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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2582/2024

ATA/1090/2024 du 17.09.2024 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2582/2024-MARPU ATA/1090/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 septembre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA recourante

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OCBA intimé

_________



EN FAIT

A.           Par décision du 30 juillet 2024, le service achats et contractualisation du département du territoire (ci-après : le département) a écarté l'offre présentée par A______ SA (ci-après : A______) à la suite de l'appel d'offres pour l'« installation d’un groupe froid de secours au quai Ernest-Ansermet 30 – CFC 246 – Installation de refroidissement » dans le cadre d'un marché public en procédure ouverte nationale non soumise aux accords internationaux et soumise à l'accord intercantonal sur les marchés publics « révisé du 15 mars 2001 » (AIMP - L 6 05) et au règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01).

A______ avait joint une attestation exigée – certifiant, pour le personnel appelé à travailler sur territoire genevois, soit que le soumissionnaire était lié par la convention collective de travail applicable à Genève dans la branche pour laquelle il soumissionnait, soit qu’il avait signé auprès de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) – qui était échue.

B. a. Par acte remis à la poste le 7 août 2024, A______, s’adressant à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), s’est excusée pour avoir joint à son offre une attestation échue.

Elle n’était pas coutumière de cette erreur et, certaine que sa proposition restait très concurrentielle autant sur les points techniques que financiers, elle « demandait un recours » auprès de la chambre administrative et transmettait l’attestation valide.

b. Le 13 août 2024, le département a conclu au rejet du recours.

L’attestation visée par l’annexe P2+ devait dater de trois mois au plus, à défaut de quoi l’offre serait exclue, ainsi qu’il ressortait du ch. 3.6 du dossier d’appel d’offres.

L’annexe accompagnant l’offre remise par A______ le 10 juin 2024 avait été émise le 16 janvier 2024 et datait de plus de trois mois.

c. A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti au 26 août 2024.

d. Le 29 août 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté contre une décision d'exclusion, en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 AIMP ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. c et 56 al. 1 RMP).

2.             Le recours est très succinct et ne contient pas de conclusion formelle.

2.1 Selon l'art. 65 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d'irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA). Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/533/2016 du 21 juin 2016 consid. 2b ; ATA/29/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2b).

L'exigence de motivation de l'art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/64/2021 du 19 janvier 2021 consid. 2). L'exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que la personne recourante désire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_823/2017 du 23 mars 2018 consid. 4 ; ATA/1337/2020 du 22 décembre 2020 consid. 2c).

2.2 En l'espèce, bien que la recourante ne conclue pas expressément à l'annulation de la décision d'exclusion, on comprend de son acte qu'elle conteste celle-ci, son offre conservant par ailleurs toutes ses qualités.

3.             Le litige a pour objet l’exclusion de l’offre de la recourante au motif que l’attestation fournie datait de plus de trois mois.

3.1 Le droit des marchés publics a pour but d'assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires et de garantir l'égalité de traitement et l'impartialité de l'adjudication à l'ensemble de ceux-ci (art. 1 al. 3 let. a et b AIMP). En particulier, le principe d'égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 1 et 2 RMP ; ATA/165/2011 du 15 mars 2011 consid. 6).

3.2 Pour être considérées en vue de l'adjudication, les soumissions doivent être conformes, au moment de leur ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres, et avoir été déposées par un fournisseur remplissant les conditions de participation (art. XIII al. 4 let. a de l'Accord GATT/OMC du 15 avril 1994 sur les marchés publics ‑ AMP ‑ RS 0.632.231.422). La procédure d'examen de l'aptitude des soumissionnaires doit suivre des critères objectifs et vérifiables (art. 13 let. d AIMP).

3.3 L'art. 32 al. 1 RMP, intitulé « conditions de participation », prévoit que ne sont prises en considération que les offres accompagnées, pour le soumissionnaire et ses sous-traitants, des documents suivants : (a) attestations justifiant que la couverture du personnel en matière d'assurances sociales est assurée conformément à la législation en vigueur au siège du soumissionnaire et que ce dernier est à jour avec le paiement de ses cotisations ; (b) attestation certifiant pour le personnel appelé à travailler sur territoire genevois : (1°) soit que le soumissionnaire est lié par la convention collective de travail de sa branche, applicable à Genève, (2°) soit qu'il a signé, auprès de l'office cantonal, un engagement à respecter les usages de sa profession en vigueur à Genève, notamment en ce qui concerne la couverture du personnel en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d'assurance‑accident et d'allocations familiales ; (c) attestation de l'autorité fiscale compétente justifiant que le soumissionnaire s'est acquitté de ses obligations en matière d'impôt à la source retenu sur les salaires de son personnel ou qu'il n'a pas de personnel soumis à cet impôt ; (d) déclaration du soumissionnaire s'engageant à respecter le principe de l'égalité entre femmes et hommes.

Il ressort du texte de cette disposition (« offres accompagnées [...] des documents suivants ») que c'est bien au moment du dépôt de l’offre que les différentes attestations doivent être remises – en même temps que celle-ci – au pouvoir adjudicateur.

3.4 L'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L'autorité adjudicatrice rend une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours (art. 42 al. 3 RMP).

3.5 Le dossier d’appel d’offres du 13 mai 2024 indique que si l’offre n’est pas accompagnée des attestations demandées par l’adjudicateur, d’une durée de validité maximum de trois mois (cette dernière précision en caractères gras et soulignés), elle sera exclue (ch. 3.6 p. 6).

3.6 Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises (ATA/243/2020 du 3 mars 2020 consid. 4d ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 et les références citées), notamment lorsqu'elle a confirmé des décisions d'exclusion d'offres fondées sur la non-production des attestations requises dans l'appel d'offres au titre de condition de participation à la procédure de soumission (ATA/188/2021 du 23 février 2021 consid. 5 : ATA/1208/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5 ; ATA/604/2021 du 8 juin 2021 consid. 8). L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP (ATA/243/2020 précité consid. 4d ; ATA/794/2018 du 7 août 2018 et les références citées ; ATA/1446/2017 du 31 octobre 2017). Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l'obligation d'assurer l'égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation. La conformité au droit de cette approche formaliste a été confirmée par le Tribunal fédéral (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.4).

Toutefois, l'interdiction du formalisme excessif, tirée de l'art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d'exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d'un vice qui ne compromet pas sérieusement l'objectif visé par la prescription formelle violée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.1 ; 2D_50/2009 du 25 février 2010 consid. 2.4). Ainsi, des erreurs évidentes de calcul et d'écriture peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires (art. 40 et 41 RMP). Le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive. L'autorité adjudicatrice dispose d'un certain pouvoir d'appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/384/2018 du 24 avril 2018 ; ATA/490/2017 du 2 mai 2017). L'interdiction du formalisme excessif ne l'oblige cependant pas à interpeller un soumissionnaire en présence d'une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.5).

Ces principes valent notamment pour la phase d'examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l'autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d'évaluation et il est exclu d'autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents. En matière d'attestations à produire, l'autorité adjudicatrice peut attendre du soumissionnaire qu'il présente les documents requis, rédigés d'une manière qui permette de déterminer, sans recherche complémentaire, si celui-ci remplit les conditions d'aptitude ou d'offre conformes à ce qui est exigé dans le cahier des charges (ATA/1208/2020 précité consid. 6 ; ATA/588/2018 du 12 juin 2018 consid. 3b).

3.7 En l’espèce, la recourante ne conteste pas que l’attestation qu’elle a jointe à son offre avait dépassé la durée de validité exigée par l’appel d’offres.

L’intimé était donc non seulement fondé à prendre une décision d'exclusion, mais il ne pouvait prendre une autre décision sous peine, vu le texte clair de l’art. 42 al. 1 RMP, de contrevenir au principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires. La remise, par la suite, de l'attestation établie depuis moins de trois mois, avec recours devant la chambre de céans, n'y change rien.

La décision d'exclusion ne prête ainsi pas le flanc à la critique.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 août 2024 par A______ SA contre le décision du département du territoire - OCBA du 30 juillet 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA, au département du territoire - OCBA, ainsi qu'à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

Le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :