Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/242/2024 du 16.04.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3423/2023 ATAS/242/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 16 avril 2024 Chambre 2 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI
| intimé |
A. a. Le 2 février 2023, Madame A______ (ci-après : l’assurée, l’intéressée ou la recourante), née en 1969, s’est inscrite à l’assurance-chômage auprès de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE, l’office ou l’intimé) comme confirmé le lendemain 3 février 2023 par l’office régional de placement (ci-après : ORP), en vue d’un travail à plein temps, et, le 17 février 2023, elle a adressé une demande d’indemnité de chômage à la caisse de chômage compétente (ci-après : la caisse de chômage), sollicitant l’indemnité de chômage à partir du 31 janvier 2023 et indiquant être disposée à travailler à plein temps.
Selon ses indications contenues dans sa demande d’indemnité de chômage, elle avait été licenciée par son employeur depuis 2012, une banque (ci-après : l’employeur), le 30 janvier 2023 et avec effet immédiat, selon une lettre de l’employeur qui lui avait été remise le même jour en mains propres. Au sujet du « motif de la résiliation », elle répondait : « J’ai pas compris, je suis suivie par un psychiatre et j’ai toujours eu une surcharge professionnelle, pas beaucoup de vacances, énormément d’heures supplémentaires et des problèmes de santé récurrents suite à un COVID-19 long ». Elle cochait la case « non » en réponse à la question de savoir si, lors de la résiliation ou pendant le délai de résiliation, elle était enceinte ou empêchée de travailler en raison de maladie, accident ou autre.
b. En parallèle, par « certificat médical » du 10 février 2023 portant l’entête de l’assurance-chômage, le docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a attesté que l’assurée « était, en raison de maladie », à partir du 10 février 2023 et pour une durée indéterminée, à 100% inapte au travail. Puis il a écrit manuscritement « selon évolution » après le début de phrase préimprimé « Elle est à nouveau apte au travail dès le ». Il a ajouté ensuite qu’elle était inapte au travail à 100%, « probablement d’une manière durable », depuis le 31 janvier 2023 (en caractères préimprimés sauf le « 100% » d’inaptitude et la date de départ du « 31.01.2023 » en écritures manuscrite). Aucune activité ne pouvait être exercée pour le moment. La case « séjour hospitalier » (pour cause de « maladie ») était cochée, avec la précision manuscrite « date d’entrée en attente ».
Par certificat du 22 février 2023, la clinique de Montana des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a confirmé que l’intéressée y était hospitalisée pour raisons médicales depuis le 21 février 2023 pour une durée encore indéterminée.
c. Le 28 février 2023, l’employeur a rempli l’« attestation de l’employeur » et le « questionnaire en cas de licenciement » de l’assurance-chômage, mentionnant notamment que l’intéressée avait exercé à son service l’activité de secrétaire (…), à raison de 40 heures par semaine (l’horaire normal de travail en vigueur dans l’entreprise). Le motif de la résiliation des rapports de travail n’était pas lié à son état de santé, mais consistait en (…).
d. Par un rapport daté du 26 juin 2023 à l’intention de l’assurance-chômage, le Dr B______ a, à la demande de la patiente, apporté les précisions suivantes concernant son certificat du 10 février 2023 : « Le 10.02.2023 j’ai eu la première séance avec [l’intéressée] à propos de ces problèmes de santé psychiques actuels et j’ai certifié officiellement son incapacité de travail à 100% à partir de cette date, le 10.02 2023, pour une durée indéterminée. – En ce qui concerne la phrase plus bas sur le même certificat : "Elle est inapte au travail à 100% probablement d’une manière durable, depuis le 31.01.2023" la date que j’ai marquée, le 31.01.2023, doit être prise sous toute réserve, justement comme une probabilité, une extrapolation, car il est impossible d’affirmer ou de statuer sur une incapacité de travail 11 jours rétroactivement. – C’est donc seulement la date du 10.02.2023 qui est cliniquement et officiellement valable ».
e. Par décision du 30 juin 2023 déclarée « exécutoire nonobstant opposition », l’OCE a nié le droit de l’assurée aux prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail (ci-après : PCM) dès le 13 mars 2023, et ce pour toute la durée de son incapacité de travail actuelle. En effet, à l’examen du dossier, qui montrait l’ouverture d’un délai-cadre de chômage le 2 février 2023 et une incapacité de travail depuis le 31 janvier 2023, il apparaissait que les causes de son incapacité étaient survenues avant son affiliation à l’assurance.
f. Par pli recommandé du même 30 juin 2023, l’intéressée a transmis à l’office le rapport du Dr B______ daté du 26 juin 2023 cité plus haut.
g. L’OCE ayant, par courrier du 5 juillet 2023, fixé un délai au 20 juillet 2023 à l’assurée pour motiver et signer son opposition sous peine d’irrecevabilité, celle‑ci, sous la plume d’un avocat constitué le 2 février 2023, a formé opposition le 20 juillet 2023 contre la décision du 30 juin 2023 précitée, concluant à son annulation et à l’octroi des PCM « du jour de son enregistrement auprès de sa conseillère ORP ».
h. Par décision sur opposition rendue le 15 septembre 2023, l’OCE a rejeté cette opposition et a confirmé sa décision – initiale – du 30 juin 2023.
B. a. Par acte du 18 octobre 2023, l’assurée, représentée par son conseil, a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision sur opposition, concluant à son annulation et à la confirmation de son droit à bénéficier des PCM dès le 13 mars 2023 et pour toute la durée de son incapacité de travail actuelle.
b. Par réponse du 20 novembre 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours, qui n'apportait selon lui aucun élément nouveau permettant de revoir sa position.
c. Par réplique du 22 décembre 2023 – transmise pour information le 8 janvier 2024 à l’office –, la recourante, prenant note que l’intimé « [persistait] dans sa décision sans répondre aux arguments avancés, ni produire de pièces nouvelles », a persisté dans les conclusions de son recours.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0). Elle connaît également, conformément à l'art. 134 al. 3 let. b LOJ, des contestations prévues à l'art. 49 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20) en matière de prestations cantonales complémentaires de chômage.
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. La décision querellée a trait aux prestations cantonales complémentaires de chômage prévues par la LMC. Cette dernière ne contenant aucune norme de renvoi, la LPGA n’est pas applicable (cf. art. 1 et 2 LPGA).
3. Interjeté dans les forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (cf. art. 49 al. 3 LMC et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
4. Le présent litige porte sur l’existence ou non d’un éventuel droit aux PCM de la recourante à la suite de son licenciement avec effet immédiat du 30 janvier 2023.
5.
5.1 Les prestations en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle (PCM) font partie des prestations complémentaires cantonales de chômage, qui sont énumérées à l’art. 7 LMC, et le chapitre II du titre III (art. 8 ss) a trait aux PCM.
À teneur de l’art. 8 LMC – « bénéficiaires » –, peuvent bénéficier des PCM les chômeurs qui ont épuisé leur droit aux indemnités journalières pour maladie ou accident, conformément à l’art. 28 LACI.
En vertu de l’art. 12 al. 1 LMC – au titre de « incapacité de travail » –, les PCM ne peuvent être versées que si elles correspondent à une inaptitude au placement au sens de l’art. 28 LACI.
Aux termes de l'art. 13 LMC – intitulé « refus du droit aux prestations » –, le versement de prestations est exclu dans le cas où il peut être déterminé par l'autorité compétente que les causes de l'incapacité de travail sont intervenues avant l'affiliation à l'assurance, pour autant qu'elles aient été connues de l'assuré. Les cas de rigueur demeurent réservés.
Cet article est complété par l'art. 14B du règlement d'exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008 (RMC - J 2 20.01) – afférent aux « cas de rigueur » –, à teneur duquel sont considérées comme des cas de rigueur au sens de l'art. 13 LMC : la grossesse (let. a) ; l'incapacité de travail intervenant après une période de chômage de 3 mois minimum durant laquelle l'aptitude au placement de l'assuré a été constatée et si le refus de prestations devait le placer dans une situation financière difficile (let. b).
Conformément à l’art. 14 LMC – « annonce et délai d'attente » –, la demande de prestations, accompagnée du certificat médical, doit être introduite par écrit auprès de la caisse de chômage de l’assuré dans un délai de 5 jours ouvrables à compter du début de l’inaptitude au placement et après épuisement du droit aux indemnités journalières au sens de l’art. 28 LACI. Le Conseil d’État règle les conséquences de l’inobservation des délais. Il règle également les délais et modalités d’information, notamment dans les cas où l’incapacité est la prolongation directe d’une incapacité indemnisée selon l’art. 28 LACI (al. 1). Un délai d’attente est applicable lors de chaque demande de prestations (al. 2). Le Conseil d’État détermine la durée du délai d’attente qui ne peut excéder 5 jours (al. 3).
Cet art. 14 LMC est précisé par l’art. 14 RMC, de même que par l’art. 14A RMC selon lequel un délai d'attente de 2 jours ouvrables est applicable lors de chaque demande de prestations.
5.2 Concernant l’interprétation et l’application de l'art. 13 LMC – « refus du droit aux prestations » –, il convient de relever ce qui suit.
5.2.1 L'affiliation à l'assurance doit être interprétée comme le moment à partir duquel l'assuré est couvert par les PCM, soit depuis la date de l'ouverture du délai‑cadre d'indemnisation (ATAS/553/2022 du 16 juin 2022 consid. 10 ; ATAS/663/2016 du 25 août 2016 consid. 7).
5.2.2 Dans un arrêt ATAS/81/2013 du 21 janvier 2013, la chambre de céans a établi que la lettre de l'art. 13 LMC était claire : toute prestation est exclue dans le cas où les causes de l'incapacité de travail sont intervenues avant l'affiliation à l'assurance (ATAS/81/2013 du 21 janvier 2013 consid. 5b), étant précisé que le moment déterminant est le jour du départ du délai-cadre d'indemnisation (ATAS/31/2019 du 17 janvier 2019 consid. 4b ; ATAS/668/2018 du 27 juillet 2018 consid. 4a ; ATAS/663/2016 précité consid. 7 ; ATAS/309/2016 du 21 avril 2016 consid. 6).
Dans un arrêt ATAS/384/2016 du 17 mai 2016 consid. 7, la chambre des assurances sociales s'est à nouveau penchée sur l'art. 13 LMC et a précisé ce qui suit : « Jusqu'au 31 janvier 2002, l'art. 13 LMC prévoyait que les affections chroniques et récidivantes d'origine psycho-névrotique ou dépressivo-anxieuse, dûment constatées par le médecin-conseil de l'autorité compétente, entraînaient un refus du droit aux prestations. La raison d'être de cette disposition était qu'il n'appartenait pas à l'assurance-chômage de prendre en charge des affections à caractère chronique, dont l'origine était antérieure à la période de chômage (Commentaires : article par article - annexe au projet de loi en matière de chômage, Mémorial du Grand Conseil, 1983/III p. 3545). En d'autres termes, l'assurance-chômage n'avait pas à prendre en charge les conséquences pécuniaires d'une maladie chronique, préexistant à l'inscription au chômage, devenue incapacitante seulement après l'affiliation. Lors de l'adoption de la teneur actuelle de l'art. 13 LMC en 2002, le législateur a précisé, d'une part, que le nouvel art. 13 ne devait pas être compris comme une modification de la disposition en vigueur jusqu'au 31 janvier 2002 et, d'autre part, que les autres assurances n'acceptaient pas les personnes déjà malades et que les PCM couvraient les affections passagères et non durables (p. 12 du rapport de la Commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'État modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20), Mémorial du Grand Conseil 2001-2002 IV, Annexes p. 718 ss) ».
Cette jurisprudence a ensuite été reprise par la chambre de céans dans plusieurs arrêts (ATAS/663/2016 précité consid 7 ; ATAS/360/2017 du 8 mai 2017 consid. 5 ; ATAS/439/2017 du 30 mai 2017 consid. 5c ; ATAS/605/2017 du 30 juin 2017 consid. 7 ; ATAS/668/2018 du 27 juillet 2018 consid. 4b ; ATAS/1087/2019 du 26 novembre 2019 consid. 4b).
5.2.3 Les PCM sont une assurance sociale cantonale visant à compléter la couverture de la perte de gain prévue par l'art. 28 al. 1 LACI en cas d'incapacité passagère de travail, que celle-ci soit totale ou partielle, comme le prévoit la dénomination même du titre III, chapitre II LMC, et comme cela ressort clairement de la lettre de l'art. 8 LMC (ATAS/25/2022 du 10 janvier 2022 consid. 4.4.2).
Contrairement à ce qui était évoqué dans la jurisprudence fédérale passée concernant la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1), ce n'est pas la maladie ou l'évènement accidentel qui constitue le risque assuré dans une assurance perte de gain maladie ou accident, mais bien la conséquence éventuelle de ceux-ci que constitue l'incapacité de travail, respectivement de gain. Autrement dit, peu importe qu'une personne doive faire face à un évènement accidentel particulièrement impressionnant ou à une maladie ou à un accident particulièrement grave si ceux‑ci n'ont au final aucune influence sur sa capacité de gain. Lorsqu'un assuré paie ses primes relatives à l'assurance complémentaire cantonale, c'est bien dans le but de se protéger contre la perte de gain éventuelle engendrée par de tels évènements. La jurisprudence ATF 142 III 671 apparaît donc entièrement convaincante (ATAS/25/2022 précité consid. 4.4.2).
En ce qui concerne toutefois les PCM (cantonales genevoises), la lettre de l'art. 13 LMC étant claire, le moment déterminant est celui où les causes de l'incapacité de travail sont survenues et il n'y a pas de place pour l'application de la jurisprudence fédérale relative à la LCA (cf. ATF 142 III 671 consid. 3, selon lequel le sinistre survient au moment de l'incapacité de travail [résultant de la maladie]). Il convient donc de considérer que, s'agissant des PCM, le moment déterminant est celui de la survenance de la maladie ou de l'accident qui cause l'incapacité de travail de l'assuré dans la suite de la jurisprudence antérieure de la chambre de céans (ATAS/25/2022 précité consid. 4.4.2).
5.2.4 Selon la pratique de l'OCE, confirmée par la chambre de céans, les cas de rigueur sont reconnus aux femmes enceintes ou aux assurés se trouvant dans des situations très exceptionnelles, par exemple lorsqu'un assuré n'avait pas conscience de son incapacité de travail antérieure. Un cas de rigueur ne peut en particulier être admis pour tenir compte des difficultés financières d'un assuré en incapacité de travail. En effet, dans le cas contraire, un cas de rigueur devrait être admis presque systématiquement (ATAS/605/2017 du 30 juin 2017 consid. 7 ; ATAS/663/2016 précité consid. 11 ; ATAS/1142/2014 du 5 novembre 2014 ; ATAS/902/2014 du 19 août 2014).
5.3 Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales – qui sont en lien avec des aspects d’ordre médical, comme ici les PCM –, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d'investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
Notamment, en ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
5.4 Pour les PCM comme de façon générale dans le domaine des assurances sociales, les autorités et, sur recours, la chambre de céans, établissent les faits d’office, sans être limitées par les allégués et les offres de preuve des parties, réunissent les renseignements et procèdent aux enquêtes nécessaires pour fonder leur décision (art. 19, 20 al. 1 phr. 1, 76 et 89A LPA). Ces dispositions cantonales expriment les mêmes principes que ceux qui, consacrés par la LPGA, régissent la procédure en matière d’assurances sociales, à savoir, en particulier, la maxime inquisitoire, ainsi que les règles sur l’appréciation des preuves et le degré de la preuve (ATAS/553/2022 précité consid. 14).
Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
Les explications d'un assuré sur le déroulement d'un fait allégué sont au bénéfice d'une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l'intéressé soient contradictoires avec les premières. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l'assuré a faite alors qu'il n'était pas encore conscient des conséquences juridiques qu'elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 4.3). Il ne s’agit cependant pas là d’une règle formelle d’appréciation des preuves mais d’une aide à la décision dans le cadre de la libre appréciation des preuves. Ainsi comprise, cette maxime de preuve ne peut être appliquée que si l’état de fait déterminant ne peut pas être établi d’une autre manière au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_325/2017 du 5 juillet 2018 consid. 4.2.1 ; Irène HOFER, in FRESARD-FELLAY, LEUZINGER, PÄRLI [éd.], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n. 10 ad art. 6 LAA).
6.
6.1 En l’espèce, dans son recours, l’assurée conclut à la reconnaissance de son droit à l’octroi de PCM pour toute la durée de son incapacité – de travail – et ce depuis le 13 mars 2023.
Cette date de dies a quo s’explique par le fait que, selon ses allégations (recours, p. 8), l’assurance-chômage fédérale aurait couvert 30 indemnités – journalière en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle (art. 28 LACI) – consécutives (cf. à ce sujet art. 8 LCM).
6.2 Conformément à la jurisprudence citée plus haut, il convient, dans le cadre du présent litige, d’examiner si, au moment de l’affiliation de la recourante à l’assurance le 2 février 2023, la maladie qui a causé l'incapacité de travail attestée par le certificat du Dr B______ du 10 février 2023 existait déjà ou non. En cas de réponse positive, le droit aux PCM devrait être d’emblée nié en application de l’art. 13 LMC.
6.3 La décision sur opposition querellée repose sur le « certificat médical » du 10 février 2023 du Dr B______.
6.3.1 Par ce « certificat médical », partiellement préimprimé et à l’intention de l’assurance-chômage, le Dr B______ a attesté que l’assurée « était, en raison de maladie », à partir du 10 février 2023 et pour une durée indéterminée, à 100% inapte au travail. Puis il a écrit manuscritement « selon évolution » après le début de phrase préimprimé « Elle est à nouveau apte au travail dès le ». Il a ajouté ensuite qu’elle était inapte au travail à 100%, « probablement d’une manière durable », depuis le 31 janvier 2023 (en caractères préimprimés sauf le « 100% » d’inaptitude et la date de départ du « 31.01.2023 » en écritures manuscrite). Aucune activité ne pouvait être exercée pour le moment. La case « séjour hospitalier » (pour cause de « maladie ») était cochée, avec la précision manuscrite « date d’entrée en attente ». Il est précisé qu’au début de ce certificat était écrit en caractères préimprimés : « Selon l’art. 28 al. 5] LACI, le chômeur doit justifier son inaptitude au travail, respectivement son aptitude, au moyen d’un certificat médical. L’autorité cantonale ou la caisse peut toujours ordonner un examen médical par un médecin-conseil ».
Il ne pouvait pas échapper au Dr B______ que ce certificat était destiné à l’assurance-chômage. En outre, la ligne où ce psychiatre traitant indique une inaptitude à 100% à partir du 10 février 2023 et pour une durée indéterminée peut être comprise comme reprenant ses propres constatations et appréciation au jour de la consultation, tandis que la ligne « Elle est inapte au travail à 100%, probablement d’une manière durable, depuis le 31.01.2023 » tient compte de son appréciation sous l’angle du caractère probablement durable de ladite inaptitude avec la mention de son commencement.
Le rapport du Dr B______ du 26 juin 2023, établi à la demande de l’intéressée, ne remet pas en question cette date (31 janvier 2023) du début de l’inaptitude de 100% sous l’aspect du caractère probablement durable de ladite inaptitude, mais précise qu’il ne s’agit que d’« une probabilité, une extrapolation, car il est impossible d’affirmer ou de statuer sur une incapacité de travail 11 jours rétroactivement ».
Ceci confirme que la date du 10 février 2023 découle d’une appréciation fondée sur une constatation clinique du même jour (date « cliniquement et officiellement valable » selon le rapport du 26 juin 2023) et que celle du 31 janvier 2023 relève d’une appréciation médicale concernant le passé et fondée sur des déductions (selon les circonstances, l’anamnèse, le diagnostic, etc.), laquelle appréciation n’a au surplus de sens que si elle signifie que la maladie, de nature psychique, qui a causé l'incapacité de travail – ou inaptitude au travail – attestée était à tout le moins présente au 31 janvier 2023.
Il n’est donc pas nécessaire d’appliquer les jurisprudences du Tribunal fédéral précitées invoquées par l’office et relatives à la valeur probante des rapports des médecins traitants ainsi qu’à la force probante de la première affirmation d’une personne.
6.3.2 C’est dès lors en vain que la recourante soutient que l’intimé aurait arbitrairement choisi de retenir une autre date que celle du 10 février 2023 afin de nier son droit, « sur la seule base de ce document pouvant prêter à confusion » (ce document étant le « certificat médical » du 10 février 2023).
6.3.3 C’est en revanche à juste titre que l’intéressée relève qu’au moment de son licenciement du 30 janvier 2023, elle n’était ni malade ni incapable de travail.
L’assurée précise ce qui suit dans son opposition (p. 1) : « Premièrement, il n’est aucunement établi que la cause de son incapacité est survenue avant son licenciement. Si [l’assurée] a en effet partagé avec sa conseillère ORP le désarroi dans lequel son environnement de travail l’avait plongée, celle-ci n’a aucunement expliqué être en incapacité à ce moment-là » ; puis elle invoque la date du 10 février 2023 antérieurement à laquelle son incapacité n’aurait selon elle pas été constatée. Elle écrit néanmoins ensuite (p. 2) : « A fortiori, c’est bien le licenciement qui a conduit [l’intéressée] dans un état psychologique difficile, rendant momentanément impossible la reprise d’une activité professionnelle. Il est aisément compréhensible que le fait de se retrouver soudainement dans la situation précaire d’une demandeuse d’emploi senior est susceptible de plonger quiconque dans un tel état » ; et dans le recours (p. 8) : « Comme expliqué dans son opposition du 20 juillet 2023, [l’assurée] s’est trouvée en incapacité de travail en raison d’un état psychologique difficile dans lequel son licenciement abrupt l’a peu à peu plongée. Si la recourante ne se trouvait ainsi aucunement en incapacité de travail au moment de son affiliation à l’assurance-chômage, soit le 2 février 2023, l’impact psychologique de sa situation précaire et soudaine de demandeuse d’emploi senior a mené son psychiatre à constater son incapacité le 10 février 2023. De surcroît, le fait que la recourante se soit faite hospitaliser sur la base du diagnostic du Dr B______ 11 jours plus tard démontre que c’est bien le fait de se retrouver sans emploi qui a causé l’incapacité de [l’intéressée] ».
Ainsi, de l’aveu même de la recourante, la cause de son incapacité de travail (au sens de l’art. 13 LMC) fait suite à son licenciement avec effet immédiat, et il doit être retenu, au degré de preuve de la vraisemblance prépondérante, et compte tenu notamment de l’appréciation du Dr B______ telle qu’interprétée plus haut ainsi que du fait que l’intéressée souligne elle-même l’importance causale du caractère soudain et abrupt du licenciement par rapport à son état psychique, que cette cause est intervenue juste après la remise en mains propres de la lettre de licenciement avec effet immédiat du 30 janvier 2023 ou au plus tard le lendemain 31 janvier 2023 (date indiquée le 10 février 2023 par le Dr B______).
6.3.4 Ladite cause de l’incapacité de travail, de nature médicale, était en outre connue de l’assurée (au sens également de l’art. 13 LMC) avant son affiliation à l’assurance, comme cela ressort de ses propres allégations, quand bien même elle le nie à la fin de son recours en invoquant un cas de rigueur et en arguant – de manière non pertinente – du fait que l’employeur a attesté sa capacité de travail jusqu’à la fin des rapports de travail. Rien ne permet en effet de penser que l’intéressée n’aurait pas été consciente de son désarroi et de ses souffrances psychiques à réception de la lettre de licenciement.
C’est dès lors sans fondement que la recourante fait valoir un cas de rigueur au sens de l’art. 13, 2ème phr., LMC.
6.4 Il s’ensuit que l’incapacité de travail, sinon à tout le moins sa cause, existait avant l’affiliation de l’assurée le 2 février 2023 à l’assurance et qu’il n’y a pas de cas de rigueur.
Ceci exclut, en application de l’art. 13 LMC, tout droit de la recourante à des PCM, relativement à l’incapacité de travail ayant fait suite au licenciement avec effet immédiat du 30 janvier 2023.
7. Vu ce qui précède, la décision sur opposition querellée est conforme au droit, de sorte que le recours sera rejeté.
8. Au regard de cette issue du litige, une indemnité de dépens pour la recourante est exclue (cf. art. 89H al. 3 LPA).
La procédure est gratuite (art. 89H al. 1, 1ère phr., LPA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Christine RAVIER |
| Le président
Blaise PAGAN |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le