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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/247/2020

ATA/496/2021 du 11.05.2021 sur JTAPI/954/2020 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/247/2020-PE ATA/496/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 mai 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Steve Alder, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 novembre 2020 (JTAPI/954/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ____1981, est ressortissant de Tunisie.

2) Il n’a jamais été au bénéfice d'un titre de séjour valable en Suisse.

3) M. A______ a sollicité, le 2 mai 2012, auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une autorisation de séjour afin de pouvoir vivre au côté de sa mère, Madame B______, de nationalité suisse, qui rencontrait depuis plusieurs mois des problèmes de santé et avait sollicité son aide. Il avait d’ores et déjà reçu des propositions de travail.

4) Par jugement du Tribunal de police (ci-après : TP) du 8 mai 2014 (P/______/2013), M. A______ (alias C______) a été condamné, suite à son opposition à l'ordonnance pénale du 22 avril 2013, pour entrée et séjour illégaux en Suisse du 21 avril 2012 au 21 avril 2013.

À teneur de ce jugement, il était domicilié à Modena, en Italie.

5) Par décision du 4 août 2015, l’OCPM a informé M. A______, qu’il n’était pas possible de faire droit à sa requête dans la mesure où il n'avait pas fourni les pièces et renseignements demandés malgré ses deux relances des 27 juin et 16 octobre 2013. Il refusait dès lors de lui octroyer une autorisation à quelque titre que ce soit et lui impartissait un délai au 30 septembre 2015 pour quitter la Suisse.

6) Par décision du 3 octobre 2018, l’OCPM a refusé la demande d’autorisation avec activité lucrative salariée déposée par M. A______ le 31 juillet 2018. Un délai au 15 novembre 2018 lui était imparti pour quitter la Suisse.

Dans cette demande, il indiquait être arrivé en Suisse le 1er novembre 2017.

7) Le 27 juin 2019, M. A______ a déposé auprès de l'OCPM une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité.

Indépendant financièrement et bien intégré en Suisse et à Genève, où il vivait depuis huit ans, il logeait chez sa mère, une cohabitation nécessaire en raison des troubles dépressifs récurrents sévères dont elle souffrait, encore aggravés par le décès subit de son fils aîné, le 29 janvier 2015.

Il produisait diverses pièces attestant de sa bonne intégration et de l’état de santé de sa mère, dont une attestation du Docteur D______, psychiatre-psychothérapeute FMH et de Madame E______, psychologue. À teneur de ce dernier document du 9 avril 2019, l’état de santé de la patiente était sévère et la présence de son fils indispensable dans l’organisation de son quotidien et afin d’éviter une aggravation de la symptomatologie dépressive. Des hospitalisations psychiatriques avaient pu être évitées à plusieurs reprises grâce à la prise en charge à la maison par son fils.

8) Il a déposé à l'OCPM, le 16 juillet 2019, une demande d'autorisation de séjour et/ou de travail pour une activité de serveur auprès du café-restaurant F______ à la rue de ______.

9) Le 20 août 2019, M. A______ a requis de l’OCPM qu’il lui délivre à tout le moins une « autorisation révocable en tout temps délivrée jusqu'à droit connu sur demande d'autorisation de séjour », un employeur étant prêt à l’embaucher, ce qui lui a été accordé le 8 juillet 2020.

10) Par courrier du 20 septembre 2019, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de rejeter sa demande d'autorisation de séjour.

Sa situation ne représentait pas un cas de détresse personnelle étant donné la courte durée de son séjour. Sa présence sur le territoire suisse depuis huit ans n’avait de plus pas été prouvée et il ne pouvait se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement réussie au point qu’il ne puisse quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables. Il ne pouvait enfin se prévaloir de la protection de la vie privée et familiale garantie par l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), ne souffrant d’aucun handicap ou de maladie grave nécessitant une prise en charge qui ne pourrait être assurée qu’en Suisse.

11) Dans sa détermination du 21 octobre 2019, M. A______, après avoir rappelé sa bonne intégration sociale et professionnelle en Suisse et la durée de son séjour à Genève, a précisé, s’agissant de l’art. 8 CEDH, que c’était en raison des problèmes de santé de sa mère qu’il souhaitait demeurer en Suisse, cette disposition protégeant également les relations parents-enfants majeurs lorsqu’il existait un lien de dépendance particulier entre eux.

Diverses pièces étaient jointes à l’appui de ses dires, dont trois abonnements annuels TPG valables du 6 juillet 2013 au 5 juillet 2014, du 9 mars 2015 au 8 mars 2016 et du 9 mars 2016 au 8 mars 2017 et un certificat médical du 11 octobre 2019 du Dr D______ et de Mme E______. Il ressort en particulier de ce document que Mme B______ souffrait d'un trouble dépressif récurrent sévère qui avait nécessité l’octroi d’une rente d'assurance invalidité (ci-après : AI) complète. Ce trouble avait pour conséquence une perte d’autonomie totale (courses, ménage, démarches administratives). La présence de son fils était indispensable pour sa prise en charge. Un renvoi de ce dernier aurait de graves conséquences sur son état psychique. La situation de Mme B______ n’était pas stabilisée et devrait être réévaluée une année plus tard.

12) M. A______ a complété ses observations le 20 novembre 2019 et versé de nouvelles pièces étayant sa bonne intégration et sa présence en Suisse depuis 2012.

13) Par décision du 2 décembre 2019, l'OCPM a, reprenant les motifs invoqués dans son courrier d’intention du 20 septembre 2019, refusé d’octroyer à M. A______ l’autorisation de séjour pour cas de rigueur requise et prononcé son renvoi de Suisse, avec délai au 31 janvier 2020 pour quitter le territoire.

Les nouvelles pièces produites ne permettaient pas de prouver, à satisfaction de droit, les huit années de séjour en Suisse alléguées. Dans sa demande d’autorisation du 31 juillet 2018, il avait de plus indiqué être arrivé en Suisse le 1er novembre 2017. Enfin, il ne pouvait se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour rester en Suisse auprès de sa mère.

14) Par acte du 17 janvier 2020, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant principalement à son annulation, et à la délivrance de l’autorisation requise. Il a produit diverses pièces.

La cohabitation avec sa mère était nécessaire en raison de ses troubles dépressifs récurrents sévères. Il lui apportait un soutien quotidien, notamment pour les tâches domestiques et démarches administratives. Son état mental s’était encore fragilisé suite au décès subit, des suites d’une intervention chirurgicale, le 29 janvier 2015, de son fils aîné, rendant d'autant plus impérieuse sa présence à ses côtés.

Depuis son arrivée à Genève huit ans plus tôt, il avait toujours travaillé et été financièrement indépendant. Il n'avait jamais commis d'infractions ni perçu d'aide sociale de la part de l'Hospice général. Il maîtrisait la langue française (une attestation délivrée le 29 mars 2019 par l'Université ouvrière de Genève atteste du passage de l'examen oral au niveau A2). Il avait créé des attaches à Genève, comme le démontraient les nombreuses attestations de proches versées à la procédure, étant relevé que sa sœur y vivait également, une partie importante de sa famille vivant par ailleurs en Suisse.

L’OCPM avait violé son droit d’être entendu en rendant une décision en tous points similaires à sa lettre d’intention, sans manifestement tenir compte de ses déterminations des 21 octobre et 20 novembre 2019. Il n’expliquait pas pour quelle raison il considérait qu’il n’y avait pas de lien de dépendance entre sa mère et lui, et se fondait sur une pièce, s’agissant de la durée de son séjour en Suisse, au sujet de laquelle il n’avait pas pu se déterminer. Un retour en Tunisie aurait des conséquences désastreuses tant pour sa mère que pour lui-même. Il devait être autorisé à demeurer en Suisse compte tenu du lien de dépendance particulier avec sa mère protégé par l'art. 8 CEDH en lien avec l’art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

15) Dans ses observations du 9 avril 2020, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés par le recourant n'étant pas de nature à modifier sa position.

Le grief de violation du droit d’être entendu n’était pas fondé.

Le séjour continu sur sol Suisse depuis 2011 n’était pas démontré, étant relevé que le recourant était entré pour la dernière fois en Suisse entre le 20 août et le 20 septembre 2018 et qu’un jugement du TP du 8 mai 2014 indiquait un domicile à Modena, en Italie. Faute d’intégration professionnelle particulièrement réussie et une réintégration dans son pays d’origine n’étant pas fortement compromise, sa situation ne pouvait être considérée comme extrêmement grave. Enfin, rien n’indiquait que l'état de santé de sa mère requerrait une présence, une surveillance, des soins et une attention que seul M. A______ serait à même d’assumer, au sens où l’entendait la jurisprudence pour retenir un lien de dépendance.

16) Le recourant a répliqué le 20 mai 2020. Un séjour de huit ans en Suisse ne l’empêchait pas de quitter ledit territoire pour quelques jours ou semaines. Le jugement du TP comportait des erreurs et était à prendre « avec des pincettes ». Tel que ressortant des certificats médicaux produits, sa présence avait permis à sa mère d’éviter des hospitalisations psychiatriques.

Il versait à la procédure un nouveau certificat, daté du 27 avril 2020, confirmant que sa présence auprès de sa mère était indispensable.

17) Le 9 juin 2020, l’OCPM a encore relevé que l’appréhension que pouvait ressentir un étranger à l’idée de devoir retourner dans sa patrie n’était pas un élément constituant un obstacle sérieux à son renvoi, ces considérations devant s’appliquer mutatis mutandis en l’espèce, en ce qui concernait la mère du recourant. Cette dernière pourrait, au demeurant, recevoir une aide à domicile, respectivement des visites de son fils dans le cadre de séjours touristiques. La jurisprudence du Tribunal fédéral était incertaine sur la possibilité d’invoquer l’art. 8 CEDH lorsque l’état de dépendance tenait non pas dans la personne de l’étranger mais dans celle au bénéfice du droit de présence assuré en Suisse.

18) Dans des écritures spontanées du 25 juin 2020, le recourant a contesté la position de l’OCPM et versé à la procédure deux pièces attestant de sa présence en Suisse en 2012 déjà, à savoir un bon de sortie émis par le département fédéral de justice et police valable du 30 août au 29 octobre 2012 et un courrier du syndicat SIT selon lequel il s’était présenté à leur permanence pour ouvrir un dossier de régularisation le 14 mai 2012.

19) Le café restaurant F______, a adressé à l'OCPM, le 14 juillet 2020, une déclaration de fin des rapports de service au 31 mars 2020 concernant M. A______.

20) Le TAPI a procédé aux auditions de M. A______, ainsi que de Mmes B______ et E______.

a. Mme B______ habitait à Genève depuis l'an 2000 et son fils vivait chez elle depuis 2012. Sa fille, Madame G______, vivait à Genève, avec sa famille, au __, Passage H______. Elle avait peu de contacts avec cette dernière qui était très occupée avec ses quatre enfants. Elle n’avait pas beaucoup d'affinités avec son mari. Sa fille l’invitait environ deux fois par année chez elle. Parfois, ses petits-enfants venaient la voir. Ils ne restaient pas longtemps, car elle s'énervait vite et ne supportait pas les cris. Ils mangeaient parfois chez elle, des choses simples ou des plats déjà préparés par son fils I______. Mère de deux garçons et trois filles, elle avait perdu un fils en 2015. Depuis lors, elle était en dépression et son fils I______ lui apportait un soutien au quotidien, notamment pour faire les courses, le ménage et les démarches administratives. Après que son fils I______ avait eu des problèmes avec la police, en raison de son séjour sans autorisation en Suisse, il était parti vivre en Italie. Durant cette période, elle lui envoyait de l'argent pour payer son loyer et sa nourriture. Il était revenu peu avant le décès de son frère et avait été son soutien durant cette période difficile. Il lui arrivait d'appeler son fils I______ plusieurs fois par jour. Elle avait peur de rester seule à la maison.

Elle voyait le Dr D______ deux fois par an et Mme E______ tous les quinze jours, parfois plus souvent si elle ne se sentait pas bien. Elle était au bénéfice d'une rente AI et ne bénéficiait pas de l'aide d'une assistante sociale pour ses démarches administratives, pour faire ses courses ou son ménage. Son fils I______, qui avait travaillé chez son beau-fils, l'aidait parfois financièrement. Il n’y travaillait toutefois plus depuis quelques semaines en raison de différends. Comme I______ travaillait dans la restauration, il n'avait pas pu le faire durant la pandémie et avait vécu grâce à ses économies. Elle avait des dettes envers lui, car il lui avait prêté de l'argent pour des travaux de réfection dans son appartement. En raison de sa dépression, elle avait constamment besoin de changement. Elle avait beaucoup de famille en Suisse, à savoir deux frères, une sœur et leur famille à Zurich, un frère, une sœur et leur famille à Bâle, un neveu, Monsieur J______, et une nièce, Madame K______, à Genève. Elle les voyait peu car ils étaient tous très occupés. Mme K______ travaillait chez Manor. Lorsqu'elle-même y faisait ses courses, elle demandait à la voir. Elles se voyaient également aux anniversaires et fêtes de famille. Sa fille L______, qui vivait en Tunisie, venait régulièrement la voir à Genève. Elle était en visite chez elle depuis deux semaines. Sa fille M______ vivait en Tunisie avec sa famille et était venue la dernière fois en Suisse douze ans plus tôt. Elle-même se rendait, seule, trois à quatre fois par année en Tunisie pour des périodes de deux semaines à un mois. Elle y logeait dans la maison de sa fille N______ qu’elle pouvait utiliser comme la sienne. Elle était allée en Tunisie en dernier lieu en août 2020, pour la fête de l'Aïd, durant un mois ou trois semaines. I______ ne l'avait pas accompagnée vu sa situation administrative.

Ses filles vivaient à Manouba : L______ habitait à l'étage supérieur de la maison de N______ et M______ à environ dix minutes en voiture de là. Selon leur disponibilité, elles venaient la chercher à l’aéroport. Sinon, elle prenait un taxi. L______ s'occupait en général des courses et elle l'accompagnait parfois si elle voulait choisir quelque chose en particulier. Une ou deux fois par année, il lui arrivait d'aller au souk, au centre-ville. En Tunisie, elle avait des contacts uniquement avec des membres de sa famille. Elle ne voyait cependant pas très souvent ses frères et sœurs car ils étaient très occupés. Ces derniers ne lui remontaient pas le moral mais lui parlaient plutôt de leurs problèmes. Elle était à Genève depuis 1996. À l'époque, elle avait beaucoup de connaissances et d'amis, travaillait et était très active. Elle était désormais une autre personne.

b. M. A______ a indiqué avoir vécu pendant quatre mois à Modena. Hormis cette période, il avait toujours vécu chez sa mère et son séjour en Suisse avait été continu depuis 2012.

Il n’était pas en très bons termes avec sa sœur, à cause de son mari, qui avait profité de lui ces cinq dernières années, soit jusqu'au 15 mars 2020, le faisant travailler jusqu'à dix-sept heures par jour, sans pauses ni congés. Il voyait sa sœur une à deux fois par mois, lorsqu'elle rendait visite à leur mère. Il voyait un peu plus ses neveux et nièces. Parfois, sa mère les gardait un petit moment pour dépanner sa sœur ou son beau-frère. À son arrivée en Suisse en 2012, il avait gardé le fils de sa sœur pendant un an. Ensuite, il n’avait plus travaillé jusqu'en 2015. Sa sœur ou sa mère l’avait alors aidé financièrement et il faisait parfois des « petits boulots ». À la mort de son frère, son beau-frère lui avait proposé de travailler pour lui. Il ignorait pour quelle raison il était mentionné « arrivé en Suisse en 2017 sur sa demande d'autorisation du 31 juillet 2018.

Il n’avait pas beaucoup de contacts avec les membres de sa famille qui vivaient en Suisse ni d’ailleurs avec ses sœurs en Tunisie. Il était un peu plus proche de sa sœur L______ car elle venait régulièrement à Genève et habitait alors chez sa mère ou chez sa sœur. Il vivait encore en Tunisie lorsque M______ était arrivée à Genève. En Tunisie, il avait exercé plusieurs métiers, dont certains pendant plus de deux ans, notamment boulanger, soudeur et maçon. Depuis le 15 mars 2020, il n’avait bénéficié d'aucune prestation de l'assurance chômage et ignorait s'il y avait droit. Il vivait depuis lors sur ses économies. Son beau-frère avait dit qu'il n'avait pas le droit d'être payé pour les heures supplémentaires effectuées. Il ignorait s'il l'avait déclaré.

Lorsqu’il travaillait pour son beau-frère, il lui était facile d'aider sa mère et de répondre à ses appels car il travaillait juste en face de son appartement et pouvait facilement se libérer. Avec son nouvel emploi, cela serait plus compliqué. Il pensait toutefois qu'elle pourrait s'en sortir s’il lui faisait les courses et serait présent le soir. Il arrivait à sa mère de sortir toute seule, notamment lorsqu'elle allait chez Manor, mais pas souvent. Elle était la plupart du temps déprimée et c'était lui qui la poussait à avoir des activités.

c. Mme E______ a confirmé la teneur de ses attestations. Elle suivait Mme B______ depuis avril 2016 à raison, au début, d'une fois par semaine, puis toutes les deux semaines et enfin, depuis une année, d'une fois par mois. Elle la voyait moins non pas parce qu'elle allait mieux, mais parce qu’elle-même avait moins de temps. Elles avaient également des contacts téléphoniques une fois par mois et Mme B______ pouvait l'appeler plus souvent en période de crise. La situation de Mme B______ demeurait très compliquée. Elle faisait des crises d'angoisse, avait des troubles obsessionnels du comportement (TOC) et des idées noires, en lien notamment avec le possible départ de son fils. Le psychiatre et elle-même (ci-après : ils) essayaient de compenser ses troubles, dans le cadre des entretiens et avec des médicaments. Ils la questionnaient notamment au sujet de ses idées suicidaires, afin de s'assurer qu'il n'y avait pas de risques de passage à l'acte. Ils craignaient toutefois que ce risque soit exacerbé en cas de départ de son fils. Mme B______ prenait deux antidépresseurs et un neuroleptique. Lorsque Mme B______ se rendait en Tunisie, tout était planifié avant son départ afin qu'elle n'angoisse pas. On l'amenait à l'aéroport de Genève et venait la chercher à son arrivée en Tunisie. Sur place, sa fille s'occupait de toute la gestion quotidienne et du ménage, comme le faisait M. A______ à Genève. Si Mme B______ devait retourner vivre en Tunisie aux côtés de son fils et de sa fille, elle craignait un risque de décompensation. Elle ne pourrait en particulier plus suivre son traitement médical dont la mise en place avait pris du temps. Elle ignorait si ses médicaments étaient accessibles en Tunisie et un changement de thérapeute était contre-indiqué en raison de l'alliance thérapeutique mise en place avec Mme B______. Le contact téléphonique ne serait pas suffisant. Un changement de thérapeute était possible mais il faudrait bien le préparer. On essayait de l'éviter, notamment pour les personnes souffrant de dépression sévère.

Elle ignorait que Mme B______ allait parfois faire des courses chez Manor et y voyait sa nièce. Cela était compatible avec le diagnostic posé, en cas de faible fréquence. Mme B______ n'était en revanche pas capable de faire ses courses au quotidien. Elle savait que la fille de Mme B______, domiciliée à Genève, n'était pas très présente pour sa mère, étant passablement débordée par ses quatre enfants. Mme B______ les avait gardés en de rares occasions mais c'était difficile pour elle, notamment parce qu'elle ne supportait pas le bruit et n'arrivait pas à les gérer. Elle ne lui avait pas parlé de contacts avec les autres membres de sa famille domiciliés à Genève. Elle ignorait si son autre fille qui vivait en Tunisie l’aidait. Elle lui parlait surtout de L______.

Ils avaient reçu Mme B______ après qu’elle eut été informée de la décision négative de l'OCPM du 2 décembre 2019. Elle avait fait une crise, se tirant les vêtements et se frappant le visage. Ils avaient été « à deux doigts » de l'hospitaliser et avaient dû lui donner un traitement pour la calmer. La présence de son fils à la maison la rassurait, notamment la nuit du fait de ses nombreux cauchemars. Mme B______ avait également des crises d'impulsivité lors desquelles elle était violente envers elle-même, ce qui les inquiétait quant au risque de passage à l'acte. Elle ne connaissait pas l'âge de ses petits-enfants. De mémoire, le dernier était né en juin 2020.

La présence de M. A______ aux côtés de Mme B______ était nécessaire au quotidien, ce qui ne l'empêchait toutefois pas d'avoir une activité lucrative. Cette présence était surtout nécessaire pour la gestion du ménage, des repas et des courses, et pour compenser en cas de crise. Un encadrement de l’institution genevoise de maintien à domicile (ci-après : IMAD) ne serait pas suffisant. Mme B______ souffrait de dépression depuis très longtemps. Elle avait un passé de maltraitance. Sa situation s'était toutefois dégradée avec le décès de son fils en 2015. Si M. A______ exerçait une activité professionnelle éloignée du domicile de Mme B______, ce serait très difficile pour elle et il faudrait faire un travail thérapeutique à ce sujet. Cela se passait bien lorsqu'elle était en Tunisie, car sa fille était présente.

d. M. A______ a précisé que depuis la signature de son nouveau contrat de travail, il n’avait été appelé qu'à deux reprises. Il aurait une possibilité d'emploi, comme gérant d'un tabac, en face de chez lui. Il ignorait tant le nom du tabac que du gérant. Selon les modalités discutées avec l'ancien gérant, il était prévu que lui-même lui paie CHF 5'000.- avant de commencer à travailler, puis chaque mois. Le solde du bénéfice obtenu chaque mois serait pour lui. En parallèle, il continuait à chercher du travail, uniquement à proximité du domicile de sa mère, tant pour lui que pour sa mère.

21) Le TAPI avait convoqué le Dr D______ à une audience le 4 septembre 2020. Il ressort d'un courrier que le TAPI lui avait adressé le 28 juillet 2020 qu'il acceptait sa demande de renoncer à son audition dès lors qu'il ne recevait Mme B______ en consultation que deux fois par an.

22) Le TAPI a, par jugement du 5 novembre 2020, rejeté le recours de M. A______.

S'il n'était pas contestable que la présence de M. A______ apportât du réconfort à sa mère et que son aide fût d'une grande importance, ce dernier ne parvenait toutefois pas à démontrer qu'il était le seul en mesure de s'en occuper. S'agissant en particulier des courses, du ménage, et des démarches administratives, une aide professionnelle adaptée aux besoins de l'intéressée devrait facilement pouvoir être mise en place par l'IMAD (https://www.imad-ge.ch/). La sœur de M. A______ habitant Genève, quand bien même elle avait quatre enfants, mais ne travaillait pas, pouvait également amener un soutien psychologique à leur mère. Son autre sœur vivant en Tunisie venait régulièrement voir leur mère à Genève et cette dernière se rendait là-bas régulièrement en visite, sans le recourant, et y logeait dans la maison de sa fille N______, qu'elle pouvait utiliser comme la sienne. Sa fille L______ s'occupait de la gestion quotidienne et du ménage. Elle bénéficiait ainsi, plusieurs mois par année, du soutien d'autres membres de sa famille, sans que cela ne semblât poser de problème particulier. Le recourant pourrait continuer de voir sa mère lors des séjours de cette dernière dans son pays d'origine et conserverait en outre la possibilité de venir en Suisse, muni d'un visa Schengen, pour un séjour de nonante jours maximum sur une période de cent-quatre-vingt jours. Dans ces conditions, il n'apparaissait pas qu'il existât entre le recourant et sa mère un lien de dépendance tel qu'il empêcherait le retour de ce dernier en Tunisie.

Un travail thérapeutique, au besoin plus soutenu, pourrait, en sus, être entrepris avec son médecin et sa psychologue pour l'aider à accepter le départ du recourant. Enfin, si la mère du recourant désirait vivre à ses côtés, il lui était toujours possible de s'installer avec lui à Manouba. Elle pourrait y percevoir sa rente invalidité et son départ n'aurait aucune incidence sur son droit de séjour, puisqu'elle possédait la nationalité suisse. Une prise en charge médicale et psychothérapeutique y serait parfaitement possible (https://www.med.tn/ medecin/psychologue/mannouba/mannouba/ et http://www.sante-tunisie.com/ medicaments-recherche-par-classe-therapeutique-0.htm consultés le 30 octobre 2020), même s'il fallait bien le préparer vu la dépression sévère dont elle souffrait.

M. A______ ne bénéficiait d'aucune activité lucrative stable ni d'aucune source de revenu et ses chances d'en trouver une correspondant à ses critères, en particulier de proximité avec le domicile de sa mère, étaient faibles et même illusoires s'agissant de la gérance du kiosque alléguée. Sa mère, au bénéfice d'une seule rente invalidité, ne saurait être en mesure de le soutenir financièrement sur le long terme. Ainsi, aucun élément ne permettait de garantir qu'il ne dépendrait pas de l'aide sociale à l'avenir.

23) M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le 7 décembre 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu préalablement à ce qu'une audience soit ordonnée comprenant les auditions du Dr D______, ainsi que de Mmes E______ et B______. Au fond, il a conclu à l'annulation du jugement et à ce que lui soit délivrée une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Il complétait ainsi l'état de fait tel que posé par le TAPI. Le Dr D______ et Mme E______ avaient établi un nouveau certificat médical confirmant l'effondrement de Mme B______ lorsqu'elle avait pris connaissance du jugement. Elle présentait « une rechute dépressive encore plus forte avec des idées noires actives ». Les thérapeutes y relevaient aussi que le soutien de M. A______ était infiniment plus personnalisé et précieux que celui de l'IMAD et qu’elle ne pourrait pas bénéficier des mêmes soins psychiatriques dans son pays d'origine. Ils craignaient des décompensations encore plus fortes de son trouble dépressif au cas où son fils serait renvoyé de Suisse. Les médicaments qu'elles prenaient ne figuraient pas sur le site internet mentionné par le TAPI. Il était essentiel que les thérapeutes soient entendus sur ces points et sur le fait que rien ne pouvait remplacer la présence de M. A______ auprès de sa mère. Celle-ci devait aussi être entendue dans la mesure où elle était concernée au premier chef par la décision contestée. La chambre administrative devait apprécier directement son témoignage et avoir une idée de sa réaction après avoir eu connaissance du jugement du TAPI.

Le TAPI avait violé son droit d'être entendu. À aucun moment avant son jugement il n'avait évoqué les sites internet, sur l'IMAD et les possibilités de traitement en Tunisie, et les informations qu'ils renfermaient, consultés au demeurant après que la cause eut été gardée à juger, de sorte qu'il n'avait pu se déterminer à leur propos. Cette violation était grave, puisque portant sur des éléments factuels essentiels du raisonnement conduit par le premier juge, et ne pouvait être réparée en seconde instance. Le jugement devait être annulé pour cette première raison déjà.

Par ailleurs, en s'écartant des avis concordants émis par le Dr D______ et Mme E______, sans l'expliquer, le TAPI avait procédé à une constatation et à une appréciation inexacte des faits pertinents en substituant sa propre appréciation à celle de ces professionnels. Rien n'indiquait que l'IMAD entrerait en matière ni que l'aide qu'elle apporterait aurait les mêmes effets sur la santé de sa mère que celle qu'il lui apportait depuis de nombreuses années, les thérapeutes disant le contraire. Si le TAPI n'était pas convaincu des avis de ces spécialistes, il aurait pu mettre en œuvre une expertise pour déterminer si des soins équivalents existaient en Tunisie.

Le TAPI avait surinterprété les propos de Mme E______ en retenant qu'un changement de thérapie serait possible si sa mère retournait vivre en Tunisie, mais devait être préparé, alors que la psychologue avait clairement mentionné qu'il était contre-indiqué. Le certificat médical du 20 novembre 2020 indiquait qu'une rupture du lien thérapeutique n'était pas souhaitable et pourrait même avoir des conséquences potentiellement graves sur son état de santé. En tout état, le suivi thérapeutique en Tunisie ne serait pas équivalent à celui mis en place en Suisse depuis de nombreuses années.

Les documents produits, en particulier les attestations médicales, démontraient que la seule présence de M. A______ quotidiennement aux côtés de sa mère était un facteur de stabilisation de l'état de santé de cette dernière. M. A______ avait valablement démontré que sa mère requérait une assistance et des soins quotidiens que lui seul était susceptible de lui prodiguer. D'après les thérapeutes, si M. A______ venait à être renvoyé, sa mère devrait selon toute vraisemblance être hospitalisée afin d'éviter une décompensation et une aggravation de son état de santé. Il existait ainsi bien un lien de dépendance qui justifiait qu'il soit mis au bénéfice d'une autorisation de séjour en application de l'art. 8 CEDH.

Même à considérer qu'il ne bénéficierait pas d'un tel droit, son renvoi ne serait pas proportionné. Depuis son arrivée en 2012, il n'avait été condamné qu'une fois, en lien avec son statut administratif précaire. Il n'avait aucune dette et n'avait jamais bénéficié de l'aide sociale. Il avait fait l'effort de trouver des emplois lui permettant de subvenir à ses besoins et accessoirement à ceux de sa mère, nonobstant ce statut précaire. Il était intégré dans la société suisse et genevoise. Son séjour en Suisse ne relevait pas de sa convenance personnelle mais était nécessaire pour maintenir sa mère « à flots » après les épreuves ayant jalonné son existence, telle la mort subite de l'un de ses fils. Ces éléments pourraient même conduire au prononcé d'une admission provisoire.

24) L'OCPM a conclu le 6 janvier 2021 au rejet du recours.

Les arguments avancés par M. A______ n'étaient pas de nature à modifier sa position. Le certificat médical du 20 novembre 2020 précisait que « le soutien apporté par Monsieur A______ [était] infiniment plus personnalisé et précieux que celui de l'IMAD, par des personnes inconnues pour gérer son quotidien ». Comme retenu à juste titre par le TAPI, il n'était pas démontré que seul M. A______ serait en mesure de s'occuper de sa mère, laquelle avait une fille vivant à Genève et de nombreux membres de sa famille en Suisse. Elle se rendait aussi en Tunisie auprès de deux de ses autres filles.

25) Dans une réplique du 11 février 2021, M. A______ a persisté dans ses demandes d'auditions.

L'OCPM semblait ne pas avoir saisi la réalité et la gravité de la situation actuelle, malgré les nombreux certificats médicaux produits, dont celui du 20 novembre 2020 dont il sortait une phrase de son contexte pour l'interpréter en faveur de ses conclusions. Il était à rebours du bon sens de proposer l'aide de personnes vivant à l'autre bout de la Suisse, alors que la mère de M. A______ avait un besoin de soutien au quotidien. Le lien affectif mère-fils ne pouvait par ailleurs être comparé à celui liant frères et sœurs. Il était aussi audacieux de prétendre que la sœur de M. A______ pourrait s'occuper de leur mère au quotidien alors qu'elle avait quatre enfants à charge.

26) Faisant encore valoir son « droit inconditionnel à la réplique », M. A______ a transmis à la chambre de céans un nouveau certificat médical établi par le Dr D______ et Mme E______ du 18 février 2021.

Il en ressort que la présence de son fils était indispensable à Mme B______ pour faire les courses, le ménage et les démarches administratives, principalement, du fait de sa perte d'autonomie consécutive à son trouble dépressif et ce, pour que son état ne soit pas aggravé. Au cas où son fils serait renvoyé de Suisse, son état psychique serait gravement décompensé, « surtout tenant compte des idées noires actives existantes par rapport à ce sujet ». Le soutien que son fils pourrait lui apporter était plus efficace et important que celui qu'elle pourrait recevoir de la part de l'IMAD ou de qui que ce soit d'autre selon l'anamnèse.

27) Le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle et d’enquêtes le 29 mars 2021.

a. Mme B______ était triste et énervée après avoir compris le contenu du jugement de première instance. Elle était allée peu après sa réception voir le Dr D______. Elle « souffrait trop, en avait marre de tout » ; la vie était contre elle. Elle avait perdu son travail et son fils. Sa fille vivant à Genève avait sa propre vie.

Elle était partie en Tunisie à mi-février 2021 pour le second mariage de l'une de ses filles et venait d'en rentrer. Une amie et des connaissances avaient fait les voyages aller-retour avec elle.

Elle pensait avoir vu Mme E______ pour la dernière fois deux ou trois jours avant son départ. Elle la consultait également via Skype, ce qui avait été le cas à deux reprises depuis la mi-février. Elle avait vu le Dr D______ au début du mois de février et ne pouvait dire à quand remontait la consultation précédente. Sa dépression lui causait des problèmes de mémoire. Ses médicaments et leur dosage étaient restés identiques depuis novembre 2020. Quand elle n'allait pas bien, elle s'énervait, criait, se tirait les cheveux ou se griffait, ce qui s'était produit pour la dernière fois en Tunisie, en lien avec le mariage de sa fille.

Elle ne s'était pas rendue récemment chez Manor. Elle passait ses journées à la maison et ne sortait que si elle y était obligée, par exemple pour aller chez le docteur, chez le dentiste ou à la pharmacie. Elle envoyait parfois son fils chercher des médicaments à la gare.

Ce dernier passait ses journées à faire le ménage, les courses ou encore à trier ses factures. Vu ses propres problèmes de concentration, il lui arrivait parfois de devoir relire la même phrase pour la comprendre. A______ cherchait sans relâche du travail mais on lui répondait constamment que ce n'était pas le bon moment vu le virus.

Elle n'avait pas du tout l'intention de retourner vivre en Tunisie.

b. Le Dr D______ ne savait pas dire à quelle fréquence il voyait Mme B______, ce qui pouvait se présenter deux fois dans la même semaine, souvent en urgence. Il pouvait aussi ne pas la voir pendant plusieurs mois. Elle l'avait spontanément contacté par téléphone le samedi précédent, car elle était angoissée. Elle mélangeait le passé, le présent et l'avenir. Elle faisait des attaques de panique souvent sans logique extérieure.

Dans la mesure où le Dr D______ a indiqué ne pas pouvoir répondre à la question de savoir à quelle fréquence et dans quelles circonstances il avait été consulté par Mme B______, que ce soit physiquement, par visioconférence ou par téléphone, en particulier depuis le début du mois de novembre 2020, alors même qu'il avait signé une attestation du 20 novembre 2020 mentionnant à quel point cette patiente aurait « fait une rechute dépressive encore plus forte avec des idées noires actives », en lien avec son fils, il a été demandé au Dr D______ par la juge déléguée de fournir un bref rapport mentionnant les rendez-vous en question à compter du 1er novembre 2020.

Le Dr D______ a expliqué qu'en novembre 2020, Mme B______ allait beaucoup moins bien. Elle lui avait dit que si son fils devait être renvoyé, elle se suiciderait. Elle avait plusieurs fois par le passé fait état d'idées suicidaires, pour d'autres raisons que son fils. Il lui était alors arrivé de se présenter à son cabinet sans rendez-vous, l'obligeant à interrompre une séance. À l'inverse, il lui était arrivé de manquer des rendez-vous. Depuis novembre 2020, mais également auparavant, il avait dû changer la posologie du traitement en particulier en marge de ses crises qui correspondaient aux moments où elle se présentait au cabinet sans rendez-vous.

Mme B______ ne s'était pas griffée ou arraché les cheveux en sa présence. Par contre, il lui était arrivé de hurler, notamment dans la salle d'attente ou en arrivant au cabinet ou même, pendant les séances, et ce tellement fort, soit à une puissance de 100 décibels environ, qu'il avait dû interrompre une séance. Ces cris révélaient une souffrance objective et il ne s'était jamais posé la question d'une simulation éventuelle puisqu'elle agissait de la sorte avant la problématique liée au renvoi de son fils. Ceci était d'autant plus vrai qu'elle ne semblait pas s'en rendre compte. Quand il lui demandait de baisser la voix, ou lui rappelait qu'elle l'avait élevée, une fois calmée, elle disait qu'elle ne s'en rappelait pas et qu'elle n'avait pas fait ça. C'était un suivi difficile.

Il effectuait des expertises pour les tribunaux ou des privés, notamment pour l'AI et était certifié « SIM ». Il avait la conviction que Mme B______ ne cherchait pas à obtenir consciemment un avantage secondaire par son comportement et/ou son discours. Ceci était corroboré par le fait qu'elle dise ne pas avoir crié. Il n'y avait en fait pas de lien simple entre son comportement, son discours et ses buts éventuels.

La question d'une hospitalisation s'était posée à plusieurs reprises, en fait quasiment à chaque fois qu'elle se présentait en état de crise au cabinet, sans rendez-vous, ce qui plaidait pour une réalité de la situation. Il arrivait en effet que des patients prennent rendez-vous et « comme par hasard présentent une crise juste au bon moment ». Les hospitalisations ne s'étaient toutefois pas avérées nécessaires parce qu'elle arrivait à se calmer rapidement, ce qu'il mettait sur le compte du lien thérapeutique et le fait qu'elle sût qu'il acceptait de la voir ainsi en urgence, ne serait-ce que quelques minutes. Dans ces conditions, une hospitalisation non volontaire ne se justifiait pas. Une hospitalisation volontaire n'aurait aucun effet à long terme, car elle ne la guérirait pas. Ceci était d'autant plus vrai qu'elle était compliante au traitement médicamenteux, ce qu'il pouvait vérifier par des analyses de sang régulières et aléatoires.

Selon lui, il n'y avait aucune instrumentalisation de sa relation thérapeutique avec cette patiente, ce qui était prouvé par le fait qu'elle ne lui avait jamais donné l'identité de son fils ni dit qu'elle demanderait son intervention pour rédiger un rapport pour les autorités en faveur de celui-là. Il n'avait eu connaissance de l'existence de l'avocat qu'au moment où une première juge l'avait contacté pour déterminer avec lui laquelle de ses patientes la procédure pouvait concerner.

Le fait que Mme B______ se présente de manière aléatoire, le plus souvent, finissait d'asseoir cette certitude qu'elle n'utilisait pas ses thérapeutes pour les besoins de la cause de son fils. La maladie dont elle souffrait était imprévisible et le thérapeute restait humble devant son évolution.

Son fils avait un rôle central dans sa vie que, par exemple l'IMAD, ne pourrait pas remplir. Il ne fallait pas oublier l'aspect culturel. Dans l'imaginaire de Mme B______, le rôle et la place de son fils n'étaient pas les mêmes que par exemple pour un suisse, si la comparaison était permise. Cette aide intergénérationnelle était double. Si Mme B______ évoquait des idées suicidaires au cas où son fils partait, c'était que pour elle sa vie n'aurait alors plus de sens car elle ne pourrait plus l'aider. Autrement dit, par sa présence, elle aidait son fils à rester. Si son fils devait partir, elle n'aurait plus ce rôle d'une mère qui aide son enfant. Elle n'avait pas beaucoup d'autres investissements ailleurs, de sorte que si son fils n'était plus là, elle considérerait qu'il n'y aurait plus de sens à sa vie. Si son fils devait partir, les crises augmenteraient assurément, de même que le risque suicidaire.

S'agissant d'un suivi dans son pays d'origine, le Dr D______ a déclaré que les psychiatres n'étaient ni remplaçables ni irremplaçables. Il ignorait ce qui se passait en Tunisie si un patient arrivait en hurlant sans rendez-vous. Le fils de Mme B______ ne l'accompagnait pas quand elle arrivait en crise au cabinet. Elle venait souvent à pied ou en bus et se trompait souvent de bus. Si elle savait que son fils n'était pas « dans la région », peut-être qu'elle irait moins bien et qu'elle n'arriverait plus à venir seule aux rendez-vous ou hors rendez-vous.

Le souci de cette mère devait également être que son fils trouve du travail et qu'il puisse se marier, ce qui avait été évoqué en entretiens à plusieurs reprises. Elle irait peut-être mieux si son fils avait eu sa propre vie et aurait peut-être pu obtenir des papiers et du travail grâce à un mariage. Ce n'était plus une affaire de culture quand quelqu'un de 40 ans se trouvait encore dans cette situation.

c. Mme E______ voyait Mme B______ environ une fois par mois, outre des entretiens téléphoniques convenus. Lors de crises, sa patiente l'appelait spontanément.

Depuis novembre 2020, Mme B______ avait eu davantage d'idées noires actives. Les crises avaient été plus présentes, de même que la tristesse, ce que Mme E______ mettait en lien avec la situation de son fils. Elle ignorait si le traitement médicamenteux avait été modifié dans la mesure où c'était son collègue qui s'en occupait. Aucune démarche n'avait été entreprise auprès de l'IMAD puisqu'elle-même et le Dr D______ estimaient que son fils lui apportait un soutien plus important et personnalisé. Cette situation n'était pas comparable par exemple avec celle d'une personne souffrant de dépression et ne vivant pas avec un proche aidant. Mme B______ n'envisageait pas ni n'évoquait un départ de la maison de son fils pour s'installer avec quelqu'un, fût-ce « à l'autre bout du canton ». Elle pouvait peut-être envisager qu'il engage une relation mais pas se projeter dans un départ de son fils de la maison.

Leur dernier entretien, convenu, s'était tenu par vidéo le 18 mars 2021. Mme E______ avait eu sa patiente en crise au téléphone, la semaine précédente. À ces deux occasions, sa patiente se trouvait selon elle en Tunisie. La semaine précédente, elle avait évoqué la date de l'audience à venir. Elle était angoissée pour ce qui arriverait à son fils.

Son fils la soutenait dans ses tâches quotidiennes, mais également lors de ses crises. Il était un soutien par sa seule présence. Elle lui parlait régulièrement de son fils. En cas de renvoi, il existait un risque de décompensation avec une probable hospitalisation qui avait pu être évitée jusque-là.

Mme E______ voyait cette patiente plus régulièrement que le psychiatre, avec lequel elle partageait les locaux. Mme B______ ne se présentait pas au cabinet sans rendez-vous avec elle. Elle-même avait déjà eu l'information que tel avait été le cas avec le psychiatre. Elle n'était pas présente sur le site quand Mme B______ se serait présentée en état de crise, en hurlant. Elle en avait eu connaissance par le psychiatre, une seule fois. Par contre, Mme B______ avait vécu une crise dans son cabinet et elle avait failli appeler les ambulanciers pour une hospitalisation. C'était avant le jugement de novembre 2020, sans pouvoir être plus précise. Depuis ce jugement, elle n'avait pas vu Mme B______ en crise.

Elle pouvait néanmoins dire que la situation se péjorait depuis ce jugement dans la mesure où les idées noires s'étaient accentuées et où des scénarios de passage à l'acte étaient évoqués.

d. M. A______ a précisé avoir travaillé pour son beau-frère de 2015 au 5 mars 2020, au moment où le virus avait tout arrêté. Le projet de reprise du kiosque n'était plus d'actualité, le gérant actuel ayant confié cette gérance à son frère. Ses recherches de travail, via internet et en se rendant sur place, étaient compliquées en raison de la crise sanitaire. Depuis le 5 mars 2020, il vivait sur ses économies, à savoir les CHF 5'000.- ou 6'000.- provenant de son emploi chez son beau-frère, dont il lui restait CHF 2'500.-.

Il avait aussi effectué quelques déménagements en janvier et février 2021, sur quelques jours, ce qui lui avait rapporté environ CHF 2'000.-. Il quittait la maison vers 6h00 et rentrait à 18h00. S'il trouvait du travail, sa mère pourrait rester seule la journée. En rentrant par contre, il devrait s'atteler à toutes les tâches ménagères, dont la lessive et le repassage, étant précisé que sa mère repassait rarement.

Sa mère, à l'AI à 100 %, touchait CHF 3'000.- ou CHF 3'500.- par mois. Il allait faire ses paiements à la Poste. Il ne remplissait pas sa déclaration d'impôts et ignorait combien elle en payait. Le loyer s'élevait à CHF 1'205.- sauf erreur, la prime mensuelle d'assurance-maladie de sa mère à CHF 520.- et ses frais de téléphone à CHF 365.-, sans qu'il puisse dire quelle période ce montant concernait. Il avait des problèmes de mémoire en raison de sa situation. L'abonnement chez Sunrise était valable pour ses deux sœurs vivant en Tunisie. Les frais d'électricité se montaient tous les trois mois à CHF 190.-/200.- et les courses alimentaires à environ CHF 500.-/600.- par mois. Le total des factures mensuelles s'élevait à environ CHF 2'500.-. Sa mère et lui n'avaient pas emprunté de l'argent, que ce soit à un établissement ou à des tiers.

Il n'allait jamais chez le médecin mais pensait qu'il devrait le faire car il était fatigué, selon lui car ses années de travail au service de son beau-frère lui avaient pesé. Il n'avait pas d'assurance-maladie. Son beau-frère l'avait toujours dissuadé de faire les démarches pour en obtenir une en disant qu'il devait attendre son permis. Quand il travaillait pour son beau-frère, son horaire était, pendant les trois premières années, de 9h00 à 02h00 du matin puis, les deux années suivantes, de 9h00 à 14h00 puis de 18h00 à 02h00. Il avait demandé cet allègement d'horaire car c'était difficile de travailler avec son beau-frère qui était déprimé. Il voulait aussi pouvoir faire sa vie et rencontrer quelqu'un. Il lui suffisait alors de traverser la route pour rentrer et amener à sa mère par exemple des courses de la Coop ou des médicaments de la pharmacie ou encore aller payer les factures à la Poste. Sa mère ne l'appelait ni régulièrement ni systématiquement. Il y avait des journées entières où elle ne le voyait pas. À cette époque, il ne la voyait donc que le matin au lever.

Il préférerait trouver du travail à côté de la maison.

e. La représentante de l'OCPM a précisé que si le recours était admis, le dossier devrait être soumis au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) en application de l’ordonnance du DFJP relative aux autorisations et aux décisions préalables dans le domaine du droit des étrangers soumises à la procédure d’approbation (ordonnance du DFJP concernant l’approbation, OA-DFJP) du 13 août 2015. Si le recours devait être rejeté et le renvoi prononcé, mais que la chambre administrative considérait que ledit renvoi serait inexigible (art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l'OCPM devrait transmettre le dossier au SEM pour admission provisoire. Dès que le SEM se serait favorablement prononcé, M. A______ pourrait travailler dans les deux cas, selon des modalités distinctes. Dans ces deux cas de figure, il aurait droit à l'aide de l'Hospice général (permis B ou permis F), selon des barèmes différents. Dans le premier des cas, il pourrait voyager, son titre de séjour valant visa et dans la mesure où il garderait son passeport. En revanche, avec un permis F, il ne pourrait pas voyager car il devrait déposer son passeport. Il pourrait toutefois, dans certaines exceptions, après que le SEM aurait été interpellé, voyager, mais sous conditions.

28) Le Dr D______ a fait parvenir à la chambre de céans une « attestation à servir à qui de droit » du 29 mars 2021 attestant d'un suivi de Mme B______ d'environ tous les deux mois depuis novembre 2020, outre des venues de celle-ci « à de nombreuses reprises en urgence sans rendez-vous, parfois deux fois la même semaine, parfois pas du tout durant un mois ».

29) M. A______ a produit une écriture après enquêtes du 16 avril 2021.

Ses dires en audience quant aux revenus mensuels de sa mère, dont il s'occupait des démarches administratives, de CHF 3'546.-, étaient attestés par les pièces produites, émanant de l'office cantonal des assurances sociales (OCAS) et du service des prestations complémentaires (SPC). Il en était de même s'agissant des charges mensuelles, selon factures produites, à quelques francs près. S'il n'avait pu indiquer le montant des impôts acquitté par sa mère, c'était qu'elle n'en devait pas, exceptée la taxe personnelle de CHF 25.-.

L'attestation du Dr D______ du 29 mars 2021 ne faisait que confirmer la fragilité, l'instabilité et l'imprévisibilité de l'état de santé de Mme B______.

30) Les parties ont été informées, le 27 avril 2021, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicitait l'audition des deux thérapeutes de sa mère et de cette dernière, demandes auxquelles il a été fait droit. Il a ensuite pu produire une nouvelle écriture, pièces à l'appui.

La chambre de céans dispose ainsi d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

3) Le recourant soutient que son droit d'être entendu aurait été violé par le TAPI qui aurait fait référence dans son jugement, sans que lui-même ait l'occasion de se prononcer préalablement sur ces points, à des informations tirées d'internet après que la cause a été gardée à juger, en lien avec les interventions de l'IMAD et les soins psychiatriques disponibles en Tunisie.

a. Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_529/2016 du 26 octobre 2016 consid. 4.2.1). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_935/2012 du 11 juin 2013 consid. 4.1).

Tel qu'il est garanti par cette dernière disposition, le droit d'être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/723/2018 du 10 juillet 2018 et les arrêts cités).

b. La réparation du droit d'être entendu en instance de recours n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure. Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1 ; ATA/714/2018 du 10 juillet 2018). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/944/2020 du 22 septembre 2020 consid. 4c ; ATA/711/2020 du 4 août 2020 consid. 4b).

c. Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité trop important (arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5 ; ATA/791/2020 du 25 août 2020 consid. 6c et les références citées).

d. En l'espèce, certes le TAPI n'a pas formellement attiré l'attention du recourant sur les informations tirées des sites consultés https://www.med.tn/medecin/psychologue/mannouba/mannouba/et http://www. sante-tunisie.com/medicaments-recherche-par-classe-therapeutique-0.htm (consultés le 30 octobre 2020) et https://www.imad-ge.ch/, avant de rendre son jugement. Néanmoins, l'instruction de la cause devant lui, en particulier à l'occasion des diverses auditions recueillies, a expressément porté sur l'accessibilités aux soins psychiatriques en Tunisie et la possibilité d'un encadrement à domicile par l'IMAD (institution dont l'activité sur sol genevois est notoire) pour sa mère. La psychologue de cette dernière a répondu à des questions sur ces points précis, en présence du recourant et de son conseil. Dans ces circonstances, le recourant ne peut valablement soutenir avoir été surpris du raisonnement du TAPI en tenant compte. Le recourant, assisté d'un conseil, ne soutient au demeurant pas ne pas avoir pu consulter de tels sites, librement accessibles. Il sera encore rappelé qu'il lui revient de prouver les éléments fondant le cas de rigueur qu'il plaide.

En tout état, la question de savoir si le TAPI aurait dû interpeller les parties sur ces consultations peut souffrir de demeurer ouverte en l'espèce tant la violation du droit d'être entendu du recourant que cela constituerait ne serait pas grave au point qu'elle ne puisse être réparée devant la chambre de céans qui jouit d'un plein pouvoir de cognition. Le recourant s'est d'ailleurs largement exprimé sur ces éléments dans ses diverses écritures et a obtenu également le point de vue des thérapeutes de sa mère à cet égard.

Ce premier grief sera partant rejeté.

4) a. Le recourant soutient qu'une autorisation de séjour doit lui être délivrée pour cas d'extrême rigueur.

b. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3 ; ATA/86/2021 du 26 janvier 2021consid. 4).

5) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément l'art. 126 al. 1 LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_737/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_841/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3), les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit.

b. En l'espèce, la demande d'autorisation de séjour a été déposée le 27 juin 2019, de sorte que la cause est soumise au nouveau droit, étant précisé que la plupart des dispositions sont demeurées identiques.

6) a. La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de Tunisie.

b. Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

c. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.10 ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

e. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

f. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

g. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3)

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du TAF C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/ Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

7) En l'espèce, il y a lieu de relativiser la durée du séjour en Suisse du recourant dans la mesure où il s'est déroulé dans sa totalité dans l'illégalité. Les éléments du dossier, en particulier la demande faite auprès de l'OCPM en mai 2012 d'une autorisation de séjour pour vivre après de sa mère, permettent de dater un premier séjour à Genève à cette période, ce que tend à confirmer le jugement du TP du 8 mai 2014 au terme duquel il a été condamné pour entrée et séjour illégaux du 21 avril 2012 au 21 avril 2013. À teneur de ce même jugement et ce qui est corroboré par les dires de sa mère devant le TAPI, le recourant était au printemps 2014 domicilié à Modena, Italie. Sa mère a expliqué qu'il était allé y vivre après ses soucis avec la police qui remontaient donc au mois d'avril 2013 et n'était revenu auprès d'elle qu'au moment du décès de son frère, qui remonte à fin janvier 2015. Il doit donc être retenu qu'il a passé à tout le moins plusieurs mois en Italie, ce qui a interrompu son séjour en Suisse d'autant. Au vu de ces éléments, la force probante de l'abonnement aux transports publics genevois pris pour une année au début du mois de juillet 2013 doit être relativisée, étant relevé qu'il a pu être établi en son absence par un tiers et ne signifie en tout état pas que le recourant ait effectivement été présent à Genève durant toute sa durée de validité et encore moins auprès de sa mère qui a mentionné une présence en Italie de son fils durant près de deux ans. Il n'est pas exclu qu'il ait encore quitté la Suisse après la fin du mois de janvier 2015, pour des séjours de durée indéterminée de plusieurs semaines selon sa réplique au TAPI du 20 mai 2020, dans la mesure où la date du 1er novembre 2017 a été indiquée dans une demande d'autorisation de travail. En tout état et dans la situation qui lui est la plus favorable, le séjour du recourant en Suisse n'a pas été ininterrompu durant bientôt treize ans, ne fût-ce qu'en raison de son séjour en Italie et, comme déjà dit, la durée doit en être relativisée de par son caractère illégal.

Certes, le recourant n'a, en Suisse, pas émargé à l'aide sociale ni contracté de dettes. Il n'établit en revanche pas avoir eu en tout temps des emplois permettant de subvenir à ses besoins et ne démontre pas bénéficier d'une couverture d'assurance-maladie. Sa mère a indiqué qu'elle subvenait à ses besoins lorsqu'il vivait en Italie et qu'il vivait sur ses économies depuis la perte de son emploi. À fin mars 2020, il n'était en effet plus serveur dans un café restaurant de la rue Montchoisy à teneur de la déclaration faite dans ce sens par son employeur à l'OCPM. Il a perdu le dernier emploi qu'il a indiqué avoir eu auprès de son beau-frère depuis fin 2015 plusieurs semaines avant l'audience devant le TAPI du 4 septembre 2020 et reconnaît depuis lors ne plus travailler. Son projet de gérance d'un kiosque situé en face de l'immeuble où loge sa mère n'est plus d'actualité, étant relevé au demeurant qu'il s'avérait illusoire, le recourant n'étant pas à même d'indiquer l'enseigne de ce commerce ni l'identité du gérant actuel, mais aussi dans la mesure où il aurait commandé qu'il fasse un bénéfice mensuel de plus des CHF 5'000.- revenant audit gérant qui lui cèderait ce commerce, pour commencer à toucher un revenu. Dans ces conditions, le risque concret existe que le recourant émarge à l'avenir à l'aide sociale.

Son intégration socio-professionnelle en Suisse ne peut donc pas être qualifiée d'exceptionnelle, quand bien même il a obtenu le soutien de plusieurs connaissances vivant à Genève.

Par ailleurs, le recourant ne peut pas se prévaloir d'avoir acquis en Suisse des connaissances qu'il ne pourrait utiliser en Tunisie. En outre, bien qu'il allègue avoir tissé des liens étroits avec la Suisse, il ne démontre pas avoir noué des relations affectives ou d'amitié particulièrement proches avec d'autres personnes que sa mère et d'autres membres de la famille vivant en Suisse dont il se dit au demeurant peu proche, voire en froid s'agissant de sa sœur et de son beau-frère vivant à Genève. Il ne s'est pas, d'une quelconque manière, engagé sur les plans associatif ou culturel à Genève.

Le recourant a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 31 ans. Il a ainsi passé toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte active à Tunis, dont il connaît les us et coutume et parle la langue. Des membres de sa famille y vivent encore, dont deux sœurs chez lesquelles leur mère se rend régulièrement. Une réintégration en Tunisie où il a occupé divers emplois, certains pendant plus de deux ans, ne devrait en conséquence pas poser de problèmes particuliers et il ne le plaide pas s'agissant de sa propre situation.

Au vu de l'ensemble des éléments du dossier, il ne peut être retenu que le recourant remplit les conditions d'octroi d'un permis de séjour pour cas de rigueur au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

8) Le recourant soutient que le non-octroi d'un permis de séjour violerait l'art. 8 CEDH.

a. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 de la CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3 ; ATA/384/2016 du 3 mai 2016 consid. 4d).

b. Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH n'est toutefois pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible selon l'art. 8 § 2 CEDH, pour autant qu'elle soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le refus de prolonger une autorisation de séjour ou d'établissement fondé sur l'art. 8 § 2 CEDH suppose une pesée des intérêts en présence et l'examen de la proportionnalité de la mesure (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 135 II 377 consid. 4.3). respectivement du refus d'accorder ou de prolonger une autorisation de séjour.

c. L'art. 8 CEDH, qui vise en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs ne confère en principe pas un droit à séjourner dans un Etat déterminé. Le Tribunal fédéral admet toutefois qu'un enfant majeur étranger peut, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l'art. 8 par. 1 CEDH, s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse, par exemple en raison d'un handicap - physique ou mental - ou d'une maladie grave dont il souffrirait.

Lorsque ce n'est pas la personne qui demande le regroupement familial, mais le proche parent au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse qui est atteint d'une maladie ou d'un handicap important le rendant dépendant d'une aide extérieure, le Tribunal fédéral a admis exceptionnellement que l'étranger pouvait également se prévaloir de l'art. 8 CEDH, à condition qu'il existe un lien de dépendance particulier entre lui et ledit proche atteint dans cet état de santé (arrêts 2C_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_477/2017 du 2 juin 2017 consid. 3.2 ; 2C_253/2010 du 18 juillet 2011 consid. 1.5). Dans ces situations, l'élément déterminant tient dans l'absolue nécessité pour l'étranger de demeurer en Suisse, afin d'assister son proche parent qui, à défaut d'un tel soutien, ne pourrait pas faire face autrement aux problèmes imputables à son état de santé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_471/2019 du 20 septembre 2019 consid. 4.1 et les références citées)

d. La jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'existence d'un rapport de dépendance entre parents et enfants majeurs dépend étroitement des circonstances. Un rapport de dépendance psychologique a par exemple été admis dans un cas où l'assistance d'un père étranger envers sa fille de nationalité suisse, devenue majeure en cours de procédure et souffrant de troubles graves du comportement, avait été considérée comme particulièrement bénéfique et ne pouvait être fournie que par l'intéressé, en l'absence d'autre soutien familial (arrêt 2C_942/2010 du 27 avril 2011 consid. 2.4). En revanche, des difficultés économiques ou d'autres problèmes d'organisation ne rendent en principe pas irremplaçable l'assistance de proches parents (arrêt du Tribunal fédéral 2C_817/2010 du 24 mars 2011 et les références citées).

e. Dans l'arrêt 2C_471/2019 précité (consid. 4.9 et 4.10), le Tribunal fédéral a considéré que le père des intimés se trouvait dans une relation de dépendance, tant physique que psychique, avec ses deux enfants, dans la mesure où son état de santé requérait une présence, une surveillance, des soins et une attention que ceux-ci, en l'absence d'autre soutien familial en Suisse, étaient les seuls à pouvoir lui prodiguer conjointement. En particulier, les troubles mentaux de l'intéressé, exacerbés par l'angoisse d'être séparé de ses enfants, rendaient leur présence indispensable, cette présence ayant au demeurant, selon les faits constatés par la cour cantonale, permis d'éviter l'hospitalisation en psychiatrie de l'intéressé. Dans ce contexte particulier, la nécessité absolue pour les deux intimés de demeurer en Suisse pour assister leur père devait être admise. On ne pouvait à cet égard exiger qu'un seul des deux intimés, alors que, selon les constatations cantonales, ceux-ci avaient organisé leur temps de travail pour pouvoir assurer un relais continu auprès de leur père, assume une telle prise en charge permanente, ce qui serait du reste impossible. Admettre le contraire reviendrait en effet à exiger de l'enfant autorisé à séjourner auprès de son père d'abandonner son activité lucrative et, partant, son autonomie financière, au risque de devenir dépendant de l'aide sociale.

Par ailleurs, quand bien même le père des intimés était au bénéfice d'une allocation pour impotent et pouvait, à ce titre, prétendre à une aide extérieure auprès de professionnels ou de particuliers habilités à séjourner en Suisse, il convenait de considérer que les troubles mentaux dont il souffrait et son rapport de dépendance psychique avec ses enfants rendaient illusoire l'intervention de tiers. Il ressortait du reste des constatations de l'arrêt attaqué que seules les personnes du cadre intrafamilial de l'intéressé étaient considérées comme aptes à supporter à long terme ses demandes du quotidien.

f. La Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : la CourEDH), dans sa jurisprudence récente, a considéré qu'un ressortissant kosovar souffrant de divers problèmes de santé - notamment des troubles douloureux généralisés, une dépression et une hypothyroïdie primaire ayant conduit à évaluer son taux d'invalidité à 80 % - et dont les deux enfants majeurs le prenaient en charge financièrement, s'occupaient du ménage, faisaient ses achats, le soignaient, le lavaient et l'habillaient, se trouvait dans un lien de dépendance avec ceux-ci relevant de la vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH dans la mesure où il avait besoin de leur aide pour faire face à sa vie quotidienne et que ses enfants étaient ses premières personnes de référence (arrêt de la CourEDH I.M. c. Suisse du 9 avril 2019, 23887/16, § 62). Une relation de dépendance accrue a également été reconnue entre une ressortissante ougandaise et sa tante vivant au Royaume-Uni, dans la mesure où la première citée présentait un « état mental vulnérable » en raison de la dépression et de l'anxiété dont elle souffrait, et que sa tante, avec laquelle elle vivait et maintenait des relations étroites, constituait son unique proche survivant (décision d'inadmissibilité de la CourEDH F.N. c. Royaume-Uni du 17 septembre 2013, 3202/09, § 36)(arrêt du Tribunal fédéral 2C_471/2019 du 20 septembre 2019 consid. 4.3).

9) a. Selon l'art. 20 al. 1 LPA, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision (1ère phr.). Elle apprécie les moyens de preuve des parties (2ème phr.).

La constatation des faits est, en procédure administrative tant fédérale que cantonale, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées : ce n'est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/573/2015 du 2 juin 2015 consid. 5a).

b. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, un certificat médical ne constitue pas un moyen de preuve absolu. En particulier, un document perd de sa force probante lorsqu'il est rédigé non au vu de constatations objectives du praticien, mais sur la base des seuls dires du travailleur ou qu'il est établi avec un effet rétroactif de plusieurs semaines. Le certificat médical n'est qu'un moyen de preuve parmi d'autres pour attester de l'empêchement de travailler. Le travailleur peut contredire le contenu du certificat par son comportement, auquel cas le certificat médical ne suffira pas à établir l'incapacité de travail au sens de l'art. 336c de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220 ; ATA/1091/2015 du 13 octobre 2015 consid. 4d et les références citées).

c. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

10) Il est établi en l'espèce que la mère du recourant, de nationalité suisse, souffre d'une dépression sévère depuis plusieurs années lui ayant ouvert le droit à une rente AI. Il ne peut être dénié, au vu des attestations médicales produites, des déclarations du psychiatre et de la psychologue, notamment devant la chambre de céans, et des déclarations du recourant et de sa mère devant le TAPI et la chambre de céans, que la présence de ce dernier à ses côtés est un élément favorable dans sa vie. Aussi ténus que puissent être leurs rapports et importante l'aide qu'il lui apporte au quotidien, il ne peut être retenu en revanche que cette présence revêt le caractère d'une absolue nécessité au sens où l'entend la jurisprudence rappelée ci-dessus. Le recourant n'est en effet pas le seul membre de la famille vivant à Genève, puisque l'une de ses sœurs y vit avec ses quatre enfants et que leur grand-mère s'occupe parfois de ces derniers. Celle-ci est aussi en mesure de se déplacer dans un grand commerce de la ville pour y faire des courses, quand bien même elles ne seraient pas quotidiennes et y rencontre sa nièce.

Le recourant a pu travailler pendant cinq ans au service de son beau-frère, de 9h00 à 02h00 du matin puis, les deux années suivantes, de 9h00 à 14h00, ce qui, comme il l'a concédé, ne lui laissait le temps de voir sa mère que le matin, laquelle passait donc ses journées et soirées seules sans que cela n'ait eu de conséquences apparentes sur sa santé.

Force est ainsi d'admettre que la mère du recourant ne requiert pas une surveillance de tous les instants ni que seul le recourant serait à même de la lui fournir. Ses thérapeutes ne l'attestent au demeurant pas, retenant néanmoins que cette présence dans sa vie est nécessaire à sa stabilité psychique.

De plus, nonobstant son état de santé précaire, elle est en mesure de se déplacer plusieurs fois par année seule, quand bien même le voyage doit être organisé, en Tunisie pour y rendre visite à deux de ses filles. Le recourant n'a alors pas besoin de l'y accompagner, ce qui était encore la situation lors de son plus récent voyage au début de l'année 2021. Aussi, compte tenu de cet entourage dont bénéficie la mère du recourant, tant en Suisse, où vivent encore ses frères et sœurs, à Bâle et Zurich, qu'en Tunisie, force est de conclure que le recourant n'est pas son seul soutien psychologique.

Au niveau logistique, certes mère et fils, suivis en cela par les thérapeutes de la première qui se basent sur les déclarations de leur patiente, s'accordent à dire que le recourant prend en charge les courses, le ménage et les affaires administratives de sa mère. Un tel appui peut toutefois, sur ces points, être obtenu auprès de l’institution genevoise de maintien à domicile (ci-après : IMAD), mais également de diverses associations. Il n'est pas suffisant à cet égard de soutenir que l'IMAD n'entrerait pas en matière alors que le recourant ne fournit pas de pièces attestant que sa mère, son entourage ou ses thérapeutes auraient formulé une demande concrète à cet égard. Ainsi, quand bien même il serait plus rassurant pour la mère du recourant d'avoir la certitude que son fils est là au quotidien pour prendre en charge cette logistique, le recourant échoue à démontrer qu'il serait le seul à pouvoir la lui amener, étant au contraire relevé qu'une présence constante auprès de sa mère serait en tout état incompatible avec la prise d'un emploi, fût-il à proximité directe du domicile de la mère. Les cinq ans d'activité du recourant au service de son beau-frère comptant de son propre aveu nombre d'heures supplémentaires et l'absence de congés démontre en définitive que sa mère, même après le décès de l'un de ses fils, a été à même de passer ses journées sans celui-là, quand bien même il aurait çà et là interrompu son activité pour se rendre à son chevet.

Dans ces circonstances, il n'est pas nécessaire de déterminer si la mère du recourant pourrait bénéficier de soins médicaux en Tunisie en tous points identiques à ceux dont elle bénéficie en Suisse puisqu'il ne s'agit pas d'examiner sa situation administrative ni l'exigence de retourner vivre dans sa famille en Tunisie.

Tout bien pesé, et quand bien même il paraît évident que le départ en Tunisie du recourant sera une difficulté que sa mère devra surmonter, avec l'aide de ses thérapeutes vu le risque auto-agressif tel que diagnostiqué par ces derniers, et entraînera une nécessité de réorganisation de son quotidien, ceci ne justifie toutefois pas qu'il soit donné une suite favorable à la demande d'autorisation de séjour du recourant en application de l'art. 8 CEDH.

11) a. Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'a pas été prolongée (let. c) en assortissant ce renvoi d'un délai de départ raisonnable (al. 2).

Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). L'art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATF 139 II 65 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1). L'exécution du renvoi n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

b. En l'espèce, certes aucun élément ne permet de retenir que le retour du recourant en Tunisie serait source de danger pour lui, au sens de l'art. 83 al. 4 LEI, ou contreviendrait à l'art. 83 al. 2 ou 3 LEI. Il ne le soutient au demeurant pas.

La situation de sa mère en revanche pose problème aux dires, étayés et réaffirmés en audience devant la chambre de céans, des psychiatre et psychologue assurant son suivi. En l'état, du fait de sa dépendance affective à son fils, liée à sa maladie et à leur culture, un départ de celui-ci dans leur pays d'origine est selon leurs dires susceptible de conduire à une aggravation de sa dépression et à des comportements auto-agressifs, d'ores-et-déjà constatés, en sus d'idées suicidaires élaborées, que seule une hospitalisation permettrait de gérer.

Il ne peut dans ces circonstances être pris le risque de laisser cette femme à Genève avec pour seule famille sa fille et ses quatre petits-enfants, qu'elle ne voit que rarement, et une nièce à laquelle il lui arrive de rendre visite dans le centre commercial qui l'emploie au centre-ville. Au-delà de la gestion des affaires administratives et domestiques de sa mère, qui pourrait effectivement être le fait d'organismes tel l'IMAD, il appert que la dépendance psychologique ne saurait être niée dans le cas particulier d'espèce, d'une mère qui a déjà définitivement perdu un fils et s'appuie sur le recourant depuis des années en raison de sa maladie.

La chambre de céans ne dispose d'aucun élément permettant de remettre en cause les constats médicaux en lien avec la situation de cette femme âgée de 60 ans, à l'état de santé précaire, respectivement le risque actuel que le renvoi de son fils en Tunisie péjore sérieusement son état psychique, voire physique.

Ainsi, compte tenu des circonstances toutes particulières du cas d'espèce et des éléments d'appréciation ci-dessus, il appert que l'exécution du renvoi du recourant dans son pays d'origine ne peut actuellement être raisonnablement exigé, au sens de l'art. 83 al. 1 LEI.

En conséquence, le recours doit être partiellement admis. La décision attaquée et le jugement du TAPI seront annulés en tant qu'elle prononce et qu'il confirme l'exécution du renvoi du recourant. Le dossier est renvoyé à l'OCPM pour nouvelle décision, au sens des considérants.

12) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument et les frais de témoins, en CHF 500.- , seront laissés à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée au recourant, à la charge de l'OCPM (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 décembre 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 novembre 2020 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 2 décembre 2019 et le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 novembre 2020 en tant qu'il prononce et qu'il confirme l'exécution du renvoi ;

renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision aux sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

laisse les frais de témoins, en CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève ;

alloue une indemnité de CHF 800.- au recourant, à la charge de l'office cantonal de la population et des migrations ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ; 

communique le présent arrêt à Me Steve Alder, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.