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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/368/2024

JTAPI/946/2024 du 23.09.2024 ( OCPM ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/368/2024

JTAPI/946/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 septembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Madame Melody BABECOFF, curatrice auprès du service de protection de l'adulte

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1999, est ressortissante camerounaise. Une curatelle de représentation et de gestion en sa faveur a été instaurée depuis le 14 décembre 2020.

2.             Par décision du 14 décembre 2023, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a adressé à l'intéressée un avertissement en application de l'art. 96 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Elle était au bénéfice de prestations sociales au sens de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) depuis le 1er mars 2018, pour un montant de plus de CHF 126'388.-. Ses conditions de séjour seraient à nouveau examinées à l'échéance de son permis. Dans l'hypothèse où elle dépendrait toujours de l'assistance sociale, son autorisation d'établissement pourrait être révoquée, conformément à l'art. 63 let. C LEI.

3.             Par acte du 1er février 2024, sous la plume de sa curatrice, Mme A______ a formé recours contre cette décision, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à l'octroi du renouvellement de son permis C, sous suite de frais.

Elle était arrivée en Suisse le 22 mai 2010, alors âgée de onze ans, pour rejoindre sa mère et ses trois frères. Elle parlait couramment le français et avait effectué sa scolarité jusqu'à la deuxième année du cycle. Dès l'âge de treize ans, elle avait souffert de troubles de comportement et avait été placée en foyer. Sa situation s'était ainsi fortement détériorée. Elle avait fait l'objet de plusieurs condamnations pénales et était actuellement détenue. Elle était au bénéfice de prestations de l'aide sociale depuis le 1er mars 2018, pour un montant total de CHF 126'388.- (c.f. attestation du 30 avril 2024). Le dépôt d'une demande de rente invalidité était en cours d'évaluation et serait vraisemblablement déposée dès sa sortie de prison. Elle était sans activité lucrative mais mettait désormais tout en œuvre pour pouvoir se réintégrer. Elle regrettait que l'Hospice général (ci-après : l'hospice) ne lui ait jamais proposé de stage ou de formation. Les raisons pour lesquelles elle se trouvait dépendante de l'aide sociale ne lui étaient pas imputables. D'après une expertise médicale, elle souffrait de consommation d'alcool nocive et d'un trouble de la personnalité. Elle ne pouvait ainsi pas subvenir à ses propres moyens. Elle souffrait d'un handicap psychique l'empêchant d'accéder à une autonomie financière. Au vu de ses condamnations pénales et de son manque de formation, les employeurs étaient frileux à l'idée de l'engager. Elle ne se trouvait pas dans une situation identique à celle d'une personne saine du même âge. Les exigences financières comme critère d'intégration ne pouvaient donc pas s'appliquer aux même conditions qu'une personne ne souffrant pas de troubles psychiques. En rendant la décision litigieuse, l'OCPM avait désavantagé une personne se trouvant en situation de handicap. Cette décision était d'ailleurs constitutive d'une discrimination fondée sur le handicap, en violation de l'art. 8 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). La possibilité de réintégration dans son pays d'origine était inexistante. Sa famille vivait en Suisse et elle nécessitait du suivi du SPAd et de soins thérapeutiques prodigués par le réseau médical genevois.

4.             Dans ses observations du 3 avril 2024, l'OCPM a relevé que la recourante était toujours en possession de son permis C. Elle avait été prise en charge par l'hospice du 1er février 2018 au 30 septembre 2020 et du 1er juillet 2021 au 30 novembre 2023 et avait perçu plus de CHF 126'400.-. Dès lors, un motif de révocation au sens de l'art. 63 al. 1 let. c LEI était réalisé. Aucun certificat médical attestant d'une incapacité de travail n'avait été versé à la procédure. La cause de la dépendance à l'aide sociale et la question de savoir si la personne concernée est fautive ne relevaient pas des motifs de l'art. 63 al. 1 let. c LEI mais de l'examen de la proportionnalité. Un simple avertissement en vertu de l'art. 96 al. 2 LEI avait été prononcé, considérant, que sous l'angle du principe de la proportionnalité, une mesure de révocation n'était en l'état, pas adéquate. Cet avis comminatoire visait à attirer l'attention de la recourante sur le caractère problématique de son comportement. Dans la mesure où cette dernière remplissait la condition objective de l'art. 63 al. 1 let. C LEI de révocation de son autorisation d'établissement, la décision contestée était justifiée et conforme au droit.

5.             Par réplique du 30 avril 2024, Mme A______ n'a pas formulé d'observations et s'en est rapportée à justice.

6.             Elle a recouvré la liberté le 17 mai 2024.

7.             Selon l'extrait de son casier judiciaire du 11 décembre 2023, l'intéressée a été condamnée à trois reprises entre le 21 octobre 2019 et le 23 août 2021, essentiellement pour des infractions aux lois fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (LArm – RS 514.54), vol, violation de domicile, lésions corporelles et menaces.

Selon le système informatique interne du pouvoir judiciaire, elle a également été condamnée le 11 octobre 2023, pour brigandage, agression, contrainte et lésions corporelles notamment, à une peine privative de liberté de 21 mois, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à CHF 30.-, et à une amende de CHF 500.-.

8.             Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit », en tant que de besoin.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             L’admission de la qualité pour recourir ne signifie pas encore que toutes les conclusions respectivement les griefs formulés par la recourante soient recevables.

4.             En effet, sous peine d’être irrecevable, une conclusion ne peut être exorbitante à l’objet du litige (ATA/195/2022 du 22 février 2022 consid. 3). Cet objet est défini principalement par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1367/2023 du 19 décembre 2023 consid. 4.8).

5.             En l’espèce, l’objet du litige porte exclusivement sur l’avertissement prononcé à l'encontre de Mme A______ le 14 décembre 2023. La conclusion tendant à l'octroi du renouvellement de son permis C est exorbitante à l’objet de la décision entreprise et, partant, irrecevable.

6.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

7.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

8.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

9.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants camerounais.

10.         Selon l'art. 63 al. 1 let. c LEI, l'autorisation d'établissement peut être révoquée lorsqu'un étranger ou une personne dont il a la charge dépend durablement et dans une large mesure de l'aide sociale.

11.         La révocation ou le non-renouvellement de l'autorisation de séjour d'un étranger pour des raisons de dépendance à l'aide sociale suppose qu'il existe un risque concret d'une telle dépendance. De simples préoccupations financières ne suffisent pas. Pour évaluer ce risque, il faut non seulement tenir compte des circonstances actuelles, mais aussi considérer l'évolution financière probable à plus long terme, compte tenu des capacités financières de tous les membres de la famille (ATF 137 I 351 consid. 3.9 ; 122 II 1 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_633/2018 du 13 février 2019 consid. 6.2). Une révocation entre en considération lorsqu'une personne a reçu des aides financières élevées et qu'on ne peut s'attendre à ce qu'elle puisse pourvoir à son entretien dans le futur. À la différence de l'art. 63 al. 1 let. c LEI, qui concerne les autorisations d'établissement, l'art. 62 al. 1 let. e LEI ne prévoit pas que la personne dépende « durablement et dans une large mesure » de l'aide sociale (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_752/2019 du 27 septembre 2019 consid. 8.2.2 ; 2C_633/2018 du 13 février 2019 consid. 6.2 ; 2C_184/2018 du 16 août 2018 consid. 2.3 ; 2C_923/2017 du 3 juillet 2018 consid. 4.2 ; 2C_834/2016 du 31 juillet 2017 consid. 2.1 ; 2C_780/2013 du 2 mai 2014 consid. 3.3.1 ; 2C_1228/2012 du 20 juin 2013 consid. 2.3).

12.         Les causes de ladite dépendance, ainsi que la question de savoir si et dans quelle mesure la personne concernée est dépendante de l’aide sociale de par sa propre responsabilité et/ou faute relèvent non de la condition de l’art. 62 al. 1 let. e LEI, mais du principe de la proportionnalité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_263/2016 du 10 novembre 2016 consid. 3.2).

13.         Une période de deux ou trois ans constitue en principe la durée minimale à partir de laquelle il peut être admis que l'autorité disposera de suffisamment de recul pour apprécier ou non le caractère durable et important de la dépendance de l'étranger de l'aide sociale (cf. ATF 119 Ib 1 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2011 du 22 juillet 2011 consid. 6.2.4).

14.         Pour apprécier si une personne se trouve dans une large mesure à la charge de l'aide sociale, il faut tenir compte du montant total des prestations déjà versées à ce titre (arrêts du Tribunal fédéral 2C_268/2011 du 22 juillet 2011 consid. 6.2.3 ; 2C_210/2007 du 5 septembre 2007 consid. 3.1).

15.         Le Tribunal fédéral a par exemple jugé que les critères de l'importance et du caractère durable de la dépendance à l'aide sociale étaient réunis dans les cas d'un recourant ayant perçu un montant de CHF 143'361.- sur douze ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2011 du 22 juillet 2011 consid. 6.2.4), d'une famille de cinq personnes ayant perçu plus de CHF 210'000.- d'aide sociale sur une période d'environ onze ans (arrêt du Tribunal fédéral 2A.692/2006 du 1er février 2007 consid. 3.2.1), d'un recourant à qui plus de CHF 96'000.- avaient été alloués sur neuf années (ATF 123 II 529 consid. 4), d'un couple assisté à hauteur de CHF 80'000.- sur une durée de cinq ans et demi (ATF 119 Ib 1 consid. 3a) et d'un couple ayant obtenu CHF 50'000.- en l'espace de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2008 du 9 avril 2009 consid. 3.3).

16.         L'extinction d'un droit à une autorisation de séjour en raison d'un motif de révocation doit néanmoins être proportionnée (ATF 135 II 377 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_633/2018 du 13 février 2019 consid. 7.1). L'examen de la proportionnalité de la mesure sous l'angle de l’art. 5 al. 2 Cst. et, plus spécifiquement, de l’art. 96 al. 1 LEI, qui stipule que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration, se confond avec celui commandé par l'art. 8 par. 2 CEDH (cf. ATF 140 I 145 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_452/2019 du 30 septembre 2019 consid. 6 ; 2C_158/2019 du 12 avril 2019 consid. 5.2 ; 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 6.1 et les références ; cf. infra).

17.         Lors de l'examen de la proportionnalité, les éléments à considérer sont la responsabilité et la faute de la personne concernée quant à sa dépendance à l'aide sociale, la durée de cette dépendance, la durée de son séjour en Suisse et le degré de son intégration, ainsi que, le cas échéant, celui de sa famille. Les inconvénients de la révocation de l'autorisation pour l'étranger doivent également être évalués (ATF 139 I 145 consid. 2.4 ; ATF 139 II 121 consid. 6.5.1 ; 135 II 377 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_633/2018 du 13 février 2019 consid. 7.1 ; 2C_492/2018 du 9 août 2018 consid. 4.2 ; 2C_120/2015 du 2 février 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités). L'intérêt public à la révocation (ou au non-renouvellement) du titre de séjour d'étrangers dépendant de l'aide sociale consiste avant tout à éviter que l'étranger ne continue d'être à la charge de la collectivité publique à l'avenir (arrêts du Tribunal fédéral 2C_633/2018 du 13 février 2019 consid. 7.1 ; 2C_953/2018 du 23 janvier 2019 consid. 3.1).

18.         La durée du séjour en Suisse d'un étranger constitue un critère très important ; plus cette durée est longue, plus les conditions pour prononcer le renvoi doivent être appréciées restrictivement (cf. ATF 135 II 377 consid. 4.4 et 4.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_452/2019 du 30 septembre 2019 consid. 6.1 ; 2C_970/2017 du 7 mars 2018 consid. 4.1).

19.         Le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 135 I 153 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 3.1). Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue, en vertu de cette disposition, un droit d'entrée et de séjour (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 138 I 246 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 3.1).

20.         En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante a été dépendante de l'aide sociale de manière continue, durant environ cinq ans, entre 2018 et 2023, hormis pendant des périodes d'incarcération, et qu'elle a perçu à ce titre, des prestations pour un montant total d'environ 126'400.-. Sans formation ni activité lucrative, ses perspectives en matière d'indépendance financière ne sont pas favorables. Sous l’angle du principe de la proportionnalité, le défaut d'intégration de la recourante dès lors qu'elle a été fortement dépendante de l'aide sociale et qu'elle a commis des crimes et délits graves sur une courte période, relativise fortement le nombre des années qu’elle a passées en Suisse et pèse fortement en sa défaveur. Elle n'a versé aucune pièce démontrant sa volonté de trouver un emploi ni qu'elle serait empêchée de travailler pour des raisons médicales. En l’absence de signes encourageants permettant que l’on s’attende à une modification de sa situation, c'est à bon droit que l’OCPM a estimé que le motif de révocation de l'art. 62 al. 1 let. e LEI était donné.

21.         À teneur de l'art. 96 al. 2 LEI, lorsqu'une mesure serait justifiée, mais qu'elle n'est pas adéquate, l'autorité compétente peut donner un simple avertissement à la personne concernée en lui adressant un avis comminatoire.

22.         Cette disposition, qui n'a pas un caractère obligatoire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_146/2020 du 24 avril 2020 consid. 12), implique que la mesure - en l'occurrence la révocation de l'autorisation d'établissement du recourant - soit justifiée, mais permet à l'autorité d'y renoncer au profit d'un avertissement, pour des motifs liés à la seule proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2014 du 22 août 2014 consid. 3). Cela permet donc à l'autorité de constater un comportement inadéquat et d'exiger de lui une certaine conduite (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_114/2012 du 26 mars 2013 consid. 1.1).

23.         Afin de respecter le principe de proportionnalité, l'avertissement est ainsi généralement rendu lorsque la mesure principale n'est pas encore adéquate, mais qu'elle pourrait l'être si la personne concernée ne modifie pas son comportement. Il doit être rendu sous forme de décision écrite et motivée (cf. Benjamin SCHINDLER,  in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], 2010, n. 19 ad art. 96 ss p. 887 ss ; cf. aussi Olivier BICLER/Yanick BUSSY, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, Volume II : Loi sur les étrangers, 2017, n. 42 ss p. 1050 s.)

24.         Cette mesure empiète sur le statut juridique de la personne concernée, dans la mesure où elle affaiblit son droit de séjour, car elle pourra être prise en compte lors de prochaines décisions relevant du droit des étrangers (arrêt du Tribunal fédéral 2C_114/2012 du 26 mars 2013 consid. 1.1). Il s'agit d'une mesure autonome de droit des étrangers, qui clôt la procédure avec des conséquences moins drastiques que la révocation ou la non-prolongation de l'autorisation, et constitue une décision finale, susceptible de recours (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_114/2012 du 26 mars 2013 consid. 1.1).

25.         Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation des droits individuels allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 144 II 16 consid. 2.2 ; 142 I 76 consid. 3.5.1 ; 142 I 49 consid. 9.1 ; 140 I 218 consid. 6.7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_88/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.3 ; 2C_206/2017 du 23 février 2018 consid. 8.3).

26.         In casu, bien que les conditions d'une révocation soient réunies, l'OCPM a renoncé au prononcé d'une telle mesure. Tout en acceptant de renouveler l'autorisation d'établissement de la recourante et en application du principe de la proportionnalité, il lui a néanmoins adressé un avertissement, de façon, précisément, à l'inciter à prendre des mesures afin de modifier sa situation et la prévenir des conséquences juridiques auxquelles elle pourrait être confrontée si son déficit d'intégration devait perdurer. Compte tenu de la situation personnelle et familiale de la recourante, cette mesure ne prête pas le flanc à la critique.

27.         Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

28.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

29.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 14 décembre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier