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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2657/2024

ATA/104/2025 du 28.01.2025 ( AMENAG ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2657/2024-AMENAG ATA/104/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 janvier 2025

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Mark MULLER, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé



EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______), inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 5 septembre 2014, a pour but toute transaction dans le domaine de l'immobilier, notamment achat, vente, développement de projets et acquisition immobilière, à l'exclusion de toute opération prohibée par la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41).

b. A______ est propriétaire de la parcelle n° 2'387, feuillet 8______, sise sur la commune de B______ (ci-après : la commune) à l'adresse ______, chemin du C______.

Sur cette parcelle est érigée une villa (bâtiment n° 1______) (ci-après : la villa D______) achevée en 1905 par l'architecte D______ pour lui servir de résidence privée. Un bâtiment d'équipement collectif se trouve également sur ladite parcelle (bâtiment n° 2______). Une gloriette de 4 m2 (bâtiment n° 3______) se trouvait sur cette parcelle.

La parcelle, d'une surface de 7'248 m2, est située pour partie en zone 5 et pour partie en zone bois et forêts.

c. Le 23 novembre 2022, A______ est devenue propriétaire de cette parcelle. Elle souhaite développer un projet immobilier sur celle-ci.

B. a. Par arrêté du 13 janvier 2010, à la suite d'une requête déposée par la SOCIÉTÉ D'ART PUBLIC, devenue depuis lors PATRIMOINE SUISSE GENÈVE (ci‑après : PSGe), le Conseil d'État a procédé au classement des bâtiments n° 1______ (la villa D______) et n° 3______ (la gloriette), ainsi que de la parcelle n° 2'387, feuillet 8______, de la commune.

Le bâtiment n° 1______ représentait une réalisation architecturale inédite, illustrant à merveille l'esprit d'audace et d'inventivité de son auteur et était le fruit d'une expérience qui n'avait pas d'équivalent dans le canton de Genève. Il pouvait ainsi être qualifié de monument. La commission spécialisée, le conservateur cantonal des monuments, la commune ainsi que les propriétaires de l'époque avaient préavisé favorablement la mesure de classement. Aucun intérêt public ou privé ne s'opposait au prononcé de la mesure de classement et aucun motif n'habilitait le Conseil d'État à s'écarter des appréciations faites par les milieux spécialisés de la protection du patrimoine. Les effets attachés à la mesure de classement s'étendraient à l'entier de la parcelle n° 2'387 qui abritait l'édifice en question. Il en était de même des espaces intérieurs et des éléments désignés dans le préavis de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) du 10 novembre 2004.

b. Par arrêt du 18 janvier 2011 (ATA/22/2011 du 18 janvier 2011), la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a rejeté le recours des anciens propriétaires de la villa D______ contre cet arrêté.

Les préavis recueillis étaient tous été favorables au classement des bâtiments. Le préavis de la sous-commission monuments et antiquités (ci-après : SCMA) de la CMNS était favorable au classement de la parcelle dans son intégralité. Il avait été rendu par des personnes compétentes en la matière et reposait sur une étude approfondie et historique du dossier. Il tenait compte d’une part du site paysager et d’autre part de la scénographie paysagère recherchée par l’architecte D______. Le classement des bâtiments emportait nécessairement le classement de la parcelle sur laquelle ceux-ci sont édifiés. Toute construction sur cette parcelle n'était pas interdite, si bien que le principe de la proportionnalité n'était pas violé.

c. Dans son préavis du 6 décembre 2022, la CMNS a recommandé au Conseil d'État de ne pas faire usage de son droit de préemption. Elle a rappelé que la villa D______, sa gloriette (bâtiments nos 1______ et 3______) ainsi que la parcelle n° 2'387, feuillet n° 8______, de la commune faisaient l'objet d'une décision de classement confirmée par la chambre administrative. Toute intervention future sur les bâtiments et sur la parcelle qui les abritait devrait impérativement respecter les objectifs fixés par la mesure de classement. D'ores et déjà, la CMNS précisait que tout projet de construction sur la parcelle serait extrêmement contraint par la mesure de classement, l'art. 15 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) et l'art. 15 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05).

d. Le 30 mars 2023, A______ a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département) une requête en autorisation de construire visant à installer temporairement une yourte sur la parcelle. Elle a été enregistrée sous le numéro de dossier DD 4______.

e. Le 2 mai 2023, la CMNS a rendu un préavis défavorable. Le contexte présentait une proximité avec la villa D______, bâtiment classé. Les effets attachés à la mesure de classement étaient étendus à l'entier de la parcelle n° 2'387, dont le jardin, de qualité exceptionnelle. L'intégration de cette nouvelle construction – implantation définitive – dans l'espace arboré et aussi bien en regard du bâtiment classé, n'était pas réalisée.

f. Par décision du 11 mai 2023, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci‑après : OCAN) a autorisé l'abattage de huit arbres sur la parcelle de A______ à la condition notamment de replanter notamment cinq arbres, dont deux peupliers afin de pérenniser ce groupe d'arbres ainsi que deux chênes afin de pérenniser l'alignement dans l'année qui suivait l'abattage.

g. Par décision du 3 juillet 2023 (DD 4______), le département a refusé de délivrer à A______ l'autorisation de construire sollicitée.

Cette décision est entrée en force.

h. Le 11 octobre 2023, A______ a déposé une nouvelle demande d'autorisation de construire visant à installer provisoirement (durant deux ans) une yourte sur la parcelle. Elle a été enregistrée sous le numéro de dossier DD 5______.

i. Le 13 novembre 2023, la CMNS a préavisé défavorablement le projet. Elle insistait sur le caractère architectural remarquable de la villa D______, édifice classé, et des qualités paysagères exceptionnelles de sa parcelle bordant la E______ et largement arborée. L'installation projetée portait atteinte aux qualités patrimoniales de ce site classé et allait à l'encontre des objectifs de conservation de la villa D______ et de sa parcelle. Afin de préserver les qualités paysagères et l'intérêt patrimonial de la villa D______, la CMNS était défavorable et confirmait son avis résolument opposé à toute construction supplémentaire sur cette parcelle.

j. Par décision du 18 décembre 2023, l'OCAN a autorisé l'abattage de deux peupliers à la condition d'en replanter au moins deux de la même espèce (sinon, de première grandeur, caduque, de silhouette élancée) aux mêmes emplacements que ceux à abattre dans l'année qui suivait l'abattage.

k. Le 16 avril 2024, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a rendu un préavis défavorable considérant qu'aucun élément nouveau par rapport à la requête déposée initialement n'avait été apporté. Le préavis défavorable de la CMNS du 13 novembre 2023 était réitéré.

l. Par décision du 15 mai 2024 (DD 5______), le département a refusé de délivrer à A______ l'autorisation de construire sollicitée.

Cette décision est entrée en force.

C. a. Le 25 mars 2024, A______ a demandé au Conseil d'État de reconsidérer son arrêté du 13 janvier 2010.

Les circonstances s'étaient modifiées dans une mesure notable depuis l'arrêté en question. En effet, alors que le potentiel de droits à bâtir de la parcelle avait été considéré comme « quasi nul », ce potentiel était désormais plus important que sous le régime existant lors du prononcé de l'arrêté de classement. La surface constructible était passée de 1'680 m2 à 2'575 m2, soit une augmentation de 53.27% compte tenu de l'évolution légale et de la jurisprudence. Cette forte augmentation de la surface constructible était de nature à modifier la pesée des intérêts à effectuer puisque l'atteinte aux droits de la propriétaire de la parcelle à user de son bien s'en trouvait aggravée.

Dans l'ATA/22/2011 précité, la chambre administrative avait retenu que l'arrêté n'avait « pas pour conséquence d’interdire toute construction sur une parcelle constructible […]. Tel serait le cas si la parcelle était frappée d’une interdiction totale de bâtir ». Or, la conservatrice des monuments avait affirmé, lors d'une réunion avec A______ le 19 janvier 2023, que l'arrêté précité avait pour objectif de proscrire toute construction dans cette zone. De plus, la CMNS s'était déclarée défavorable à l'installation d'une yourte et était opposée à toute construction supplémentaire sur la parcelle. Cela rendait l'existence de l'arrêté en question incompatible avec toute éventuelle construction projetée, contrairement à ce qu'avait indiqué la chambre administrative. La volonté clairement affichée de la CMNS, dont les préavis avaient un poids déterminant, de proscrire toute construction sur la parcelle vidait de sa portée les considérations de la chambre administrative. Seule une modification de l'arrêté précité permettrait de rétablir le droit de la propriétaire de construire que la chambre administrative avait pourtant affirmé.

b. Par décision du 12 juin 2024, le Conseil d'État a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération de son arrêté.

L'arrêt de classement du 13 janvier 2010 était fondé sur les avis de spécialistes et particulièrement sur le préavis du 10 novembre 2004 de la SCMA de la CMNS adopté à l'unanimité en séance plénière de la CMNS le 22 février 2005. Ce préavis était favorable au classement de l'intégralité de la parcelle avec ses aménagements extérieurs. Il relevait précisément les qualités paysagères de la parcelle notant que les cordons d'arbres et les vues sur et depuis la villa devaient être maintenus et soulignait que le terrain s'étendant au sud, devant la villa, entre le chemin du C______ et la rivière E______, devait rester libre de toute construction. Toutefois, selon ce préavis, une extension de la villa pourrait être admise en direction du nord‑ouest pour autant qu'elle n'empiète pas sur le jardin structuré et se présentait modestement sous forme de socle afin de ne pas entrer en rivalité avec la villa tant sur le plan volumétrique que sur le plan stylistique. Une telle extension conforme à la teneur dudit préavis avait, à ce propos, été autorisée par le département le 25 août 2008 (DD 7______) et avait été réalisée, le chantier s'étant ouvert le 8 décembre 2009 et ayant pris fin le 20 mars 2012.

L'arrêté en question avait étendu les effets de la mesure de classement à la parcelle n° 2'387 sur la base du préavis de la SCMA précité. Il renvoyait expressément, tant dans ses considérants que dans son dispositif sous ch. 2, au préavis de la SCMA détaillé ci-dessus s'agissant de l'étendue des effets de la mesure de classement. Autrement dit, l'arrêté de classement incorporait de façon explicite les constatations et les conclusions figurant dans ledit préavis – émis par les spécialistes en la matière –, ce qui avait d'ailleurs été confirmé dans l'ATA/22/2011 précité.

C'était donc pour ses qualités paysagères, ses aménagements extérieurs et sa scénographie remarquables que la parcelle avait, elle aussi, fait l'objet de la mesure de classement. Il avait, en effet, été considéré, après une étude approfondie et historique, que ces éléments étaient d'une qualité telle qu'il se justifiait pleinement de les mettre sous protection.

Ni l'arrêté de classement, ni d'ailleurs le préavis de la SCMA précité ne faisait mention de la distance minimale constructible depuis la lisière de la forêt prévue par l'ancien art. 11 al. 1 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) ou de la distance minimale entre une construction et une limite de la propriété de construction prévue par l'ancien art. 69 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Il était donc évident que les limites édictées, à l'époque, par ces deux dispositions légales n'avaient joué aucun rôle dans l'appréciation qui avait conduit à la décision de classement de la parcelle, celle-ci étant fondée sur les qualités paysagères du terrain évoquées ci-dessus.

En conséquence, le fait que les deux dispositions légales précitées aient été modifiées – la distance minimale depuis la lisière de la forêt et une construction étant désormais de 20 m (art. 11 al. 1 LForêts) et la distance minimale entre une construction et une limite de propriété étant désormais de 5 m (art. 69 al. 2 LCI) – depuis que l'arrêté de classement avait acquis force de chose jugée ne modifiait en rien l'état de fait sur lequel était fondé ledit arrêté puisqu'elles n'avaient joué aucun rôle, ni d'ailleurs n'étaient pertinentes, dans le cadre de l'arrêté.

Au surplus, s'agissant d'une parcelle classée, tout projet de construction devait faire l'objet d'un préavis de la CMNS, laquelle veillait à ce que l'étendue des effets de la mesure de classement soit respectée dans chaque cas donné. C'était d'ailleurs à ce titre que le bâtiment n° 1______ (la villa D______) avait fait l'objet d'une extension en 2012 laquelle respectait les contours du préavis de la SCMA précité.

Ainsi, aucune modification notable de circonstances n'était intervenue depuis l'entrée en force de chose jugée de l'arrêt de classement du 13 janvier 2010. De plus, aucune autre condition de la reconsidération obligatoire n'étant remplie, le Conseil d'État n'avait pas à entrer en matière sur la demande de reconsidération de la propriétaire.

D. a. Par acte du 16 août 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant préalablement à la tenue d'un transport sur place. Principalement, la décision attaquée devait être annulée et le dossier renvoyé au Conseil d'État afin qu'il entre en matière sur sa demande de reconsidération de l'arrêté du 13 janvier 2010.

Elle a repris son argumentation sur le fait que le potentiel à bâtir de la parcelle constituait un élément important dans la décision de procéder à son classement. Elle a également développé son argument sur les modifications légales et jurisprudentielles lesquelles avaient eu un impact sur la surface constructible de la parcelle, l'augmentant de 53.27%.

Le Conseil d'État énonçait des faits erronés, dès lors que le préavis du 10 novembre 2004 de la SCMA n'indiquait pas que les qualités paysagères de la parcelle étaient « remarquables ». Il n'était de plus pas précisé depuis quel endroit les vues sur la villa D______ devaient être préservées. Le Conseil d'État se prêtait à un jugement de valeur qui n'apparaissait pas dans les constatations de la SCMA et de la CMNS, puisque le terme de « scénographique remarquable » n'y était aucunement relevé. Les travaux de construction de la ligne ferroviaire Cornavin‑Eaux‑Vives‑Annemasse (ci-après : CEVA) avaient fortement impacté la parcelle, dès lors que la ligne passait sous celle-ci dans sa partie sud. Le bâtiment (bâtiment n° 2______) relatif à la sortie de secours du CEVA dénaturait fortement l'architecture paysagère de la parcelle. De plus, de nombreux arbres avaient dû être abattus, si bien qu'il existait, au sud-est de la parcelle, une zone vierge de tout arbre, contrairement à la situation initiale. Au total, onze arbres avaient été abattus, en plus de ceux abattus dans le cadre du chantier du CEVA. Cela avait modifié de manière importante la qualité paysagère de la parcelle. Les alignements d'arbres ainsi que la « scénographie » naturelle n'étaient plus qualitatifs. Les circonstances s'étaient donc modifiées de manière notable depuis l'entrée en force de l'arrêté de classement.

La parcelle se situait au milieu d'une zone qui avait fortement évolué depuis 2010, puisque de nombreuses constructions avaient été et étaient en train d'être réalisées. Le plan directeur communal indiquait que la parcelle se situait dans une zone résidentielle où la densification par modification de zone était appelée à évoluer. Elle était entourée de zones de tissu urbain mixte de moyenne densité, avec notamment des zones de restructuration urbaine. Au nord de la parcelle en question, le plan directeur communal projetait l'établissement d'un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) « PLQ 9______ ». Au nord de la parcelle, les parcelles nos 726 et 2'440 avaient bénéficié d'une autorisation de construire portant sur la construction de deux villas contiguës (DD 6______). Ainsi, les vues depuis la villa D______ porteraient sur les nouveaux immeubles, dont la construction était postérieure au classement de ladite villa et de la parcelle. Au sud-est de la parcelle, un projet de PLQ « C______ », d'un périmètre d'environ 17'000 m2 prévoyait de créer de nouveaux logements. Il semblait que seule une villa ancienne et ses arbres attenants seraient préservés. La parcelle n° 2'387 était donc idéalement située pour permettre l'édification en sa face est de plusieurs bâtiments de logements de faible volume.

Enfin, elle a repris son argument sur le fait que seule une modification de l'arrêté en question permettrait de rétablir son droit de construire mis en exergue dans l'ATA/22/2011 précité.

b. Le 23 septembre 2024, le Conseil d'État a conclu au rejet du recours.

Le potentiel constructible ou non de la parcelle n'avait pas présidé à son classement. Ses qualités paysagères ainsi que l'ensemble qu'elle constituait avec la villa D______ avaient conduit le Conseil d'État à adopter une mesure de classement également à son égard. Les qualités paysagères de la parcelle avaient été mises en évidence par le conservateur cantonal des monuments et lors de la séance plénière de la CMNS du 22 février 2005, par le préavis de la SCMA du 10 novembre 2004 et par PSGe. Ledit préavis relevait les qualités scénographiques de la parcelle notant que les cordons d'arbres et les vues sur et depuis la villa devaient être maintenus et soulignait que le terrain s'étendant au sud, devant la villa, entre le chemin du C______ et la rivière E______, devait rester libre de toute construction. Toujours selon ce document, une extension de la villa pouvait être admise en direction du nord-ouest pour autant qu'elle n'empiète pas sur le jardin structuré et se présentait modestement sous forme de socle afin de ne pas entrer en rivalité avec la villa tant sur le plan volumétrique que sur le plan stylistique. Une telle extension avait d'ailleurs été autorisée le 25 août 2008 (DD 7______/1) et réalisée, de même qu'une piscine (DD 7______/2). La parcelle n'avait donc jamais été déclarée inconstructible. Enfin, treize ans après son classement, les spécialistes de la CMNS et du SMS considéraient toujours que la parcelle présentait des « qualités paysagères exceptionnelles » et que le jardin était de « qualité exceptionnelle ». Dans la mesure où les spécialistes du patrimoine conféraient une valeur toujours aussi exceptionnellement élevée aux qualités paysagères de la parcelle, la décision de procéder à son classement en 2010 était justifiée et rien ne permettait de la remettre en cause.

La LForêts et la LCI n'avait joué aucun rôle dans l'appréciation qui avait conduit à la décision de procéder au classement de la parcelle. Le fait que de nouvelles dispositions légales de la LForêts et la LCI aient été modifiées ne modifiait pas l'état de fait sur lequel était fondé l'arrêté de classement.

Si des arbres avaient pu être abattus lors de la construction de la ligne CEVA et du bâtiment n° 2______, 27 nouveaux arbres (dont des peupliers, soit près de deux fois plus que le nombre d'arbres abattus) avaient été replantés dans la partie sud-est de la parcelle. La dernière prise de vue extraite du système d’information du territoire à Genève (ci-après : SITG) démontrait que toute la partie sud-est était arborée, ce qu'avait également noté la CMNS le 13 novembre 2023. La partie qui n'était pas arborée se situait, hors de la parcelle n° 2'387, sur la parcelle n° 3'429 qui était la propriété des Chemins de fer fédéraux (CFF) et depuis laquelle on accédait au bâtiment n° 2______. Lors du transport sur place du 17 juin 2010 dans le cadre du recours contre l'arrêté, il avait déjà été question de l'abattage de peupliers. Cela n'avait pas empêché la chambre administrative de confirmer l'arrêté de classement. Le remplacement des arbres abattus avait permis de pérenniser l'alignement et de préserver les qualités de la scénographie paysagère.

Le fait qu'une parcelle classée se situait à proximité d'une zone où avaient été érigées des constructions nouvelles ne présentant pas d'intérêt patrimonial ne retirait pas la valeur patrimoniale et de protection de ladite parcelle. La mesure de classement n'avait pas rendu inconstructible la parcelle. A______ s'était toutefois contentée de solliciter l'installation d'une « yourte ». Le fait que la CMNS ait indiqué dans son préavis du 13 novembre 2023 qu'elle était opposée à toute construction sur la parcelle ne signifiait pas une interdiction de facto. Elle demeurait libre de déposer une demande pour un nouveau projet de construction, lequel serait instruit et soumis à la CMNS pour détermination du point de vue patrimonial. Des voies de recours étaient également possibles en cas de refus. En demandant la reconsidération de l'arrêté, l'intéressée s'était trompée de voie.

Aucune modification notable de circonstances n'était intervenue depuis l'entrée en force de chose jugée de l'arrêté de classement du 13 janvier 2010. Aucune autre condition de reconsidération obligatoire n'était remplie.

c. Le 25 novembre 2024, A______ a répliqué persistant dans ses conclusions.

Les déterminations du Conseil d'État consistaient essentiellement à justifier la pertinence de l'arrêt de classement. Les qualités paysagères du site n'étaient cependant pas directement en cause dans la présente procédure. Cette question de fond devrait faire l'objet d'une nouvelle analyse si la demande de reconsidération était admise.

Le caractère inconstructible de la parcelle avait joué un rôle dans la décision de classer la parcelle. Dans son rapport du 3 août 2004, le conservateur avait retenu que le potentiel à bâtir de la parcelle était « quasi nul ». L'ATA/22/2011 précité avait retenu cette appréciation. Il ne faisait pas de doute que l'absence de droits à bâtir avait joué un rôle dans le classement de la parcelle.

L'autorisation de construire DD 7______ avait été délivrée le 25 août 2008, soit avant l'adoption de l'arrêté de classement du 13 janvier 2010. La délivrance de cette autorisation ne démontrait pas que le classement de la parcelle ne l'avait pas rendue inconstructible. Cette inconstructibilité avait été démontrée par la suite avec le refus d'édifier une simple yourte à deux reprises. Au vu du poids des préavis de la CMNS, la parcelle, frappée d'une mesure de classement, était inconstructible.

L'autorité intimée ne contestait pas que le potentiel constructible de la parcelle avait été augmenté par les modifications législatives.

Le bâtiment relatif à la sortie de secours du CEVA dénaturait fortement l'architecture paysagère de la parcelle et l'arborisation de la parcelle n'était pas aussi importante que lors de l'adoption de l'arrêté de classement.

Les coûts de procédure contre le refus d'autorisations de construire une yourte auraient été disproportionnés. Le développement de l'urbanisation du périmètre montrait une volonté de répondre à la pénurie de logements. L'intérêt public à la lutte contre la pénurie de logements n'avait d'ailleurs pas été pris en considération dans la pesée des intérêts par la chambre administrative.

Les prises de position de la conservatrice des monuments, laquelle avait affirmé que l'arrêté de classement avait pour objectif de proscrire toute construction dans cette zone et de la CMNS démontraient que la parcelle était inconstructible. Dès lors qu'elles étaient intervenues postérieurement, elles pouvaient également être considérées contre un changement des circonstances justifiant la reconsidération dudit arrêté.

L'admission de la requête n'aurait pas pour effet de priver la parcelle de toute protection. Elle permettrait en revanche de revisiter la situation à la lumière des nouvelles circonstances et d'examiner quelle serait la mesure de protection adéquate et de l'adapter au souhait légitime de faire usage des droits à bâtir dont l'intéressée pourrait jouir.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du 26 novembre 2024.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a, 17 al. 3 et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante conclut à ce qu'un transport sur place soit organisé. De plus, dans le corps de ses écritures, elle offre d'entendre Michel BARRO, son administrateur.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En droit genevois, la procédure administrative est en principe écrite ; toutefois, si le règlement et la nature de l’affaire le requièrent, l’autorité peut procéder oralement (art. 18 LPA). L’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties (art. 20 al. 1 LPA). S’il y a lieu, elle peut notamment recourir à l’interrogatoire des parties (art. 20 al. 2 let. b LPA) et aux témoignages de tiers (art. 20 al. 2 let. c LPA).

Lorsque les faits ne peuvent être éclaircis autrement, les juridictions administratives peuvent au besoin procéder à l’audition de témoins (art. 28 al. 1 let. c LPA). Afin de constater un fait par elle-même, l’autorité peut notamment ordonner le transport sur place (art. 37 let. c LPA).

2.3 En l'espèce, la recourante souhaite la tenue d'un transport sur place afin de démontrer que l'architecture paysagère de la parcelle a changé dans une mesure notable depuis l'arrêté de classement en 2010.

Or, le dossier contient des photographies prises par l'intéressée de sa parcelle et notamment des arbres abattus. Elle a également produit un « diagnostic de l'état sanitaire des peupliers d'Italie ».

Le dossier est également complété par les données disponibles sur le SITG, qui permettent de se rendre compte de la situation de fait dans le temps.

Enfin, la recourante s'est vu offrir la possibilité de faire valoir ses arguments par écrit devant l’autorité intimée, puis la chambre de céans, et s'est exprimée de manière circonstanciée sur l’objet du litige. Une audience de comparution personnelle des parties n'est dès lors pas utile à la solution du litige.

Au vu de ces éléments, la chambre de céans considère que le dossier est complet et est en état d’être jugé sans qu’il soit nécessaire de procéder aux actes d’instruction sollicités par la recourante. Il n’y sera donc pas donné suite.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit du refus d’entrer en matière sur la demande de reconsidération de l'arrêté du 13 janvier 2010 classant les bâtiments n° 1______ (la villa D______) et n° 3______ (la gloriette), ainsi que de la parcelle n° 2'387, feuillet 8______, de la commune.

3.1 En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

3.2 Selon son art. 1, la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) a entre autres pour but de conserver les monuments de l'histoire, de l'art ou de l'architecture, les antiquités immobilières ou mobilières situés ou trouvés dans le canton ainsi que le patrimoine souterrain hérité des anciennes fortifications de Genève (let. a), de préserver l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les immeubles et les sites dignes d'intérêt, ainsi que les beautés naturelles (let. b), d'assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l'espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (let. c) et de favoriser l'accès du public à un site ou à son point de vue (let. d).

L'art. 4 LPMNS prévoit que sont protégés les monuments de l'histoire, de l'art ou de l'architecture et les antiquités immobilières situés ou découverts dans le canton, qui présentent un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou éducatif, ainsi que les terrains contenant ces objets ou leurs abords (let. a) et les immeubles, les sites dignes d'intérêt, ainsi que les beautés naturelles (let. b).

3.3 Selon l'art. 18 LPMNS, l’arrêté de classement ne peut être modifié ou abrogé que pour des motifs prépondérants d’intérêt public ou si l’immeuble qu’il protège ne présente plus d’intérêt du point de vue de la LPMNS (al. 1). La procédure de classement est applicable par analogie (al. 2).

L'art. 5 du règlement d’application de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 mars 2023 (RPMNS - L 4 05.01) prévoit que la CMNS a pour mission de conseiller l’autorité compétente (al. 1). Elle formule des propositions ou examine les demandes de classement ou de déclassement d'un immeuble ou meuble (art. 10, 11, 18 et 26 LPMNS) (al. 2).

3.4 L’autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA.

Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » ou novae véritables, c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a). Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée ne porte que sur la question de la recevabilité de la demande de réexamen, le recourant ne peut que contester le refus d'entrer en matière que l'autorité intimée lui a opposé, mais non invoquer le fond, des conclusions prises à cet égard n'étant pas recevables (ATF 126 II 377 consid. 8d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_115/2016 du 31 mars 2016 consid. 5 ; 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3). Si la juridiction de recours retient la survenance d'une modification des circonstances, elle doit renvoyer le dossier à l'autorité intimée, afin que celle-ci le reconsidère (Jacques DUBEY/Jean‑Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, Droit administratif général, 2e éd., 2025, n. 2766 p. 1192), ce qui n'impliquera pas nécessairement que la décision d'origine sera modifiée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 1429 p. 493).

Un changement de législation peut fonder le réexamen d'une décision, à condition que l'état de fait déterminant se soit essentiellement modifié après le changement législatif (ATF 136 II 177 consid. 2.2.1).

L'existence d'une modification notable des circonstances au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA doit être suffisamment motivée, en ce sens que l'intéressé ne peut pas se contenter d'alléguer l'existence d'un changement notable de circonstances, mais doit expliquer en quoi les faits dont il se prévaut représenteraient un changement notable des circonstances depuis la décision entrée en force ; à défaut, l'autorité de première instance n'entre pas en matière et déclare la demande irrecevable (ATA/573/2013 du 28 août 2013 consid. 4). La charge de la preuve relative à l'existence d'une situation de réexamen obligatoire d'une décision en force incombe à celui qui en fait la demande, ce qui implique qu'il produise d'emblée devant l'autorité qu'il saisit les moyens de preuve destinés à établir les faits qu'il allègue (ATA/291/2017 du 14 mars 2017 consid. 4).

3.5 Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417 ; Jacques DUBEY/ Jean‑Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 1420 p. 593).

3.6 Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1). Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée ne porte que sur la question de la recevabilité de la demande de réexamen, le recourant ne peut que contester le refus d'entrer en matière que l'autorité intimée lui a opposé, mais non invoquer le fond, des conclusions prises à cet égard n'étant pas recevables (ATF 126 II 377 consid. 8d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_115/2016 du 31 mars 2016 consid. 5 ; 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3).

3.7 En l'espèce, la procédure a pour seul objet la conformité au droit de la décision du Conseil d'État du 12 juin 2024 déclarant irrecevable la demande de reconsidération de l'arrêté de classement formée par la recourante.

La décision attaquée constitue en effet un refus d'entrer en matière sur ladite demande. Ainsi le contrôle juridictionnel effectué par la chambre de céans portera uniquement sur la question de savoir si le refus d'entrer en matière sur la demande précitée est fondé.

Selon la chronologie du dossier, par arrêté du 13 janvier 2010, le Conseil d'État a procédé au classement des bâtiments n° 1______ (la villa D______) et n° 3______ (la gloriette), ainsi que de la parcelle n° 2'387, feuillet 8______, de la commune. Cet arrêté a été confirmé par la chambre de céans (ATA/22/2022 précité). La recourante est devenue propriétaire de la parcelle le 23 novembre 2022. Elle a présenté une demande de reconsidération de l'arrêté en question le 25 mars 2024 que l'intimé a rejetée le 12 juin 2024.

Matériellement, et même si la recourante a intitulé son écriture « requête de reconsidération », sa demande a pour objectif le déclassement des éléments compris dans l'arrêté du 13 janvier 2010. Or, vu le contexte dans lequel s'inscrit cette requête et les motifs invoqués, notamment la perte d'intérêt par rapport à la qualité paysagère, l'intimé aurait dû interpréter cette demande comme étant une demande de modification ou d'abrogation de son arrêté (art. 18 LPMNS). Il s'ensuit que la procédure prévue par la LPMNS aurait dû être suivie par l'intimé et que la CMNS aurait dû être saisie pour qu'elle examine la demande de déclassement de l'immeuble en question (art. 5 al. 2 let. c RPMNS).

Or, il ne ressort pas du dossier que la CMNS aurait été saisie par l'intimé et que ce dernier lui aurait transmis la demande de la recourante accompagnée de ses pièces pour détermination. Cela est d'autant plus problématique que la CMNS est l'autorité technique consultative en la matière et est composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1252/2023 du 21 novembre 2023 consid. 7.2 ; ATA/135/2022 du 1er mars 2022 consid. 9h).

Même si elle s'est déterminée dans le cadre de l'exercice du droit de préemption le 6 décembre 2022 ainsi que les 2 mai et 13 novembre 2023 dans le cadre des DD 4______ et DD 5______ relatives à l'installation d'une yourte sur la parcelle, c’était à propos d'autres problématiques qu'une demande de déclassement. Les préavis en question sont par exemple beaucoup moins détaillés que celui du 10 novembre 2004 sur lequel l'autorité intimée s'était fondée pour rendre son arrêté de classement du 13 janvier 2010. L'intimé ne pouvait donc pas faire l'économie d'une saisie de la CMNS au vu des dispositions légales applicables dans un tel contexte.

Dans ces conditions, la chambre de céans retiendra que la décision querellée refusant d'entrer en matière sur la demande de la recourante est viciée faute d'avoir respecté la procédure mise en place par la LPMNS.

Le recours sera par conséquent admis. La décision attaquée sera annulée et le dossier renvoyé à l'autorité intimée pour qu'elle entre en matière sur la demande de la recourante et saisisse la CMNS afin qu'elle se détermine sur celle-ci.

4.             Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée à la recourante, qui y a conclu et s'est fait assister par un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 août 2024 par A______ SA contre la décision du Conseil d'État du 12 juin 2024 ;

au fond :

l'admet et annule la décision du Conseil d'État du 12 juin 2024 ;

renvoie la cause au Conseil d'État pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à A______ SA une indemnité de procédure de CHF 800.- à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mark MULLER, avocat de la recourante, au Conseil d'État ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :