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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7563/2020

AARP/420/2024 du 26.11.2024 sur JTDP/323/2024 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LEI;USAGE DE FAUX(DROIT PÉNAL)
Normes : LEI.118; LEI.115; CP.251
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7563/2020 AARP/420/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 26 novembre 2024

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______ [GE], comparant par Me C______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/323/2024 rendu le 12 mars 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/323/2024 du 12 mars 2024, par lequel le Tribunal de police (TP), après avoir classé la procédure s'agissant des infractions à l'art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) pour les faits antérieurs au 12 mars 2017, l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI, de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 du Code pénal [CP]), et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI cum art. 22 CP). Le TP l'a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 90.- l'unité, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, peine assortie du sursis durant trois ans, et l'a astreint au paiement des frais de la procédure de CHF 1'201.-, émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- en sus. Enfin, le TP a statué sur le sort des valeurs séquestrées.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement de tous les chefs d'infractions encore retenus, sous suite de frais et dépens.

b. Selon l'ordonnance pénale du 22 décembre 2022, il est encore reproché à A______ d'avoir :

-        entre le 22 décembre 2015 et le 14 juillet 2020, date de son interpellation, séjourné et travaillé en Suisse, notamment à Genève, alors qu'il était dénué des autorisations requises ;

-        le 30 novembre 2018, à Genève, produit à l'appui d'une demande d'autorisation de séjour auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) dans le cadre de l'opération "Papyrus", différents documents falsifiés ou contrefaits et indiqué faussement, pièces à l'appui, qu'il avait séjourné et travaillé durant dix ans de manière ininterrompue à Genève, tentant de la sorte d'induire en erreur l'OCPM en lui donnant de fausses indications, dans le but d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour pour améliorer son statut administratif au regard du droit des étrangers, étant précisé que dite autorisation ne lui a finalement pas été délivrée. À cet égard, il a fourni les fausses pièces suivantes :

-        un certificat de salaire (du 1er mai au 31 décembre 2011) de l'entreprise D______ Sàrl, faisant état d'un salaire total brut de CHF 34'015.- ;

-        un certificat de salaire (du 1er janvier au 31 juillet 2012) de D______ Sàrl faisant état d'un salaire total brut de CHF 33'555.- ;

-        une attestation de versement du 1er décembre 2008 au nom de l'entreprise E______ (ci-après : E______), selon laquelle A______ a travaillé pour celle-ci du 22 septembre au 28 novembre 2008 ;

-        une attestation du 20 (recte – 2) mars 2009 de D______ Sàrl, à teneur de laquelle A______ a travaillé pour celle-ci du 2 au 20 mars 2009 ;

-        une attestation du 5 mars 2010 de D______ Sàrl, à teneur de laquelle A______ a travaillé pour celle-ci du 1er février au 5 mars 2010.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 28 avril 2020, l'OCPM a dénoncé au Ministère public (MP) le cas de A______, estimant que sa demande d'autorisation de séjour, soumise par le biais de F______, nourrissait des soupçons du fait, notamment, qu'elle contenait des certificats de salaire établis par D______ Sàrl, société apparaissant dans plusieurs dossiers "Papyrus", que les retenues des charges sociales opérées par D______ Sàrl et E______ n'apparaissaient pas sur l'extrait du compte individuel AVS de l'intéressé, que l'attestation émise par D______ Sàrl en 2009 semblait antidatée en ce que l'adresse indiquée n'était utilisée que depuis mars 2011 et, enfin, que le nom de l'en-tête de l'attestation émise par E______ ne correspondait pas à celui de son tampon humide.

a.b. Parmi les documents produits à l'appui de cette demande figuraient notamment :

-        un formulaire M de demande d'autorisation de séjour et/ou de travail à Genève pour ressortissant étranger établi le 21 août 2018 par la société G______ Sàrl, mentionnant une arrivée de A______ à Genève en 2008 ;

-        un extrait de compte individuel, établi au nom de A______ par la [caisse de compensation] H______ le 29 mai 2020, recensant les employeurs suivants : I______ SA (de mars à octobre 2013), J______ SA (de janvier 2014 à novembre 2016), K______ SA (de janvier à décembre 2017), G______ Sàrl (de juillet 2018 à octobre 2019), L______ Sàrl (en novembre et décembre 2019) et G______ Sàrl (de février à octobre 2019) ;

-        une attestation de versement datée du 1er décembre 2008 au nom de E______, à teneur de laquelle A______ avait travaillé pour celle-ci du 22 septembre au 28 novembre 2008 pour une rémunération forfaitaire de CHF 5'400.-, munie d'un tampon humide indiquant "M______ – S______ – no. ______ av. 1______ - [code postal] Genève" ;

-        une attestation datée du 20 mars 2009 au nom de l'entreprise D______ Sàrl, à teneur de laquelle A______ avait travaillé pour celle-ci du 2 au 20 mars 2009, mentionnant l'adresse de la société à l'avenue 2______ no. ______, [code postal] N______ [GE], étant précisé que l'annotation manuscrite "02.03.2009" a été apposée en-dessus de la signature de l'employé ;

-        une attestation datée du 5 mars 2010 au nom de l'entreprise D______ Sàrl, à teneur de laquelle A______ y avait travaillé du 1er février au 5 mars 2010, l'adresse indiquée de la société était avenue 2______ no. ______, [code postal] N______;

-        un certificat de salaire (du 1er mai au 31 décembre 2011) de l'entreprise D______ Sàrl, faisant état d'un salaire total brut de CHF 34'015.-, dont avaient été déduites des cotisations sociales ;

-        un certificat de salaire (du 1er janvier au 31 juillet 2012) de l'entreprise D______ Sàrl faisant état d'un salaire total brut de CHF 33'555.-, dont avaient été déduites des cotisations sociales ;

-        un procès-verbal d'audition de A______ par la police le 16 mai 2014, dont il ressort que ce dernier, alors employé de J______ SA, avait d'abord déclaré être entré en Suisse en décembre 2013, avant de situer son arrivée en janvier 2013.

a.c. Il ressort du rapport d'arrestation qu'outre les anomalies déjà soulignées par l'OCPM, la police avait encore relevé que l'adresse mentionnée sur le tampon de E______ était mal orthographiée. Par ailleurs, A______ avait spontanément déclaré, en 2014, dans le cadre d'une autre procédure pénale pour infraction à la LEI, être arrivé en Suisse en 2013 pour y travailler, ce qui correspondait au demeurant à la date des premières cotisations inscrites sur son extrait individuel AVS/AI/APG.

b.a. Entendu à la police, A______ a reconnu avoir séjourné et travaillé en Suisse sans les autorisations nécessaires. Arrivé illégalement sur le territoire en 2008, il était ensuite retourné au Kosovo l'année suivante pour trois ou six mois avant de revenir à Genève. Dès son arrivée, il avait travaillé, de manière irrégulière, en qualité de plâtrier. Confronté à ses déclarations à la police en mai 2014, il a expliqué ne pas avoir déclaré la période où il séjournait illégalement en Suisse, soit avant 2013.

Il savait que pour remplir les conditions de l'opération "Papyrus", il devait notamment prouver un séjour de dix ans en Suisse. Il avait donc fourni comme preuves la facture d'un dentiste en France, un abonnement TPG ainsi que des contrats conclus avec différentes entreprises. Il ne se souvenait pas de tout mais se rappelait de la société J______, où il avait été employé de 2013 à 2017. En 2018, il avait travaillé pour la société O______ (phon.) dont le patron se prénommait "P______". Pour la période antérieure à 2013, il avait oublié les noms des sociétés qui avaient recouru à ses services, n'ayant été employé par celles-ci que pour de courtes durées. Cela étant, il avait toujours travaillé aux côtés de son frère.

Questionné au sujet de la société E______, il a d'abord déclaré avoir un peu travaillé pour celle-ci en 2008, à raison d'un à trois jours par semaine, en fonction des besoins, avant de répondre qu'il y travaillait tout le temps, de deux à trois jours par semaine, voire parfois une semaine entière. Confronté au fait que le document produit attestait d'une activité régulière pour un salaire fixe, il a répondu que cela était "possible" mais qu'il l'avait oublié.

En réalité, il avait travaillé de 2009 à 2015 à temps plein en tant que plâtrier pour Q______, cousin éloigné et dirigeant de la société J______, lequel avait animé d'autres sociétés auparavant, dont il ne se remémorait plus les noms. Ce dernier avait conservé les documents litigieux dans son bureau, de sorte qu'ils étaient authentiques et n'avaient pas été antidatés.

R______, son cousin direct et employeur actuel, l'avait assisté pour rassembler les documents nécessaires à la demande "Papyrus". Ils s'étaient présentés chez "S______", le patron de E______, et avaient obtenu l'attestation litigieuse un mois ou deux avant le dépôt de son dossier. Son cousin l'avait également accompagné pour obtenir les fiches de salaire et contrats de travail de 2009 chez Q______.

b.b. Par courrier de son conseil du 12 septembre 2020, A______ a précisé que dès son arrivée en Suisse, en 2008, il avait principalement été en contact avec son frère, T______, ainsi que son cousin éloigné, Q______, lequel collaborait alors activement avec S______. L'adresse mentionnée sur le tampon de D______ Sàrl était celle du domicile de Q______. Il était ainsi hautement vraisemblable, au vu de l'implication de ce dernier en tant qu'organe de fait de la société, que D______ Sàrl utilisât déjà cette adresse avant la modification de l'inscription du Registre du commerce, le précédent siège étant au domicile du fondateur, U______, une connaissance commune de S______ et de Q______. Il avait travaillé pour les sociétés de Q______, dont plusieurs avaient enchainé les faillites, de sorte qu'une activité identique s'était poursuivie avec la même équipe de travailleurs, sous d'autres raisons sociales.

b.c. Devant le TP, A______ a confirmé qu'avant 2013, S______ était son patron. Il n'en avait pas parlé lors de son audition à la police car il était demeuré vague, par peur. En 2008, il travaillait uniquement sur appel, de manière irrégulière. Confronté au contenu de l'attestation de E______ mentionnant une activité régulière, il a d'abord indiqué ignorer comment ce document avait été fait, puis qu'il lui était arrivé de travailler au-delà de l'horaire convenu, avant d'affirmer n'avoir conservé aucun souvenir à ce propos. À la réception de son extrait AVS, il s'était rendu compte que ses cotisations sociales n'avaient pas été payées. Il n'avait jamais croisé Q______ lors de son activité au sein de D______ Sàrl, car ce dernier travaillait depuis chez lui, non sur les chantiers. En 2011 et 2012, son travail avait été plus régulier. Il ne disposait pas de documents attestant d'abonnements aux TPG, pourtant mentionnés à la police, ni de numéro de téléphone, faute d'adresse de domiciliation.

b.d. À l'appui de ses propos, A______ a produit, notamment :

-        une attestation médicale d'un chirurgien-dentiste à V______ [France], datée du 18 septembre 2018, selon laquelle il s'était présenté au cabinet les 17 et 24 octobre 2008 pour des soins ;

-        l'extrait du Registre du commerce de D______ Sàrl, dont il ressort que, du 2 février 2009 au 15 mars 2011, U______ était associé gérant avec signature individuelle, avant d'être remplacé à ce poste par S______ ;

-        le rapport de contrôle sur chantier du 15 mars 2018 mentionnant l'emploi de A______ par K______ pour cette période.

c.a. Entendu à la police, R______ a déclaré que son cousin était arrivé pour la première fois en Suisse à la fin de l'année 2008 et avait effectué des allers-retours entre ce pays et le Kosovo à une ou deux reprises. Il avait aidé A______ à établir son dossier "Papyrus", avec l'assistance de F______. Son cousin avait en sa possession tous les documents relatifs à ses récentes activités mais pour les activités antérieures, il avait été plus difficile de les obtenir. Ils avaient donc demandé un extrait AVS et, pour les années manquantes sur ledit extrait, avaient dû trouver des preuves. Il s'agissait des abonnements TPG. Il était possible qu'ils aient également joint un document relatif au téléphone et des preuves de virements bancaires. Ils avaient contacté S______, pour qui son cousin avait travaillé en 2008, lequel leur avait remis les quittances de rémunération pour des "petits boulots" conservés dans ses archives ; ce n'était pas une activité régulière et il y avait eu peu de travail, raison pour laquelle son cousin avait fait des aller-retours entre la Suisse et le Kosovo. Ils avaient également rencontré Q______, lequel avait été le "responsable administratif" de la société employant son cousin. Enfin, il ne connaissait pas la société D______ Sàrl. Au MP, R______ a confirmé ses propos, ajoutant que son cousin ne lui avait jamais parlé de ses employeurs.

c.b.a. Selon le procès-verbal d'audition de Q______ à la police du 17 juin 2014, recueillie dans le cadre d'une procédure antérieure, celui-ci n'était pas le patron de J______ SA, dont il occupait le poste de secrétaire administratif. À ce titre, il se chargeait d'engager le personnel pour les chantiers, de dresser les contrats et de déclarer les employés auprès des assurances sociales. Toutefois, selon son audition du 16 mai 2014, A______ le présentait comme son employeur, pour lequel il travaillait depuis janvier 2014, étant précisé qu'il était arrivé en décembre 2013.

c.b.b. Devant le MP, S______ a déclaré être le responsable de E______. Il travaillait alors seul et, lorsqu'il avait besoin de quelqu'un, il faisait appel à une personne extérieure. Il avait ainsi recouru aux services de A______ pour des "bricoles". Il avait également été le patron de D______ Sàrl et Q______ avait travaillé pour lui, de manière ponctuelle. La signature apposée sur les documents de D______ Sàrl et de E______ était bien la sienne ou plutôt, celle de 2008 l'était "probablement", celle-ci ayant varié avec le temps. Les cotisations n'apparaissaient pas sur l'extrait de compte individuel AVS/AI/APG de A______ avant mars 2013 car ce dernier n'avait, avant cette date, pas beaucoup travaillé pour lui. Il avait personnellement remis les attestations à A______ ou à R______.

c.c. Entendu à la police, Q______ a exposé n'avoir exploité qu'une seule entreprise individuelle en son nom, laquelle n'était plus active depuis 2007. Par la suite, il n'avait été gérant d'aucune autre société, même sans être inscrit au Registre du commerce. Il avait été employé de D______ Sàrl, en qualité d'homme à tout faire, durant une année, voire une année et demi, en 2011 ou 2012. Le patron était S______. Il s'occupait alors des rendez-vous de chantiers, des employés et du secrétariat. Il était, en somme, chef de chantier et contremaître. Il lui arrivait également d'établir des fiches de salaire, des contrats de travail, des factures ou encore des devis. A______ était son cousin. Celui-ci était arrivé en Suisse pour la première fois en 2006 ou 2007. Ils avaient travaillé ensemble pour I______ SA, J______ SA et K______ SA, entre 2013, voire 2014, jusqu'en 2017. S'il avait lui-même travaillé pour E______ en 2010, puis pour D______ Sàrl, il ne se rappelait en revanche pas si tel était aussi le cas de A______. Il n'avait pas remis au précité les attestations établies au nom de D______ Sàrl, sur lesquelles il reconnaissait la signature de S______, à l'exclusion de celle figurant sur l'attestation de versement de E______. L'adresse de D______ Sàrl, soit avenue 2______ no. ______, [code postal] N______ [GE], était la sienne. La société n'y avait reçu du courrier qu'à compter de l'inscription de ladite adresse au Registre du commerce, en 2011. Il ignorait cependant si son adresse avait pu être utilisée officieusement avant cette date. Enfin, s'agissant de D______K SA et de K______ SA, les équipes étaient composées de sept ou huit employés : si certains d'entre eux avaient probablement travaillé pour plusieurs de ces entreprises, les équipes n'étaient en revanche pas identiques. Cela étant précisé, il n'avait pas mis son cousin en relation avec ces sociétés. Au MP, Q______ a confirmé ses précédentes déclarations, précisant en particulier, après avoir entendu S______ s'exprimer sur le sujet, ne pas parvenir à reconnaitre sa signature, car celle-ci avait changé en 25 ans. Il ne pouvait pas davantage confirmer que A______ avait été employé de E______ et de D______ Sàrl car, soit ils n'y avaient pas travaillé au même moment, soit il ne s'en souvenait pas. Lorsqu'il œuvrait pour ces deux entreprises, ainsi que pour I______ SA, il lui semblait que ses cotisations sociales étaient payées. S______ avait bien repris I______ SA après D______ Sàrl, aux alentours de 2012 ou 2013.

d. Le frère du prévenu, T______, a fait, pour sa part, l'objet, dans le cadre de la procédure P/3______/2020 :

-        d'une ordonnance de classement partiel, le 8 novembre 2022, des chefs de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période du 25 octobre 2018 au 13 juillet 2020, ainsi que de faux dans les titres et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités ;

-        d'une ordonnance pénale, le 8 novembre 2022, pour les chefs de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période du 8 novembre 2015 et le 24 octobre 2018 ;

-        d'une ordonnance de classement, le 6 octobre 2023, pour les chefs de séjour illégal et d'activité lucrative sans autorisation pour la période du 8 novembre 2015 au 5 octobre 2016.

C. a. Aux débats d'appel, A______ a maintenu, en substance, ses explications. Il a ajouté se sentir très mal, car il n'était pas venu en Suisse pour tromper qui que ce soit, mais pour y travailler et avoir une vie meilleure. Il s'était contenté de demander des documents à ses patrons et de produire ce qui lui avait été fourni. Il avait fait une demande de régularisation dans le but d'être libre de travailler et de vivre sans peur. Durant des années, il avait travaillé 10h00 à 12h00 par jour en étant très mal payé et sans que ses charges sociales ne soient réglées. On avait profité de sa personne et il était injuste qu'il soit condamné à la place de quelqu'un d'autre.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Il sollicite en outre l'allocation d'une indemnité de CHF 200.- pour la détention injustifiée, CHF 15'365.42, augmentés de la durée de l'audience du 12 mars 2024, pour les dépenses occasionnées par la procédure préliminaire et de première instance, ainsi que CHF 7'094.06 pour celles de la seconde instance, hors débats d'appel, lesquels ont duré 1h35.

c. Le MP n'a pas pris de conclusion formelle.

d. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

D. a. A______, ressortissant kosovar né le ______ 1984, est célibataire et sans enfant. Sa compagne, ainsi que l'un de ses frères, vivent au Kosovo, tandis que ses deux autres frères résident en Allemagne ou en Suisse. Ses parents sont décédés. Il travaille au sein de l'entreprise L______ Sàrl depuis 2020 pour un salaire mensuel net de CHF 4'400.-. Son loyer s'élève à CHF 1'650.- par mois, charge qu'il assume seul. Il n'est toujours pas assuré à l'assurance-maladie obligatoire et sa demande "Papyrus" est encore pendante.

b. Son casier judiciaire est vierge.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 127 I 38 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_86/2019 du 8 février 2019 consid. 1.1).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation ; le principe est violé lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_47/2018 du 20 septembre 2018 consid. 1.1 ; 6B_61/2015 du 14 mars 2016 consid. 3).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence interdit cependant au juge de se déclarer convaincu d'un fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence d'un tel fait ; des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent en revanche pas à exclure une condamnation (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ;
144 IV 345 consid. 2.2.3.2 et 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a).

2.2.1. L'art. 251 ch. 1 CP sanctionne le comportement de celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

La notion de titre est définie à l'art. 110 al. 4 CP. Seuls les documents destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique sont concernés. Le caractère de titre d'un écrit est relatif. Ainsi, certains de ses aspects peuvent être propres à prouver certains faits, alors que d'autres ne le sont pas (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 6 ad art. 251).

Le législateur réprime deux types de faux dans les titres : le faux matériel et le faux intellectuel. On parle de faux matériel lorsque le véritable auteur du titre ne correspond pas à l'auteur apparent (ATF 129 IV 130 consid. 2.1, JdT 2005 IV 118). Autrement dit, le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité. Commet un faux intellectuel, celui qui aura constaté ou fait constater faussement un fait ayant une portée juridique. Le faux intellectuel se rapporte ainsi à l'établissement d'un titre authentique (réalisé par l'auteur apparent), mais mensonger du fait que le contenu réel et le contenu figurant dans le titre ne concordent pas. Comme le simple mensonge écrit n'est pas répréhensible, même en présence d'un titre, il faut que celui-ci ait une valeur probante plus grande qu'en matière de faux matériel, pour que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], op. cit., n. 34 ad art. 251).

Selon la jurisprudence, un certificat de salaire, respectivement un décompte de salaire au contenu inexact ou un contrat de travail simulé pour obtenir une attestation de séjour constituent un simple mensonge écrit, faute de valeur probante accrue de ces titres (ATF 118 IV 363 consid. 2, JdT 1995 IV 41 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_382/ 2011 du 26 septembre 2001 consid. 2.2 et 6B_72/2015 du 27 mai 2015 consid.1.5 et 1.6).

Lorsque l'auteur désigné par le titre est une personne morale, il y a lieu d'évaluer si le document est en soi apte à prouver que la personne morale a fait une déclaration, faute de quoi il ne s'agit pas d'un titre. Si c'est le cas, l'établissement de ce titre au nom de la personne morale par une personne qui ne peut pas (ou plus) valablement l'engager dans les rapports externes est un faux matériel (cf. ATF 123 IV 17 consid. 2b ; Commentaire romand du Code pénal II, Bâle 2017, N 29 ad art. 251 CP).

Dans toutes les variantes envisagées, l'infraction est intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs objectifs. Le dol éventuel suffit
(ATF 141 IV 369 consid. 7.4). L'auteur doit donc être conscient que le document est un titre. Il doit savoir que le contenu ne correspond pas à la vérité et avoir voulu (faire) utiliser le titre en le faisant passer pour véridique, ce qui présuppose l'intention de tromper (ATF 135 IV 12 consid. 2.2). L'art. 251 CP exige également un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (ATF 138 IV 130 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_736/2016 du 9 juin 2017 consid. 2.1).

2.2.2.1. En l'espèce, la présence et les activités de l'appelant à Genève sont bien établies à compter de 2013, dès lors qu'il ressort de son relevé AVS/AI/APG que ses cotisations sociales ont été payées. En revanche, les années dès 2008 n'y figurent pas, quand bien même, selon l'appelant, il aurait été employé par le même patron, qui animait alors des raisons sociales différentes.

2.2.2.2. Certes, l'appelant a, de manière constante, déclaré dans le cadre de la présente procédure être arrivé en Suisse en 2008. Toutefois, ses déclarations se heurtent à plusieurs écueils, le premier étant l'absence de preuve matérielle, outre les documents litigieux qui seront analysés ci-après (cf. 2.2.2.3). En effet, l'attestation médicale de 2008 n'est propre à établir qu'un séjour temporaire, en France de surcroît. En second lieu, il ressort de ses déclarations, confirmées par celles de son cousin, qu'il aurait produit également copie de ses abonnements TPG pour justifier de sa présence durant cette période, avant de concéder devant le TP n'en avoir jamais eu, faute d'adresse de domiciliation ; il appert ainsi qu'il a déjà menti sur ce point. À cela s'ajoute sa déposition devant la police en 2014 : or, s'il apparaît logique que l'appelant ait à l'époque tenté de minimiser la durée de son séjour illégal, il n'en demeure pas moins que sa présence sur le sol suisse n'est établie qu'à partir de la date mentionnée, soit celle de 2013. Par ailleurs, si R______ a corroboré ses propos, il ne faut pas perdre de vue qu'il était personnellement impliqué dans les démarches et avait tout intérêt à ce que le statut de son cousin, qu'il employait, soit régularisé. Q______ a, quant à lui, indiqué que l'appelant serait arrivé "pour la première fois" en 2006 ou 2007. Il ressort donc de leurs propos, et l'appelant le confirme également, que celui-ci a effectué un ou plusieurs allers-retours entre la Suisse et le Kosovo durant cette période. Ainsi, il appert, qu'en tout état, son séjour en Suisse n'était pas ininterrompu, de sorte que cette condition cardinale de l'opération "Papyrus" faisait défaut. À ce stade et au vu de ce qui précède, il convient d'apprécier les déclarations de l'appelant avec circonspection.

Cela étant, la question de la présence effective de l'appelant en Suisse durant la période visée peut demeurer ouverte dans la mesure où les documents litigieux produits ont un contenu mensonger et sont constitutifs, pour la majorité, de faux matériels, de sorte que l'infraction est, en toute hypothèse, réalisée.

2.2.2.3. Les attestations d'emploi et de rémunération établies au nom de D______ Sàrl pour les années 2009 et 2010, ainsi que les certificats de salaire 2011 et 2012 de cette même société sont tous estampillés du timbre humide comportant l'adresse de Q______, utilisée en 2011 seulement, ce que l'intéressé a confirmé. À cet égard, le fait que celui-ci ignore si son adresse a pu être utilisée avant cette date n'est pas déterminant dans la mesure où il n'a, en tout état, pas affirmé avoir reçu le courrier destiné à cette société durant cette période. Or, avec le premier juge, on peine à comprendre comment, en 2009, une entreprise aurait déjà pu confectionner et utiliser un tampon mentionnant une adresse qu'elle n'aura que deux ans plus tard, au moment du changement d'administrateur. Il s'agit bien plutôt d'un indice que ces documents ont été confectionnés postérieurement à la date indiquée. Cela étant, c'est en vain que l'appelant se raccroche au classement dont a bénéficié son frère pour une attestation similaire, le juge n'étant pas lié par cette décision de l'autorité de poursuite, d'une part, et le caractère véridique de cette attestation n'ayant jamais été tranchée au fond, d'autre part.

Ces documents, ainsi que l'attestation de versement de E______ en 2008, sont tous censés être signés par S______, selon les déclarations de ce dernier, étant précisé qu'il a, dans un second temps, nuancé ses propos en déclarant que la signature de 2008 était "probablement" la sienne. Or, il appert que seules celles des années 2009 et 2010 sont rigoureusement identiques. Elles se distinguent ainsi sensiblement des autres et ne correspondent en rien à celle de décembre 2008, que Q______ n'a, d'ailleurs, pas même reconnu. L'explication selon laquelle la signature de S______ aurait beaucoup évolué avec le temps est peu crédible dans la mesure où seulement trois mois séparent les deux griffes diamétralement opposées, de sorte que l'on est loin d'une évolution naturelle. En outre, le timbre humide comporte de nombreuses anomalies, en ce que le nom de l'enseigne ne correspond pas ("M______ – S______" contre "E______ ENTREPRISE S______"), qu'il comporte en sus une faute de frappe (PENTURE au lieu de PEINTURE) et que l'adresse est mal orthographiée, soit des erreurs si grossières qu'il apparaît peu probable qu'il s'agisse du timbre véritablement utilisé par la société. Au vu de ce qui précède, il existe un faisceau d'indices convergents démontrant que l'attestation de E______ n'émane pas de S______, mais d'un tiers faussaire. Il s'agit donc d'un faux matériel. Quant aux attestations de D______ Sàrl pour les années 2009 et 2010, il ressort du registre du commerce que S______ n'était habilité à signer pour cette société qu'à partir du 15 mars 2011, de sorte qu'il s'agit également de faux matériels, conformément à la jurisprudence sus-rappelées. En revanche, il n'est pas établi qu'il n'est pas l'auteur des certificats de salaire de D______ Sàrl pour les années 2011 et 2012, de sorte qu'il s'agit tout au plus de simples mensonges écrits.

L'appelant ne pouvait ignorer qu'il faisait usage de faux dans la mesure où il savait n'avoir jamais été employé de D______ Sàrl ou, à tout le moins et à l'instar de E______, n'avoir travaillé que dans une moindre mesure pour ces entités.

En effet, il ressort de ses déclarations qu'il s'est montré incapable de citer spontanément le nom des entreprises pour lesquelles il aurait travaillé avant 2013, soit E______ et D______ Sàrl. Il a ensuite passablement varié dans ses explications relatives à son activité au sein de E______, arguant tantôt avoir peu travaillé, tantôt avoir été employé de manière plus importante ("tout le temps" ou "au-delà de l'horaire"), afin que cela corresponde au contenu de l'attestation, avant de se retrancher derrière son ignorance ou son absence de souvenir en la matière. Or, si S______ a confirmé avoir recouru aux services de l'appelant dans le cadre de sa raison individuelle, il n'a articulé aucune date, se contentant d'évoquer une période d'avant "mars 2013", soulignant que l'intéressé avait très peu travaillé pour lui, de sorte que le contenu de l'attestation, qui évoque une rémunération forfaitaire sur deux mois pour une activité plus importante que de simples "bricoles" est mensonger.

En ce qui concerne D______ Sàrl, les propos de l'appelant ne sont pas non plus crédibles et ont évolué en fonction des déclarations de Q______, qu'il avait désigné comme employeur dans les faits, arguant que ce dernier ne fréquentait pas les chantiers, raison pour laquelle il n'avait jamais pu constater qu'il travaillait pour cette entreprise. Il ressort cependant du dossier que Q______ était un "homme à tout faire", chef de chantier, contremaître et "responsable administratif", selon les besoins de l'entreprise. À ce titre, il était nécessairement amené à se rendre sur les chantiers. De plus, il n'est pas contesté qu'il s'occupait, notamment, des contrats de travail et des fiches de salaire. Il devait ainsi connaitre l'identité de tous les employés et aurait dû pouvoir confirmer si l'appelant en faisait partie, a fortiori s'il s'est chargé de son engagement, comme semble l'alléguer ce dernier, étant rappelé qu'il s'agit d'un cousin éloigné, de surcroît. Or, tel n'est pas le cas. S______ a, quant à lui, confirmé que Q______ avait travaillé, de manière ponctuelle, pour D______ Sàrl, dont il était lui-même le seul patron. Par ailleurs, s'il a confirmé avoir recouru aux services de l'appelant, en lien avec sa raison individuelle E______, il n'a jamais évoqué d'activité de celui-ci au sein de D______ Sàrl. En tout état et à suivre la version de l'appelant, S______ a indiqué que celui-ci avait très peu travaillé pour lui, ce qui contredit les temps pleins figurant sur les certificats de salaire et le fait qu'il aurait été son employé durant plus de quatre ans. Le contenu de ces pièces ne correspond donc pas non plus à la réalité.

L'appelant a produit ces documents pour combler les années manquantes à sa demande, dans le but de la crédibiliser et d'obtenir ainsi la régularisation de son séjour, à laquelle il savait ne pouvoir prétendre. Il a ainsi voulu se procurer un avantage illicite.

Au vu de ce qui précède, la condamnation de l'appelant du chef de faux dans les titres doit être confirmée et l'appel rejeté.

2.3.1. Selon l'art. 118 al. 1 LEI, quiconque induit en erreur les autorités chargées de l'application de la présente loi en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et obtient, de ce fait, frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers, ou évite le retrait d'une autorisation, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Selon le message du Conseil fédéral (FF 2002, p. 3588), les personnes impliquées trompent par leur comportement les autorités délivrant des autorisations, car celles-ci n'octroieraient pas d'autorisation si elles connaissaient les données réelles. Selon l'art. 90 LEI, les personnes impliquées dans la procédure sont tenues de faire des déclarations conformes à la vérité (l'étranger ou les tiers). L'obligation de collaborer a une portée essentielle en droit à l'égard des étrangers car les autorités sont tributaires des indications véridiques des requérants. Tel est avant tout le cas pour les faits qui, sans la collaboration des personnes concernées, ne peuvent pas être déterminés du tout ou pas sans efforts disproportionnés.

L'auteur doit avoir un comportement frauduleux qui induit l'autorité en erreur relativement à un fait essentiel, ce qui amène celle-ci à accorder ou à ne pas retirer une autorisation ; il doit ainsi exister un lien de causalité adéquate entre la tromperie et l'octroi de l'autorisation de séjour au sens que si l'autorité avait eu connaissance de la vérité, elle n'aurait pas délivré ladite autorisation (AARP/327/2021 du 19 octobre 2021 consid. 2.2.1). Lorsqu'une personne fournit des informations incorrectes à l'autorité mais que celles-ci ne sont d'emblée pas de nature à avoir une influence sur l'octroi d'une autorisation, la condition de fait essentiel n'est pas remplie et l'infraction de l'art. 118 al. 1 LEI n'est pas réalisée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_838/2018 du 13 janvier 2022 consid. 5.1 ; 6B_833/2018 du 11 février 2019 consid. 1.5.2 ; 6B_72/2015 du 27 mai 2015 consid. 2.2 ; 6B_497/2010 du 25 octobre 2010 consid. 1.1). Le résultat de l'infraction se produit lorsque l'autorisation de séjour est accordée. À défaut, il s'agit d'une tentative (art. 22 CP).

L'infraction est intentionnelle ; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2018 du janvier 2022 consid. 5.1 ; voir également : AARP/309/2022 du 6 octobre 2022 consid. 2.3.2 ; AARP/179/2022 du 15 juin 2022 consid. 2.1.2).

L'opération dite "PAPYRUS", qui a pris fin au 31 décembre 2018, a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE, bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir : avoir un emploi, être indépendant financièrement, ne pas avoir de dettes, avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum pour les familles avec enfants scolarisés ou sinon dix ans minimum, faire preuve d'une intégration réussie, et ne pas avoir de condamnation pénale autre que celle pour séjour illégal (ATA/1255/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5 ; ATA/1153/2022 du 15 novembre consid. 7 ; ATA/878/2022 du 30 août 2022 consid. 7 ; ATA/679/2022 du 28 juin 2022 consid. 6).

2.3.2. En l'espèce, l'appelant a produit, devant l'autorité, de faux titres, dans le but de démontrer qu'il remplissait la condition d'un séjour ininterrompu de dix ans, requise par l'opération "Papyrus". Ce faisant, il a cherché à tromper l'autorité, dès lors qu'il n'ignorait pas, pour s'être renseigné auprès du syndicat F______, que sans les documents litigieux, sa demande serait vouée à l'échec, dans la mesure où il lui manquait des preuves de sa présence à Genève pour les années antérieures à 2013. L'appelant a agi intentionnellement.

Au vu de ce qui précède, la condamnation de l'appelant du chef de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités doit également être confirmée et l'appel rejeté.

2.4.1. Se rend coupable de violation de l'art. 115 al. 1 LEI, quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse prévues à l'art. 5 LEI (let. a), y séjourne illégalement (let. b) ou exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c).

Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. ; ce principe est également rappelé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP qui prévoit que les autorités pénales s'y conforment (arrêt du Tribunal fédéral 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.1).

Le principe de la bonne foi protège ainsi le justiciable dans la confiance légitime qu'il place dans sa relation avec les autorités. Le MP a récemment changé de pratique quant à l'opportunité de poursuivre une infraction de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) dans l'hypothèse où un prévenu est acquitté de celle prévue par l'art. 118 LEI, dans le cadre d'une opération de régularisation comme "Papyrus", et ce pour la période pénale couverte par celle-ci. Ce raisonnement s'inscrit dans le contexte particulier où des étrangers sans autorisation sont invités par l'État à dévoiler leur situation irrégulière dans l'espoir de se voir octroyer un permis. Il paraît en effet conforme au principe de la bonne foi que les autorités pénales, qui n'auraient pas eu connaissance du séjour illégal sans la révélation volontaire de l'administré, ne le poursuive pas si celui-ci n'adopte aucun comportement frauduleux à l'égard des autorités (AARP/70/2023 du 6 mars 2023 consid. 3.1 et 3.2 ; AARP/118/2023 du 27 mars 2023 consid. 2.1.5). Cela se justifie également au regard de la règle selon laquelle nul ne peut être contraint de s'auto-incriminer, qui constitue un principe général applicable à la procédure pénale, découlant de l'art. 32 Cst., de l'art. 14 al. 3 let. g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2) et du droit à un procès équitable au sens de l'art. 6 ch. 1 CEDH
(ATF 142 IV 207 consid. 8.3).

Ce raisonnement ne s'applique toutefois qu'au plaideur qui était en droit de penser au moment où il avait déposé la requête, que celle-ci avait des chances d'aboutir, à l'exclusion de celui qui avait fait usage de faux pour tenter d'induire l'autorité en erreur (AARP/235/2023 du 6 juillet 2023 consid. 3.2.2). Autrement dit, seul l'étranger de bonne foi peut se prévaloir de la protection conférée par une opération tendant à permettre la régularisation d'étrangers séjournant et travaillant illégalement en Suisse mais pouvant être tenus pour étant désormais bien intégrés et répondant aux critères définis aux fins de ladite opération (AARP/458/2023 du 29 novembre 2023 consid. 3.5.2).

2.4.2. Dans la mesure où l'appelant a tenté de tromper l'OCPM en usant de faux titres, il ne peut en aucun cas se prévaloir de la bonne foi. L'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI est donc réalisée, étant rappelé que l'appelant a reconnu les faits.

Le verdict de culpabilité d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI doit donc être confirmé et l'appel rejeté.

3. 3.1.1. L'infraction de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) est réprimée par une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Celle de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI) est punie d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Enfin, le séjour illégal et le travail sans autorisation (art. 115 al. 1 let. b et c LEI) sont sanctionnés par une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire.

3.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.1.3. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

3.1.4. L'art. 49 al. 1 CP prévoit que si, en raison de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

3.2. En l'espèce, la faute de l'appelant est loin d'être négligeable.

Il a séjourné et travaillé en Suisse sans les autorisations nécessaires, durant une longue période pénale. Par ailleurs, il n'a pas hésité à fournir des documents confectionnés de toutes pièces pour tenter de tromper l'autorité dans l'espoir de bénéficier de l'opération "Papyrus". Ce faisant, il a porté atteinte à la confiance que l'administration est en droit d'attendre de l'administré ainsi qu'à la bonne foi dans les rapports entre celui-ci et l'État.

Ses mobiles sont purement égoïstes, puisqu'il a recherché avant tout un bénéfice économique, au mépris des règles du droit des étrangers en vigueur. Sa volonté de s'établir en Suisse ne justifie en rien ses agissements.

Il y a concours d'infractions, facteur d'aggravation de la peine.

Il n'a pas d'antécédent, facteur neutre sur la peine.

Si sa collaboration à la procédure peut être jugée comme bonne s'agissant du séjour illégal et du travail sans autorisation, elle doit être qualifiée de mauvaise pour les autres infractions. Sa prise de conscience est nulle.

Le principe de la peine pécuniaire est acquis à l'appelant. L'infraction objectivement la plus grave, celle de faux dans les titres, justifierait, à elle seule, d'être sanctionnée par une peine de base de 60 jours-amende, laquelle doit être augmentée de 40 jours-amende pour tenir compte de la tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (peine hypothétique de 60 jours-amende), ainsi que de 25 jours-amende supplémentaires pour le séjour illégal (peine hypothétique de 40 jours-amende) et de 25 jours-amende pour l'infraction de travail sans autorisation (peine hypothétique de 40 jours-amende). La peine de 150 jours-amende, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, prononcée par le premier juge sera partant confirmée. Il en ira de même de la quotité du jour-amende.

Le sursis accordé est acquis à l'appelant et le délai d'épreuve de trois ans, adéquat, sera lui aussi confirmé (art. 42 al. 1 CP).

4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, lesquels comprendront un émolument d'arrêt en CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et art. 14 al. 1 let e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]). Il en ira de même du sort de l'émolument complémentaire de jugement en CHF 600.-.

Enfin, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance, vu l'issue de l'appel.

5. L'appelant sera débouté de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP a contrario).

6. Il n'y a pas non plus lieu de revenir sur le sort des valeurs séquestrées qui serviront à couvrir les frais de la procédure dans la mesure où l'appelant y a été condamné (art. 268 al. 1 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/323/2024 rendu le 12 mars 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/7563/2020.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'735.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Classe la procédure s'agissant des infractions à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEI antérieures au 12 mars 2017 (art. 329 al. 5 CPP et 97 al. 1 let. d CP).

Déclare A______ coupable d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers (art. 115 al. 1 let. b et c LEI), de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités (art. 118 al. 1 LEI cum 22 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, sous déduction de 2 jours-amende, correspondant à 2 jours de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 90.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne le séquestre et l'allocation aux frais de la procédure des valeurs figurant sous chiffre 1 de l'inventaire 4______ (art. 263 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'201.- (art. 426 al. 1 CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec les valeurs patrimoniales séquestrées figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 4______ (art. 442 al. 4 CPP).

Fixe l'émolument complémentaire de jugement en CHF 600.- et le met à la charge de A______."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'801.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'735.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'536.00