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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3799/2024

ATA/1491/2024 du 17.12.2024 ( FORMA ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3799/2024-FORMA ATA/1491/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 17 décembre 2024

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Alexis PAHNKE, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée



Vu le recours interjeté le 14 novembre 2024 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par A______ contre la décision sur opposition de la faculté des sciences pharmaceutiques (ci-après : la faculté) de l’Université de Genève (ci-après : l’université) du 14 octobre 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours et confirmant son élimination du Bachelor en sciences pharmaceutiques, concluant principalement au constat et au prononcé de la nullité des décisions des 7 août 2023, 23 septembre et 14 octobre 2024 et cela fait, à ce qu’il soit ordonné à la faculté de l’autoriser, à titre de « tentative dérogatoire », de repasser à la prochaine session prévue l’examen de « chimie organique pour étudiant-es en biologie et sciences pharmaceutiques », l’examen de « sciences pharmaceutiques » et l’examen de « physique générale D » en considérant les autres examens réussis comme acquis ; subsidiairement annuler les trois décisions précitées et l’autoriser à repasser les trois examens susmentionnés ; préalablement, l’effet suspensif devait être accordé et une comparution personnelle ainsi que l’audition de deux témoins, dont le docteur B______, ordonnées ;

qu’elle avait entamé ses études universitaires en faculté de médecine entre 2021 et 2023, et qu’elles n’avaient pas abouti en raison de son état de santé ; elle avait présenté des épisodes de dépression depuis 2022 ; que le traitement prescrit avait dû être arrêté en raison d’effets indésirables ; qu’elle avait continué sa psychothérapie ; qu’elle s’était inscrite en faculté des sciences afin d’effectuer un baccalauréat en sciences pharmaceutiques ; que par courrier du 7 août 2023, la faculté avait conditionné son admission à « la réussite, d’ici la session d’août/septembre 2024, de tous les examens de première année, sans redoublement possible » en application de l’art. 3 al. 1 du règlement d’études général du 17 septembre 2018 (ci-après : le règlement) ; qu’en octobre 2023 elle avait dû faire face à la perte de son oncle paternel avec lequel elle entretenait des liens très proches et qu’elle considérait comme son père ; qu’il était décédé dans les circonstances dramatiques, d’un cancer de l’estomac, sans qu’elle ne puisse le voir avant son décès, ni assister à ses funérailles ; que depuis ce décès elle avait sombré dans une profonde dépression et que son état de santé s’était continuellement dégradé avec une réactivation des symptômes anxiodépressifs impliquant des difficultés de concentration, des troubles du sommeil avec insomnie ainsi que des ruminations anxieuses ; qu’elle avait dû gérer un « deuil pathologique », soit une forme aggravée du deuil classique qui allait au-delà de la réaction du deuil compliqué en se manifestant par des symptômes graves tels que des pensées obsessionnelles sur la personne décédée, une incapacité à reprendre une vie normale, un isolement social extrême et parfois même des idées suicidaires ; que c’était dans ce contexte particulièrement difficile qu’elle avait préparé ses examens et s’était présentée aux épreuves ; qu’elle en avait réussi la majorité sans toutefois obtenir la moyenne à l’intégralité des examens ; qu’elle avait été éliminée par courrier du 23 septembre 2024 ; que son opposition du 30 septembre 2024 avait été rejetée par décision du 14 octobre 2024 reçue le 21 du même mois ;

que la décision querellée violait le principe de légalité, rendant nulles les décisions des 7 août 2023, 23 septembre et 14 octobre 2024 ; que les critères sur lesquels se fondait l’intimée pour imposer des conditions étaient inexistants et ne reposaient sur aucun fondement ; que la décision initiale, entachée de vices formels et matériels, avait généré une cascade d’événements ayant mené au prononcé de son élimination ; qu’au vu de la gravité des violations, la nullité de celle-ci devait être prononcée ;

que les décisions des 23 septembre et 14 octobre 2024 évoquaient l’art. 19 al. 1 let. a du règlement alors même que le motif invoqué par l’intimée pour prononcer l’élimination n’était pas prévu par ladite disposition ; que son droit d’être entendue avait aussi été violé dès lors qu’elle n’avait, à aucun moment, été informée, ni oralement ni par écrit, qu’un préavis de la commission RIO allait être rendu ni n’avait pu se déterminer à son propos ; que la décision ne mentionnait pas si des actes d’instruction avaient été menés ; qu’elle n’avait pas eu accès au dossier et n’avait pas pu prendre connaissance des pièces dont disposait l’autorité ; que la décision n’était pas motivée, l’intimée se contentant de faire sien le préavis ; que par ailleurs, contrairement à ce qu’avait retenu l’université, sa situation était exceptionnelle au sens de l’art. 58 al. 4 du statut de l’université du 22 juin 2011 (ci‑après : statut) ; que sous l’angle de la violation du principe de la bonne foi, elle ne pouvait s’attendre à être éliminée définitivement de la faculté en cas de non-respect des conditions découlant de dispositions qui n’évoquaient pas de telles conséquences ; que les conditions imposées aux autres étudiants étaient manifestement différentes des siennes ; que celles-ci étaient non seulement extrêmement restrictives mais ne se justifiaient par aucun motif raisonnable ; qu’elles constituaient une inégalité de traitement ; que le principe de la proportionnalité avait aussi été violé ; que lors de la décision du 7 août 2023, un rattrapage aurait pu être prévu en cas de circonstances exceptionnelles voire un travail complémentaire pour les notes inférieures à 4 à titre de remédiation ; que l’intimée n’avait pas tenu compte, dans sa décision du 14 octobre 2024, de son état de santé durant l’année 2023-2024 et des conditions physiques et psychologiques dans lesquelles elle s’était présentée aux examens ; que l’élimination était d’autant plus sévère qu’elle n’avait pas le choix, ne pouvant mettre ses études « en pause » compte tenu de son permis de séjour pour étudiante ; que malgré la situation aucune mesure moins incisive ne lui avait été proposée ; qu’elle sollicitait l’audition de son psychiatre psychothérapeute, à même de confirmer son état de santé au moment des faits et de sa tante, chez qui elle habitait ;

que l’université a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif ;

que dans sa réplique, la recourante a persisté dans ses conclusions ; qu’elle perdrait une année d’études correspondant à un tiers de son baccalauréat ; que si l’effet suspensif devait être rejeté elle serait contrainte de quitter le territoire suisse dans l’attente d’une décision de la chambre de céans ; qu’un éventuel retour en Suisse, en cas d’issue favorable, serait difficile compte tenu des conditions restrictives en matière d’octroi de titre de séjour à des fins d’études ; que la chambre de céans avait récemment autorisé un étudiant à suivre des cours dans une situation similaire ;

que dans une duplique spontanée, l’université a précisé que le raisonnement de la recourante se fondait de manière erronée sur deux règlements d’études abrogés respectivement en 2019 et 2020 ; qu’elle était soumise au règlement d’études général de la faculté des sciences entré en vigueur le 20 septembre 2021 ainsi qu’au règlement d’études du baccalauréat universitaire en sciences pharmaceutiques en vigueur depuis le 16 septembre 2019 ;

que la cause a été gardée à juger sur effet suspensif ;

considérant, en droit, l’art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de ceux‑ci, par un juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que, par ailleurs, l’art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ;

que, selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1514/2019 du 14 octobre 2019 consid. 5 ; ATA/1467/2019 du 2 octobre 2019 consid. 4 ; ATA/1430/2019 du 26 septembre 2019). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités) ;

qu’un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif ; la fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344) ;

qu’à teneur de l’art. 3.1 du règlement d’étude général de la faculté des sciences entré en vigueur le 20 septembre 2021, la faculté des sciences peut admettre des étudiants à titre conditionnel lorsque l’étudiant a déjà changé une fois de cursus universitaire sans avoir réussi les études partielles entreprises jusque-là ;

que selon l’art. 58 al. 4 du statut de l’université, la décision d’élimination est prise par la doyenne de la faculté, laquelle tient compte des situations exceptionnelles ;

que la décision querellée porte sur l’élimination de la recourante du baccalauréat universitaire en sciences pharmaceutiques en raison du fait qu’elle n’a pas rempli la condition de réussite de l’année propédeutique en deux semestres sans redoublement possible qui lui avait été fixée le 7 août 2023 ;

que, s’agissant d’une décision négative, seule entre en considération l’hypothèse de mesures provisionnelles, permettant à l’intéressée d’être admise audit baccalauréat pendant la durée de la procédure de recours ;

que de jurisprudence constante, la chambre administrative, lorsqu’elle en est requise dans le cadre des recours dont elle est saisie contre des décisions d’élimination, refuse généralement de restituer l’effet suspensif ou de prononcer des mesures provisionnelles autorisant l’étudiant à poursuivre ses études (ATA/1474/2019 du 4 octobre 2019 ; ATA/879/2019 du 13 mai 2019 ; ATA/103/2019 du 30 janvier 2019) ;

que par courrier du 7 août 2023 la recourante a été autorisée à entrer en première année en baccalauréat en sciences pharmaceutiques aux conditions d’avoir réussi, d’ici la session d’août-septembre 2024, tous les examens de première année, sans doublement possible ; qu’elle n’a pas contesté à l’époque le contenu de ce courrier ; que, à première vue, elle ne conteste pas les notes reçues mais l’existence d’une base légale ; qu’elle a toutefois produit, de prime abord, un règlement qui ne serait pas applicable pour fonder son argumentation ;

que, prima facie, sa situation n’est pas comparable aux autres étudiants, compte tenu du fait qu’elle a déjà changé une fois de cursus universitaire sans avoir réussi les études partielles de médecine entreprises jusque-là au sens de l’art. 3.1 du règlement précité ;

que même à considérer qu’une violation de son droit d’être entendue aurait été commise au stade de l’opposition, elle pourrait, de prime abord, être réparée devant la chambre de céans ;

que les conditions d’application de l’art. 58 al. 4 du statut sont strictes et n’apparaissent, à première vue, pas remplies au vu de la jurisprudence constante de la chambre de céans dans de pareilles situations ; que l’octroi des mesures provisionnelles requises reviendrait à lui accorder ce qu’elle réclame au fond, ce qui est en principe prohibé (ATA/1609/2017 du 13 décembre 2017) ; qu’il n’apparait prima facie aucune circonstance particulière au sens de la jurisprudence qui justifierait une exception à cette règle (ATA/90/2012 du 16 février 2012) ; que, sans nier les souffrances endurées par la recourante à la perte de son oncle, le cas jurisprudentiel évoqué par celle-ci n’est pas similaire, l’étudiant concerné ayant perdu un proche par mort violente (suicide) quelques jours seulement avant ses examens ;

que la recourante possède un intérêt à éviter, en cas d’admission du recours, l’interruption de ses études pendant le temps pris par la procédure pour atteindre son terme ; que cela étant, cet intérêt privé doit céder le pas à l’intérêt public de l’intimée à ce que ne soient admis à la formation convoitée que les étudiants en remplissant les conditions académiques (ATA/292/2021 précité ; ATA/952/2020 du 24 septembre 2020 ; ATA/1135/2019 du 9 juillet 2019 ; ATA/367/2018 du 18 avril 2018 consid. 6) ; que cet intérêt public est également important au regard du principe de l’égalité de traitement entre étudiants ;

que les chances de succès du recours ne paraissent, de prime abord et sans préjudice de l’examen au fond, pas à tel point évidentes qu’il conviendrait d’octroyer les mesures sollicitées ;

qu’au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, l’intérêt public à l’exécution immédiate de la décision querellée l’emporte sur l’intérêt privé de la recourante à pouvoir réintégrer le Bachelor en sciences pharmaceutiques, si bien que la requête, traitée comme une demande de mesures provisionnelles, doit être rejetée ;

que les frais de la procédure seront réservé jusqu’à droit jugé au fond ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Alexis PAHNKE, avocat de la recourante ainsi qu’à l’Université de Genève.

 

 


Le président :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :