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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1151/2022

ATA/958/2022 du 20.09.2022 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1151/2022-EXPLOI ATA/958/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 septembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI
représenté par Me Chris Monney, avocat



EN FAIT

1) A______ (ci-après : A______ ou l’entreprise) est une entreprise individuelle, dont le but social est la collecte et le transport de matières recyclables. Elle est inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève depuis le 7 février 2012.

2) Le 4 février 2021, l’entreprise a conclu une convention d’octroi de contribution à fonds perdus (ci-après : la convention) avec le département du développement économique, devenu le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : DEE), dans le cadre d’une demande d’aide financière « cas de rigueur » en application de la loi relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2021 (12’938) du 30 avril 2021 (ci-après : loi 12’938).

3) Par décision du 8 mars 2021, le DEE a informé A______ qu’elle remplissait les conditions requises pour bénéficier de l’aide financière extraordinaire.

Le montant de l’aide financière octroyé pour l’année 2020 s’élevait à CHF 17'186.10.

4) Le 15 juin 2021, le DEE a informé A______ de la possibilité d’obtenir une aide financière extraordinaire sous forme d’acompte pour le premier semestre 2021, en application de la loi 12’938. La demande se faisait en renvoyant l’avenant à la convention (ci-après : l’avenant) annexé et signé.

5) Le 24 juin 2021, A______ a retourné au DEE l’avenant, complété et signé en date du 17 juin 2021.

L’art. 5.1 de l’avenant stipulait que, par sa signature, l’entreprise bénéficiaire s’engageait à transmettre au DEE au plus tard le 31 octobre 2021 ses états financiers intermédiaires au 30 juin 2021, conformément aux articles 12 al. 4 et 15 al. 4 du règlement d’application du 5 mai 2021 de la loi 12'938 (ci-après : règlement 12'938).

6) Par décision du 9 juillet 2021, le DEE a octroyé à A______ un acompte de CHF 8'593.05, en application de la loi 12’938.

La décision mentionnait que le montant définitif de l’aide octroyée serait déterminé a posteriori sur la base de l’examen des états financiers de l’entreprise au 30 juin 2021.

A______ devrait « procéder en deux étapes ». Elle devrait déposer une nouvelle demande d’aide pour cas de rigueur pour l’année 2020 sur la base des états financiers définitifs de 2020. Cette étape était essentielle pour garantir la prise en compte de sa situation financière exacte en 2020, nécessaire pour le traitement de sa demande d’aide complémentaire portant sur le premier semestre 2021. Une fois cette première demande traitée, une communication lui serait envoyée comprenant des instructions pour déposer une demande d’aide complémentaire pour cas de rigueur pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021. La décision définitive d’indemnisation pourrait aboutir à un montant moins élevé que l’acompte et entraîner un remboursement partiel.

7) Par courrier du 3 août 2021, A______ n’ayant pas effectué le processus en deux étapes requis, la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation (ci-après : DG DERI) lui a rappelé que l’avenant conditionnait l’octroi de l’aide considérée au respect de la procédure en deux étapes, devant être menée postérieurement au versement de l’acompte, dont la teneur avait été précisée dans le courrier du 9 juillet 2021.

Le délai ultime pour le dépôt de toutes demandes d’aide étant fixé au 31 octobre 2021, A______ était invitée à déposer, jusqu’au 31 août 2021, une nouvelle demande d’aide « cas de rigueur » pour l’année 2020 accompagnée des états financiers 2020 définitifs via le formulaire prévu à cet effet, afin que l’entier du processus en deux étapes puisse être mené à bien.

8) Le 9 août 2021, A______ a envoyé au DEE, de manière incomplète, sa demande portant sur l’année 2020, correspondant à la première étape du processus en deux étapes.

9) Par courriel du 16 août 2021, le DEE a imparti à A______ un délai au 27 août 2021 pour lui fournir les pièces et justificatifs nécessaires au traitement de sa demande, soit : la convention de demande annexée signée par les ayants droits selon le RC, leurs cartes d’identité, les bilans et comptes de résultat 2018, 2019 et 2020 définitifs et signés et l’extrait des poursuites de moins de quinze jours au moment de la demande.

Si A______ ne donnait pas suite dans le délai imparti précité, le DEE allait considérer que l’entreprise avait renoncé à sa demande d’indemnité et allait procéder à la clôture de son dossier. Dans ce dernier cas de figure, il était toujours possible pour A______ de soumettre une nouvelle demande jusqu’au 31 octobre 2021.

10) Au 27 août 2021, A______ n’avait pas complété sa demande relative à l’année 2020, ni au 31 août ni encore au 31 octobre 2021.

11) Par décision du 25 janvier 2022, le DEE a ordonné le remboursement du montant de l’acompte versé selon décision du 9 juillet 2021, soit CHF 8'593.05.

Aucune demande n’avait été déposée par A______ avant le délai du 31 octobre 2021, ni avant le 12 décembre 2021, date jusqu’à laquelle, exceptionnellement, le formulaire de demande d’aide financière pour le premier semestre 2021 avait été laissé disponible en ligne.

12) Le 27 janvier 2022, A______ a formé une réclamation contre cette décision.

Son revenu en 2020 avait été en baisse très importante, tout comme sa facturation de service. Elle avait été en quasi cessation d’activité de mars à mai 2020 ainsi que de novembre 2020 à mi-avril 2021, sa clientèle se composant essentiellement d’entreprises de restauration. Toutefois, ses charges avaient été relativement identiques, comme en témoignaient les comptes d’exploitation produits.

Elle n’avait pas compris que la décision du 9 juillet 2021 lui donnait des instructions pour finaliser le montant définitif, mais avait pensé que les informations concernaient des demandes ultérieures auxquelles elle n’entendait pas recourir.

Elle demandait au DEE de revoir sa décision.

13) Le 14 mars 2022, le DEE a rejeté la réclamation.

Selon l’art. 23 du règlement 12’938, les demandes devaient être lui adressées au plus tard le 31 octobre 2021 accompagnées des justificatifs listés dans le formulaire. Les demandes déposées après cette date étaient irrecevables.

Par la signature de l’avenant daté au 17 juin 2021, A______ s’était engagée à lui transmettre, au plus tard le 31 octobre 2021, les états financiers intermédiaires au 30 juin 2021.

L’entreprise n’avait pas respecté la procédure liée à l’acompte ni celle en deux étapes et ce en dépit du courriel du 16 août 2021 lui demandant des compléments et lui accordant un délai au 27 août 2021 pour fournir les pièces et justificatifs nécessaires au traitement de sa demande.

Compte tenu du fait qu’aucune demande pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021 n’avait été déposée dans le délai, le DEE avait dû appliquer les dispositions légales en vigueur afin de garantir une égalité de traitement. Après réexamen du dossier, il ne pouvait revenir sur sa décision.

14) Le 21 mars 2022, M. B______ a sollicité, au nom de A______, la reconsidération de la décision sur réclamation du 14 mars 2022.

Après vérification de sa part, aucun rappel sous forme de courriel ne lui avait été notifié. Le principe de la séparation des pouvoirs ainsi que celui de la proportionnalité avaient été violés.

La loi 12’938 ne prévoyait aucun délai pour compléter une demande. L’art. 23 al. 1 et 3 du règlement 12’938 touchait aux droits des justiciables en fixant une condition de recevabilité, alors que la loi 12’938 ne prévoyait pas le contenu essentiel d’une telle délégation.

Quand bien même la délégation aurait été valable, les dispositions devaient être nécessaires, soit le moins dommageables pour atteindre le but visé, consacrant ainsi le principe de la proportionnalité. Ainsi, un avertissement préalable dûment notifié par courrier A+, avec un éventuel émolument administratif aurait été plus apte et nécessaire pour atténuer les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison de la nature même de leurs activités.

Or, il n’avait reçu aucun courriel de rappel.

Les justificatifs devant accompagner la demande au sens de l’art. 24 du règlement 12’938 étant « les mêmes que ceux envoyés à l’administration fiscale chaque avril », il était difficile de comprendre pourquoi le DEE ne serait pas en mesure de prévoir un délai jusqu’à avril 2022. Le délai impératif ne poursuivait aucun intérêt public.

15) Le 11 avril 2022, A______ a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur réclamation du DEE du 14 mars 2022.

Elle a conclu à l’annulation de la décision de remboursement, à la fixation d’un nouveau délai pour transmettre les documents nécessaires pour le traitement de la demande d’aide « cas de rigueur » pour la période 2020, ainsi qu’à la constatation du droit de déposer une demande d’aide « cas de rigueur » pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021.

L’art. 23 al. 1 et 3 du règlement 12’938 violait le principe de la séparation des pouvoirs et le principe de la proportionnalité.

Pour le surplus, la recourante reprenait les arguments de sa demande de reconsidération du 21 mars 2022.

16) Le 10 juin 2022, le DEE a conclu au rejet du recours.

La page quatre du recours étant manquante, l’autorité intimée n’était pas en mesure de connaître l’argumentaire précis de la recourante et, partant, de se déterminer en conséquence. Néanmoins, il apparaissait, à la lecture des deux premiers paragraphes des considérants en droit du recours, que la recourante semblait se prévaloir des principes de la séparation des pouvoirs et de la proportionnalité, à l’instar de son argumentation dans sa demande de reconsidération du 21 mars 2022.

L’art. 23 du règlement 12’938, arrêtant une condition de recevabilité en fixant un délai au 31 octobre 2021 pour faire réaliser la procédure en deux étapes, ne violait pas le principe de la séparation des pouvoirs, les conditions de la délégation législative étant remplies.

La Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE – A 2 00) n’excluait pas le principe même de la délégation, dès lors que l’art. 109 al. 3 et 4 Cst-GE la prévoyait expressément. La délégation était également limitée à une matière déterminée, le règlement ayant pour unique objectif de définir les modalités d’application de la loi, conformément à son article premier. La condition selon laquelle la délégation devait figurer dans une loi formelle était également remplie dès lors qu’il s’agissait de la loi 12’938 adoptée par le Grand Conseil genevois le 30 avril 2021. L’art. 15 al. 3 de la loi 12’938 déléguait expressément au Conseil d’État le soin d’établir les « modalités de dépôt » des demandes au moyen d’un règlement, ce que ce dernier avait fait, définissant ainsi les modalités d’exécution sur délégation du pouvoir législatif et dans le cadre fixé strictement par la loi 12’938.

Quand bien même l’exécutif aurait outrepassé le cadre de la délégation en adoptant une norme primaire, cela ne pouvait porter à conséquence, étant rappelé que de jurisprudence constante, l’exécutif pouvait adopter des ordonnances contenant des normes primaires que la loi de base n’aurait pas traitées lorsque le législateur le mettait au bénéfice d’une délégation législative. La délégation figurant dans une loi au sens formel, et étant clairement définie et limitée à une matière déterminée dans la loi 12’938, les conditions d’une telle délégation étaient remplies.

Le Conseil d’État n’avait toutefois émis aucune norme primaire, se contentant d’arrêter les modalités d’application de la loi 12’938 stricto sensu, sans excéder le cadre fixé par le pouvoir législatif.

S’agissant du principe de la proportionnalité, bien que la recourante soutenait qu’elle n’avait jamais reçu de courriers de rappel, l’entreprise s’était faite notifier, préalablement à la décision de restitution du montant de l’acompte du 25 janvier 2022 mais postérieurement à la décision du 9 juillet 2021, un courrier daté du 3 août 2021 rappelant le délai du 31 octobre 2021 et impartissant un délai au 31 août 2021 pour transmettre une nouvelle demande d’aide « cas de rigueur » pour l’année 2020. Elle avait également reçu, en date du 16 août 2021, un courriel de l’autorité intimée sollicitant des éléments manquants jusqu’au 27 août 2021, et rappelant également la date butoir du 31 octobre 2021. Cette date butoir avait déjà figuré tant dans l’avenant que dans son courrier d’accompagnement du 15 juin 2021 explicitant les différentes étapes du processus de sorte que A______ ne pouvait l’ignorer.

Le DEE percevait mal en quoi un nouvel avertissement assorti d’un émolument administratif aurait été plus apte à atteindre le but visé, ni en quoi cela aurait été nécessaire pour que celui-ci soit réalisé, ce que la recourante n’expliquait pas. Le DEE doutait qu’un nouvel avertissement assorti d’un émolument administratif aurait encouragé A______ à entreprendre les démarches dans le délai, dès lors que l’entreprise n’avait pas donné suite ni au courrier du 3 août 2021, ni au courriel du 16 août 2021.

A______ ne pouvait ignorer qu’à défaut de suivre les démarches détaillées dans le courrier du 9 juillet 2021 ainsi que dans l’avenant et son courrier d’accompagnement, elle n’aurait pas droit à l’aide « cas de rigueur » si elle ne respectait pas le délai du 31 octobre 2021.

L’argument selon lequel le délai impératif au 31 octobre 2021 ne poursuivait aucun intérêt public ne pouvait être suivi, A______ invoquant, à titre de comparaison, le délai imparti par l’administration fiscale au mois d’avril 2022 pour la déclaration servant de base à la taxation. L’entreprise comparait deux activités de l’État n’ayant pas les mêmes buts et ne reposant pas sur les mêmes dispositions légales. L’administration fiscale s’occupait de percevoir les impôts dus par les contribuables, alors que le DEE avait pour tâche, conformément à la délégation législative précitée, d’appliquer la loi 12’938 ayant pour objectif de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie de coronavirus pour les entreprises sises dans le canton de Genève. L’administration fiscale étant régie par une procédure qui lui est propre (LPFisc), il ne pouvait être attendu du DEE qu’il agisse dans les mêmes délais.

Alors que l’administration fiscale octroyait généralement un délai de trois mois pour le dépôt de la déclaration fiscale, soit au 30 juin d’une année en lieu et place du 31 mars de la même année, le DEE avait octroyé un délai au 31 octobre 2021 pour l’envoi des documents nécessaires au traitement de la demande d’acompte « cas de rigueur », soit quatre mois après la fin du premier semestre 2021.

Les délais fixés par la loi permettaient à l’administration de fonctionner et de remplir ses tâches dans des délais raisonnables. Une application stricte des règles relatives aux délais était justifiée par des motifs d’égalité de traitement et par un intérêt public lié à la bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Affirmer que le délai impératif fixé au 31 octobre 2021 ne poursuivait aucun intérêt public était erroné.

17) Le 11 juillet 2022, A______ a repris et développé son argumentation.

Elle fournissait en annexe la page quatre de son recours, bien que cette absence de page devait être imputée à une perte de l’autorité intimée ou de son mandataire. Elle soutenait n’avoir jamais reçu le courrier du 3 août 2021 ainsi que le courriel du 16 août 2021.

Elle persistait dans ses conclusions.

18) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige a pour objet le bien-fondé de la décision du DEE du 25 janvier 2022 réclamant à A______ le remboursement de l’acompte de CHF 8'593.05 qu’il lui avait versé en vertu de sa décision du 9 juillet 2021 fondée sur la loi 12’938 et le règlement 12’938.

3) a. Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102) qui prévoit, à son art. 12, des mesures destinées aux entreprises.

Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (ordonnance Covid-19 cas de rigueur 2020 ; ci-après : ordonnance Covid-19 - RS 951.262), modifiée à plusieurs reprises, qui prévoyait que la Confédération participait aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnaient à un canton (art. 1 al. 1). L’entreprise devait remplir un certain nombre d’exigences pour bénéficier du soutien financier (art. 2 et 3 ordonnance Covid-19).

b. Au plan cantonal genevois, le Grand Conseil a adopté, le 29 janvier 2021, la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : aLAFE 2021), complétée par son règlement d’application du 3 février 2021 (ci-après : aRAFE-2021), dont le but était notamment de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie pour les entreprises sises dans le canton, conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (art. 1 al. 1 aLAFE 2021).

Ladite loi a été abrogée par la loi 12’938, adoptée par le Grand Conseil le 30 avril 2021.

c. Selon l’art. 15 al. 1 et 2 de la loi 12'938, l’aide financière est accordée sur demande du bénéficiaire potentiel, et adressée au DEE sur la base d’un formulaire spécifique, accompagné notamment de toutes les pièces utiles nécessaires au traitement de la demande.

La liste des pièces requises ainsi que les modalités de dépôt des demandes figurent dans le règlement d’application de la présente loi (art. 13 al. 3 de la loi 12'938).

Le Conseil d’État édicte les dispositions nécessaires à l’application de la présente loi (art. 22 de la loi 12'938), ce qu’il a fait avec le règlement 12'938 du 5 mai 2021.

d. Selon l’art. 15 al. 1 du règlement 12'938, le montant de l'indemnité pour l’année 2020 correspond à la différence entre les coûts totaux, hors impôts et taxes, et le chiffre d’affaires de l'entreprise en 2020.

Le montant de l’indemnité pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021 est déterminé sur la base d’un examen des états financiers de l’entreprise au 30 juin 2021 et correspond à la différence entre les coûts totaux, hors impôts et taxes, et le chiffre d’affaires de l'entreprise sur cette même période (art. 15 al. 2 du règlement 12'938).

Pour toute demande déposée jusqu’au 30 juin 2021 pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021, le montant de l'indemnité équivaut à 50 % du montant obtenu en application de l’alinéa 1, calculé sur 12 mois (taux forfaitaire) (art. 15 al. 3 du règlement 12'938). L’indemnité octroyée en application de l’al. 3 est versée à titre d’acompte, selon les modalités prévues par convention conclue en vertu de l’article 22. Le montant définitif est déterminé a posteriori sur la base d’un examen des états financiers de l’entreprise bénéficiaire au 30 juin 2021, selon les modalités prévues à l’al. 2 (art. 15 al. 4 du règlement 12'938).

e. Selon l’art. 15 al. 5 du règlement 12'938, l'entreprise bénéficiaire d’une indemnité octroyée à titre d’acompte au sens de l’al. 3 est tenue de remettre au DEE les états financiers visés à l’al. 4 au plus tard le 31 octobre 2021.

Selon l’art. 23 al. 1 du règlement 12'938, les demandes pour la période courant du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021, accompagnées des justificatifs listés dans le formulaire, sont adressées au DEE au plus tard le 31 octobre 2021.

L’art. 23 al. 3 du règlement 12'938 prévoit que les demandes déposées hors du délai mentionné à l’al. 1 sont irrecevables.

Selon l’art. 27 al. 1 du règlement 12'938, en cas d’octroi d’une aide financière et versement d’un acompte, une décision rappelant les conditions et les modalités d’octroi et de versement ainsi que les obligations du bénéficiaire est adressée aux entreprises. Cette décision indique les montants de l’aide financière et de l’acompte alloués (art. 27 al. 2 du règlement 12'938).

4) a. Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA). Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/1068/2015 du 6 octobre 2015 consid. 5a ; ATA/918/2015 du 8 septembre 2015 consid. 3a).

b. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 2ème phr. LPA). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/871/2019 du 7 mai 2019 et les références citées).

5) a. Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2 ; ATA/564/2012 du 21 août 2012), et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1).

b. En l’espèce, la recourante soutient que le délai imposé par le règlement 12'938 ne poursuivrait aucun intérêt public.

Dans un arrêt tout récent, non encore entré en force, la chambre de céans a eu l’occasion de juger que le délai imparti par l’art. 23 al. 1 du règlement 12'938 au 31 octobre 2021, rappelé dans l’avenant signé par la recourante, est un délai légal et non un délai d’ordre, puisque la loi prévoit une conséquence stricte en cas de non-respect (ATA/795/2022 du 9 août 2022 consid. 3c). Il ressort expressément du règlement d’application que les demandes déposées hors du délai mentionné à l’al. 1 (soit au 31 octobre 2021) sont irrecevables (art. 23 al. 3 règlement 12'938). Une restitution de délai au sens de l’art. 16 al. 1 LPA n'entre en outre pas en ligne de compte, aucun cas de force majeure ne pouvant être invoqué en l’espèce.

La recourante ne saurait se prévaloir de ce que les justificatifs devant accompagner la demande au sens de l’art. 24 du règlement 12’938 seraient « notablement les mêmes que ceux envoyés à l’administration fiscale chaque avril » et que, de ce fait, le DEE devrait être en mesure d’octroyer le même délai. Il s’agit en effet de deux autorités totalement différentes ainsi que de deux procédures régies chacune par sa propre réglementation. L’autorité est libre de fixer les délais qu’elle considère adéquats dans le respect de l’égalité de traitement, et n’est pas liée par les délais impartis par d’autres autorités.

6) a. L'autorité supporte en principe les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 136 V 295 consid. 5.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2018 du 26 octobre 2018 consid. 5.2 ; ATA/461/2018 du 8 mai 2018), dont la bonne foi est présumée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1). L'autorité qui veut contrer le risque d'un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l'envoi n'est pas atteint et qu'un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l'envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n'a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3)

La notification doit permettre au destinataire de prendre connaissance de la décision et, cas échéant, de faire usage des voies de droit ouvertes à son encontre. Une décision est notifiée, non pas au moment où l’administré en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée. S’agissant d’un acte soumis à réception et adressé par pli non recommandé, telle une décision ou une communication de procédure, la notification est réputée parfaite au moment où l’envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/725/2018 du 10 juillet 2018 consid. 2c et les arrêts cités), à savoir dans sa boîte aux lettres ou sa case postale. Il n’est pas nécessaire que celui-ci en prenne réellement connaissance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1) ; il suffit qu’il puisse en prendre connaissance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_430/2009 du 14 janvier 2010 consid. 2.2).

b. L’allégation d’un justiciable selon laquelle il est victime d’une erreur de notification par voie postale et par conséquent sa bonne foi ne peuvent être prises en considération que si la présentation qu’il fait des circonstances entourant la notification en cause est concevable et repose sur une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.2 ; 2C_570/2011 du 24 janvier 2012 consid. 4.3, et les références citées). La simple affirmation du recourant selon laquelle il a toujours pris en considération les avis de retrait et qu’il leur a donné suite en temps utile ne constitue pas une circonstance qui rend plausible une erreur de notification par voie postale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 précité consid. 5.2 ; ATA/725/2018 précité consid. 2c confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_799/2018 du 21 septembre 2018).

Selon le Tribunal fédéral, en l'absence d'envoi recommandé, la preuve de la notification d'un acte peut résulter de l'ensemble des circonstances, en particulier de la correspondance échangée ou de l'absence de protestation de la part d'une personne qui reçoit des rappels (ATF 136 V 295 consid. 5.9 ; 105 III 43 consid. 3).

c. Aux termes de l’art. 5 al. 3 Cst., les organes de l’État et les particuliers doivent agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu’ils s’abstiennent d’adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 144 II 49 consid. 2.2). De ce principe général découle notamment le droit, consacré à l’art. 9 in fine Cst., du particulier d’exiger, à certaines conditions, que les autorités se conforment aux promesses ou assurances précises qu’elles lui ont faites et ne trompent pas la confiance qu’il a légitimement placée dans ces dernières (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2; 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_353/2020 du 22 septembre 2021 consid. 4.2).

d. En l’espèce, la recourante soutient qu’elle n’aurait jamais reçu le courrier du 3 août 2021 ainsi que le courriel du 16 août 2021, lesquels rappelaient le délai fixé au 31 octobre 2021 pour déposer la nouvelle demande d’aide « cas de rigueur » et les pièces justificatives, respectivement pour compléter cette demande.

Or, elle ne conteste pas avoir reçu la décision du 9 juillet 2021 lui octroyant une aide financière. Elle n’allègue aucun incident ou erreur postale qui expliquerait qu’elle ait reçu les décisions de juillet 2021 et de janvier 2022 mais pas les rappels des 3 et 16 août 2021, pourtant envoyés à la même adresse. Enfin, son envoi incomplet du 9 août pourrait constituer une réponse au rappel du 3 août 2021.

Quoi qu’il en soit, dès lors que la décision du 9 juillet 2021 indiquait clairement les démarches à entreprendre et que les dates limites pour de telles démarches ressortaient tant des normes légales que de l’avenant signé par la recourante, l’éventuelle absence de connaissance des rappels ne serait pas déterminante pour l’issue du litige, l’intimée n’étant pas tenue d’adresser de tels rappels.

Selon la recourante, les rappels n’ayant pas été reçus, il aurait fallu lui notifier un avertissement au préalable, par courrier A+, avec un éventuel émolument administratif.

La chambre de céans a observé qu’aucune obligation légale ou règlementaire n’imposait au DEE d’envoyer à la recourante des rappels. Ce raisonnement vaut a fortiori pour un avertissement à l’échéance du délai du 31 octobre 2021. Cette date limite ressort expressément du règlement mentionné dans la décision du 9 juillet 2021 et de l’avenant signé le 17 juin 2021. La recourante ne pouvait donc, en agissant avec diligence, ignorer qu’il lui appartenait de la respecter (ATA/795/2022 précité consid. 6) et le DEE n’avait pas pour sa part à notifier un tel avertissement.

7) a. Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti, au moins implicitement, par toutes les constitutions cantonales, et à Genève même de manière expresse à l’art. 2 al. 2 Cst-GE, et représente un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen. Il impose le respect des compétences établies par la Cst. et prohibe à un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe. En particulier, il interdit au pouvoir exécutif d’édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_38/2021 du 3 mars 2021 consid. 3.2.1). Les règlements d’exécution doivent ainsi se limiter à préciser certaines dispositions légales au moyen de normes secondaires, à en combler le cas échéant les véritables lacunes et à fixer si nécessaire des points de procédure (ATF 139 II 460 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_845/2019 du 10 juin 2020 consid. 8.2.2).

b. À Genève, le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif (art. 80 Cst-GE) et adopte les lois (art. 91 al. 1 Cst-GE), tandis que le Conseil d’État, détenteur du pouvoir exécutif (art. 101 Cst-GE), joue un rôle important dans la phase préparatoire de la procédure législative (art. 109 al. 1 à 3 et 5 Cst-GE), promulgue les lois et est chargé de leur exécution et d’adopter à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE). Il peut ainsi adopter des normes d’exécution, secondaires, sans qu’une clause spécifique dans la loi soit nécessaire. Celles-ci peuvent établir des règles complémentaires de procédure, préciser et détailler certaines dispositions de la loi, éventuellement combler de véritables lacunes. Elles ne peuvent en revanche pas, à moins d’une délégation expresse, poser des règles nouvelles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles sont conformes au but de la loi (ATF 134 I 313 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_124/2019 du 1er novembre 2019 consid. 9). Pour que le Conseil d’État puisse édicter des normes de substitution, ou normes primaires, il faut qu’une clause de délégation législative l’y habilite (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1).

c. Pour le surplus, c’est à la lumière des principes constitutionnels généraux qu’il y a lieu de définir les limites de l’activité réglementaire du Conseil d’État. Bien que cela ne soit pas expressément prévu par la constitution cantonale, le Conseil d’État peut adopter des ordonnances dépendantes de substitution, contenant des normes primaires, à savoir des règles dont il n’existe aucune trace dans la loi de base, qui étendent ou restreignent le champ d’application de cette loi ou confèrent aux particuliers des droits ou leur imposent des obligations dont la loi ne fait pas mention, lorsque le législateur le met au bénéfice d’une délégation législative, pour autant que celle-ci figure dans une loi au sens formel et que le cadre de la délégation, qui doit être clairement défini et limité à une matière déterminée, ne soit pas dépassé (ATF 132 I 7 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_744/2014 du 23 mars 2016 consid. 7 ; ATA/1587/2017 précité et les références citées). Les règles les plus importantes doivent en tout cas figurer dans la loi (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1 ; 130 I 1 consid. 3.4.2).

d. De jurisprudence constante, la légalité d’un règlement peut être remise en cause devant la chambre de céans à l’occasion d’un cas d’application (ATA/928/2021 du 7 septembre 2021 consid. 5b).

e. En l’espèce, la recourante soutient que l’art. 23 al. 1 et 3 du règlement 12'938 viole le principe de la séparation des pouvoirs.

Cette disposition s’inscrit dans le cadre de la loi 12'938, qui est une loi formelle et qui prévoit à son art. 15 al. 3 que la liste des pièces requises ainsi que les modalités de dépôt des demandes figurent dans le règlement d’application de la loi. Son art. 22 contient en outre une délégation législative en faveur du Conseil d’État, qui édicte les dispositions nécessaires à l’application de la loi.

En consacrant un délai au 31 octobre 2021 à l’art. 23 du règlement 12'938, le Conseil d’État établit effectivement les modalités de dépôts tel que cela lui a été délégué tout en restant dans le cadre fixé par la loi 12'938. En effet, les délais font partie des clauses attendues dans un règlement mettant en application les modalités de dépôts pour des demandes d’aide. Le grief de la séparation des pouvoirs invoqué par la recourante sera donc écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au département qui, bien que plaidant par un avocat, dispose d’un service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/1738/2019 du 3 décembre 2019 consid. 8).

 

* * * * *

 

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 avril 2022 par A______ contre le jugement du département de l’économie et de l’emploi du 14 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à Me Chris Monney, avocat de département de l'économie et de l'emploi.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, Mme Michon Rieben, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :