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Décisions | Tribunal pénal

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P/20457/2018

JTDP/1247/2024 du 17.10.2024 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.125; CP.125
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 21


17 octobre 2024

 

MINISTÈRE PUBLIC

Madame BA______, partie plaignante, assistée de Me F______

Monsieur CA______, partie plaignante, assisté de Me F______

Madame DA______, partie plaignante, assistée de Me F______

contre

Monsieur G______, prévenu, né le ______ 1949, domicilié ______[GE], assisté de Me Guillaume ETIER et de Me Yvan JEANNERET


 

CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public requiert et conclut à un verdict de culpabilité du prévenu du chef de lésions corporelles graves par négligence, à sa condamnation à une peine privative de liberté de 9 mois, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans. Il conclut également à ce qu'il soit fait bon accueil aux conclusions civiles des parties plaignantes et à ce que les frais de la procédure soient mis à la charge du prévenu.

CA______, DA______ et BA______, par le biais de leur Conseil, concluent à ce que G______ soit reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence. Ils persistent dans leurs conclusions civiles déposées le 10 juin 2024 et également dans leurs conclusions en indemnisation fondées sur l'art. 433 al. 1 CPP déposées le 6 août 2024. Ils concluent enfin à ce que les frais de la procédure soient mis à la charge du prévenu.

G______, par le biais de ses Conseils, conclut à son acquittement du chef de lésions corporelles graves par négligence. Il conclut au déboutement des parties plaignantes de leurs conclusions civiles et au rejet de leur demande en indemnisation fondée sur l'art. 433 al. 1 CPP. Il conclut enfin à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat et renoncent à toute indemnisation au sens de l'art. 429 CPP.

 

EN FAIT

A. Par acte d'accusation du 25 avril 2023, il est reproché à G______ des faits qualifiés de lésions corporelles graves par négligence, au sens de l'art. 125 al. 1 et 2 CP, pour avoir, à Genève, ______, en tant que représentant de feu H______, propriétaire du domaine, soit de garant, causé des lésions corporelles graves à BA______, en violant fautivement ses devoirs de prudence par les omissions coupables listées ci-après, conduisant à ce que BA______, née le ______ 2017, subisse, le 31 août 2018 une électrisation en touchant un fil de fer lequel était tendu à l'intérieur du poulailler situé sur la propriété sur tout son pourtour, à une hauteur d'environ 80 centimètres du sol et à quelques centimètres du grillage et dans lequel un courant de 230 volts circulait dans l'ensemble de ce fil, en posant la main sur le grillage et/ou en ayant sa paume en contact avec le fil électrifié. Celle-ci est restée tétanisée pendant un temps indéterminé. Sa vie a été concrètement mise en danger. Il a ainsi causé les diverses lésions dont BA______ a souffert et souffre toujours, à savoir des brûlures et des phlyctènes au niveau du poignet droit et de la main droite et des dermabrasions au niveau du visage, lesquelles ont nécessité des interventions chirurgicales, soit notamment une escarotomie le 31 août 2018 et une greffe de peau totale le 18 septembre 2018, un arrêt cardio-respiratoire qui a provoqué une diminution de l'apport d'oxygène au cerveau de BA______ (hypoxie cérébrale), laquelle a entraîné des lésions cérébrales hypoxo-ischémiques diffuses, une hypotonie axiale ainsi qu'une hypertonie des membres supérieurs et inférieurs, étant précisé que BA______ a subi une gastrostomie car elle ne parvenait plus à s'alimenter correctement, et diverses atteintes permanentes au niveau de la parole et de sa mobilité.

Il est ainsi reproché à G______ de ne pas s'être assuré que le système électrique effectué de manière artisanale à une date indéterminée aux alentours de l'année 2010, par un employé du domaine, I______, situé dans le poulailler de la propriété sise ______[GE], dans un endroit fréquenté par des enfants et des tiers, respectait les normes en vigueur, et était sûr et sans danger; de ne pas avoir fait contrôler ledit système entre sa mise en place et le 31 août 2018; d'avoir omis de remédier aux dangers que représentait le dispositif litigieux, en le mettant par exemple hors d'usage et en le détruisant et d'avoir donné son accord pour que les enfants A______ viennent régulièrement voir et nourrir les gallinacées se trouvant dans le poulailler. Il aurait pourtant dû être particulièrement vigilant et empêcher les tiers de s'approcher du poulailler ou prendre les mesures pour ne pas qu'ils s'en approchent, dès lors qu'il savait que l'installation concernée présentait un danger pour la vie et pour l'intégrité physique des personnes.

L'acte d'accusation retient que G______ habitait de manière permanente sur la propriété depuis une trentaine d'année. Il était en charge de l'administration, de la gestion et de l'exploitation de la propriété depuis 2014 à tout le moins, de concert ou en tant représentant de feu H______ et, à ce titre, occupait une position de garant et avait un devoir de protection et de surveillance à l'égard des personnes qui s'approchaient du poulailler dont le système électrique était dangereux. S'agissant du système électrique, celui-ci avait été effectué de manière artisanale à une date indéterminée aux alentours de l'année 2010, par un employé du domaine, I______. G______ et feu sa mère, H______, avaient donné leur consentement pour la création de ce système électrique. Un courant de 230 volts circulait dans l'ensemble du fil de fer tiré depuis une prise murale à l'intérieure de l'annexe adjacente, qui ensuite montait sur le toit et continuait à l'intérieur du poulailler, sur tout son pourtour. Il est ainsi reproché à G______, alors qu'il savait que l'employé qui avait réalisé le système électrique n'avait pas les qualifications professionnelles requises pour ce faire, d'avoir fait perdurer, à faute, une situation dangereuse et d'avoir contrevenu aux art. 20 de la loi fédérale sur les installations électriques à faible et à fort courant (RS 734.0 ; LIE) et l'art. 5 al. 1 de l'ordonnance sur les installations électriques à basse tension électrique (RS 734.27 ; OIBT).

B. Il ressort de la procédure les éléments de faits suivants:

a.a. La propriété, sise ______[GE] était, en 2018, propriété de feu H______, décédée le ______ 2020.

a.b. Selon les documents à la procédure, en particulier au vu du rapport de sécurité électrique des Services industriels de Genève (SIG) du 31 août 2018 et des photographies prises par la Brigade de la police technique et scientifique (BPTS), ladite propriété comprenait, outre la maison principale, une serre, une annexe et un poulailler se trouvant au fond du jardin, adjacents au mur de la propriété voisine. Le poulailler était situé à l'extérieur, collé à l'annexe, et entouré d'un grillage surplombé par des fils barbelés. A l'intérieur de l'annexe se trouvaient un tableau électrique ainsi que des prises murales, situés en face de la porte. Il ressort des photographies datant de 2018 figurant à la procédure qu'un câble, branché à une des prises murales, rejoignait le plafond puis traversait les planches en bois du plafond de l'annexe. Ce câble ressortait sur le toit de l'annexe et rejoignait une installation composée de câbles métalliques et de barrières en bois. Un fil rouge avec du scotch jaune à certains endroits descendait le long du toit, à l'extérieur du poulailler, puis passait au-dessus du grillage, à travers les fils barbelés, pour atteindre l'intérieur du poulailler, à gauche de la porte d'entrée de celui-ci. Ce fil rouge était sectionné et laissait apparaître des fils électriques. Ces fils étaient en contact avec un fil de fer, qui suivait le pourtour du grillage, à une distance d'environ cinq centimètres du grillage et à une hauteur d'environ 40 à 50 centimètres du sol. Ledit fil de fer était électrifié à une tension de 230 volts contre terre.

a.c. A teneur du courrier de l'Office des autorisations de construire du 27 juin 2019, la serre et le poulailler n'ont fait l'objet d'aucune requête selon la loi sur les constructions et les installations diverses (LCI) et ne sont dès lors pas autorisés.

b. La famille A______ est domiciliée au ______[GE], parcelle voisine de celle susmentionnée. BA______, fille de DA______ et CA______, est née le ______ 2017.

c. Il ressort des éléments du dossier que, le 31 août 2018, alors qu'elle était accompagnée de sa nounou, J______, et de son frère aîné, EA______, BA______ s'est rendue jusqu'au poulailler de la propriété de H______ pour y nourrir les poules. La jeune enfant a posé la main sur la clôture de l'enclos et est restée tétanisée un moment, avant que J______ ne lui retire la main de la clôture. Celle-ci a alors pris la petite fille dans les bras et l'a emmenée auprès de ses parents, restés à leur domicile. BA______ a ensuite fait un arrêt cardiaque dans les bras de sa mère et son père lui a prodigué un massage cardiaque, jusqu'à l'arrivée des secours.

d.a. BA______, représentée par ses parents DA______ et CA______, s'est constituée partie plaignante, par courrier de leur conseil du 7 novembre 2018.

d.b. A teneur du constat de lésions traumatiques (CLT) du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) du 7 novembre 2018, l'alerte a été donnée le 31 juillet 2018, vers 17h35 et la REGA est arrivée sur les lieux à 17h42. BA______ présentait une note de 3/15 au Glasgow Coma Scale (échelle mesurant l'état de conscience, allant de 3/15 à 15/15) et un massage cardiaque externe a été poursuivi par les secours à leur arrivée. Elle a présenté une fibrillation ventriculaire et, après une première défibrillation, un rythme sinusal a été retrouvé. BA______ a été intubée sur place avant d'être transportée aux HUG et transférée aux soins intensifs pédiatriques. BA______ a souffert d'un arrêt cardio-respiratoire sur électrisation et d'une brûlure cutanée au troisième degré à la main droite. Au cours de l'examen clinique effectué le 31 août 2018, à 21h30, des brûlures et phlyctènes au niveau du poignet droit et de la main droite ont été constatés, ceux-ci étant compatibles avec la préhension d'un fil électrique alimenté par un voltage de 220 volts.

d.c. Prise en charge dans l'unité des soins intensifs des HUG, BA______ a subi quatre interventions chirurgicales, à savoir:

-       le 31 août 2018, une escarotomie et ouverture du tunnel carpien de la main droite;

-       le 18 septembre 2018, une greffe de peau totale prise en dépens du pli inguinal gauche;

-       le 26 septembre 2018, un changement de son pansement et la mise en place d'un plâtre brachio-anté-brachial; et

-       le 25 octobre 2018, la mise en place d'une gastrotomie percutanée.

En outre, suite à l'intervention du 31 août 2018, BA______ a présenté, le 1er septembre 2018, un état fébrile en raison d'une pneumonie basale droite dans un contexte de broncho-aspiration avant intubation. Lors du retrait de la sédation et de l'extubation, le même jour, elle présentait un réveil pathologique dans le cadre d'une encéphalopathie post-anoxique modérée à sévère et, lors de son réveil, elle présentait des troubles de la déglutition. A partir du 2 septembre 2018, elle a subi plusieurs épisodes de convulsions et une IRM cérébrale réalisée le 4 septembre 2018 a montré des lésions ischémiques constituées diffuses de la substance blanche sous-corticale et des putamens bilatéralement. A partir du 10 septembre 2018, la fillette a été transférée en unité de pédiatrie générale des HUG.

d.d. Selon l'avis de sortie du 30 octobre 2018, BA______ a pu rentrer à domicile le même jour, mais présentait encore d'importants troubles neurologiques nécessitant une aide permanente et un suivi particulier. Il ressort notamment de ce document que le suivi à la sortie était composé de physiothérapie (une à deux fois par semaine), d'ergothérapie (une fois par semaine), d'un suivi logopédiste en cabinet, d'un soutien de l'IMAD quotidien, d'un suivi par les gastro-entérologues et en consultation de neuro-orthopédie un mois plus tard.

d.e. Il ressort en outre des pièces produites qu'après son accident, une prise en charge thérapeutique relativement intense a été mise en place entre le domicile de BA______ et la Fondation ______, offrant un accompagnement notamment pour les enfants polyhandicapés. Depuis septembre 2023, elle était scolarisée à l'Ecole pédagogique spécialisée (ECPS) de K______. Elle souffre d'une hypotonie axiale importante, d'une hyperlaxie, d'une hyperkinésie motrice, de troubles du contrôle postural entrainant un manque de stabilité et d'équilibre dans les positions assises et debout. Elle conserve des difficultés à s'alimenter en raison d'une déglutition atypique. Elle présente également un trouble du développement du langage, qui se caractérise par un versant productif pauvre, tant sur le plan langagier que gestuel et un versant réceptif avec des compétences dans la norme de son âge, pour certains domaines. Elle conserve des cicatrices au niveau du poignet droit et des doigts de la main droite et souffre d'un raccourcissement des segments du membre supérieur droit. BA______ présente également des problèmes de coordination des membres supérieurs et des difficultés de discrimination tactile. BA______ a bénéficié d'une rente pour impotent de degré moyen dès le 1er août 2019, puis d'une rente pour impotent de degré grave à partir du 1er janvier 2023. Elle nécessite une aide permanente ou une surveillance personnelle pour accomplir les actes élémentaires de la vie, à savoir se vêtir, se dévêtir, se lever, s'asseoir, se coucher, manger, faire sa toilette, aller aux toilettes, se déplacer et entretenir des contacts avec autrui.

e. Entendue par la police le 31 août 2018, J______ a indiqué qu'elle avait commencé à travailler pour la famille A______ environ deux semaines avant l'accident. Le jour des faits, aux alentours de 17h30, CA______ lui avait dit d'aller jouer dehors avec les enfants et d'aller voir les poules avec eux. Elle les avait donc emmenés au poulailler, étant précisé que depuis la prise de son emploi, ils s'y rendaient presque tous les jours. DA______ lui avait montré la propriété voisine et lui avait assuré qu'elle pouvait se rendre au poulailler. Elle ne connaissait pas personnellement les voisins et n'avait jamais rencontré ni les propriétaires ni le jardinier. Elle a ajouté qu'à chaque fois que d'autres enfants venaient chez les A______, les parents de BA______ proposaient d'aller voir les poules, précisant que personne ne se doutait que cela pouvait être dangereux. J______ a encore expliqué que, le jour en question, contrairement à son habitude, elle avait pris du pain pour nourrir les gallinacés, sur proposition du père des enfants. Selon elle, personne n'était au courant de la présence du fil électrique. Lorsqu'ils s'étaient arrêtés devant le poulailler, ils avaient essayé de donner à manger aux poules depuis la petite porte en bas du poulailler, toutefois le pain était trop gros et ne passait pas par le grillage. Ils s'étaient alors avancés et avaient réussi à trouver un endroit dans la clôture où le pain passait. Alors qu'ils se trouvaient côte à côte face au grillage et que les enfants nourrissaient les poules, elle avait parlé à BA______ qui n'avait pas répondu. Elle avait alors remarqué que la petite fille avait la main accrochée au grillage et l'avait prise dans les bras, s'apercevant que celle-ci avait le visage tout rouge et qu'elle présentait une brûlure au niveau du poignet. Selon elle, tout cela s'était passé très vite et elle ne pouvait pas estimer le temps durant lequel la jeune BA______ était restée en contact avec le fil. Elle était alors partie en courant en direction de la maison, en appelant les parents pour qu'ils viennent et appellent une ambulance. Elle était entrée dans la maison et avait donné BA______ à sa mère, qui l'avait mise en position latérale de sécurité, tandis que CA______ avait appelé le secours. Elle avait expliqué aux parents ce qui s'était passé et quelques minutes plus tard, l'hélicoptère était arrivé pour prendre en charge BA______. Elle a en outre précisé que le propriétaire du poulailler était au courant que les enfants venaient voir les poules et qu'il n'avait jamais fait mention d'un fil électrique à cet endroit.

f. Entendu par la police le jour de l'accident en qualité de personne appelée à donner des renseignements, G______ a indiqué qu'il était domicilié ______[GE] depuis 30 ans et que cette demeure appartenait à sa mère. La famille A______ était leurs voisins de longue date et leurs familles entretenaient de bonnes relations. Il a expliqué que leurs propriétés respectives étaient séparées par deux accès qui restaient ouverts en permanence. Lorsque l'accident s'était produit, il se trouvait à l'intérieur de sa maison et n'avait rien vu. La serre où s'était produit l'accident avait été construite en 1952 ou 1953. Il a ajouré qu'environ 10 ans auparavant, vu qu'un renard venait régulièrement tuer les poules dans le poulailler, le jardinier, L______, employé de la famille depuis environ 15 ans, avait, de sa propre initiative, installé un pourtour électrique à l'intérieur dudit poulailler. Lorsqu'il l'avait appris, il n'avait pas désapprouvé cette installation, précisant que celle-ci n'était pas en contact avec la grille extérieure du poulailler. Cette installation était restée ainsi depuis cette époque, soit une dizaine d'années, sans qu'à sa connaissance, aucun accident ne survienne. Il "préconisait" que cette installation ne respectait pas les normes en vigueur et reconnaissait qu'il aurait dû faire les démarches nécessaires pour savoir si "c'était autorisé ou pas", ce qu'il n'avait pas fait. Il a toutefois assuré qu'il n'était pas au courant que les enfants A______ venaient voir les poules sur sa propriété.

g.a. Entendu par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements le 2 octobre 2018, L______ a indiqué qu'il travaillait pour le compte de la famille H______ depuis 1999. Il était un peu l'homme à tout faire, étant jardinier et s'occupant également de l'entretien de la maison. Il avait été engagé pour remplacer I______, qui s'apprêtait à quitter son emploi. Après sa retraite, ce dernier avait continué à venir de temps en temps pour le former et lui donner un coup de main. Il a expliqué qu'environ dix ans auparavant, un renard s'était introduit dans le poulailler et avait tué toutes les poules et qu'une entreprise avait été mandatée pour installer un nouveau grillage. I______ avait alors eu l'idée d'électrifier cette installation pour empêcher le renard de pénétrer à nouveau dans le poulailler. I______ en avait discuté avec H______ qui avait accepté. Pour sa part, il avait aidé I______ lors de l'installation de la clôture électrique, précisant qu'ils avaient utilisé du matériel de récupération se trouvant déjà sur la propriété. L______ a assuré qu'il ignorait que l'installation électrique n'était pas aux normes et s'il était habilité à faire ce type d'installation. Il ne savait pas non plus qu'une telle installation pouvait engendrer de graves blessures et ne se doutait pas qu'un accident tel que celui survenu pouvait se produire. Il avait uniquement suivi les instructions de I______. Il a ajouté qu'environ deux mois auparavant, CA______, accompagné de son épouse et de ses enfants, l'avait informé qu'ils allaient venir donner à manger aux poules, après en avoir discuté avec H______, qui leur avait donné son autorisation. L______ a indiqué avoir dit à CA______, lorsqu'il avait vu celui-ci ouvrir la porte du poulailler, de faire attention car il y avait du courant électrique. CA______ avait alors indiqué à ses enfants, surtout à son fils, de faire attention aux câbles. Il ne savait pas si les parents de BA______ savaient que le courant était aussi fort et ignorait si la nounou était au courant que l'enclos était électrifié.

g.b. Selon le contrat de travail conclu entre H______ et L______, ce dernier a commencé à travailler pour elle en qualité de jardinier, le 1er janvier 1999, étant précisé que son activité principale s'étendait de l'entretien du jardin aux tâches y relatives, en particulier l'entretien des poules.

h. A teneur du rapport de renseignement de la police du 12 octobre 2018, I______ est décédé le ______ 2008.

i. Une audience de confrontation des parties s'est tenue devant le Ministère public, le 8 juillet 2019.

i.a. Entendu en qualité de prévenu, G______ a confirmé ses précédentes déclarations. Il a ensuite expliqué qu'il n'était au courant de rien et qu'il ignorait tout de l'installation dans le poulailler, ajoutant qu'il y était même entré sans se douter que du courant électrique passait à l'intérieur. Il n'avait jamais pensé que la prise était reliée à un fil qui partait à l'extérieur du poulailler ni entendu parler d'un problème en lien avec le poulailler avant l'accident. Confronté à ses déclarations à la police, il a affirmé qu'il pensait que l'installation électrique se trouvait sur le toit de la serre afin d'empêcher la venue du renard, en ne lui donnant qu'une décharge "comme pour les vaches". Il ne voyait pas l'utilité de mettre un panneau indiquant qu'il y avait de l'électricité car, selon lui, il y avait de l'électricité uniquement sur le toit de l'annexe, précisant qu'il était au courant que le jardinier avait éventuellement fait une telle installation à cet endroit. G______ a expliqué qu'il s'était trop avancé en déclarant qu'il pensait que c'était sur un bas courant, ajoutant qu'il avait fait des déductions alors qu'il n'en savait strictement rien et qu'il n'avait jamais imaginé qu'il puisse y avoir un courant aussi fort. Il avait discuté du renard avec L______ qui lui avait dit avoir fait le nécessaire pour qu'il n'y ait plus d'intrusion mais il ne se souvenait pas si celui-ci avait fait une allusion à une électrification, assurant qu'il n'avait lui-même pas vérifié l'installation mise en place. Il a souligné que, bien que les renards couraient au sol, l'animal concerné passait par le toit de l'annexe. Le jour de l'accident, il s'était entretenu à deux reprises au téléphone avec L______, la première fois, pour lui demander le voltage du fil et, la seconde fois, pour savoir où le fil était branché. Il ignorait que I______ et L______ avaient travaillé ensemble et, à sa connaissance, sa mère ne contrôlait pas le travail effectué par le dernier nommé. G______ a finalement assuré qu'il ignorait qui avait installé le fil électrique et qui avait décidé d'adopter cette solution. Il ignorait d'ailleurs si L______ avait les compétences professionnelles requises pour établir une installation électrique. Il s'était peut-être avancé, lorsqu'il avait dit à la police que c'était L______ qui avait mis celle-ci en place, précisant qu'il n'avait appris qu'il s'agissait en réalité de I______ que lors de cette audience. Interrogé au sujet de sa présence lors du contrôle des installations électriques du 19 avril 2011, G______ a répondu que cela ne lui disait rien, ajoutant que les courriers administratifs concernant la propriété étaient au nom de sa mère mais qu'il les lisait depuis 2014, année depuis laquelle celle-ci n'avait, selon lui, plus la capacité de discernement. Jusqu'en 2013, sa mère gérait le domaine et était assistée par M______ qui avait été son chauffeur pendant 40 ans. Il a indiqué qu'avant 2014, il discutait avec sa mère de la gestion de la propriété et qu'il donnait des instructions depuis environ quatre ou cinq ans à L______, avant d'assurer qu'il ne lui donnait pas forcément d'instructions mais que si celui-ci avait besoin d'exécuter des travaux, ils en discutaient. Quant à I______, il n'avait jamais eu de contact professionnel avec celu-ci. Confronté à ses précédentes déclarations à teneur desquelles il avait affirmé que l'installation électrique n'était pas au contact de la grille extérieure du poulailler, il a indiqué qu'il avait pris connaissance de cette installation le jour de l'accident, après avoir appelé L______ à deux reprises. Il n'avait vu la prise que lorsqu'il avait appelé ce dernier le jour en question, afin de savoir où le fil était branché. S'il avait été mis au courant, il aurait fait les démarches nécessaires. Il n'avait pas prêté attention à cette prise de courant contre le mur avant l'accident, bien qu'il soit rentré à plusieurs reprises dans le poulailler, et n'avait jamais vu qu'un fil faisait le tour du poulailler. Avant l'accident, il était entré à plusieurs reprises dans le poulailler sans se soucier du fil et avait également accompagné des enfants pour donner à manger aux poules depuis l'extérieur. S'agissant de l'installation sur le toit, il ne l'avait jamais vérifiée, précisant qu'il avait encore un emploi et ne s'était pas particulièrement penché sur la question. Il a ajouté qu'il suivait le blog des parents de la jeune BA______ et qu'il voyait qu'elle évoluait dans le bon sens. Il avait été très affecté par l'accident, même s'il ne se sentait pas responsable ni coupable. Il se sentait mal à l'aise, vu la tournure qu'avait pris l'accident.

i.b. Entendu en qualité de prévenu, L______ a confirmé ses précédentes déclarations, notamment que c'était I______ qui l'avait formé et qui avait eu l'idée d'installer le système électrique. Après sa retraite, I______ avait continué à venir l'aider, lorsqu'il y avait plus de travail. Il ignorait quand l'intéressé était décédé. Lorsque H______ était apte à le faire, cette dernière lui donnait elle-même des instructions. Toutefois, depuis environ 10 ans, G______ lui donnait des instructions, même s'il ne travaillait pas pour lui. Il a confirmé que l'installation électrique avait été aménagée plus de dix ans avant l'accident, sur décision de I______ et H______. Le fil électrique était branché à une prise standard à l'intérieur de la serre du poulailler, laquelle pouvait être débranchée. Il ne l'avait toutefois jamais fait et il n'avait jamais vu quelqu'un la débrancher non plus. Le fil en question se trouvait à environ 40 ou 50 centimètres du sol et longeait l'intérieur du grillage, restant à environ dix centimètres de celui-ci. Il a ajouté qu'il n'avait aucune qualification pour mettre en place ce type d'installation et n'y connaissait rien. L'installation électrique était à 230 volts et il ignorait que ce voltage était dangereux et pourquoi l'ancien jardinier avait choisi un tel courant. Il ne savait pas qu'une autorisation était nécessaire pour procéder à une telle installation, ne réalisant que le jour de l'accident que l'installation était dangereuse. Il n'avait jamais trouvé d'animaux morts à l'extérieur du grillage et n'avait jamais modifié quoi que ce soit par rapport à l'installation électrique depuis 2011. Il a expliqué qu'il était en charge des poules et du poulailler et qu'il leur donnait à manger et nettoyait la partie intérieure du poulailler. Il ne se souvenait pas qu'il y avait eu un contrôle de conformité en avril 2011 mais il était certain que l'installation litigieuse était déjà présente à cette date. Lorsqu'il avait averti le père de la jeune BA______ de l'existence du courant, il lui avait expliqué que le courant se trouvait dans le poulailler, soit à l'intérieur.

i.c. CA______ a expliqué qu'en rassemblant des preuves, il s'était rendu compte que sa fille BA______ n'avait pas glissé la main à travers le grillage mais plutôt qu'elle s'était appuyée sur le grillage, qui était entré en contact avec le fil électrique. S'agissant de la porte reliant leurs deux propriétés, celle-ci était obligatoirement ouverte pour laisser passer la police du lac et, comme sa famille avait d'excellentes relations avec leurs voisins, ils empruntaient également cet accès. Il se souvenait qu'L______ avait averti son épouse et lui-même de faire attention dans le poulailler car il y avait du courant électrique mais il n'avait pas vu de problème, vu qu'ils restaient à l'extérieur. Ils avaient rendu visite à H______ pour lui annoncer qu'ils comptaient visiter régulièrement les poules et cette dernière leur avait donné son accord, s'en réjouissant même. La visite suivante, il avait cherché à s'entretenir avec le jardinier et c'est à ce moment-là qu'L______ lui avait dit de faire attention au fil mais pour lui, le fil était à l'intérieur du poulailler. Il a confirmé avoir annoncé à sa nounou qu'elle pouvait se rendre chez les voisins pour voir les poules, tout en lui demandant de rester en dehors du poulailler, parce que les poules étaient dangereuses pour les enfants, au vu de leur taille, et à cause du fil. Il a ajouté que, depuis l'accident, sa fille BA______ nécessitait une aide permanente, y compris la nuit.

i.d. DA______ a déclaré que la photographie du poignet de sa fille démontrait que cette dernière avait la main agrippée sur le grillage au moment des faits. Le courant était entré par les doigts et heureusement ressorti par le poignet. La visite auprès de H______ avait certainement eu lieu en novembre ou en décembre 2017. Elle n'était pas présente lorsque L______ avait averti son époux de la présence d'un courant électrique dans le poulailler. Avant l'accident, son mari et elle s'étaient rendus au poulailler à environ 150 reprises et, vu qu'elle n'était pas elle-même au courant de la présence d'électricité, elle n'avait pas pu informer sa nounou.

j.a. A teneur du rapport de renseignement de la police du 12 octobre 2018, N______, inspecteur contrôleur auprès des SIG, s'est rendu sur les lieux de l'accident le jour des faits, et, après examen de l'installation électrique, a oralement expliqué que cette dernière n'était pas conforme aux normes de sécurité. La police a également constaté des fils dénudés reliés au tableau électrique et conduisant un courant continu de 230 volts.

j.b. Il ressort du rapport sécurité électrique du 31 août 2018 rédigé par N______ que le fil de fer sous tension était disposé à deux endroits, soit au-dessus de l'annexe et à l'intérieur du poulailler. Cette installation était alimentée depuis une canalisation mobile branchée sur une prise, à l'intérieur de l'annexe à une tension de 230 volts contre terre et passait sur le toit. Plusieurs points de cette installation ne répondaient pas aux règles techniques reconnues, notamment l'art. 3 OIBT, et présentaient un danger pour les personnes, les choses et les animaux.

j.c. A teneur des pièces figurant à la procédure, un contrôle électrique au sens de l'OIBT a été effectué sur la propriété sise ______[GE], le 19 avril 2011, par O______, contrôleur en installation électrique et employé de P______ SA. A la suite dudit contrôle, certains travaux à effectuer ont été requis par la société précitée, de sorte que, le 1er juillet 2011, G______ a envoyé un fax à la société Q______ SA comprenant la liste des travaux requis par ladite société. Une fois les travaux effectués par Q______ SA, cette dernière a, le 20 septembre 2011, établi un avis de suppression des défauts. P______ SA a, par la suite, délivré quatre rapports de sécurité des installations électriques, attestant que les installations contrôlées sur la propriété étaient conformes à l'OIBT et aux règles techniques reconnues. Selon un courrier des SIG, ces rapports de sécurité concernaient également la serre et l'annexe.

k. Le 27 août 2020, N______ et O______ ont été entendus devant le Ministère public en présence des parties.

k.a. N______ a expliqué qu'il n'avait jamais vu une telle installation. Il avait remarqué la présence d'un fil tendu à l'intérieur du poulailler et une espèce de barrière comme pour les vaches, laquelle se trouvait entre le toit de la serre et l'annexe en béton. Le câble électrique qui alimentait l'installation passait par le toit. Ces fils étaient sous tension et alimentés depuis l'intérieur de la serre, à un voltage de 230 volts. Il s'agissait d'une installation bricolée. Ce poulailler ne respectait pas les normes en vigueur, notamment l'art. 3 OIBT, qui proscrivait toute installation pouvant mettre en danger les personnes ou les animaux. Selon lui, cette installation était dangereuse et n'avait pas lieu d'être là. Il était complètement interdit d'installer ce type d'aménagement pour garder à distance un renard. Même une installation du style d'un parc à vache – dont le voltage était adapté aux personnes et aux animaux – n'aurait pas pu être installée à cet endroit. D'une manière générale, des enveloppes et des barrières devaient être placées pour protéger les personnes contre les contacts directs avec les parties sous tension d'une l'installation, ce qui n'était pas le cas du fil du poulailler. Il n'y avait aucune protection ni du côté intérieur ni du côté extérieur de l'installation. Même si le grillage n'était pas électrifié grâce à des pièces isolantes, une main d'enfant ou les doigts d'un adulte pouvaient passer et toucher la partie sous tension, à savoir un fil se trouvant à quatre ou cinq centimètres du grillage. Les conséquences d'une électrisation dépendaient de plusieurs facteurs, notamment de la quantité de courant qui passait dans le corps, la météo, l'humidité ou encore le type de chaussures porté. S'agissant d'un parc à vaches, le voltage pouvait aller jusqu'à 1'000 volts, toutefois le courant passait avec plusieurs petites impulsions de tensions avec un courant limité, c'est-à-dire que l'ampérage était limité afin de ne mettre en danger ni les personnes ni les animaux. Un contrôle périodique consistait en l'examen des installations électriques afin qu'elles ne mettent pas en danger les personnes, les choses ou les animaux. Il fallait toujours que cela soit en rapport avec les normes de construction du bâtiment. Le contrôleur se devait de contrôler l'installation à l'aval du compteur, étant précisé que chaque propriétaire était censé présenter un rapport par compteur tous les 20 ans. En cas de non-conformité d'une installation électrique, un rapport était établi et les SIG donnaient un délai au propriétaire pour remettre l'installation aux normes – en l'occurrence, la destruction et la suppression de l'installation. Si, après deux délais, l'installation n'était pas remise aux normes, le dossier était transféré à l'Inspection fédérale des installations courant fort (ESTI). Lors d'un contrôle périodique, il n'était pas nécessaire de contrôler chaque élément électrique mais de vérifier si, dans son ensemble, les installations électriques répondaient aux normes, à savoir ne pas mettre en danger les personnes ou les animaux. Il fallait en théorie contrôler les prises visibles. Le contrôleur devait seulement s'assurer de la conformité des installations fixes. En cas d'installation mobile – soit tout ce qui était branché par prise ou par fiche, par exemple un sèche-cheveu ou un lave-linge – ne respectant les exigences légales, le contrôleur le signalait oralement ou par écrit au propriétaire. Normalement, une trace écrite devait être conservée. En l'occurrence, la propriété de H______ dénombrait plusieurs compteurs. Le numéro de compteur sur le rapport de 2011 correspondait au numéro de compteur transcrit dans son rapport daté de 2018. Le rapport effectué par P______ SA attestait que l'installation électrique était aux nomes. Le tableau électrique se trouvait au même endroit que le compteur et le contrôleur devait donc se rendre dans les annexes. N______ a indiqué qu'il considérait l'installation litigieuse comme étant mobile, dès lors que la prise était branchée sur une installation fixe. Il ne pouvait pas déterminer si l'installation mobile litigieuse était présente lors du contrôle de 2011 mais, vu l'état du câble de l'installation, qui était fissuré et semblait avoir pris la pluie et les UV, il estimait que l'installation électrique devait avoir été mise en place au minimum quatre, cinq ou six ans avant son inspection de 2018. Il ne lui était pas possible de savoir si cette installation restait branchée en permanence. Selon lui, si l'installation mobile existait en 2011, une note aurait dû être inscrite au rapport. Il a ajouté que, dans tous les cas, les propriétaires étaient toujours responsables de leurs installations électriques.

k.b. Lors de la même audience, O______ a confirmé qu'il avait établi le rapport de sécurité du 19 avril 2011. Comme il contrôlait environ 1'500 installations électriques par année, il ne se souvenait pas de ce contrôle particulier. D'une manière générale, lors d'un contrôle périodique, le contrôleur était en charge de vérifier le tableau électrique, le disjoncteur et le fusible le plus faible. Dès lors que la propriété ______[GE] recensait quatre compteurs électriques, il avait dû faire tout autant de contrôle en 2011. Chaque compteur avait son propre rapport de sécurité et le contrôle portait uniquement sur les installations fixes. Dans le cas d'installations mobiles, il vérifiait si la terre était bien raccordée à la carcasse métallique. En général, lorsqu'il constatait des défauts sur des installations électrique mobiles, il les marquait sur le rapport de contrôle. Il a ensuite déclaré que s'il voyait un problème avec une installation électrique, il le mentionnait oralement au propriétaire et ne le notait pas forcément au rapport. Si l'installation était branchée sur une fiche – comme c'était le cas pour le fil électrique du poulailler – il aurait uniquement débranché la prise sans s'occuper de ce qui alimentait celle-ci. Sur présentation d'une photographie de l'installation électrique dans son état en 2018, il a estimé que celle-ci semblait plutôt dangereuse, précisant qu'il n'avait pas le souvenir d'avoir vu un tel montage. En relisant son propre rapport, il a indiqué qu'il avait dû ne rien constater de particulier le jour du contrôle. Un voltage de 230 volts pour ce type d'installation était dangereux. En regardant les photographies de l'installation, il a constaté que l'installation concernée était reliée à une prise et que les connexions n'étaient pas forcément visibles. Il a expliqué qu'il ne contrôlait pas tout ce qui se débranchait et se limitait aux prises fixes. En revanche, s'il voyait un danger, il le signifiait oralement au propriétaire en lui disant qu'il fallait le débrancher. Il ne faisait pas de note s'agissant des installations mobiles. Il faisait le tour des prises mais ne vérifiait pas ce qu'il y avait après chaque rallonge, étant précisé qu'un câble qui passait par le toit ou qui passait à travers une paroi pouvait être conforme s'il y avait un trou pour que la fiche traverse. Il a enfin indiqué qu'il se pouvait que, lors de son contrôle, la fiche n'était pas branchée et qu'il ne l'avait donc pas vérifiée.

l.a. Par ordonnance du 9 décembre 2020, le Ministère public a classé la procédure s'agissant de G______, indiquant que ce dernier n'était pas propriétaire de la parcelle et n'avait aucune position de garant ni aucun devoir de protection envers BA______. Cette ordonnance a fait l'objet d'un recours interjeté par G______, ainsi que par la famille A______.

l.b. Dans son recours à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice, G______, par la voix de son Conseil, a notamment allégué que, comme les renards passaient par le toit de l'annexe, une installation électrique passant le long du muret du poulailler aurait été absolument inutile et que, dès lors, il ne pouvait imaginer qu'une telle installation avait été mise en place. G______ avait pris connaissance de l'installation litigieuse le jour de l'accident et avait pu répondre aux questions de la police, s'étant entretenu avant l'audience à deux reprises avec L______ au téléphone.

l.c. Par arrêt du 24 juin 2021, la Chambre pénale de recours a annulé le classement s'agissant des faits reprochés G______, au motif qu'il ne pouvait être exclu, à ce stade la procédure, que l'installation électrique du poulailler soit soumis à l'OIBT ni, partant, que l'intéressé ait pu contrevenir aux art. 20 LIE et 5 al. 1 OIBT.

m. Selon l'expertise électrique du 8 septembre 2022 rédigée par R______, inspecteur auprès de l'Inspection fédérale des installations à courant fort (ESTI), le dispositif électrique installé dans le poulailler constituait une installation électrique à basse tension au sens de l'OIBT. L'installation était une installation électrique au sens de l'art. 2 OIBT, fixe, représentant un danger pour les personnes et les choses (art. 14 LIE). Le fil de fer utilisé ne répondait pas à la définition figurant à l'art. 1 OIBT et était seulement un fil de fer quelconque. Le dispositif faisait partie des installations électriques soumises à un contrôle périodique tous les 20 ans. L'obligation du propriétaire ou de son représentant de veiller à ce que l'installation électrique réponde en tout temps aux exigences des art. 3 et 4 OIBT, ce qui impliquait notamment l'obligation de faire réparer les défauts sans retard (art. 5 al. 3 OIBT). La surveillance des installations électriques incombait à l'exploitant, soit au propriétaire ou au locataire, conformément à l'art. 20 al. 1 OIBT.

n.a. Entendu devant le Ministère public le 24 janvier 2023, R______ a confirmé les termes de son rapport d'expertise du 8 septembre 2022. Il a expliqué que le matériel électrique regroupait tous les éléments utilisés dans une installation. Une installation électrique de type mobile comprenait tous les éléments qu'on pouvait déplacer, par exemple une rallonge. S'agissant du fil dans le poulailler, il considérait cette installation comme fixe, toutefois raccordé à un petit bout d'installation mobile. Lors de sa mise en service, l'exploitant aurait dû demander un contrôle sur cette installation. Une telle installation devait être effectuée par des professionnels, être annoncée au service électrique et être contrôlée dès sa mise en service. Seul du matériel approuvé devait être utilisé, ce qui n'était pas le cas. S'agissant du contrôle périodique, le contrôleur avait l'obligation de mettre en évidence tous les éléments ne respectant pas les exigences légales. Si le contrôleur voyait une installation reliée à une fiche, il devait la contrôler et déterminer où aboutissait la canalisation raccordée à la fiche. D'une manière générale, le contrôleur n'était pas obligé de suivre chaque fil raccordé à une fiche, par exemple, s'il s'agissait d'une simple fiche.

n.b. Lors de la même audience, G______ a confirmé qu'il s'était occupé des affaires courantes en lien avec la propriété à partir de 2014, année durant laquelle il s'était rapproché professionnellement d'L______ pour savoir ce qu'il fallait faire. Il a ajouté que ses déclarations à la police était une "énorme imbécilité" et affirmé qu'il avait agi de la sorte pour aider L______. Il a à nouveau indiqué qu'il n'était pas au courant de l'installation hormis le fait que le précité avait fait le nécessaire pour le renard, étant précisé que l'on voyait, en regardant en direction des serres et de l'annexe du poulailler, une construction faite pour éviter que les renards viennent. S'il l'avait électrifiée, il pensait que cela avait été à bas courant. L______ ne lui en avait pas parlé et il ne lui avait pas posé de question. Il pensait que l'installation sur le toit de l'annexe était suffisante et n'avait pas imaginé qu'il y avait une autre installation. G______ a déclaré que sa fille venait voir les poules et leur donner à manger avec des amis qui avaient des enfants, en faisant attention car celles-ci étaient agressives. Il a assuré que s'il avait su qu'il y avait un fil dénudé qui courrait sur le mur de l'enceinte, il n'aurait pas laissé ces familles aller nourrir les poules et aurait demandé des explications à L______ sur la raison de la pose d'un tel fil.

C. L'audience de jugement s'est tenue le 20 août 2024.

a. Lors de cette audience, G______ a déclaré qu'il n'avait jamais donné d'instructions s'agissant de l'installation électrique. Confronté aux déclarations de J______ selon lesquelles elle allait presque tous les jours avec les époux A______ sur sa propriété pour voir les poules, il a déclaré qu'il ne les avait jamais vus et qu'il ignorait que ceux-ci se rendaient sur sa propriété pour aller voir les poules. S'agissant de sa mère, feu H______, celle-ci était en charge du domaine en 2011. Il estimait que sa mère n'avait plus la capacité de discernement depuis 2014, ce qui avait été confirmé par le Dr S______ en 2016. Il avait repris la gestion du domaine à partir de 2014. Avant 2014, M______, qui avait été chauffeur puis majordome pour sa mère, se chargeait d'ouvrir le courrier et de régler les factures. C'était ce dernier qui avait principalement des contacts avec le jardinier. Lors du départ de M______, il avait repris la gestion du domaine, notamment d'ouvrir le courrier de sa mère et de payer les salaires du personnel. S'agissant du poulailler, il a ajouté qu'il avait vu, plusieurs mois avant les faits, qu'il y avait ce barrage pour empêcher les renards d'accéder au poulailler et, dans un premier temps, il n'avait pas pensé que celui-ci était électrifié. Il avait découvert l'électrification de l'installation seulement le jour de l'accident. Il savait que, dès 2008, ses enfants s'étaient rendus au poulailler avec certains de leurs amis qui avaient des jeunes enfants. Il n'avait jamais discuté du dispositif mis en place pour empêcher les prédateurs de tuer les poules, ni avec sa mère ni avec L______. Confronté aux photographies de l'installation électrique, sur lesquelles on voit un fil électrique rouge descendre du toit de l'annexe et être relié au fil de fer qui faisait le tour du grillage, celui-ci étant à certains endroits entourés de scotch jaune, il a confirmé qu'il n'avait jamais remarqué ce fil. Il ne s'était jamais posé plus de questions sur ce fil ni sur son caractère visiblement amateur. Sur présentation de photographies sur lesquelles on observe que le courant du dispositif venait d'une fiche raccordée à une prise murale dans l'annexe, il a persisté à dire qu'il ne l'avait jamais remarqué. Lorsqu'il avait dit qu'il pensait que les fils étaient électrifiés, il pensait qu'il s'agissait d'un bas courant pour empêcher le renard de pénétrer dans le poulailler. Il n'avait jamais imaginé que ces fils puissent être dangereux, d'autant plus que, selon lui, ces fils se trouvaient sur le toit. Interrogé sur ses déclarations faites à la police, à teneur desquelles il avait déclaré que s'il avait effectivement été mis au courant, il aurait fait les démarches nécessaires, il a précisé que s'il avait su, il aurait demandé des explications à L______ puis aurait fait intervenir un électricien. Devant la police, juste après le drame, il était bouleversé et perturbé par le tragique accident. Il a confirmé avoir fait des déclarations à la police dans le but de protéger le jardinier, expliquant qu'il n'avait pas habitude de faire face à la justice et qu'il craignait que l'intéressé ne soit condamné à une peine élevée. Il a expliqué que l'annexe n'était pas fermée à clé et que c'était principalement L______ qui y avait accès. Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il y avait pénétré. S'agissant du contrôle effectué par P______ SA en 2011, il a confirmé qu'il n'était pas présent le jour où celui-ci avait eu lieu. Le rapport lui avait été remis par M______ qui lui avait demandé de contacter l'électricien par fax pour que ce dernier effectue les réparations demandées. Il avait donc pris contact avec l'entreprise Q______ SA par téléphone et leur avait demandé ce qu'il devait faire. L'entreprise lui avait demandé de leur faire parvenir ce rapport par fax et dit qu'ils feraient le nécessaire. Par la suite, Q______ SA était venue pour faire les vérifications et les réparations. Suite au contrôle de P______ SA et aux réparations de Q______ SA, les installations électriques de la propriété respectaient donc, selon lui, les normes en vigueur. Confronté à ses précédentes déclarations à teneur desquelles il avait indiqué qu'il n'était pas présent lors de ce contrôle et que celui-ci ne lui disait rien, il a répondu que le jour en question, il n'avait pas été au courant qu'un contrôle avait eu lieu, ne l'ayant appris que lorsque M______ lui avait remis le rapport. Lors de ses déclarations à la police, il ne se souvenait plus du contrôle effectué en 2011 car cette audition avait eu lieu à la fin d'une journée épouvantable.

b. CA______ a déclaré que sa fille BA______ avait passé 57 nuits d'hôpital, d'abord en réanimation pendant 36 heures, puis dix jours en soins intensifs et 40 jours en observation. Le jour du drame, la décharge électrique avait occasionné un arrêt cardio-respiratoire et avait anéanti ses capacités cérébrales. Lorsque BA______ s'était réveillée, elle ne savait plus rien faire. Son épouse et lui-même s'étaient dévoués corps et âme, jour et nuit, à la survie de leur petite fille. Leur contexte familial avait été bouleversé, non seulement pour eux-mêmes, mais également pour les deux frères de BA______. S'agissant du protocole alimentaire, celle-ci ne sachant au début plus mâcher, les médecins avaient été contraints de lui poser une sonde nasogastrique pendant deux mois et demi. Cette sonde avait imposé une vigilance constante de la part de tous les membres de leur famille, à tour de rôle car, lorsque leur fille toussait ou éternuait, la sonde s'arrachait. Les médecins avaient ensuite dû pratiquer une gastrostomie, soit lui faire un trou dans l'estomac pour pouvoir la nourrir par un tuyau, de sorte qu'il y a eu une pompe et un tuyau reliés à son ventre durant un an et demi. Il a expliqué que, quand BA______ bougeait, cela pouvait désamorcer ou arracher le tuyau, ce qui nécessitait une intervention. Malgré les gardes instaurées par des professionnels, ni son épouse ni lui-même n'avaient dormis durant cette période, étant inquiets en permanence. En sus, cette gastrostomie nécessitait une désinfection par nitrate d'argent et, lors de cette opération, BA______ hurlait de douleur. Cette dernière avait par la suite appris à mâcher mais ne pouvait pas avaler de liquide de manière sûre. Elle était aujourd'hui lourdement handicapée. Depuis l'accident, elle ne marchait pas, ne parlait pas et avait du mal à prendre les choses dans ses mains. Elle n'était pas propre et devait être assistée pour tous les actes de la vie quotidienne, ne sachant notamment ni manger ni boire seule. Sa fille n'avait pas d'équilibre et était totalement dépendante. Elle savait bouger mais son niveau d'infirmité était tel qu'elle devait être accompagnée 24h/24 pour tous les actes de la vie quotidienne. Ses progrès étaient très lents et elle était prise en charge par des professionnels du monde handicap, tant pour ses infirmités cérébrales que physiques. En outre, elle avait une chaise roulante mais ne savait pas comment la faire fonctionner. BA______ n'avait pas de discernement ni la capacité de s'exprimer, hormis par de brèves onomatopées et quelques signes du langage des sourds et muets. Son entourage parvenait à communiquer avec elle par "intentionnalité du regard" et par déductions. CA______ a indiqué que BA______ était incapable de s'habiller ou de se déplacer seule. Quand elle bougeait, elle devenait un danger pour elle-même car elle basculait et pouvait se cogner. Cette dernière risquait aussi de se tordre les articulations. Elle avait la force de se mettre sur ses jambes mais pas de se maintenir debout et pouvait ainsi basculer. Durant la journée, une vigilance constante était nécessaire. Lorsqu'elle dormait, elle était enfermée dans son lit médicalisé aux parois de plexiglas. Le matin, son épouse et lui-même devaient se dépêcher de la réveiller avant qu'elle ne s'anime et puisse se faire mal. BA______ était capable de se déplacer sur un rayon de trois mètres, soit à quatre pattes, de manière très lente, soit en rampant. Elle était scolarisée à l'école ECPS de K______ et bénéficiait d'une prise en charge thérapeutique hebdomadaire à l'ECPS, au centre de réhabilitation pédiatrique T______, ainsi qu'aux HUG. Elle bénéficiait également d'un suivi éducatif à domicile ainsi que de l'équithérapie avec une psychomotricienne. Le matin, elle était prise en charge par une société qui véhiculait les enfants à mobilité réduite et, lors de son arrivée à l'école, elle était prise en charge par des thérapeutes qui se relayaient à tour de rôle. Elle suivait un enseignement cognitif et des cours de physiothérapie pour apprendre à se comporter. Toutefois, entre chaque thérapeute ou pour tout changement de lieu, un de ses parents devait être présent et rester avec elle, car elle était complètement dépendante. Son épouse et lui-même arrivaient à concilier, tant bien que mal, leurs agendas familial, médical et professionnel. En outre, sa fille bénéficiait toujours d'une allocation pour impotents mineurs. Interrogé sur sa conception de l'avenir, il a mentionné que son épouse, lui-même et leur entourage n'arrivaient pas à se résoudre à une perspective de handicap total, toutefois ils s'y préparaient.

c. DA______ a ajouté que sa famille avait dû se réorganiser pour répondre aux besoins de leur fille. Par exemple, son époux et elle avaient dû changer de véhicule, précisant qu'ils la transféraient eux-mêmes dans la voiture, ce qui était compliqué. Tout prenait énormément de temps et ils ne leur restaient que peu de temps pour faire d'autres activités. En sus, toutes les thérapies devaient être coordonnées. Son mari et elle devaient trouver les thérapeutes et faire circuler les informations, ce qui correspondait à deux jours de travail hebdomadaire, sans compter la charge mentale que cela impliquait. En tant que parent, elle avait du mal à faire le deuil de ce qui s'est passé et de leur vie d'avant. Elle a souligné qu'avec la nounou, les enfants se rendaient tous les jours au poulailler et elle estimait que ses enfants s'y étaient rendus environ à 20 ou 30 reprises sur une période de six mois. Pour sa part, elle avait dû accompagner ses enfants voir les poules deux ou trois fois et n'avait jamais croisé G______. Toutefois, elle estimait que ce dernier devait être au courant de leurs visites, dès lors que le jardinier et sa mère savaient cela et qu'il les avait certainement aperçus sur la propriété.

d.a. G______ a notamment produit un procès-verbal de constat établi par Me U______, huissier judiciaire, le 27 septembre 2022, indiquant qu'en appuyant fortement sur la base du treillis métallique du poulailler, au maximum de la résistance avec la force d'un adulte, le treillis métallique ne touchait pas le câble horizontal dans lequel passait le courant électrique. Il en ressort également que la villa était située à environ 47 mètres de l'entrée de l'annexe et du poulailler et que, depuis l'habitation de G______, située au premier étage de la maison, l'unique fenêtre donnant sur le jardin côté poulailler était une petite lucarne en demi-lune située dans la salle de bain côté nord.

d.b. Les époux A______ ont produit un certificat médical du 15 août 2024 établi par le Dr V______ duquel il ressort que les lésions cérébrales de BA______ touchent à la fois le cortex cérébral et les régions sous-corticales. Bien que les progrès de la jeune BA______ réalisés au cours des six dernières années étaient remarquables, ceux-ci ne devaient pas masquer le fait qu'elle présentait et allait garder des séquelles neurologiques significatives, entravant son autonomie, ses capacités de communication et de déplacement.

e. Avec l'accord des parties, le Tribunal a gardé la cause à juger.

D.a. G______ est né le ______ 1949 à ______[VD]. D'origine suisse, il est marié et père de deux enfants majeurs dont il n'a plus la charge. Il est retraité et perçoit des rentes AVS et LPP pour un montant mensuel total de CHF 8'287.-. Ses primes d'assurance maladies s'élèvent à CHF 776.55- par mois. Son épouse ne travaille pas. Il possède notamment un portefeuille de titres d'une valeur supérieure à CHF 30'000'000.-. Il a une dette hypothécaire à hauteur de CHF 8'180'000.- pour son logement actuel.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, G______ est sans antécédent.

EN DROIT

Culpabilité

1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (RS 0.101; CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (RS 101; Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence, mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a, JdT 2004 IV 65 et les arrêts cités).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si l'intéressé démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 124 IV 86 consid. 2a, JdT 1999 IV 136; ATF 120 Ia 31 consid. 2, JdT 1996 IV 79).

2.1.1. L'art. 125 CP punit, sur plainte, celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé; l'alinéa 2 prévoit que si la lésion est grave, l'auteur sera poursuivi d'office. Cette infraction est réalisée lorsque trois éléments sont réunis : une négligence commise par l'auteur, une lésion corporelle subie par la victime et un lien de causalité naturelle et adéquate entre la négligence et la lésion.

2.1.2. Le résultat typique de l'art. 125 CP se définit en référence aux art. 122 et 123 CP.

L'art. 122 CP prévoit qu'est puni d’une peine privative de liberté d’un à dix ans quiconque, intentionnellement, blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger (let. a); mutile le corps d’une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou rend ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, cause à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou défigure une personne d’une façon grave et permanente (let. b); fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l’intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (let. c).

2.1.3. Il faut ensuite, pour que l'art. 125 CP trouve application, que l'auteur ait violé les règles de la prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risques admissible (ATF 129 IV 119 consid. 2.2).

2.1.4. L'infraction de lésions corporelles par négligence suppose en général une action. On admet toutefois qu'une infraction de résultat puisse également être réalisée lorsque l'auteur omet, par sa faute, l'accomplissement d'un acte qu'il était juridiquement tenu d'accomplir.

2.1.5. Selon l'art. 11 CP, un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir (al. 1). Reste passif en violation d'une obligation d'agir celui qui n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale, bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique.

La loi énumère plusieurs sources pouvant fonder une position de garant, à savoir la loi (notamment la LIE et l'OIBT, cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_315/2016), un contrat, une communauté de risques librement consentie ou la création d'un risque (art. 11 al. 2 CP). N'importe quelle obligation juridique ne suffit cependant pas. Il doit s'agir d'une obligation juridique qualifiée (message du 21 septembre 1998 du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse, FF 1999, p. 1808; CR CP I-CASSANI, N 21 et 25 ad art. 11 CP). Il faut que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection) ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance) que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (ATF 136 IV 188 consid. 6.2 p. 191; 134 IV 255 consid. 4.2.1).

2.1.6. En vertu de l'art. 3 al. 1 LIE, le Conseil fédéral édicte des prescriptions en vue de prévenir les dangers et dommages causés par les installations à fort et à faible courant. Il règle l'établissement et l'entretien des installations à faible et à fort courant (art. 3 al. 2 let. a). Se fondant sur cette disposition, l'Exécutif fédéral a édicté l'OIBT. Cette ordonnance pose les conditions applicables aux interventions sur des installations électriques à basse tension (installations électriques) et le contrôle de ces installations (art. 1 al. 1 OIBT). Par installations électriques, on entend notamment les installations intérieures au sens de l’art. 14 LIE (let. a), soit les ouvrages établis à l’intérieur des maisons, des locaux adjacents ou de leurs dépendances qui utilisent des tensions électriques ne dépassant pas celles autorisées par le Conseil fédéral, et les installations alimentées par une installation intérieure, étroitement reliées à cette dernière et qui sont situées sur un terrain dont l’exploitant de l’installation source a le droit de disposer, ainsi que les lignes de raccordement entre les installations intérieures qui passent par des terrains publics ou privés (let. b).

La Norme sur les installations électriques à basse tension (NIBT) est considérée comme règle technique au sens de l'OIBT (art. 0.1 NIBT 2015). Selon cette norme, en vigueur en 2018, le matériel électrique qui est déplacé pendant son fonctionnement ou qui peut être facilement déplacé tout en restant relié au circuit électrique d'alimentation est considéré comme du matériel électrique mobile (art. 2.1.16.04 NIBT 2015). Le matériel électrique fixe est le matériel scellé à un support ou fixé d'une autre manière à un endroit précis (art. 2.1.16.06 NIBT 2015).

2.1.7. L'OIBT prévoit en particulier les exigences fondamentales concernant la sécurité (cf. art. 3 OIBT). Ainsi, les installations électriques doivent être établies, modifiées, entretenues et contrôlées selon les règles techniques reconnues. Elles ne doivent mettre en danger ni les personnes ni les choses lorsque leur exploitation et leur utilisation sont correctes et, si possible, lorsque les règles à ce sujet sont enfreintes de manière prévisible, ou encore en cas de dérangement prévisible (art. 3 al. 1 OIBT).

2.1.8. En vertu de l'art. 20 al. 2 LIE, la surveillance des installations électriques et de leur bon état d'entretien incombe à l'exploitant (propriétaire, locataire, etc.). Selon l'art. 5, al. 1 de l'OIBT, il incombe au seul propriétaire d'entretenir en permanence les installations électriques de manière à ce qu'elles répondent aux exigences légales. Il lui incombe donc également de contrôler les installations électriques et de faire réparer les éventuels défauts. Le contrôle des autorités ne constitue qu'un contrôle supplémentaire (arrêt du Tribunal fédéral A-6159/2008 du 6 mai 2009 consid. 3.4).

2.1.9. Selon l'art. 10 al. 3 OIBT, l'exécution de travaux d'installation ne doit être confiée qu'aux collaborateurs qui possèdent un certificat fédéral de capacité de monteur- électricien ou un diplôme équivalent (let. a), ou qui possède un certificat fédéral de capacité d'électricien de montage (let. b). A teneur de l'art. 8 al. 1 OIBT, est notamment du métier la personne qui : a réussi les épreuves portant sur les branches professionnelles de l'examen professionnel supérieur (examen de maîtrise) dans la profession d'installateur électricien (let. a); a achevé un apprentissage de monteur ou de dessinateur électricien et accompli des études d'électrotechnique sanctionnées par un diplôme d'une haute école spécialisée (HES) ou obtenu un diplôme équivalent dans une autre institution (école technique supérieure [ETS]), et réussi un examen pratique (let. b).

2.1.10. L'OIBT impose, par ailleurs, un contrôle périodique des installations (cf. art. 36 al. 4 OIBT et l'Annexe de l'OIBT qui fixe la périodicité des contrôles selon le type d'installations). En vertu de l'art. 36 al. 1 OIBT, six mois au moins avant l'expiration d'une période de contrôle, les exploitants de réseaux invitent par écrit les propriétaires des installations qu'ils alimentent à présenter un rapport de sécurité avant la fin de la période de contrôle. Le propriétaire doit mandater un organe de contrôle indépendant ou un organisme d'inspection accrédité afin d'effectuer le contrôle technique de l'installation et d'établir le rapport de sécurité (art. 32 al. 1 OIBT; cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2009 du 11 septembre 2009 consid. 4.3.2). Le délai pour remettre le rapport peut être prorogé d'une année, au plus, après l'expiration de la période de contrôle fixée. Si le rapport de sécurité n'est pas présenté dans le délai malgré deux rappels, l'exploitant de réseau confie l'exécution du contrôle périodique à l'Inspection fédérale (art. 36 al. 3 OIBT). Dans un arrêt de la deuxième Cour de droit public, le Tribunal fédéral à considérer que le rapport de sécurité était une certification que l'installation électrique contrôlée était conforme aux prescriptions de l'OIBT et aux règles techniques applicables. Un rapport de sécurité était le moyen pour le propriétaire de prouver que son installation répondait aux exigences légales (arrêt du Tribunal fédéral 2C_909/2021 du 8 juin 2022 consid. 5.4).

2.1.11. Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).

Deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence. En premier lieu, il faut que l'auteur ait violé les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui (ATF 136 IV 76 consid. 2.3.1). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut se demander si une personne raisonnable dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable. Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d'associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait présumer la violation du devoir général de prudence. En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262 et les références citées).

2.1.12. Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non, c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne s'était pas produit (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 167; 125 IV 195 consid. 2b p. 197).

2.1.13. Le rapport de causalité est qualifié d'adéquat lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit. La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 consid. 5.2).

2.1.14. En cas de violation du devoir de prudence par omission, la question de la causalité se présente sous un angle différent. Il faut, dans ce type de configuration, procéder par hypothèse et se demander si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s'est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l'analyse des conséquences de l'acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate. L'existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance ; autrement dit, elle n'est réalisée que lorsque l'acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat (ATF 116 IV 182 consid. 4a). La causalité adéquate est ainsi exclue lorsque l'acte attendu n'aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu'il serait simplement possible qu'il l'eût empêché (arrêt du Tribunal fédéral 6B_388/2020 du 30 septembre 2021 consid. 4.1.4).

2.2.1. En l'espèce, il est établi et non contesté par les parties que, le 31 août 2018, BA______, alors qu'elle se trouvait devant le grillage du poulailler sis ______[GE], accompagnée de sa nounou et de son frère, a subi une électrisation, lorsque la paume de sa main droite est entré en contact avec un fil de fer électrifié à une tension de 230 volts contre terre qui se trouvait le long dudit grillage, à l'intérieur de celui-ci, ou avec le grillage qui touchait ledit fil électrifié.

Selon les documents médicaux au dossier, à la suite de cet accident, BA______ a notamment souffert d'un arrêt cardio-respiratoire et de brûlures et phlyctènes au niveau du poignet droit et de la main droite. Elle a ensuite dû subir, entre le 31 août et le 25 octobre 2018, quatre interventions chirurgicales, à savoir une escarotomie et ouverture du tunnel carpien de la main droite, une greffe de peau totale prise en dépens du pli inguinal gauche, un changement de son pansement et la mise en place d'un plâtre brachio-anté-brachial, ainsi que la mise en place d'une gastrotomie percutanée. BA______ a également présenté d'importants troubles neurologiques qui perdurent et qui nécessitent une prise en charge et des soins permanents. Il est en particulier établi médicalement qu'elle va garder des séquelles neurologiques significatives, entravant son autonomie, ses capacités de communication et de déplacement.

Les importantes blessures subies par BA______, qui ont mené à une infirmité permanente, constituent indiscutablement des lésions corporelles graves au sens de l'art. 122 CP.

2.2.2. S'agissant du comportement adopté par le prévenu dans le cadre de l'accident, il est relevé qu'au vu notamment des déclarations des plaignants, lesquels ont indiqué avoir demandé l'autorisation à H______ et avoir parlé de leurs visites à L______, que le prévenu n'a pas lui-même donné son accord pour que les époux A______ viennent régulièrement voir et nourrir les gallinacées. Il ne peut donc lui être reproché aucun comportement actif de sa part.

2.2.3. Le Tribunal examine, dans un second temps, si le prévenu pouvait se trouver dans une position de garant en vertu de la création d'un risque, au sens de l'art. 11 al. 2 CP.

En l'espèce, à teneur de l'expertise électrique du 8 septembre 2022, l'installation électrique litigieuse doit être qualifiée d'installation électrique fixe, soumise à la LIE et à l'OIBT. Le Tribunal retient par ailleurs que ce système électrique avait été installé par I______, secondé par L______, soit des personnes non qualifiées, au moyen de matériel non adapté, ainsi que ledit système n'avait pas été contrôlé par les autorités, lors de sa mise en service.

Partant, la position de garant du prévenu pourrait se fonder sur une obligation légale, soit sur les dispositions de la LIE et de l'OIBT, lesquelles sont applicables au cas d'espèce.

2.2.4. Le Tribunal tient pour établi, en particulier au vu des déclarations cohérentes des différents professionnels entendus durant la procédure, que les installations électriques sur le toit de l'annexe, ainsi que sur le pourtour du grillage du poulailler contrevenaient au normes techniques reconnues et représentaient un danger pour les personnes, les animaux et les choses, en violation de l'art. 3 OIBT.

En outre, au vu des éléments figurant à la procédure, un doute subsiste quant à la date de mise en place du système électrique de ce poulailler. En effet, il semble peu probable qu'un électricien, lors du contrôle de rattrapage en avril 2011, soit passé devant le poulailler et l'annexe, et qu'il ait contrôlé le tableau électrique dans la serre sans apercevoir cette installation électrique, pourtant visible. L______ a toutefois, de manière constante, assuré que cette installation électrique avait été mise en place par son prédécesseur, I______, décédé en 2008. Quant au prévenu, il a invariablement indiqué que ladite installation litigieuse avait été effectuée environ dix ans avant l'accident, soit avant le contrôle de rattrapage de 2011. Or, aucun élément du dossier ne permet de déterminer la date précise du montage de cette installation électrique et, partant, de pouvoir affirmer que celle-ci a été installée postérieurement audit contrôle.

Dès lors, le Tribunal – également lié par l'acte d'accusation – retient la version la plus favorable au prévenu, à savoir que le système électrique avait été conçu et mis en place avant le contrôle effectué au mois d'avril 2011.

Par ailleurs, rien ne permet de contester le fait que, lors de la mise en place de l'installation électrique en cause, feu H______, propriétaire du domaine sur laquelle celle-ci avait été érigée, avait la capacité de discernement et qu'il était ainsi de sa responsabilité de s'assurer de la sécurité de celle-ci. Tant que sa mère était en charge de la propriété, le prévenu n'avait ainsi aucune position de garant. Le Tribunal constate, au vu notamment de l'âge avancé de feu H______, des déclarations constantes du prévenu à ce sujet, que l'intéressée n'avait plus la capacité de discernement dès l'année 2014. De la sorte, le prévenu, qui habitait sur la propriété familiale depuis plus de 30 ans, a naturellement et progressivement repris la gestion de la propriété.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que le prévenu a repris la gestion de la propriété à tout le moins dès 2014 et qu'à partir de ce moment-là et ce jusqu'au jour de l'accident qui s'est produit le 31 août 2018, il était le représentant de feu sa mère et était ainsi en particulier en charge des installations électriques dressées sur la propriété, conformément à l'art. 5 OIBT. Il revêtait ainsi une position de garant.

2.2.5. De surcroît, le Tribunal tient pour établi le fait que, malgré ses dénégations, le prévenu connaissait non seulement l'existence de l'installation électrique sur le toit de l'annexe mais également celle située à l'intérieur du poulailler, au niveau du pourtour du grillage. En effet, lors de son audition à la police intervenue le soir des faits, le prévenu a spontanément indiqué qu'environ dix ans auparavant, vu qu'un renard venait régulièrement tuer les poules dans le poulailler, le jardinier, soit L______, avait de sa propre initiative entrepris d'installer un pourtour électrique à l'intérieur dudit poulailler. Il a précisé que, lorsqu'il l'avait appris, il n'avait pas désapprouvé, ajoutant même que cette installation n'était pas au contact de la grille extérieure et était demeurée ainsi depuis lors. Par la suite, devant le Ministère public, il s'est rétracté et a varié dans ses déclarations. A ce sujet, ses explications subséquentes, à savoir qu'il aurait cherché, lors de son audition à la police, à aider L______ en minimisant l'implication de ce dernier ne résistent pas à l'examen du dossier, dès lors qu'il a formellement mis en cause celui-ci en indiquant qu'il était l'auteur de l'installation électrique et qu'il avait agi seul. Ses déclarations, lors de l'instruction, ne sont pas non plus crédibles s'agissant de sa connaissance du système électrique mis en place, dès lors que celles-ci ont largement évolué. Il a ainsi allégué qu'avant les faits, il n'était en réalité au courant que de l'électrification de fils sur le toit, ce qui ne convainc pas. Il parait insensé qu'il n'ait pas été informé de cela, à un moment ou à un autre, mais aussi qu'il n'ait pas posé plus de questions à ce sujet, étant précisé que les fils de l'installation électrique litigieuse passant du toit au poulailler étaient parfaitement visibles et reconnaissables comme tels, et celle-ci n'avait rien à voir avec un dispositif tel qu'un parc à vaches. Il a lui-même déclaré s'être rendu à de nombreuses reprises à l'intérieur et autour du poulailler et avoir vu le dispositif, à tout le moins sur le toit, de sorte qu'il a eu plusieurs occasions de s'interroger sur cette installation électrique, notamment d'aller s'enquérir auprès du jardinier ou encore d'appeler un électricien. Le Tribunal observe encore qu'il suffisait d'entrer dans l'annexe pour identifier que le câble alimentant le fil électrique de l'installation en cause était branché à une des prises murales sur le tableau électrique se trouvant face à la porte.

2.2.6. Les déclarations du prévenu, sujettes à caution en ce qui concerne l'installation électrique du poulailler, le sont également s'agissant de sa connaissance du contrôle de rattrapage effectué par P______ SA en avril 2011. En effet, ses explications faites à ce sujet lors de l'audience de jugement, à teneur desquelles il a assuré que c'était sa présence lors du contrôle qui ne lui disait rien et non l'existence même dudit contrôle, ne sont pas crédibles et ne convainquent pas. Ainsi, le contrôle de rattrapage effectué par P______ SA ne lui est d'aucun secours, dès lors qu'il a lui-même indiqué, durant l'instruction, qu'il ne se rappelait plus dudit contrôle. De plus, malgré plusieurs auditions devant le Ministère public, il n'a jamais invoqué le fait qu'il pensait que toutes les installations du domaine étaient aux normes vu le contrôle précité et les rectifications effectuées suite à celui-ci. Il ne pouvait donc pas partir du principe que les installations électriques du domaine respectaient les normes en vigueur, ce d'autant plus au vu du caractère manifestement amateur et bricolé de l'installation électrique en cause. Par conséquent, selon les connaissances et les informations à sa disposition, le prévenu était tenu de vérifier l'installation électrique du poulailler, qu'il savait avoir été aménagée par des personnes non qualifiées, même après avril 2011.

2.2.7. La question de savoir si le prévenu avait connaissance du fait que les enfants de la famille A______ venaient sur la propriété pour voir ou nourrir les poules peut être laissée ouverte, dans la mesure où le prévenu, en tant que représentant de H______, était responsable des installations électriques de la demeure et qu'il savait que le poulailler était un endroit où des personnes se rendaient régulièrement hormis le jardinier, en particulier sa fille avec des amis à elle accompagnés d'enfants.

2.2.8. Il peut ainsi être retenu contre le prévenu des omissions coupables, à savoir de ne pas s'être assuré que l'installation électrique respectait les normes en vigueur et que celle-ci était sûre et sans danger, mais aussi de ne pas avoir fait contrôler ledit système et d'avoir omis de remédier aux dangers que représentait le dispositif litigieux, en le mettant notamment hors d'usage, étant précisé qu'il suffisait de débrancher une prise dont l'accès était aisé. Le prévenu, qui pouvait et devait se rendre compte du danger et que les plus simples règles de prudence n'étaient pas respectées, ce qu'il a admis lors de son audition devant la police avant de se rétracter sans pouvoir donner de raison valable, a fait preuve d'une inattention ou, à tout le moins, d'un manque d'effort blâmable.

2.2.9. Il convient encore d'examiner si la violation des règles de la prudence se situe dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec les lésions corporelles graves dont a souffert BA______.

En l'espèce, les lésions graves subies par la jeune BA______ sont en lien de causalité naturelle avec le comportement du prévenu, puisque, si le fil de fer tendu horizontalement à l'intérieur du poulailler n'avait pas été électrifié avec un courant de 230 volts contre terre, celle-ci n'aurait pas été électrifiée.

En outre, le prévenu n'a pas respecté les règles de prudence, à savoir débrancher et mettre hors d'usage l'installation électrique, ce qui aurait permis d'éviter, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, une électrisation de la petite fille.

Le lien de causalité est donc établi, dès lors que ce sont indubitablement les manquements du prévenu qui sont à l'origine des atteintes graves à la santé de la plaignante BA______.

2.2.10. Partant, le prévenu sera reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence (art. 125 al. 1 et 2 CP).

Peine

3.1.1. Les lésions corporelles par négligence, au sens de l'art. 125 CP, sont réprimées d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire

3.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Comme sous l'ancien droit, le facteur essentiel est celui de la faute.

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; ATF 129 IV 6 consid. 6.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_198/2013 du 3 juin 2013 consid. 1.1.1).

3.1.2. Selon l'art. 34 al. 1 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur. En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).

3.1.3. L'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis.

3.1.4. Les art. 5 CPP et 29 al. 1 Cst. garantissent notamment à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Le caractère raisonnable de la procédure s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4). On ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3; 130 I 312 consid. 5.2).

L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable. Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes. La violation du principe de célérité peut avoir pour conséquence la diminution de la peine, parfois l'exemption de toute peine ou encore une ordonnance de classement en tant qu'ultima ratio dans les cas les plus extrêmes. D'une manière générale, on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans toute procédure. Une diminution de la peine ne peut entrer en ligne de compte qu'en cas de lacune crasse et avérée dans le déroulement de la procédure. Le fait que certains actes auraient pu être effectués plus rapidement ne suffit pas pour que soit admise une telle violation. Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction, un délai de quatre ans pour qu'il soit statué sur un recours contre l'acte d'accusation ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_189/2017 du 7 décembre 2017 consid. 5.3.1 et les références citées).

3.2. En l'espèce, le prévenu a agi par négligence. Pour autant, sa culpabilité n'est pas négligeable. En qualité de représentant et gérant du domaine de feu sa mère, sur lequel il était domicilié depuis environ 30 ans, il lui appartenait en particulier de prendre les précautions nécessaires pour garantir la sécurité des installations se trouvant sur la propriété.

Les conséquences de sa négligence sont très importantes, puisque la partie plaignante BA______ a subi des blessures graves, lesquelles ont concrètement mis en danger sa vie et lui ont laissé des séquelles permanentes sévères, en particulier des troubles moteurs, cognitifs et de la communication, impactant non seulement celle-ci mais aussi toute sa famille.

Sa collaboration est mauvaise et s'est détériorée au cours de la procédure. Après avoir partiellement reconnu une responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés lors de son audition à la police, il a varié dans ses déclarations au gré de l'avancement de la procédure, ce jusqu'à l'audience de jugement, pour nier toute responsabilité dans la survenance de l'accident.

Dans cette même mesure, sa prise de conscience n'est pas réellement initiée. Il est pris acte du fait que le prévenu a fait preuve d'une certaine compassion pour la famille A______ sans toutefois présenter des excuses. Un travail d'introspection demeure à accomplir.

Sa situation personnelle, bonne, est sans particularité.

Il n'a aucun antécédent judiciaire, facteur neutre au niveau de la peine.

Il sera tenu compte d'une légère violation du principe de célérité, notamment au vu du temps écoulé entre la notification de l'acte d'accusation par le Ministère public intervenue le 25 avril 2023 et l'audience de jugement qui s'est tenue le 20 août 2024.

Au vu de ce qui précède, le prévenu sera condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende.

Le montant du jour-amende sera fixé à CHF 3'000.-, compte tenu de sa situation personnelle et financière.

Dans la mesure où le prévenu n'a aucun antécédent et que le pronostic ne s'annonce pas sous un jour défavorable, cette peine sera assortie du sursis, dont le délai d'épreuve sera fixé à 3 ans.

Conclusions civiles

4.1.1. Selon l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale. Le même droit appartient aux proches de la victime dans la mesure où ceux-ci font valoir contre le prévenu des conclusions civiles propres (art. 122 al. 2 CPP).

4.1.2. En vertu de l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le tribunal statue sur les prétentions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.

4.1.3. L'art. 126 al. 3 CPP dispose que, dans le cas où le jugement complet des conclusions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus, renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile. Les prétentions de faible valeur sont, dans la mesure du possible, jugées par le tribunal lui-même.

4.1.4. A teneur de l'article 41 al. 1 CO, chacun est tenu de réparer le dommage qu'il cause à autrui d'une manière illicite, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence. Selon l'art. 46 al. 1 CO, en cas de lésions corporelles, la partie qui en est victime a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'atteinte portée à son avenir économique.

4.1.5. Aux termes de l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale.

4.1.6. L'art. 49 CO prévoit que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.

L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne, dans ces circonstances, s'adresse au juge pour obtenir réparation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1021/2018 du 19 décembre 2018 consid 1.1).

4.1.7. Les circonstances particulières évoquées dans la norme consistent dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent avant tout le genre et la gravité de la lésion, l'intensité et la durée des répercussions sur la personnalité de la personne concernée, le degré de la faute de l'auteur ainsi que l'éventuelle faute concomitante du lésé (ATF 141 III 97 consid. 11.2 et les références citées). Une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants sont des éléments déterminants (arrêt du Tribunal fédéral 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 consid. 3.2, non publié in ATF 134 III 97; ATF 132 II 117 consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2014 du 27 février 2014 consid. 6.1.2).

L'indemnité due à titre de réparation du tort moral peut être fixée selon une méthode s'articulant en deux phases. La première consiste à déterminer une indemnité de base, de nature abstraite, tandis que la seconde implique une adaptation de cette somme aux circonstances du cas d'espèce. Si le Tribunal fédéral admet cette méthode, à condition qu'elle ne conduise pas à une standardisation ou une schématisation des montants alloués, il ne l'impose pas non plus (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_118/2009 du 20 décembre 2011 consid. 9.1 non publié in ATF 138 I 97; 6B_1218/2013 du 3 juin 2014 consid. 3.1.1; C. WIDMER LÜCHINGER / D. OSER [éds], Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7e éd., Bâle 2019, N 20 ad art. 47).

4.1.6. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 consid. 5.1; arrêt 6B_1066/2014 du 27 février 2014 consid. 6.1.2).

Les critères objectifs à prendre en considération sont avant tout le type et la gravité de la blessure, l'intensité et la durée des effets sur la personnalité du lésé, ainsi que le degré de faute de l'auteur. La pratique retient également pour critères la durée de l'atteinte, la longueur du séjour à l'hôpital, les circonstances de l'accident, les troubles psychiques, les pertes de mémoire ou de concentration, ou encore le fardeau psychique important que représente le procès pour la victime. Il en va de même de la fatigabilité, du cumul de plusieurs troubles invalidants, d'une carrière brisée ou de l'obligation de poursuivre une carrière moins intéressante, de troubles de la vie familiale, de l'impossibilité de pratiquer son sport ou ses loisirs préférés, ainsi que l'âge de la victime et la souffrance du responsable lui-même, mais non son comportement procédural (C. WIDMER LÜCHINGER / D. OSER [éds], op. cit., n. 20a ad art. 47; F. WERRO, La responsabilité civile, 3ème éd., 2017, n°1450 ss et références mentionnées ; A. GUYAZ, Le tort moral en cas d'accident: une mise à jour, in SJ 2013 II 215, p. 256; K. HÜTTE et al., Le tort moral, Tableaux de jurisprudence comprenant des décisions judiciaires rendues de 1990 à 2005, 3ème éd., 2005, pp. I/71 ss).

4.1.7. Toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Il est ainsi particulièrement hasardeux de mettre en parallèle les souffrances vécues par des victimes d'infractions contre l'intégrité corporelle, même lorsque les circonstances peuvent apparaître à première vue semblables (arrêt du Tribunal fédéral 6B_128/2017 du 9 novembre 2017 consid. 5.5). Une comparaison avec d'autres cas similaires peut cependant, suivant les circonstances, constituer un élément d'orientation utile (ATF 138 III 337 consid. 6.3.3 p. 345 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 6.1).

4.1.8. Le message du Conseil fédéral concernant la révision totale de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions du 9 novembre 2005 (FF 2005 6683 ss, p. 6746) précise que les montants attribués aux victimes d'atteintes à l'intégrité corporelle devraient se situer entre CHF 20'000.- et CHF 40'000.- en cas de perte d'une fonction ou d'un organe importants (par ex. hémiplégie, perte d'un bras ou d'une jambe, atteinte très grave et douloureuse à la colonne vertébrale, perte des organes génitaux ou de la capacité de reproduction, grave défiguration) et moins de CHF 20'000.- en cas d'atteintes de gravité moindre (par ex. perte d'un doigt, de l'odorat ou du goût).

4.1.9. A titre de comparaison, le Tribunal fédéral a jugé équitable une indemnité pour tort moral de CHF 140'000.- allouée à la victime d'un accident de la circulation qui, par suite d'un traumatisme cranio-cérébral et d'autres blessures graves, avait dû faire plusieurs séjours de longue durée à l'hôpital, aurait besoin toute sa vie de soins médicaux et n'avait pu conserver qu'une autonomie restreinte (arrêt 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 non reproduit intégralement in ATF 134 III 97). Le Tribunal fédéral a également confirmé le versement d'une réparation morale du même montant - avant réduction pour faute de la victime - à un enfant qui, lors d'une descente à ski, avait violemment heurté de la tête une barre de fer délimitant la piste et en était resté gravement handicapé (arrêt 4A_206/2014 du 18 septembre 2014 consid. 5). Dans un arrêt de 2010, le Tribunal fédéral a confirmé un montant de CHF 150'000.- alloué à un ouvrier tombé d'un échafaudage et devenu tétraplégique. Dans les considérants, il a été relevé que la victime avait dû être hospitalisée dix mois, qu'elle vivait désormais avec les siens, qu'elle pouvait manger seule et se déplacer à l'intérieur du logement familial, mais que son état requérait une assistance pour la plupart des actes quotidiens (arrêt du Tribunal fédéral 6B_188/2010 du 4 octobre 2010 consid. 5.1.2).

A Genève, dans un arrêt du 9 août 2016, la Cour pénale d'appel et de révision a augmenté à CHF 130'000.- le tort moral alloué à un homme ayant reçu un coup de poing à la tête en sortant d'une discothèque, qui l'avait fait chuter, l'intéressé ayant frappé le sol avec sa tête. Il avait subi plusieurs fractures cranio-faciales, qui avaient mis sa vie en danger, nécessité deux opérations au cours de son séjour hospitalier de plus de six mois et laissé des séquelles irréversibles, la reprise d'un emploi étant devenue inenvisageable et la victime ayant dû être placée sous curatelle (AARP/331/2016, confirmé par le Tribunal fédéral par arrêt 6B_1131/2016 du 23 mars 2018).

4.1.10. D'une manière générale, la jurisprudence récente tend à allouer des montants de plus en plus importants au titre du tort moral (ATF 125 III 269 consid. 2a p. 274).

4.1.11. Lorsque l'indemnisation se fait sous la forme d'un capital, le demandeur a droit aux intérêts de celui-ci. Ces intérêts, dont le taux s'élève à 5% (art. 73 CO), courent en principe à partir du jour de l'évènement dommageable et ce, jusqu'au moment de la capitalisation (CR CO WERRO/PERRITAZ, N 17 ad art. 42).

4.1.12. Les proches d'une personne victime de lésions corporelles peuvent obtenir réparation du tort moral qu'ils subissent de ce chef si leurs souffrances revêtent un caractère exceptionnel, c'est-à-dire s'ils sont touchés de la même manière ou plus fortement qu'en cas de décès (ATF 125 III 412 consid. 2a; 117 II 50 consid. 3a). Il est ainsi admis que la douleur morale des proches d'une personne devenue gravement invalide à vie, à la suite d'un accident, est généralement supérieure à celle résultant d'un décès (ATF 113 II 339 consid. 6) et que son intensité est aussi fonction du degré de parenté (ATF 114 II 150). Un tel droit a été reconnu par la jurisprudence au conjoint, aux parents (ATF 116 II 519), aux enfants (ATF 117 II 50) ainsi qu'aux frères et sœurs (ATF 118 II 404).

4.1.13. L'indemnité due aux proches d'une victime devenu invalide peut être déduite de l'indemnité allouée à la victime elle-même (arrêt du Tribunal fédéral 4C.94/1995 du 27 décembre 1995 consid. 4a). En effet, l'on peut partir du principe que la souffrance des proches est en grande partie fonction de la gravité de l'atteinte subie par la victime. Elle dépend également du lien de parenté et surtout de la charge concrète que représente la victime pour les siens, laquelle doit être prise en compte pour tenir compte des circonstances concrètes. Ainsi, pourrait-on admettre, en reprenant la hiérarchie des indemnités en cas de décès, que le parent qui prend soin seul de son enfant gravement invalide ait droit en principe à une indemnité correspondant aux 50% de celle allouée à la victime, alors que dans la même situation, l'enfant qui prend soin de l'un de ses parents aurait droit à un montant de base équivalent aux 35% (GUYAZ, Le tort moral en cas d'accident : une mise à jour, in SJ 2013 II 215, p. 252).

4.2.1. En l'espèce, s'agissant de ses conclusions civiles, par le biais de ses représentants, BA______ a conclu à ce que le Tribunal réserve toutes ses prétentions civiles et à son renvoi au civil pour les faire valoir.

Partant, la partie plaignante BA______ sera renvoyée à agir par la voie civile, s'agissant de ses conclusions civiles.

4.2.2. En ce qui concerne ses parents, CA______ et DA______, leur tort moral est indéniable. En effet, le principe de l'octroi d'une indemnité est acquis, dès lors que le traumatisme qu'ils ont subi est évident, l'accident, provoquée par un tiers, de leur fille en bas âge, ainsi que les lésions graves et permanentes causées à celle-ci, étant par définition génératrices d'une grande souffrance. Ces derniers, qui s'occupent de leur fille de manière permanente depuis six ans, subissent une atteinte importante en tant que parents de la victime.

Il convient, en premier lieu, de déterminer l'indemnité pouvant être allouée à BA______. Celle-ci, alors âgée de 18 mois, a subi un arrêt cardio-respiratoire causant une hypoxie cérébrale. Elle a passé 57 jours à l'hôpital et les séquelles de son accident sont très importantes. Elle souffre de troubles neurologiques lui causant un handicap physique et mental et nécessitant des soins et une aide permanente pour tous les actes quotidiens de sa vie. L'accident subi aura un impact sur tous les aspects de sa vie présente mais aussi future. Malgré les progrès de cette dernière, elle ne pourra très certainement pas suivre des études classiques, avoir un métier et restera dépendante toute sa vie.

Au vu de la jurisprudence et de la doctrine, le Tribunal retient que BA______ pourrait prétendre à une indemnisation à hauteur de CHF 180'000.-.

CA______ et DA______, parents de la jeune BA______, peuvent réclamer la réparation de leur tort moral propre, dès lors qu'ils subissent des souffrances en lien avec l'accident de leur fille, devenue lourdement handicapée dès l'âge de 18 mois. Cet accident a impacté leurs vies de manière profonde et continuera à leur imposer des obligations ainsi qu'une charge mentale conséquentes, l'état de leur fille nécessitant une assistance permanente pour tous les actes quotidiens de la vie.

En l'espèce, au vu de la doctrine en la matière, les parents A______ s'occupant tous deux de leur fille, leur indemnité respective sera fixée à hauteur de 35% de celle qui devrait être allouée à leur fille.

Ainsi, G______ sera condamné à verser à CA______ et DA______ la somme de CHF 63'000.- (35% x CHF 180'000.-) chacun, avec intérêts à 5% dès le 31 août 2018.

Indemnités et frais

6.1.1. Aux termes de l'art. 433 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (let. a). La partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).

6.1.2. La partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises, à tout le moins partiellement (Petit commentaire CPP, Helbing Lichtenhahn, 2016, N 5 ad art. 433 CPP). La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l'exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (CR CPP MIZEL/RETORNAZ, N 8 ad art. 433 CPP).

6.1.3. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre ainsi les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat (ATF 139 IV 102 consid. 4.1). En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense raisonnable du point de vue de la partie plaignante (ATF 139 IV 102 consid. 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_524/2017 du 22 novembre 2017 consid. 2.1; 6B_864/2015 du 1er novembre 2016 consid. 3.2; 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.3).

6.1.4. Les honoraires d'avocat se calculent selon le tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule (arrêt du Tribunal fédéral 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3.). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 LPAv, les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. Sur cette base, la Cour de justice retient en principe un tarif horaire entre CHF 400.- et CHF 450.- pour un chef d'étude, de CHF 350.- pour les collaborateurs et de CHF 150.- pour les stagiaires (arrêt de la Cour de justice AARP/38/2018 du 26 janvier 2018 consid. 7).

6.2. En l'espèce, les parties plaignantes ont sollicité une indemnité d'un montant total de CHF 49'031.50, soit CHF 20'832.70 pour l'activité déployée par Me W______ du 4 décembre 2018 au 21 novembre 2019, et CHF 28'198.86 pour l'activité déployée par Me F______, dès le 16 décembre 2019.

S'agissant des honoraires requis pour le travail effectué par Me W______, ceux-ci ne sont ni justifiés ni détaillés. Dès lors, il sera retenu une activité de 10 heures fixées ci-après, pour la période concernée, au tarif usuel de CHF 450.- de l'heure, ce à quoi sera ajouté la TVA applicable au moment de son mandat:

-          temps consacré à la prise de connaissance du dossier: 2 heures;

-          temps consacré à l'audience par devant le Ministère public du 8 juillet 2019: 3 heures;

-          temps consacré au déplacement pour l'audience par devant le Ministère public du 8 juillet 2019: 30 minutes;

-          temps consacré pour la préparation de l'audience du 8 juillet 2019: 2 heures;

-          temps consacré à divers entretiens avec ses mandants: 2 heures;

-          temps consacré aux activités diverses: 30 minutes.

Les honoraires de Me F______, à hauteur de CHF 28'198.85, détaillés et justifiés, ne prêtent pas le flanc à la critique, compte tenu des faits et de la durée de la procédure. Ils seront augmentés à CHF 28'685.30 pour tenir compte de la durée de l'audience de jugement.

Par conséquent, le prévenu sera condamné à verser un montant total de CHF 33'531.80, TVA comprise, (CHF 4'846.50 + CHF 28'685.30) aux parties plaignantes, à tire de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

7. Vu le verdict de culpabilité, le prévenu sera condamné aux frais de la procédure, qui s'élèvent au total à CHF 7'429.50, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 126 al. 1 CPP).


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare G______ coupable de lésions corporelles graves par négligence (art. 125 al. 1 et 2 CP).

Constate la violation du principe de célérité (art. 5 CPP).

Condamne G______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 3'000.-.

Met G______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit G______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Renvoie la partie plaignante BA______ agir par la voie civile (art. 126 al. 2 CPP).

Condamne G______ à payer à CA______ la somme de CHF 63'000.-, avec intérêts à 5% dès le 31 août 2018, à titre de réparation du tort moral (art. 49 CO).

Condamne G______ à payer à DA______ la somme de CHF 63'000.-, avec intérêts à 5% dès le 31 août 2018, à titre de réparation du tort moral (art. 49 CO).

Condamne G______ à verser à BA______, CA______ et DA______ CHF 33'531.80, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne G______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 7'429.50, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse et Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

La Greffière

Jessica GOLAY-DJAZIRI

Le Président

Raphaël GOBBI

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).


 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

5233.50

Convocations devant le Tribunal

CHF

90.00

Frais postaux (convocation)

CHF

35.00

Emolument de jugement

CHF

1000.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

21.00

Total

CHF

7'429.50

 

 

 

Notification à G______, soit pour lui son Conseil
Par voie postale

Notification à CA______, soit pour lui son Conseil
Par voie postale

Notification à DA______, soit pour lui son Conseil
Par voie postale

Notification à BA______, soit pour lui son Conseil
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale