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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3753/2023

ATA/1478/2024 du 17.12.2024 ( MARPU ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.01.2025
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3753/2023-MARPU ATA/1478/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 décembre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Mes Paul HANNA et Baptiste LANINI, avocats

contre

B______ SA et C______ représentées par Mes Amanda BURNAND SULMONI

et Yves JEANRENAUD, avocats

et

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE

représenté par Me Nicolas WISARD, avocat intimés



EN FAIT

A. a. L’Aéroport international de Genève (ci-après : AIG ou GA), établissement de droit public autonome, a pour mission de gérer et d’exploiter l’aéroport et ses installations dans le respect du droit supérieur et notamment du plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique, en considérant sa situation urbaine et en offrant, de manière efficiente, les conditions optimales de sécurité, d’efficacité et de confort pour ses utilisateurs.

b. A______ SA (ci-après : A______) est une société ayant son siège à D______ dont le but est notamment l’acquisition et la construction de terrains, la construction, l’administration et la vente de biens immobiliers.

c. B______ SA (ci-après : B______, issue de la fusion des deux sociétés en 2011) est une société ayant son siège principal à D______ et dont le but est notamment le développement, la planification, l’étude de projets et la réalisation de constructions de tous types en tant qu’entreprise de construction, entreprise générale et entreprise totale.

d. C______ (ci-après : C______), est une société par actions simplifiées (société à associé unique) au capital social de EUR 25'022'613.- dont le siège est à AJ______, en France.

C______ est l’une des filiales de E______, à l’instar de F______ ou G______. E______ est présent dans 60 pays, emploie plus de 32'000 collaborateurs, pour un chiffre d’affaires ayant augmenté régulièrement de 6 à 14 milliards d’Euros entre 2000 et 2023.

Le 4 janvier 2022, la Banque mondiale a sanctionné C______ d’une « non radiation conditionnelle » pour une durée de douze mois. C______ restait éligible pour participer à des projets et opérations financés par des institutions du Groupe de la Banque mondiale, à condition qu'elle respecte certaines obligations. C______ a été retirée de la liste des entités sanctionnées par la Banque Mondiale le 4 janvier 2023.

e. H______ SA (ci-après : H______) est une société anonyme au capital social de EUR 10'500'687.- dont le siège social est situé à I______, en France. Elle est active dans le domaine des études d’ingénierie et d’aéroport et de grands équipements publics en France et à l’étranger et réalise des prestations de conception et maîtrise d’ouvrage, conseil et expertise technique se rapportant à la réalisation d’infrastructures complexes.

Elle est détenue depuis 2017 par J______ INTERNATIONAL, dont le siège est à K______, elle-même filiale à 100% de J______ SA. Groupe J______, dont la société mère est J______ SA, emploie plus de 26'000 collaborateurs dans 50 pays et réalisait un chiffre d’affaires de EUR 4,7 milliards au 31 décembre 2022.

Le 4 janvier 2022, la Banque mondiale a sanctionné H______ d’une radiation de douze mois suivie d'une « non radiation conditionnelle » pour une même durée. L’exclusion portait sur des projets et des opérations financés par des institutions du Groupe de la Banque mondiale. H______ a été retirée de la liste des entités sanctionnées par la Banque Mondiale le 4 janvier 2024.

À teneur d’une convention judiciaire d’intérêt public du 29 novembre 2023 entre le « Procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris » et H______, celle-ci s’engageait à procéder au paiement d’une amende de EUR 14,6 millions dans les dix jours. L’exécution des obligations éteignait l’action publique à son égard. En application du code de procédure pénale, l’ordonnance de validation de la convention n’emportait pas déclaration de culpabilité et n’avait ni la nature ni les effets d’un jugement de condamnation.

f. L______ (ci-après : L______) est un groupe international de conseil, d’ingénierie de la construction et d’exploitation qui opère dans plus de 100 pays. Il employait, en 2023, 19’500 collaborateurs et a eu un chiffre d’affaires de EUR 1'900'000'000.‑. La Caisse des dépôts et consignations, institution financière publique française, est actionnaire de 34% d’L______.

g. M______ SA (ci-après : M______), dont le siège est à N______, a pour but la gestion, l’administration, l’analyse, la valorisation et le développement de projets immobiliers ou d'infrastructures ; les conseils, la représentation et l’assistance au maître d'ouvrage dans l'élaboration et le développement de projets immobiliers ou d'infrastructures ainsi que les conseils aux collectivités publiques dans les domaines précités. O______ en est administrateur avec signature individuelle.

h. P______ Sàrl, sont le siège est à Q______, a pour but toutes prestations de service aux maîtres de l'ouvrage et aux entrepreneurs, en particulier les conseils, les expertises et l'assistance technique ainsi que, d'une manière générale toutes activités dans le domaine de la construction. R______ en est l’associé gérant avec signature individuelle.

B. a. Le 27 septembre 2021, l’AIG a publié sur la plate-forme simap.ch un concours portant sur la conception, la construction et la maintenance du projet intitulé « CAP2030, plate-forme multimodale et galerie commerciale CFF ».

b. Le concours était notamment réglementé par des « conditions administratives de l’appel à candidatures » (ci-après : les CAAC).

ba. Selon celles-ci, au vu des besoins futurs d’accueil, l’AIG avait lancé diverses études afin de pouvoir répondre à la demande capacitaire à venir. Le projet CAP2030 était la première étape, qui consisterait à délocaliser, dans une extension du terminal 1 actuel (ci-après : T1), une partie des activités (enregistrement, contrôle sûreté, etc.) Cela permettrait, dans un second temps, de renouveler le terminal existant (hors marché). Une plateforme multimodale, prérequis pour réaliser CAP2030, devait se situer sur la superstructure de la gare CFF et devait permettre de réaménager la galerie commerciale des CFF afin d’apporter une cohérence avec le niveau arrivées projeté dans le cadre de CAP2030.

Le marché, qui devrait se dérouler de 2023 à 2032, serait adjugé à l’entreprise totale (ci-après : ET) recommandée par le jury. L’ET adjudicataire signerait deux contrats distincts, le premier avec l’AIG, le second avec les CFF :

- le premier contrat porterait sur deux ouvrages, à savoir CAP2030 et la plateforme multimodale, au sujet desquels les prestations à exécuter étaient réparties en plusieurs tranches ;

- le second contrat porterait sur la galerie commerciale de la gare CFF. Il s’agissait d’une option que les CFF décideraient de commander, ou non, après l’adjudication (art. 2.2.2 CAAC).

bb. À teneur de l’art. 2.3.6 traitant des incompatibilités, M______ était assistant à la maîtrise de l’ouvrage (ci-après : AMO) et le groupe L______ « et toutes ses filiales » était « programmiste » (art. 2.3.6 CAAC).

bc. Le concours devait se dérouler en deux tours, le premier consistant en un appel à candidatures au terme duquel trois candidats seraient sélectionnés et le second en un mandat d’études parallèles (ci-après : MEP) au terme duquel la réalisation du projet serait adjugée à l’un des trois candidats.

Il ressort du CAAC que « Les mandats d’études parallèles correspondent à "une procédure par laquelle un même mandat est confié à plusieurs prestataires en vue de proposer des solutions relatives à un projet de construction" (cf. art. 2 let. f RMP). Le cœur de cette procédure originale et non discriminatoire est constitué par les échanges entre les candidats et le jury sur le choix des solutions permettant de répondre au mieux aux besoins du maître d’ouvrage. Cette procédure a été retenue compte tenu de la complexité du marché, et notamment l’exigence de maintenir l’activité de l’aéroport international de Genève pendant les travaux. Pendant la phase de mandat d’études parallèles, le jury se réserve la possibilité de demander aux entreprises totales de travailler selon un mode de "design to cost" c’est-à-dire de proposer des optimisations de leur projet pour atteindre la cible budgétaire fixée par le maître d’ouvrage » (art. 3.2 CAAC).

bd. S’agissant de la valeur du marché, les CAAC précisent : « à titre indicatif, la valeur totale du marché est estimée à CHF HT 520 millions (inclus option – hors coûts pour la maintenance). Ce montant n’engage nullement GA. Le candidat ne pourra formuler aucune revendication si le montant du marché attribué et/ou réalisé diffère de cet estimatif. Le prix de la tranche ferme ne pourra, en principe, pas dépasser CHF HT 24.6 millions » (art. 2.2.2 CAAC).

be. Les membres du jury étaient mentionnés nommément avec l’indication de leur titre et de leur fonction au sein du jury.

Y figurent notamment, au titre de membres professionnels, S______, directeur ______ AIG, et R______, P______ Sàrl.

O______, administrateur de M______ SA, avec signature individuelle, y est mentionné comme suppléant professionnel (art. 3.3 CAAC).

bf. L’appel à candidature pouvait faire l’objet d’un recours dans les 10 jours (art. 8 CAAC).

c. Le 25 janvier 2022, l'AIG a publié sur la plateforme simap.ch l'identité des trois candidats retenus.

d. Le 31 janvier 2022, A______ a adressé une demande à l’AIG tendant à la révocation de la décision de sélection de l’un de ses concurrents : l’offre présentée par le consortium formé par B______ et C______ (ci-après : B______/C______) intégrait C______ comme associé et H______ comme sous-traitante, toutes deux sanctionnées par la Banque mondiale le 4 janvier 2022 au titre de la lutte contre la fraude, la corruption et les pratiques collusives, dans un contexte de projets aéroportuaires.

H______ s’était vu interdire de participer aux projets financés par la Banque mondiale pour douze mois et ne pouvait y participer que sous conditions pour les douze mois suivants. C______ n’était autorisée à participer à ces projets que sous conditions pendant douze mois. Selon les communiqués de presse de la Banque mondiale, il était reproché aux entreprises concernées d’avoir participé à une rencontre avec des officiels durant un appel d’offres ou de ne pas avoir signalé des transferts de paiements. Les projets concernaient les aéroports de T______-______ et U______ à V______ sur lesquels avait notamment travaillé W______.

e. Le 2 février 2022, l’AIG a rejeté la demande de révocation.

f. Par acte posté le 4 février 2022, A______ a interjeté recours contre la décision de non sélection du 24 janvier 2021 de l’AIG devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation de la décision attaquée, à l’exclusion de l’offre de B______/C______ et à la sélection de la sienne et a notamment repris l’argumentation développée dans sa demande de révocation.

g. Dans sa décision sur effet suspensif du 1er avril 2022, la chambre administrative a rejeté la requête en octroi de l’effet suspensif, les chances de succès apparaissant alors insuffisantes. Elle a notamment relevé que « s'agissant du grief en lien avec les sanctions de la Banque mondiale à l'encontre de deux sociétés associées à B______, les explications données par le pouvoir adjudicateur apparaissaient a priori fondées. On ne voyait en effet pas que les CAAC aient pu se référer à une intégrité morale universelle, se référant bien plutôt à d'éventuelles sanctions prononcées en Suisse, et tant le caractère géographiquement et temporellement lointain des faits que la gravité toute relative de la sanction qui y était associée ne plaidaient pas pour une exclusion de la procédure relative aux MEP (ATA/337/2022 du 1er avril 2022).

h. Le 1er septembre 2022, l'AIG a communiqué de nouvelles décisions, entérinant la sélection de A______ en lieu et place de X______ AG, société sélectionnée, qui avait décidé de se retirer du processus en ne participant plus aux MEP.

i. Par décision du 16 novembre 2022, la chambre administrative a rayé la cause du rôle (ATA/1162 /2022).

C. a. Le second tour a commencé le 8 juin 2022 avec pour candidats : B______/C______, la société Y______ SAS (ci-après : Y______) ainsi que A______.

b. Le second tour était notamment réglementé par les conditions administratives MEP (révisées en avril 2023 sur des éléments non pertinents pour la présente cause ; ci‑après : CA-MEP), lesquelles ont été transmises aux candidats le 31 août 2022.

ba. Les CA-MEP étaient structurés en sept chapitres : 1) les « prescriptions du projet », 2) les « candidats sélectionnés pour les MEP », 3) la description générale des MEP, 4) les exigences relatives à l’offre, 5) l’adjudication, 6) l’approbation et 7) des annexes.

bb. L’art. 2.2 CA-MEP listait les personnes physiques ou morales pré-impliquées, non autorisées à participer à la procédure en tant que candidat ou sous-traitant, dont M______ et L______.

Les membres du jury étaient mentionnés nommément avec leurs titres et leurs fonctions au sein du jury (art. 2.3 CA-MEP). S______ et O______ y figurent. Les listes, modifiées les 25 novembres 2022, annonçant la récusation de Z______, « ______ AB______ », et 4 avril 2023, annonçant le remplacement de cette dernière par O______, ont été transmises aux candidats.

Les candidats sélectionnés (« inclus membres, sous-traitants, personnel ») devaient impérativement annoncer dès qu’ils en avaient connaissance, au plus tard dans leur offre, s’ils étaient en présence de situation de conflit d’intérêts avec un membre du jury ou un suppléant ou avec une des entités représentées par les membres du jury en remettant la « déclaration relative au conflit d’intérêts » dûment remplie (art. 2.4 al. 1 CA-MEP). Un contrat portant sur des services, travaux ou fournitures, liant un candidat (ou un sous-traitant) à [l’AIG] ou CFF SA, en cours d’exécution, mais ne concernant pas le projet, n’était pas considéré comme entraînant une situation de dépendance (art. 2.4 al. 2 CA-MEP).

bc. Sous le titre « interactions entre les candidats et l’AIG », les CA-MEP précisaient que le but de la procédure était d’aboutir, par des échanges entre les candidats et l’AIG (par le biais du jury et des spécialistes internes et/ou mandataires d’AIG), à des solutions permettant de répondre au mieux à ses besoins. Il était ainsi prévu dans le cadre des MEP que les candidats interagissent avec le jury lors des trois temps forts de la procédure : le lancement des MEP, les critiques intermédiaire et finale. Les candidats auraient par ailleurs l’opportunité d’échanger avec les spécialistes internes d’AIG ou ses mandataires lors des ateliers thématiques (art. 3.4 CA-MEP).

L’atelier 1 était consacré au cadrage général et étude d’implantation ainsi qu’aux phasage et conditions de l’existant. L’atelier 2 devait aborder le flux et expérience passagers, flux bagages, sécurité ainsi que la mobilité. L’atelier 3 traiterait des fonctionnalités, techniques et phasage. L’atelier 4 devait aborder l’entretien/maintenance, les installations et gestion technique ainsi que le concept énergétique et développement durable. L’atelier 5 devait permettre de passer le projet en revue avant le rendu final (art. 3.8 CA-MEP).

Lors de la critique intermédiaire, chaque candidat aurait 90 minutes à disposition pour la présentation de son projet, suivie d’une discussion de 60 minutes avec le jury. À l’issue de celle-ci, le jury établirait des recommandations générales destinées à l’ensemble des candidats, ainsi que des recommandations particulières transmises individuellement (art. 3.9 CA-MEP).

Lors de la critique finale, chaque candidat aurait 90 minutes à disposition pour la présentation de son projet, suivie d’une discussion de 60 minutes avec le jury (art. 3.10 CA-MEP). À l’issue de celle-ci, le jury établirait une recommandation d’adjudication à destination de l’AIG. Le jury se réservait la possibilité de prolonger la procédure par un degré d’affinement supplémentaire s’il le jugeait nécessaire (art. 5.5 CA-MEP).

bd. Les offres devaient parvenir à l’AIG soit par voie postale, soit par dépôt en mains propres au plus tard le lundi 28 août 2023 à 11h00, à l’attention du service Achats ou déposé directement à la réception de l’AIG, suivait l’adresse précise. Seules la date et l’heure d’arrivée du dossier feraient foi (art. 3.11 CA-MEP).

be. L’AIG ne prendrait en considération que les offres qui respectaient les CA‑MEP. À défaut, l’offre serait déclarée irrecevable (art. 4.3 CA-MEP).

bf. Le chapitre 5 traitait de l’adjudication.

L’art. 5.1 intitulé « critères d’adjudication et leur pondération » évoquait quatre « exigences de base » : 1) respect du programme fonctionnel ; 2) phasage des travaux avec maintien des opérations ; 3) respect de la cible environnementale ; 4) possibilité d’évolution. Il était précisé que le jury écarterait les offres qui ne respectaient pas ces exigences de base.

Suivaient les critères d’appréciation et les pondérations comme suit :

1. Prix 30%

1.1 Prix Études, travaux et entretien/maintenance (Tranches 1 à 3) 25%

1.2 Pourcentage appliqué sur les modifications de commande : 5%

 

2. Fonctionnalité 25%

2.1 Opérations : 10%

Eléments d’appréciation :

- Processus passagers*

- Processus sûreté*

- Processus bagages*

2.2 Activités commerciales : 8%

Eléments d’appréciation :

- Processus commerces et restauration (attractivité)*

- Régie

2.3 Mobilité et accès logistique : 7%

Eléments d’appréciation :

- Processus mobilité et logistique*

- Cohérence globale, inclusion du pôle multimodal et intégration du projet avec l’existant

 

3. Qualité architecturale 20%

Eléments d’appréciation :

- Articulation des espaces et volumes proposés

- Expériences passagers

- Choix des matériaux

- Lumière naturelle

- Design à toutes les échelles

 

4. Mise en œuvre et organisation 15%

4.1 Planning et phasage 10%

Eléments d’appréciation :

- Planification : crédibilité du planning et échéances de réceptions des ouvrages

- Phasage du chantier : pertinence du phasage proposé comprenant notamment la limitation des pertes des recettes commerciales induites par les travaux

4.2 Organisation 5%

Eléments d’appréciation :

- Profil et références des personnes-clés pour la phase conception

- Ressources humaines minimales mises à disposition

 

5. Qualité technique 10%

Eléments d’appréciation :

- Solutions techniques proposées

- Maintenance

*Le terme « processus » couvre les aspects de dimensionnement, de fonctionnalité et de qualité.

bg. Les CA-MEP pouvaient faire l’objet d’un recours dans les dix jours dès leur notification (art. 5.10 CA-MEP).

bh. L’annexe 1 détaillait la liste des dossiers remis par l’AIG à chaque candidat et la 3 la liste des documents demandés pour le rendu final.

c. Huit rondes de questions-réponses ont eu lieu entre juin 2022 et juillet 2023.

d. Les cinq ateliers thématiques ont eu lieu, entre chaque entreprise candidate sélectionnée et l’AIG, hors jury, entre le 31 août 2022 et le 16 juin 2023.

e. La critique intermédiaire s’est déroulée les 30 et 31 mars 2023 avec chaque entreprise candidate, en présence du jury.

f. Le 28 août 2023, les candidats ont rendu leur offre. À teneur d’un reçu de l’AIG, celle de B______/C______ a été déposée à la réception de l’AIG à 10h55. Elle était composée de « 15 cartons + 4 tubes ».

g. Après la critique intermédiaire, les spécialistes internes et externes de l’AIG ont analysé les offres et ont transmis un « Rapport d’analyse GA » (ci-après : le Rapport d’analyse). À teneur du document, il synthétise les commentaires et notes décidées collégialement par les experts de l’AIG et est rédigé par les référents.

Il précise que l’analyse des différentes offres a été faite en application du document intitulé « Déroulement des analyses des dossiers MEP CAP 2030, Plateforme‑multimodale et Galerie commerciale » validé par le Jury le 10 mai 2022 (ci-après : Déroulement des analyses). Ce document est interne. Il précise les rôles de l’expert (niveau élément d’appréciation), du superviseur (niveau élément d’appréciation), du référent (niveau sous-critère), du référent principal (niveau critère), et du jury. Sous le titre « personnes impliquées », il précise, nommément, leurs rôles aux différentes étapes de la procédure d’évaluation.

h. La critique finale s’est tenue du 3 au 5 octobre 2023, avec chaque entreprise candidate sélectionnée, en présence du jury.

i. Les critiques finales ont donné lieu à un autre document, intitulé « Recommandations d’adjudication des MEP » (ci-après : les Recommandations) du jury à l’attention du pouvoir adjudicateur à savoir : 1) de déclarer l’offre de Y______ irrecevable ; 2) d’adjuger le marché à la suite des MEP CAP2030, plateforme multimodale et galerie CFF à B______/C______.

j. Par décision du 1er novembre 2023, l’AIG a adjugé le marché au consortium B______/C______ pour le montant de CHF 711'962'265.- HT et un pourcentage à appliquer sur les modifications de commande de 15%.

Le même jour, il a informé A______ que le marché avait été adjugé au consortium B______/C______ et qu’elle était classée 2e sur deux offres évaluées.

L’offre de Y______ étant déclarée irrecevable, celle-ci a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative ; cause A/3755/2023).

A______ a obtenu la note globale de 3.49 alors que l’adjudicataire s’est vu attribuer 3.89 conformément au tableau suivant :

 

MEP CAP 2030 – Récapitulatif des notes par critère

 

1.1

1.2

2.1

2.2

2.3

3

4.1

4.2

5

 

25%

5%

10%

8%

7%

20%

10%

5%

10%

100%

 

Prix HT/CHF

%

Note

Note

Note

Note

Note

Note

Note

Note

Note

Note

B______/C______

711'962'265.-

15%

4.55

4.74

3

3

4

4

4

3

3.5

3.89

A______

653'000'000.-

12%

5.00

5.00

3.5

3.5

3

3

2

3

2

3.49

D. a. Par acte du 13 novembre 2023, A______ a interjeté recours « contre la décision de non adjudication du 1er novembre 2023, respectivement d’adjudication » devant la chambre administrative. Elle a conclu à l’annulation de l’adjudication en faveur des adjudicataires, à leur exclusion et à ce que le marché lui soit attribué, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au pouvoir adjudicateur pour nouvelle décision, plus subsidiairement à ce que l’illicéité de la décision soit constatée et qu’un délai lui soit octroyé pour chiffrer son indemnité. Préalablement, sur mesures superprovisionnelles et effet suspensif, il devait être fait interdiction à l’autorité adjudicatrice de conclure le contrat avec les adjudicataires et l’effet suspensif devait être octroyé.

L’offre de l’adjudicataire devait être exclue en raison de sanctions prononcées par la Banque mondiale contre C______ et le sous-traitant H______, des conflits d’intérêts et de l’impartialité de trois membres du jury et de deux experts, de la tardiveté de l’offre remise par l’adjudicataire, du non-respect de l’exigence de la structuration des coûts. Le pouvoir adjudicateur avait fait preuve d’arbitraire dans l’évaluation de son offre et de celle de l’adjudicataire en ce qui concernait les notes des critères « 2. Fonctionnalité », « 4. Mise en œuvre et organisation » ainsi que « 5. Qualité technique ». Les griefs seront développés, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

b. Par mesures superprovisionnelles du 14 novembre 2023, la chambre administrative a fait interdiction à l’AIG de conclure le contrat d’exécution de l’offre jusqu’à droit jugé sur la requête en octroi de l’effet suspensif.

c. Par correspondance du 17 novembre 2023, l’AIG a relevé que le sort du recours dépendait de celui déposé par Y______ contre son exclusion de la procédure (cause A/3755/2023). Il ne conclurait pas le contrat avec les adjudicataires et, partant, ne s’opposait pas à ce que l’effet suspensif soit octroyé jusqu’à ce qu’une décision exécutoire dans la procédure contre la décision d’exclusion soit rendue.

d. A______ a conclu au rejet de la demande de suspension de la procédure.

e. Le consortium B______/C______ s’en est rapporté à justice s’agissant de la requête de suspension de la procédure et a conclu au rejet de la requête en octroi de l’effet suspensif.

f. Sur le fond, le 14 décembre 2023, tant l’AIG que B______/C______ ont conclu au rejet du recours. Leurs arguments seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

g. Le 22 décembre 2023, A______ a déposé auprès de l’AIG une demande de révocation de la décision de non-adjudication et d’adjudication en sa faveur du marché litigieux. Sa requête faisait suite à la parution d’articles de presse mentionnant une convention judiciaire d’intérêt public signée entre le Parquet national financier (ci‑après : PNF) et H______ le 29 novembre 2023, validée par le président du Tribunal judiciaire de Paris suite à une plainte de 2013 concernant des appels d’offres en ______ pour la construction de terminaux aéroportuaires à ______, ______et ______ainsi que « quelques contrats de moindre envergure » entre 2006 et 2008 et à la suite de laquelle H______ payerait EUR 14.6 millions pour mettre un terme au litige.

h. En réponse à ladite demande de révocation, le pouvoir adjudicateur a rappelé l’effet dévolutif d’un recours. Les conditions d’une interruption de marché n’étaient pas remplies. Les éventuels faits de corruption à l’étranger ne relevaient pas du périmètre des conditions d’aptitude définies tant par les CAAC que par les CA‑MEP. Enfin, H______ n’avait pas été condamnée par les autorité françaises. Tant la convention judiciaire d’intérêt public que l’ordonnance de validation mentionnaient expressément qu’elles n’emportaient pas déclaration de culpabilité et n’avaient pas la nature ni les effets d’un jugement de condamnation.

i. Par décision du 11 janvier 2024, la chambre administrative a octroyé l’effet suspensif au recours d’A______ et prononcé la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans la cause A/3755/2023.

j. Par arrêt du 19 mars 2024, la chambre administrative a rejeté le recours de Y______ (ATA/388/2024).

Cette dernière ayant annoncé renoncer à recourir auprès du Tribunal fédéral contre ledit arrêt, l’instruction de la présente procédure a été reprise par décision du 13 mai 2024.

k. A______ a répliqué le 13 juin 2024 alors que l’AIG et l’adjudicataire ont dupliqué fin août 2024. Le consortium B______/C______ a notamment produit le texte intégral de la convention judiciaire d’intérêt public conclue entre le PNF et H______ le 29 novembre 2023 et précisé qu’H______ avait volontairement décidé de porter l’affaire devant les tribunaux en 2013, n’avait pas perçu les avantages tirés des manquements litigieux, n’était pas soumise à un programme de mise en conformité sous le contrôle de l’agence française anticorruption et que, depuis 2017, le groupe J______ avait mis en place un programme « Éthique et Compliance », le « plan vigilance 2022 » du groupe J______ décrivant le programme d’éthique étant produit.

l. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

m. À la suite d’une réplique spontanée de la recourante le 6 septembre 2024, une ultime écriture de l’adjudicataire a été produite le 19 septembre 2024.

n. À la demande de la juge déléguée, l’AIG a transmis le « Dossier de dépôt de candidature » et les « Déclarations relatives aux conflits d’intérêts » de B______/C______ lesquelles ont été transmises aux parties le 18 novembre 2024. Il n’y est pas fait mention de conflit d’intérêts.

o. Dans une réplique spontanée, A______ a notamment relevé que le « groupement adjudicataire » pour l’aéroport de AC______, dont L______ et E______ faisaient partie, avait été signé durant l’été 2024 un contrat de concession qui prendrait effet le 1er octobre 2024, ce qui démontrait le lien entre les deux sociétés. Il résultait du dossier de candidature produit que AD______, directeur technique de C______, « participait à toutes les études techniques impliquant des aéroports dans le monde ». Ainsi non seulement les deux sociétés étaient liées entre elles, mais leurs collaborateurs avaient l’habitude de coopérer depuis des années pour faire prospérer leurs employeurs respectifs.

p. Le contenu des écritures et des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

2.             La recourante sollicite préalablement plusieurs mesures d’instruction.

2.1 Elle conclut à la production de quatre pièces ou lots de pièces soit : 1) l’offre déposée par B______ ; 2) toute pièce attestant des relations commerciales et des contrats conclus entre AE______ Sàrl et B______ ainsi que toute pièce attestant des collaborations sur les projets entre P______ Sàrl et B______ ; 3) toute pièce attestant des relations commerciales et des contrats conclus entre les groupes L______ et C______ ; 4) les notes et rapports d’expertise des évaluateurs au sujet de la notation de l’offre remise par la recourante et par l’adjudicataire.

2.1.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

2.1.2 Selon l’art. 45 LPA, l’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent (al. 1). Le refus d’autoriser la consultation des pièces ne peut s’étendre qu’à celles qu’il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu’elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu’elles ont faites (al. 2). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre‑preuves (al. 3).

2.1.3 Selon l'art. 11 let. g AIMP, le traitement confidentiel des informations doit être respecté lors de la passation de marchés publics. L'art. 22 RMP, intitulé « confidentialité et droits d'auteur », prévoit que les informations mises à disposition par les soumissionnaires, en particulier les secrets d'affaires et de fabrication, sont traitées de façon confidentielle (al. 1). Les travaux et délibérations concernant l'évaluation des offres sont confidentiels (al. 3).

L'art. 22 al. 1 RMP concrétise la règle générale de procédure de passation de marchés qui exige le traitement confidentiel des informations (art. 11 al. 1 let. g AIMP). Elle respecte les droits et devoirs de l'adjudicateur de limiter l'accès au dossier pour garantir l'intérêt de la société adjudicataire de ne pas dévoiler à sa concurrente évincée des secrets d'affaires ou de fabrication (arrêt du Tribunal fédéral 2C_890/2008 du 22 avril 2009 consid. 5.3.3 ; ATA/1164/2023 du 31 octobre 2023 consid. 3.5 et l'arrêt cité).

2.1.4 Selon la doctrine, en matière de marchés publics, le droit d'accès au dossier est limité en raison de la protection des intérêts commerciaux légitimes des soumissionnaires. Ces derniers ne peuvent avoir accès à des documents couverts par le secret d'affaires. Cette limitation restreint leurs droits mais ne les laisse pas sans protection. Ils peuvent demander à l'adjudicateur les motifs du rejet de leur offre dont l'autorité de recours vérifie la validité en se fondant sur une analyse complète des offres concurrentes (arrêt du Tribunal fédéral 2P. 274/1999 du 2 mars 2000 consid. 2c in SJ 2000 I p. 546 ; Jean-Baptiste ZUFFEREY, Accès au dossier, in DC/BR 2/2011, p. 101). Il ne faut toutefois pas perdre de vue que le droit d'être entendu ne peut être exercé utilement par une partie que si elle a accès aux éléments essentiels du dossier (ATA/1164/2023 du 31 octobre 2023 consid. 3.4 et la référence citée).

2.1.5 En l’espèce, il n’est pas contesté que les offres sont volumineuses, celle de A______ comportant « 15 cartons + 4 tubes » selon le reçu de l’AIG du 28 août 2023. La recourante soutient d’ailleurs qu’il a fallu environ une demi-heure pour la livrer à AIG. La procédure comprend les principales pièces du dossier permettant de trancher le litige. Les parties sont ainsi en possession de nombreux documents à l’instar des réponses aux questions posées lors des sept « rounds », ainsi que de celles posées jusqu’au 11 juillet 2023, du tableau de rendu final des offres, du procès-verbal d’ouverture des rendus intermédiaires, ainsi que, surtout, des rapports d’analyse lors de la critique finale et des recommandations d’adjudication des MEP. Des extraits éventuellement pertinents des offres des soumissionnaires ont été produits par l’AIG, mais n’ont pas été transmis à leurs concurrentes. Les offres ne sont toutefois pas déterminantes pour l’issue de la procédure. La recourante a précisé vouloir « à tout le moins les documents permettant de vérifier les indications fournies s’agissant notamment du respect des exigences d’intégrité morale et des potentiels conflits d’intérêts ». Ces documents ont été versés à la procédure et transmis aux parties. L’AIG a précisé que le « Dossier de dépôt de candidature » de B______/C______ était connu de A______, ayant été produit dans la procédure relative au 1er tour. Les « Déclarations relatives aux conflits d’intérêts » de B______/C______ ne font pas état de conflits d’intérêts, conformément à l’argumentation soutenue par le consortium. A______ s’est déterminée sur leur contenu dans une réplique spontanée.

Il n’est pas nécessaire d’ordonner la production de « toute pièce attestant des relations commerciales et des contrats conclus entre AE______ Sàrl et B______ ainsi que toute pièce attestant des collaborations sur les projets entre P______ Sàrl et B______ ainsi qu’entre L______ GROUP et le « GROUPE C______ » compte tenu des développements qui suivent.

Enfin, la recourante sollicite les notes et rapports d’expertise des évaluateurs au sujet de la notation de l’offre remise par la recourante et par l’adjudicataire, « afin de permettre à la recourante de vérifier plus en détail la notation de son offre et de celle de l’adjudicataire ». Les documents produits, en particulier le rapport d’analyse et les recommandations, tous deux détaillés, suffisent pour comprendre les raisons des notations. Ces mesures d’instruction ne sont pas nécessaires pour trancher l’issue du litige.

2.2 La recourante sollicite l’audition de quatre personnes (S______, O______, R______ et AF______) concernées par son grief relatif aux conflits d’intérêts entre l’adjudicataire et le pouvoir adjudicateur et de personnes en lien avec le grief relatif à la tardiveté du dépôt de l’offre de l’adjudicataire (AG______, AH______ et AI______, collaborateurs du service achats de l’AIG, la collaboratrice de l’AIG en charge de la réception des offres ainsi que les collaborateurs de Y______ en charge de la livraison de l’offre).

2.3  

2.3.1 L’art. 29 Cst. n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.3.2 En l’espèce, l’audition des personnes en lien avec le grief relatif aux conflits d’intérêts entre l’adjudicataire et le pouvoir adjudicateur n’apparaît pas nécessaire. Le dossier contient les renseignements utiles quant au parcours professionnel de S______, O______ et R______. Les pièces versées au dossier suffisent pour trancher le grief, conformément aux développements qui suivent. De même, l’audition de l’architecte cantonal, AF______, n’est pas indispensable dès lors qu’il n’est pas contesté qu’il a quitté la présentation de la critique intermédiaire du 31 mars 2023 de A______ une trentaine de minutes avant la fin de la présentation. L’audition de personnes en lien avec le grief relatif à la tardiveté du dépôt de l’offre de l’adjudicataire n’est pas nécessaire, puisqu’il n’est pas contesté que le premier carton est arrivé avant 11 heures et que, même à considérer que le déplacement des derniers aurait été effectué après ladite heure, le grief serait quand même rejeté conformément aux considérants qui suivent.

Pour le surplus, la chambre de céans dispose d'un dossier complet qui lui permet de statuer en connaissance de cause. Par conséquent, il ne sera pas procédé aux actes d'instruction sollicités.

3.             Dans sa réponse au fond, B______ sollicite, sans toutefois y conclure, que la réplique spontanée déposée par A______ le 4 décembre 2023 soit écartée au motif qu’elle n’aurait été transmise qu’après que la cause avait été gardée à juger sur effet suspensif et sur suspension de la procédure.

L’adjudicataire ayant pu se déterminer, au fond, après réception de ladite réplique, aucun motif ne justifie de l’écarter. Il ne précise au demeurant pas sur quelle base légale il fonde sa requête.

4.             Le litige porte sur l’adjudication du marché dans le cadre d’une procédure de MEP à deux degrés en procédure sélective.

4.1 À teneur de l’art. 16 de l’AIMP, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a ; al. 1), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; al. 1). Le grief d’inopportunité ne peut pas être invoqué (al. 2).

4.2 La procédure est soumise notamment à l’AIMP et au RMP.

Non mentionnée expressément dans l’AIMP entré en vigueur pour le canton de Genève le 1er janvier 2008, la procédure des MEP est maintenant prévue par l’art. 22 de l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 15 novembre 2019 (RS 731.2-1 - AIMP 2019) qui n’est toutefois pas en vigueur dans le canton de Genève. Selon l’art. 22 AIMP 2019, l’adjudicateur qui organise un concours d’études ou un concours portant sur les études et la réalisation ou qui attribue des MEP définit la procédure au cas par cas, dans le respect des principes énoncés dans l’accord. Il peut se référer aux règles édictées en la matière par les associations professionnelles.

La procédure des MEP figure néanmoins expressément dans la législation genevoise, qui prévoit que le RMP doit être respecté par l’autorité adjudicatrice qui organise un concours ou souhaite attribuer des MEP (art. 4 al. 1 RMP). La chambre de céans a déjà fait application de l’AIMP à cette procédure (ATA/167/2024 du 6 février 2024 ; ATA/733/2005 du 1er novembre 2005 dans une procédure qui n’atteignait toutefois pas la valeur‑seuil).

Sous l’empire du règlement sur la passation des marchés publics en matière de construction du 19 novembre 1997 (RMPC - L 6 05.01), abrogé par l’adoption du RMP et ne mentionnant pas les MEP, la chambre de céans avait déjà retenu, et cela est confirmé par la doctrine, que même en l’absence de dispositions légales de droit genevois ou fédéral consacrées aux MEP, ceux-ci étaient admissibles et leur adjudication était assujettie aux règles du droit commun des marchés publics (ATA/733/2005 du 1er novembre 2005 consid. 8a ; Olivier RODONDI, in Marchés publics 2014, p. 210 ; Jacques DUBEY, note in DC 2010 p. 216 ; Jacques DUBEY, Le concours en droit des marchés publics, 2005, p. 152 et note in DC 2009, p. 80).

4.3 En général, la procédure des MEP est assimilée de façon plus ou moins explicite aux concours, en tant que forme de mise en concurrence spéciale ouvrant la voie à une adjudication de gré à gré en faveur du lauréat. Dans les deux cas, la mise en concurrence est faite sur la base de prestations plutôt que d’offres et le maître doit s’entourer de professionnels de la branche concernée pour apprécier les prestations, le jury du concours étant remplacé par un collège d’experts dans la procédure des MEP. Tous les participants sont rémunérés de manière égale en proportion des prestations fournies dans la procédure des MEP. La distinction entre les procédures tient également à l’absence d’anonymat des concurrents en cas de MEP (Jacques DUBEY, Le nouveau règlement des mandats d’étude parallèles d’architecture et d’ingénierie SIA-143/2009, in DC 4/2009, p. 140 et Jacques DUBEY, Le concours en droit des marchés publics, p. 153).

La particularité de la procédure tient au dialogue que les MEP ont pour objectif d’instaurer, soit une communication directe et orale que le collège d’experts et les participants établissent et entretiennent pendant le déroulement des études, permettant de clarifier les points soulevés par les candidats et de préciser les buts recherchés par le MO. Le règlement SIA 143 impose au minimum un dialogue intermédiaire et un dialogue final. Ces échanges doivent être consignés dans un procès-verbal et sont faits dans le respect de la confidentialité et de l’égalité : à la suite d’une étape de dialogue, les données spécifiques à chaque étude ne sont envoyées qu’au candidat concerné, afin de préserver son avantage concurrentiel ; au contraire, les indications générales sont adressées à l’ensemble des candidats, pour éviter toute discrimination (Jacques DUBEY, op. cit., p. 143).

4.4 Pour être considérées en vue de l'adjudication, les soumissions doivent être conformes, au moment de leur ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres, et avoir été déposées par un fournisseur remplissant les conditions de participation (art. XIII al. 4 let. a de l’accord du 15 avril 1994 sur les marchés publics - AMP -RS 0.632.231.422).

Les principes de transparence et de non-discrimination constituent des valeurs centrales des marchés publics. L’existence du marché et des conditions qui s’y appliquent doivent être connues des concurrents et le pouvoir adjudicateur ne peut pas favoriser des concurrents (Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2023, p. 234). Parmi les principes généraux des marchés publics figurent notamment ceux de non-discrimination et d’égalité de traitement de chaque soumissionnaire, de concurrence efficace, de respect des conditions de récusation des personnes concernées et de traitement confidentiel des informations (art. 11 AIMP).

5.             Dans un premier grief, la recourante évoque les sanctions prononcées par la Banque mondiale à l’encontre de C______ et de sa sous-traitante et leurs conséquences.

5.1 Elle invoque une violation des art. 42 al. 1 let. d et al. 2 let. c RMP. Le consortium aurait dû être exclu du marché notamment en application de ces dispositions. Selon elle, si certes la disposition est potestative, l’évolution des mœurs et des valeurs rendrait arbitraire une décision tolérant des actes sanctionnés par une institution digne de foi telle que la Banque mondiale. Compte tenu notamment des engagements internationaux de la Suisse, à l’instar de la Convention des Nations unies contre la corruption du 31 octobre 2003, un adjudicateur ne pourrait faire abstraction de telles sanctions, ce d’autant moins qu’il aurait intégré dans les exigences du marché une clause d’intégrité morale (chapitre 3 du « Dossier de dépôt de la candidature » ; ci-après : « Dossier de dépôt ») et aurait émis des « conditions générales de l’AIG relatives à l’achat de biens ou de services ainsi qu’à l’exécution d’un ouvrage », du 1er mai 2019 (ci‑après : les conditions générales relatives à l’achat de biens ou de services), qui allaient dans le même sens.

5.1.1 L'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire, notamment, a conclu un accord qui porte atteinte à une concurrence efficace (art. 42 al. 1 let. d RMP). L'autorité adjudicatrice peut également écarter l'offre d'un soumissionnaire qui ne remplit pas les garanties de bienfacture, de solvabilité et de correction en affaires (art. 42 al. 2 let. c RMP).

Le « Dossier de dépôt » comprend, sous le chapitre 3, la confirmation, par le candidat, de 26 engagements, notamment : qu’il n’a pas faussé la concurrence en réalisant des arrangements ou des accords entre candidats (ch. 3) ; qu’il fait preuve d’intégrité morale, notamment en prenant des mesures pour lutter contre la corruption et en s’abstenant d’offrir un quelconque avantage à un membre de l’autorité adjudicatrice ou à un membre du comité d’évaluation, dans le but d’obtenir un marché au détriment d’un autre candidat ou de soustraire le marché à une mise en concurrence. Toute violation de la clause relative à l’intégrité morale entraîne en principe l’annulation de la sélection et/ou l’adjudication, ainsi que la dénonciation anticipée du contrat par l’AIG pour justes motifs. D’autres sanctions peuvent être prises par l’AIG, notamment si la violation de la clause relative à l’intégrité morale devait être découverte en cours de procédure d’appel à candidatures/d’offres (ch. 12) ; à ce que ses sous-traitants éventuels respectent les engagements dudit dossier (ch. 26).

À teneur de l’art. II ch. 13 des « conditions générales de l’AIG relatives à l’achat de biens ou de services », « le contractant fait preuve d’intégrité morale, notamment en prenant des mesures pour lutter contre la corruption et en s’abstenant d’offrir un quelconque avantage à l’AIG et/ou à ses employés, dans le but d’obtenir un marché au détriment d’un autre prestataire ou de soustraire le marché à une mise en concurrence ».

5.1.2 Le Tribunal fédéral a considéré comme arbitraire un arrêt du tribunal cantonal des Grisons n’excluant pas l’offre d’un adjudicataire qui avait été condamné pour corruption d’agents publics à l’étranger. Il n’était pas pertinent qu’au moment des faits, ces derniers ne soient pas incriminés en Suisse. L’existence d’une condamnation pénale suffisait, mais la cause était renvoyée au Tribunal cantonal pour l’examen du respect du principe de la proportionnalité. La loi cantonale grisonne indiquait que l’offre d’un soumissionnaire condamné pénalement dans un jugement à l’occasion de la réalisation d’autres marchés devait être exclue de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 2D_49/2011 du 25 septembre 2012, commenté par Jean-Baptiste ZUFFEREY in Droit de la construction 2012, p. 258 lequel mentionnait notamment que « à notre connaissance jusqu’ici, jamais le Tribunal fédéral n’avait eu à se prononcer sur la question de savoir si l’application de la clause d’exclusion des marchés publics en Suisse doit aussi prendre en compte les condamnations pénales à l’étranger »).

5.1.3 Le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a, pour sa part, retenu, en matière d’application de la loi fédérale sur les marchés publics du 16 décembre 1994 (LMP - RS 172.056.1), non applicable en l’espèce, mais intéressant au vu du peu de jurisprudence sur la question, que les art. 26 al. 1 (exigeant, comme condition de participation, d’avoir payé les impôts et les cotisations sociales exigibles) et 44 al. 1 let. g (relatif à l’exclusion) englobaient exclusivement les impôts et cotisations sociales soumis au droit suisse, à l’exclusion de ceux soumis au droit étranger. Ces dispositions avaient pour but de ne pas attribuer de marchés publics financés par l’argent des contribuables à un soumissionnaire endetté auprès du fisc helvétique. Le TAF a rejeté le grief selon lequel un adjudicataire devrait être exclu en raison d’infractions fiscales commises par une sous-traitante à l’étranger (arrêt du TAF B‑1714/2022 du 19 septembre 2023).

5.1.4 Le Tribunal administratif (ci-après : TA), devenu depuis la chambre administrative, a retenu que la lecture de l'art. 42 al. 2 let. c RMP (anciennement art. 35 let. e RPMPC) permet clairement de comprendre que l'autorité adjudicatrice a la possibilité d'écarter un adjudicataire dont la fiabilité peut être mise en doute, soit parce qu'il ne réalise pas les travaux qui lui seraient confiés d'une manière satisfaisante, soit parce que son assiette financière ne serait pas assez solide ou encore parce que son attitude, en tant que partenaire commercial, prêterait le flanc à la critique (ATA/1168/2024 du 8 octobre 2024 consid. 4.7 ; ATA/507/2001 du 7 août 2001).

Le TA avait de même a retenu qu’une autorité adjudicatrice était fondée à concevoir des doutes sur la correction en affaires d’une SA, dont l'une des personnes mentionnées dans son offre, en tant que responsable de l'entreprise, avait été condamnée pour gestion déloyale. Il était précisé que la décision, rendue en dernière instance cantonale, faisait l'objet d'un pourvoi en nullité et d'un recours de droit public au Tribunal fédéral, voies de recours extraordinaires, qui n'empêchaient pas l'exécution de la sanction, sous réserve d'une demande de restitution de l'effet suspensif. Le fait que la personne condamnée ne soit plus administratrice de cette société n'était pas déterminant, dans la mesure où la société elle-même avait annoncé que la personne en question était responsable. La notion de « correction en affaires », plus large que celle de « personne condamnée », tendait précisément à permettre à l'autorité d'écarter les soumissionnaires peu corrects dans la gestion de leurs relations d'affaires. Le fait même qu'un litige, sanctionné par une condamnation pénale pour gestion déloyale, existait entre la SA et les autres sociétés ayant participé à un marché public suffisait pour que l'autorité adjudicatrice puisse concevoir des doutes sur le soumissionnaire et ne désire pas conclure un contrat avec lui (ATA/507/2001 du 7 août 2001 consid. 5).

5.1.5 En l’espèce, le « Dossier de dépôt », signé par l’adjudicataire, est un document de neuf pages dont trois sont consacrées aux engagements du candidat. 26 points sont décrits, sous la précision que ces derniers sont « pour la procédure et pour l’exécution du marché dans le cas où il est sélectionné et/ou adjudicataire ». De même, les « conditions générales de l’AIG relatives à l’achat de biens ou de services » s’appliquent aux contrats passés par l’AIG (art. I ch. 1). La recourante ne peut en conséquence rien déduire de l’éventuelle sanction de la Banque mondiale à l’encontre de l’adjudicataire et l’un de ses sous-traitants sur la base de ces documents.

Par ailleurs, l’AIG n’a pas requis des soumissionnaires de documents ou d’attestations d’engagement garantissant la probité internationale du candidat et de ses sous-traitants. Les candidats ne devaient pas confirmer ne pas avoir fait l’objet de condamnation pénale à l’étranger. Contrairement au cas grison précité, la législation genevoise ne prévoit pas l’exclusion des marchés publics en cas de condamnation pénale à l’occasion de la réalisation d’autres marchés. De surcroît, les sanctions litigieuses résultent d’un processus clos par un « settlement agreement », non publiquement accessible. Les faits fondant la sanction ne sont pas connus, et leur qualification juridique était contestée par les sociétés concernées. Il n’est pas allégué que les faits visés par les sanctions aient donné lieu à des décisions judiciaires ou administratives dans les États concernés (V______ et AK______). Il n’est de même pas établi que les violations soient pertinentes notamment quant à leur fondement juridique, dans le cadre du marché concerné par la présente procédure. L’adjudicataire indique, sans être contredit, que la sanction à son égard a consisté en une « non radiation conditionnelle et provisoire pour douze mois », la société étant autorisée à participer à des projets financés par la Banque mondiale si elle respectait les engagements pris dans le cadre de l’accord transactionnel conclu, ce qui avait été le cas. La société a été retirée de la liste des entités sous sanction avec effet au 4 janvier 2023 au vu du respect de ses engagements. La convention judiciaire d’intérêt public signée entre le PNF et H______ le 29 novembre 2023, validée par le président du Tribunal judiciaire de Paris suite à une plainte de 2013 concernant des appels d’offres en ______ pour la construction de terminaux aéroportuaires à ______, ______ et ______ ainsi que « quelques contrats de moindre envergure » entre 2006 et 2008, à teneur d’articles de presse produits par la recourante, ne modifie pas ce qui précède. Le pouvoir adjudicateur, après avoir défini les conditions nécessaires pour participer aux MEP, sans que celles-ci ne fassent l’objet de recours, pouvait, sans abuser de son pouvoir d’appréciation, considérer que l’adjudicataire remplissait les conditions. Une exclusion de ce fait ne respecterait par ailleurs pas le principe de la proportionnalité, singulièrement le sous-principe de la proportionnalité au sens étroit, compte tenu des éléments qui précèdent.

La chambre administrative avait par ailleurs relevé, dans sa décision du 1er avril 2022, opposant les mêmes parties, dans une analyse toutefois limitée à la vraisemblance s’agissant d’une question d’octroi d’effet suspensif, dans le cadre du recours de A______ contre sa non sélection au second tour, qu’on ne voyait pas que les CAAC aient pu se référer à une intégrité morale universelle, se référant bien plutôt à d'éventuelles sanctions prononcées en Suisse, et que tant le caractère géographiquement et temporellement lointain des faits que la gravité toute relative de la sanction qui y était associée ne plaidaient pas pour une exclusion de la procédure relative aux MEP (ATA/337/2022 du 1er avril 2022).

Enfin, A______ n’a pas maintenu son recours contre la sélection du consortium pour le second tour et n’a pas contesté les CA-MEP dans lesquelles était expressément indiquée la participation du consortium. Le Dossier de dépôt était un document qui avait été produit au premier tour des MEP. A______ avait invoqué ce grief lors de son recours contre sa non sélection au premier tour. Le recours a toutefois été rayé du rôle. En ne se prévalant de ce grief qu’après l’adjudication, la recourante est forclose à l’invoquer, la question de savoir si elle a la qualité pour s’en prévaloir pouvant au surplus rester indécise.

Dans ces conditions, le pouvoir adjudicateur n’a violé ni l’art. 42 al. 1 let. d et al. 2 let. c RMP, ni le Dossier de dépôt, ni les conditions générales.

La question de savoir si, comme le soutient l’AIG, celui-ci ne serait pas compétent pour prononcer l’exclusion, au motif que le régime institué par l’art. 2 L-AIMP dissocierait expressément les exclusions du ressort du pouvoir adjudicateur de celles qui relèvent de la compétence du Conseil d’État souffrira de même de rester indécise.

5.2 La recourante invoque une violation des art. 42 al. 1 let. c RMP ainsi que 4.2 des CAAC et 4.3 des CA-MEP. Selon elle, le consortium aurait dû être exclu du marché en application de ces dispositions. En signant le « Dossier de dépôt », l’adjudicataire avait confirmé n’avoir pas faussé la concurrence en réalisant des arrangements ou des accords entre candidats et faire preuve d’intégrité morale, notamment en prenant des mesures pour lutter contre la corruption. Bien qu’ignorant la teneur exacte du dossier de candidature soumis par l’adjudicataire, il paraissait peu vraisemblable que celle-ci ait révélé spontanément au pouvoir adjudicateur les sanctions litigieuses. L’adjudicataire avait en conséquence fourni de faux renseignements.

Selon la recourante, trois raisons notamment imposaient que l’AIG ait connaissance des sanctions : 1) les sanctions infligées par la Banque mondiale avaient été prononcées le 24 janvier 2021 soit quelques mois seulement avant la publication du présent marché sur Simap ; 2) une des personnes clés proposées par l’adjudicataire, W______, avait travaillé sur les deux projets de V______, concernés par les pratiques collusives ; 3) l’AIG subissait une forte pression médiatique depuis, d’une part, un scandale de corruption en 2019 impliquant l’ancien chef de la sûreté et, d’autre part, que la Cour des comptes avait révélé une série de dysfonctionnements. En conséquence, si le pouvoir adjudicateur avait eu connaissance des sanctions infligées par la Banque mondiale, il aurait dû procéder à des investigations supplémentaires. Les art. 42 al. 1 let. c RMP, 4.2 des CAAC et 4.3 des CA-MEP étaient impératifs. Si la consultation de l’offre de l’adjudicataire confirmait que ce dernier avait tu l’existence des sanctions, une exclusion s’imposait.

5.2.1 L'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire, notamment, a fourni de faux renseignements (art. 42 al. 1 let. c RMP).

Les art. 4.2 des CAAC et 4.3 des CA-MEP prévoient tous les deux que « un candidat est exclu de la procédure s’il trompe ou cherche à tromper intentionnellement l’[AIG] en déposant des documents faux ou erronés, en fournissant des informations caduques ou mensongères, en proposant des preuves falsifiées ou non certifiées officiellement et s’il a modifié les bases d’un document remis via un support électronique (USB, CD-ROM, site internet, etc.) ou sous forme papier ».

5.2.2 En l’espèce, l’adjudicataire n’a pas annoncé avoir été sanctionné. Son silence n’emporte toutefois pas violation des art. 4.2 des CAAC et 4.3 des CA-MEP, dès lors que ces dispositions ne font état que du marché concerné par les MEP.

La question consiste à savoir si le silence doit être considéré comme un « faux renseignement ». Or, tel ne peut être le cas, compte tenu des considérants qui précèdent, singulièrement de l’absence d’obligation d’annoncer une sanction étrangère, du fait que le projet n’était pas financé par une institution de la Banque mondiale et n’était donc pas concerné par la sanction, qu’en tous les cas C______ restait éligible aux marchés publics et que l’AIG avait choisi de limiter l’engagement en faveur de l’intégrité morale au marché en cause, sans que cette clause ne fasse l’objet d’un recours.

À teneur de son curriculum vitae, W______ a travaillé pour le projet de l’aéroport de V______ de janvier 2017 à octobre 2019, soit postérieurement aux faits litigieux qui se sont déroulés de février à mai 2015. À cette époque, l’intéressé était à la direction du projet de l’aéroport d’______ (octobre 2008 à décembre 2016).

Dans ces conditions, l’AIG n’a pas violé les art. 42 al. 1 let. c RMP, 4.2 CAAC et 4.3 CA-MEP.

Il sera relevé que l’art. 42 al. 1 let. f RMP prévoit que l’offre est écartée d’office lorsque le soumissionnaire fait l’objet, à la date du dépôt de l’offre ou en cours de procédure : 1) d'une sanction entrée en force prononcée en application de l'art. 13 de la loi fédérale concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir du 17 juin 2005 (LTN - RS 822.41) ; 2) d'une sanction entrée en force prononcée en application de l'art. 9 al. 2 let. b, ch. 2, c ou e, de la loi fédérale sur les mesures d'accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20), ou 3) d’une mesure exécutoire prononcée en application de l’art. 45 al. 1 let. a ou c de la loi sur l’inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05). Il n’est pas contesté qu’aucune de ces situations n’est réalisée.

En conséquence, aucun des cas de l’art. 42 al. 1 RMP n’étant réalisé, c’est à bon droit que l’AIG n’a pas écarté d’office l’offre de l’adjudicataire.

Par ailleurs, les hypothèses de l’art. 42 al. 2 RMP n’octroient au pouvoir adjudicateur que la possibilité d’écarter une offre. La recourante ne peut en conséquence en déduire aucun droit.

Le grief sera écarté.

6.             Dans un second grief, la recourante invoque une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. au motif d’un conflit d’intérêts et de l’impartialité de trois membres du jury et de deux experts ainsi qu’une violation de la « déclaration relative aux conflits d’intérêts ». Elle indique que même les potentiels et hypothétiques conflits d’intérêts devaient être annoncés, sous peine d’exclusion du candidat. Or, à la lecture des Recommandations, annexées à la décision attaquée, l’AIG aurait : 1) favorisé l’adjudicataire par la modification des exigences de base et 2) fait preuve d’arbitraire dans l’évaluation des critères d’adjudication et se serait livrée à une double évaluation du critère du prix, dans la seule intention de pénaliser la recourante qui avait offert la moins‑disante. La recourante avait alors analysé les hypothétiques conflits d’intérêts et avait constaté que pas moins de quatre personnes physiques et une personne morale avaient participé au processus d’adjudication malgré des conflits d’intérêts. Elle détaillait sa position, laquelle sera reprise ci‑dessous. Les motifs de récusation avaient été découverts pendant le délai légal de recours de dix jours. Selon elle, elle n’avait aucune raison de procéder auparavant à des vérifications. Il était ainsi probable que le consortium n’ait pas annoncé ses potentiels conflits d’intérêts, en violation des art. 29 Cst. et de la « déclaration relative aux conflits d’intérêts », laquelle prévoyait, dans une telle hypothèse, l’exclusion du candidat.

6.1 Aux termes de l’art. 29 al. 1 Cst. – applicable lorsque l’impartialité des membres d’une autorité non judiciaire est invoquée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_36/2010 du 14 juin 2010 consid. 3.1 et 2C_643/2010 du 1er février 2011 consid. 5.1) –, toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

6.2 Lors de la passation de marchés, les conditions de récusation des personnes concernées doivent être respectées (art. 11 let. d AIMP).

Les personnes appelées à préparer ou à rendre une décision en matière de marchés publics doivent se récuser aux conditions de l'art. 15 LPA (art. 19 RMP).

Un membre d'une autorité administrative doit se retirer et est récusable par les parties s'il a un intérêt personnel dans l'affaire, est parent ou allié d'une partie en ligne directe ou jusqu'au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s'ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple, représente une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire et s'il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (art. 15 al. 1 LPA).

6.3 Selon la « directive concernant la prévention et la gestion des conflits d’intérêts – principe en matière de cadeaux et d’invitation » du 1er octobre 2020 (ci-après : directive concernant la prévention et la gestion des conflits d’intérêts) « un conflit d’intérêt existe lorsque les intérêts personnels d’un collaborateur de l’[AIG] influencent (conflit d’intérêts réel) ou peuvent influencer (conflits d’intérêts potentiel) l’exercice indépendant, impartial et objectif de sa fonction et entre en conflit avec les intérêts de l’[AIG] » (art. 4.1).

Suit une liste, non exhaustive, de cinq exemples de situations susceptibles d’entraîner des conflits d’intérêts, comme la participation d’un collaborateur de l’AIG à une procédure d’adjudication (c’est-à-dire à l’élaboration des documents d’appel d’offres ou la fixation des critères ou à l’évaluation des candidats) dont l’un des potentiels soumissionnaires est une entreprise, quelle que soit sa forme juridique, dirigée par ou dans laquelle travaille un membre de sa famille, un ami ou un proche, ou dans laquelle il détient une participation financière ou tout autre intérêt en remplit les conditions.

6.4 Les CAAC précisent sous le titre « incompatibilité » que « M______ SA ET AUTRE ENTREPRISES GROUPE M______ » ainsi que le « groupe L______ et toutes ses filiales » sont pré-impliqués. Ils ne sont pas autorisés à participer à la procédure en tant que candidat ou sous-traitant, y compris lors de l’exécution du marché concerné (art. 2.3.6 CAAC).

Les candidats (inclus membres, sous-traitants, personnel) doivent impérativement annoncer dans leur candidature s’ils sont en présence ou non de situation(s) de conflit d’intérêts avec un membre du jury ou un suppléant remettant la « déclaration relative aux conflits d’intérêts » dûment remplie (art. 2.3.7 al. 1 CAAC).

Un contrat portant sur des services, travaux ou fourniture, liant un candidat (ou un sous-traitant) à l’AIG, en cours d’exécution, mais ne concernant pas le projet CAP2030, n’est pas considéré comme entraînant une situation de dépendance (art. 2.3.7 al. 2 CAAC).

L’art. 3.3 CAAC mentionne les membres du jury.

L’art. 3.4 CAAC, sous le titre « spécialiste – conseil », indique que pour l’appréciation de thématiques particulières, le jury fait appel à des spécialistes – conseil. Ceux-ci n’ont qu’une fonction consultative et ne disposent pas de droit de vote. Les spécialistes – conseils ne sont pas autorisés à participer à la procédure en tant que candidat ou en tant que sous-traitant, y compris lors de l’exécution du marché. L’AIG peut faire appel à des spécialistes conseil internes et externes.

6.5 La teneur des CA-MEP sur les incompatibilités (art. 2.2 CA-MEP) et les conflits d’intérêts (art. 2.4 CA-MEP) est identique.

6.6 La « Déclaration relative aux conflits d’intérêts » à remplir pour le marché litigieux est un formulaire d’une page. Le candidat doit cocher une déclaration soit « d’absence de conflit d’intérêts » soit de « conflit d’intérêts ». Suit un tableau dans lequel doivent être inscrits les personnes concernées par le conflit d’intérêts au sein du candidat sélectionné, de l’AIG/du jury ainsi que la nature des liens d’intérêts.

6.7 Contrairement à l’art. 30 al. 1 Cst., l’art. 29 al. 1 Cst. n’impose pas l’indépendance et l’impartialité comme maxime d’organisation. En règle générale, les prises de position qui s’inscrivent dans l’exercice normal de fonctions gouvernementales, administratives ou de gestion, ou dans les attributions normales de l’autorité partie à la procédure, ne permettent pas la récusation (ATF 125 I 119 consid. 3f ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_442/2011 du 6 mars 2012 consid. 2.1 et 2P.56/2004 du 4 novembre 2004 consid. 3.3). À cet égard, une appréciation spécifique est nécessaire dans chaque situation particulière, en tenant compte des fonctions légalement attribuées à l’autorité (ATF 125 I 119 consid. 3f ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_831/2011 du 30 décembre 2011 consid. 3.2 et 2C_643/2010 du 1er février 2011 consid. 5.5.1). Une autorité, ou l’un de ses membres, a le devoir de se récuser lorsqu’elle dispose d’un intérêt personnel dans l’affaire à traiter, qu’elle manifeste expressément son antipathie envers l’une des parties à la procédure ou s’est forgé une opinion inébranlable avant même d’avoir pris connaissance de tous les faits pertinents de la cause (arrêts du Tribunal fédéral 1C_442/2011 du 6 mars 2012 consid. 2.1 et 1C_455/2010 du 7 janvier 2011 consid. 2.2).

Selon la jurisprudence, le droit à ce que sa cause soit traitée équitablement permet notamment d’exiger la récusation des membres d’une autorité administrative dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité. Il tend à éviter que des circonstances extérieures à l’affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. La récusation peut s’imposer même si une prévention effective du membre de l’autorité visée n’est pas établie, car une disposition interne de sa part ne peut pas être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles d’une des personnes impliquées n’étant pas décisives (ATF 127 I 196 consid. 2b ; 125 I 119 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_442/2011 du 6 mars 2012 consid. 2.1 et 2P.164/2006 du 8 janvier 2007 consid. 3.1 ; ATA/229/2015 du 3 mars 2015 consid. 6a ; ATA/385/2014 du 27 mai 2014 consid. 2).

6.8 Appliquée en matière de marchés publics, l'obligation de se récuser concerne non seulement celui qui rend lui-même la décision ou qui y prend part, mais aussi toutes les personnes qui contribuent à l'élaborer (ATA/6/2015 du 6 janvier 2015 consid. 7d ; ATA/134/2012 du 13 mars 2012 consid. 13c et la référence citée).

6.9 Le principe de l’égalité de traitement entre soumissionnaires impose notamment au pouvoir adjudicateur de faire preuve d’impartialité tout au long de la procédure de passation. Il en découle qu’un membre d’une autorité adjudicataire a l’obligation de se récuser au cas où son comportement ou sa situation est de nature à faire naître un doute sur son impartialité (Peter GALLI/André MOSER/Elisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3e éd., 2013, p. 497 n. 1077ss ; Peter HÄNNI/Marco SCRUZZI, Zur Ausstandspflicht im Rahmen von Submissionsverfahren, DC 4/1999 p. 134). Les règles applicables n’imposent pas la récusation lorsqu’une prévention effective est établie, mais déjà lorsque des circonstances objectives et raisonnables donnent l’apparence de prévention et font redouter une activité partiale. En tant que procédure de passation, le concours est pleinement assujetti au principe de l’égalité de traitement entre les concurrents comme à celui de l’impartialité de l’adjudicateur (Jacques DUBEY, Le concours en droit des marchés publics, 2005, p. 240-241 n. 703-707).

6.10 Dans un arrêt du 3 mars 2015, la chambre administrative a détaillé la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) rendue en matière de marchés publics fédéraux en application de l'art. 10 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) – lequel a une teneur similaire à l'art. 15 al. 1 LPA (ATA/229/2015 du 3 mars 2015 consid. 6 et les nombreuses références citées).

Ainsi, des liens économiques étroits, tels que des relations de travail ou d'autres rapports commerciaux, ou encore une relation de concurrence, peuvent donner l'apparence de la prévention s'ils sont constatés objectivement et présentent une certaine intensité. Plus ces relations ou liens sont étroits et actuels, plus ils sont susceptibles de constituer un motif de récusation. Lorsqu'un ancien employeur est concerné par la procédure, la question de savoir si l'apparence de la prévention est donnée dépend de la durée des rapports de travail, du laps de temps écoulé depuis la résiliation de ceux-ci, ainsi que de la position occupée par l'ancien employé.

Le TAF avait jusqu'ici laissé ouverte la question de savoir si le fait qu'une personne, qui avait travaillé durant deux ans au service de l'adjudicataire en qualité de directeur ______, qui occupait alors un poste de cadre, avec des responsabilités, auprès du pouvoir adjudicateur et qui était en même temps membre de la commission d'évaluation ayant procédé à l'évaluation de l'offre déposée par son ancien employeur qu'il avait quitté à peine deux ans auparavant, était, à lui seul, de nature à fonder une apparence d'opinion préconçue. Cependant, dès lors que, même après avoir quitté l'adjudicataire pour être engagé par le pouvoir adjudicateur, il avait continué à entretenir des contacts professionnels avec un cadre de l'adjudicataire et avait organisé avec celui-ci des manifestations communes, le Tribunal avait retenu que ces circonstances, prises dans leur ensemble, étaient prima facie propres à fonder une apparence de prévention.

Le TAF avait également retenu qu’il y avait lieu d'admettre qu'une personne qui prenait part à la procédure d'adjudication et qui, en tant qu'ancien cadre d'un soumissionnaire, avait créé un service ou l'avait dirigé pendant une longue période ou qui, en qualité d'expert, avait développé dans un service de nouveaux procédés ou de nouveaux produits apparaissait, en principe, prévenu si le changement d'emploi était récent et si le marché en cause concernait principalement le même service. En présence de telles circonstances, il n’était en effet pas possible de facilement exclure tout intérêt personnel.

Le TAF avait également constaté que, faute de règles de récusation spéciales relatives aux seuls marchés publics – en particulier pour les marchés très spécialisés ne s'adressant qu'à un petit nombre de spécialistes –, il n’était pas habilité à s'éloigner des règles ordinaires en la matière pour des motifs d'ordre pratique invoqués par le pouvoir adjudicateur.

6.11 Dans un arrêt de 2015, la chambre administrative a considéré qu’une personne participant à un concours ne pouvait être employée, ni en relation de dépendance ou d'association professionnelle avec un membre du jury ou un expert nommé dans le programme de concours. Même si les propositions de concours étaient appréciées de manière anonyme, l'exigence de l'impartialité des jurés demeurait. La situation de conflit d'intérêts entre un membre du jury et un soumissionnaire n'avait pas pour conséquence l'exclusion du candidat au concours, mais la récusation du juré concerné, le RMP ne prévoyant pas de renvoi au règlement SIA, mais à la LPA. Les règles sur la récusation étant de nature formelle, leur violation conduisait à l'annulation de la « décision » du jury sans qu'une correction ne soit possible (ATA/6/2015 du 6 janvier 2015).

Dans un arrêt de 2016, elle a retenu que le fait qu’un membre d’une autorité ait travaillé 20 ans auparavant pour le destinataire d’une décision favorable ne remettait pas en cause son impartialité (ATA/404/2016 du 10 mai 2016 consid. 4).

Dans un récent arrêt, la chambre administrative a admis l’existence d’un conflit d’intérêts dans le cas d’un expert mandaté par l’autorité adjudicatrice dans le cas d’une procédure de MEP qui avait accepté, simultanément, un mandat d’un membre d’un consortium d’architectes participant à la même procédure de MEP. L’absence de conflit d’intérêts était une condition essentielle des marchés publics. L’existence d’un tel conflit violait notamment le principe de la concurrence efficace, d’égalité de traitement et de non‑discrimination, rappelés à l’art. 11 AIMP. L’exclusion des recourantes de la procédure de MEP apparaissait ainsi comme la seule mesure susceptible de permettre de conserver l’intégrité de la procédure et sa poursuite dans le respect des principes des marchés publics. Le risque d’être confronté à une annulation globale serait réel si la question n’avait été traitée qu’après le choix du lauréat. Vu le formalisme nécessaire au déroulement d’une procédure de marché public, la coexistence des mandats conclus simultanément par le bureau concerné constituait à elle seule un motif d’exclusion du consortium recourant (ATA/167/2024 du 6 février 2024).

6.12 Selon un principe général, la partie qui a connaissance d’un motif de récusation doit l’invoquer aussitôt, sous peine d’être déchue du droit de s’en prévaloir ultérieurement (art. 15 al. 3 LPA ; ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; 138 I 1 consid. 2.2), dès lors qu’il serait contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière de l’autorité pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable de la procédure (ATF 136 III 605 consid. 3.2.2 ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 8a).

Le moment de la connaissance du motif de récusation peut se décomposer en deux temps : il faut, d’une part, connaître l’identité de la personne récusable et savoir qu’elle sera appelée à participer à la procédure et, d’autre part, connaître l’origine du possible biais (ATA/1413/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2c ; ATA/229/2015 précité consid. 9 ; ATA/58/2014 du 4 février 2014 consid. 6b).

6.13 Aux termes de l’art. 18 al. 1 AIMP, si le contrat n’est pas encore conclu, l’autorité de recours peut, soit statuer au fond, soit renvoyer la cause au pouvoir adjudicateur dont elle annule la décision, au besoin avec des instructions impératives.

L’autorité de recours doit ordonner la répétition de la procédure lorsqu’elle n’est pas en mesure d’identifier des lauréats. C’est le cas si le jury aurait dû exclure un candidat recommandé, si un juré aurait dû se récuser ou si un concurrent n’aurait pas dû être exclu de la procédure (Jacques DUBEY, op. cit., p. 363 n. 1201 ; Evelyne CLERC, L’ouverture des marchés publics : effectivité et protection juridique, 1997, p. 560). L’autorité de recours qui annule une décision ne statue en règle générale pas elle-même à nouveau sur le fond, mais elle renvoie l’affaire à l’adjudicateur. En effet, le pouvoir d’examen de l’autorité de recours ne porte que sur l’application du droit et la constatation des faits. Le champ de l’opportunité lui est fermé. Aussi, le juge ne saurait substituer sa propre appréciation à celle de l’adjudicateur (Vincent CARRON/Jacques FOURNIER, La protection juridique dans la passation des marchés publics, 2002, p. 120).

6.14 En l’espèce, la recourante soutient principalement que la candidature de l’adjudicataire aurait dû être exclue en raison du défaut d’annonce par celle-ci de conflits d’intérêts potentiels avec trois membres du jury, S______, O______ et R______, ainsi qu’avec des experts externe et interne mandatés par l’AIG, soit respectivement le groupe L______ et AL______. Subsidiairement, les intéressés auraient dû se récuser, grief qui sera analysé si nécessaire ultérieurement.

La recourante précise des indices de partialité : deux membres du jury (S______ et O______) nommés initialement par l’AIG étaient des anciens cadres ayant travaillé plus de 15 ans chez B______ et « C______ » ; la personne sollicitée par l’AIG pour remplacer le membre du jury qui s’était récusée en cours de procédure était également un ancien fidèle collaborateur de B______ ; ces trois personnes avaient exercé chez B______ et « C______ » des fonctions hiérarchiques élevées pendant une très longue période ; R______ avait maintenu des contacts spécifiques avec les collaborateurs de B______ et « C______ » ; il était en relation d’affaires avec ces entreprises ; il était ami avec S______ ; L______, expert externe de l’AIG, mandaté pour examiner les critères d’adjudication, était un partenaire contractuel de « C______ » ; AL______, ancien employé de B______, avait officié dans le présent appel d’offres comme expert interne et notamment examiné les sous-critères des RH.

La recourante indiquait mieux comprendre pourquoi : aucune prolongation ne lui avait été accordée quand elle avait réintégré le MEP après la décision de révocation de l’AIG ; l’architecte cantonal, AF______, était parti une trentaine de minutes avant la fin de la séance de la critique intermédiaire alors qu’il était présent jusqu’à la fin des présentations concurrentes, étant précisé que le visionnage de la vidéo par ce dernier ne suffisait pas à assurer le respect du principe de l’égalité de traitement ; l’excellente expérience des personnes clés de A______ n’avait pas été prise en considération et S______ faisait peu de cas du droit inconditionnel à une séance de débriefing.

Enfin, selon la recourante, les motifs de récusation ayant été découverts pendant le délai légal de recours de dix jours, elle n’était pas forclose à les soulever. L’adjudicataire devait être exclu au motif, déjà, de n’avoir pas annoncé les conflits d’intérêts. Si la chambre administrative ne devait pas l’exclure, la décision attaquée devait être annulée aux fins d’une nouvelle évaluation, les circonstances donnant l’apparence de la prévention et faisant redouter une partialité du pouvoir adjudicateur.

6.15 À juste titre, A______ soutient que les candidats devaient annoncer leurs liens non seulement avec les membres du jury mais aussi avec les experts. Ceci ressort de la « déclaration relative au conflit d’intérêts ».

Le formulaire est cependant ambigu quant à la notion de conflits d’intérêts. Le préambule mentionne qu’« un conflit d’intérêts est déterminé par le fait qu’un candidat sélectionné ou un collaborateur est en relation de dépendance ou possède un lien de parenté avec un de membres du jury ».

Toutefois, sous le préambule, les candidats devaient cocher soit une « déclaration d’absence de conflit d’intérêts » soit une « déclaration de conflit d’intérêts ». Le texte sous « déclaration d’absence de conflit d’intérêts » est cependant plus large que celui du préambule : « Le candidat déclare (en son nom et/ou au nom de ses employés) n’avoir aucune affiliation, aucun lien quel qu’il soit, de nature personnelle ou professionnelle avec Genève aéroport, un de ses employés ou avec un membre du jury ou un spécialiste conseil de cette procédure, qui pourrait avoir une influence réelle, potentielle ou apparente sur l’adjudication du présent marché. Il n’est pas non plus dans une situation de dépendance. »

À juste titre aussi, la recourante considère dans son écriture du 4 décembre 2023, que la « directive concernant la prévention et la gestion des conflits d’intérêts » n’est pas pertinente, s’adressant uniquement aux membres du personnel de l’AIG. Seule la Déclaration relative aux conflits d’intérêts, en application des CAAC (art. 2.2) et CA-MEP (art. 2.4) peut fonder l’exclusion de l’adjudicataire.

La situation doit s’analyser différemment pour chacune des cinq situations dénoncées.

6.15.1 S______ est directeur _______ de l’AIG depuis le ______ 2017. Il a précédemment travaillé chez B______ Constructions SA (devenue B______ en 2011) du ______ 1998 au ______ 2011. Il y a dirigé des travaux de gros œuvre ainsi que des projets en entreprise générale et totale jusqu’en 2009.

En conséquence, S______, membre du jury, a eu des liens économiques étroits avec une des sociétés du consortium adjudicataire s’agissant de relations de travail. Elles ont duré plus de treize ans, l’intéressé y occupant des fonctions importantes en qualité de directeur des travaux de gros œuvre ainsi que de projets en entreprise générale et totale. Ces relations ont toutefois pris fin depuis environ douze ans, soit une longue période. Il n’existe aucun indice et il n’est a fortiori pas établi que S______ est resté professionnellement en contact avec des dirigeants de l’adjudicataire. Aucun élément ne permet en conséquence de remettre en cause l’impartialité de l’intéressé. Le fait que, à teneur de l’art. 1.2 du document intitulé « Déroulement des analyses », toute personne impliquée dans la procédure se trouvant dans une situation de conflit d’intérêts devait s’adresser à S______, ne change rien à ce qui précède. B______ pouvait considérer ne pas avoir de conflits d’intérêts au sens de la « Déclaration relative aux conflits d’intérêts », soit n’avoir aucune affiliation, aucun lien, de nature personnelle ou professionnelle avec un membre du jury, qui pourrait avoir une influence réelle, potentielle ou apparente sur l’adjudication du marché. Il n’était pas non plus dans une situation de dépendance avec un ancien employé, parti depuis plus de dix ans, étant rappelé qu’un contrat portant sur des services, travaux ou fourniture, liant un candidat (ou un sous-traitant) à l’AIG, en cours d’exécution, mais ne concernant pas le projet CAP2030, n’était pas considéré comme entraînant une situation de dépendance (art. 2.3.7 al. 2 CAAC et 2.4 al. 2 CA-MEP).

6.15.2 O______ est _______ de M______ GROUP, dont l’une des entreprises (M______ SA) revêt la qualité d’assistant au maître d’ouvrage (ci-après : AMO) dans le cadre du marché litigieux. Initialement, il n’était pas membre du jury mais l’AIG l’a nommé en remplacement d’une personne qui s’est récusée. Précédemment, il a travaillé pour E______ en qualité d’ingénieur travaux devenant ultérieurement directeur d’agence de ______ 1994 à ______2009 en France, Afrique, au Royaume-Uni et en Suisse.

En conséquence, sa situation est identique à celle de S______. Membre du jury, il a travaillé quinze ans pour « C______ », mais l’a quittée depuis près de quinze ans. Si la durée des rapports de travail est relativement longue, les liens avec la société sont aujourd’hui anciens et apparaissent ténus. Il n’y a en conséquence pas de conflit d’intérêts entre « C______ », présente dans 60 pays, qui emploie plus de 32'000 collaborateurs, et O______.

6.15.3 R______ gère P______ Sàrl, entreprise sise à Q______ depuis ______ 2014. Il a, préalablement, été directeur ______ de ______ 1993 au ______ 2014, pour B______.

Selon la recourante, il entretiendrait des relations amicales avec les collaborateurs actuels de B______ et avec S______. Il collaborerait étroitement avec B______ dans le cadre du projet immobilier « AM______ » et agirait comme rapporteur d’affaires pour B______ qui lui fournirait des mandats en échange. Toujours selon la recourante, la majorité des références sur le site de la société fait état de projets réalisés par B______ et « C______ » lorsqu’il était leur employé, notamment l’aéroport d’AN______.

Il n’est pas contesté qu’R______ a été cadre pendant plus de 20 ans, pour B______, soit une longue durée. Toutefois, cette relation a pris fin depuis dix ans. Même à retenir, comme le soutient la recourante, que la majorité des références sur le site d’P______ Sàrl fasse état de projets réalisés par B______ et C______ lorsqu’il était leur employé, le consortium B______/C______ n’est pas dans un rapport de dépendance à son égard, au sens du préambule du formulaire. Le consortium pouvait dès lors affirmer qu’il n’avait aucune affiliation, aucun lien quel qu’il soit, de nature personnelle ou professionnelle avec R______, qui pourrait avoir une influence réelle, potentielle ou apparente sur l’adjudication du marché. Le consortium n’était pas non plus dans une situation de dépendance.

La recourante allègue l’existence de liens d’amitié entre R______ et S______ ou d’autres employés. Le commentaire « félicitations AO______ !!! Tes compétences, ton empathie, ta modération apporteront beaucoup à cette responsabilité, encore bravo » formulée par R______ sur le profil Linkedin du responsable ______ chez B______ ne suffit pas, ni en raison du tutoiement, ni du contenu du commentaire, à établir l’amitié entre R______ et un cadre de B______ et encore moins l’intensité nécessaire justifiant de retenir l’existence d’un conflit d’intérêt. Il s’agit d’une réaction à la nomination de l’intéressé au poste de président d’un groupe de AP______, soit des félicitations en lien avec la situation professionnelle de l’interlocuteur, concernant une autre entité, communication de surcroît conforme aux autres apparaissant sur l’extrait produit, soit deux messages de félicitations à des contacts annonçant une modification dans leur vie professionnelle, à l’instar de « beau parcours je ne suis pas inquiet pour la suite. À bientôt pour de nouveaux défis et une partie de golf » ou « bravo AQ______ pour ce beau parcours qui ne s’arrêtera pas là j’en suis sûr ». De même, le fait qu’R______ ou sa société ait été AMO du projet « AM______ » portant sur ______AR______ n’en fait pas une « collaboration étroite ». Si l’implication sur un projet commun n’est pas contestée, AS______ en était le maître d’ouvrage.

En conséquence, s’il est établi que tant S______, que O______ et R______ ont travaillé, pour les périodes qui doivent être qualifiées de longues, pour B______ et/ou « C______ », à des fonctions de direction de projets, soit sur le terrain, il n’est pas contesté qu’ils n’en sont plus les employés depuis plusieurs années. Il n’est par ailleurs pas allégué qu’un membre de leur famille y travaillerait, étant précisé que les intéressés ont contesté entretenir des liens étroits avec lesdites sociétés.

Les « indices de partialité » allégués par la recourante doivent, de même, être écartés. La séance de débriefing était inutile, les décisions d’adjudication ayant été notifiées et A______ ayant déjà informé l’AIG, via son avocat, de sa décision de recourir. Le départ de l’architecte cantonal 30 minutes avant la fin de la présentation de la critique intermédiaire de la recourante est sans incidence sur l’issue de la procédure. Cette dernière ne fait valoir aucun grief en lien avec l’appréciation du critère lié à la qualité architecturale du projet, seul critère au sujet duquel l’avis de l’architecte cantonal pouvait avoir un impact prépondérant (art. 1 et 3 de la loi sur la fonction d’architecte cantonal du 10 novembre 1995 - LFAC - L 1 57). Les modifications des exigences de base des CA-MEP ont été transmises aux entreprises candidates. A______ ne les a pas contestées ni n’a interjeté recours à leur encontre. Enfin, par courrier du 31 août 2022, et après discussion entre la recourante et le pouvoir adjudicateur, A______ a confirmé à l’AIG qu’elle s’engageait à ne pas demander de délai complémentaire après sa réintégration dans la procédure MEP. Elle ne peut en conséquence tenter d’en déduire, après la décision d’adjudication, un indice de partialité. Dans ces conditions, il ne peut pas être retenu l’existence d’un conflit d’intérêts au sens de l’art. 2.3.7 CAAC et 2.4 CA‑MEP. Par conséquent, l’adjudicataire n’avait pas à annoncer de conflit d’intérêts sur le formulaire idoine.

Comme le relève enfin la recourante dans ses écritures du 29 novembre 2024, la déclaration relative aux conflits d’intérêts était prescrite aussi bien par l’art. 2.3.7 des CAAC que par l’art. 2.4 des CA-MEP. Or, elle n’a pas maintenu son recours à l’issue du 1er tour alors même que les noms de S______, O______ et R______ avaient déjà été communiqués. Elle est en conséquence forclose à se prévaloir de l’exclusion de l’adjudicataire au motif que ce dernier n’aurait pas annoncé un prétendu conflit d’intérêts.

6.15.4 La recourante reproche à l’adjudicataire de ne pas avoir annoncé un conflit d’intérêt avec AL______, employé de B______ du 1er janvier 2009 au 31 mai 2019. L’intéressé conteste connaître W______ et AT______, tous deux employés de « C______ ». Les curriculum vitae de ceux-ci font état de leur implication dans des projets professionnels à l’étranger entre 2009 et 2019, soit au ______ et à ______ pour le premier et en ______, ______, au ______ et en ______ pour le second.

AL______ est chef de service ______ chez AIG depuis juin 2020. Il est intervenu dans la procédure comme expert interne, a examiné le sous‑critère 4.2 et a dû apprécier les « RH minimales à disposition ». Son nom apparait dans le « Déroulement des analyses ». Or, d’une part, les candidats ont ignoré le contenu du document précité jusqu’à la présente procédure, donc l’intervention de AL______. D’autre part, les liens entre AL______ et B______, qui l’a employé pendant dix ans ne peuvent pas être qualifiés d’étroits et d’intenses. S’ils ont duré dix ans, ils ont cessé depuis cinq années. Il n’existait en conséquence pas de conflit d’intérêts à annoncer. Dans son écriture du 4 décembre 2023, la recourante relève un conflit d’intérêts, à tout le moins potentiel, au sens de la Directive concernant la prévention et la gestion des conflits d’intérêts entre S______ et AL______. Toutefois, même à considérer qu’ils aient travaillé ensemble pour B______, ce qui n’est pas établi, les faits datent de plus de dix ans, soit entre 2009 et 2011, et s’avèrent dès lors sans pertinence pour l’issue du présent litige.

Il ne peut en conséquence être reproché à l’adjudicataire de ne pas avoir annoncé un potentiel conflit d’intérêts avec AL______.

6.15.5 Le recourant voit un conflit d’intérêt entre le Groupe L______, expert externe dans la présente adjudication, et l’adjudicataire. Selon la recourante, le Groupe L______ serait un partenaire commercial de « C______ » notamment dans le cadre d’un projet de nouveau ______ à AU______, selon un article de presse du 25 septembre 2018. Ils auraient participé à la même société concessionnaire AV______ AIRPORT portant sur les nouveaux terminaux aéroportuaires de AW______ et AX______ à AY______ à raison de 22% pour C______ et 20% pour L______ selon un article de presse de 2005. A______ soutient que « C______ » aurait dû annoncer ses liens avec le groupe L______, expert externe, et qu’à défaut de l’avoir fait, le consortium devrait être exclu.

Comme vu précédemment, A______ soutient à raison que les liens devaient être annoncés non seulement avec les membres du jury mais aussi avec les experts. Ceci ressort de la « déclaration relative au conflit d’intérêts ». Comme déjà mentionné, le formulaire est toutefois ambigu. Il ne ressort pas du dossier, que « C______ » ait été dans une relation de dépendance par rapport au groupe L______ compte tenu de la taille respective des deux sociétés. Tout au plus est-il envisageable que la société experte puisse l’être à l’égard du candidat, autre face de la problématique qui sera analysée ci-dessous sous l’angle de la récusation. À la lecture du préambule, « C______ » n’avait pas besoin d’annoncer de conflits d’intérêts. À teneur du texte sous le préambule, « C______ » pouvait signer une « déclaration d’absence de conflit d’intérêts ».

De surcroît, A______ soutient, dans son argumentation relative au fait que sa demande de récusation n’était pas tardive, qu’L______ n’a jamais été présentée comme un expert. Elle conteste en conséquence toute tardiveté de sa requête notamment en ce qui concerne le groupe L______ et AL______ indiquant ne s’être rendu compte de leur rôle d’expert qu’à la réception du document intitulé « Déroulement des analyses », soit postérieurement à la notification de la décision attaquée. La recourante invoque que les CAAC ne mentionnent le groupe L______ que sous la problématique de la préimplication (art. 2.3.5), non au titre d’expert.

Elle peut sur ce point être suivie. En effet, ni les CAAC, ni les CA-MEP ne précisent les noms des experts. De surcroît, le rôle des experts n’a été détaillé que dans le « Déroulement des analyses » version du 2 mai 2022, lequel était un document interne à l’AIG. A______ en veut pour preuve le fait que la société n’a été citée, dans le CAAC, que sous les sociétés préimpliquées, de surcroît dans le second tableau, à savoir les sociétés qui n’avaient pas le droit de prendre part au marché. Cette façon de procéder laissait à penser que la société L______, préimpliquée, était proche du pouvoir adjudicateur. Rien ne laissait, selon elle, présager que le groupe L______ interviendrait en qualité d’expert, impartial. À ce titre, l’AIG ne démontre pas que les candidats devaient se rendre compte du rôle d’expert d’L______ notamment lors des ateliers. Aucun document n’atteste du fait que les qualités des personnes présentes leur auraient été détaillées. A______ soutient d’ailleurs avoir ignoré qui étaient certaines des personnes présentes et notamment le fait qu’L______ était représenté. Dans ces conditions, l’argumentation d’A______ peut être convaincante lorsqu’elle soutient qu’en sa qualité de candidate, elle ignorait qu’L______ interviendrait comme expert. À suivre ce raisonnement, dont rien n’indique qu’il ne devrait pas s’appliquer à tous les candidats, il ne pouvait pas être attendu du consortium, en fonction des documents qui avaient été remis, qu’il comprenne qu’L______ serait experte et qu’il annonce un potentiel conflit d’intérêt avec cette dernière. Il en découle qu’il ne peut être reproché à B______/C______ d’avoir omis d’annoncer un potentiel conflit d’intérêts avec L______ sur la déclaration idoine et qu’une exclusion à ce titre n’apparait pas fondée.

6.16 Dans une argumentation subsidiaire, A______ soutient que les cinq personnes concernées auraient dû se récuser.

6.16.1 Conformément aux considérants qui précèdent, les trois membres du jury, anciens employés de l’adjudicataire, n’avaient pas de conflit d’intérêts avec ce dernier et n’étaient donc pas tenus de se récuser.

Par ailleurs, d’une part, les membres du jury étaient connus des soumissionnaires depuis le début de la procédure de sélection. D’autre part, la recourante ne pouvait en ignorer l’identité puisqu’elle devait examiner si elle était concernée par un hypothétique conflit d’intérêts avec ces derniers. Dans ces conditions, la recourante n’ayant recouru ni contre les CAAC, ni contre les CA‑MEP et n’ayant, depuis le début de la procédure, jamais sollicité la récusation des trois membres du jury, elle est forclose à se prévaloir d’un motif de récusation uniquement après la décision d’adjudication du marché à une autre société.

6.16.2 AL______ n’est plus employé de B______ depuis mai 2019. Il n’est intervenu qu’en qualité d’expert dans la procédure, rôle d’ailleurs partagé avec trois autres intervenants. À l’instar des trois précités, d’une part les liens ne sont pas établis. D’autre part, même à considérer que les intéressés aient conservé des liens, ces derniers n’auraient nullement l’intensité nécessaire pour justifier une récusation. À ce titre, il sera précisé que l’audition des précités ne s’avère pas nécessaire au vu de l’absence de tout indice pertinent.

6.16.3 S’agissant de l’éventuelle récusation du groupe L______, il n’est pas contesté par l’adjudicataire qu’il opère dans 100 pays, employait en 2023 18'000 personnes, est un acteur majeur du secteur des bureaux d’études techniques en ______ et que ses filiales puissent être concernées par les mêmes projets, à l’instar du « AU______  ». Dans leur réplique du 13 juin 2024, A______ mentionne sept partenariats entre « C______ » et L______ entre novembre 2000 et 2013, et évoque des consortiums en vue de se faire adjuger des marchés pour un montant total d’environ EUR 10'000'000'000.- entre 2022 et mai 2024.

La plupart des projets mentionnés par A______ concernent G______ et non C______, autre filiale au sein de E______, entreprise de plus de 32'000 employés. À cela s’ajoute que le consortium conteste la plupart des faits évoqués par A______, lesquels ne ressortent au demeurant que d’articles de presse. Il n’est cependant pas contesté que « C______ » et L______ ont réalisé cinq des douze projets cités par A______ sur la période 2000 à 2024. Cette collaboration doit toutefois être analysée à la lumière du fait qu’elle porte sur un chiffre d’affaires total de 2.4 milliards sur les 231 cumulés au titre de chiffre d’affaires de E______ pendant la même période, représentant 1% du total et qu’il concerne E______, soit toutes les filiales et unités confondues et s’étend sur une période de près de 25 ans. Les douze projets n’ont pas tous été réalisés. Ils doivent être mis en balance avec l’étude et la réalisation de plus de 16'000 projets effectués par E______ entre 2000 et 2024. C______ n’a participé qu’à quatre projets sur les douze cités par A______ dont seuls deux ont effectivement abouti pour un montant total de moins de 700 millions d’euros.

L’allégation de la recourante dans sa réplique spontanée du 6 septembre 2024 invoquant l’identification d’un nouveau partenariat entre « C______ » et L______, soit AZ______, conclu fin 2023 concerne la conception d’un ______, sans lien avec le présent marché. De surcroît, le partenariat a été conclu avec F______.

Il doit toutefois être constaté qu’L______ est toujours en lien contractuel avec C______ avec qui elle entretient régulièrement des relations d’affaires. Le contrat de concession pour ______ de AC______ entré en vigueur le 1er octobre 2024 le confirme. Cela implique forcément que des collaborateurs de la première entité collaborent avec ceux de la seconde. À ce titre, l’argument invoqué dans les ultimes écritures de la recourante, à savoir que AD______, directeur ______ de C______, qui, selon son curriculum vitae produit au dossier de candidature « participe à toutes les études techniques impliquant des aéroports dans le monde », travaillerait avec du personnel d’L______, apparait possible. Il sera toutefois relevé qu’il ne s’agit que d’une personne parmi les 20 mentionnées au titre de « ressources mises à disposition pour le MEP » dans le dossier de candidature du consortium et qu’il indique travailler depuis 2012 principalement pour les aéroports de BA______ et de V______. Certes, le chiffre d’affaires réalisé avec L______ n’est qu’un centième du chiffre d’affaires du groupe C______, la majorité des affaires concerne d’autres filiales que C______, et L______, en qualité d’expert, n’est intervenu dans la présente procédure d’adjudication que dans l’analyse des exigences de base (respect du programme fonctionnel et le phasage des travaux avec maintien des opérations), phase qui n’a pas posé de problème aux deux candidats. Autre est toutefois la question des analyses utiles au deux sous‑critères du critère 2 (« Fonctionnalité »), à savoir « Opérations » (sous‑critère 2.1, pour 10%) et « Mobilité - Accès logistique » (sous-critère 2.3, pour 7%).

Ainsi, si certaines informations ne ressortent en l’état que des articles de presse produits par la recourante, à l’instar de l’information selon laquelle le « groupement C______-L______ exploiterait déjà vingt aéroports à travers le monde », il n’est pas contesté qu’en février 2023, le consortium regroupant les deux sociétés a passé la première sélection en vue d’obtenir l’exploitation de l’aéroport BB______. L’existence de contrats en cours, entre les deux sociétés, leur appartenance commune au même consortium et leurs intérêts communs constituent des circonstances objectives et raisonnables qui donnent l’apparence de prévention et font redouter une activité partiale de la part d’L______. Il en résulte qu’L______ aurait dû se récuser.

Reste à en déterminer les conséquences.

L______ n’est intervenue que pour le critère d’appréciation « processus passagers », « non noté » du sous-critère 2.1, aux côtés d’experts internes, et pour l’élément d’appréciation « Mobilité (et cohérence global) », du sous-critère 2.3, aux côtés des Transports publics genevois, autre expert externe, de plusieurs experts internes et d’experts CFF.

Pour le sous-critère 2.1 « Opération », la recourante a obtenu la note de 3.5 et l’adjudicataire celle de 3. La recourante a émis plusieurs critiques à l’encontre de cette notation, estimant qu’elle aurait dû obtenir la note de 4.

Pour le sous-critère 2.3 « Mobilité et accès logistique », elle a obtenu 3. À teneur de ses écritures, elle indique que 3.5 aurait été juste alors que l’adjudicataire aurait dû voir son évaluation diminuée de 4 à 3.

Les griefs de la recourante contre chacun de ces sous-critères sont analysés dans les considérants 9.6.1 et 9.6.3 ci‑après. Ils sont rejetés. Toutefois, même à suivre les conclusions de la recourante et à retenir les trois notes susmentionnées qu’elle estime justes, tant pour elle-même que pour l’adjudicataire, cette dernière conserverait une note finale supérieure, soit 3.6245 alors que la recourante obtiendrait 3.575. La participation d’L______ à l’évaluation des deux sous-critères est ainsi demeurée sans conséquences sur le classement final de la recourante.

L’arrêt fribourgeois auquel se réfère la recourante est sans incidence. Il concerne une question de préimplication. Or, dans sa réplique du 13 juin 2024, la recourante insiste sur le fait que son recours ne contient pas de griefs ayant trait à une préimplication illicite. La jurisprudence cantonale fribourgeoise n’apparaît dès lors pas pertinente.

Le grief sera rejeté.

7.             A______ conclut à l’exclusion de l’offre de l’adjudicataire en raison de sa tardiveté. Selon le procès-verbal d’ouverture des offres, celle de l’adjudicataire aurait été remise en main propre à 10h55. Compte tenu du nombre de cartons contenant l’offre, il n’avait, matériellement, pas pu être remis intégralement en l’espace de cinq minutes. Ainsi à 11 heures, l’offre n’était pas complète. Par erreur et/ou sur instruction de supérieurs, la réceptionniste de l’AIG avait inscrit la même heure de réception sur les étiquettes de chacun des environ douze grands cartons, accompagnés d’une planche et de trois paquets, lesquels avaient pourtant été acheminés et réceptionnés à des moments différents. Dans la mesure où le tamponnage effectué par l’employée n’était pas valable, respectivement n’indiquait pas l’heure effective de la remise du dossier, l’adjudicataire ne pouvait se prévaloir d’un dépôt complet de son offre à 10h55. Il lui appartiendrait en réalité de faire la preuve de la remise en temps utile de l’intégralité des éléments de son offre.

7.1 Seules les offres parvenues dans les délais fixés dans les documents d'appel d'offres sont ouvertes (art. 38 al. 1 RMP).

L'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP).

7.2 Les principes d’égalité de traitement et de transparence valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l’autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation. Ils imposent ainsi de n'apprécier les offres que sur la base du dossier remis, un soumissionnaire n'étant pas habilité à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents après l'échéance du délai, ce qui découle de l'art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l'entité adjudicatrice et les soumissionnaires. Le pouvoir adjudicateur n’a pas la faculté de modifier les critères d’aptitude ou d’adjudication après le dépôt des offres, à défaut de quoi il s’expose au soupçon de manipulation du marché (ATA/349/2023 du 4 avril 2023 consid. 3.2 et les références citées).

Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises, notamment lorsqu'elle a confirmé des décisions d'exclusion d'offres fondées sur la non-production des attestations requises dans l'appel d'offres au titre de condition de participation à la procédure de soumission. L’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l’art. 16 al. 2 RMP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.4 ; ATA/349/2023 du 4 avril 2023 consid. 3.2.1 et les références citées).

Toutefois, l’interdiction du formalisme excessif interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d’un vice qui ne compromet pas sérieusement l'objectif visé par la prescription formelle violée (ATF 141 II 353 consid. 8.2.1). Le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à une demande de renseignements à ces derniers que de manière restrictive. L’autorité adjudicatrice dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/349/2023 du 4 avril 2023 consid. 3.2.1 et les références citées).

7.3 À teneur de l’art. 3.11 des CA-MEP, les offres devaient parvenir à l’AIG soit par voie postale, soit par dépôt en main propre. Dans les deux cas, les dossiers devaient parvenir au plus tard le lundi 28 août 2023 à 11 heures auprès de l’AIG ou être « déposés directement à la réception de l’AIG située au 5e étage, suivait l’adresse  – uniquement le jour indiqué de 8 à 11 heures. Seule la date et l’heure d’arrivée du dossier feront foi ».

Une offre déposée ne pouvait pas être modifiée ou complétée après le délai de dépôt fixé par l’AIG (art. 4.9 CA-MEP).

7.4 En l’espèce, le délai de remise des offres arrivait à échéance le lundi 28 août 2023 à 11 heures. À teneur du reçu signé par l’AIG, la soumission du consortium a été « reçue le 28.08.2023 à 10h55 par BC______ GA ». Suit la mention « 15 cartons + 4 tubes ». Le procès-verbal de l’ouverture des offres, signé le 28 août 2023 par BD______, représentant la société M______ SA, confirme cette heure.

Il n’est pas nécessaire d’auditionner les personnes ayant pris part à la livraison et à la réception des offres afin de déterminer si tous les cartons et annexes de l’offre de l’adjudicataire étaient à la réception à 11 heures, ce que l’adjudicataire soutient. Même à retenir que tel n’était pas le cas, comme l’affirme la recourante, cet élément serait sans incidence sur l’analyse de ce grief. En effet, A______ ne conteste pas que l’éventuel retard, qu’elle estime à une trentaine de minutes entre le dépôt du premier et du dernier carton correspond à la durée qui a été nécessaire aux quatre collaborateurs du consortium pour décharger le reste des cartons du véhicule et les remettre en mains propres à la collaboratrice de l’AIG. Il n’est donc pas contesté, d’une part, que les représentants du consortium sont arrivés avec l’entier de l’offre et que le temps éventuel dépassant 11 heures n’est en lien qu’avec le déplacement des cartons et que, d’autre part, les premiers cartons ont été amenés avant 11 heures.

Conformément à ce que soutient l’AIG, est déterminante l’arrivée des employés des entreprises concernées avec les différents cartons devant le guichet, à l’instar de ce qui se passe lors du dépôt d’un dossier volumineux auprès d’un tribunal ou d’un guichet postal. L’offre étant un tout, le temps pris par un employé du pouvoir adjudicateur pour enregistrer les différents cartons faisant partie d’un même lot n’est pas pertinent. Contrairement à ce que soutient la recourante, l’offre ne peut plus subir de modifications. L’égalité de traitement est respectée. L’offre a dès lors été déposée à 10h55 comme en attestent tant le procès-verbal d’ouverture des offres que le reçu signé par l’AIG.

La recourante indique que lors du dépôt des deux autres offres, la réceptionniste a attendu l’arrivée de tous les cartons avant de mentionner l’heure du dépôt du dossier. Cet élément n’est toutefois pas déterminant. D’une part, les deux autres offres, même avec cette façon de procéder, ont été déposées dans le délai. D’autre part, la pratique d’une réceptionniste n’est pas de nature à déterminer la bonne application de la réglementation en matière de marchés publics. Il doit dès lors être retenu que la présentation du personnel de l’entreprise candidate à la réception de l’AIG avec l’offre est le moment déterminant quand bien même certains cartons devaient encore être déchargés. L’application de ce principe aux autres soumissionnaires n’entraîne aucune conséquence dès lors que même leurs derniers cartons ont été déposés avant 11 heures. Cette approche ne viole pas le principe de l’égalité de traitement.

Infondé le grief sera écarté.

8.             La recourante sollicite l’exclusion du consortium en raison du non-respect de l’exigence de la structuration des coûts. Selon les Recommandations, l’adjudicataire n’avait pas totalement respecté la décomposition selon les « eCCC ».

8.1 À teneur de l’art. 4.2 des CA-MEP, « la base de la structuration des coûts est l’eCCC BAT et GC 2020 3e niveau pour les tranches 1 et 2 et pour l’aménagement de la galerie commerciale CFF, en option ».

Selon l’art. 4.3 CA-MEP, l’AIG ne prendrait en considération que les offres qui respecteraient les CA-MEP. À défaut, l’offre serait déclarée irrecevable.

8.2 En l’espèce, la critique émise à l’encontre de l’adjudicataire dans les Recommandations en page 51 porte sur le critère d’adjudication n° 5, soit la qualité technique de l’offre. Elle est sans lien avec le critère n° 1 relatif au prix. Il n’est pas contesté par la recourante que l’exigence de la structuration des coûts a été partiellement respectée. Elle en déduit toutefois que l’offre doit être exclue. L’AIG a expliqué que la structure des coûts de l’offre de l’adjudicataire respectait celle prévue à l’art. 4.2 des CA-MEP. La critique litigieuse ne portait que sur la décomposition des coûts selon les eCCC-Bat en lien avec les installations de ventilation et désenfumage, qui n’avait pas été totalement respecté. Cela ne concernait qu’un seul poste parmi « la multitude de CFC, à savoir le CFC B04 Conduite à distance » et cela ne remettait en aucun cas en cause la cohérence du prix global. Le pouvoir adjudicateur a qualifié ce manquement de « plus que mineur » affirmant qu’il ne se justifiait « bien évidemment » pas d’exclure l’offre de l’adjudicataire pour ce motif. Le pouvoir adjudicateur précisait que, d’une part, la structuration en eCCC-Bât était sollicitée afin que lui-même puisse plus facilement comprendre l’offre financière des candidats. D’autre part, l’offre de A______ souffrait de manquements du même type dans la partie électricité (CFC D01 et D03).

L’argumentation, convaincante, de l’AIG peut être suivie, d’autant plus qu’elle n’a pas été contestée par la recourante dans sa réplique. Le grief sera rejeté.

9.             La recourante reproche au pouvoir adjudicateur d’avoir fait preuve d’arbitraire dans le cadre de l’évaluation de son offre et de celle de l’adjudicataire pour les critères suivants : « 2. Fonctionnalité » ; « 4. Mise en œuvre et organisation » ; « 5. Qualité technique ».

9.1 Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 al. 2 RMP).

Selon l’art. 43 RMP, l’évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l’art. 24 RMP et énumérés dans l’avis d’appel d’offres et/ou les documents d’appel d’offres (al. 1). Le résultat de l’évaluation des offres fait l’objet d’un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l’adéquation aux besoins, le service après-vente, l’esthétique, l’organisation, le respect de l’environnement (al. 3).

9.2 Le pouvoir adjudicateur dispose d’une grande liberté d’appréciation dans le choix et l’évaluation des critères d’aptitude et d’adjudication, celui-là étant libre de spécifier ses besoins en tenant compte de la solution qu’il désire (ATF 137 II 313 consid. 3.4 in JdT 2012 I p. 28 ss). Une fois les critères d’aptitude et d’adjudication arrêtés dans l’appel d’offres ou les documents d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur doit en règle générale s’y tenir. En vertu des principes de la transparence et de l’égalité de traitement, il ne saurait les modifier ultérieurement. S’il ignore des critères dûment fixés, en modifie la portée ou la pondération ou encore s’il en ajoute de nouveaux, le pouvoir adjudicateur agit de manière contraire au droit des marchés publics (ATAF 2019 IV/1 consid. 3.3 ; décision incidente du TAF B-4637/2016 du 19 octobre 2016 consid. 6.4 ; arrêts du TAF B-4958/2013 du 30 avril 2014 consid. 2.5.2 ; B‑891/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.4).

9.3 En matière d’évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s’agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées). Le juge doit veiller à ne pas s’immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l’autorité chargée de l’adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1). L’appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ladite autorité. Seul l’abus ou l’excès du pouvoir d’appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999, p. 136, consid. 3a ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5).

9.4 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d’appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/148/2021 du 9 février 2021 consid. 7 et l’arrêt cité).

9.5 L’art. 5.3 CA-MEP prévoit que « les critères/sous-critères autres que ceux traités au chapitre 5.2 recevront une note allant de 0 à 5 selon un barème s’inspirant de celui de la Conférence Romande des Marchés Publics (CROMP). GA se réserve le droit de ne pas utiliser toutes les notes. GA n’a pas l’obligation de noter les éléments d’appréciation. Le cas échéant, il donne des appréciations qui permettent de noter le critère générique. Les notes peuvent également être dépendantes de la comparaison avec les autres candidats. Les demi-points peuvent être utilisés si nécessaire ».

9.6 En l’espèce, le deuxième critère, intitulé « Fonctionnalité », représente 25% de la note pondérée finale, soit 10% pour le sous-critère 2.1 « opérations » (et ses éléments d’appréciation, à savoir les processus « passagers », « sûreté » et « bagages »), 8% pour le sous-critère 2.2 « activités commerciales » (et ses éléments d’appréciation, à savoir « processus commerces et restauration » et « régie ») et 7% pour le sous‑critère « mobilité et accès logistique » (et ses éléments d’appréciation « processus mobilité logistique » ainsi que « cohérence globale, inclusion du pôle multimodal et intégration du projet avec l’existant »).

La recourante reproche au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir pris en compte plusieurs points faibles de l’adjudicataire soit : 1) l’impossibilité de développer de manière satisfaisante les surfaces de commerces en « airside » (soit le côté pistes) ; 2) la disposition du commerce central dans le hall d’enregistrement en conflit avec les fonctions adjacentes ; 3) les difficultés d’orientation des passagers avec les trois verticalités depuis la zone d’enregistrement et 4) le déséquilibre du nombre de circulations verticales qui engendrent un grand nombre de signalétiques et de ressources complémentaires pour l’AIG.

La recourante ne peut être suivie. Les problématiques ont été relevées et sont mentionnées comme points faibles de C______/B______ dans la critique finale, principalement aux pages, 20 pour la première, 23 pour les trois autres et 24 en sus pour la dernière.

9.6.1 Selon la recourante, dans l’analyse du sous-critère « opérations », c’était à tort que l’AIG avait retenu au titre de « points faibles » de A______ que « le rideau de fermeture en exploitation doit séparer la zone d’attente de la ligne de transfert elle-même ». L’AIG avait procédé à une lecture inexacte du plan remis par A______. Le pouvoir adjudicateur avait par voie de conséquence mal établi les faits et abusé de son pouvoir d’appréciation. A______ aurait dû obtenir la note de 4.

Pour le sous-critère « 2.1 Opérations », représentant 10% de l’évaluation, les éléments d’appréciation consistaient dans les processus passagers, sûreté et bagages. Le point 3.1 des CA-MEP précise que le terme « processus » couvre les aspects de dimensionnement, de fonctionnalité et de qualité.

L’AIG a expliqué que les objectifs stratégiques du projet, en lien avec ce sous‑critère, décrits dans les CA-MEP, pouvaient être résumés ainsi, à savoir : 1) augmenter les profondeurs et surfaces de traitement passager dans la zone check‑in en réorganisant les flux notamment pendant les périodes de pics (i.e saison de ski) ; 2) améliorer le processus de check‑in tout en réduisant le croisement de flux ; 3) relocaliser les zones de circulation horizontale et verticale (i.e escalators et ascenseurs) en dehors de la zone check-in afin d’éviter les croisements de flux et créer de la lisibilité dans les parcours en permettant aux passagers voyageant avec uniquement un bagage à main d’atteindre directement la zone sûreté par exemple ; 4) augmenter les profondeurs, la modularité et les surfaces de traitement passagers dans la zone sûreté tout en intégrant les besoins pour l’ensemble des flux (« y compris les crews, staff, VIP, PMR et famille, etc. »), relatifs au cheminement et aux infrastructures permettant un parcours fluide depuis les zones d’arrivée à l’aéroport et jusqu’aux portes d’embarquement (et inversement), de la façon la plus confortable et adaptée possible et en tenant compte de leurs attentes et besoins ; 5) tenir compte des nouvelles technologies permettant d’optimiser les temps de traitement passagers, l’orientation passagers ou encore l’expérience passagers ; 6) améliorer le confort et l’expérience passagers, tout en réduisant les coûts de fonctionnement.

À teneur des Recommandations, la note 3.5 a été attribuée à la recourante et 3 à l’adjudicataire. Le document précise que la recourante a fourni les éléments demandés par rapport aux critères et que son offre présente, par rapport à l’autre candidat, un minimum d’avantages particuliers, que le rapport décrit. Il relève toutefois que la proposition concernant le flux bagages n’est pas satisfaisante. « L’intégration structurelle du 8e carrousel et l’impact sur la ligne hors-format qui ne fonctionnent pas viennent contrebalancer partiellement les points positifs ». Au vu de l’importance des objectifs stratégiques détaillés pour ce seul sous-critère, des distinctions faites entre trois « éléments d’appréciation » (passagers, sûreté, bagages), que chacun desdits trois éléments d’appréciation se subdivise en trois aspects distincts (dimensionnement, fonctionnalité et qualité), l’AIG peut être suivi lorsqu’il précise que même si l’on devait, par hypothèse, admettre que le plan remis par la recourante mentionnait un rideau de fermeture spécial entre les zones d’attente et de contrôle, cet élément ne serait pas de nature à modifier la notation de l’offre pour le sous-critère concerné.

9.6.2 Pour le sous-critère « activités commerciales », la recourante considère qu’elle aurait dû recevoir la note de 4 au lieu de 3.5 dès lors que les surfaces commerciales étaient visibles et accessibles. La critique finale était infondée. La différence de 0.5 avec l’adjudicataire n’était pas suffisante au vu des nombreux manquements du projet de celui-ci (mauvaise rétention, espaces étriqués, difficultés pour les commerces à s’exprimer, manque de surfaces hors commerces). L’adjudicataire aurait ainsi dû être évalué à 2.5 au lieu de 3.

Le pouvoir adjudicateur a justifié la note de la recourante notamment par le fait que sa proposition répondait au programme et présentait quelques avantages. Elle était cohérente et l’offre du « RZ00 » était le point fort du projet. La proposition pour la zone commerciale « airside » était intéressante sans être innovante. Elle relevait toutefois que l’accès et la visibilité de plusieurs surfaces commerciales, tant au « SS01 » qu’à « ET01 » étaient problématiques. La recourante se limitait à critiquer cette dernière appréciation et à substituer sa propre appréciation à celle du pouvoir adjudicateur.

Si, certes, le pouvoir adjudicateur a relevé des points négatifs à l’offre de l’adjudicataire, il a néanmoins noté, notamment, que les flux dans les zones avec commerces étaient dirigés (à l’exception du RZ00). La plupart des coques étaient visibles et largement ouvertes sur le flux. Elles proposaient des formes intéressantes et dynamiques (courbes/zones hybrides). L’ensemble des passagers passaient devant l’ensemble de l’offre. Les surfaces « F&B » en face de la sortie des douanes aux arrivées étaient très appréciées. La connexion avec la gare était intéressante et la continuité commerciale bien exécutée. L’offre répondait aux m2 demandés dans le programme et proposait une augmentation de 0,8% de plus.

Le pouvoir adjudicateur motive en conséquence ses notes de façon détaillée. La recourante, en réévaluant tant sa note à la hausse que celle de sa concurrente à la baisse, ne fait que substituer sa propre appréciation à celle du jury.

9.6.3 La recourante critique la notation du sous-critère « Mobilité et accès logistique ». L’adjudicataire devait être évalué à 3 au lieu de 4 : l’AIG avait été incohérent en retenant trois points comme forts alors que le pouvoir adjudicateur les avait décrits comme points faibles préalablement. Dans sa propre offre, c’était à tort que l’AIG avait constaté que les besoins capacitaires pour les deux-roues motorisés dans la vélo station GA-CFF n’étaient pas satisfaits : elle en proposait 108 alors que seules 50 étaient demandées. Sa note aurait dû être de 3.5 au lieu de 3.

L’AIG a contesté toute incohérence dans la notation de l’adjudicataire. Il peut être suivi dans son argumentation dès lors qu’il n’est effectivement pas contradictoire de retenir que la surface de stock Landside est supérieure aux besoins (point fort), mais que deux surfaces de stock ne sont pas accessibles depuis la cour de marchandises (point faible). De même, il peut être retenu, sans contradiction, s’agissant de critiques distinctes, que la séparation de la zone logistique du Food leader et de la cour mécanique est bonne (point fort), mais que ladite zone ne fonctionne pas en l’état du fait des hauteurs (point faible).

L’AIG a justifié la note de 3 de A______ par le fait que si, certes, il s’agissait du seul projet qui respectait le besoin de site propre pour les transports en commun et qui proposait une solution pour la gestion des pics saisonniers, un seul accès était possible pour les cars depuis l’ouest. Par ailleurs, plusieurs points durs ponctuels avaient été identifiés à l’instar, notamment, au niveau des arrivées des distances très réduites entre la fin de la rampe et les premières barrières impliquant une capacité de stockage insuffisante, un goulet d’étranglement en raison de la mutualisation du contrôle de sortie pour les navettes, les cars et les taxis ainsi que des quais présentant globalement un gabarit réduit voir clairement insuffisant en particulier au niveau du parking bus ; la « compacité » de la plate-forme côté est, avec des distances de choix très courtes, rendrait difficile la compréhension pour les automobilistes ; le triangle ouest présentait une grande mixité de plusieurs fonctionnalités qui n’avaient pas de raison d’être rassemblées ; pour les itinéraires de mobilité douce, quelques tronçons présentaient ponctuellement des gabarits insuffisants, en particulier dans le secteur ouest. Par ailleurs, certains flux logistiques n’étaient pas traités de manière optimale : l’accueil des livraisons « airside » n’était pas centralisé dans la cour marchandises, il manquait des coursives logistiques pour les livraisons et l’évacuation des déchets et le flux Dutyfree n’était pas optimisé. Par ailleurs, si les besoins capacitaires pour les deux‑roues motorisés étaient globalement satisfaits, ils ne répondaient pas aux exigences pour le parking P1, où 85 places sur 400 manquaient, ni pour tout le secteur nord-est où 32 sur 260 faisaient défaut. Il ressort par ailleurs de l’offre de la recourante que si elle a offert 108 places pour le « 2RM CFF » alors que 60 étaient demandées, elle n’en a toutefois pas proposé pour le « 2RM-GA » alors que 50 étaient attendues. Le total pour le « GA-CFF » était en conséquence de 108 places offertes, pour 110 souhaitées, dont aucune pour le « 2RM-GA ».

La note de 3 de la recourante pour ce sous-critère repose en conséquence sur des critères objectifs.

9.7 La recourante critique l’évaluation du critère 4 « Mise en œuvre et organisation », pour chacun des deux sous-critères.

9.7.1 Elle conteste l’évaluation du sous-critère 4.1 « Planning et Phasage ». Selon les Recommandations, il lui était reproché que « la multiplicité des phases successives de l’ "Operational Readiness Airport Transfer" [(ci-après : ORAT), soit l’état de préparation opérationnelle de transfert de l’aéroport], sera compliquée à mettre en œuvre et les ressources associées à ces mises en service seront coûteuses ». Ce faisant, le pouvoir adjudicateur avait tenu compte d’un élément, soit le prix, étranger à ce sous-critère puisqu’évalué comme critères d’adjudication à part entière. Les coûts associés aux mesures conservatoires étaient inclus dans son offre budgétaire de même que les honoraires liés aux études et mises en service. De même, c’était à tort que l’AIG avait considéré qu’elle n’avait pas mené la réflexion pour le maintien des structures au sud de l’axe K. Elle avait toutefois constaté que le maintien de cette structure lourde (dalle BA de 1 m d’épaisseur) engendrerait plus de problèmes que d’avantages. De même, les risques concernant le poste d’enclenchement avaient été pris en compte dans la conception du planning. La note de 2 était insoutenable. Ayant fourni des éléments répondant aux attentes minimales, elle aurait dû recevoir la note de 3.

Le sous-critère 4.1 « Planning et Phasage », valant 10%, a été apprécié, à teneur des CA-MEP, selon deux éléments soit : 1) planification : crédibilité du planning et échéances de réception des ouvrages ; 2) phasage du chantier : pertinence du phasage proposé comprenant notamment la limitation des pertes des recettes commerciales induites par les travaux. La recourante a obtenu la note de 2 alors que l’adjudicataire a obtenu 4.

Les Recommandations détaillent cinq points faibles de l’offre de la recourante sur cette problématique : le premier consiste en un planning précontraint qui comporte un fort risque qu’il ne soit pas tenu. Ce risque est détaillé. Il n’est pas critiqué.

Le second point porte sur la possibilité de réutiliser les structures existantes au sud de l’axe K. Contrairement à ce que soutient la recourante, le pouvoir adjudicateur a tenu compte de cette problématique. Il a toutefois indiqué être convaincu qu’il était plus simple et efficace d’appuyer le futur bâtiment sur les structures existantes au lieu de créer des supports structurels et des façades provisoires. La déconstruction de ces ouvrages et leur évacuation, proche d’un site opérationnel vital au fonctionnement de l’aéroport, était critique. Elle induisait des risques importants de compromettre les opérations au-delà de la limite de chantier schématique définie sur les plans présentés par la recourante. L’AIG avait en conséquence tenu compte de cette problématique, toutefois sous l’angle d’un point négatif.

Le troisième point concerne les phases successives de l’ORAT. Selon l’offre de la recourante, le processus visait à minimiser les perturbations pendant la transition et à garantir que les nouvelles installations répondent aux normes de sécurité, de qualité et d’efficacité opérationnelle requises. L’AIG a expliqué la phrase contenue dans la recommandation d’adjudication en ce sens que le jury avait retenu que la recourante n’avait pas détaillé les prestations qu’elle entendait inclure dans les différentes phases de l’ORAT.

Contrairement à ce que soutient la recourante, l’AIG a tenu compte du poste d’enclenchement des CFF. Il a considéré que, tout comme la question des structures au sud de l’axe K, il s’agirait d’un point négatif. La déconstruction du bâtiment autour du poste de déclenchement des CFF, telle que proposée par la recourante, présentait un risque trop élevé s’agissant d’un point névralgique de la gare et du réseau ferroviaire du canton. Le moindre problème sur ce poste aurait un impact direct et immédiat sur la possibilité de faire circuler les trains dans l’ensemble du canton de Genève.

La dernière critique portait sur la difficulté de se rendre compte des impacts de certaines phases sur la mobilité, certains rendus étaient trop schématiques et sommaires sur ce point.

La recourante ne démontre ainsi pas que l’AIG aurait abusé de son pouvoir d’appréciation sur ce sous- critère en considérant que l’offre ne répondait pas aux attentes minimales.

9.7.2 Pour le sous-critère 4.2 « Organisation », la recourante critique que AL______ ait, semblait-t-il, été chargé de l’évaluation de ce critère. Il avait travaillé plus de dix ans chez B______ avant de rejoindre l’AIG. Il connaissait les personnes clés de l’adjudicataire. Ainsi, W______ et AT______ étaient mentionnés comme « présence d’une direction expérimentée ». Or ils n’avaient aucune expérience de projet de construction en Suisse ni de projets aéroportuaires en Europe. De surcroît, selon la recourante, les personnes clés qu’elle proposait disposaient d’une bien meilleure expérience conformément aux curricula vitae fournis. Le pouvoir adjudicateur avait accordé un avantage indû à l’adjudicataire. Il avait retenu dans les points forts de l’adjudicataire la « présence d’un pôle logistique et services généraux chargés de la gestion des interfaces avec l’exploitation et les flux logistiques ». Or, bien que la recourante proposât le même service, ce dernier n’était pas mentionné dans ses points forts. Elle aurait dû obtenir la note de 3.5.

Le sous-critère 4.2 « Organisation », valant 5%, était apprécié, à teneur des CA‑MEP, selon deux éléments soit : 1) profils et références des personnes clés pour la phase conception ; 2) ressources humaines minimales mises à disposition. La recourante a obtenu la note de 3 comme l’adjudicataire.

Or, AL______ n’était pas membre du jury. Il n’a donc pas évalué les offres. L’AIG a expliqué que la personne clé de l’adjudicataire, W______, avait piloté deux projets d’aéroport complets. BE______, personne clé de la recourante, n’avait jamais été directeur de projet d’aéroport, sa seule référence consistant en l’Aile Est d’un aéroport. La recourante avait répondu aux attentes minimales pour ce sous-critère. Il avait de même retenu, au titre de points forts de son offre, « l’existence d’une cellule de gestion des incidents ». Il ne ressort pas du dossier que l’AIG aurait abusé de son pouvoir d’appréciation en évaluant l’offre de la recourante à 3, à l’instar de sa concurrente, en considérant qu’aucune offre ne présentait d’avantages sur l’autre. La recourante ne prétend d’ailleurs pas que son offre serait meilleure que celle de l’adjudicataire sur ce point.

9.8 La recourante critique l’évaluation du critère 5 « Qualité technique ». Elle n’avait obtenu que la note de 2 alors que sa concurrente avait obtenu 3.5. Le pouvoir adjudicateur lui avait reproché que « certaines solutions proposées n’étaient pas réalisables sans investissement complémentaire de la part de l’AIG » et le fait que « selon l’expérience de l’AIG, les prestations prévues pour la maintenance étaient trop faibles ». Selon elle, il aurait appartenu au pouvoir adjudicateur, s’il avait considéré être en présence d’un prix anormalement bas, de procéder aux investigations nécessaires. Il n’était pas en droit de la sanctionner dans le cas de l’évaluation du critère de la qualité technique. Il n’avait d’ailleurs pas prévu de sous‑critère de plausibilité du prix. Son appréciation était arbitraire et la note insoutenable. Les attentes minimales étant remplies, elle devait obtenir la note de 3. De surcroît, à la lecture des « points forts » et « points faibles » de l’offre de l’adjudicataire, il devait être constaté que les attentes minimales étaient tout juste respectées. L’évaluation de 3.5 n’était dès lors pas justifiée et devait être revue à la baisse d’un demi-point.

À teneur des CA-MEP, le critère 5, d’une pondération de 10%, était apprécié selon deux éléments : solutions techniques proposées et maintenance. Les Recommandations relèvent de nombreux points faibles au titre de solutions techniques proposées dans l’offre de la recourante. Ainsi, il est d’emblée mentionné qu’elle ne répond pas aux attentes du pouvoir adjudicateur. Celui-ci a relevé que le candidat n’avait pas intégré l’ensemble du programme, des remarques des divers ateliers, les réponses aux questions et le cahier des charges de l’AIG. Il y avait des problèmes de surdimensionnement dans l’ensemble des « besoins des techniques » et l’AIG relevait que sa disponibilité en puissance ne permettrait pas le déploiement du projet du candidat. De surcroît la distribution secondaire en électricité était mal implantée géographiquement. Les nouvelles centrales Sprinkler seraient raccordées sur la conduite d’eau ménagère intérieure, sans bouclage, et à travers un terre-plein. L’AIG relevait l’inadéquation dans le texte pour le raccordement sur les réseaux SIG extérieurs et celui de l’AIG. Le P1 n’avait pas été traité suffisamment et correctement. Le rapport relevait par ailleurs peu de réflexion de l’impact de la nouvelle structure dans les réseaux qui se situent entre le tunnel CFF et le sous-sol du T1. Ils seraient tous dévoyés, ce qui manquait d’efficience (travaux complexes). La structure était qualifiée de « sans recherche d’innovation » avec la mention que l’utilisation de matériaux renouvelables aurait été un plus. Les descentes de charges sur le front sud du terminal seraient problématiques, l’AIG relevant que « nous avons des séries de porteurs qui descendent au travers des parkings, il n’y a pas de cohérence avec l’existant ».

Quatre critiques sont faites sous l’élément d’appréciation « maintenance », à savoir une organisation du groupement prévoyant la désignation d’un mainteneur au-delà de la phase de conception et de réalisation. Il est indiqué que cela est « peu rassurant sur la bonne prise en compte de ces aspects dans le projet malgré la présence d’un AMO ». S’agissant de l’organisation de la maintenance, il est relevé le « volet peu clair et non maîtrisé sur plusieurs aspects. L’ensemble est souvent succinct, voire partiellement incomplet et reste à développer ». Les effectifs sont décrits comme apparaissant sous-dimensionnés. Des erreurs ont été observées sur les coûts dans le devis. Enfin, l’accès en toiture du LT 03 par l’échelle n’est pas acceptable. Il en est de même pour l’accès au local technique qui comporte des marches.

La position du pouvoir adjudicateur est en conséquence détaillée. C’est à tort que la recourante fait un parallèle avec les règles régissant les prix anormalement bas. La problématique n’est en effet pas la même et les critiques portent sur des aspects divers sans lien direct avec le prix tels que le sous dimensionnement des effectifs ou l’absence de détails des prestations prévues pour la maintenance.

Il résulte du dossier que les Recommandations sont détaillées. Elles énoncent les notes attribuées, pour chacun des deux candidats, pour les cinq critères et les sept sous-critères, comprend des tableaux comparatifs entre les deux soumissionnaires et précise les critiques et points forts de chacune des offres. La recourante se limite à substituer sa propre appréciation à celle du pouvoir adjudicateur et échoue à faire la démonstration que le pouvoir adjudicateur aurait abusé de son pouvoir d’appréciation étant rappelé que celui-ci est large.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

Pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, la demande de révocation de l’adjudication formulée par A______ auprès du pouvoir adjudicateur le 22 décembre 2023 doit être rejetée en tant qu’elle est recevable.

10.         Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 8'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 8'000.- sera allouée au consortium, à la charge de la recourante. Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure à l’AIG, lequel dispose de son propre service juridique (ATA/1842/2019 du 20 décembre 2019 ; art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par A______ SA contre la décision d’adjudication de l’Aéroport International de Genève du 1er novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

rejette en tant qu’elle est recevable la demande de révocation de l’adjudication du 22 décembre 2023 ;

met un émolument de CHF 8'000.- à la charge de A______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 8'000.- à B______ SA et C______, prises solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Mes Paul HANNA et Baptiste LANINI, avocats de la recourante, à Mes Amanda BURNAND SULMONI et Yves JEANRENAUD, avocats de B______ SA et C______, à Me Nicolas WISARD, avocat de l'Aéroport international de Genève, ainsi qu'à la commission de la concurrence.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :