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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/278/2024

ATA/989/2024 du 20.08.2024 sur DITAI/241/2024 ( LCI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/278/2024-LCI ATA/989/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 août 2024

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

représenté par SKS CONSULTANTS Sàrl, mandataire, soit pour elle

Mohamad FARJANI

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC intimé

_________


 

Recours contre la décision sur appel en cause du Tribunal administratif de première instance du 10 avril 2024 (DITAI/241/2024)


EN FAIT

A. a. La parcelle n° 2'601 de la commune de Chancy (ci-après : la commune), sise route B______ en zone de bois et forêts, est située dans le périmètre de protection générale des rives du Rhône délimité par le plan 1______ et inscrite à l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale (ci‑après : IFP) n° 1204 « Rhône genevois – vallons de l’Allondon et de la Laire ».

À teneur du registre foncier, elle abrite un premier bâtiment - cadastré sous n° 2______ - d’une surface de 10 m2, ainsi qu’un second bâtiment - cadastré sous n° 3______ - d’une surface de 17 m2.

Elle appartient à A______ suite au legs effectué par son ancien propriétaire, feu C______, décédé le ______ 2023.

b. Par requête enregistrée par le département du territoire (ci-après : le département) le 10 novembre 2022 sous le n° DD 4______/1, A______ a sollicité la délivrance d’une autorisation de construire dont l’objet était « demande de régularisation I‑5______ – construction d’un cabanon ».

c. Dans le cadre de l’instruction de cette requête :

-       l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN), l’office cantonal de l’eau (ci‑après : OCEau), la direction de l’information du territoire (ci-après : DIT) et la police du feu ont rendu des préavis favorables, sans observations ou sous conditions respectivement les 16 novembre, 6 décembre, 21 novembre et 18 novembre 2022 ;

-       la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a requis la production de pièces complémentaires et/ou la modification du projet les 16 novembre 2022, 17 mars 2023, 23 mai 2023, tout en mentionnant des dérogations aux art. 11 de la loi genevoise sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) et 15 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L2 05) ; elle a encore sollicité, le 19 juin 2023, la production de plans et coupes indiquant les zones inconstructibles, notamment la lisière forestière, ainsi que le bâtiment à déplacer en jaune ;

-       la commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB) a émis un préavis défavorable le 21 novembre 2022, en relevant toutefois que la construction existante ne portait pas atteinte à la lisière forestière. Elle a ensuite confirmé, le 24 mars 2023, qu’elle se prononçait défavorablement, dès lors qu’il n’y avait pas matière à déroger à l’art. 11 LForêts avant d’indiquer, le 10 juillet 2023, qu’elle n’était pas concernée, tout en précisant que le projet avait été déplacé à plus de 20 m de la lisière forestière ;

-       l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) a sollicité, le 6 décembre 2022, la production de l’autorisation originelle relative au bâtiment n° 3______ et, dans l’hypothèse où la régularisation portait sur un agrandissement du bâtiment précité dûment autorisé avant 1972, du formulaire B03. La rubrique « remarques » précisait que le bâtiment n° 3______ semblait avoir été présent sur la parcelle depuis 1972 ; s’il avait été dûment autorisé en son temps, il pouvait bénéficier de la garantie de la situation acquise selon l’art. 27C de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) ; il appartenait au requérant d’en fournir la démonstration ;

par préavis des 5 avril et 3 juillet 2023, l’OU s’est prononcé défavorablement ; la construction n’ayant pas été autorisée, elle ne pouvait bénéficier de la garantie de la situation acquise ; les modifications apportées dans la version du projet du 19 juin 2023 n’avaient pas d’incidence sur son préavis, qui demeurait inchangé ;

-       la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a émis un préavis favorable avec dérogations le 12 décembre 2022 ; elle n’était pas opposée à l’application d’une dérogation fondée sur l’art. 11 let. b LForêts et se prononçait favorablement quant à la demande de régularisation du bâtiment, compte tenu du fait que la construction serait utilisée à des fins pédagogiques (classes découvertes du centre ornithologique) ;

-       par préavis du 12 décembre 2022, le service des monuments et des sites (ci‑après : SMS) s’est prononcé favorablement avec dérogation, tout en se référant au préavis de la CMNS ;

-       après s’être prononcée favorablement le 12 décembre 2022 à condition qu’il soit démontré par le propriétaire que la construction était imposée par sa destination (projet ornithologique), la commune a émis un préavis favorable sans observations le 17 avril 2023 ;

-       les 14 décembre 2022 et 13 et 14 avril 2023, l’office cantonal de la nature et de l’agriculture (ci-après : OCAN) s’est prononcé défavorablement ; une dérogation à l’art. 11 LForêts ne se justifiait pas ; la construction pouvait aisément être implantée à 20 m de la lisière forestière et le respect de cette distance devrait être formellement constaté en cas de dépôt d’une nouvelle version du projet ;

après avoir rendu un préavis favorable sous conditions le 11 juillet 2023, l’OCAN – nonobstant la modification du projet, le 16 juin 2023, afin notamment de déplacer la construction concernée hors de la limite forestière – a à nouveau émis un préavis défavorable le 25 septembre 2023, considérant que le déplacement du cabanon n’était pas rationnel en matière de conservation des espèces ; la prairie abritait une espèce menacée et protégée au niveau fédéral qui serait impactée par la déconstruction et reconstruction du cabanon ; l’installation de chantier et les travaux y relatifs ne pouvait être autorisés dès lors que ceux-ci auraient un impact négatif sur l’habitat de l’espèce protégée (art. 20 de l’ordonnance du 16 janvier 1991 sur la protection de la nature et du paysage (OPN - RS 451.1).

d. Par décision du 5 décembre 2023, le département a refusé de délivrer l’autorisation DD 4______/1.

Le projet contrevenait aux art. 24c LAT, 23 al. 2 et 27c LaLAT, 20 OPN, 11 LForêts et 3 al. 1 loi sur la protection générale des rives du Rhône du 27 janvier 1989 (LPRRhône - L 4 13).

Il faisait siens les préavis défavorables de l’OCAN des 14 décembre 2022, 14 avril 2023 et 25 septembre 2023, ainsi que de l’OU du 3 juillet 2023. Il soulignait que, dans le périmètre de protection des rives du Rhône, aucune construction nouvelle ne pouvait être érigée, sous réserve de constructions d’utilité publique imposées par leur destination.

Pour le surplus, la construction n’ayant pas été autorisée, elle ne pouvait bénéficier de la garantie de la situation acquise. Sa vétusté avant travaux démontrait que les travaux effectués visaient à en permettre une conservation au-delà de sa durée de vie. D’après le courrier d’C______ du 15 août 2022, produit dans le cadre de la procédure d’infraction I-8'215 liée, A______, avait procédé au remplacement de l’ancienne construction, qui menaçait de s’effondrer, entre 2019 et 2022. Dans ce cadre, le bâtiment avait notamment été rehaussé de 70 cm et le toit avait été intégralement changé, passant d’un revêtement en tôle à un revêtement en tuiles.

Par économie de procédure, il était renoncé à demander au requérant de faire suite à la demande de complément sollicitée par la DAC le 19 juin 2023.

B. a. Par acte du 20 janvier 2024, A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant principalement à son annulation, subsidiairement à l’appel en cause du D______ (ci-après : D______), à la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties, à l’audition de témoins et la régularisation de la situation acquise du cabanon.

Au plus tard en 1957, un cabanon avait été érigé sur la parcelle n° 2'601. Son propriétaire de l’époque avait été sanctionné par le Conseil d’État, par décision du 12 novembre 1970, d’une amende et d’un ordre de démolition qui n’avait pas été suivi d’effet. Lors de l’acquisition de cette parcelle, C______, informé de la situation par l’ancien propriétaire, était parti du principe que le paiement de l’amende avait réglé le problème, conforté en cela par les nombreuses années de possession sans intervention des autorités. Toutefois, C______ avait reçu un ordre de démolition le 7 avril 1986, à l’encontre duquel il avait recouru en sollicitant le maintien de la construction sa vie durant. Après que la Chancellerie d’État avait indiqué au précité, le 27 mai 1986, qu’elle prendrait connaissance de sa requête lors de sa prochaine séance, ce dernier n’avait plus eu de nouvelles.

En 2018, en raison de problèmes de santé, C______ avait fait appel à lui pour entretenir cette parcelle, par le biais d’un accord prévoyant qu’il en hériterait. Depuis lors, il avait entretenu cette parcelle et le cabanon et avait mis en place des nichoirs, nécessaires à la reproduction des oiseaux et à la sécurité de leur migration.

Un partenariat avait vu le jour avec le président-fondateur du D______ afin de créer des ateliers éducatifs sur cette parcelle, visant l’observation des espèces protégées. Il y avait également créé un biotope, faisant de cette parcelle une aire privilégiée sur le couloir migratoire du Fort l’Écluse, mondialement reconnu. Il avait ajouté au cabanon des éléments décoratifs intérieurs, avait procédé, dès le début de la jouissance, à l’entretien du bardage et avait repeint l’extérieur au moyen de matériaux conformes aux normes écologiques. Il avait en outre réalisé le faîtage du toit par ajout de bois et de tuiles en terre cuite naturelle adaptées pour les oiseaux. Il avait de plus initié des projets éducatifs, notamment le lâcher de faucons crécerelles, et encouragé l’observation d’oiseaux migrateurs dans un cadre protégé. Il souhaitait y accueillir des scouts et y avait déjà reçu des élus locaux et de jeunes réfugiés ukrainiens, afin d’intégrer cette parcelle dans la vie communautaire.

Durant l’été 2022, après avoir été informé par C______ d’un contentieux concernant le cabanon existant, il avait indiqué à ce dernier avoir lui-même érigé, entre 2019 et 2021, un autre cabanon, à quelques mètres de celui existant. C______ lui avait alors expliqué que la dénonciation portait sur le cabanon construit avant 1957, dont le cas serait rapidement résolu en raison de l’existence d’un droit acquis.

La décision de refus querellée violait son droit d’être entendu. Le département avait fait siennes les explications d’une personne âgée et gravement malade, avec pour conséquence une compréhension erronée de la situation, fondée sur des renseignements indirects. Alors qu’il était pourtant le principal concerné, il n’avait jamais eu l’opportunité de se déterminer sur les affirmations d’C______ ni d’accéder aux documents pertinents ou d’assister à une visite sur site, qui aurait permis de constater que le second cabanon, construit par ses soins entre 2019 et 2021, était encore en travaux et qu’C______ avait mélangé des informations relatives aux deux cabanons. L’absence de prise en compte par l’autorité intimée du second cabanon avait en outre créé une confusion et empêché cette dernière d’appréhender la situation dans son ensemble.

Les principes de la bonne foi et de la confiance avaient également été violés. La prise de connaissance par le Conseil d’État, en 1986, de la requête de maintien du cabanon formulée par C______ ne pouvait être interprétée autrement que comme une acceptation tacite. Il en allait de même de l’absence d’intervention pour régulariser cette structure durant plus de 45 ans. Ainsi, C______ avait été légitimement convaincu de l’existence d’un droit acquis, dont il pouvait lui-même se prévaloir.

En outre, les instructions contradictoires des autorités avaient engendré une impression de tromperie et il avait engagé des sommes considérables pour répondre à des exigences changeantes. Ainsi, certaines instances de préavis s’étaient d’abord prononcées favorablement avant de changer d’avis. L’OCAN avait notamment refusé sa proposition tendant à déplacer le cabanon pour que la distance à la forêt soit, comme demandé, respectée, au motif que celle-ci nuirait à l’habitat d’espèces protégées. Or, un éventuel ordre de destruction de ce cabanon nuirait tout autant à ces mêmes espèces. Enfin, l’OPN, la LForêts et la LPRRhône avaient été promulguées après la construction du cabanon litigieux de sorte qu’elles n’étaient, sous l’angle de la situation acquise, pas pertinentes.

L’allégation selon laquelle il aurait lui-même érigé le cabanon litigieux était erronée, reposant sur les assertions d’un homme âgé et malade qui avait confondu les deux cabanons présents sur la parcelle. Il avait effectué sur le cabanon existant – qui faisait partie du paysage depuis plus de 70 ans - des travaux esthétiques de rénovation qui n’avaient pas contribué à allonger sa durée de vie mais avaient au contraire conservé son intégrité originelle, tout en permettant l’accueil optimal de projets pédagogiques et d’espèces migratoires sensibles.

Enfin, la décision querellée était disproportionnée au vu des intérêts en présence et constitutive de formalisme excessif. Outre le fait de priver des enfants d’une expérience éducative et ludique et de compromettre une association dédiée à la protection des oiseaux migrateurs, la destruction du cabanon entraînerait des dommages significatifs pour la faune locale. Le courrier, joint, du président‑fondateur du D______ du 10 janvier 2023, biologiste, ornithologue et expert, attestait de l’importance de ce lieu sur le plan ornithologique et du fait que toutes les activités menées par le D______ sur ce terrain n’auraient pu avoir lieu sans la mise à disposition du cabanon. Son intérêt privé avait en outre été négligé puisqu’il risquait de perdre un investissement conséquent et de devoir contrevenir à la volonté d’un défunt. Enfin, aucune solution alternative à la mesure ultima ratio contestée n’avait été étudiée.

b. Le 12 janvier 2024, le département s'en est rapporté à justice s’agissant de la demande d’appel en cause formulée par le recourant.

c. Le 2 avril 2024, le département a conclu au rejet du recours.

Aucune violation du droit d’être entendu d’A______ n’était à déplorer. Des demandes de complément lui avaient été adressées à trois reprises durant l’instruction de sa demande. Vu sa qualité de requérant, il avait accès au dossier et avait pu faire valoir son point de vue, ce que démontraient les correspondances figurant au dossier. Il se limitait en outre à exposer des hypothèses à propos desquelles il aurait pu s’exprimer, sans démontrer en quoi ses déterminations auraient eu une incidence sur la décision de refus querellée, fondée sur la non‑conformité du projet à la zone et sur la non-réalisation des conditions permettant l’application du régime dérogatoire. Quant au second cabanon qu’il prétendait avoir édifié, il n’apparaissait pas sur les plans déposés, de sorte que ses allégations y relatives n’étaient pas pertinentes.

La décision litigieuse respectait le principe de la bonne foi, étant rappelé qu’elle portait sur une décision de refus et non sur un ordre de remise en état. Rien ne permettait d’affirmer que le Conseil d’État avait accepté la requête de maintien du cabanon formulée par C______. De plus, même s’il avait émis, à une reprise, un préavis favorable, l’OCAN avait ensuite reconsidéré sa position dans son dernier préavis. En outre, ce seul préavis positif – consultatif – ne constituait pas une assurance de l’administration, A______ ne démontrant d’ailleurs pas quelles dispositions il aurait prises à sa suite.

Les explications d’A______ relatives à l’identité du cabanon ne lui étaient d’aucun secours. Dès lors qu’il n’avait pas prouvé que ce cabanon avait été autorisé, il ne pouvait bénéficier de la garantie de la situation acquise au sens de l’art. 24c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700).

Enfin, aucune violation de l’art. 24 LAT, sous l’angle de la pesée des intérêts, n’était à déplorer. A______ n’avait pas démontré, ni même allégué, que l’implantation du cabanon était imposée par sa destination et que celui-ci ne pouvait être érigé en zone à bâtir. De plus, l’accueil d’élèves aurait un impact certain sur la parcelle en cause, alors même que, comprise dans le périmètre de protection générale des rives du Rhône et inscrite à l’IFP, elle bénéficiait d’une double protection.

d. Par décision du 10 avril 2024, le TAPI a rejeté la demande d’appel en cause.

Il n’apparaissait pas que le D______ bénéficiait d’un intérêt suffisant, nécessaire au sens de l’art. 71 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), à être appelé en cause dans le cadre de la procédure.

A______ n’avait pas spécifiquement motivé, dans son recours, sa demande subsidiaire d’appel en cause en faveur du D______, nonobstant le fait qu’il supportait le fardeau de la preuve.

Il ressortait certes du courrier daté du 10 janvier 2023 (recte : 2024) et adressée par le président-fondateur du D______ à A______, produit par ce dernier en annexe de son recours, que la parcelle n° 2'601 était mise à disposition du D______ depuis début 2022, que des ateliers et activités, nécessitant la présence du cabanon, y étaient organisés par le D______ et que ce dernier avait posé de nombreux nichoirs sur ce cabanon et sur les arbres fruitiers présents sur la parcelle.

Toutefois, il n’avait pas été démontré que l’utilisation par le D______ du cabanon litigieux se basait sur un quelconque droit pérenne dont le D______ pouvait, cas échéant, se prévaloir. Il semblait au contraire que le D______ bénéficiait d’une utilisation à bien plaire de la parcelle d’A______ et du cabanon qu’elle abritait, dans le cadre d’une collaboration, comme expliqué par A______.

On ne pouvait donner une suite favorable à la demande d’appel en cause d’une entité dont le lien, factuel uniquement, avec l’ouvrage faisant l’objet de la décision de refus d’autorisation litigieuse était susceptible de fluctuer, voire de disparaître, en cours de procédure, sauf à étendre la portée de l’institution de l’appel en cause, contrairement aux principes posés par la jurisprudence.

C. a. Par acte remis à la poste le 24 avril 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que l’appel en cause soit admis.

En refusant d’appeler en cause le D______, qui collaborait étroitement avec lui sur plusieurs projets pérennes concernant son terrain, la décision le « ciblait directement de manière spécifique » et lui octroyait un intérêt particulier, de sorte qu’il avait la qualité pour recourir.

Il n’avait fait appel à son mandataire, SKS CONSULTANTS Sàrl, que le 19 janvier 2024, de sorte qu’il n’avait pu consacrer que des développements sommaires à la conclusion subsidiaire sur appel en cause.

Le courrier du fondateur du D______ avait été établi en janvier 2024, et non 2023. Il exprimait la volonté de pérenniser les activités sur la parcelle entre autres par la poursuite de projets d’implantation d’haies diversifiées courant 2024 pour y accueillir des espèces.

La mise à disposition de la parcelle avait débuté en janvier 2022 et elle avait été pérennisée par une convention entre A______ et le D______ le 30 mars 2023, après qu’A______ fût devenu propriétaire par succession le 6 janvier 2023. La convention prévoyait une mise à disposition « pérenne » puisque la durée convenue était de 20 ans.

On ne pouvait pas exiger du D______, qui n’était pas partie à la procédure, qu’il allègue sous peine d’irrecevabilité les faits qu’il considérait comme propres à fonder sa qualité pour agir.

Quoi qu’il en soit, le D______ était une association à but non lucratif et reconnue d’intérêt public, active dans toute la Suisse romande depuis près de 50 ans. En 2022, elle avait pris en charge 2'400 oiseaux. Elle remplissait les conditions posées par la LPA aux associations pour recourir.

Le D______ disposait depuis 2022 et de manière pérenne de la mise à disposition de la parcelle litigieuse pour exercer l’une de ses principales activités, soit la protection des oiseaux et en particulier des espèces menacées.

Or, la parcelle était située précisément sous le couloir migratoire appelé Défilé du Fort l’Écluse. Les oiseaux migrateurs l’empruntaient, y faisaient halte et y nichaient une partie importante de l’année, dans un endroit privilégié pour leur sauvegarde et leur protection, précisément assurées par les activités déployées par le D______, qui y apposait des nichoirs sur la cabane litigieuse, procédait à l’aménagement de haies et y organisait des activités de sensibilisation à la protection de la nature et de la faune.

Si elle devait être privée de la jouissance de cette parcelle, en raison du maintien de la décision du département, elle ne pourrait plus exercer ses buts idéaux. La décision à rendre au fond devait lui être opposable.

b. Le 27 mai 2024, le département s’en est rapporté à justice.

Il s’étonnait que le document intitulé « convention », établi supposément en 2023, n’ait été ni produit ni même évoqué devant le TAPI.

Dans son courrier du 10 janvier 2024, le D______ présentait rigoureusement le contexte de sa collaboration avec le recourant sans jamais évoquer l’existence d’une quelconque convention entre les parties mais uniquement une mise à disposition à bien plaire de la parcelle.

c. Le 12 juillet 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il s’était contenté de produire le courrier du 10 janvier 2024 du D______ devant le TAPI, pensant qu’il serait suffisant pour établir la mise à disposition. Ce n’était qu’à la lecture des doutes du TAPI sur la pérennité du droit du D______ qu’il avait estimé nécessaire de produire la convention.

d. Le 16 juillet 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             La chambre administrative examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/660/2022 du 23 juin 2022 consid. 1 et les références mentionnées).

1.1 Interjeté devant l'autorité compétente et dans le délai de dix jours prescrit par l'art. 62 al. 1 let b LPA , le recours est recevable sous ces deux aspects (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05), la décision ordonnant l’appel en cause étant une décision incidente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_234/2011 du 23 août 2011 consid. 3.2 ; ATA/64/2014 du 4 février 2014 consid. 3), ce qu’aucune partie ne conteste.

1.2 Selon l'art. 57 let. c LPA in initio, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités). Cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss). Elle a néanmoins été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_1156/2018 consid. 4.3).

La jurisprudence considère que les décisions admettant un appel en cause n'occasionnent pas de préjudice irréparable (ATF 132 I 13 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1). Il en va différemment des décisions refusant un appel en cause (ATF 134 III 379 consid. 1.1 ; 132 I 13 consid. 1.1). Sans doute l'appelé en cause peut-il se trouver impliqué contre son gré dans une procédure pendante entre des tiers en cas d'attraction au procès. Il ne s'agit toutefois pas d'un dommage irréparable, car il conserve la faculté de contester la décision finale qui lui donnerait tort, en faisant valoir soit que les conditions de l'appel en cause n'étaient pas réalisées en l'espèce, soit que cette décision a mal appliqué le droit sur le fond. La situation n'est pas différente pour les autres parties à la procédure. L'intervention d'une partie supplémentaire ne cause pas un préjudice irréparable ; le fait que l'appel en cause intervienne le cas échéant en dernière instance cantonale n'y change rien (arrêt du Tribunal fédéral 1C_11/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2.2).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

1.3 En l’espèce, le TAPI a retenu qu’il n’apparaissait pas que le D______ bénéficiait d’un intérêt suffisant, nécessaire selon l’art. 71 LPA pour être appelé en cause. Le recourant n’avait pas spécifiquement motivé sa demande d’appel en cause, alors qu’il supportait le fardeau de la preuve.

Dans son recours contre le refus d’appeler le D______ en cause, le recourant fait valoir que la décision du TAPI « cible directement le recourant et de manière spécifique en refusant d’appeler en cause le D______, qui collabore avec lui sur plusieurs projets pérennes concernant son terrain, et notamment le cabanon litigieux, lui octroyant ainsi un intérêt particulier ».

Il y a ainsi lieu d’examiner si le recourant est exposé à un préjudice irréparable par le refus d’appeler en cause le D______.

Le litige porte sur la régularisation du cabanon dont le département dit qu’il a été reconstruit par le recourant sur la parcelle.

Le département a refusé la régularisation au motif qu’elle était contraire à l’art. 11 al. 1 LForêts en raison de la distance à la lisière de la forêt, et qu’elle ne pouvait bénéficier d’une exception, car le déplacement du cabanon n’était pas rationnel en matière de conservation des espèces, la prairie abritant une espèce menacée. Par ailleurs, elle n’avait pas été autorisée et ne pouvait bénéficier de la garantie de la situation acquise de l’art. 27c LaLAT : le recourant avait procédé au remplacement de l’ancienne construction, qui menaçait de s’effondrer, la rehaussant notamment de 70 cm et la couvrant d’un toit de tuiles. Enfin, dans le périmètre de protection des rives du Rhône, aucune construction nouvelle ne pouvait être érigée, à l’exception de constructions d’utilité publique imposées par leur destination (art. 3 al. 1 LPPRhône).

Dans son recours contre le refus de régularisation, le recourant se prévaut d’une situation acquise de longue date et de l’attitude contradictoire de l’autorité, le précédent propriétaire ayant pu croire de bonne foi que le silence qui avait suivi sa requête de 1986 valait acceptation. Il se plaint de l’attitude changeante de l’autorité dans la présente procédure, qui l’avait initialement poussé à projeter de déplacer le cabanon par rapport à la lisière de la forêt. Il fait valoir qu’il n’a pas transformé la construction existante, se cantonnant à des travaux d’embellissement tels le ponçage, le vernissage et la peinture, dans le dessein d’accueillir des projets ornithologiques. Il reproche enfin au département de n’avoir pas correctement pesé les intérêts en présence. « Outre le fait de priver les enfants d’une expérience éducative et ludique, et de compromettre une association dédiée à la protection des oiseaux migrateurs, la destruction du cabanon entraînerait également des dommages significatifs à la faune locale, ce qui représente une préoccupation d’intérêt public majeur, aussi bien pour nos futures générations que pour la protection de l’environnement ». C’est dans ce cadre qu’il fait valoir un intérêt général à l’appui d’une dérogation en faveur du cabanon, dont l’emplacement serait imposé par sa destination.

Force est de constater que les griefs du recourant relatifs à la situation acquise sont sans rapport avec l’activité du D______. Le recourant ne rend par ailleurs pas vraisemblable que le fait que le D______ ne soit pas partie à la procédure l’empêcherait de faire valoir efficacement ses arguments en matière d’environnement, de protection de l’avifaune à l’appui de l’octroi d’une exception au principe d’inconstructibilité du terrain. Il a pu produire devant le département et le TAPI les pièces nécessaires pour asseoir son argumentation.

Cela étant, le recourant a produit la convention du 30 mars 2023 le liant au D______. Il ne fait, certes, pas valoir que le rejet de son recours l’exposerait à une action du D______ fondée sur la convention. Cependant, celle-ci stipule une mise à disposition gracieuse de la parcelle pour une durée de 20 ans « dans le but de favoriser un biotope ainsi que la nidification et la protection de différentes espèces d’oiseaux sauvages faisant halte sur la parcelle, de développer des projets scientifiques, des observations ainsi que des ateliers pédagogiques théoriques et pratiques en lien avec l’avifaune » (art. 4 al. 2). Elle ne prévoit pas de clause pénale mais prévoit la résiliation anticipée avec un préavis d’un an lorsque, du fait de circonstances graves, son exécution devient intolérable (art. 2).

La procédure au fond n’a, certes, en vue que le cabanon, de sorte que les prestations promises au D______ par le recourant telles que l’accès à la parcelle elle-même, la pose de nichoirs sur les arbres et l’observation en milieu naturel, de même que la plantation d’une haie, ne sont pas menacées par le refus d’autorisation. Cela étant, il ressort de la convention que le cabanon est utilisé par le D______ pour des activités pédagogiques, de sorte qu’il ne peut être exclu que ce dernier agisse contre le recourant s’il était privé de son utilisation par suite du refus d’autorisation par le département.

Le recourant a ainsi un intérêt à ce que le jugement du TAPI soit opposable au D______ et à ce que ce dernier puisse participer à la procédure. Il possède partant un intérêt à obtenir sans attendre une décision sur l’appel en cause du D______ à peine de subir un préjudice irréparable, de sorte que son recours est recevable.

1.4 Le recourant a lui-même contresigné son recours, de sorte que la qualité du mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) de SKS CONSULTANTS Sàrl n’a pas à être examinée.

2.             Le recourant reproche au TAPI d’avoir retenu à tort que le D______ ne bénéficiait pas d’un intérêt suffisant et nécessaire au sens de l’art. 71 LPA pour être appelé en cause, et de lui avoir fait grief de ne pas l’avoir motivé alors qu’il supportait le fardeau de la preuve.

2.1 L’art. 71 LPA prévoit que l’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure ; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (al. 2).

Cette disposition doit être interprétée à la lumière de celles relatives à la qualité pour recourir en procédure contentieuse. L’institution de l’appel en cause ne doit ainsi pas permettre à des tiers d’obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir est reconnue (ATA/872/2022 du 30 août 2022 consid. 3c et les arrêts cités), mais a pour but de sauvegarder le droit d’être entendu des personnes n’étant pas initialement parties à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1C_134/2010 du 28 septembre 2010 consid. 4.2). Ce dernier but est reconnu par la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_505/2008 du 17 février 2009 consid. 4.2) ; ainsi – et conformément du reste à ce que prévoit expressément l'art. 71 al. 1 LPA –, il peut aussi s'agir d'étendre au tiers l'autorité de chose jugée, afin que le jugement lui soit opposable par la suite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_373/2016 du 17 novembre 2016 consid. 2.1).

L'institution de l'appel en cause est aussi dictée par un souci d'économie de procédure dans la mesure où il a pour fonction d'éviter le déroulement d'une autre procédure sur les mêmes questions litigieuses. Il permet en outre de prévenir le prononcé de décisions ou de jugements contradictoires. Lorsque le juge appelle en cause une partie, il n'a en principe pas besoin d'entendre les participants à la procédure (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, op. cit., n. 903 ss ad art. 71 LPA et les références citées).

2.2 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b et l'arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, op. cit., p. 184 n. 698).

Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle de l’art. 89 al. 1 let. c LTF que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_433/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

Selon l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).

Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué, qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 143 II 506 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2019 du 19 août 2020 consid. 1.2). En application de ces principes, le recours d’un particulier ou d'une association, formé dans l’intérêt général ou d’un tiers, est irrecevable (ATF 138 II 162
consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2019 du 12 juillet 2019 consid. 1.2 ; ATA/23/2021 du 12 janvier 2021 consid. 4). Le lien de connexité est clair lorsque le recourant est l’un des destinataires de la décision (François BELLANGER, La qualité pour recourir, in François BELLANGER/Thierry TANQUEREL éd., Le contentieux administratif, 2013, p. 116).

2.3 Tant le propriétaire que le titulaire d'un droit réel restreint (d'habitation, d'usufruit, de superficie, de gage, d'emption ou de préemption) ou d'un droit obligationnel, comme le locataire ou le fermier, ont par ailleurs en principe qualité pour recourir (PIERMARCO ZEN-RUFFINEN, La qualité pour recourir des tiers dans la gestion de l'espace, in : Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, éd., Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 185 et les références).

S'agissant d'un recourant tiers locataire, le Tribunal fédéral a jugé que s'il existait un moyen de droit privé, même moins commode, à sa disposition pour écarter le préjudice dont il se plaignait, la qualité pour agir fondée sur l'intérêt digne de protection devait lui être niée (ATF 101 1b 212 ; 100 Ib 119 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.70/2005 du 22 avril 2005). Les intérêts du locataire dans ses rapports avec le bailleur sont plus spécifiquement protégés par les dispositions spéciales du droit du bail complétées, le cas échéant, par certaines règles de droit public cantonal (ATF 131 II 649 consid 3.4).

La chambre de céans a déjà jugé de façon constante qu'en matière de qualité pour recourir des locataires, lorsque la décision litigieuse implique la démolition de locaux qui font l'objet d'un bail à loyer, le locataire ne peut plus se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'autorisation de démolition, dès lors qu'il a reçu son congé. En effet, quand bien même il conteste ce dernier, la procédure ouverte à ce sujet ne peut aboutir qu'à deux solutions alternatives : si la résiliation du bail est annulée, la démolition ne peut plus avoir lieu et le locataire perd son intérêt au recours ; si, au contraire, le congé est confirmé, le locataire, qui doit quitter les lieux, n'est plus concerné par le projet de démolition et n'a ainsi plus d'intérêt pratique à recourir (ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 et les références citées).

En revanche, la qualité pour recourir contre une autorisation de construire des locataires dont les baux n'étaient pas résiliés a été admise lorsque, si elle était confirmée, ladite autorisation les priverait de la jouissance de locaux situés dans les combles de l'immeuble dont la transformation était projetée. Certains des griefs invoqués portaient sur le gabarit de l'immeuble après travaux et sur les vices de forme ayant affecté la procédure qui, s'ils devaient se révéler bien fondés, pourraient aboutir à un refus de l'autorisation de construire litigieuse, à l'abandon du projet, voire à un remaniement substantiel de celui-ci, et à la mise en œuvre d'une nouvelle enquête (arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2011 du 4 mai 2011 ; ATA/710/2021 du 6 juillet 2021 ; ATA/985/2020 du 6 octobre 2020).

2.4 Ont aussi qualité pour recourir les organisations auxquelles la loi reconnaît le droit de recourir (art. 60 al. 1 let. e LPA). Ainsi, ont qualité pour recourir contre une autorisation de construire, les associations d’importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites (art. 145 al. 3 LCI). La jurisprudence tant fédérale que cantonale a précisé qu'une association dont les statuts poursuivaient la défense des intérêts de ses membres sans se vouer exclusivement à l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments et des sites ne pouvait revendiquer le bénéfice de la qualité pour recourir prévue à l'art. 145 al. 3 LCI (arrêt du Tribunal fédéral 1P.595/2003 du 11 février 2004 consid. 2.2 et 2.3 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 7b).

2.5 En l’espèce, le TAPI a retenu qu’il ressortait du courrier du D______ du 10 janvier 2024 que des ateliers et activités nécessitant la présence du cabanon y étaient organisés et que ce dernier avait posés de nombreux nichoirs sur le cabanon et sur les arbres fruitiers de la parcelle.

Il a cependant estimé que le recourant ne démontrait pas que l’utilisation par le D______ du cabanon se baserait sur un quelconque droit pérenne dont le D______ pourrait, le cas échéant, se prévaloir.

Le D______ relève dans son courrier avoir pu organiser des ateliers d’observation de la faune locale et des événements locaux visant à la sensibilisation à la nature et à la préservation de l’avifaune, notamment avec la commune de Chancy, et poser de nombreux nichoirs sur le cabanon, et que « toutes ses activités que le D______ souhaitait mettre en place depuis de nombreuses années n’auraient pas pu voir le jour sans la mise à disposition [du] terrain et du cabanon […] ». Le D______ ajoute vouloir implanter des haies diversifiées courant 2024 et demander « très prochainement » l’autorisation d’édifier une volière au bas de la parcelle pour la réadaptation d’espèces particulièrement sensibles. Cela étant il n’évoque effectivement aucun droit durable ou permanent à l’utilisation, ainsi que l’a relevé le TAPI.

Les images produites par le recourant devant le TAPI documentent des événements ponctuels montrant des enfants dehors devant le cabanon et réunis autour d’une longue table sous une tente voisinant ce dernier et visible sur les images satellites disponibles sur le site d’information du territoire genevois (SITG ; https://map.sitg.he.ch/app/), ainsi qu’autour d’une table à l’intérieur du cabanon. Une image montre par ailleurs deux nichoirs sur le cabanon.

Le TAPI était ainsi fondé à considérer que le recourant n’avait pas établi de droit durable du D______ portant sur la parcelle et le cabanon.

Le recourant a toutefois produit entre-temps devant la chambre de céans la convention du 30 mars 2023 le liant au D______. Celle-ci stipule comme il a été vu un droit d’utilisation totale de la parcelle durant 20 ans en faveur de celui-ci.

La convention peut être qualifiée de prêt à usage, réglé par les art. 305 s. de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), lequel se distingue du contrat de bail (art. 253 s. CO) par le fait qu’aucun loyer n’est dû par l’emprunteur.

Le statut du D______ peut ainsi être rapproché de celui du locataire. Le refus d’approuver les travaux effectués ne correspond certes ni à une autorisation de démolir ni à une autorisation de transformer. Il n’en demeure pas moins que par l’effet du refus d’autorisation l’emprunteur serait en l’espèce menacé de perdre l’usage de la chose. Il n’est par ailleurs pas soutenu que la convention aurait été résiliée. Il s’ensuit que le D______ doit pouvoir à ce stade déjà faire valoir ses intérêts et être appelé en cause.

Il n’est ainsi pas nécessaire d’examiner si le D______ doit se voir reconnaître par ailleurs la qualité de partie au sens de l’art. 145 al. 3 LCI.

Le recours sera admis, la décision attaquée annulée, l’appel en cause du D______ ordonné et la procédure retournée au TAPI.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, bien qu’il obtienne gain de cause, dès lors qu’il n’a produit que tardivement devant la chambre de céans, et de manière fautive puisqu’il supportait le fardeau de la preuve, la convention établissant un droit durable de l’appelée en cause (art. 87 al. 1 LPA). Pour les mêmes motifs, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 avril 2024 par A______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 10 avril 2024  ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du Tribunal administratif de première instance du 10 avril 2024 ;

ordonne l’appel en cause du D______ ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à SKS CONSULTANTS Sàrl, soit pour elle Mohamad FARJANI, mandataire d’A______, au département du territoire ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :