Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/3656/2023

JTAPI/665/2024 du 28.06.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3656/2023

JTAPI/665/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Yves PIANTINO, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le______ 1969, est ressortissant du Kosovo.

2.             En 2005, il a connu au Kosovo Madame B______, née le ______ 1951, originaire de l’ex-Yougoslavie et résidant dans le canton de Genève au bénéfice d’une autorisation d’établissement, qu’il a épousée à C______ le ______ 2007.

Il a dès lors reçu une autorisation de séjour en Suisse dans le cadre du regroupement familial, avec effet dès le ______ 2007.

3.             Suite à leur séparation, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM ; à l’époque office cantonal de la population) a, par décision du 21 novembre 2011, refusé de renouveler son autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse.

4.             Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal ; JTAPI/1082/2012 du 11 septembre 2012) et par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative ; ATA/810/2013 du 10 décembre 2013).

La chambre administrative a notamment retenu que M. A______ ne pouvait se prévaloir de raisons personnelles majeures au sens de l’art. 50 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr).

5.             M. A______ a été refoulé par avion à destination du Kosovo le 26 mai 2016, après avoir été mis en détention administrative.

6.             Le 27 décembre 2018, par le biais de son mandataire, M. A______ a déposé une demande de régularisation de ses conditions de séjour auprès de l’OCPM, requérant que celle-ci soit faite sous l’angle de l’opération Papyrus.

Il a produit diverses pièces à l’appui de sa demande, dont un extrait de son compte individuel AVS dont il résulte notamment qu’il a travaillé durant le mois de novembre 2016.

7.             Après avoir instruit cette demande, l’OCPM a informé M. A______, par courrier du 3 décembre 2019, qu’il était disposé à faire droit à sa demande. Sa décision d’octroi d’un titre de séjour en sa faveur étant soumise à l’approbation du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), dont la décision était réservée.

8.             Le 6 novembre 2020, le SEM a retourné le dossier pour nouvel examen à l’OCPM.

Si M. A______ était revenu en Suisse en 2016, il n’avait que quatre ans de séjour. En outre, malgré ses dettes, le dossier ne contenait aucun plan de remboursement. Son dossier ne pouvait donc être traité sous l’angle de l’opération Papyrus.

9.             Le 22 novembre 2021, M. A______ a été interpellé par la police vaudoise, dénoncé par un inspecteur des chantiers de la construction. Lors de son audition, il a déclaré penser pouvoir travailler dans toute la Suisse, pouvant le faire à Genève. Il était dans l’attente d’une réponse du SEM.

10.         Par ordonnance pénale du 26 novembre 2021, le Ministère public de l’arrondis-sement de l’Est Vaudois l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, avec sursis de deux ans, et à une amende de CHF 300.- pour infraction à l’art. 115 al. 1 let. c LEI.

11.         Le 21 juin 2023, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande du 27 décembre 2018 et ainsi de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM. Il lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir ses observations écrites.

12.         M. A______ s’est déterminé le 21 août 2023.

13.         Par décision du 4 octobre 2023, l’OCPM a refusé d’accéder à la demande du 27 décembre 2018 de M. A______ et de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM. Il a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 4 janvier 2024 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Il avait quitté la Suisse le 26 mai 2016, étant précisé que la chambre administrative avait estimé qu’il ne pouvait pas se prévaloir d’un cas de rigueur. Sa situation ne répondait pas aux critères de l’opération Papyrus ni aux critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité au sens des articles 30 al. 1 let. b LEI, notamment un séjour prouvé et continu de dix ans minimum à Genève pour une personne sans enfants scolarisés. Il était revenu en Suisse courant 2016 et ne comptabilisait que deux années de présence au moment du dépôt de la demande et sept années à ce jour. Ces années vécues en toute illégalité et faisant fi de la décision du 21 novembre 2011 ne sauraient être récompensées. Il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, faisant l’objet de poursuites pour un montant de CHF 12’613,60, sans qu’aucun plan de remboursement n’ait été mis en place, et sa persistance à se soustraire à ses décisions ne démontraient pas un comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait enfin pas démontré qu’une réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Comme relevé par la chambre administrative dans son arrêt du 10 décembre 2013, la durée des séjours en Suisse, certes importante, ne démontrait pas à elle seule qu’il y avait créé des attaches à ce point profondes et durables qu’un retour au Kosovo le placerait dans une situation extrême. Il y était d’ailleurs retourné entre les années 2000 et 2007, avait obtenu de nombreux visas de retour et sa famille y résidait toujours.

14.         Par acte du 6 novembre 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit qu’il remplissait les conditions légales d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité et qu’il soit ordonné à l’OCPM de soumettre favorablement sa demande d’autorisation de séjour au SEM.

Il avait séjourné en Suisse de 1990 à 1999, puis dès 2008. Même si son séjour avait été interrompu fin mai 2016 lorsqu’il avait été renvoyé au Kosovo, il y avait lieu de tenir compte de ses 25 années passées en Suisse, une durée particulièrement longue.

Il y avait toujours travaillé en tant que peintre en bâtiment - à l’heure actuelle par le biais de D______ SA - et il percevait un salaire mensuel variable, de l’ordre de CHF 4’200.-. Il ne faisait pas l’objet de condamnations pénales et n’était pas aidé financièrement par l’Hospice général. Il n’avait qu’une seule poursuite à son encontre, d’un montant initial de CHF 10’613,05 mais dont le solde à ce jour était de CHF 9’886,40, en capital, intérêts et frais, suite au versement d’un acompte de CHF 1200.- en date du 24 octobre dernier. Ainsi, ses dettes étaient à ce jour inférieures au montant maximal de CHF 10’000.- qui était toléré pour les poursuites et il avait fait l’effort ces derniers mois de réduire ses dettes dans la mesure de ses possibilités financières.

Son intégration était supérieure à celle de la moyenne des étrangers dans une situation similaire. En effet, il parlait le français, était bien intégré dans la vie de la Cité, où il possédait de nombreux amis, et avait créé des liens sociaux étroits ; ses amis vivaient en Suisse. Son comportement en Suisse avait été exempt de tout reproche, son casier étant vierge. Il n’avait jamais été au bénéfice de l’aide sociale et n’avait plus d’attaches particulières avec le Kosovo, où il lui serait très difficile de s’intégrer à nouveau. Il avait mené sa vie d’adulte hors du Kosovo et les chances de trouver un emploi en cas de retour forcé seraient limitées ; il n’y connaissait plus personne de son âge et aurait de la peine à se réinsérer socialement et professionnellement, étant rappelé qu’il se trouvait déjà en Suisse à l’âge de 21 ans.

Sans autre explication depuis son courrier du 3 décembre 2019 où il avait indiqué être disposé à faire droit à sa requête, l’OCPM l’avait informé de son intention de refuser sa régularisation et de prononcer son renvoi de Suisse. Il avait fourni des preuves et éléments supplémentaires dans sa détermination du 21 août 2023, dont notamment ses bulletins de salaire des mois de mars, mai, juin et juillet 2023, un extrait du compte individuel AVS, un extrait du registre des poursuites du 30 juin 2023. Afin de pouvoir valablement exercer son droit d’être entendu, il avait notamment interpellé l’OCPM sur le fait que ce dernier ne lui avait pas expliqué pourquoi les « conditions susmentionnées » (critères PAPYRUS) ne seraient plus remplies alors qu’elles l’étaient en décembre 2019. Il avait requis qu’un nouveau délai pour se déterminer après réception du ou des nouveaux motifs de refus lui soit accordé. En guise de réponse, l’OCPM avait notifié la décision querellée.

15.         Dans ses observations du 8 avril [recte : janvier] 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Le séjour effectué entre 2007 et 2011 au bénéfice d’une autorisation de séjour (obtenue dans le cadre du regroupement familial) ne saurait être comptabilisé pour obtenir un titre de séjour sous l’angle du programme Papyrus. Pour rappel, celui-ci avait pour but de régulariser les personnes « sans-papiers ». De même, la période comprise entre le 10 décembre 2013 et le 26 mai 2016, date du refoulement vers le Kosovo, ne saurait être retenue dès lors qu’elle s’était déroulée illégalement, le prénommé n’ayant pas respecté la décision de renvoi dont il faisait l’objet.

16.         Par réplique du 8 février 2024, le recourant a persisté de ses conclusions.

Sa demande de régularisation du 27 décembre 2018 avait fait l’objet d’un préavis favorable de l’OCPM, ce qui signifiait que celui-ci estimait à cette date que les critères Papyrus étaient remplis, et notamment le calcul de la période de séjour de dix ans. L’OCPM ne pouvait pas, sans violer les règles de la bonne foi et son droit d’être entendu, changer son analyse des faits, omettre de lui expliquer les motifs du revirement et ne pas lui laisser l’occasion de s’exprimer à leur sujet.

L’allégation selon laquelle le « séjour effectué entre 2007 et 2011 au bénéfice d’une autorisation de séjour (obtenue dans le cadre du regroupement familial) ne saurait être comptabilisé pour obtenir un titre de séjour sous l’angle du programme Papyrus » était contestée. De plus, en toute logique, si le but de l’opération Papyrus était de régulariser le séjour des « sans-papiers », une période partielle de séjour au bénéfice d’une autorisation ne pouvait que légitimer la démarche, et non la défavoriser.

L’OCPM se contredisait lorsqu’il retenait que la période comprise entre le 10 décembre 2013 et le 26 mai 2016 ne saurait être retenue dès lors qu’elle s’est déroulée illégalement. En effet, dans un premier temps, il lui reprochait son séjour légal, puis, dans un second temps, son séjour illégal.

17.         Par duplique du 19 février 2024, l’OCPM a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.


 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1331/2023 du 12 décembre 2022 consid. 3).

5.             Le recourant sollicite d’être mis au bénéfice d’un permis pour cas de rigueur.

6.             La loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

7.             Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

8.             Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d’admission dans le but de tenir compte des cas individuels d’extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs (let. b). En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

9.             Le critère de l’intégration du requérant se base sur le respect de la sécurité et de l’ordre public, le respect des valeurs de la Constitution, les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (art. 58a LEI).

Les critères de l’art. 58a LEI, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal adminis-tratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

10.         Il convient en premier lieu d’examiner si le recourant peut valablement se prévaloir de l’art. 30 al. 1 let. b LEtr.

11.         Selon la jurisprudence, dès lors qu’un étranger a été exempté des mesures de limitation une première fois, il ne peut l’être une deuxième fois sur la base de l’art. 30 al. 1 let. b LEtr (ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 8c ; ATA/38/2014 du 21 janvier 2014 consid. 6 ; ATA/409/2013 du 2 juillet 2013).

Cela résulte de la systématique comme du texte de la loi, l’art. 30 LEtr traitant des dérogations aux conditions d’admission soumises au régime ordinaire des art. 18 à 29 LEtr et mentionnant comme première exception possible les personnes admises dans le cadre du regroupement familial, mais qui ne sont ni conjoint ni enfant d’un étranger titulaire d’une autorisation d’établissement, dont le statut est réglé sur la base de l’art. 43 LEtr (ATA/240/2022 du 8 mars 2022 consid. 9 ; ATA/81/2018 du 30 janvier 2018 consid. 4b ; ATA/409/2013 du 2 juillet 2013).

12.         En l’espèce, le recourant a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial suite à son mariage du ______ 2007. Ce type d’autorisation n’est pas soumis aux conditions de limitation du nombre d’étrangers. Par conséquent, le recourant ne peut solliciter avec succès, dans le cadre de la présente procédure, la délivrance d’une nouvelle autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Cela étant, compte tenu que l’exemption des mesures de limitation dont un étranger a bénéficié suite à son mariage ne peut, en soi, lui être opposée indéfiniment et que, d’une part, la jurisprudence a retenu qu’un nouvel examen d’une demande d’autorisation peut intervenir environ cinq ans après la fin du séjour légal en Suisse, même si un examen avant la fin de ce délai n’est pas exclu, lorsque les circonstances se sont à ce point modifiées qu’il s’impose de lui-même (arrêt du Tribunal fédéral 2C_253/ 2017 du 30 mai 2017 consid. 4.3 et les références citées) et, d’autre part, que les critères retenus pour l’octroi d’une autorisation de séjour au sens de l’art. 30 LEI ne recouvrent pas forcément ceux retenus pour l’examen du cas de rigueur selon l’art. 50 LEI (ATAF 2017 VII/7 consid. 5.5), le tribunal examinera dans le présent cas si la situation du recourant doit être qualifiée de cas de rigueur.

13.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

14.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

15.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remar-quable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

16.         S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017). Le Tribunal fédéral a en outre considéré que l’on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l’intéressé est seulement tolérée en Suisse et qu’après la révocation de l’autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n’emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (arrêt 2C_926/2010 du 21 juillet 2011).

17.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

18.         L’opération « Papyrus » a consisté en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises, « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 accessible sur Internet à l’adresse suivante : https://demain.ge.ch/actualite/ operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017). Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a).

19.         Les critères délibérément standardisés à respecter pour pouvoir en bénéficier étaient d’avoir un emploi, d’être indépendant financièrement, de ne pas avoir de dettes, d’avoir séjourné à Genève de manière continue, sans papiers, pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires (le séjour devait être documenté), de faire preuve d’une intégration réussie (minimum niveau A2 de français) et de ne pas avoir fait l’objet de condamnations pénales (autres que pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation).

Concernant la preuve de la durée du séjour, il sied de préciser que toutes les pièces n’ont pas la même valeur probante (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2204/2020 du 8 février 2021, consid 6.5.4.). En effet, l’opération « Papyrus » tient compte de « preuves de catégorie A » dont un seul document démontrant une année de séjour discontinue suffit. Il s’agit notamment d’extraits de compte AVS, de fiches de salaire, de contrats de travail ou de bail, d’attestations de scolarité ou de cours de langue, de polices d’assurances et d’abonnements aux transports publics. Il existe également des « preuves de catégorie B » dont trois à cinq documents sont nécessaires pour certifier une année de séjour. Elles regroupent les abonnements de fitness, les témoignages dits « engageants » et les documents attestant de différentes démarches, y compris le fait d’avoir un passeport établi ou renouvelé par une représentation diplomatique du pays d’origine.

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (cf. ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

20.         À cet égard, avant d’examiner la valeur probante des éléments qui démontreraient un séjour d’au moins dix ans à la date du dépôt de la demande, il convient de souligner que selon les critères de l’opération « Papyrus », la durée prise en considération doit correspondre à un séjour continu. Si une ou deux courtes interruptions annuelles, correspondant par exemple à la durée usuelle de quatre semaines de vacances, sont admissibles, la continuité du séjour en Suisse n’est par contre pas compatible avec des absences répétées ou des allers-retours avec le pays d’origine, notamment lorsqu’aucun emploi ne peut être trouvé en Suisse, ou encore avec des séjours répétés dans d’autres pays pour des motifs familiaux ou professionnels. Dans ces cas, en effet, même lorsque la personne vit la majeure partie du temps en Suisse, cela dénote un mode de vie fondé sur des déplacements selon les opportunités et, quand bien même elle parvient à établir un réseau social en Suisse, on ne peut considérer qu’elle y a vraiment installé son centre de vie et que son départ au bout de plusieurs années constituerait pour elle un véritable déracinement (cf. ATA/121/2021 précité).

Ainsi, il est nécessaire que la personne qui requiert la régularisation de son séjour démontre qu’elle s’est établie en Suisse de manière ininterrompue. Une telle preuve fait défaut lorsqu’une documentation insuffisante laisse simplement apparaître la présence de la personne concernée en Suisse à des intervalles de temps de plusieurs semaines ou plusieurs mois.

21.         La jurisprudence a précisé les conditions d’application des critères de l’opération Papyrus. Elle a relevé que « ni le document officiel publié par le DSE, ni le message du conseiller d’État en charge du DSE figurant en tête dudit document n’indiquent que l’opération "Papyrus" ne s’adresserait qu’aux ressortissants étrangers ayant toujours été en situation irrégulière. Il est par contre indiqué sur le site officiel du canton de Genève que les étrangers qui ont séjourné en Suisse de manière légale et y sont demeurés ensuite de manière illégale ne peuvent pas bénéficier du projet Papyrus », mais a toutefois retenu qu’il n’y avait « aucune raison que les personnes étrangères ayant été détentrices d’un permis pour une partie de leur séjour en Suisse soient prétéritées par rapport aux personnes ayant toujours été en situation illégale » (ATA/1187/2018 du 6 novembre 2018 consid. 4c).

22.         Celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/543/2022 du 24 mai 2022 consid. 4c).

23.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1). Elle doit adopte un comportement cohérent et dépourvu de contradiction (ATA/ 659/2024 du 4 juin 2024 consid. 7.1).

À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1). Conformément au principe de la confiance, qui s’applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l’administration doivent être comprises dans le sens que son destinataire pouvait et devait leur attribuer selon les règles de la bonne foi, compte tenu de l’ensemble des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (ATF 135 III 410 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1). L’interprétation objectivée selon le principe de la confiance sera celle d’une personne loyale et raisonnable (ATF 116 II 431 consid. 3a ; ATA/400/2024 du 19 mars 2024 consid. 2.3 et les références citées).

24.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

25.         Après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, force est pour le tribunal de constater que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, y compris sous l’angle particulier de l’opération « Papyrus ».

a.    S’agissant de la régularisation de son séjour sous l’angle de l’opération « Papyrus », le recourant soutient avoir séjourné en Suisse de 1990 à 1999, puis dès 2008, concédant une interruption à fin mai 2016 lors de son renvoi au Kosovo, dont il n’a toutefois pas spécifié la durée. À cet égard, à teneur des éléments au dossier, le tribunal retiendra qu’il est revenu en Suisse en novembre 2016, dans la mesure où il a travaillé durant ce mois, de sorte qu’il faut constater que le recourant ne totalisait pas, au moment du dépôt de sa demande de régularisation en décembre 2018, un séjour ininterrompu de dix ans. En outre, faisant l’objet de poursuites, il ne peut être considéré qu’il n’avait pas de dettes. Ainsi, le recourant ne peut obtenir une autorisation de séjour pour cas de rigueur sous l’angle de l’opération « Papyrus » puisque deux conditions pour ce faire ne sont pas réalisées.

b.    S’agissant de la régularisation de son séjour sous l’angle des critères usuels du cas de rigueur, le tribunal tient à relever qu’il a déjà été jugé, par une décision en force, que la situation du recourant jusqu’en décembre 2013 ne justifiait pas la poursuite de son séjour pour des raisons personnelles majeures au sens de l’art. 50 al.2 LEI, et donc, a fortiori, que sa situation ne constituait pas un cas de rigueur. Il n’y a pas raison de revenir sur ce point et de faire porter l’analyse de la situation du recourant avant le mois de janvier 2014.

Ainsi que relevé ci-dessus, la durée de séjour du recourant à prendre en compte débute en novembre 2016, ce qui signifie que le recourant séjourne en Suisse depuis un peu plus de sept ans et demi. Cette durée, qui peut certes être considérée comme longue au sens des critères susmentionnés, doit toutefois être relativisée dans la mesure où le séjour a eu lieu dans l’illégalité, durant deux ans, puis par tolérance, afin d’éviter, tel que prévu par la jurisprudence, de récompenser la violation de la loi. Le recourant ne peut donc en tirer parti pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission.

Son intégration socio-professionnelle ne justifie également pas, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Le tribunal se contentera d’insister sur le fait qu’au sens de la jurisprudence rappelée plus haut, seule une intégration exceptionnelle, et non pas le simple fait d’avoir déployé une activité lucrative sans dépendre de l’aide sociale, peut permettre dans certains cas d’admettre un cas individuel d’extrême gravité malgré que la personne concernée ne séjourne pas en Suisse depuis une longue durée. Dans le cas du recourant, quand bien même son intégration pourrait être qualifiée de moyenne sous l’angle socio-professionnel, étant rappelé qu’il fait l’objet de poursuites, elle demeure néanmoins ordinaire et ne correspond pas au caractère exceptionnel rappelé plus haut. En outre, son activité professionnelle exercée en Suisse se rapporte au domaine du bâtiment. Il ne s’agit donc pas d’une profession spécifiquement liée à la Suisse, de sorte qu’il convient de retenir que le recourant sera en mesure d’utiliser au Kosovo les compétences et l’expérience professionnelles acquises en Suisse. Le recourant ne démontre pas non plus l’existence de liens amicaux et affectifs à Genève d’une intensité telle - il n’a produit aucune lettre de soutien ni des justificatifs démontrant qu’il participe à des associations locales ou s’engage bénévolement - qu’il ne pourrait être exigé de sa part de poursuivre ses contacts par les moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo. Il convient aussi de relever, et ce même si la condamnation pénale prononcée à son égard à trait à son statut d’étranger en Suisse, qu’il a fait preuve d’une certaine légèreté face au droit suisse, se soustrayant plusieurs années à son renvoi et revenant ensuite en Suisse quelques mois après son refoulement.

Enfin, même dans l’hypothèses où il serait déjà venu en Suisse en 1990, le recourant a vécu dans son pays non seulement durant son enfance, le début de sa vie d’adulte et une partie de celle-ci entre 1997 et 2007, mais surtout pendant son adolescence, période cruciale pour la formation de la personnalité. Dès lors, il maîtrise la langue et les codes culturels afférents au Kosovo, où il semble retourner régulièrement, preuve en est les demandes de retour de visa figurant au dossier. Il ne démontre pas non plus que ses difficultés de réintégration dans son pays d’origine seraient plus graves pour lui que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se retrouverait dans une situation similaire. Il traversera, à n’en pas douter, une phase de réadaptation. Cet élément ne suffit toutefois pas, selon la jurisprudence, pour retenir que son réintégration professionnelle et sociale serait gravement compromise. De même, le fait de se retrouver dans les mêmes circonstances économiques que leurs compatriotes restés au pays ne constitue pas un cas d’extrême gravité, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée.

En outre, il ne faut pas perdre de vue que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, il ne pouvait ignorer, au vu de son statut illégal en Suisse, qu’il pourrait à tout moment être amené à devoir renoncer, en cas de refus de la régularisation de ses conditions de séjour, à tout ce qu’il avait mis en place en Suisse. Enfin, il ne se prévaut d’aucun problème de santé. En conséquence, quitter la Suisse et retourner dans sa patrie ne représenteraient pas pour lui un profond déracinement.

c.    Le recourant se plaint également que l’OCPM ne lui ait pas indiqué pour quel motif il avait modifié sa position, ayant indiqué en décembre 2019 qu’il était disposé à faire droit à sa demande. Ce changement résulte simplement du fait que le SEM avait relevé, à l’instar du tribunal, que le recourant ne séjournait pas de manière continu en Suisse avant le dépôt de sa demande de régularisation. Il sied de noter que celui-ci ne peut se prévaloir du principe de la bonne foi pour exiger qu’un titre de séjour lui soit délivré puisque la décision du SEM était expressément réservée par l’OCPM et qu’il n’a, en tout état, pas démontré qu’il aurait pris des dispositions impossibles à modifier sans subir de préjudice ; il s’est en effet simplement contenté de demeurer en Suisse. En tout état, l’OCPM ne s’est pas comporté de manière contraire au principe de la bonne foi.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a violé ni la LEI ni abusé de son pouvoir d’appréciation en rejetant la demande d’autorisation de séjour du recourant. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

26.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

27.         Dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier du recourant au SEM en vue de la délivrance d’autorisations de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.

28.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

29.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

30.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

31.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 novembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 4 octobre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière