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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2315/2020

ATA/1056/2020 du 27.10.2020 ( MARPU ) , REJETE

Parties : SERVICE DÉPANNAGE GENÈVE SA / CARROSSERIE DE CHATELAINE SA, DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES DE L'ETAT, GARAGE SVP SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2315/2020-MARPU ATA/1056/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 octobre 2020

 

dans la cause

 

SERVICE DÉPANNAGE GENÈVE SA
représentée par Me Jacques Roulet, avocat

contre

CARROSSERIE DE CHÂTELAINE SA

et

GARAGE SVP SA

et

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES DE L'ÉTAT



EN FAIT

1) Service Dépannage Genève SA (ci-après : SDG) est une société inscrite au registre du commerce de Genève, qui poursuit sous cette raison sociale depuis 2002 le but de « service de dépannage d'automobiles à l'enseigne 'SDG' », devenu en 2013 « service de dépannage d'automobiles et prestations de services en rapport avec cette activité ». Elle a pour administrateurs Messieurs Steeve et John CHATELANAT.

2) La centrale commune d'achats auprès de la direction générale des finances du département des finances et des ressources humaines de l'État de Genève
(ci-après : CCA) a publié le 2 avril 2020 sur le site www.simap.ch et sous le numéro d'annonce 1128277 un appel d'offres en procédure ouverte, non-soumis à l'accord GATT-OMC, respectivement aux accords internationaux, portant sur une prestation d'enlèvement de véhicules sur la voie publique et leur garde, répartis en neuf lots. Le délai de clôture était arrêté au 18 mai 2020 à midi et la publication précisait qu'aucun délai supplémentaire ne serait accordé.

3) À la date limite du 18 mai 2020, SDG n'avait pas déposé d'offre.

Le 28 mai 2020, SDG a expliqué à la CCA et à la Commandante de la Police que la soumission était échue la semaine précédente, sans qu'elle en ait eu connaissance, sa direction étant affairée à maintenir ses sociétés à flot en essayant de ne pas faire appel à l'État pour garder tous ses collaborateurs.

SDG a demandé à être réintégrée dans la procédure et à pouvoir présenter son offre.

4) Le 15 juin 2020, la CCA a répondu que, le droit des marchés publics étant formaliste, il ne lui était pas possible d'intégrer dans la procédure d'appel d'offres en cours une offre de SDG déposée postérieurement à la date limite fixée pour le dépôt des offres.

5) Le 26 juin 2020, SDG a recouru à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de la CCA du
15 juin 2020, a conclu à son annulation et demandé l'octroi de l'effet suspensif à son recours, ce qui a donné lieu à l'ouverture de la procédure A/1847/2020
(ci-après : procédure 1).

6) Par décision du 10 juillet 2020 dans la procédure 1, la présidence de la chambre administrative a refusé d'octroyer l'effet suspensif au recours et levé l'interdiction de conclure le contrat d'exécution prononcée le 29 juin 2020.

7) Le 17 juillet 2020, SDG a informé la CCA qu'elle déposait un recours avec « requête superprovisoire » sur effet suspensif auprès du Tribunal fédéral contre la décision du 10 juillet 2020 dans la procédure 1, et a invité cette dernière à ne pas progresser dans la soumission publique aussi longtemps que le Tribunal fédéral n'aurait pas statué.

8) Le 20 juillet 2020, SDG a recouru au Tribunal fédéral dans la procédure 1 contre la décision du 10 juillet 2020, et conclu à l'octroi de l'effet suspensif à son recours.

9) Le 21 juillet 2020, la CCA a indiqué à la chambre administrative qu'elle allait pouvoir procéder aux adjudications.

10) Le 22 juillet 2020, la chambre administrative a transmis à SDG une copie du courrier de la CCA du 21 juillet 2020.

11) Le 23 juillet 2020, la CCA a publié sur le site www.simap.ch l'adjudication des neuf lots le 20 juillet 2020, et en particulier celle du lot n° 9 (projet n° 202487, annonce 1147021) en faveur de Garage SVP SA et Carrosserie de Châtelaine SA.

12) Par ordonnance 2D_31/2020 du 22 juillet 2020, reçue le 23 juillet 2020 par la CCA, le Président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a invité cette dernière à se déterminer sur le recours formé par SDG contre la décision du 10 juillet 2020, impartissant des délais au 5 août 2020 sur l'effet suspensif et au 15 septembre 2020 sur le fond.

La décision précisait que « jusqu'à décision sur la requête d'effet suspensif, aucune mesure d'exécution de la décision attaquée ne pourra être prise ».

13) Le 27 juillet 2020, la CCA a accusé réception du courrier de SDG du
17 juillet 2020, et informé celle-ci qu'elle avait notifié le 20 juillet 2020 les décisions d'adjudication aux différents soumissionnaires. La chambre administrative en avait été informée par courrier par porteur portant la date du jour de la remise, soit le 21 juillet 2020. Le courrier ajoutait : « à ce stade, il est rappelé qu'aucun contrat n'a été conclu, les décisions d'adjudication n'entravent pas les droits de recours de votre cliente. Au vu de l'ordonnance du Tribunal fédéral du 22 juillet 2020, nous vous confirmons qu'aucune démarche ne sera entreprise en vue de la conclusion des contrats avec les adjudicataires jusqu'à décision sur la question de la restitution de l'effet suspensif ».

14) Par acte remis au guichet le 3 août 2020, SDG a recouru à la chambre administrative contre la décision de la CCA du 20 juillet 2020 d'attribuer le lot n° 9 (projet n° 202487, annonce 1147021) à Garage SVP SA et Carrosserie de Châtelaine SA, concluant à l'annulation de la décision d'adjudication et à ce qu'il soit ordonné à la CCA d'intégrer sa soumission à la procédure d'adjudication et de reprendre celle-ci ab initio.

Préalablement SDG a conclu à (1) la jonction des huit autres recours formés contre les huit autres adjudications, (2) la restitution de l'effet suspensif au recours, (3) la suspension de la procédure dans l'attente de la décision au fond du Tribunal fédéral dans le cadre de la procédure 2D_31/2020 et de la décision au fond de la chambre administrative dans le cadre de la procédure A/1847/2020, et (4) que lui soit réservé le droit de compléter ses écritures une fois la procédure reprise.

L'autorité intimée avait reconnu qu'elle n'entreprendrait aucune démarche en vue de la conclusion des contrats avec les adjudicataires jusqu'à décision sur la question de la restitution de l'effet suspensif par le Tribunal fédéral dans le cadre de la précédente procédure administrative. Elle admettait par conséquent que l'effet suspensif devait être restitué, respectivement qu'aucun intérêt public ou privé ne s'y opposait. Même si le Tribunal fédéral ne restituait pas l'effet suspensif au recours qui lui était soumis, celui-ci devait être restitué dans la présente procédure dans l'attente que la question de l'exclusion de SDG du marché public soit définitivement tranchée.

Le recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/2315/2020
(ci-après : procédure 2).

15) Par ordonnance du 6 août 2020 dans la procédure 2D_31/2020, le président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif dans la procédure 1.

Les chances de succès des griefs exposés par la recourante n'étaient pas à ce point manifestes qu'il fallait conclure avec une grande vraisemblance que le recours devrait être admis.

16) Carrosserie de Châtelaine SA (le 10 août 2020) et Garage SVP SA (le
11 août 2020) se sont opposées à l'octroi de l'effet suspensif dans la procédure 2. Garage SVP SA a émis une « réserve quant au lot n° 3 », la recourante paraissant beaucoup mieux située pour assurer un service de qualité dans les délais d'intervention en adéquation avec des situations d'urgence, ce qui serait d'intérêt public.

17) Le 14 août 2020, la CCA s'est opposée à l'octroi de l'effet suspensif au recours, ainsi qu'à la suspension de la procédure dans la procédure 2.

La recourante n'avait pas fait partie de la procédure de marchés publics. Contrairement à ce que la recourante prétendait, la CCA ne s'était pas empressée d'adjuger le marché, puisqu'elle avait reçu le 15 juillet 2020 la décision du
10 juillet 2020 de la chambre administrative refusant d'octroyer l'effet suspensif, et prononcé les décisions d'adjudication le 20 juillet 2020. L'offre de SDG n'étant pas une offre valablement déposée, il n'y avait pas lieu d'attendre que son recours soit tranché sur le fond pour procéder aux adjudications, sans que cela ne soit contraire au principe de la bonne foi ou abusif. Le Tribunal fédéral avait lui-même estimé que le recours formé par SDG était dépourvu de chances de succès. L'intérêt privé des adjudicataires était prépondérant à l'intérêt privé de la recourante.

18) La CCA a déposé ses observations sur le fond dans la procédure 1 le 17 août 2020, et SDG sa réplique le 21 août 20290.

19) Le 24 août 2020, SDG a répliqué et persisté dans ses conclusions dans la procédure 2.

Les chances de succès du recours ne pourraient être connues qu'en en instruisant le fond. La décision d'exclusion n'était pas sans incidence sur la décision d'adjudication. L'un des adjudicataires avait d'ailleurs relevé que le sort des adjudications aurait été différent si la recourante n'avait pas été exclue.

L'instruction de la cause devait être suspendue et l'effet suspensif octroyé.

20) Le 26 août 2020, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande d'octroi de l'effet suspensif au recours dans la procédure 2, le recours apparaissant de prime abord dénué de chances de succès.

21) Le 28 août 2020, la CCA a conclu au rejet du recours dans la procédure 2.

Elle se référait à ses observations sur effet suspensif du 14 août 2020. Dans ses écritures du 10 juillet 2020 dans la procédure 1, elle avait clairement indiqué que la phase d'évaluation des offres était arrivée à sa fin, que l'adjudication était imminente et qu'elle était mise en attente jusqu'à réception de l'arrêt de la chambre administrative sur la requête d'effet suspensif dans la procédure 1.

La décision de la chambre administrative refusant d'octroyer l'effet suspensif du 10 juillet 2020 avait été reçue le 15 juillet 2020, et les décisions d'adjudication avaient été rendues le 20 juillet 2020.

Il n'y avait là aucun comportement contraire à la bonne foi, quand bien même la recourante avait annoncé son intention de recourir au Tribunal fédéral.

Les adjudications pouvaient être contestées par la recourante, et la situation différait sensiblement du cas de la conclusion de contrats, qui ressortissait à la phase d'exécution du marché.

22) Le 1er septembre 2020, la chambre administrative a rejeté le recours dans la procédure 1.

La recourante n'avait pas établi un cas de force majeure, et était seule responsable des carences d'organisation qui l'avaient empêchée de découvrir à temps le marché public et d'y participer. Aucun comportement ni aucune attitude déloyale ne pouvait être reprochée à la CCA.

23) Le 5 octobre 2020, SDG a répliqué sur le fond dans la procédure 2.

La décision d'adjudication ne pouvait être prononcée jusqu'à droit définitivement connu sur l'effet suspensif et le fond du recours dans la
procédure 1.

C'était d'autant plus le cas en l'espèce que l'un des adjudicataires reconnaissait expressément que l'attribution des lots aurait été différente si la recourante avait pu participer à l'appel d'offres, en raison de ses qualités et prestations supérieures.

24) Le 6 octobre 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 15 al. 1 et al. 1bis let. e et al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ;
art. 3 al. 1 de la loi du 12 juin 1997 autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'AIMP ; art. 55 let. c et 56 al. 1 RMP ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) La recourante sollicite la jonction de la présente procédure avec les procédures A/2305/2020, A/2307/2020, A/2308/2020, A/2309/2020, A/2310/2020, A/2311/2020, A/2312/2020 et A/2313/2020, soit neuf procédures au total ouvertes suite aux recours qu'elle a formés le même jour contre neuf décisions d'adjudication du même jour au total, portant toutes sur des lots de services d'enlèvement de véhicules sur la voie publique dans le cadre du même marché public.

a. Selon l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

b. En l'espèce, la présente procédure et les huit autres procédures sont dirigées contre des décisions prononcées par la même autorité, qui concernent le même complexe de faits et des questions juridiques litigieuses connexes.

Les attributaires des lots, devenus parties intimées, ne sont toutefois pas les mêmes dans toutes les procédures.

Il se justifie ainsi de ne pas de joindre les neuf procédures.

La conclusion de la recourante sera rejetée.

3) La qualité pour recourir dans la procédure 2 - d'adjudication - de la recourante, qui a été écartée du marché dans la procédure 1, dont le sort est encore pendant, pourra souffrir de rester indécise, compte tenu de ce qui suit.

4) La recourante conclut à titre préalable à la suspension de la procédure dans l'attente de l'arrêt du Tribunal fédéral dans la cause 2D_31/2020 et de l'arrêt de la chambre administrative sur le fond de la procédure 1.

Il y a lieu selon elle de « connaître le sort définitif de l'offre de la recourante et ainsi si elle doit être prise en compte dans la procédure d'adjudication ».

a. En vertu de l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions.

b. En l'espèce, il y a lieu d'observer préalablement que la recourante n'a en réalité pas encore formé d'offre mais a recouru, dans la procédure 1, contre le refus de principe de la CCA d'admettre sa participation au-delà du délai imparti.

Par décision du 10 juillet 2020 dans la procédure 1, la présidente de la chambre administrative a refusé d'octroyer l'effet suspensif au recours et levé l'interdiction de conclure le contrat d'exécution prononcée le 29 juin 2020. Par ordonnance du 6 août 2020 dans la procédure 2D_31/2020, le président de la
IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'octroi de l'effet suspensif au recours formé contre cette décision. Par arrêt du 1er septembre 2020, la chambre administrative a rejeté le recours sur le fond dans la procédure 1. Enfin, par décision du 26 août 2020, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande d'octroi de l'effet suspensif au recours dans la procédure 2.

Les refus successifs d'octroyer l'effet suspensif aux recours dans la procédure 1, par la chambre de céans puis le Tribunal fédéral, ont eu pour effet, notamment, de permettre la progression de la procédure de marché public, ce qui est un principe en droit des marchés publics, les recours n'ayant pas d'effet suspensif et l'octroi de l'effet suspensif constituant l'exception (art. 17 AIMP et 56 RMP).

Pour le surplus, bien que le Tribunal fédéral n'ait pas encore tranché le fond du recours dans la procédure 2D_31/2020, il a considéré dans son ordonnance du 6 août 2020 que les chances de celui-ci n'étaient pas a priori manifestes.
Entre-temps, la chambre administrative a rejeté le recours dans la procédure, privant le recours sur les mesures provisionnelles de son objet (ATA/979/2020 du 2 octobre 2020).

La présente procédure est ainsi en état d'être jugée au fond, de sorte que la requête de suspension sera écartée.

5) Est litigieuse la question de savoir si la CCA pouvait procéder aux adjudications le 20 juillet 2020.

6) Aux termes des art. 16 AIMP et 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents. Les juridictions administratives n'ont toutefois pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée (art. 16 al. 2 AIMP ; 61 al. 2 LPA).

7) a. L'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP).

b. Le principe de l'égalité de traitement entre soumissionnaires oblige l'autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires tout au long du déroulement formel de la procédure (art. 16 RMP ; ATA/1413/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3b et les références citées).

c. Selon l'art. 13 AIMP, les dispositions d'exécution cantonales doivent garantir les publications obligatoires, ainsi que la publication des valeurs-seuils (let. a) ; le recours à des spécifications techniques non discriminatoires (let. b) ; la fixation d'un délai suffisant pour la remise des offres (let. c) ; une procédure d'examen de l'aptitude des soumissionnaires selon des critères objectifs et vérifiables (let. d) ; la reconnaissance mutuelle de la qualification des soumissionnaires, inscrits sur les listes permanentes tenues par les cantons parties au présent accord (let. e) ; des critères d'attribution propres à adjuger le marché à l'offre économiquement la plus avantageuse (let. f) ; l'adjudication par voie de décision (let. g) ; la notification et la motivation sommaire des décisions d'adjudication (let. h) ; la possibilité d'interrompre et de répéter la procédure de passation en cas de justes motifs uniquement (let. i) et l'archivage (let. j).

d. Aux termes de l'art. 24 RMP, l'autorité adjudicatrice choisit des critères d'adjudication objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres.

e. L'art. 42 RMP permet d'écarter d'office les offres tardives, incomplètes ou non conformes aux exigences du cahier des charges (al. 1 let. a), dont l'auteur ne répond plus aux conditions pour être admis à soumissionner (al. 1 let. b), a fourni des faux renseignements (al. 1 let. c), a conclu un accord portant atteinte à une concurrence efficace (al. 1 let. d), n'a pas justifié le prix d'une offre anormalement basse (al. 1 let. e) ou a fait l'objet de certaines sanctions en relation avec le travail au noir, le travail détaché ou la protection des travailleurs (al. 1
let. f).

f. En vertu de l'art. 43 RMP, l'évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et/ou les documents d'appel d'offres (al. 1) ; le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix ; outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3) ; l'adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas (al. 4). Bien que les références puissent constituer un critère d'aptitude ou de qualification, elles peuvent également être utilisées comme critère d'adjudication (ATF 139 II 489 consid. 2.2.4), de sorte à pouvoir faire l'objet d'une notation (ATA/1413/2019 précité consid. 5a).

g. L'autorité adjudicatrice rend une décision d'adjudication sommairement motivée, notifiée soit par publication sur le site simap, soit par courrier à chacun des soumissionnaires, avec mention des voies de recours (art. 45 al. 1 RMP).

h. Selon l'art. 14 AIMP, le contrat ne peut être conclu avec l'adjudicataire qu'après l'écoulement du délai de recours et, en cas de recours, que si l'autorité juridictionnelle cantonale n'a pas accordé au recours l'effet suspensif (al. 1) ; si une procédure de recours est en cours sans que l'effet suspensif ait été prononcé, l'adjudicateur informe immédiatement l'autorité juridictionnelle de la conclusion du contrat (al. 2).

8) En l'espèce, la recourante s'était plainte dans la procédure 1 de la publication en temps inopportun du marché sur le site simap, du refus injustifié de la CCA de lui restituer le délai dans un cas de force majeure, et de la mauvaise foi de cette dernière. Ces griefs ont été rejetés par l'arrêt rendu par la chambre administrative le 1er septembre 2020.

Dans la présente procédure, la recourante ne critique pas les critères d'adjudication en soi ou leur application concrète aux offres des attributaires. Elle se plaint que la CCA a adjugé tous les lots sans attendre l'issue du recours au Tribunal fédéral contre le refus d'octroyer l'effet suspensif dans la procédure 1, et ce dans le seul but de l'exclure de manière définitive du marché. En adjugeant les lots sans être certaine que la recourante était définitivement exclue de la procédure de soumission, la CCA n'avait pu examiner l'ensemble des offres, et n'avait pu adjuger au soumissionnaire ayant fait l'offre la plus avantageuse.

9) La recourante soutient que l'adjudication précipitée avait pour seul but de l'exclure définitivement du marché, ce qui constituerait une violation des principes de la confiance, de l'égalité de traitement, de la transparence, de la
non-discrimination, ainsi qu'un abus de droit.

a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale (Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642
n. 3454). En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; 1C_18/2015 du 22 mai 2015 consid. 3 ; ATA/843/2019 du 30 avril 2019 ; ATA/728/2018 du 10 juillet 2018 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 203 n. 568 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 254 n. 716 et 717 et p. 256
n. 726). Par ailleurs, la jurisprudence a tiré du principe de la bonne foi et de l'interdiction du formalisme excessif le devoir qui s'impose à l'administration, dans certaines circonstances, d'informer d'office le justiciable qui commet ou s'apprête à commettre un vice de procédure, à condition que celui-ci soit aisément reconnaissable et qu'il puisse être réparé à temps, le cas échéant dans un bref délai (ATF 125 I 166 consid. 3a ; 124 II 265 consid. 4a et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1 ; 2C_55/2014 du 6 juin 2014 consid. 5.3.1 ; ATA/149/2018 du 20 février 2018).

Il y a abus de droit lorsqu'une institution juridique est utilisée pour réaliser des intérêts contraires à son but et que cette institution juridique ne veut pas protéger (ATF 121 I 367 ss ; 110 Ib 332 ss).

b. Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 Cst., ou encore l'interdiction de la non-discrimination, lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 145 I 73 consid. 5.1 ;
142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_468/2019 du 8 juin 2020 consid. 3.1). Le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique est spécifiquement garanti à l'art. 27 Cst. En vertu de ce principe, les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique (concurrents directs) sont prohibées (ATF 130 I 26 consid. 6.3.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_15/2011 consid. 3.3 et 2C_116/2011 du 29 août 2011
consid. 7.1). En particulier, le respect de l'égalité de traitement entre soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. b et 11 let. a AIMP ; art. 16 RMP) oblige l'autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires pendant tout le déroulement formel de la procédure (ATA/646/2013 du 1er octobre 2013 ; ATA/884/2004 du 26 octobre 2004 ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 109 ; Benoît BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics in RDAF 2004,
p. 241).

c. Le principe de la transparence, ancré aux art. 1 al. 3 let. c AIMP et
24 RMP, exige du pouvoir adjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions ; à tout le moins doit-il spécifier clairement l'importance relative qu'il entend accorder à chacun d'eux. En outre, lorsqu'en sus de ces critères, le pouvoir adjudicateur établit concrètement des sous-critères qu'il entend privilégier, il doit les communiquer par avance aux soumissionnaires, en indiquant leur pondération respective. En tous les cas, le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères. Il n'exige toutefois pas, en principe, la communication préalable de sous-critères ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et sous-critères utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation. Le point de savoir si, dans un cas d'espèce, les critères utilisés sont inhérents au critère publié ou relèvent d'une grille d'évaluation, en sorte que le principe de la transparence n'en exige pas la communication par avance, résulte de l'ensemble des circonstances qui entourent le marché public en cause, parmi lesquelles il faut mentionner la documentation relative à l'appel d'offres, en particulier le cahier des charges et les conditions du marché (ATF 130 I 241 consid. 5.1 et les références citées).

d. Selon l'art. 14 al. 1 AIMP, le contrat ne peut être conclu avec l'adjudicataire qu'après l'écoulement du délai de recours de l'art. 15 al. 2 AIMP. Cette période pendant laquelle le statu quo doit être maintenu ("standstill") a été instaurée pour permettre à un soumissionnaire évincé de faire valoir ses droits. En effet, si son objectif est d'obtenir le marché, la démarche judiciaire qu'il pourrait entreprendre perdrait tout son sens si le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire avaient la possibilité de conclure sans attendre le contrat (Olivier RODONDI, La gestion de la procédure de soumission, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STOECKLI, Droit des marchés publics 2008, n. 93, p. 195). La période de protection commence dès la notification de la décision et dure tant qu'un recours à son encontre est possible. Formellement, le délai de recours est de 10 jours, mais avant de conclure le contrat, il incombe à l'autorité adjudicatrice de se renseigner auprès des offices postaux pour savoir quand sa décision a été notifiée aux soumissionnaires ou auprès du greffe du Tribunal administratif pour savoir si un recours a été déposé. De fait, la période d'interdiction de contracter dure nécessairement quelques jours de plus (Olivier RODONDI, op. cit. n. 94 p. 195 ; ATA/626/2009 du 1er décembre 2009 consid. 14).

10) En l'espèce, l'ordonnance du Tribunal fédéral disposant que jusqu'à décision sur la requête d'effet suspensif, aucune mesure d'exécution de la décision attaquée ne pourrait être prise, n'a été notifiée à la CCA que le
23 juillet 2020, soit après que cette dernière eut procédé aux adjudications le
20 juillet 2020.

Il ne peut ainsi être reproché à cette dernière d'avoir contrevenu à une interdiction ordonnée par le Tribunal fédéral, ce que la recourante se garde d'ailleurs de faire.

11) a. Il faut encore examiner si, comme le soutient la recourante, la CCA avait ce nonobstant procédé prématurément aux adjudications, compte tenu qu'elle lui avait annoncé son recours au Tribunal fédéral.

La CCA objecte qu'elle devait aller de l'avant dans l'attribution du marché, conformément au calendrier qu'elle avait annoncé dès le début de l'année 2020, ce que les décisions sur mesures provisionnelles l'autorisaient à faire, mais qu'elle avait toutefois averti la recourante qu'elle ne conclurait pas de contrat avant une décision sur la question de la restitution de l'effet suspensif.

b. Le refus d'octroyer l'effet suspensif au recours formé contre l'exclusion ou l'adjudication a en principe pour effet de permettre la continuation par l'autorité de la procédure d'adjudication du marché, étant rappelé que l'art. 14 AIMP ne s'applique pas au recours au Tribunal fédéral.

La conclusion du contrat ne prive pas le concurrent évincé d'un intérêt actuel (ATF 135 I 153 consid. 1.2) mais le conduit à modifier ses conclusions et à réclamer la constatation de l'illicéité de l'adjudication ainsi que des dommages intérêts (ATF 134 II 192 consid. 1.4).

La conclusion sans attendre, par l'autorité, du contrat après que celle-ci a été informée par le concurrent évincé d'un recours contre le refus d'octroyer l'effet suspensif, pourrait être constitutive d'un comportement abusif (arrêt du Tribunal fédéral 1D_12/2009 du 18 juin 2009 consid. 5.3).

Un tel comportement abusif pourrait en tout cas être invoqué dans le cadre d'une action au fond en dommages-intérêts du concurrent évincé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_811/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1.6). Les conséquences concrètes devant être attachées à une telle conclusion abusive n'ont toutefois pas encore été tranchées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_203/2014 du 9 mai 2015 consid. 1.5.3 in fine).

c. En l'espèce il y a lieu d'observer que le 20 juillet 2020 la CCA n'avait pas conclu de contrats mais procédé à des adjudications. La différence est notable, dès lors que c'est la conclusion du contrat qui prive l'autorité de recours de la faculté d'annuler la décision puis de statuer à nouveau ou de renvoyer à l'autorité pour nouvelle décision (art. 18 al. 1 AIMP), et qui ne lui permet que de constater le caractère illicite de celle-ci (art. 18 al. 2 AIMP).

Or la jurisprudence précitée sur le comportement abusif, ainsi que ses éventuelles conséquences, s'applique bien à la conclusion des contrats et non aux adjudications.

La CCA n'a donc pas commis d'abus en procédant sans délai aux adjudications le 20 juillet 2020.

Il s'ensuit que l'on ne saurait faire grief à la CCA d'avoir contrevenu au principe de la bonne foi, ni commis un abus de droit en procédant aux adjudications, pas plus qu'on ne peut lui reprocher d'avoir discriminé la recourante - dont l'éviction avait par ailleurs été prononcée dans une première procédure - ni d'avoir failli au principe de transparence - un grief que la recourante ne développe d'ailleurs pas.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

12) Vu l'issue du litige, et compte tenu que la recourante, qui succombe, a formé neuf recours semblables jugés par autant d'arrêts semblables, un émolument de CHF 500.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, aucune intimée n'ayant pris de conclusion sur ce point (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 août 2020 par Service Dépannage Genève SA contre la décision de la direction générale des finances de l'État du 20 juillet 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Service Dépannage Genève SA un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'aucune indemnité de procédure n'est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Roulet, avocat de la recourante, à Carrosserie de Châtelaine SA, à Garage SVP SA, ainsi qu'à la direction générale des finances de l'État.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot
Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :