311 al. 1 CPC, il incombe à l'appelant de démontrer, dans son mémoire d'appel, où et comment la première instance a inexactement appliqué le droit ou constaté les faits; il doit exposer, d'une manière compréhensible pour le tribunal supérieur, y compris en ce qui concerne les faits décisifs, les (prétendues) erreurs commises par le premier juge et, de cette manière, le fondement en fait des griefs présentés concernant l'application du droit (arrêts du Tribunal fédéral 5A_790/2023 du 23 mai 2024 consid. 5.2; 5A_89/2021 du 29 août 2022 consid. 3.4.2).

2.             L'appelante reproche tout d'abord au Tribunal d'avoir procédé à une constatation inexacte des faits de la cause.

A cet égard, le mémoire d'appel comporte une partie "En fait", dans lequel l'appelante présente librement sa propre version des faits et renvoie – sans autre précision – à différents moyens de preuve. Elle n'indique toutefois pas quels allégués régulièrement formulés en première instance auraient été constatés de manière inexacte et/ou incomplète par le Tribunal, ni quelles corrections devraient être apportées à l'état de fait du jugement attaqué, respectivement en quoi ces corrections seraient susceptibles d'influer sur le sort du litige. Ce faisant, l'appelante ne s'est pas conformée aux exigences de motivation susvisées en matière de constatation des faits, de sorte qu'il ne sera pas tenu compte de cette partie du mémoire d'appel.

Au surplus, les éléments de fait mentionnés dans la partie "En droit" dudit mémoire, dont l'appelante soutient – de façon suffisamment motivée – qu'ils auraient été mal retranscrits par le Tribunal, ont été intégrés dans l'état de fait dressé ci-avant, dans la mesure utile, sur la base des actes de la procédure.

3.             L'intimée conclut à la confirmation du jugement attaqué en tant que celui-ci a débouté l'appelante de ses conclusions en paiement d'une indemnité pour licenciement abusif, au motif que cette dernière n'aurait pas valablement fait opposition au congé.

3.1 En vertu de l'art. 336b al. 1 CO, la partie qui entend demander une indemnité pour résiliation abusive (art. 336 et 336a CO) doit faire opposition au congé par écrit auprès de l'autre partie, au plus tard jusqu'à la fin du délai de congé.

L'opposition a pour but de permettre à l'employeur de prendre conscience que son employé conteste le licenciement et le considère comme abusif; elle tend à encourager les parties à engager des pourparlers et à examiner si les rapports de travail peuvent être maintenus (cf. art. 336b al. 2 CO). Dans cette perspective, le droit du travailleur de réclamer l'indemnité pour licenciement abusif s'éteint si celui-ci refuse l'offre formulée par l'employeur de retirer la résiliation (ATF
134 III 67 consid. 5).

Selon la jurisprudence, il ne faut pas poser des exigences trop élevées à la formulation de cette opposition écrite. Il suffit que son auteur y manifeste à l'égard de l'employeur qu'il n'est pas d'accord avec le congé qui lui a été signifié (ATF 136 III 96 consid. 2; 123 III 246 consid. 4c).

Il n'y a en revanche pas d'opposition lorsque le travailleur s'en prend seulement à la motivation de la résiliation, ne contestant que les motifs invoqués dans la lettre de congé, et non à la fin des rapports de travail en tant que telle (arrêts du Tribunal fédéral 4A_571/2008 du 5 mars 2009 consid. 4.1.2; 4C.39/2004 du 8 avril 2004 consid. 2.4). Savoir si l'on est en présence d'une opposition au congé est affaire d'interprétation de la volonté du travailleur selon le principe de la confiance, lorsque la volonté réelle du travailleur n'a pas été comprise par le destinataire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.39/2004 déjà cité consid. 2.1).

Dans un arrêt 4A_320/2014 du 8 septembre 2014 – auquel l'intimée fait référence dans sa réponse à l'appel – le Tribunal fédéral a relevé, en obiter dictum, que l'art. 336b al. 1er CO ne signifiait pas seulement "faire opposition au motif du congé, ou aux circonstances ayant mené au congé", mais imposait à l'employé de manifester clairement sa volonté de vouloir poursuivre les rapports de travail (consid. 3.3).

Cet obiter dictum très restrictif a été critiqué en ce qu'il paraissait contredire la jurisprudence antérieure du Tribunal fédéral (Dietschy-Martenet/Dunand, Commentaire du contrat de travail, 2022, n. 11 ad art. 336b CO et les références citées; cf. également Portmann/Rudolph, in Basler Kommentar, Obligationrecht I, 2020, n. 1b ad art. 336b CO).

Dans un arrêt rendu en 2019, la Cour d'appel civile du canton de Vaud a considéré que l'obiter dictum du Tribunal fédéral devait s'interpréter "comme permettant de distinguer l'opposition d'avec la simple contestation des motifs du congé". Dans le cas qui lui était soumis, le Tribunal fédéral avait considéré que l'employeur ne pouvait pas comprendre que l'employé contestait le congé dès lors que celui-ci ne mentionnait nulle part s'opposer à la fin des rapports de travail – écrivant au contraire "afin que nos rapports de travail se terminent dans le respect" – et n'évoquait pas une indemnité pour licenciement abusif. Dans ces circonstances, l'employeur ne pouvait pas retenir que ce courrier constituait une opposition au congé au sens de l'art. 336b al. 1 CO. D'après les juges vaudois, l'on pouvait ainsi interpréter l'arrêt en cause en ce sens que la validité de l'opposition dépendait exclusivement de la manifestation de la contestation du congé, de sorte que la manifestation de poursuivre les rapports de travail était donnée lorsque l'employé contestait le congé. Il n'apparaissait en revanche pas que le Tribunal fédéral ait entendu poser une condition supplémentaire – non prévue par la loi – en ce sens que, dans son opposition, le travailleur devrait expressément offrir ses services (CACI arrêt n° 277 du 16 mai 2019 consid. 4.4, in JdT 2019 III 139).

Dans trois arrêts récents, la Cour de céans a également considéré que le Tribunal fédéral n'avait pas imposé une nouvelle condition à l'art. 336b al. 1 CO dans l'arrêt 4A_320/2014, mais confirmé sa jurisprudence selon laquelle il était nécessaire pour l'employé de faire opposition au congé lui-même et non seulement aux motifs invoqués. L'employé n'avait, partant, aucune incombance de manifester sa volonté de réintégrer son poste ou un autre poste auprès de l'employeur (CAPH/79/2024 du 2 octobre 2024 consid. 3; CAPH/88/2023 du 3 juillet 2023 consid. 5.3.2 et les références citées; CAPH/10/2019 du 11 janvier 2019 consid. 6.2).

3.2 En l'espèce, par courrier du 28 avril 2021, l'appelante a informé l'intimée qu'elle faisait "opposition à son licenciement au sens de l'article 336b alinéa 1 CO, qui [était] intervenu dans des conditions que le droit ne saurait protéger".

Contrairement à ce que soutient l'intimée, cette formulation claire est suffisante au regard de l'art. 336b CO, auquel l'appelante fait d'ailleurs expressément référence, lequel exige de l'employé qu'il s'oppose à son licenciement, mais ne lui impose pas de manifester sa volonté de maintenir les rapports de travail ou d'être réintégré dans ses fonctions. En particulier, cette formulation permettait à l'intimée de comprendre de façon reconnaissable que l'appelante contestait non seulement les motifs invoqués à l'appui du congé, mais également la fin des rapports de travail en tant que telle. Au surplus, l'argumentation – peu étayée – de l'intimée en lien avec l'arrêt 4A_320/2014 susvisé, selon laquelle l'appelante aurait dû proposer ses services pour que son opposition soit valable, ne convainc pas. Il peut à cet égard être renvoyé aux considérants des arrêts vaudois et genevois précités, que la Cour fait siens.

Au vu de ce qui précède, le grief de l'intimée, infondé, sera rejeté.

4.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir nié le caractère abusif du congé et de l'avoir déboutée de ses conclusions en paiement d'une indemnité pour licenciement abusif et d'une indemnité pour tort moral.

4.1 Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que l'employée avait été licenciée alors qu'elle était toujours en arrêt maladie, peu après avoir soulevé divers griefs en lien avec son contrat de travail et la LEg, se plaignant d'avoir été victime de harcèlement sexuel/psychologique de la part d'un supérieur hiérarchique et d'avoir fait l'objet de discrimination à raison du sexe, en lien avec ses conditions de travail (changements de postes successifs à l'avantage de ses collègues hommes) et avec les bonus perçus (inférieurs à ceux octroyés à ses collègues hommes). A cet égard, il ressortait du dossier que l'employée avait changé plusieurs fois de poste, qu'elle n'avait pas perçu les mêmes rémunérations que certains de ses collègues hommes et qu'elle avait été affectée par l'attitude de K______ à son égard. Elle avait donc rendu vraisemblables les faits allégués pour bénéficier de la présomption d'un congé discriminatoire au sens de la LEg, de sorte que l'employeuse devait apporter la preuve stricte de l'existence d'un motif objectif – et non discriminatoire – à l'appui de sa décision de résilier le contrat de travail.

S'agissant des accusations de harcèlement sexuel et de discrimination à raison du sexe, l'employeuse n'était pas restée inactive devant les difficultés rencontrées par l'employée, puisqu'elle avait ordonné une enquête interne – à travers laquelle l'ensemble des griefs soulevés avait été minutieusement analysé – qui avait conclu à l'absence de harcèlement et/ou discrimination visant l'employée. Cette conclusion était corroborée par les éléments au dossier.

Il résultait des enquêtes (témoins M______, P______, O______ et R______) que K______ était une personne exigeante et autoritaire, qui pouvait se comporter de manière tyrannique avec ses subordonnés, l'employée n'étant pas la seule à être visée par un tel comportement. Aucun témoin n'avait entendu cette dernière se plaindre d'avoir été harcelée par K______, ni n'avait directement constaté une attitude inappropriée du précité vis-à-vis d'elle. Le témoin M______ avait tout au plus mentionné le fait que l'employée avait été isolée par son supérieur, durant une période indéterminée, en ce sens que celui-ci ne prenait pas en compte ce qu'elle disait, ce qui l'avait affectée. Pour sa part, le témoin Q______ avait précisé qu'à une reprise, l'employée lui avait rapporté des propos sexistes tenus par K______, sans toutefois lui demander d'intervenir. Selon le témoin O______, l'employée s'était plainte du comportement exigeant, autoritaire et désagréable de K______, mais sans évoquer de harcèlement; ce témoin avait ajouté que l'employée occupait un poste important de "copilote financier et que K______ était exigeant envers elle comme il l'aurait été avec tout autre "copilote financier". En résumé, s'il était vrai que les propos tenus par K______ – tels que rapportés par l'employée au témoin Q______ – n'étaient pas admissibles dans un contexte professionnel, un tel comportement n'était pas constitutif de harcèlement au sens de la loi et de la jurisprudence, étant relevé que l'employée n'avait collaboré que quelques mois avec K______, celui-ci ayant quitté l'entreprise en janvier 2019. Aucun harcèlement sexuel ou psychologique n'avait donc été démontré.

S'agissant d'une éventuelle discrimination à raison du sexe, le témoin L______, successeur de K______, avait confirmé que la nomination de l'employée au poste de CFO PB en 2019 était une promotion, son salaire brut annuel étant d'ailleurs passé de 350'000 fr. à 400'000 fr. Il était exact que le fait d'occuper la fonction de SVP W______/PB n'avait pas enthousiasmé l'employée et que le poste de CFO PB avait été repris par un homme. Cela étant, les témoins AA______, J______, P______, R______ et Z______ avaient confirmé que la désignation de D______ au poste de CFO PB, à la place de l'employée, était justifiée par des motifs objectifs, car le précité connaissait mieux que quiconque la division PB pour l'avoir dirigée comme CFO pendant plusieurs années. De plus, les témoins J______, O______, AA______ et P______ avaient affirmé que l'employée n'était pas la seule cadre à avoir changé de fonctions au sein de l'entreprise, que sa hiérarchie n'avait aucune volonté de la "balancer de poste en poste" et que ces changements étaient commandés par la période de restructuration que traversait l'entreprise. L'employée n'avait donc pas subi de discrimination à raison du sexe en lien avec les changements de postes intervenus entre 2018 et 2020.

Une discrimination salariale de l'employée vis-à-vis de ses collègues masculins n'avait pas été objectivée. A teneur des pièces produites, l'employée se trouvait parmi les cadres supérieurs les mieux payés, son salaire de base ayant été parfois plus élevé que celui de ses collègues masculins, à l'instar du bonus APP qu'elle avait perçu en 2020. Il ressortait également de l'annexe 5 du rapport d'enquête interne du 18 septembre 2020, ainsi que des fiches de salaire des hommes rattachés au département financier et à la "Supply Chain", que la personne ayant perçu le salaire le plus bas pour les années 2018 à 2020 était un homme. La différence de salaire entre l'employée (400'000 fr.) et D______ (446'400 fr.) pour le poste de CFO PB s'expliquait de façon objective, celui-ci bénéficiant de plus d'ancienneté et d'expérience au sein de l'entreprise que celle-là. Le témoin R______ avait confirmé que les salaires des cadres de la "Supply Chain" étaient équivalents entre hommes et femmes, tandis que l'employée avait bénéficié d'un salaire "tout à fait décent" lorsqu'elle avait été nommée CFO PB; les salaires comparatifs figurant à l'annexe 5 du rapport d'enquête étaient corrects, la différence salariale "proven[ant] de l'expérience professionnelle de chacun".

Selon les témoin O______, J______, Z______ et AA______, le bonus W______ était une prime de rétention, visant à maintenir les équipes en place afin d'éviter leur départ avant la clôture du projet W______, ainsi qu'à rétribuer les personnes ayant participé activement à ce projet. Les bonus versés à l'équipe X______ pouvaient être plus importants que ceux versés à l'équipe Y______, dans la mesure où les membres de la première équipe travaillaient pour la division PB, qui allait être cédée (de même que leurs emplois) au futur repreneur, avec un niveau d'incertitude élevé quant à leur futur professionnel. Outre que l'employée n'avait pas participé à la deuxième phase du projet W______, en raison de son absence pour maladie, le fait que D______, chef de l'équipe X______, avait perçu un bonus W______ plus important qu'elle s'expliquait, là encore, pour une raison objective.

En définitive, il n'était pas démontré que l'employée aurait été victime de discrimination à raison du sexe, ni de harcèlement sexuel ou psychologique au cours des rapports de travail. Il restait à examiner la véracité des motifs avancés par l'employeuse à l'appui du licenciement.

Il était établi qu'en 2019-2020, E______ INC. avait annoncé à son personnel d'importants changements structurels, à savoir le transfert du siège de l'entreprise à U______, impliquant, pour certains, le transfert des rapports de travail vers ce nouveau siège, ainsi que la cession de la division PB, ce qui avait donné lieu au projet W______. Dans le cadre du partenariat conclu avec G______, les contrats de travail des employés rattachés à la division PB avaient été transférés de E______ INC. à H______ CO., tandis que d'autres employés avaient été mis au bénéfice du plan social. Il était admis que deux équipes (X______/Y______) avaient été chargées de mener à bien le projet W______ et que les membres de l'équipe X______ étaient ceux dont les emplois devaient être transférés à H______ CO. Il ressortait des pièces du dossier et des enquêtes (témoins J______, O______, AA______, P______, R______ et Z______) que l'employée appartenait à l'équipe Y______, de sorte que son contrat de travail n'allait pas faire l'objet d'un transfert à H______ CO. au terme du projet W______. Il découlait du courriel que l'employée avait adressé le 9 février 2020 à J______, au sujet de son changement de poste (CFO PB à SVP W______/PB) et des suites de sa carrière, qu'elle souhaitait continuer à travailler à Genève, avec un contrat suisse, tout en ayant conscience que son emploi pourrait être supprimé à la clôture du projet W______, auquel cas elle bénéficierait du plan social. Il ressortait en outre de son courriel du 7 avril 2020 adressé au service des ressources humaines que l'employée avait initié des discussions portant sur les prestations du plan social et tenté de négocier les conditions de son départ de l'entreprise. Le témoin O______ avait par ailleurs déclaré que la situation de E______ INC. en 2020 était "pitoyable", qu'il y avait des licenciements "à tour de bras" et que de nombreux employés ne savaient pas ce qu'ils allaient devenir; dans ce contexte, l'employée lui avait confié vouloir rester en Suisse, même s'il ne lui était pas agréable d'avoir à changer de poste, cela sans aucune "visibilité" pour la suite de sa carrière. Le témoin J______ avait confirmé que la vente de la division PB avait été une période extrêmement compliquée à gérer et que l'absence de l'employée durant la phase finale du projet W______ avait alourdi sa propre charge de travail et celle de plusieurs autres collaborateurs.

Au moment du licenciement, l'employeuse était donc en pleine restructuration et confrontée à des difficultés financières, tandis que la seconde phase du projet W______, à savoir la clôture de la vente, était sur le point d'aboutir. La longue absence de l'employée pour cause de maladie, alors qu'elle dirigeait l'équipe Y______, avait contraint l'employeuse à réorganiser ses équipes pour assurer la continuité du projet W______, au terme duquel deux autres dirigeants de ce projets (J______ et D______) avaient également quitté l'entreprise. Il résultait de ces éléments que l'employeuse avait décidé de licencier l'employée en raison de l'absence de visibilité sur la date de son retour au travail, mais aussi du fait que son poste de SVP-W______/PB n'existerait plus à fin 2020, compte tenu des restructurations internes et de l'aboutissement du projet W______ au 1er décembre 2020. De surcroît, l'on ne pouvait reprocher à l'employeuse de ne pas avoir cherché d'alternative au congé, dès lors que l'employée – à la tête de l'équipe Y______ et dont l'emploi ne pouvait être transféré à H______ CO. – avait exprimé le souhait de quitter l'entreprise moyennant le versement d'une indemnité de départ, ce qui avait finalement été le cas via le plan social, mais surtout exprimé sa volonté de demeurer en Suisse, empêchant ainsi son éventuel transfert à U______. En définitive, l'employeuse était parvenue à établir que le motif du congé donné à l'appui du congé était réel et sans lien avec les divers griefs formulés par l'employée.

Partant, le congé notifié le 27 octobre 2020 ne pouvait être qualifié d'abusif et aucune indemnité n'était due à ce titre.

L'employée ne pouvait pas non plus prétendre à une indemnité pour tort moral, n'ayant pas démontré avoir subi une atteinte illicite à sa personnalité. S'il n'y avait pas lieu de remettre en cause son burn-out durant les rapports de travail, les certificats médicaux produits ne faisaient pas état d'une grave atteinte à sa santé, pas plus qu'ils ne détaillaient les raisons de son incapacité de travail. Dès lors qu'il ne ressortait pas de l'instruction de la cause que l'employée aurait été victime de harcèlement sexuel et/ou psychologique, rien ne permettait de retenir que son incapacité de travail aurait été la conséquence d'une faute de l'employeuse.

4.2 L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que le motif du congé avancé à l'appui du licenciement était objectif et réel. En particulier, il n'y avait aucune incertitude concernant la fin de son arrêt maladie, l'intimée ayant elle-même relevé, par courrier du 25 septembre 2020, qu'il y avait "lieu de préparer [son] retour au travail […] sereinement et dans un esprit de bonne entente", sans laisser entendre que le poste qu'elle occupait serait prochainement supprimé. En réalité, l'intimée l'avait licenciée à réception du courrier qu'elle lui avait adressé le 27 octobre 2020 pour lui confirmer la date de son retour au travail. L'appelante reproche également au Tribunal d'avoir retenu que le congé n'était pas abusif, au motif que deux autres cadres supérieurs avaient quitté l'entreprise à fin 2020-début 2021, une fois le projet W______ mené à son terme. Or la situation de J______ et D______ n'était pas comparable avec la sienne, puisque les intéressés n'avaient pas été licenciés, mais étaient partis sur une base volontaire, après avoir négocié le paiement d'importantes indemnités de départ.

Le Tribunal avait en outre nié à tort l'existence d'un congé-représailles, alors qu'il résultait des pièces et des enquêtes qu'elle avait été harcelée, discriminée, puis licenciée pour avoir soulevé des prétentions légitimes envers l'intimée. Celle-ci n'avait pas pris les mesures nécessaires pour la protéger vis-à-vis d'un supérieur sexiste et tyrannique, alors que la réalité du harcèlement qu'elle avait subi avait été confirmée par plusieurs témoins. Le fait d'avoir été suivie régulièrement par un médecin psychiatre attestait d'une grave atteinte à sa santé et certains témoins avaient constaté la détresse dans laquelle l'avaient plongées les violences managériales subies. Elle avait de surcroît été discriminée au profit d'un collègue masculin qui – tout comme elle – était au bénéfice d'un "contrat de travail CFO PB", quand bien même elle disposait de toutes les compétences utiles au poste. Selon elle, le congé visait également à l'empêcher de toucher le salaire et les bonus auxquels elle avait droit conformément à son contrat de travail.

4.3
4.3.1 Selon l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. Celles-ci sont en principe libres de résilier le contrat sans motif particulier. Toutefois, le droit de mettre unilatéralement fin au contrat est limité par les dispositions sur le congé abusif au sens des art. 336 ss CO (ATF 136 III 513 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_189/2023 du 4 octobre 2023 consid. 4.1 et les arrêts cités).

La résiliation ordinaire du contrat de travail est abusive lorsqu'elle intervient dans l'une des situations énumérées à l'art. 336 al. 1 CO, lesquelles se rapportent aux motifs de la partie qui résilie. Cette disposition restreint, pour chaque cocontractant, le droit de mettre unilatéralement fin au contrat (ATF 136 III 513 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_189/2023 du 4 octobre 2023 consid. 4.1 et les arrêts cités).

Pour dire si un congé est abusif, il faut se fonder sur son motif réel (ATF 136 III 513 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_368/2022 du 18 octobre 2022 consid. 3.1.2 et les réf. citées). Le juge établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). L'appréciation du caractère abusif du licenciement suppose l'examen de toutes les circonstances du cas d'espèce (ATF 132 III 115 consid 2.5 et les réf. citées).

Selon l'art. 336 al. 1 let. a CO, qui vise le congé discriminatoire, le congé est abusif s'il est donné pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie (par ex. le statut familial, l'origine, la race, l'orientation sexuelle, etc.), à moins que cette raison n'ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise. Le congé discriminatoire fondé sur le sexe est également sanctionné par la LEg (cf. infra) (DUNAND, Commentaire du contrat de travail, 2022, n. 30 art. 336 CO et les réf. citées).

Selon l'art. 336 al. 1 let. d CO, qui vise le congé de représailles, le licenciement est abusif s'il est donné par une partie parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Cette disposition tend en particulier à empêcher que le congé soit utilisé pour punir le travailleur d'avoir fait valoir des prétentions auprès de son employeur (portant par ex. sur des salaires, des primes ou des vacances) en supposant de bonne foi que les droits dont il soutenait être le titulaire lui étaient acquis (arrêt du Tribunal fédéral 4A_407/2008 du 18 décembre 2008 consid. 4.1). Les prétentions émises par l'employé doivent avoir joué un rôle causal dans la décision de l'employeur de le licencier (ATF 136 III 513 consid. 2.6). Le fait que l'employé émette de bonne foi une prétention résultant de son contrat de travail n'a pas nécessairement pour conséquence de rendre abusif le congé donné ultérieurement par l'employeur. Encore faut-il que la formulation de la prétention en soit à l'origine et qu'elle soit à tout le moins le motif déterminant du licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_401/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.1.3).

Selon l'art. 336 al. 1 let. c CO, le congé est également abusif lorsqu'il est donné par une partie seulement afin d'empêcher la naissance de prétentions juridiques de l'autre partie, résultant du contrat de travail. Comme l'application de cette disposition suppose que le congé soit exclusivement dicté par la volonté d'échapper à des prétentions juridiques de l'autre partie, l'existence d'un autre motif de congé, réel, suffit à exclure d'emblée une résiliation abusive (arrêt du Tribunal fédéral 4A_89/2021 du 30 avril 2021 consid. 3.1).

En application de l'art. 8 CC, c'est à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif. Le travailleur doit établir le motif abusif, ainsi que le lien de causalité entre le motif abusif et la résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_240/2017 consid. 3). La jurisprudence a toutefois tenu compte des difficultés qu'il peut y avoir à apporter la preuve d'un élément subjectif, à savoir le motif réel de celui qui donne le congé. Le juge peut ainsi présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur. Si elle facilite la preuve, cette présomption de fait n'a pas pour résultat d'en renverser le fardeau. Elle constitue, en définitive, une forme de "preuve par indices". De son côté, l'employeur ne peut rester inactif; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_368/2022 du 18 octobre 2022 consid. 3.1.2).

4.3.2 Selon la jurisprudence, un "motif économique" constitue un intérêt digne de protection qui exclut généralement de considérer que le congé est abusif. Des motifs économiques peuvent se définir comme des motifs non inhérents à la personne du salarié, c'est-à-dire des raisons liées à la situation économique de l'entreprise, comme sa fermeture totale ou partielle, sa restructuration ou sa rationalisation, qui rendent nécessaires la suppression ou la modification de postes de travail (CAPH/46/2007 du 14 mars 2007 publié in JAR 2008 p. 386). Pour être digne de protection, le motif économique doit dépendre d'une certaine gêne de l'employeur, ce qui exclut la seule volonté d'augmenter les profits (DUNAND, op. cit., n. 108 ad art. 336 CO et les réf. citées). En principe, la mauvaise marche des affaires, le manque de travail ou des impératifs stratégiques commerciaux constituent des motifs économiques admissibles (ATF 133 III 512 consid. 6.2, JT 2008 I 29; arrêt du Tribunal fédéral 4A_190/2011 du 6 juin 2011 consid. 2.4). L'employeur a le droit d'anticiper des difficultés prévisibles dans la marche des affaires; il n'a pas besoin d'attendre d'être dans des difficultés économiques pour prendre les mesures de restructuration qui s'imposent (ATF 133 III 512 consid. 6.3, JT 2008 I 29; DUNAND, op. cit., n. 108 ad art. 336 CO).

4.3.3 Aux termes de l'art. 3 LEg, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s'agissant de femmes, leur grossesse (al. 1). L'interdiction de toute discrimination s'applique notamment à l'embauche, à l'attribution des tâches, à l'aménagement des conditions de travail, à la rémunération, à la formation et à la formation continue, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail (al. 2).

L'interdiction de discriminer est absolue, en ce sens qu'elle s'applique aussi bien aux discriminations non intentionnelles qu'aux discriminations intentionnelles; il importe peu que l'employeur démontre avoir agi sans intention discriminatoire (WYLER/HEINZER/WITZIG, Droit du travail, 2024, p. 1190 et les références citées).

Selon l'art. 6 LEg, l'existence d'une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s'en prévaut la rende vraisemblable.

Cette disposition allège le fardeau de la preuve (art. 8 CC) d'une discrimination à raison du sexe, en ce sens qu'il suffit à la partie demanderesse de rendre vraisemblable l'existence d'une telle discrimination. Le juge n'a pas à être convaincu du bien-fondé des arguments de la partie demanderesse; il doit simplement disposer d'indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu'il puisse en aller différemment (ATF 144 II 65 consid. 4.2.2; 142 II 49 consid. 6.2; 130 III 145 consid. 4.2). Par exemple, la vraisemblance d'une discrimination salariale a été admise dans le cas d'une travailleuse dont le salaire était de 15 à 25 % inférieur à celui d'un collègue masculin qui accomplissait le même travail (ATF 130 III 145 consid. 4.2; cf. ATF 144 II 65 consid. 4.2.3). Et si une femme, qui présente des qualifications équivalentes à son prédécesseur de sexe masculin, est engagée à un salaire moins élevé que lui pour un travail inchangé, il est vraisemblable que cette différence de traitement constitue une discrimination à raison du sexe, prohibée par l'art. 3 LEg (ATF 130 III 145 consid. 4.2). Lorsqu'une discrimination liée au sexe est ainsi présumée au degré de la vraisemblance, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve stricte du contraire (ATF 144 II 65 consid. 4.2.1; 142 II 49 consid. 6.2; 130 III 145 consid. 5.2). Le fardeau de la preuve est donc renversé. Si l'employeur échoue à apporter la preuve stricte qu'il n'existe pas de différence de traitement ou, si celle-ci existe, qu'elle repose sur des facteurs objectifs, l'existence d'une discrimination salariale doit être tenue pour établie (ATF 131 II 393 consid. 7.1).

L'art. 6 LEg in fine précise que l'allègement du fardeau de la preuve s'applique notamment à la résiliation des rapports de travail. Par exemple, si l'employée parvient à rendre vraisemblable que le motif du congé réside dans sa grossesse ou sa maternité, il incombera à l'employeur de prouver que cet élément n'a pas été un facteur déterminant dans sa décision de mettre un terme au contrat, en d'autres termes, que l'employée aurait été licenciée même si elle n'avait pas été enceinte. Pour ce faire, l'employeur pourra chercher à établir que le congé a été donné pour un motif objectif, sans lien avec la grossesse (maternité), comme une réorganisation de l'entreprise ou l'insuffisance des prestations de l'intéressée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_537/2021 du 18 janvier 2022 consid. 4.1.2 et les arrêts cités).

4.3.4 Le principe constitutionnel de l'égalité salariale entre hommes et femmes (art. 8 al. 3 in fine Cst.) est fondé sur la notion de travail de valeur égale (ATF 130 III 145 consid. 3.1.2). Autrement dit, auprès d'un même employeur, la travailleuse a droit à un salaire égal à celui que touche le travailleur s'ils accomplissent tous deux, dans des conditions égales, des tâches semblables ou des travaux, certes de nature différente, mais ayant une valeur identique (ATF 133 III 545 consid. 4.3).

Pour décider si un salaire déterminé ou si la différence entre les salaires est discriminatoire, il faut, d'une part, tenir compte de questions relevant du fait, tels le montant du salaire ou le montant de la différence entre les salaires, ainsi que l'existence de circonstances alléguées, comme la formation professionnelle, l'âge, etc. Il faut déterminer, d'autre part, si les critères d'appréciation ou de différenciation sont admissibles, ce qui est une question de droit (ATF 124 II 436 consid. 8 et 9; arrêt du Tribunal fédéral 4A_344/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.3).

Constituent des motifs objectifs ceux qui peuvent influencer la valeur même du travail, comme la formation, le temps passé dans une fonction, la qualification, l'expérience professionnelle, le domaine concret d'activité, les prestations effectuées, les risques encourus et le cahier des charges. Des disparités salariales peuvent également se justifier pour des motifs qui ne se rapportent pas immédiatement à l'activité en cause, mais qui découlent de préoccupations sociales, comme les charges familiales ou l'âge (ATF 142 II 49 consid. 6.3; 130 III 145 consid. 5.2; 127 III 207 consid. 3c). La position de force d'un travailleur dans la négociation salariale et la situation conjoncturelle peuvent conduire à une différence de rémunération pour un même travail. Mais les disparités de salaire qui sont dues à des occasions de négociation différentes ou qui résultent de fluctuations conjoncturelles doivent être compensées dès qu'il est raisonnablement possible de le faire pour l'employeur, le cas échéant dans le délai d'une année (ATF 130 III 145 consid. 5.2 et les réf. citées). Lorsque le cahier des charges est le même ou qu'il est identique pour les travailleurs d'une société, indépendamment de leur sexe, de meilleures prestations de travail, quantitatives ou qualitatives, peuvent justifier une différence de salaire, à condition qu'elles soient établies (ATF 125 III 368 consid. 5b). Pour qu'un motif objectif puisse légitimer une différence de salaire, il faut qu'il influe véritablement de manière importante sur la prestation de travail et sa rémunération par l'employeur. Celui-ci doit démontrer que le but objectif qu'il poursuit répond à un véritable besoin de l'entreprise et que les mesures discriminatoires adoptées sont propres à atteindre le but recherché, sous l'angle du principe de la proportionnalité (ATF 142 II 49 consid. 6.3; 130 III 145 consid. 5.2).

Si la partie défenderesse apporte la preuve d'un facteur objectif justifiant une différence de traitement, l'ampleur de cette différence doit encore respecter le principe de la proportionnalité et ne pas apparaître inéquitable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_461/2011 du 24 août 2011 consid. 3.2). Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé qu'une différence de rémunération de 8 à 9 % touchant deux logopédistes ne violait pas le principe de l'égalité salariale, dans la mesure où elle était motivée par une formation préalable différente (maturité d'une part, diplôme d'instituteur d'autre part; ATF 123 I 1 consid. 6e). En revanche, sous l'angle de la proportionnalité, il a retenu que certains facteurs, tels que l'ancienneté et l'expérience professionnelles, perdaient de l'importance au fil du temps. Ainsi, s'agissant de deux collègues – ayant le même âge et la même formation, exerçant la même activité, avec un cahier des charges et des responsabilités identiques, sans disparité dans la qualité ou la quantité de leurs prestations –, l'ancienneté et l'expérience professionnelle plus grandes du travailleur ne justifiaient pas l'ampleur de l'écart – plus de 16 % – entre son salaire et celui de la travailleuse, d'autant que la comparaison s'effectuait en moyenne sept ans après l'entrée en fonction de l'intéressée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_449/2008 du 25 février 2009 consid. 3.2).

4.3.5 L'art. 328 al. 1 CO impose à l'employeur de protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur. Il doit en particulier veiller à ce que les travailleurs ne soient pas harcelés sexuellement et qu'ils ne soient pas, le cas échéant, désavantagés en raison de tels actes.

L'art. 4 LEg définit le harcèlement sexuel comme un comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d'obtenir d'elle des faveurs de nature sexuelle.

Selon la jurisprudence, le harcèlement sexuel englobe tous les comportements importuns de caractère sexuel, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple des remarques sexistes, des commentaires grossiers, des plaisanteries déplacées, l'envoi de courriel contenant des caricatures ou des plaisanteries lourdes à caractère sexuel, des avances ou gestes non désirés et importuns, ou encore l'affichage d'icônes ou de photos indécentes (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb; arrêts du Tribunal fédéral 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 4.3.2; 4C_289/2006 du 7 février 2007 consid. 3.2).

Le mécanisme d'allègement du fardeau de la preuve prévu par l'art. 6 LEg ne s'applique pas en matière d'harcèlement sexuel, de sorte que le travailleur doit prouver cette atteinte conformément à l'art. 8 CC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3.1; 4A_473/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.1 et 3.2). La preuve du harcèlement sexuel étant difficile à apporter, en l'absence de preuve tangible, il peut être admis sur la base d'un faisceau d'indices convergents (arrêts du Tribunal fédéral 4A_473/2013 précité consid. 3.1; 1C_418/2008 du 27 mai 2009 consid. 2.2).

4.3.6 Le harcèlement psychologique, ou mobbing, constitue une violation de l'art. 328 al. 1 CO. La jurisprudence le définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail. La victime est souvent placée dans une situation où chaque acte pris individuellement peut éventuellement être considéré comme supportable, alors que l'ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu'à l'élimination professionnelle de la personne visée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_215/2022 du 23 août 2022 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Il n'y a pas harcèlement psychologique du seul fait qu'un conflit existe dans les relations professionnelles, qu'il règne une mauvaise ambiance de travail, ou encore du fait qu'un supérieur hiérarchique n'a pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l'égard de ses collaborateurs. Le harcèlement est généralement difficile à prouver, si bien que son existence peut être admise sur la base d'un faisceau d'indices convergents, tout en gardant à l'esprit qu'il peut n'être qu'imaginaire, sinon même être allégué abusivement pour tenter de se protéger contre des remarques et mesures justifiées (loc. cit.).

4.3.7 En cas de violation par l'employeur de son obligation de protéger la personnalité du travailleur (art. 328 al. 1 CO), l'employé peut prétendre à une indemnité pour tort moral aux conditions de l'art. 49 al. 1 CO.

Cette norme prévoit que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N'importe quelle atteinte ne justifie pas une indemnité; l'atteinte doit revêtir une certaine gravité objective et être ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime de s'adresser au juge afin d'obtenir réparation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_482/2017 du 17 juillet 2018 consid. 4.1 et les références citées).

Lorsque le salarié subit une atteinte à sa personnalité qui découle du congé abusif, l'indemnité de l'art. 336a CO comprend en principe la réparation morale. En effet, vu sa finalité réparatrice, cette indemnité embrasse toutes les atteintes du travailleur qui découlent de la résiliation abusive du contrat et ne laisse donc pas de place à l'application cumulative de l'art. 49 CO (ATF 135 III 405 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_482/2017 précité loc. cit.; DUNAND, op. cit., 2022, n. 35 ad art. 336a CO; WYLER/HEINZER/WITZIG, op. cit., p. 907).

Le Tribunal fédéral admet toutefois l'application cumulative de l'art. 49 CO dans des situations exceptionnelles, lorsque l'atteinte portée aux droits de la personnalité du travailleur est grave au point qu'une indemnité correspondant à six mois de salaire ne suffit pas à la réparer ou lorsqu'elle se distingue nettement de l'atteinte à la personnalité résultant déjà du congé abusif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_482/2017 précité consid. 4.1 et les réf. citées). Une indemnité selon l'art. 49 CO peut par exemple être due au travailleur qui a été victime, dans l'entreprise de l'employeur, de harcèlement psychologique ou mobbing, lorsque, d'un point de vue objectif, il a subi une humiliation particulièrement sévère (arrêt du Tribunal fédéral 4A_218/2012 précité consid. 2.3 et les arrêts cités).

4.3.8 Selon l'art. 5 al. 3 LEg, lorsque la discrimination porte sur un cas de harcèlement sexuel, le tribunal peut également condamner l'employeur à verser au travailleur une indemnité, à moins que l'employeur ne prouve qu'il a pris les mesures que l'expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances et que l'on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces actes ou y mettre fin.

L'art. 5 al. 5 LEg réserve les prétentions de la personne discriminée en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, de même que les prétentions découlant de dispositions contractuelles plus favorables aux travailleurs.

Une discrimination au sens de LEg représente aussi une atteinte aux droits de la personnalité; cette atteinte illicite peut donner droit à des dommages-intérêts et à une réparation du tort moral. Ainsi, le travailleur peut cumuler ses prétentions en réclamant une indemnité fondée sur l'art. 5 al. 1 à 4 LEg, des dommages-intérêts et une indemnité en réparation du tort moral (ATF 133 II 257 consid. 5.3 et les références citées).

4.3.9 Sauf disposition contraire de la loi, le contrat individuel de travail n'est soumis à aucune forme spéciale (art. 320 al. 1 CO); il s'ensuit que les parties sont libres de convenir tacitement, c'est-à-dire par le silence ou par des actes concluants, d'une modification de leur relation contractuelle. L'acceptation tacite du travailleur est présumée lorsque la modification proposée lui est favorable (cf. art. 6 CO) (WYLER/HEINZER/WITZIG, op. cit., p. 81 et les réf. citées).

Le juge doit faire preuve de retenue avant d'inférer du silence d'un travailleur, à la suite de propositions de modification du contrat dans un sens qui lui est défavorable (par ex. une diminution de salaire), l'acceptation de ces conditions. Celle-ci ne peut être admise que dans des circonstances où, selon les règles de la bonne foi, du droit ou de l'équité, on doit attendre une réaction du travailleur en cas de désaccord de sa part (ATF 109 II 327 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_404/2014 du 17 décembre 2014 consid. 5.1; 4C.242/2005 du 9 novembre 2005 consid. 4.3). Il appartient à l'employeur d'établir ces circonstances. Tel est le cas lorsqu'il est reconnaissable pour le travailleur que l'employeur en déduit son accord tacite et que, dans le cas contraire, il prendrait d'autres mesures ou résilierait le contrat; dans ce cas, le travailleur doit exprimer son désaccord dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_404/2014 précité loc. cit.).

4.4
4.4.1 En l'espèce, c'est à bon droit que le Tribunal a nié le caractère abusif du licenciement et débouté l'appelante de sa conclusion en paiement d'une indemnité selon l'art. 336a CO.

4.4.2 Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il ressort des pièces produites, des explications des parties et des témoignages recueillis qu'à l'époque du congé, fin octobre 2020, l'intimée était en pleine restructuration, le groupe E______ INC. (qui était "sous pression financière" selon le témoin J______ et dont "l'action était au plus bas" selon le témoin O______) ayant décidé de redéployer l'essentiel de ses activités à U______ (Pays-Bas) et d'y déplacer son siège – ce qui avait entraîné la suppression de nombreux emplois à Genève et l'adoption d'un plan social par l'intimée le 25 novembre 2019 –, d'une part, et de céder sa division PB à un nouvel acquéreur, de façon à recentrer ses activités dans les domaines de la parfumerie, des produits cosmétiques et des soins de la peau, d'autre part.

Les témoins J______, P______, AA______ et O______ ont confirmé que dans ce contexte, plusieurs collaborateurs – y compris des cadres – avaient dû changer de postes en 2019-2020 (ce qui, selon S______ et le rapport d'enquête interne du 18 septembre 2020, n'était pas toujours formalisé dans un avenant au contrat de travail du collaborateur concerné), à l'instar de l'appelante, de façon à répondre aux besoins organisationnels et stratégiques de l'intimée pendant cette phase délicate de transition, le témoin AA______ ayant encore précisé que de tels changements étaient fréquents dans une entreprise telle que l'intimée. Il était d'ailleurs stipulé à l'art. 1 du contrat de travail signé par les parties que l'appelante était engagée en qualité de SVP SCF, mais que l'intimée se réservait le droit de lui attribuer d'autres fonctions appropriées, correspondant à son expérience antérieure, tout en maintenant la rémunération appliquée jusque-là, moyennant que l'appelante ait accepté ces nouvelles fonctions (une modification écrite du contrat n'étant pas nécessaire). A cet égard, il ressort de son courriel du 9 février 2020 adressé à J______ que l'appelante, après avoir été promue au poste de CFO PB (le témoin L______ ayant confirmé que ce nouveau poste, plus exposé que celui de SVP SFC, correspondait dans les faits à une promotion, ce que l'augmentation de salaire consentie à l'appelante dès juillet 2019 vient confirmer), a expressément accepté sa nomination au poste de SVP W______/PB ("j'ai accepté cette mission car je veux être à tes côtés pour ce que tu juges le plus approprié […] et pour m'épanouir dans mon job. Leader ce projet m'inspire, m'expose à de nouveaux territoires et je te suis reconnaissante de ta confiance. J'ai conscience des enjeux du projet pour E______ Inc., de sa vitesse, et je m'y suis préparée et j'y suis dédiée"), tout en insistant sur le fait qu'elle souhaitait rester employée en Suisse à tout le moins jusqu'en octobre 2021 (de sorte qu'un éventuel transfert de l'appelante au nouveau siège néerlandais de E______ INC. n'était guère envisageable).

L'appelante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que son poste n'aurait pas été clairement défini à partir de novembre 2019, respectivement qu'elle aurait continué à être rattachée à la division PB au-delà de cette date. Tous les témoins interrogés sur ce point (J______, O______, AA______, P______, R______ et Z______) ont confirmé qu'à partir de sa nomination au poste de SVP W______/PB, annoncée par courriel de C______ du 15 novembre 2019, l'appelante ne faisait plus partie de la division PB – le poste de CFO PB, et toutes les prérogatives liées à ce poste, ayant été repris par D______ dès cette date – et qu'elle était désormais à la tête de l'équipe Y______, soit l'une des deux équipes chargées de mener à bien le projet W______. L'appelante ne s'y est du reste pas trompée, puisqu'elle a signé son courriel du 9 février 2020 en qualité de "W______ Program Leader", tout en prenant acte de "[s]on transfert de CFO PB à W______ Program Board Leader", et qu'elle a reconnu, dans son courriel du 19 juin 2020 adressé à AD______, que, dans les faits, ce n'était pas elle qui exerçait la fonction de CFO PB, mais D______. Cela est encore étayé par le certificat de travail établi par l'intimée, et accepté par l'appelante, à teneur duquel celle-ci a occupé les postes suivants : SVP SCF de mars 2018 à juin 2019, CFO PB de juillet à octobre 2019, puis SVP W______/PB dès novembre 2019. Les témoins J______, O______, AA______ et Z______ ont en outre confirmé que l'équipe X______, dirigée par D______, comprenait les employés de la division PB dont les contrats de travail allaient être transférés au nouvel acquéreur, contrairement aux membres de l'équipe Y______, dirigée par l'appelante, qui n'étaient pas visés par un tel transfert. La reprise du contrat de travail de l'appelante par le repreneur de la division PB n'était donc pas une hypothèse envisagée par les parties, ainsi que cela ressort d'ailleurs du courriel de l'appelante du 9 février 2020 (cf. infra), ce qui explique pourquoi celle-ci n'a pas reçu de lettre l'informant de son transfert auprès de H______ CO. ("employment transfer letter"; cf. supra EN FAIT, let. C. j). Au surplus, il ne ressort pas du dossier que J______ et/ou C______ auraient donné des "assurances explicites" à l'appelante quant à son maintien au poste de CFO PB, comme cette dernière l'affirme sans nullement l'étayer.

Il ressort également des pièces produites et des explications des parties que le poste de SVP W______/PB occupé par l'appelante dès novembre 2019 – qui consistait à organiser et à coordonner les différents chantiers impliqués dans la revue stratégique du projet W______ (cf. supra EN FAIT, let. C.f.b) – a effectivement été supprimé au début du mois de décembre 2020, suite à l'aboutissement du projet W______ le 30 novembre 2020. Comme l'a retenu le Tribunal, l'appelante n'ignorait pas (i) que le groupe E______ INC. était confronté à des difficultés financières et traversait une période de turbulences, raison pour laquelle aucune garantie ne pouvait lui être donnée quant à la suite de sa carrière au sein de l'intimée, (ii) que le poste de SVP W______/PB n'avait pas vocation à perdurer au-delà de la clôture du projet W______ et (iii) qu'elle bénéficierait le cas échéant du plan social – ce qu'elle a elle-même relevé dans son courriel du 9 février 2020 ("Pour ce qui est de ma next step, j'ai bien compris que tout bouge beaucoup et je ne cherche pas à te demander quel qu'engagement que ce soit. […] AB______ a été claire avec moi que dans l'hypothèse [où] E______ Inc. ne m'offrait pas de position après ce projet, seul le plan social pourrait m'être proposé") et ce qui ressort de son courriel du 7 avril 2020 au service des ressources humaines. L'appelante – qui avait émis le souhait de quitter l'intimée (respectivement E______ INC.) et de bénéficier du plan social au printemps 2020, comme l'a confirmé le témoin P______ – a d'ailleurs confié au témoin O______ qu'elle regrettait de "ne pas avoir de visibilité" sur son avenir professionnel, ce qui était aussi le cas de nombreux employés de l'intimée en 2020 selon ce témoin. Au surplus, il ne ressort pas du dossier que l'intimée aurait pris l'engagement de ne pas résilier le contrat de travail de l'appelante avant le 1er décembre 2020, comme cette dernière l'affirme sans nullement l'étayer.

Le Tribunal a en outre retenu, à raison, que deux autres dirigeants du projet W______, soit J______ et D______, avaient quitté l'intimée une fois le projet W______ finalisé, ce qui résulte de l'instruction de la cause. Peu importe à cet égard que les précités aient quitté l'entreprise dans le cadre d'une résiliation unilatérale des rapports de travail ou d'une convention séparée. Au demeurant, le départ de D______ suite à l'aboutissement du projet W______ n'a rien de surprenant, puisqu'il était prévu dès l'automne 2019 que son contrat de travail serait transféré au nouvel acquéreur de la division PB. Il ressort d'ailleurs des fiches de salaire figurant au dossier que l'intéressé est effectivement employé par H______ CO. depuis la fin de l'année 2020 (cf. supra EN FAIT, let. C.q.b). Au reste, si J______ a confirmé avoir perçu une indemnité de départ, tel est également le cas de l'appelante, qui a été mise au bénéfice du plan social adopté par l'intimée, et perçu à ce titre une indemnité de départ de 105'667 fr. en sus d'autres prestations pécuniaires et en nature.

Enfin, il est constant que l'appelante a été absente pour cause de maladie dès le 8 mai 2020, soit pendant la seconde phase du projet W______, et que son retour au travail coïncidait grosso modo avec l'aboutissement de ce projet, dont elle avait été l'une des chefs de file jusqu'à son arrêt maladie. Contrairement à ce que soutient l'appelante, la fin de son incapacité de travail n'était pas clairement établie. Il ressort du courriel de P______ du 25 septembre 2020, produit par l'appelante, que celle-ci avait annoncé son retour au travail à 50% dès le 17 septembre, puis à 80% dès le 1er octobre 2020 – ce dont l'intimée avait pris note dans son courrier du même jour adressé au conseil de l'appelante. Par pli du 14 octobre 2020, celle-ci a cependant précisé que son incapacité de travail ne prendrait "vraisemblablement" fin que le 6 novembre 2020, ce qu'elle a ensuite confirmé par pli du 27 septembre 2020. A cet égard, il n'est pas établi que l'intimée aurait effectivement reçu ce dernier courrier avant de signifier son congé à l'appelante par pli recommandé du même jour (lequel se réfère uniquement au courrier du 14 octobre 2020). En tout état, outre le fait qu'il ne pouvait être exclu que le retour au travail de l'appelante soit à nouveau reporté, il était difficilement envisageable pour l'intimée de réintégrer cette dernière à son poste de SVP W______/PB à quelque trois semaines du bouclement du projet W______, cela après une absence d'une durée de six mois. L'absence de l'appelante avait d'ailleurs contraint l'intimée à se réorganiser à l'interne pour assurer la continuité du projet – qui se trouvait à une étape charnière – et pallier la perte d'un membre important de son équipe de direction, ainsi que l'a confirmé le témoin J______ ("Pendant que [l'appelante] était en retrait, nous étions dans une phase d'accélération et je n'ai pas eu le temps de faire autre chose que de boucler le deal […] Cela a eu un impact sur la charge de travail qui a été supportée par d'autres dont moi et plusieurs autres").

Eu égard aux éléments qui précèdent, le jugement attaqué – en tant qu'il retient que les motifs du congé, d'ordre économique, étaient objectifs et réels, l'intimée ayant décidé de mettre fin aux rapports de travail en raison d'un manque de visibilité sur la date de retour au travail de l'appelante, mais, surtout, en raison de la suppression du poste que celle-ci occupait au sein de l'intimée, compte tenu des restructurations internes menées par E______ INC. en 2019-2020, d'une part, et du bouclement du projet W______ au 1er décembre 2020, d'autre part, – n'est pas critiquable.

4.4.3 C'est également à bon droit que le Tribunal a considéré que l'intimée n'avait pas licencié l'appelante à titre de représailles suite aux griefs que celle-ci avait soulevés en lien avec son contrat de travail et la LEg.

Comme l'ont retenu les premiers juges, l'instruction de la cause n'a pas permis d'établir la réalité du harcèlement sexuel et/ou psychologique que l'appelante allègue avoir subi de la part de son premier supérieur hiérarchique.

Les témoins entendus à ce sujet (M______, N______, O______, P______, Q______ et R______) ont décrit K______ comme un responsable "à l'ancienne", difficile et autoritaire. Cela étant, si le témoin M______ l'a qualifié de "tyrannique", les témoins N______, O______, P______ et R______ ont déclaré qu'il s'agissait d'un chef exigeant, parfois brusque dans ses propos, mais très professionnel et correct. Ils ont en outre précisé que K______ était très exigeant envers l'ensemble de ses subordonnés et qu'il ne traitait pas l'appelante différemment des autres membres (hommes et femmes) de son équipe. Sous réserve du témoin M______, qui a noté que K______ avait pu isoler l'appelante et ne pas l'écouter, ce que celle-ci avait mal vécu, aucun témoin n'a remarqué ou directement assisté à une attitude inappropriée, sexiste et/ou harcelante de la part du précité vis-à-vis de l'appelante. Les témoins N______ et Q______ ont certes précisé qu'à une reprise, cette dernière s'était plainte auprès d'eux de propos sexistes – d'une teneur inacceptable – proférés à son endroit par K______, sans toutefois leur demander d'intervenir. Cela étant, aucun témoin n'a fait état d'un autre événement de ce type, de sorte qu'il s'agissait d'un incident isolé et ponctuel (jusqu'à l'envoi de son courrier du 27 mai 2020 à J______, l'appelante n'a d'ailleurs formulé aucune plainte concernant l'attitude de K______ à son égard, que ce soit auprès de sa hiérarchie ou du service des ressources humaines). Au surplus, si les témoins J______ et AA______ ont observé que l'appelante était très fatiguée et déstabilisée au début de l'année 2020, ils ont précisé que cela était dû à la "charge de travail très intense" à laquelle toutes les personnes impliquées sur le projet W______ étaient confrontées, et non à l'attitude déplacée d'un supérieur hiérarchique. Enfin, les certificats médicaux (non détaillés) produits par l'appelante n'établissent nullement que celle-ci aurait souffert d'une grave atteinte à la santé en raison de "mauvais traitements" et/ou de "violences managériales" subis sur son lieu de travail. En effet, ils ne contiennent aucun diagnostic et ne précisent pas la ou les causes de son incapacité de travail – laquelle a du reste débuté le 8 mai 2020, soit près d'une année et demi après le départ de K______, qui a quitté l'intimée à la fin de l'année 2018. A la lumière de ce qui précède, l'appréciation du Tribunal, qui a considéré que ces différents éléments ne suffisaient pas à objectiver le harcèlement sexuel et/ou psychologique dont l'appelante soutenait avoir été victime, est exempte de critique.

Il ne ressort pas non plus de l'instruction de la cause que l'appelante aurait été discriminée à raison de son sexe. Comme déjà relevé supra, plusieurs témoins ont confirmé que les changements de postes étaient fréquents pour les collaborateurs de l'intimée (y compris les cadres) en 2019-2020, de façon à répondre aux besoins organisationnels et stratégiques de l'intimée qui était en pleine restructuration à ce moment-là. L'enquête interne diligentée par l'intimée a mis en exergue le fait que, depuis son arrivée chez E______ INC. en mars 2018, l'appelante avait été affectée à des fonctions de même niveau d'expérience et de responsabilités, sans incidence sur sa progression de carrière, et qu'elle avait accepté ces changements successifs. Si l'on pouvait regretter le manque de délicatesse et d'empathie dont sa hiérarchie avait pu faire preuve envers elle, l'on pouvait néanmoins attendre de l'appelante, qui était une cadre de grade 2, un niveau élevé de résistance au stress, d'implication et de capacité à s'adapter à un environnement commercial et financier mouvant, surtout dans le contexte de fragilité traversé par E______ INC. à cette époque.

L'enquête interne menée par l'intimée a en outre conclu que les collègues hommes qui avaient remplacé l'appelante aux postes de SVP SCF et CFO PB avaient été choisis selon des critères objectifs, sur la base de leurs qualifications, compétences et expériences. Comme l'a retenu le Tribunal, cette conclusion a été corroborée par les pièces versées au dossier et par les enquêtes. Si les témoins L______ et AA______ ont confirmé que l'appelante était pleinement apte à exercer la fonction de CFO PB (qu'elle a occupée quatre mois), ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'intimée, les témoins AA______, J______, P______, R______ et Z______ ont toutefois souligné, de façon concordante, que le fait de réattribuer ce poste à D______ en novembre 2019 – afin de mener à bien la vente de la division PB à un futur repreneur – répondait à un choix commercial et stratégique justifié. Le précité, fort d'une longue expérience dans la production, la vente et la distribution de produits cosmétiques, dès lors qu'il avait travaillé pour F______ SARL dès 1994, connaissait en effet mieux que quiconque la division PB, pour l'avoir dirigée en tant que CFO pendant cinq ans ou plus, étant précisé qu'il était déjà rattaché à cette division en 2016 lorsque E______ INC. l'avait rachetée à F______ SARL. Or, conformément aux principes rappelés ci-avant (cf. consid. 4.3.4), l'ancienneté et l'expérience professionnelle plus grandes de D______ (en particulier sa connaissance historique de la division PB, objet de la cession voulue par E______ INC.), et le fait qu'il avait déjà exercé la fonction de CFO PB pendant plusieurs années, sont autant de facteurs objectifs, propres à influencer la valeur même du travail et, à ce titre, à justifier la décision de l'intimée de (re)nommer le précité à la fonction de CFO PB plutôt que l'appelante – ce d'autant que cette dernière était entrée au service de l'intimée depuis à peine vingt mois lorsqu'elle a été nommée au poste de SVP W______/PB et que D______ a réintégré celui de CFO PB.

Il suit de là que le Tribunal a retenu, avec raison, que les circonstances ayant entouré le licenciement de l'appelante ne permettaient pas de retenir que celle-ci aurait fait l'objet d'un congé-représailles (art. 336 al. 1 let. d CO) ou d'un congé discriminatoire (art. 336 al. 1 let. a CO; art 3 al. 2 LEg). Au surplus, dans la mesure où l'appelante a été licenciée pour des motifs d'ordre économique, dont on a vu qu'ils étaient réels et objectifs, un congé abusif au sens de l'art. 336 al. 1 let. c CO peut d'emblée être exclu (cf. supra consid. 4.3.1 et 4.4.2).

En définitive, le jugement attaqué sera confirmé en tant qu'il retient que le congé ne revêtait pas un caractère abusif et, partant, que l'appelante ne pouvait pas prétendre à une indemnité pour licenciement abusif.

4.4.4 L'appelante reproche ensuite au Tribunal de l'avoir déboutée de sa conclusion en paiement d'une indemnité pour le tort moral subi. Ainsi qu'on vient de le voir, le harcèlement (sexuel et/ou psychologique) et les discriminations alléguées n'ont pas été établies, et le caractère abusif du congé n'a pas été retenu, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter davantage sur les griefs de l'appelante, qui reposent essentiellement sur sa propre version des faits.

5.             L'appelante conclut au paiement de 133'333 fr. 40, à titre de bonus APP pour l'année fiscale 2021 (couvrant la période du 1er juillet 2020 au 31 avril 2021), et de 500'000 fr. 25, à titre de solde impayé pour le bonus W______.

5.1 Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que les documents contractuels (offre du 7 décembre 2017, contrat de travail, brochure d'information sur le bonus APP), stipulaient clairement que le bonus APP n'était pas dû et qu'il s'agissait d'une "possibilité offerte" à l'employée. En outre, ce bonus était basé sur les performances individuelles de l'employée et sur les résultats de l'entreprise, tandis que la décision d'octroi du bonus était laissée à l'entière discrétion du conseil d'administration de E______ INC. La brochure d'information stipulait d'ailleurs que l'employée ne percevrait aucun bonus si ses résultats étaient insatisfaisants ou si elle ne faisait plus partie du personnel actif de l'entreprise à la date de paiement du bonus (i.e. au cours du mois d'octobre suivant la clôture de l'année fiscale déterminante). Tout en insistant sur le caractère discrétionnaire du bonus, ladite brochure ne contenait aucun passage laissant entendre que les bons résultats de l'entreprise et/ou les bonnes performances de l'employée donneraient automatiquement droit au bonus. Par conséquent, n'étant garanti ni dans son principe ni dans sa quotité, d'une part, et les critères d'octroi relevant de l'appréciation subjective de l'intimée, d'autre part, le bonus APP devait être qualifié de gratification facultative, à laquelle l'appelante n'avait pas droit.

A cela s'ajoutait que les rapports de travail avaient pris fin le 30 avril 2021, soit antérieurement à la date pertinente pour l'octroi d'un éventuel bonus pour l'année fiscale 2021 (i.e. le 30 octobre 2021), de sorte que l'appelante ne remplissait pas l'un des critères fixés par la brochure d'information pour pouvoir prétendre à un bonus APP cette année-là. A cet égard, le témoin J______ avait confirmé ne pas avoir reçu de bonus APP pour l'année 2021, car il avait quitté l'entreprise en février 2021. E______ INC. avait de surcroît annoncé, le 4 septembre 2020, qu'en raison de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, aucun bonus APP ne serait versé aux employés pour l'exercice 2021. Le fait qu'un bonus exceptionnel avait été mis en place pour les employés de la division PB, pour le premier semestre 2021, ne changeait rien à cette appréciation. En effet, l'employée n'avait pas élevé de prétention en lien avec ce bonus exceptionnel, d'une part, et elle ne faisait de toute façon plus partie du personnel actif de E______ INC. ou de H______ CO. le jour de son versement, de sorte qu'elle ne remplissait pas les conditions d'octroi de ce bonus exceptionnel, d'autre part. Au surplus, le fait que le témoin AA______ avait mentionné avoir reçu un bonus APP pour l'année 2021 n'était pas déterminant. En effet, ce témoin, dont le poste était rattaché à la division PB, avait sans doute confondu le bonus APP avec le bonus exceptionnel qui avait été accordé en 2021 aux employés de la division PB.

Enfin, il n'y avait pas lieu de requalifier le bonus APP – qui avait toujours conservé un caractère accessoire – en salaire. D'une part, le salaire annuel brut de l'appelante (400'000 fr. dès juillet 2019) se situait dans la fourchette des "très hauts revenus", dès lors que le salaire médian suisse en 2020-2021 était de à 6'361 fr. bruts par mois (6'361 fr. x 12 x 5 = 381'660 fr.). D'autre part, le montant des bonus APP perçus par l'employée avait toujours été inférieur à son revenu annuel.

En résumé, le bonus APP prévu par le contrat de travail n'était pas un salaire. Vu son caractère facultatif, l'appelante n'avait pas droit au paiement d'une gratification pour l'année 2021, ni à une requalification du bonus en salaire. De plus, dans la mesure où elle n'était plus une employée active de l'intimée au moment du versement du bonus, elle n'y avait de toute façon pas droit.

Les conditions d'octroi du bonus W______ étaient détaillées dans le courrier de l'intimée du 29 novembre 2019. Il en ressortait que ce bonus visait à récompenser l'employée pour son "rôle essentiel dans la réussite [du projet W______]", dans la mesure où son "engagement personnel et [sa] contribution [étaient] vitaux pour en assurer la bonne réalisation". L'octroi de ce bonus, payable en deux tranches distinctes, était subordonné à la présence active de l'employée au sein de l'entreprise – respectivement à l'absence de résiliation des rapports de travail – au moment du versement de la première tranche (i.e. "dans le mois suivant la signature de [la] transaction [de] cession"), puis de la seconde tranche (i.e. "dans le mois suivant la clôture de la transaction"). A cet égard, le témoin AA______ avait confirmé que seules les "personnes clés" du projet W______, soit celles qui avaient activement participé à ce projet, s'étaient vu octroyer le bonus W______. Pour sa part, le témoin R______ avait confirmé n'avoir reçu que la première tranche du bonus, à l'exclusion de la seconde, puisqu'elle ne travaillait plus pour l'entreprise lors de la phase de clôture du projet W______. Enfin, le témoin Z______ avait déclaré que personne n'avait formellement droit à recevoir le bonus W______, lequel n'était versé que si certains critères étaient respectés.

Eu égard aux conditions fixées pour l'octroi du bonus W______, l'employée n'était pas éligible à recevoir la seconde tranche de cette gratification. En effet, à la date de clôture du projet W______, intervenue le 30 novembre 2020, elle n'était plus active au sein de l'entreprise (son arrêt maladie ayant débuté en mai 2020) et se trouvait en période de préavis. Au surplus, le fait que D______ avait perçu un bonus W______ plus important qu'elle ne consacrait pas une discrimination à raison du sexe prohibée par la LEg. Contrairement à l'employée, le précité avait en effet activement participé aux deux phases du projet W______. Il avait en outre dirigé l'équipe X______ pour mener à bien ce projet, alors que l'employée avait dirigé l'équipe Y______. A cet égard, il résultait des enquêtes (cf. supra consid. 4.1) que la quotité plus élevée du bonus perçu par certains cadres de l'équipe X______ s'expliquait pour une raison objective, à savoir répondre aux besoins de l'entreprise de maintenir ces cadres à leur poste jusqu'à l'aboutissement du projet W______.

En conséquence, l'employée ne pouvait pas prétendre au versement d'un bonus W______ d'un montant supérieur à celui déjà perçu.

5.2 L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir mal apprécié les déclarations du témoin AA______, alors que celle-ci avait affirmé avoir reçu un bonus APP en 2021. Les premiers juges avaient également ignoré le fait que D______ avait lui aussi perçu un bonus APP cette année-là, ce qui résultait de ses fiches de salaire pour les mois de février et octobre 2021.

L'appelante reproche ensuite au Tribunal d'avoir retenu que le bonus W______ n'était pas un élément de salaire mais une gratification, alors que son montant était déterminé (en tant qu'il correspondait à un certain nombre de mois de salaire) et que son versement ne dépendait pas du bon vouloir de l'intimée (en tant qu'il avait été convenu avant même le début du projet W______). N'ayant pas consenti tacitement à une réduction de salaire, le Tribunal aurait dû retenir qu'elle avait droit à un bonus W______ correspondant à dix-huit mois de salaire, à l'instar de ce qu'avait perçu son collègue D______, puisque tous deux appartenaient à la division PB, qu'ils occupaient le même poste et qu'ils avaient les mêmes compétences.

5.3
5.3.1 Le salaire est la rémunération que l'employeur est tenu de payer à l'employé pour le temps ou le travail que celui-ci a consacré à son service, et qui est fixé soit directement par contrat individuel, soit indirectement par un contrat-type de travail ou par une convention collective (art. 322 al. 1 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_714/2016 du 29 août 2017 consid. 3.1).

La gratification, aux termes de l'art. 322d CO, est une rétribution spéciale que l'employeur accorde en sus du salaire à certaines occasions telles que Noël ou la fin de l'exercice annuel (al. 1). En cas d'extinction des rapports de travail avant l'occasion qui donne lieu à la rétribution spéciale, le travailleur n'a droit à une part proportionnelle de cette rétribution que s'il en a été convenu ainsi (al. 2).

Le droit suisse ne contient aucune disposition qui traite spécifiquement du bonus. Il faut donc déterminer de cas en cas, sur la base des manifestations de volonté des parties, s'il s'agit d'un élément du salaire (art. 322 ss CO) ou d'une gratification (art. 322d CO), distinction qui revêt une grande importance dès lors que le régime de la gratification est beaucoup plus flexible pour l'employeur que celui applicable aux éléments du salaire (ATF 142 III 381 consid. 2; 141 III 407 consid. 4.1).

Ainsi, l'employeur peut subordonner le paiement de la gratification à la réalisation de conditions, dans les limites de l'art. 27 al. 2 CC. Il est admissible, notamment, d'exiger que le travailleur soit effectivement employé dans l'entreprise à l'échéance de la gratification, ou encore de n'allouer aucune gratification, ou une gratification réduite à l'employé qui est encore au service de l'employeur au moment de l'occasion donnant lieu à la gratification, mais dont le rapport de travail a déjà été résilié. En revanche, le paiement du salaire ne saurait dépendre de la présence de l'employé dans l'entreprise ou de la non-résiliation de son contrat; la fonction même du salaire s'y oppose. Une telle clause est illicite et frappée de nullité en tant qu'elle se rapporte à un élément du salaire (art. 20 al. 2 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_506/2023 du 19 février 2025 consid. 4.1.2 et les arrêts cités).

Par ailleurs, la gratification se différencie du salaire par son caractère accessoire; elle ne peut avoir qu'une importance secondaire dans la rétribution du travailleur. Un montant très élevé en comparaison du salaire annuel, égal ou même supérieur à ce dernier, et versé régulièrement, doit être considéré comme un élément de salaire variable, alors même que l'employeur en a réservé le caractère facultatif (principe de l'accessoriété; ATF 131 III 615 consid. 5.2; 129 III 276 consid. 2.1). Toutefois, lorsque l'employé perçoit un très haut revenu, le bonus n'a pas à être requalifié en salaire et reste toujours une gratification (ATF 141 III 407 consid. 4.3.1 et 4.3.2, cf. infra consid. 5.3.2 et 5.3.4). Le salaire d'un employé doit être qualifié de très haut lorsque la totalité de la rémunération qu'il a effectivement perçue au cours d'une année donnée équivaut ou dépasse cinq fois le salaire médian suisse (secteur privé) (ATF 142 III 456 consid. 3.2 et les arrêts cités).

5.3.2 En matière de rémunération, il faut distinguer les trois cas suivants : (1) le salaire – variable –, (2) la gratification à laquelle l'employé a droit et (3) la gratification à laquelle il n'a pas droit. Ce n'est que lorsque l'employé n'a pas de droit à la gratification – cas n° 3 – que la question de la requalification du bonus en salaire, en vertu du principe de l'accessoriété lorsque les salaires sont modestes ou moyens à supérieurs, se pose, ce principe étant en revanche inapplicable pour les très hauts revenus (arrêts du Tribunal fédéral 4A_587/2020 du 28 mai 2021 consid. 12; 4A_327/2019 du 1er mai 2020 consid. 3.1).

On se trouve dans le cas n° 1 lorsqu'un montant (même désigné comme bonus ou gratification) est déterminé ou objectivement déterminable, c'est-à-dire qu'il a été promis par contrat dans son principe et que son montant est déterminé ou doit l'être sur la base de critères objectifs prédéterminés comme le bénéfice, le chiffre d'affaires ou une participation au résultat de l'exploitation, et qu'il ne dépend pas de l'appréciation de l'employeur; il doit alors être considéré comme un élément du salaire (variable), que l'employeur est tenu de verser à l'employé (art. 322 ss CO; ATF 141 III 407 consid. 4.1; 136 III 313 consid. 2; 129 III 276 consid. 2).

En revanche, on se trouve en présence d'une gratification – dans les cas n° 2 et 3 – lorsque le bonus est indéterminé ou objectivement indéterminable, c'est-à-dire que son versement dépend du bon vouloir de l'employeur et que sa quotité dépend pour l'essentiel de la marge de manœuvre de celui-ci (ATF 141 III 407 consid. 4.1 et 4.2). La jurisprudence reconnaît à l'employeur un tel pouvoir d'appréciation lorsque le montant du bonus ne dépend pas seulement de l'atteinte d'un certain résultat d'exploitation, mais aussi de l'appréciation subjective de la prestation du travailleur; le bonus doit alors être qualifié de gratification (ATF 142 III 381 consid. 2.1; 139 III 155 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_327/2019 précité consid. 3.1.2).

5.3.3 Il y a un droit à la gratification – cas n° 2 – lorsque, par contrat, les parties sont tombées d'accord sur le principe du versement d'un bonus et n'en ont réservé que le montant; il s'agit d'une gratification que l'employeur est tenu de verser, mais il jouit d'une certaine liberté dans la fixation du montant à allouer (ATF 136 III 313 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_587/2020 précité consid. 12.3.1). De même, lorsqu'au cours des rapports contractuels, un bonus a été versé régulièrement sans réserve de son caractère facultatif pendant au moins trois années consécutives, il est admis qu'en vertu du principe de la confiance, il est convenu par actes concluants (tacitement) que son montant soit toujours identique ou variable : il s'agit donc d'une gratification à laquelle l'employé a droit (ATF 131 III 615 consid. 5.2), l'employeur jouissant d'une certaine liberté dans la fixation de son montant au cas où les montants étaient variables (arrêt du Tribunal fédéral 4A_587/2020 précité loc. cit.).

Dans les deux situations, le travailleur n'a droit, aux termes de l'art. 322d al. 2 CO, à une part proportionnelle de la gratification en cas d'extinction des rapports de travail (avant l'occasion qui y donne lieu) que s'il en a été convenu ainsi, ce qu'il lui incombe de prouver en vertu de l'art. 8 CC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_587/2020 précité loc. cit.).

5.3.4 Il n'y a pas de droit à la gratification – cas n° 3 – lorsque, par contrat, les parties ont réservé tant le principe que le montant du bonus; il s'agit alors d'une gratification facultative; le bonus n'est pas convenu et l'employé n'y a pas droit, sous réserve de l'exception découlant de la nature de la gratification (principe de l'accessoriété) lorsque les salaires sont modestes ou moyens et supérieurs, ce principe étant en revanche inapplicable pour les très hauts revenus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_327/2019 précité consid. 3.1.3.2 et 3.2 et les arrêts cités).

De même, lorsque le bonus a été versé d'année en année avec la réserve de son caractère facultatif, il n'y a en principe pas d'accord tacite : il s'agit d'une gratification qui n'est pas due. Toutefois, il a été admis par exception que, en dépit de la réserve (sur le principe et sur le montant), un engagement tacite peut se déduire du paiement répété de la gratification pendant des décennies, lorsque l'employeur n'a jamais fait usage de la réserve émise, alors même qu'il aurait eu des motifs de l'invoquer, tels qu'une mauvaise marche des affaires ou de mauvaises prestations de certains collaborateurs lorsqu'il l'a versée : il s'agit alors d'une gratification à laquelle l'employé a droit (ATF 129 III 276 consid. 2.). Il en va de même lorsque la réserve du caractère facultatif n'est qu'une formule vide de sens (c'est-à-dire une clause de style sans portée) et qu'en vertu du principe de la confiance, il y a lieu d'admettre que l'employeur montre par son comportement qu'il se sent obligé de verser un bonus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_327/2019 précité consid. 3.1.3.2).

Le caractère facultatif de la gratification trouve par ailleurs ses limites dans le respect de l'égalité de traitement. Jurisprudence et doctrine concluent à l'existence d'un principe général d'égalité de traitement déduit de l'art. 328 CO obligeant l'employeur à protéger la personnalité de l'employé et des art. 28 ss CC instituant les règles générales de protection de la personnalité. Une décision subjective de l'employeur ne contrevient à l'interdiction de discriminer que dans la mesure où elle exprime une dépréciation de la personnalité du travailleur et lui porte ainsi atteinte. Une telle situation n'est réalisée que si l'employé est placé dans une situation clairement moins avantageuse qu'un grand nombre d'autres employés; tel n'est en revanche pas le cas lorsque l'employeur favorise simplement quelques employés (ATF 129 III 276 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral du 4 avril 2017 consid. 3.3. et les réf. citées).

5.4
5.4.1 En l'espèce, l'appelante n'a formulé aucun grief motivé contre le raisonnement du Tribunal en tant que celui-ci a retenu que : (i) le bonus APP n'était pas un élément de salaire, mais une gratification de nature facultative, à laquelle elle n'avait pas droit; (ii) elle n'était pas éligible à percevoir un bonus APP pour l'année fiscale 2021, puisque son contrat de travail avait déjà pris fin au moment pertinent pour l'octroi d'un éventuel bonus cette année-là; (iii) le bonus APP ne pouvait pas être requalifié en salaire dans la mesure où l'appelante percevait un très haut revenu.

Il ressort par ailleurs des pièces produites que le 4 septembre 2020, E______ INC. a informé les employés de l'intimée qu'aucun bonus APP ne serait versé pour l'exercice 2021, en raison de la crise économique et des mauvaises performances enregistrées par le groupe en 2020. Pour sa part, le témoin J______ a précisé qu'il n'avait pas perçu de bonus APP pour l'exercice 2021 car il avait quitté l'entreprise en février 2021. Au surplus, comme l'a retenu le Tribunal, le témoin AA______ – qui a déclaré : "de mémoire j'ai reçu un bonus APP pour l'année 2021 au prorata" – a sans doute confondu, lors de son audition, le bonus APP avec le bonus exceptionnel que l'intimée lui a versé en 2021. En effet, ce bonus exceptionnel, accordé aux employés rattachés à la division PB faisant l'objet de la cession à H______ CO., avait pour but de remplacer le bonus APP pour le premier semestre de l'année 2021 (cf. supra EN FAIT, let. C.j). Enfin, il ne ressort pas du dossier qu'en ne recevant aucun bonus APP pour l'exercice 2021, l'appelante aurait été clairement désavantagée par rapport à un grand nombre d'autres employés, étant rappelé qu'elle ne faisait plus partie de la division PB en 2020-2021 (cf. supra consid. 4.4.2).

Il suit de là que le Tribunal était fondé à débouter l'appelante de sa conclusion en paiement d'un bonus APP pour l'année fiscale 2021, de sorte que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

5.4.2 Contrairement à ce que soutient l'appelante, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que le bonus W______ était une gratification et non un élément de salaire.

Dans son courrier du 29 novembre 2019 détaillant les conditions d'octroi du bonus, l'intimée a précisé qu'il s'agissait d'une "prime exceptionnelle liée à l'achèvement du projet [W______]", payable en deux tranches, laquelle visait à récompenser les efforts fournis par les "membres clé de l'équipe du projet" qui, grâce à leur "engagement personnel" et à leur "contribution", jouaient "un rôle essentiel" pour "assurer la bonne réalisation" et "la réussite de ce projet". Elle a en outre souligné que l'octroi de cette "prime purement discrétionnaire" était subordonné aux conditions suivantes : (i) l'aboutissement des deux phases du projet W______; (ii) la présence active de l'appelante au sein de l'entreprise, ainsi que la non-résiliation des rapports de travail, à la date du versement de la première tranche du bonus (i.e. "dans le mois suivant la signature de [la] transaction [de] cession"), respectivement à la date du versement de la seconde tranche (i.e. "dans le mois suivant la clôture de la transaction").

Comme l'a relevé le Tribunal, il ressort du libellé de ce courrier que le bonus W______ n'a pas été promis à l'appelante dans son principe. Son versement a, au contraire, été soumis à la double condition que l'appelante ait participé activement à "assurer la bonne réalisation [et] la réussite" du projet W______, d'une part, et que son contrat de travail n'ait pas été résilié dans l'intervalle, d'autre part. L'octroi du bonus dépendait ainsi de l'appréciation subjective de l'intimée quant à la performance individuelle de l'appelante, en particulier le niveau et la qualité de son "engagement personnel" et de sa "contribution" à l'aboutissement du projet. Cela a été corroboré par les enquêtes, en particulier par le témoin R______ (qui a exposé que le bonus W______ n'avait pas été octroyé à tout le monde et qu'elle-même n'en avait perçu que la première tranche, car elle ne travaillait plus pour l'entreprise lors de la phase finale du projet W______), par le témoin AA______ (qui a déclaré avoir perçu le bonus W______ car elle avait été "un élément clé de la transaction" et qu'elle avait "participé activement à ce projet") et par le témoin Z______ (qui a précisé que personne n'avait formellement droit au bonus W______, lequel n'était versé que si certains critères étaient respectés).

Eu égard à ce qui précède, le bonus litigieux doit être qualifié de gratification. Pour le surplus, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que l'appelante ne remplissait pas les conditions d'éligibilité pour recevoir la seconde tranche du bonus, dès lors qu'elle n'avait pas du tout participé à la phase finale du projet W______, compte tenu de son incapacité de travail, et qu'à la date de "clôture de la transaction" (i.e. le 30 novembre 2020) son contrat de travail avait de surcroît été résilié.

Enfin, c'est en vain que l'appelante se plaint d'une violation de la LEg en lien avec la quotité du bonus W______ que l'intimée a versé à D______. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la situation du précité n'était en effet pas comparable avec celle de l'appelante, dans la mesure où l'intéressé avait activement contribué aux deux phases du projet W______, d'une part, et qu'il avait dirigé l'équipe X______ pour mener à bien ce projet, d'autre part. A ce sujet, les témoins AA______, J______, Z______ et P______ ont déclaré, de façon concordante, que le bonus W______ ne visait pas seulement à récompenser le travail accompli par les équipes chargées de concrétiser la vente de la division PB à un futur repreneur. Il s'agissait également d'un bonus de rétention, destiné à encourager les "cadres X______" – rattachés à la division PB et dont les contrats de travail devaient être transférés au nouvel acquéreur, avec tous les risques que cela comportait – à continuer de travailler pour l'intimée jusqu'à la clôture du projet W______. En effet, il aurait été très difficile de les remplacer, eux et leur savoir-faire (en particulier leur connaissance approfondie de la division PB), pendant cette période charnière de transition, raison pour laquelle le montant du bonus W______ était plus important pour les cadres de l'équipe X______ que pour ceux de l'équipe Y______. Partant, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la quotité plus élevée du bonus W______ perçu par D______ s'expliquait pour une raison objective, à savoir répondre aux besoins de l'intimée de maintenir le précité à son poste jusqu'à la finalisation de la vente de la division PB à H______ CO.

Il suit de là que le Tribunal était fondé à retenir que l'appelante ne pouvait pas réclamer le versement d'un bonus W______ d'un montant supérieur à celui déjà perçu.

6.             En définitive, l'ensemble des griefs soulevés par l'appelante étant mal fondés, le jugement attaqué sera entièrement confirmé.

7.             Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés 8'000 fr. (art. 95 et 105 al. 2 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC), mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance de frais opérée par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il n'est pas alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 10 octobre 2024 par A______ contre le jugement JTPH/230/2024 rendu le 6 septembre 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/21320/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 8'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais effectuée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente ; Monsieur Roger EMMENEGGER, Madame
Fiona MAC PHAIL, juges assesseurs ; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.