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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/549/2022

JTAPI/139/2022 du 18.02.2022 ( MC ) , CONFIRME PARTIELLEMENT

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.75.al1.letg; LEI.81.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/549/2022 MC

JTAPI/139/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 février 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Raphaël JAKOB, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1971, originaire du Brésil, a été écroué à Genève le 18 juin 2019 après avoir été interpellé le même jour à l'aéroport de Genève en possession, notamment de 7 pucks contenant un peu plus de 5 kilos brut de cocaïne d'un taux de pureté s'élevant entre 83,2 et 87,3% et d'un passeport biométrique brésilien valable jusqu'au 30 mai 2019.

2.             Par jugement du Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève (ci-après: Tribunal correctionnel) du 6 mai 2020, M. A______ a été reconnu coupable, d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (art. 19 al. 1 let. b et c et al. 2 let. a LStup) et d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et condamné à une peine privative de liberté de quatre ans. Simultanément, une expulsion du territoire suisse d'une durée de cinq ans a été ordonnée à son encontre (art. 66a al. 1 let. o CP).

3.             M. A______ ayant retiré l'appel déposé à l'encontre du jugement précité, celui-ci est devenu définitif et exécutoire.

4.             Par jugement du 3 février 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ pour le 16 février 2022.

5.             Le 7 février 2022, les services de police ont commandé et obtenu au nom de l'intéressé un billet d'avion à destination du Brésil pour le 15 février 2022.

6.             Le 16 février 2022 à 16h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de cinq semaines.

Le test sanitaire nécessaire à l'embarquement de M. A______ dans l'avion devant le ramener dans son pays avait révélé que l'intéressé avait contracté la Covid, de sorte que son titre de transport obtenu pour le 15 février 2022 a dû être annulé la veille de son départ.

Une place à bord d'un avion à destination du Brésil devrait à nouveau être commandée au nom de M. A______ aussitôt que sa situation sanitaire le permettrait.

Au commissaire de police, l'intéressé a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi au Brésil.

Le procès-verbal de son audition indique que M. A______ était détenu pour des motifs de droit des étrangers dès 15h40 le 16 février 2022.

7.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) le même jour.

8.             Entendu ce jour par le tribunal en visio-conférence, M. A______ a indiqué au tribunal qu'il n'avait aucun symptôme et qu'il n'avait jamais été malade. On lui avait dit qu'il avait été testé positif au Covid, or, il n'avait jamais pu voir le test. Il était d'accord de retourner au Brésil et n'avait aucun intérêt à rester en Suisse. Il avait de la peine à comprendre qu'un certificat de guérison soit exigé alors que la preuve d'un test positif n'avait jamais été apportée.

La représentante du commissaire de police a exposé qu'avant le départ de M. A______ en vue de prendre son vol, un test avait été réalisé par le service médical de B______ lequel, selon ses renseignements, s'était avéré positif au Covid. Pour organiser un nouveau départ à destination du Brésil, les autorités migratoires demeuraient dans l'attente d'un certificat de guérison, qui devait être délivré à la fin de la quarantaine de M. A______. Elle a confirmé que le trafic aérien à destination du Brésil ne rencontrait aucune restriction et qu'un billet devait pouvoir être rapidement obtenu, une fois la situation sanitaire de M. A______ réglée. Selon les indications que SwissREPAT avait transmises à la Brigade Migration et retour, seul un certificat de guérison était nécessaire. Un nouveau test ne serait dès lors pas exigé. Elle a relevé que l'ordre de maintien provisoire à la prison de B______ précisait que l'intéressé devait demeurer dans cet établissement pour une durée minimale de quatre jour, soit jusqu'au 20 février 2022 sous réserve qu'il ne présente pas de symptômes au cours des 48 dernières heures. Au plus tard, il demeurerait à B______ jusqu’au 23 février 2022 dans le cas où il présenterait des symptômes dans les 48 dernières heures précédant la fin de son isolement médical.

Elle a précisé que compte tenu des déclarations de M. A______ de ce jour, le commissaire de police solliciterait aujourd'hui déjà le Service médical de B______ pour qu'il se détermine au sujet de sa guérison.

Pour le surplus, elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pris à l'encontre de M. A______ pour une durée de cinq semaines.

L'avocate de M. A______ a produit un chargé de pièces, dont une liste des vols commerciaux à destination du Brésil, les conditions d'entrée dans ce pays ainsi que la confirmation de la prise en charge par l'hôtel C______ et D______ de son client. Elle a en particuliers relevé que des vols étaient possibles tous les jours de la semaine.

Elle a attiré l'attention du tribunal sur les conditions d'entrée prévues par le Brésil, lesquelles n'exigeaient pour les ressortissants brésiliens qu'un test antigénique négatif réalisé 24 heures avant le départ.

Elle a précisé que son client lui avait indiqué la veille qu'il avait demandé à pouvoir consulter le service médical dès lors qu'il ne présentait, selon lui, aucun symptôme. Cette demande n'avait toutefois pas été suivie d'effets. Il allait de soi que cette demande serait répétée.

Elle a souligné que selon les consignes sanitaires actuelles, M. A______ ayant été testé positif le 14 février 2022 et n'ayant jamais présenté aucun symptôme, l'isolement requis était de cinq jours et prendrait fin le 19 février 2022.

Après avoir plaidé, elle a conclu, préalablement à ce que le tribunal ordonne au commissaire de police de verser à la procédure le résultat du test Covid réalisé le 14 février 2022, et à ce qu'il produise la décision de transfert de Bellechasse à B______ ; principalement à l'annulation de l'ordre de maintien provisoire à la prison de B______, à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative, à ce que la libération immédiate de son client soit ordonnée ; subsidiairement, à ce qu'il lui soit donner acte qu'il s'engageait à respecter son isolement auprès de l'hôtel C______, à ce qu'il s'engageait à déposer ses documents d'identité à l'OCPM jusqu'au jour de son départ ; plus subsidiairement encore, qu'il soit ordonné de lui faire subir quotidiennement un test antigénique et que la détention prenne fin au moment où le résultat du test sera négatif. Les conditions de la détention administrative n'étaient en effet par réalisées et violaient, en tout état, le principe de proportionnalité.

9.             Par courriel adressé au commissaire de police le 18 février 2022 à 11h22, le tribunal lui a ordonné de produire, d'ici 14h00 le même jour, tout document établissant la réalisation du test Covid accompli sur M. A______, la date à laquelle il a été réalisé, de même que le résultat de ce test.

Une copie de ce mail a été adressée au conseil de M. A______.

10.         Par courriel adressé au tribunal dans le délai imparti, le commissaire de police a transmis le rapport d'analyses des HUG établi le 14 février 2022 suite au test COVID effectué le même jour sur M. A______, lequel révèle un résultat positif.

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 16 février 2022 à 15h40.

3.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

5.             Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée - notamment - si celle-ci menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (ch. 1 renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. g LEI) si celle-ci a été condamnée pour crime (cf. art. 75 al. 1 let. h LEI), par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).

6.             L'infraction instituée par l'art. 19 al. 2 let. a LStup est un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_442/2012 du 11 mars 2013 consid. 3.2 ; ATA/252/2015 du 5 mars 2015 consid. 6b ; ATA/283/2014 du 24 avril 2014 consid. 4b). Il n'est pas nécessaire que le jugement pénal rendu en première instance soit définitif (ATA/127/2015 du 3 février 2015).

7.             La détention administrative est aussi possible si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

8.             Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

9.             En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une mesure d'expulsion de Suisse prise par le Tribunal correctionnel de Genève le 6 mai 2020 et valable pour 5 ans. En outre, à la même date, cette juridiction l'a reconnu coupable de crime contre la LStup et l'a condamné pour ce motif. Sa détention administrative se justifie donc sous l'angle des art. 75 al. 1 let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, puisque l'infraction instituée par l'art. 19 al. 2 LStup est constitutive de crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP, ce motif permettant à lui seul le prononcé d'une telle mesure (cf. ATA/180/2016 du 25 février 2016 consid. 7 ; ATA/252/2015 du 5 mars 2015 consid. 6b). Le principe de la légalité est donc respecté. Point n'est ainsi besoin de déterminer encore si, comme l'a retenu le commissaire de police, les motifs prévus par la combinaison des art. 75 al. 1 let. g et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI et par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI sont aussi réalisés.

10.         Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

11.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

12.         Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

13.         En l'espèce, la question est tout d'abord de savoir la détention de M. A______ est une mesure nécessaire pour assurer l'exécution de son expulsion ou si, subsidiairement, une mesure portant une atteinte moins grave à sa liberté pourrait être prononcée, telle qu'une assignation dans un hôtel de la place comme il le propose, ou encore s'il serait possible d'annuler purement et simplement sa détention en prononçant sa mise en liberté immédiate. Il s'avère cependant que les indications fournies par M. A______ au sujet de sa volonté de retourner aussi rapidement que possible au Brésil et sur le fait qu'il n'aurait en Suisse aucune affaire qui le retiendrait, ne résultent que de ses propres allégations. On ignore complètement si M. A______, une fois remis en liberté, chercherait réellement à retourner immédiatement au Brésil ou s'il ne rechercherait pas au contraire à demeurer en Suisse pour d'autres raisons, sinon pour y commettre de nouvelles infractions, voire disparaître dans la clandestinité.

En outre, l'assurance de son départ effectif, répond à un intérêt public certain eu égard notamment de l'infraction pénale reprochée portant sur un crime à la LStup et aucune autre mesure moins incisive que la détention ne saurait être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à l'exécution de la mesure d'expulsion (cf. not. ATA/672/2016 du 8 août 2016 consid. 7c ; ATA/949/2015 du 18 septembre 2015 consid. 8 ; ATA/846/2015 du 20 août 2015 consid. 8 ; ATA/810/2014 du 28 octobre 2014 consid. 6).

L'inconvénient qui résulte pour lui d'une détention administrative susceptible de se prolonger encore quelques temps, par rapport au fait de pouvoir demeurer à l'hôtel dans l'attente de son renvoi, doit céder le pas face à l'intérêt public susmentionné.

Dans ces conditions, il s'avère que seule la détention paraît adéquate pour assurer son expulsion du territoire suisse.

14.         Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

15.         En l'espèce, les autorités ont entrepris toutes les démarches utiles en vue du départ de M. A______, alors qu'il se trouvait encore en détention puisqu'un billet d'avion avait été commandé puis obtenu pour le 15 février 2022, date de sa sortie de prison et c'est en raison d'un résultat positif au test Covid réalisé le 14 février 2022 que l'embarquement de l'intéressé à bord de l'avion devant le ramener au Brésil n'a pas pu avoir lieu.

Il résulte des explications apportées ce jour par la représentante du commissaire de police, que les démarches pour l'obtention d'un nouveau billet d'avion seront reprises aussitôt qu'un certificat attestant de la guérison de M. A______ sera délivré par le service médical de B______. Compte tenu des déclarations de M. A______, selon lesquelles il n'aurait jamais présenté de symptôme du Covid, il appartiendra à l'OCPM ou pour lui, à la Brigade Migration et retour, d'exiger du service médical de l'établissement de détention qu'il s'assure quotidiennement de l'état sanitaire de l'intéressé afin de délivrer, en l'absence de symptôme durant les 48 dernières heures, un certificat de guérison.

À ce stade toutefois, les éléments du dossier ne permettent pas au tribunal de considérer que le principe de célérité ne serait pas respecté.

16.         Par ailleurs, M. A______ critique ses conditions de détention, dès lors qu'il a été placé à l'isolement, dans l'établissement de B______.

17.         L'autorité judiciaire chargée du contrôle de la décision de détention administrative doit examiner notamment les conditions d'exécution de la détention (ATF 122 II 49 consid. 5 ; 122 II 299 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_384/2017 du 3 août 2017 consid. 4.5). Si celles-ci ne respectent pas les exigences légales, il appartient au juge d'ordonner les mesures qui s'imposent ou – s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention préventive – de faire transférer à bref délai le recourant dans d'autres locaux. Si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable, le recourant doit être libéré (ATF 122 II 299 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 5.2).

18.         Selon l'art. 81 al. 2 LEI, la détention a lieu dans un établissement servant à l'exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission. Si ce n’est exceptionnellement pas possible, notamment pour des raisons de capacités, les étrangers doivent être détenus séparément des personnes en détention préventive ou purgeant une peine.

19.         Selon la jurisprudence, il existe une autre exception au principe de la séparation des détenus de droit commun et des détenus de droit administratif, à savoir lorsqu’il existe un risque sécuritaire d’un détenu, à l’encontre de ses codétenus, du personnel administratif ou de la collectivité et que les standards de sécurité de l’établissement conçu pour le placement en détention administrative ne suffisent pas à pallier ce risque (arrêt du Tribunal fédéral 2C_37/2011 du 1er février 2011 consid. 3.1 ; 2A_8/1996 du 1er février 1996 consid. 3b ; Martin BUSINGER, Ausländerrechtliche Haft, Die Haft nach Art. 75 ff AuG, 2015, p. 309 ; Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 93 n. 45).

« L’isolement cellulaire d’un étranger, voire – en l’absence de mesures de sécurité renforcée dans un centre de détention administrative – sa détention dans un établissement pénitentiaire ou dans le quartier psychiatrique carcéral ne sont envisageables qu’à titre tout à fait exceptionnel, lorsque l’étranger présente un danger concret et grave pour sa vie ou son intégrité, ou pour celles d’autrui. De même, un régime plus sévère pourra, selon nous, être appliqué à la détention administrative pour insoumission, compte tenu du changement de comportement que celle-ci a pour but de provoquer chez l’étranger récalcitrant » (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 921 n. 23).

20.         La doctrine relève toutefois qu’il faut supposer que la Cour de justice de l’Union européenne rejetterait cette exception et que se poserait alors la question de savoir où et comment ces étrangers devraient être détenus ou si, en plus des établissements de détention administrative ordinaires, des établissements devraient être créés pour des étrangers à hauts risques (« Hochrisikohäftlinge » ; Martin BUSINGER, op. cit., p. 309).

21.         L’hébergement de détenus au sein d’établissements pénitentiaires de détention préventive ou d’exécution de peine ou de mesures reste envisageable, « à condition toutefois que ces établissements aient été conçus ou aménagés de façon à éviter tout côtoiement entre détenus pénaux et détenus administratifs (étages, pavillons ou divisions disposant d’accès strictement séparés et spécialement aménagés pour tenir compte des besoins et droits élargis des détenus administratifs). Une séparation des groupes de détenus uniquement au niveau des cellules ne suffit pas » (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 917 n. 21).

22.         En l’absence d’établissements de détention spécifiques et adaptés aux besoins des détenus relevant du droit des étrangers, ces derniers doivent être placés dans des divisions séparées de celles des autres catégories de détenus (ATF 122 II 299). L’utilisation de la même cour de promenade est possible à condition que cela intervienne à des moments distincts de la journée (ATF 122 II 49 consid. 5a).

23.         Le concordat sur l’exécution de la détention administrative à l’égard des étrangers du 4 juillet 1996 (CEDA - F 2 12), applicable par renvoi de l'art. 12A LaLEtr, indique que la détention administrative a lieu dans un établissement fermé (art. 13 al. 1).

24.         Aux termes de l’art. 35 CEDA, les cantons concordataires s'engagent à placer dans les établissements concordataires les détenus administratifs relevant de leur autorité. L'établissement est tenu de recevoir ces détenus. Le placement ou le transfert d'un détenu dans un établissement non concordataire demeure réservé dans des circonstances particulières, notamment pour des motifs de sécurité ou de santé. Si, en cours de détention, la direction estime qu'un détenu doit être transféré dans un autre établissement, elle adresse une demande à l'autorité d'exécution du canton qui a ordonné la détention.

25.         L'autorité compétente de chaque canton (autorité d'exécution) procède au placement ou au transfert selon sa libre appréciation, notamment en fonction des formalités administratives à accomplir, des modalités prévisibles du refoulement et de considérations de sécurité ou d'ordre dans l'établissement (art. 36
al. 1 CEDA).

26.         La rétention et la détention sont exécutées dans un établissement fermé, à l'intérieur duquel la liberté de circulation est garantie dans les limites imposées par la gestion d'une structure communautaire. Les conditions d’exécution de la détention sont régies par le chapitre troisième du CEDA (art. 12A LaLEtr).

27.         L'art. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) consacre expressément le principe de la séparation des pouvoirs. En l'absence de délégation législative expresse, le Conseil d’État ne peut pas poser de nouvelles règles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations (ATF 138 I 196 consid. 4.1 ; ATA/239/2011 du 12 avril 2011 consid. 4a ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 253 ss n. 2.5.5.3). Seule la clause générale de police peut justifier une entorse à ce principe, mais il faut que l'ordre public soit menacé de manière grave, directe et imminente, sans qu'aucune autre mesure légale ne puisse être prise ou aucune norme adoptée en temps utile (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 667 ss n. 4.2.3.9).

28.         Selon la « clause générale de police » de l’art. 10 du règlement sur l’organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol - F 1 05.01), la police prend, même sans base légale particulière, les mesures d'urgence indispensables pour rétablir l'ordre en cas de troubles graves ou pour écarter des dangers sérieux, directs ou imminents menaçant la sécurité et l'ordre publics.

29.         En l’espèce, la détention à l'isolement à B______ de M. A______ repose sur un ordre de maintien provisoire du contraint à B______ prononcé le 16 février 2022 par l'OCPM et approuvé par le Conseiller d'Etat en charge du département qui se fonde sur la clause générale de police, en raison du fait que le contraint a été testé positif au Covid-19, le 14 février 2022.

Cette mesure, décidée dans un but évident de lutte contre la propagation du virus et dans une perspective de protection sanitaire des autres détenus et du personnel de détention pour une durée minimale de 4 jours et strictement limitée à 7 jours, ne prête pas le flanc à la critique et respecte le principe de proportionnalité. Il sera relevé à ce sujet que selon les consignes fédérales sur l'isolement, évoquées par le conseil de M. A______, la durée de 5 jours d'isolement est une durée minimale qui peut être prolongée en cas de persistance des symptômes. Elles n'apparaissent donc pas plus favorable à l'intéressé.

30.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Ainsi, concrètement, dans ces circonstances, la détention administrative peut atteindre dix-huit mois (cf. not. ATA/848/2014 du 31 octobre 2014 ; ATA/3/2013 du 3 janvier 2013 ; ATA/40/2012 du 19 janvier 2012 ; ATA/518/2011 du 23 août 2011).

La durée de la détention, envisagée dans son ensemble, doit dans tous les cas être proportionnée par rapport aux circonstances d'espèce (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1).

31.         En l'occurrence, la durée de la détention de cinq semaines décidée par le commissaire de police, même si elle respecte le cadre légal fixé par l'art. 79 al. 1 LEI, apparaît excessive au vu des circonstances. En application du principe de proportionnalité, elle sera ramenée à deux semaines. Cette période apparaît suffisante pour organiser et exécuter le refoulement de M. A______ à destination du Brésil. La portée de cette durée s'avère au demeurant très relative, car si M. A______, comme il le laisse entendre, venait à monter dans le vol de ligne qui devrait pouvoir le reconduire dans son pays tout prochainement, sa détention prendrait immédiatement fin. Dans le cas contraire, ne serait-ce qu'en cas d'annulation du vol, la police devrait pouvoir disposer du temps nécessaire pour organiser son retour par un autre moyen.

32.         Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ mais pour une durée de deux semaines.

33.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 16 février 2022 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de deux semaines, soit jusqu'au 1er mars 2022, inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 18 février 2022

 

Le greffier