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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1558/2022

ATA/770/2022 du 04.08.2022 ( PRISON ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1558/2022-PRISON ATA/770/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 août 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Sébastien Lorentz, avocat

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon du 8 septembre 2020 au 2 juin 2022, puis transféré à B______.

2) Il a travaillé à la prison en qualité de nettoyeur de table du 7 janvier au 2 juin 2022.

3) Selon le rapport d’incident du 14 avril 2022, à 21h08, un détenu a averti les agents d’une forte odeur de brûlé entrant par sa fenêtre. Vérifiant la source de celle-ci, ces derniers ont constaté une odeur de brûlé et de la fumée dans la cellule occupée par M. A______ et son codétenu. Interrogé sur les raisons de cette fumée, M. A______ est resté silencieux et semblait mal à l’aise. Son codétenu a déclaré n’être responsable de rien. Dans l’intervalle, un autre agent avait visionné les images de vidéosurveillance et constaté que M. A______ et son codétenu avaient fait brûler quelque chose qu’ils avaient placé sur le rebord de fenêtre.

À l’arrivée des « miradors », chargés du transfert des deux détenus en cellule forte, M. A______ s’est présenté et a suivi les agents, alors que son codétenu s’y est opposé et a refusé de poser le couteau qu’il tenait à la main. M. A______ s’est soumis à la fouille, son codétenu s’y est opposé au point que les agents ont recouru à la force pour y procéder.

En raison de l’odeur de fumée, plusieurs détenus ont appelé les agents, qui ont dû s’interrompre dans leur ronde pour rassurer les détenus. Lors du contrôle de la cellule occupée par M. A______, il a été constaté que l’aération des toilettes avait été bouchée et qu’il restait des résidus huileux dans le cadre de la fenêtre.

4) Après avoir entendu le lendemain matin à 7h40 M. A______, qui ne reconnaissait pas les faits reprochés, le gardien-chef adjoint lui a infligé une sanction de quatre jours de cellule forte pour trouble à l’ordre de l’établissement. M. A______ a refusé de signer cette sanction. Son codétenu a été sanctionné de cinq jours de cellule forte.

5) Par acte déposé le 16 mai 2022 au greffe universel, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice d’un recours contre cette sanction.

Vers 21h00, il s’était rendu aux toilettes. Peu après, il avait entendu des détenus de cellules voisines crier au feu. Il était alors sorti des toilettes. Il avait constaté de la fumée vers la fenêtre de la cellule et que son codétenu tenait un couteau à la main. Le comportement de ce dernier l’avait inquiété. Il ne contestait pas les faits tels que décrits dans le rapport d’incident. En revanche, l’interprétation faite de son comportement était erronée. Il était demeuré respectueux envers le personnel et n’avait pas participé aux évènements.

Il n’était pas responsable de la sécurité dans la prison et n’avait pas à intervenir. Il n’était pas critiquable de l’avoir provisoirement placé en cellule forte, afin de rétablir le calme et d’établir les faits. Toutefois, il n’était pas responsable des agissements de son codétenu et n’avait pas à subir une sanction collective.

6) La direction de la prison a conclu au rejet du recours.

Les images de vidéosurveillance venaient corroborer les constats ressortant du rapport d’incident. Le recourant n’avait absolument pas réagi lorsque son codétenu avait fait brûler un objet sur le rebord de la fenêtre et qu’une forte fumée et d’importantes flammes s’étaient dégagées. Il n’avait notamment pas alerté le personnel. Rien n’indiquait dans son comportement que son codétenu l’aurait impressionné avec son couteau. Il était resté une bonne partie du temps aux toilettes et lorsqu’il en était sorti, il avait vu son codétenu bouter le feu et était retourné aux toilettes. Il avait ensuite été constaté que l’aération des toilettes avait été bouchée. Le devoir d’agir du recourant était manifeste dès lors que la situation était de nature à créer un danger, étant précisé qu’il avait entendu les détenus des cellules voisines crier au feu. Son devoir d’adopter une attitude correcte lui imposait d’agir, par exemple en activant l’interphone. Ce n’est que grâce aux appels des autres détenus que les agents avaient pu intervenir rapidement et faire cesser les agissements du codétenu du recourant. Un incendie en milieu carcéral pouvant avoir des effets dévastateurs, l’omission du recourant était grave. Ses bons antécédents ne lui étaient d’aucun secours.

7) Il ressort des images de vidéosurveillance produites par la direction de la prison que le codétenu du recourant a allumé un feu sur le bord de la fenêtre et l’a attisé ; après quelques minutes, il a repoussé un amas de braises important vers l’extérieur. De la fumée s’est développée dans la cellule. Le recourant était aux toilettes pendant une grande partie de l’action (environ dix minutes) et lorsqu’il en est sorti, il n’a pas manifesté de signes d’inquiétude et n’a parlé que très brièvement à son codétenu, puis est retourné aux toilettes. Ensuite, il s’est assis sur le lit et n’a montré aucun signe d’agitation ou d’inquiétude.

8) Dans sa réplique, le recourant a fait valoir qu’il n’avait pas pu voir les images de vidéosurveillance ni consulter un avocat avant le prononcé de la sanction. Son droit d’être entendu avait ainsi été violé. L’art. 44 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04) ne constituait pas une base légale suffisante pour en inférer la qualité de garant du recourant pour la sécurité de l’établissement. Les faits avaient été filmés. Se posait la question de la responsabilité de l’État si des détenus avaient été atteints dans leur santé, puisque seuls les appels des autres détenus avaient permis une intervention. Demander au recourant un comportement actif revenait à « un renversement des responsabilités ». En outre, son codétenu était porteur d’un couteau et s’était montré violent envers les agents. L’intérêt public ne justifiait pas le prononcé d’une peine collective. Le principe de la proportionnalité n’avait pas été respecté, son codétenu, qui était seul responsable d’avoir bouté le feu, n’écopant que d’un jour de cellule forte de plus que lui.

9) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Bien que la sanction ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire ou de demande de libération conditionnelle (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/50/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2 ; ATA/719/2021 du 6 juillet 2021 consid. 1).

Le recours est donc recevable.

3) Dans un grief de nature formelle, le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu.

a. Tel que garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, le droit d'être comprend le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 133 I 270 consid. 3.1 ; 132 II 485 consid. 3.2).

b. Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). La jurisprudence de la chambre de céans admet qu'en cas d'incident nécessitant une sanction se produisant après les horaires ordinaires d'activité de la prison, soit après 18h00, l'exercice du droit d'être entendu puisse s'exercer de manière un peu différée, soit en particulier le lendemain matin à la première heure, ceci en raison des besoins du service, notamment dans les cas où l'autorité décisionnaire est le directeur ou un autre membre gradé du personnel, dont le nombre est restreint dès le soir, ou en cas d’urgence (ATA/318/2020 du 31 mars 2020 consid. 4b ; ATA/1846/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3c ; ATA/1597/2019 du 29 octobre 2019 consid. 2b ; ATA/500/2017 du 2 mai 2017 consid. 6a).

c. En l’espèce, le recourant ne conteste pas s’être vu offrir l’occasion de s’exprimer puis s’être vu notifier la sanction et avoir refusé d’en accuser réception par sa signature. Il se plaint toutefois de ne pas avoir été assisté d’un avocat et de ne pas avoir pu visionner les images de vidéosurveillance avant le prononcé de la sanction.

Or, il ne conteste pas avoir eu connaissance de la sanction ainsi que du comportement qui lui était reproché. Par ailleurs, il admet être resté passif tout au long de l’action de son codétenu visant à allumer un feu et à l’attiser, fait qui a fondé sa sanction. En outre, il reconnaît qu’afin de rétablir le calme et éclaircir les faits, il pouvait être amené directement en cellule forte et être entendu dans un second temps seulement. Compte tenu du danger que peut présenter un incendie, qui plus est dans un milieu carcéral où les détenus ne sont pas à mêmes de procéder eux-mêmes à leur évacuation, le fait de l’avoir conduit en cellule forte le 14 avril 2022 à 21h25 et de l’avoir entendu ultérieurement, le lendemain à 7h40, répond ainsi à un besoin important maintien de l’ordre ou de la sécurité au sein de la prison. Le recourant ne se plaint d’ailleurs pas de cette manière de faire. L’exercice du doit d’être entendu n’impliquait pas qu’il puisse consulter un avocat avant le prononcé de la sanction ; il suffisait que le recourant puisse prendre connaissance des faits reprochés et se déterminer à leur sujet ainsi qu’au sujet de la sanction envisagée, ce qui a été le cas en l’espèce.

Par ailleurs, le recourant a pu, dans le cadre du présent recours, avoir accès aux images de vidéosurveillance et se faire assister d’un avocat. Ainsi, quand bien même une violation de son droit d’être entendu aurait dû être admise, celle-ci aurait été réparée dans la procédure de recours.

Le grief sera donc rejeté.

4) Sans conclure formellement à son audition, le recourant cite celle-ci comme moyen de preuve de ses allégations.

a. Comme évoqué ci-dessus le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ;130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, le recourant a pu se déterminer par écrit de manière circonstanciée tant dans son acte de recours auprès de la chambre de céans que dans sa réplique. Il a exposé son point de vue relatif au déroulement des faits, qu’il ne conteste au demeurant pas. Partant, il n’y a pas lieu de procéder à son audition, étant relevé que le recourant n’expose pas quels éléments complémentaires celle-ci serait susceptible d’apporter.

5) Le recourant conteste le bien-fondé de la sanction, considérant que sa passivité ne pouvait la justifier.

a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Selon l’art. 235 al. 1 CPP, la liberté des personnes soumises à ce régime de détention ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement. Les cantons règlent les droits et obligations des détenus (art. 235 al. 5 CPP). Par ailleurs, l’art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 (LOPP - F 1 50) prévoit que le Conseil d’État fixe, par un règlement, le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées.

c. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le RRIP, dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus, notamment, d'une façon générale, de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement (art. 45 let. h RRIP).

d. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer, notamment, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g). Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (art. 47 al. 7 RRIP).

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

f. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/383/2021 du 30 mars 2021 consid. 4e ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c).

g. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé une sanction de trois jours de cellule forte infligée à un détenu qui avait menacé de mettre le feu à sa cellule et de « faire des problèmes toute la nuit » (ATA/902/2016 du 25 octobre 2016). Il en est allé de même de la sanction de trois jours de cellule forte pour un détenu, ayant fumé aux toilettes, ce qui avait déclenché l’alarme incendie ; le détenu avait déjà fait l’objet d’une sanction précédente de dix jours de cellule forte. Ont également été jugées proportionnées des sanctions de dix jours d'arrêt sans sursis pour avoir provoqué volontairement un incendie, en mettant le feu à un matelas, voire à la literie et au rideau de la cellule, qui avait nécessité son évacuation et celle des détenus voisins (ATA/684/2016 du 16 août 2016) et une sanction de trois jours de cellule forte à un détenu pour avoir mis le feu à un petit papier aux toilettes pour lutter contre les mauvaises odeurs et avoir injurié le personnel (ATA/136/2019 du 12 février 2019).

6) a. En l’espèce, les faits reprochés au recourant sont documentés par le rapport d’incident et les images de vidéosurveillance. Il en ressort que le codétenu du recourant a allumé un feu sur le rebord de la fenêtre et l’a attisé, provoquant un dégagement de fumée et d’importantes braises. Le recourant est resté, pendant ce temps, environ dix minutes aux toilettes et y est retourné après en être brièvement sorti. L’odeur de fumée a alerté des détenus d’autres cellules qui en ont avisé les agents de détention. La bouche d’aération des toilettes de la cellule occupée par le recourant avait été obstruée. L’incident a nécessité l’interruption de la ronde et la mobilisation des agents se trouvant aux miradors.

Le recourant ne conteste pas ces faits. Il expose qu’il n’avait aucune obligation d’intervenir pour faire cesser les agissements de son codétenu et que celui-ci détenait un couteau. En ce qui concerne ce second point, le recourant sous-entend qu’il aurait craint son codétenu. Or, il ressort des images de vidéosurveillance qu’il n’a marqué aucun signe de surprise lorsqu’il est sorti des toilettes après les dix minutes pendant lesquelles son codétenu a allumé et alimenté le feu. Rien dans son comportement n’indique de la peur ou une crainte de son codétenu. Il est ensuite, alors que de la fumée avait envahi la cellule, retourné aux toilettes, dont il a par la suite été constaté que la bouche d’aération avait été obstruée. Compte tenu de ces éléments, il n’est pas rendu vraisemblable qu’il n’était pas intervenu parce qu’il craignait son codétenu. Le recourant ne le soutient d’ailleurs pas, n’invoquant la détention du couteau par son codétenu que pour souligner qu’il ne lui appartenait pas de veiller à la sécurité de l’établissement en intervenant auprès de son codétenu.

Or, contrairement à ce que fait valoir le recourant, son attitude passive a contribué à troubler l’ordre de l’établissement. Un tel trouble peut, en effet, résulter tant d’une action que d’une inaction. Le recourant ne soutient pas qu’il aurait tenté de convaincre son codétenu de cesser ses agissements ni qu’il aurait alerté le personnel, se bornant à affirmer qu’il pouvait demeurer passif. Le fait de laisser se développer sous ses yeux un début d’incendie n’est toutefois pas compatible avec l’interdiction de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement ni d’ailleurs avec l’obligation d’observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers en toute circonstance. Il ne s’agit pas, comme le recourant semble le soutenir, de déterminer sa responsabilité civile respectivement celle de l’État de Genève dans l’hypothèse où des détenus ou du personnel pénitentiaire auraient été atteints dans leur intégrité physique. Doit uniquement être examiné si le comportement passif du recourant contrevient aux règles internes de l’établissement. Tel est bien le cas, dès lors que ce comportement a contribué au trouble de la tranquillité et de la sécurité de l’établissement. La ronde a dû être interrompue et des détenus apeurés par l’odeur de brûlé ont dû être rassurés. Si, certes, le recourant n’est pas à l’origine de cette situation, son inaction y a contribué. Ce faisant, il doit se voir reprocher d’avoir violé ses obligations de détenu, telles que figurant aux art. 42 ss RRIP, en particulier aux art. 44 et 45 let. h RRIP. L'autorité intimée était donc fondée à le sanctionner pour ces faits.

b. Le placement en cellule forte constitue la sanction la plus sévère mentionnée à l'art. 47 al. 3 RRIP. En ne tentant pas de dissuader son codétenu de poursuivre son projet, ni d’avertir les agents de détention du développement de la fumée dans la cellule, le recourant a adopté un comportement qui a non seulement nui au bon fonctionnement de la prison, mais était également susceptible de porter atteinte à l’intégrité psychique voire physique des autres détenus et du personnel pénitentiaire. L'autorité intimée était dès lors fondée à faire preuve de sévérité. Cela étant, celle-ci n’a pas suffisamment tenu compte du fait que, détenu à la prison de Champ-Dollon depuis septembre 2020, le recourant n’a jamais fait l’objet d’une quelconque sanction. En outre, contrairement à son codétenu, il n’était pas en possession d’un couteau et n’a pas refusé d’obtempérer, quittant la cellule et se soumettant à la fouille corporelle sans résistance.

Au vu de ces éléments, la sanction prononcée apparaît trop sévère et sera réduite à une sanction de trois jours de cellule forte, étant rappelé que le placement en cellule forte peut être prononcé pour dix jours au plus.

Le recours sera dès lors partiellement admis et l'illicéité de la sanction prononcée constatée.

7) Au vu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). L’issue du litige justifie l’allocation d’une indemnité de procédure de CHF 1'000.- (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la direction de la prison de Champ-Dollon du 15 avril 2022 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

constate le caractère illicite de la sanction de quatre jours de cellule forte du 15 avril 2022, au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur A______, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sébastien Lorentz, avocat du recourant, ainsi qu'à la direction de la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Ravier

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :