Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1243/2024 du 17.12.2024 ( MC ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 17 décembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Corinne DUFLON, avocate
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Monsieur A______, né le ______ 1986 et originaire d'Algérie (alias B______, né le ______ 1987, originaire de Libye), demeure illégalement en Suisse depuis l'année 2017.
2. Il a fait l'objet de nombreuses condamnations pour, notamment, vol au sens de l'art. 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), recel (art. 160 al. 1 CP), non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20) et consommation de stupéfiants (art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951‑ LStup - RS 812.121).
3. Les 21 et 22 août 2020, M. A______ s'est vu notifier par le commissaire de police respectivement une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois, ainsi qu'une interdiction d'entrer en Suisse valable jusqu'au 28 janvier 2023.
4. Le 3 février 2021, M. A______ a fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse rendue par l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM).
5. À la suite des démarches entreprises par le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) depuis 2021, M. A______ a été reconnu par les autorités algériennes comme ressortissant algérien en date du 27 octobre 2023. À cette occasion, le SEM a précisé que l'intéressé devait être présenté à un entretien consulaire à Wabern avant la réservation d'un vol.
6. Le 7 novembre 2023, M. A______, démuni de documents d'identité, a été contrôlé par les services de police au square Pradier, après avoir consommé du crack. Les recherches dans les bases de données de la police ont permis de constater que l'ADN de M. A______ avait été retrouvé sur un véhicule automobile à Genève, dont une vitre avait été brisée le 15 août 2023. L'intéressé était en possession notamment de onze comprimés de Seresta forte. Les forces de l'ordre ont également relevé que M. A______ faisait l'objet d'une interdiction d'entrer sur le territoire helvétique prise à son encontre par le SEM le 5 juillet 2023 et valable jusqu'au 4 juillet 2026, mesure qui lui a été notifiée immédiatement.
Entendu dans les locaux de la police, M. A______ a contesté avoir brisé la vitre d'une voiture. Au sujet de sa situation personnelle, il a expliqué consommer du crack à raison de quatre fois par jour, recevoir de l'argent de la part de divers amis pour subvenir à ses besoins, dormir dans la rue et n'avoir aucun lien particulier avec Genève ou la Suisse.
7. Le 8 novembre 2023, il a été condamné par le Ministère public, en fait avec les éléments de son arrestation de la veille, pour dommages à la propriété (art. 144 CP), séjour illégal (art. 115 al. 1 LEI) et consommation de stupéfiants (art. 19a LStup).
8. Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois.
9. La date du counselling n'était pas encore confirmée, mais les places octroyées au canton de Genève par le SEM (au nombre de deux) pour le prochain rendez-vous avec le consul d'Algérie étaient d'ores et déjà occupées par des citoyens algériens actuellement en détention administrative à Genève. Une fois la présentation de M. A______ au consul algérien effectuée, les services de police procéderaient à la réservation d'un vol en faveur de celui-là, à moins qu'il ne se déclare rapidement volontaire au retour et exige lui‑même un rendez-vous avec le consul, ainsi que la délivrance d'un laissez-passer, auquel cas les démarches relatives à son refoulement seraient accélérées.
10. Au commissaire de police, M. A______ a déclaré que bien que les autorités algériennes aient reconnu qu'il était algérien, il était libyen.
11. Le commissaire de police a soumis l'ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 8 novembre 2023 également.
12. Entendu le 10 novembre 2023 par le tribunal, M. A______ a déclaré qu’il n’était pas d'accord de retourner en Algérie, car il n’était pas algérien, mais libyen. Il n’avait aucun document d'identité.
13. La représentante du commissaire de police a confirmé que M. A______ avait été reconnu par les autorités algériennes. Elle a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative du 8 novembre 2023.
14. Le conseil de M. A______ a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative et à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à la réduction de la durée de la détention à deux mois.
15. Par jugement du 10 novembre 2023 (JTAPI/1256/2023), le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 8 novembre 2023 pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 7 mars 2024 inclus.
16. Le 20 novembre 2023, sur ordre du service d'application des peines et mesures (ci‑après : SAPEM) du 16 novembre 2023, M. A______ a été écroué à la prison de Champ-Dollon.
17. Par acte déposé le 20 novembre 2023, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité.
18. Par arrêt du 30 novembre 2023 (ATA/1288/2023), la chambre administrative a rejeté le recours de M. A______.
19. Le 18 mars 2024, au terme de sa peine privative de liberté, M. A______ a été remis en mains des services de police.
20. Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de deux mois.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie.
21. Le 20 mars 2024, le commissaire de police a transmis au tribunal l'annonce du résultat positif de l'audition consulaire du 29 février 2024.
22. Entendu le 21 mars 2024 par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner en Algérie. En effet, il n'était pas algérien mais libyen. Il n'avait pas contacté les autorités libyennes.
Son nom était B______ et il était né à ______ le ______ 1987. Lors du rendez-vous consulaire le 29 février 2024, on ne l'avait pas laissé parler. L'entretien n'avait pas duré une minute. Il pensait qu'il s'agissait du consulat libyen et non algérien. Il avait de nombreux problèmes de santé, aux poumons, cardiaques et des douleurs très aigues à la hanche gauche. Il avait eu la tuberculose en 2021, lorsqu'il avait été opéré de cette hanche. Il suivait un traitement contre la tuberculose auprès d'un médecin de l'hôpital. Il n'avait pas pu honorer son rendez-vous dès lors qu'il était en prison. Il avait des difficultés à respirer, il avait perdu du poids et avait de la peine à manger. Il souhaitait revoir un médecin, c'était urgent pour lui. Il avait également mal au cœur. Il avait un dossier médical qui était en possession de Me C______. Enfin, il n'avait aucune connaissance ni famille en Algérie.
Le représentant du commissaire de police a expliqué que selon la pièce transmise au tribunal, les autorités algériennes avaient annoncé un résultat positif suite à l'audition de M. A______ le 29 février 2024, ce qui signifiait qu'elles étaient prêtes à délivrer un laissez-passer en faveur de ce dernier une fois que les autorités suisses auraient la confirmation du vol réservé à destination de l'Algérie. Les autorités suisses avaient sollicité la réservation d'un vol le matin même, lequel devrait pouvoir avoir lieu d'ici trois ou quatre semaines. Compte tenu des déclarations de M. A______ devant le tribunal, les services de police allaient solliciter les autorités médicales de l'établissement de détention administrative afin d'établir un rapport qui permettrait de déterminer s'il était apte à prendre un vol. En cas de maladie chronique et si l'intéressé suivait un traitement, une réserve de médicaments pourrait lui être donnée en vue d'assurer le bon déroulement de son refoulement et les premières semaines de son séjour dans son pays d'origine. M. A______ avait été reconnu en 2023 par les autorités algériennes comme étant l'un de leurs ressortissants. Cette reconnaissance avait été communiquée officiellement par ces autorités au SEM. L'entretien du 29 février 2024 visait à permettre aux autorités algériennes de se déterminer sur la délivrance du laissez-passer indispensable au retour de M. A______ dans son pays, compte tenu du fait qu'il était démuni de tout document d'identité. Pour le surplus, il a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative prononcé le 18 mars 2024 pour une durée de deux mois.
Le conseil de M. A______ a conclu à la libération immédiate de son client, subsidiairement à ce que celui-ci soit assigné à résidence dans un lieu pour personnes sans statut légal et plus subsidiairement encore, à ce que sa détention administrative soit réduite à deux semaines. D'une part, son client avait toujours contesté sa nationalité algérienne. Or, le dossier ne comportait pas d'éléments probants à ce sujet. Le processus de reconnaissance ne permettait pas d'autres conclusions. D'autre part, les problèmes de santé dont il se plaignait rendaient l'exécution de son renvoi impossible.
23. Par jugement du 21 mars 2024 (JTAPI/257/2024), le tribunal a confirmé la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 17 mai 2024 inclus.
24. Le 3 mai 2024, le SEM a informé les autorités suisses que le laissez-passer de M. A______ n'avait finalement pas été délivré par les autorités algériennes et que le vol avec escorte policière (DEPA) à destination de l'Algérie prévu le 6 mai 2024 devait être annulé.
25. Par requête motivée du 6 mai 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.
26. Par jugement du 14 mai 2024 (JTAPI/449/2024), le tribunal a confirmé la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 17 août 2024 inclus.
27. Le 21 mai 2024, sur ordre du SAPEM du 17 mai 2024, M. A______ a été écroué à la prison de Champ-Dollon.
28. Le 30 juillet 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé la libération conditionnelle de M. A______.
29. Le 13 septembre 2024, le SEM a informé le canton de Genève que le consul d'Algérie était prêt à délivrer un laissez-passer pour l'intéressé. Un vol pouvait être réservé avec un préavis d'au moins trois semaines.
30. Le 14 septembre 2024, les services de police ont sollicité auprès de swissREPAT l'organisation d'un vol avec accompagnement policier pour permettre le refoulement de M. A______, à partir du 9 octobre 2024.
31. Le 20 septembre 2024, à la fin de sa peine pénale, M. A______ a été libéré de la prison de Champ-Dollon et remis en mains des services de police.
32. Le 20 septembre 2024, à 14h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie. Il était en bonne santé et ne poursuivait actuellement aucun traitement médical.
33. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.
34. Entendu le 23 septembre 2024 par le tribunal, M. A______ a accepté que l'audience se tienne sans interprète à ses côtés, après avoir déclaré qu'il désirait être assisté d'un interprète. Il s'était toujours opposé à être renvoyé en Algérie. Il n'avait pas de nationalité : ses parents l'avaient trouvé dans la rue en Libye. Il avait ensuite vécu dans plusieurs pays d'Afrique, ayant des dépôts d'empreintes digitales, notamment en Libye, en Tunisie, en Egypte et au Maroc. Il a confirmé avoir également déposé ses empreintes en Algérie. Il ne savait pas pourquoi les autorités algériennes l'avaient reconnu comme étant un de leurs ressortissants. Il n'avait jamais eu de domicile fixe à Genève. Il n'avait pas de revenu et vivait de l'aide sociale. Il n'était pas d'accord de partir sur le vol du 9 octobre 2024 sur lequel une place lui avait été réservée. Il souhaitait partir en Suède car il y avait des amis. Il y ferait une demande d'asile.
Sur question de son conseil, il a confirmé qu'il n'était pas en bonne santé, contrairement à ce qu'il avait déclaré à la police le 20 septembre 2024. Il avait des problèmes à la hanche, aux poumons et aux dents. Il prenait actuellement du Tramadol et un médicament pour le stress. Il avait une prothèse à la hanche et trois vis qui étaient douloureuses, depuis 2021.
Encore sur question de son conseil, lors de son audition par les autorités algériennes, ces dernières lui avaient demandé de quitter la pièce car elles ne le reconnaissaient pas.
Le représentant du commissaire de police a confirmé que M. A______ était en détention, soit administrative, soit pénale, depuis le 8 novembre 2023. Il a déposé copie de la demande de laissez-passer faite par le SEM le 20 septembre 2024 aux autorités algériennes pour la date du 9 octobre 2024, pour un vol avec escorte policière.
Sur questions du conseil de l'intéressé, le représentant du commissaire de police a indiqué que le rapport médical mentionné en page 2 de la pièce 5 était celui qui avait dû être établi par le service médical de Champ-Dollon et transmis à l'OSEARA afin qu'il se positionne sur l'aptitude au vol de l'intéressé. Il pouvait transmettre une copie de ce rapport par courriel. Il a confirmé que les autorités algériennes n'avaient pas délivré à temps un laissez-passer en mai 2024, raison pour laquelle il avait fallu annuler un vol avec escorte policière. L'autorité suivait les indications du consulat d'Algérie en vue d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer et était confiante sur le résultat.
Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à ce que la durée de la détention soit limitée au 9 octobre 2024.
35. Le représentant du commissaire de police a transmis au tribunal, par courriel du 23 septembre 2024, le rapport médical auquel il avait fait référence durant l'audience.
36. Le conseil de l'intéressé a renoncé à formuler des observations sur ce rapport dans le délai qui lui avait été octroyé.
37. Par jugement du 24 septembre 2024 (JTAPI/949/2024), le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative du commissaire de police pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 19 novembre 2024 inclus.
38. Le 13 septembre 2024, le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) a informé le commissaire de police que les autorités algériennes étaient prêtes à délivrer un laissez-passer et qu'un vol pouvait être réservé.
39. Le 9 octobre 2024, le laissez-passer de l'intéressé n'ayant finalement pas pu être délivré pour des raisons médicales, le SEM demandait à la Brigade migration et retour (BMR) d'annuler le vol avec escorte policière (DEPA) à destination de l'Algérie.
40. Le 4 novembre 2024, le SEM a confirmé au commissaire de police que le laissez-passer de M. A______ était toujours bloqué et qu'aucune nouvelle n'avait été reçu de la part des autorités algériennes.
41. Par requête motivée du 7 novembre 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.
42. Devant le tribunal, lors de l'audience du 14 novembre 2024, M. A______ a souligné qu'il s'agissait de la deuxième fois que les autorités algériennes bloquaient la délivrance d'un laissez-passer en sa faveur. Il n'avait pas idée des raisons pour lesquelles cela était arrivé.
Sur question du tribunal, son dernier contact avec les autorités algériennes remontait à environ six mois, lorsqu'on l'avait amené pour les rencontrer depuis la prison de Champ-Dollon. Depuis lors, il n'avait eu aucun contact, bien qu'il avait essayé téléphoniquement depuis FAVRA mais sans succès. Il souhaitait rappeler ses problèmes médicaux, en particulier ceux qui concernaient les séquelles d'une agression qu'il avait subie et qui affectaient sa hanche. Il souhaiterait pouvoir continuer ses traitements en Suisse mais si sa présence dans ce pays n'était plus admise, il s'engageait à le quitter dans les 24 heures s'il était remis en liberté.
Le conseil de M. A______ a remis au tribunal un chargé de pièces comportant notamment une copie du passeport libyen de son mandant au nom de M. B______, document qui avait déjà été produit dans le cadre du recours qui avait donné lieu à l'ATA/1288/2023.
A ce sujet, M. A______ a expliqué, sur question du tribunal, qu'il avait perdu l'original du passeport il y a très longtemps et que déjà lorsqu'il avait quitté la Tunisie pour se rendre en Europe, il ne disposait plus que d'une photographie de son passeport sur son téléphone. C'était cette photographie qui faisait l'objet de la pièce 1 déposée par son conseil aujourd'hui.
Sur question de son conseil, il a expliqué que sa situation de santé s'était péjorée depuis sa dernière audition par le tribunal car avec le retour du froid il souffrait davantage de sa hanche.
Sur question du tribunal, la représentante du commissaire de police a indiqué qu'elle ne savait pas si des documents médicaux avaient pu être transmis par le SEM au consulat d'Algérie. Elle a relevé que si M. A______ se montrait plus collaborant et souhaitait retourner dans son pays, il n'y aurait aucun problème pour que son retour puisse avoir lieu à brève échéance. A ce jour, l'autorité cantonale n'avait reçu aucune nouvelle récente du SEM.
La représentante du commissaire de police a plaidé et conclu à la prolongation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois.
M. A______, par la voix de son conseil, a plaidé et conclu à l'annulation de la prolongation de l'ordre de mise en détention administrative et à sa libération immédiate, subsidiairement à une réduction de la prolongation de la détention de telle sorte que sa durée n'aille pas au-delà du 3 janvier 2025, ce qui correspondrait à une durée totale de détention administrative de six mois.
43. Par jugement du 14 novembre 2024 (JTAPI/1135/2024) le tribunal a admis partiellement la demande de prolongation pour une durée réduite à un mois, soit jusqu’au 18 décembre 2024 inclus.
44. Le 18 novembre 2024, l’OCPM a soumis au SEM une série de questions visant à éclaircir les raisons du refus des autorités algériennes à délivrer un laissez-passer, en particulier s'agissant des problèmes médicaux invoqués par l'intéressé.
45. Le 5 décembre 2024, le SEM a partiellement répondu aux questions formulées par l'OCPM citées supra. Le Consul Adjoint d'Algérie a indiqué qu'il examinerait le dossier afin de fournir au SEM plus d'informations, dans le courant de la semaine n°50.
46. Par requête du 6 décembre 2024, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 17 mars 2025 inclus.
47. Lors de l’audience de ce jour devant le tribunal, la représentante de l’OCPM a déclaré, sur question du conseil de M. A______ en référence à la pièce n° 7 de l’OCPM, qu’elle ignorait quel était le contenu du paragraphe caviardé juste avant les salutations d’usage. Sur question du tribunal, il était possible que l’OCPM fasse parvenir au tribunal, sous couvert du secret, une version intégrale de la pièce n°7. Sur question du conseil de M. A______, le savoir pour quelles raisons ce dernier avait été déplacé de Favra à Frambois puis pendant pratiquement un mois à Zurich, il s’agissait simplement d’une question de places dans le canton de Genève. C’était leur hiérarchie qui prenait ce genre de décision. Sur question du conseil de M. A______, qu’ils étaient satisfaits ou non au niveau du canton des réponses apportées au SEM par les autorités algériennes, ils n’avaient aucune prise là-dessus. Sur question du tribunal de savoir combien de personnes ressortissantes d’Algérie étaient détenues pour le canton de Genève, elle ne le savait pas exactement, étant précisé que ces données étaient régulièrement actualisées. Sur question du tribunal de savoir si elle avait eu connaissance d’une situation similaire à celle de M. A______, c’est-à-dire impliquant une difficulté à obtenir des explications des autorités algériennes, elle avait eu récemment une situation semblable où la personne avait signalé elle-même ses problèmes de santé au consulat, ce qui avait entraîné le blocage du laissez-passer. Néanmoins, au bout d’une détention totale d’environ cinq ou six mois selon son souvenir, les autorités algériennes avaient soudain débloqué le laissez-passer.
M. A______ a déclaré sur question du tribunal, que lui-même n’avait plus eu de contact avec le consulat d’Algérie depuis environ six mois.
Sur question de son conseil de savoir comment il allait, il allait bien.
Sur question de savoir comment il avait vécu son transfert à Zurich, la détention restait de la détention mais le plus dur c’était la barrière de la langue. Il était prévu qu’il doive retourner à Zurich.
Sur question de la représentante de l’OCPM de savoir quel avait été le contenu de l’entretien qu’il avait eu six mois auparavant avec la représentation de son pays, il a expliqué qu’il s’était rendu à Berne et qu’il avait indiqué qu’il avait eu un accident à la hanche et qu’il voulait rester en Suisse. Il avait été battu par un ressortissant suisse et il ne savait pas où en était l’affaire, alors qu’il avait déposé plainte.
La représentante de l’OCPM a conclu à la confirmation de la prolongation de l’ordre de mise en détention pour une durée de trois mois.
Le conseil de M. A______ a conclu au refus de la demande de prolongation de l’ordre de mise en détention et à la levée immédiate de la détention.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).
3. En l'occurrence, le 6 décembre 2024, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.
4. Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.
5. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).
6. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Concrètement, dans ces deux circonstances, la détention administrative peut donc atteindre dix-huit mois (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 8.1).
7. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).
8. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).
9. Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune démarche n'est accomplie en vue de l'exécution du refoulement par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l'intéressé lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 7a).
10. Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention. La détention doit en particulier être levée, selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, si le motif de la détention n'existe plus ou si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ou qu'elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l'art. 83 al. 1 à 4 LEI (cf. ATA/92/2017 du 3 février 2017 consid. 5a ; ATA/1173/2015 du 30 octobre 2015 consid. 5b).
11. La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 et les arrêts cités; arrêts 2C_955/2020 précité consid. 5.1 et l'arrêt cité). Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes ("triftige Gründe"), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). Tel est par exemple le cas lorsqu'un Etat refuse explicitement, ou du moins de manière clairement reconnaissable et cohérente, de reprendre certains de ses ressortissants (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.3; 125 II 217 consid. 2 et la référence et l'arrêt cités; arrêts 2C_768/2020 du 21 octobre 2020 consid. 5.1; 2C_473/2010 du 25 juin 2010 consid. 4.1). Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts 2C_955/2020 précité consid. 5.1; 2C_635/2020 précité consid. 6.1; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 et les arrêts cités). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.3; arrêts 2C_955/2020 précité consid. 5.1; 2C_597/2020 précité consid. 4.1).
Savoir si un renvoi, exclu au moment où l'autorité de la détention statue, est possible dans un délai prévisible et donc réalisable, suppose que l'autorité ou le juge dispose d'indications suffisamment concrètes à ce sujet, indications qui sont en particulier fournies par le Secrétariat d'Etat aux migrations (cf. arrêt 2C_597/2020 précité consid. 4.1 et les nombreux arrêts cités). A défaut, force est d'admettre qu'il n'y a pas de perspective sérieuse d'exécution de la décision de renvoi et le détenu doit être libéré. La vague possibilité que l'obstacle au renvoi puisse être levé dans un avenir prévisible ne suffit pas à justifier le maintien en détention (cf. ATF 125 II 217 consid. 3b/bb; arrêt 2C_955/2020 précité consid. 5.1 et les arrêts cités).
12. En application des principes rappelés ci-dessus le Tribunal fédéral s’est penché dans un arrêt du 7 juillet 2022 (2C_468/2022) sur la situation d’un ressortissant de Cuba dont les autorités de ce pays avaient indiqué qu’il ne remplissait pas les conditions de la législation cubaine pour pouvoir retourner dans son pays. Contrairement à la Chambre administrative de la Cour de justice qui avait retenu les allégations du SEM indiquant être prêt à intervenir dans les meilleurs délais auprès de l’Ambassade de Cuba afin de trouver une issue favorable en vue du retour de l’intéressé dans son pays, le refus des autorités de Cuba d’admettre le retour de la personne concernée était clairement reconnaissable et ne pouvait qu’aboutir au constat de l’impossibilité du renvoi du détenu dans son pays d’origine. L’intention du SEM d’intervenir « dans les meilleurs délais » afin de « faciliter » le retour de l’intéressé était une indication trop vague sous l’angle de la prévisibilité du délai d’exécution de la mesure d’éloignement. L’exécution du renvoi n’apparaissait pas non plus certaine ou même plausible du fait de cette intervention.
13. Dans le cas d'espèce, le tribunal avait constaté dans son jugement du 14 novembre 2024, que les circonstances avaient évolué défavorablement du point de vue de la perspective du renvoi de M. A______, puisqu'il s'était écoulé près d'un mois et demi depuis que les autorités consulaires algériennes avaient informé le SEM qu'elles refusaient la délivrance d'un laissez-passer et qu’on en ignorait les raisons précises. Néanmoins, le tribunal ne pouvait pas d’ores et déjà constater une impossibilité du renvoi, ce qui paraissait prématuré. Depuis lors, selon les échanges de courriels intervenus entre l’autorité cantonale et fédérale les 18 novembre 2024 puis 12 et 16 décembre 2024, on ignore toujours les raisons précises pour lesquelles le consulat d’Algérie continue à bloquer la délivrance d’un laissez-passer, même s’il semble, de manière assez générale, que ce soit pour des motifs d’ordre médicaux. Il convient à cet égard de souligner que les autorités suisses ne sont nullement responsables de cette situation et que l’ambiguïté sur la possibilité d’exécuter le renvoi de M. A______ découle uniquement de la communication peu claire des autorités algériennes. La question qui se pose sous cet angle est de savoir si l’on est d’ores et déjà dans une situation comparable à celle du ressortissant cubain sur lequel avait porté l’examen du Tribunal fédéral, dans l’arrêt mentionné plus haut. En d’autres termes, il faut se demander si la perspective du renvoi de M. A______ est tellement compromise qu’elle peut déjà être considérée à ce stade comme impossible. Tel n’est cependant pas le cas, compte tenu de la durée de détention relativement courte qui s’est écoulée depuis le retour de M. A______ en détention administrative le 20 septembre 2024. Il n’est pas improbable à ce stade que l’on se retrouve dans un laps de temps raisonnable dans la même situation que celle évoquée par la représentante de l’OCPM à l’audience de ce jour, où le simple écoulement du temps avait conduit les autorités algériennes à débloquer la délivrance d’un laissez-passer au bout de cinq ou six mois environ.
Dans ces conditions, nonobstant le flou qui entoure la position du Consulat d’Algérie, il apparaît prématuré d’envisager un refus de prolonger la détention. Celle-ci sera par conséquent prolongée, mais pour une durée de deux mois, étant donné que la particularité du cas justifie un contrôle judiciaire relativement rapproché afin d’évaluer l’évolution de la situation.
14. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 6 décembre 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations ;
2. prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 17 février 2025 inclus ;
3. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.
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Genève, le |
| Le greffier |