Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/376/2023 du 14.04.2023 ( TAXIS ) , ACCORDE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/621/2023-TAXIS ATA/376/2023 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 14 avril 2023 sur effet suspensif et mesures provisionnelles
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dans la cause
Monsieur A______
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat
contre
SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR
Vu, en fait, la décision du 23 janvier 2023 du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) rejetant la requête du 2 novembre 2022 en délivrance d’une autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP) en application du régime transitoire prévu aux art. 46 al. 13 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et 57 al. 11 à 13 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01) déposée par Monsieur A______ ;
que, selon cette décision, l’intéressé n’était pas l’utilisateur d’une AUADP au moment du dépôt de la LTVTC, soit le 26 février 2020 ; qu’il apparaissait ainsi d’emblée que les conditions de l’art. 46 al. 13 LTVTC n’étaient pas réunies ;
que le 20 février 2023, M. A______ a formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à la délivrance d’une AUADP ;
qu’à titre préalable, il a demandé à être au bénéficie d’une AUADP pendant toute la durée de la procédure ;
qu’il a exposé subir un dommage irréparable dans le fait de ne pas pouvoir continuer à exercer sa profession de chauffeur de taxi indépendant, qui était sa seule source de revenus ; que l’intérêt public de l’État de le priver d’une AUADP ne saurait prévaloir sur son intérêt privé à pouvoir exercer sa profession comme il l’exerçait auparavant, dès lors qu’il en avait toutes les compétences et les qualifications ;
que figure au dossier un contrat de mise à disposition d’une AUADP conclu le 11 août 2020 avec B______, bailleuse, lui réservant l’usage exclusif de l’AUADP donnant droit à l’immatriculation GE ______ pour un loyer mensuel de CHF 750.- pour un chauffeur seul ;
que, le 6 mars 2023, le PCTN a conclu à l’irrecevabilité de la requête d’effet suspensif et au rejet et de la requête en mesures provisionnelles ;
qu’il a relevé que le recours emportait déjà effet suspensif ; que le recours portait sur une décision à contenu négatif, à savoir le refus d’octroyer une autorisation d’usage accru du domaine public en vertu de l’art. 46 al. 13 LTVTC, de sorte que seul l’octroi de mesures provisionnelles était envisageable ; que, toutefois, l’octroi d’une AUADP ne s’avérait pas indispensable au maintien de l’état de fait et à la sauvegarde des intérêts du recourant dans la mesure où il pouvait déployer son activité de chauffeur en tant qu’employé d’une entreprise de transport de taxi ou de VTC, ou encore en requérant la délivrance d’une plaque d’immatriculation VTC ; qu’enfin, l’octroi d’une mesure provisionnelle reviendrait à anticiper sur le jugement au fond ;
que le 21 mars 2023, M. A______ a relevé qu’à la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle version de la LTVTC, le refus de l’octroi d’une AUADP équivalait à la suppression d’une autorisation dont il bénéficiait auparavant du fait qu’il était locataire d’une plaque de taxi ; que même si la décision avait formellement un statut négatif, il n’en demeurait pas moins qu’elle lui retirait un statut légal dont il disposait auparavant ; qu’ainsi les mesures provisionnelles sollicitées visaient au maintien d’un état de fait jusqu’à droit connu au fond ; que la mise en place des solutions proposées par le PCTN durant la procédure n’était pas immédiatement réalisable et aurait pour conséquence une perte totale de revenus ;
que le 23 mars 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;
Considérant, en droit, l’art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d’empêchement de
ceux-ci, par un juge ;
qu’aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;
que, selon la jurisprudence et la doctrine, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation ; que la fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée ; que si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d'être mis au bénéfice d'un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; ATA/1205/2018 du 12 novembre 2018 consid. 7a ; ATA/354/2014 du 14 mai 2014 consid. 4) ;
que lorsqu'une décision à contenu négatif est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l'effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d'un statut légal qui lui était retiré de celui qui ne disposait d'aucun droit ; que, dans le premier cas, la chambre administrative pourra entrer en matière sur une requête en restitution de l'effet suspensif, aux conditions de l'art. 66 al. 3 LPA, l'acceptation de celle-ci induisant, jusqu'à droit jugé, le maintien des conditions antérieures ; qu’ elle ne pourra pas en faire de même dans le deuxième cas, vu le caractère à contenu négatif de la décision administrative contestée ; que, dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l'art. 21 LPA, est envisageable (ATA/1205/2018 précité consid. 7b) ;
que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;
qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;
que lors de l’octroi ou du retrait de l’effet suspensif, l’autorité de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui varie selon la nature de l’affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;
qu’en l’espèce, le recourant a produit un contrat de mise à disposition d’une AUADP conclu le 1er décembre 2020 lui réservant l’usage exclusif de l’AUADP depuis cette date ; qu’il rend ainsi vraisemblable, à ce stade, qu’il bénéficiait d’une autorisation avant l’entrée en vigueur, le 1er novembre 2022, de la nouvelle version de la LTVTC ;
que le refus du PCTN de lui délivrer une AUADP en application du régime transitoire prévu aux art. 46 al. 13 LTVTC et 57 al. 11 à 13 RTVTC est formellement une décision négative ; que toutefois, du point de vue matériel, il équivaut à une révocation de son autorisation, soit une décision qui, en principe, est sujette à effet suspensif ;
que, sur le fond, le recourant remet en cause la compatibilité de ces dispositions avec le droit supérieur, en particulier les art. 9 et 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS – Cst.) ;
que, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, le recours n’apparait pas manifestement dépourvu de chances de succès ;
que dans la mesure où la fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée, il se justifie de faire droit à la requête du recourant et de lui accorder des mesures provisionnelles, en ce sens qu’il continue de bénéficier d’une AUADP jusqu’à droit jugé dans la présente procédure ;
que le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
admet la demande de mesures provisionnelles déposée par Monsieur A______ ;
dit qu’il continue de bénéficier d’une AUADP jusqu’à droit jugé au fond ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve doivent être joints à l’envoi ;
communique la présente décision à Me Guy Zwahlen, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.
Le vice-président :
C. Mascotto
Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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