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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/35/2024

ATA/552/2024 du 03.05.2024 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/35/2024-PRISON ATA/552/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON intimée



EN FAIT

A. a. A______ est détenu à la prison de Champ-Dollon depuis le
8 juin 2023, en attente de jugement.

b. Selon le rapport d’incident du 21 décembre 2023, lors du contrôle au magnétomètre des détenus à la sortie de la salle de sport, un gardien a constaté que A______ n’avait pas passé le contrôle. Lorsqu’il le lui avait fait remarquer, le détenu avait répondu ne pas se souvenir. Or, les images de vidéosurveillance permettaient de constater que A______ s’était soustrait volontairement au contrôle du magnétomètre.

c. Il a été sanctionné le même jour à 30 jours de suppression de grande salle de sport.

d. Il ressort, de la décision qu’il a signée, qu’il a été entendu le jour-même sur les faits.

e. Les images de vidéosurveillance montrent que A______ s’avance dans un premier temps, en compagnie de ses codétenus en direction du magnétomètre. À proximité de celui-ci, il s’éloigne du groupe, avançant tout droit, tout en gardant les yeux fixés en direction du magnétomètre et du gardien.

f. A______ n’a pas fait l’objet d’autres sanctions depuis son incarcération.

B. a. Par acte expédié le 3 janvier 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a recouru contre la décision de sanction.

Il était passé involontairement à côté du magnétomètre. Aucun des surveillants ne l’avait d’ailleurs arrêté sur le moment. Il était conscient que son comportement était contraire au bon ordre de l’établissement. Il était un détenu modèle. S’il ne contestait pas la sanction sur son principe, sa durée devait être réduite. En effet, 30 jours de suppression d’accès à la grande salle de sport était excessif pour le sportif qu’il était.

b. La prison a conclu au rejet du recours.

Il ressortait du rapport et des images de vidéosurveillance que A______ ne s’était pas soumis au contrôle du magnétomètre au retour de la grande salle de sport, qu’il avait fait mine d’ignorer, observant ses codétenus s’y soumettre et continuant son chemin en direction de son unité. Il ressortait clairement des images qu’il s’était soustrait volontairement à ce contrôle, d’autant plus qu’il connaissait la procédure à adopter à chaque fois qu’il se rendait et revenait du sport et savait que le passage par le magnétomètre était obligatoire pour des raisons sécuritaires.

Son attitude n’était pas involontaire comme il le prétendait, puisqu’il avait marqué un temps d’arrêt pour observer ses codétenus se soumettre au contrôle, avant de poursuivre son chemin en direction de son unité. C’était ainsi cette version des faits qu’il convenait de retenir.

Le recourant avait été auditionné le jour-même et avait pu se déterminer sur les faits. Il avait signé la décision qui lui avait été notifiée après qu’il se soit exprimé. Son droit d’être entendu avait ainsi été respecté.

A______ avait adopté une attitude contraire au règlement en se soustrayant volontairement au contrôle du magnétomètre. Séjournant à la prison de Champ-Dollon depuis le 8 juin 2023, il était au fait des règles en vigueur, en particulier le contrôle obligatoire à chaque fois qu’il se rendait et revenait de la salle de sport.

Son comportement contrevenait aux art. 42 et 45 let. h du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), dès lors que son attitude était contraire aux règles de sécurité de la prison.

La sanction était justifiée par un intérêt public. En effet, il était indispensable de sanctionner les détenus présentant des comportements contraires aux règles de fonctionnement d’un établissement pénitentiaire, notamment les règles sécuritaires. A______ ne s’était pas soumis au contrôle du magnétomètre au retour de la grande salle de sport, qu’il avait fait mine d’ignorer, alors qu’il connaissait parfaitement la procédure à adopter et que le contrôle était obligatoire pour des motifs sécuritaires. Son comportement n’était de loin pas celui attendu de toute personne détenue et compromettait l’ordre et la tranquillité devant régner dans un établissement de détention.

Les mesures prises étaient adéquates et nécessaires pour garantir le respect des buts poursuivis par le droit disciplinaire. La quotité de la sanction infligée de 30 jours était proportionnée au vu des faits reprochés, étant rappelé qu’elle pouvait aller jusqu’à six mois. En outre, la sanction ne concernait que la suppression des activités sportives dans la grande salle de sport, mais la possibilité de pratiquer deux à trois fois par semaine du sport dans la petite salle était maintenue.

c. Dans le délai imparti, A______ a renoncé à répliquer.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             1.1 Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

1.2 L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 1re phr. LPA).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/20/2022 du 11 janvier 2022 consid. 2b et les arrêts cités).

1.3 En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclusions formelles en annulation de la décision querellée. Cela étant, il a exposé de façon circonstanciée les raisons pour lesquelles il estime qu’elle doit être modifiée, ce qui est suffisant pour comprendre qu'il est en désaccord avec cette décision et souhaite son annulation.

Bien que la sanction ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il pourrait être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire ou de demande de libération conditionnelle (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consis. 2 ; ATA/498/2022 du 11 mai 2022 consid. 2 ; ATA/50/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2).

Le recours est donc recevable.

2.             L’objet du litige porte sur la conformité avec le droit de la décision qui sanctionne le recourant de 30 jours de suppression d’accès à la grande salle de sport.

Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

3.             Le recourant se plaint implicitement d’une constatation inexacte des faits, puisqu’il conteste s’être soustrait volontairement au contrôle du magnétomètre.

3.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

3.2 Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le RRIP, dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus, notamment, d'une façon générale, de troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement (art. 45 let. h RRIP).

3.3 Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, le directeur ou, en son absence, son suppléant sont compétents pour prononcer a) la suppression de visite pour 15 jours au plus, b) la suppression des promenades collectives, c) la suppression des activités sportives, d) la suppression d’achat pour 15 jours au plus ou encore g) le placement en cellule forte pour 10 jours au plus. Le directeur peut déléguer ces compétences à un membre du personnel gradé (art. 47 al. 7 RRIP).

3.4 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/719/2021 du
6 juillet 2021 consid. 2d ; ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 consid. 3b et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/738/2022 du 14 juillet 2022 consid. 3d ; ATA/36/2019 du 15 janvier 2019).

3.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but
fixé – de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

3.6 En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/498/2022 du 11 mai 2022 consid. 5f ; ATA/383/2021 du 30 mars 2021 consid. 4e).

4.             En l’espèce, les faits reprochés au recourant ressortent du rapport du
21 décembre 2023 ainsi que des images de vidéosurveillance. En effet, leur visionnage permet de constater que c’est volontairement que le recourant ne s’est pas soumis au contrôle obligatoire. Il marque une pause, observant ses codétenus qui patientent pour passer le contrôle, puis s’éloigne du groupe tout en fixant le magnétomètre du regard jusqu’à le dépasser, alors qu’il se dirige vers son unité.

Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de la version des faits qui ressort du rapport du 21 décembre 2023, à savoir que c’est intentionnellement que le recourant ne s’est pas soumis au contrôle.

Le recourant a pu être entendu sur les faits reprochés, ce qu’il ne conteste pas.

Le recourant conteste la quotité de la sanction. Or, comme l’a relevé à juste titre l’intimée, le comportement du recourant contrevient au RRIP. Son attitude compromet la tranquillité, l’organisation et le bon fonctionnement de la prison, met en péril la sécurité de la prison et ne saurait dès lors être tolérée. Une suppression de 30 jours d’accès à la grande salle de sport – étant précisé que l’accès à la petite est maintenu – est ainsi proportionnée et doit être confirmée. L’intimée, qui bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation en la matière, n’a ainsi pas abusé de son pouvoir d’appréciation ou fait preuve d’arbitraire en choisissant la sanction, qui tient compte de façon adéquate de la faute du recourant.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             La procédure étant gratuite, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 janvier 2024 par A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 21 décembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la prison de Champ‑Dollon.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MEYER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :