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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1807/2022

ATA/312/2023 du 28.03.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.05.2023, rendu le 21.12.2023, REJETE, 8C_322/2023
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RÉSILIATION;COMPÉTENCE
Normes : LIP.136; RStCE.1 ss; RStCE.78.al1; LPA.12.al3
Résumé : Recours contre une décision de résiliation des rapports de service prise par la direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO). Question de savoir si la DGEO peut se substituer au directeur de l’établissement qui, selon l’art. 78 al. 1 RStCE, est compétent pour mettre fin aux rapports de service des membres du corps enseignant non nommés. En l’occurrence, l’évocation ne prive pas le recourant d’une possibilité de recours et la LIP, qui se limite à renvoyer sur ce point au règlement, ne confère pas de compétence décisionnelle au directeur de l’établissement. La compétence de la DGEO pour mettre fin aux rapports de service est admise.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1807/2022-FPUBL ATA/312/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mars 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé

 



EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 1990, a été engagé, le 1er septembre 2020, en qualité de chargé d’enseignement auprès du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP), enseignant le français au Cycle d’orientation B______ (ci-après : cycle B______).

b. Auparavant, après plusieurs années au cours desquelles il a effectué divers remplacements, M. A______ a accompli une année de suppléance au cycle B______, puis y a travaillé deux ans en tant que maître d’enseignement/stagiaire en responsabilité, dans le cadre de sa formation.

c. Lors d’une visite de classe effectuée au cycle B______ durant sa formation en juin 2017, M. A______ a été rendu attentif au fait que « certains élèves [n’étaient] pas encore à l’aise avec le second degré ou l’ironie. L’adolescent [devait] faire preuve d’une certaine empathie, ce qui [n’était] pas toujours le cas dans le secondaire ». L’intéressé a alors expliqué que c’était son « mode de fonctionnement de manière générale » mais qu’il essaierait d’y rester attentif.

d. L’année 2020-2021 constituait sa première année probatoire en qualité d’enseignant diplômé.

B. a. Le 25 février 2021, Monsieur C______, directeur du cycle B______, s’est entretenu avec M. A______, en présence de Monsieur D______, responsable des ressources humaines (ci-après : RH) auprès de la direction générale de l’enseignement obligatoire (ci-après : DGEO). Lors de cet entretien, M. C______ a remis à M. A______ une série de captures d’écran d’échanges qu’il avait entretenus via WhatsApp avec E______, élève de 11e année, entre le 29 janvier et le 13 février 2021 (« 1er lot de pièces »). Il lui a également remis un courrier daté du même jour, le convoquant à un entretien de service.

Il ressort dudit courrier que, lors d’un entretien ayant eu lieu le 23 février précédent, les parents de l’élève avaient informé le directeur de ce qu’ils avaient déposé une main courante auprès de la brigade des mineurs en raison d’une proximité très inadéquate de M. A______ avec leur fils.

Dans les messages remis au directeur par les parents, M. A______ avait notamment écrit : « Comme ta mère », lorsque l’élève indiquait qu’une fondue était bonne ; « Putain avec le COVID19 je ne peux même plus aller en boîte de nuit afin de péchos quelques meufs, c’est déprimant ! Voilà bientôt une année que je n’ai plus apprécié combo champagne + coke !!! » ; « Cette pute de Houda prend en charge ta commande » ; « Et Houda est la pute de Uber Eats » ; « Ta mère la pute » ; « Ta mère la grosse pute » ; « Tu peux jouer aujourd’hui petite MERDE ? Déchêt » ; « La copine de ma collègue lesbienne est arabe. Elle cumule mdrrr. » ; « Et il s’est filmé en train de mettre une carotte pas dans la bouche » ; « ferme ta chienne ».

Des extraits de messages vocaux de M. A______ adressés à l’élève avaient également été communiqués au directeur, soit notamment :

-          « Mec si tu veux un conseil dis-toi juste que tu vas te planter quoi, tu prends un moment comme ça tu te dis, je suis une merde, je vais rater l’oral d’allemand, je suis incapable d’aligner trois mots dans cette langue. Je répète, je suis une merde et tu continues comme ça pendant un moment, tu verras, comme ça non seulement tu es honnête avec toi-même mais en plus tu te fous pas de la gueule du monde quoi, t’assumes » ;

-          « Voilà donc, je ne veux pas avoir l’air chiant mais ça fait plus d’une heure que je t’ai envoyé un message, si pour toi l’amitié c’est une sorte de, comme je dirais, de jeu du chat et de la souris, moi ça ne me convient pas voilà parce que je pense que pour avoir le respect dans toutes formes de relations hein, que ça soit avec les collègues que ce soit dans une relation amoureuse, dans une relation amicale, et bien il faut une certaine forme de confiance et là je ne peux plus avoir confiance en toi parce que si je t’envoie un message et qu’une heure vingt après tu n’as pas répondu ça veut dire que le jour où il m’arrive quelque chose d’important, de grave, tu ne sauras (sic) pas là pour m’aider et ça c’est juste pas possible, donc voilà je pense que mon message est assez clair et je te propose de méditer tout ça ».

Les échanges WhatsApp étaient annexés à la convocation (annexe 1), de même que les messages vocaux (annexe 2). Le courrier indiquait que ces faits étaient susceptibles de constituer une violation des art. 123 al. 1 et 2 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 - 10) et 20 et 21 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04), ainsi qu’un motif de résiliation des rapports de service. L’objectif de l’entretien était d’entendre M. A______ par rapport à cette situation.

M. A______ était libéré immédiatement de son obligation de travailler. Il lui a été demandé de cesser toute communication et de ne pas prendre contact avec les élèves mentionnés dans la convocation.

b. Le 28 février 2021, la mère de E______ a transmis neuf autres messages audio au DIP (« 2e lot de pièces »). Ces messages n’ont pas été remis à M. A______ avant l’entretien de service.

c. Lors de l’entretien du 5 mars 2021, M. A______ a exposé qu’il ne contestait pas les faits et tenait à coopérer, étant conscient des erreurs commises. Il a reconnu une inadéquation totale de son attitude envers l’élève, au regard du rôle de l’enseignant et en tant que représentant de l’État, et une négligence coupable de son devoir d’exemplarité en tant qu’adulte face à un mineur. Il a toutefois relevé qu’il n’y avait pas eu de mauvaise intention de sa part et aucune volonté de faire du mal à l’élève.

En septembre 2020, deux élèves lui avaient proposé de jouer à un jeu en ligne, ce qu’il avait dans un premier temps refusé en expliquant que cela posait un problème « au niveau des rôles ». Relancé par les élèves en décembre 2020, il avait « baissé la garde », notamment en raison de la situation sanitaire, et accepté. E______ s’était joint à ce jeu en ligne. S’étant bien entendu avec lui, il lui avait alors proposé de le rejoindre sur WhatsApp, dès lors qu’ils avaient tous deux, selon lui, le même sens de l’humour au second degré. Voyant cet élève comme une personne mature et intelligente, il avait relativisé leur différence d’âge. Les propos contenus dans les audios et les messages écrits ne reflétaient en rien ses valeurs en tant que personne ou professionnel. Il s’agissait d’un jeu théâtral. Ainsi, quand il parlait de drogue dans les messages, il jouait un personnage, dès lors qu’il n’y avait jamais touché. Il en allait de même de ses propos misogynes ou racistes qui ne reflétaient pas ses valeurs. Lorsqu’il avait demandé à l’élève de répondre dans l’heure, il ne s’agissait pas de harcèlement, mais d’humour et le langage grossier découlait du contexte geek. Selon lui, l’élève comprenait tout à fait qu’il s’agissait d’humour. Il en allait de même concernant l’audio relatif à l’oral d’allemand, qui visait à permettre à l’élève de dédramatiser par l’ironie, ou encore de l’épisode du MacDo.

Il s’estimait heureux que la réaction des parents l’ait amené à cesser ce jeu inapproprié et lui ait permis de prendre conscience des faits. Son métier était une vocation. Il avait de bons retours des élèves comme des parents et espérait vivement qu’on lui permette de continuer à enseigner. Il s’engageait à ne plus jamais avoir d’échanges à ce niveau de proximité avec des élèves et à rester dans un cadre strictement professionnel. Il reconnaissait une forme d’inconscience et déclarait avoir la volonté d’en tirer les conséquences.

Il a présenté ses excuses à l’élève et à ses parents.

d. Le 12 mars 2021, M. A______ a produit quelques lettres de parents le remerciant de son enseignement, d’aider leurs enfants à se construire et à se remettre en question, de leur permettre de se « réparer » et de les motiver à lire.

C. a. Par décision du 13 avril 2021, le directeur général de la DGEO a mis fin aux rapports de service de M. A______ avec effet au 31 juillet 2021. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours et une voie de droit était indiquée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Les éléments transmis allaient très clairement à l’encontre de la posture attendue de la part d’un membre du corps enseignant. Ce constat s’effectuait dans un nombre de dérapages importants, cumulés sur plusieurs jours. Les mots choisis étaient parfaitement inadéquats. La pression mise sur un élève, en lui envoyant des messages à différentes heures de la journée et de la nuit n’était pas admissible. Ces dysfonctionnements faisaient écho au constat en 2017, lors d’une visite de classe, lorsqu’il lui avait été signalé que certaines élèves n’étaient pas à l’aise avec l’ironie et le second degré, les paroles pouvant ne pas être interprétées et reçues de la même manière qu’imaginées par un adulte.

Il avait brisé les règles élémentaires d’une distance adéquate entre élève et enseignant et adopté un langage allant à l’encontre du respect et de la tolérance.

La décision était fondée sur une insuffisance de prestations et une inaptitude à remplir les exigences du poste.

b. Par acte du 17 mai 2021, M. A______ a formé un recours auprès du Conseil d’État à l’encontre de cette décision.

Dans le cadre de cette procédure, le DIP a notamment produit le 2e lot de pièces.

c. Par arrêté du 27 avril 2022, le Conseil d’État a pris acte de la récusation de la conseillère d’État chargée du DIP et rejeté le recours.

M. A______ avait reconnu avoir entretenu, à sa propre demande, une conversation soutenue durant plusieurs semaines sur WhatsApp avec un élève du cycle d’orientation âgé de 14 ans, en inadéquation totale avec le rôle d’enseignant et de représentant de l’État, et avoir, par une négligence coupable, contrevenu à son devoir d’exemplarité en tant qu’adulte face à un mineur. Les annexes à la convocation à l’entretien révélaient un langage grossier, non respectueux des valeurs du DIP et parfaitement inadéquat. Ces échanges montraient que M. A______ avait conscience de leur caractère transgressif. L’intéressé se trompait lorsqu’il soutenait que l’autorité intimée avait rendu sa décision sur la base d’extraits décontextualisés. L’autorité s’était fondée sur les annexes 1 et 2 de la convocation qui faisaient état de conversations intervenues avant la convocation à l’entretien de service. Le second lot d’échanges audios transmis à l’autorité par Mme E______ le 28 février 2021 n’avait pas été pris en compte lors de la prise de la décision litigieuse. Les faits reprochés ne constituaient pas un « unique dérapage » mais au contraire une succession de dérapages importants, dont chacun pris isolément constituait déjà une violation des devoirs d’un enseignant incompatible avec la mission éducative qui lui avait été confiée.

Ainsi, en décembre 2020, M. A______ avait accepté la proposition de jouer en ligne faite par deux élèves, qu’il avait préalablement déclinée au mois de septembre 2020 au motif que cela lui posait un problème « au niveau des rôles ». C’était ainsi en toute conscience qu’il avait contrevenu à la posture et à la retenue attendue d’un enseignant, explicitée pour le surplus dans la directive D.RH.00.25 du 12 mai 2020 et dans la recommandation du DIP sur l’usage des réseaux sociaux, en invoquant le confinement pour justifier son manquement. Puis, après que E______ s’était joint à ce jeu, c’était M. A______ qui avait pris l’initiative de proposer à cet élève de le rejoindre sur Whatsapp pour continuer leurs échanges, au motif qu’ils partageaient, selon lui, un même sens de l’humour au second degré, contrevenant une nouvelle fois aux règles les plus élémentaires de positionnement d’un membre du corps enseignant. Puis, M. A______ avait entretenu pendant plusieurs semaines une conversation soutenue sur WhatsApp avec cet élève, le relançant à différentes heures du jour ou de la nuit, usant, sous couvert d’humour, d’un langage grossier, injurieux, voire raciste. M. A______ s’était de surcroît accommodé de la possible ambiguïté de ses propos. Or, la pression exercée sur un jeune en construction, quelle que soit la maturité qu’il paraissait avoir aux yeux de l’enseignant, par le biais de multiples messages au contenu équivoque, était parfaitement inadmissible. En procédant de la sorte, M. A______ avait violé son devoir de dignité et d’exemplarité dont devaient faire preuve les enseignants et avait ainsi contrevenu à sa mission éducative.

La procédure avait établi que ce n’était pas la première fois que M. A______ avait discuté par messages avec des élèves ou joué en ligne avec eux, et ce quand bien même l’accord des parents semblait avoir été sollicité au préalable dans les autres cas de figure.

Le comportement de M. A______ était susceptible de mettre à mal le développement psychique de l’élève et pouvait relever d’une certaine emprise de celui-ci sur ce dernier, sans qu’il semble en être conscient, malgré les huit années d’expérience professionnelle dont il se prévalait. Il n’avait cessé les échanges qu’après l’intervention des parents de l’élève et un entretien de service. Il aurait vraisemblablement continué si tel n’avait pas été le cas.

La poursuite de la carrière de M. A______ au sein du DIP n’était pas souhaitable, quand bien même ses capacités pédagogiques en tant que telles n’étaient pas remises en cause. Le lien de confiance entre l’institution et l’intéressé avait été rompu. L’autorité disposait par ailleurs d’un large pouvoir d’appréciation dès lors que M. A______ n’avait pas encore été nommé fonctionnaire.

La décision de l’autorité intimée n’était pas arbitraire et respectait le principe de la proportionnalité.

D. a. Par acte du 20 mai 2022, M. A______ a interjeté recours par-devant la chambre administrative contre cet arrêté, en concluant à son annulation et sa réintégration immédiate. Subsidiairement, il a conclu au renvoi du dossier pour nouvelle décision. Il a sollicité son audition, ainsi que celle de E______, de F______ et de Madame G______.

La décision de résiliation des rapports de service du 13 avril 2021 avait été rendue par le directeur général de la DGEO, alors que l’art. 78 al. 1 RStCE attribuait cette compétence à la direction de l’établissement scolaire. Prise par une autorité incompétente, cette décision devait être frappée de nullité.

Son droit d’être entendu avait été violé à plusieurs titres. Il n’avait jamais été informé ni eu l’occasion de se déterminer au sujet des entretiens menés par l’intimé avec des élèves et leurs parents. Or, la décision était notamment fondée sur le fait qu’il avait joué aux jeux vidéo et discuté par messages avec d’autres élèves que E______. S’ajoutait à cela que des pièces transmises au DIP par Mme E______ ne lui avaient pas été communiquées avant la prise de décision. Ces pièces ne lui avaient été transmises qu’au stade du recours, ce qui n’était pas acceptable. Or, quoi qu’en dît l’intimé, ces pièces avaient nécessairement participé à la prise de décision. Enfin, la décision avait été rendue sur la base de pièces lacunaires et décontextualisées. Ce nonobstant, le Conseil d’État avait gardé la cause à juger, sans entendre de témoins et alors même que de nouveaux éléments permettaient de démontrer que E______ partageait et accédait pleinement à son humour.

La décision entreprise consacrait une violation « crasse » du principe de la proportionnalité, était entachée d’arbitraire et procédait d’un abus manifeste du pouvoir d’appréciation. Il avait admis avoir fait une erreur en termes de distance et d’exemplarité à l’égard de E______. Il convenait toutefois de tenir compte du fait que ce dernier ne faisait pas partie de ses élèves, les faits reprochés relevant entièrement du cadre privé. S’ajoutait à cela que la qualité de son travail ressortait de ses évaluations et attestations de travail. Il n’avait aucun antécédent disciplinaire et les échanges n’avaient duré que quelques semaines, du 29 janvier au 24 février 2021, et étaient des faits isolés. Les messages échangés s’inscrivaient dans une dynamique humoristique et parodique, de toute évidence réciproque et consentie, ainsi que cela avait été confirmé par E______.

À l’appui de son recours, il a produit des attestations et certificats de travail.

b. Par réponse du 7 juillet 2022, le département a conclu au rejet du recours.

Les manquements aux devoirs de service étaient non seulement graves et répétés mais également constitués de multiples facettes. Ils avaient sans conteste porté atteinte à la confiance que le DIP portait à l’enseignant. Le recourant n’avait pas démontré être en mesure de respecter les directives. Il avait entretenu, de jour comme de nuit, d’intenses échanges par messagerie avec un élève de 14 ans. Parallèlement, il avait joué aux jeux vidéo avec des élèves et était allé partager un repas avec eux durant les vacances scolaires. Il investissait, en cela, le rôle de « bon copain », « grand frère » et parsemait ses messages de propos vulgaires, homophobes, islamophobes, insultants, sexistes, moralisateurs, dégradants et totalement inappropriés. Proférer de tels propos était aux antipodes du devoir d’exemplarité et de « prestance » qu’un enseignant devait adopter face à un élève.

c. Par réplique du 11 août 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Aucun des propos reprochés n’avait été articulé au premier degré, ni d’ailleurs été perçu comme tel, mais ils s’inscrivaient dans une dynamique humoristique indéniablement réciproque.

La rupture de la confiance avec l’intimé ne saurait raisonnablement se fonder sur un unique dérapage, faisant fi de huit années d’enseignement ayant démontré sa passion pour son activité et durant lesquelles aucun vrai problème en classe n’avait été soulevé.

Le ressenti de l’adolescent était déterminant. Or, ce dernier avait confirmé à la police qu’il n’avait jamais eu de comportements ni de mots déplacés à son égard.

d. Le 30 août 2022, la chambre de céans a tenu une audience de comparution personnelle des parties. M. A______ a confirmé avoir rencontré E______ sur un réseau de jeux qu’il avait intégré en décembre 2020 par le biais de deux élèves de sa classe. Comme il y avait une bonne entente avec E______, il lui avait demandé de lui communiquer son téléphone afin qu’ils puissent continuer leurs discussions en privé, ce qu’ils avaient fait dès janvier 2021. Il le considérait comme un ami et voulait développer une relation amicale. Il le connaissait moins que les autres intervenants car il n’était pas dans sa classe. Il le sentait réceptif à son humour, humour qu’il pratiquait également. Dans les semaines qui avaient suivi, il n’avait jamais voulu ralentir leurs échanges. Il trouvait qu’ils étaient dans une bonne dynamique, qu’il jugeait bienveillante.

Il a confirmé avoir été contacté par Mme E______ le 21 février 2021. Il lui avait alors demandé s’il devait cesser les discussions, ce à quoi elle avait répondu qu’elle était d’accord qu’ils continuent leurs échanges à condition qu’il adopte un langage plus adulte et exemplaire. Le soir même, il avait initié une nouvelle discussion pour faire le point. Trois jours après, la mère de l’élève lui avait demandé de cesser les échanges. Suite à cela, il avait « bloqué » E______ de ses contacts WhatsApp. Il n’avait plus eu de contacts avec lui depuis.

À la suite de cet entretien du 25 février 2021, il avait appelé des parents pour leur expliquer la situation. Depuis son renvoi, de nombreux parents l’avaient contacté par téléphone pour discuter de la situation. Il avait également brièvement discuté avec un élève par message.

S’il avait accepté d’intégrer le réseau de jeux en décembre 2020, c’était en raison du contexte du COVID. En mars 2020, la doyenne leur avait conseillé d’être plus proches des élèves, d’être plus rassurant et de prendre contact de manière privée avec eux, soit de prendre de leurs nouvelles, « c’est comme ça [qu’il] l’avait compris ». Il avait alors estimé qu’il pouvait s’amuser avec eux en ligne afin de les distraire. Il n’aurait toutefois pas initié de rencontres d’ordre privé avec des élèves de sa classe.

À l’issue de l’audience, M. A______ a maintenu la demande d’audition de E______, F______ et Mme G______.

e. Le 11 octobre 2022, l’intimé a informé la chambre de céans qu’il n’était pas possible d’indiquer la date et l’heure auxquelles les messages vocaux avaient été échangés.

f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 80 al. 6 RStCE).

2.             Le recourant sollicite l’audition de plusieurs témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, le dossier comporte l’ensemble des échanges dont il est fait état dans la décision litigieuse. Le recourant ne conteste ni la teneur, ni la quantité des messages transmis à E______ entre le 29 janvier et le 24 février 2021. Pour les motifs qui seront exposés ci-après, la question de savoir si E______ percevait ces messages au deuxième degré, voire comme un jeu, n’est pas déterminante pour l’issue du litige. Il n’apparait ainsi pas utile de le questionner sur ce point. Pour le reste, les parties ne remettent pas en cause les circonstances de la rencontre entre E______ et le recourant par le biais du réseau de jeux, ni le fait que E______ n’était pas dans sa classe. Quant à la réputation du recourant auprès des parents d’élève, non contestée par les parties, elle ressort des pièces versées au dossier par le recourant. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner d’autres actes d’instruction.

3.             Le recourant invoque une violation de son droit d’être entendu sous différents aspects.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier et de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 et les références citées).

Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Selon la jurisprudence, sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.8) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c et les arrêts cités).

En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c et les arrêts cités).

Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5).

3.2 Le recourant reproche en premier lieu à l’autorité intimée d’avoir tenu des « entretiens secrets » avec des élèves et leurs parents, sans lui avoir donné l’occasion de se déterminer à ce propos. Les propos tenus lors de ces entretiens étaient pertinents puisque l’intimé lui avait reproché d’avoir discuté par message avec d’autres élèves et d’avoir joué avec eux.

Or, ainsi que l’a relevé l’intimé, le fait que le recourant jouait par Internet avec d’autres élèves résultait de ses propres déclarations, comme cela ressort du procès-verbal de son entretien de service du 5 mars 2021. Contrairement à ce que soutient l’intéressé, l’intimé n’a aucunement fait état d’éléments qui auraient été révélés durant ces entretiens, dont le but était d’évaluer la situation d’autres élèves et les suites éventuelles à y donner. Les faits reprochés au recourant se fondaient exclusivement sur ses propres déclarations, celles de Mme E______ et de E______, et des pièces transmises par Mme E______ le 23 février 2021 (« 1er lot »). Il n’était dès lors pas nécessaire que le recourant soit informé de la tenue de ces entretiens, lesquels n’ont pas servi de fondement à la décision litigieuse.

Il en va de même des pièces ayant formé le « 2e lot » de messages transmis au DIP par Mme E______ le 28 février 2021. L’intimé a en effet renoncé à prendre en considération les éléments figurant dans ces messages, dans la mesure où les messages contenus dans le « 1er lot » étaient suffisants pour fonder une résiliation des rapports de service. Ils démontraient à eux seuls de graves et multiples manquements aux devoirs de fonction. Le recourant a du reste pris connaissance de l’intégralité des messages transmis par Mme E______ lors de la procédure devant le Conseil d’État. Même à admettre une violation de son droit d’être entendu, celle-ci a, partant, été réparée devant la juridiction de recours. La chambre de céans relève, au demeurant, qu’il s’agit de messages échangés entre E______ et le recourant, de sorte qu’il devait en connaître la teneur, indépendamment de leur production par Mme E______.

Le recourant reproche enfin à l’intimé de n’avoir pas examiné son argument consistant à dire que la décision se fondait sur des pièces lacunaires, se satisfaisant d’extraits choisis ou décontextualisés. Or, contrairement à ce qu’il prétend, le Conseil d’État a répondu à l’argument du recourant en relevant qu’il se « trompait » lorsqu’il soutenait que les extraits étaient décontextualisés. L’autorité intimée s’était au contraire fondée sur les annexes 1 et 2 de la convocation, sur lesquelles figuraient de nombreux messages permettant de suivre les conversations des personnes concernées, de même que leur contexte. Le grief tiré d’un défaut de motivation doit dès lors être écarté.

4.             Le litige porte sur la conformité au droit de la résiliation des rapports de service qui liaient le recourant au DIP.

À titre liminaire, le recourant invoque la nullité de la décision du 13 avril 2021, au motif qu’elle aurait été prise par une autorité incompétente.

4.1 Selon l’art. 136 LIP, pour les membres du corps enseignant non nommés, les conditions de résiliation des rapports de service avec préavis ou avec effet immédiat sont fixées par voie réglementaire (al. 1). Le Conseil d’État peut déléguer la compétence de résiliation aux directions d’établissement scolaire agissant d’entente avec le service des ressources humaines compétent du département. Le Conseil d’État peut déléguer la compétence de résilier les rapports de service avec effet immédiat au conseiller d’État chargé du département agissant d’entente avec l’office du personnel de l’État. Il peut autoriser la sous-délégation de cette compétence aux directions d’établissement scolaire agissant d’entente avec le service des ressources humaines compétent du département (al. 2).

Le titre III RStCE traite des dispositions relatives aux chargés d’enseignement. Selon l’art. 78 al. 1 du règlement, la direction de l’établissement scolaire, agissant d’entente avec la direction des ressources humaines compétente du département, peut mettre fin aux rapports de service avec préavis de trois mois pour la fin d’un mois.

4.2 Selon l’art. 1 RStCE le personnel enseignant de l’instruction publique comprend les fonctionnaires (let. a) et les chargés d’enseignement (let. b). Selon l’art. 1B, le conseiller d'État chargé du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse est l'autorité compétente pour la catégorie des fonctionnaires sous sa responsabilité (al. 1). La direction générale concernée est l'autorité compétente pour les autres catégories de personnel sous sa responsabilité. L'engagement et l'augmentation du taux d'activité peuvent être soumis à l'accord de la secrétaire générale ou du secrétaire général par la conseillère ou le conseiller d'Etat chargé du département.est l'autorité compétente pour la catégorie des fonctionnaires sous sa responsabilité (al. 2).

4.3 Selon l’art. 12 al. 3 LPA, l’autorité administrative hiérarchiquement supérieure ne peut évoquer une affaire traitée par une autorité subordonnée si cela a pour effet de priver les parties d’une possibilité de recours à une juridiction administrative.

En principe, le pouvoir hiérarchique confère à l’autorité supérieure le pouvoir d’évoquer une affaire, c’est-à-dire de se substituer à l’autorité inférieure pour statuer. L’évocation n’est cependant pas possible si la loi confère expressément la compétence décisionnaire à l’autorité inférieure (à moins que le pouvoir d’évocation ne repose lui-même sur une base légale expresse) ou si le fait d’évoquer a pour conséquence de priver les administrés concernés d’une voie de recours auprès d’une instance indépendante (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, p. 39).

4.4 Selon la jurisprudence, la nullité absolue d'une décision, qui peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office, ne frappe que les décisions affectées d'un vice qui doit non seulement être particulièrement grave, mais doit aussi être manifeste ou dans, tous les cas, clairement reconnaissable, et pour autant que la constatation de la nullité ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Hormis dans les cas expressément prévus par la loi, il n'y a lieu d'admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. Entrent principalement en ligne de compte comme motifs de nullité la violation grossière de règles de procédure ainsi que l'incompétence qualifiée (fonctionnelle ou matérielle) de l'autorité qui a rendu la décision; en revanche, des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision (ATF 145 III 436 consid. 4 et les arrêts cités; 137 I 273 consid. 3).   

Selon la jurisprudence, la décision d'une autorité fonctionnellement et matériellement incompétente pour statuer est affectée d'un vice grave lorsqu'elle ne dispose d'aucun pouvoir décisionnel général dans le domaine concerné (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 127 II 32 consid. 3g et les références citées). Tel est le cas lorsque ladite autorité se prononce dans une affaire qui ne tombe manifestement pas dans son domaine de compétence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_573/2020 du 22 avril 2021 consid. 6.2 ; 2C_1031/2019 du 18 septembre 2020 consid. 2.1; 1C_447/2016 du 31 août 2017 consid. 3.4 et les arrêts cités).

4.5 En l'occurrence, il n’est pas contesté que le recourant était un membre non nommé du corps enseignant. Ainsi, selon l’art. 78 al. 1 RStCE, la compétence pour mettre fin aux rapports de service appartenait à la direction de l’établissement scolaire, d’entente avec la direction des ressources humaines du département.

La décision de résiliation des rapports de service du 13 avril 2021 a toutefois été prise par le directeur général de la DGEO, « d’entente avec la direction des ressources humaines du département », soit l’autorité hiérarchiquement supérieure au directeur du cycle B______. La question se pose ainsi de savoir si la DGEO pouvait se substituer au directeur de l’établissement. Conformément à l’art. 12 al. 3 LPA, l’évocation est possible à moins que cela ait pour conséquence de priver les parties d’une possibilité de recours à une juridiction administrative. Or tel n’est pas le cas en l’occurrence puisque le recourant a eu la possibilité de recourir devant le Conseil d’État, soit la juridiction administrative désignée comme autorité de recours contre la décision de résiliation litigieuse (art. 80 al. 5 RStCE), avant de saisir la chambre de céans. À cet égard, l’indication erronée de la voie de recours devant la chambre administrative ne porte pas à conséquence, le recourant ayant recouru en temps utile devant l’autorité compétente.

Reste à savoir si la loi confère expressément la compétence décisionnelle à l'autorité inférieure. Comme on l’a vu, la doctrine, suivie en cela par le Tribunal fédéral (2C_1016/2018 du 5 juin 2019 consid. 3.5) relève que l’évocation n’est, dans ce cas, pas possible.

En l’occurrence, contrairement à ce qui prévaut pour le corps enseignant nommé (art. 141 LIP), la loi applicable, soit la LIP, ne désigne pas expressément l’autorité compétente pour résilier les rapports de service des membres du corps enseignant non nommés. Elle se limite à renvoyer sur ce point au règlement (art. 136 al. 1 LIP). On ne se trouve donc pas dans la situation dans laquelle la loi confère expressément la compétence décisionnelle à l'autorité inférieure. L’art. 12 al. 3 LPA, qui prévoit expressément la possibilité pour l’autorité supérieure d’évoquer une affaire traitée par une autorité subordonnée, l’emporte ainsi sur la disposition réglementaire. La chambre de céans relève, au demeurant, que la LIP consacre expressément la compétence de la DGEO pour les catégories de personnel autres que des fonctionnaires, de sorte que le prononcé de la décision litigieuse n'apparaît nullement étranger à son champ d'action (art. 1B LIP ; aussi l’art. 130 al. 6 LIP qui attribue expressément à la DGEO la compétence pour décider de mettre un terme à une mission complémentaire confiée à un enseignant en cas de motif fondé). Il suit de là que la DGEO, en sa qualité d’autorité supérieure du directeur du cycle B______, était compétente pour mettre fin aux rapports de service du recourant.

Le grief tiré de la nullité de la décision de résiliation du 13 avril 2021 doit, partant, être rejeté.

5.             Le recourant soutient que la décision attaquée consacre une violation des principes de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire ainsi qu’un abus du pouvoir d’appréciation.

5.1 La LIP s'applique, notamment, aux membres du corps enseignant secondaire I de l'instruction publique (art. 1 al. 4 LIP). La LIP a pour objet de définir les objectifs généraux de l'instruction publique. À ce titre, elle régit en particulier les principes généraux en matière de personnel enseignant (art. 2 let. j LIP).

À teneur de l'art. 123 LIP, les membres du corps enseignant doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux missions, notamment d'éducation et d'instruction qui leur incombe (al. 1) ; ils sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (al. 2). Cette règle est reprise à l'art. 20 RStCE, prévoyant qu'ils doivent observer dans leur attitude la dignité qui correspond aux responsabilités leur incombant, tandis que l'art. 21 al. 1 RStCE rappelle qu'ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence. L'enseignant doit jouir d'une bonne réputation (art. 45 let. b RStCE).

Par ailleurs, l'art. 114 al. 1 LIP prévoit que, dans le cadre scolaire, chaque élève a droit à une protection particulière de son intégrité physique et psychique et au respect de sa dignité.

Les devoirs de service du corps enseignant sont en règle générale de même contenu que ceux prévus pour les membres du personnel régis par la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), à savoir, notamment, le devoir de respecter l'intérêt de l'État.

En tant que membre du corps enseignant, l'enseignant est chargé d'une mission d'éducation dont les objectifs sont énoncés à l'art. 10 LIP. Son rôle est ainsi de contribuer au développement intellectuel, manuel et artistique des élèves, à leur éducation physique mais aussi à leur formation morale à une période sensible où les élèves passent de l'adolescence à l'état de jeune adulte. Dans ce cadre, l'enseignant constitue, à l'égard des élèves, à la fois une référence et une image qui doivent être préservées. Il lui appartient donc, dès qu'il se trouve hors de sa sphère privée, d'adopter en tout temps un comportement auquel ceux-ci puissent s'identifier. À défaut, il détruirait la confiance que la collectivité, et en particulier les parents et les élèves, ont placée en lui. Ce devoir de fidélité embrasse l'ensemble des devoirs qui lui incombent dans l'exercice de ses activités professionnelles et extra-professionnelles. Dès que ses actes sont susceptibles d'interagir avec sa fonction d'éducateur, le devoir de fidélité impose à l'enseignant la circonspection et une obligation de renoncer, sauf à prendre le risque de violer ses obligations (ATA/1086/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5b ; ATA/1619/2019 du 5 novembre 2019 consid. 4c ; ATA/585/2015 du 9 juin 2015 consid. 11 ; ATA/605/2011 du 27 septembre 2011 consid. 8).

Selon la directive D.RH.00.25 du 12 mai 2020 sur les devoirs de fonction du personnel enseignant, administratif et technique en matière de protection de l’intégrité physique et psychique des élèves, apprentis et stagiaires et de respect et de leur dignité, édictée par la direction des RH, prévoit que, dans toute relation, notamment dans le cadre professionnel avec des élèves apprentis et stagiaires, les membres du personnel doivent garder une distance adéquate y compris sur les réseaux sociaux. Le personnel enseignant, en raison du rôle d’autorité qu’il exerce sur les élèves et, en conséquence, de l’influence sur ces derniers, se doit de veiller à adopter, que ce soit en classe ou en dehors, un comportement qui préserve la confiance que les élèves, les parents et la collectivité ont placé en lui. En particulier, les comportements suivants à l’égard des élèves, quel que soit leur âge, constituent une violation des devoirs de service, y compris sur les réseaux sociaux : propos ou comportement discriminant, dévalorisant, humiliant, dégradant portant notamment sur le physique, les origines, l’orientation ou l’identité sexuelle.

Selon la recommandation du DIP, intitulée « Réseaux sociaux : 13 conseils pour les enseignants », il convient de ne pas accepter des demandes d’amitié sur les réseaux sociaux (et de ne pas en solliciter) mais plutôt de créer un groupe dédié à la classe. Par ailleurs, il est recommandé d’adopter dans toutes relations sur Internet avec les élèves la même distance professionnelle qu’à l’école.

Les devoirs spécifiques liés à la mission éducative s'imposent parfois même hors service, compte tenu de l'ascendant que les membres du corps enseignant exercent sur leurs élèves en raison de leur position d'autorité à leur égard (ATA/1086/2020 précité consid. 5b ; ATA/715/2018 du 10 août 2018 ; ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 4c et les références citées).

Ces obligations légales imposées aux membres de la fonction publique, dans la mesure où elles sont susceptibles de les limiter dans l’exercice de leurs droits fondamentaux, notamment la liberté d’expression, garanties par l’art. 16 al. 1 et 2 Cst., remplissent les conditions fixées par l’art. 36 Cst. auxquelles de telles restrictions sont admissibles (ATF 136 I 332 consid. 3.2)

5.2 Aux termes de l'art. 78 RStCE, en lien avec l’art. 136 LIP, la direction d’établissement scolaire peut mettre fin aux rapports de service avec un préavis de trois mois pour la fin d’un mois : a) en cas de suppression de l’activité exercée par la chargée ou le chargé d’enseignement ; b) en cas d’insuffisance de prestations ; c) en cas d’inaptitude à remplir les exigences du poste ; d) en cas de disparition durable d’un motif d’engagement.

5.3 En matière de rapports de service, l'employeur public dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que la chambre administrative ne peut intervenir qu'en cas de violation du droit, y compris d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation, ou de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA).

Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/927/2020 précité consid. 4b).

5.4 Les rapports de service étant soumis au droit public, leur résiliation doit respecter les principes constitutionnels généraux, notamment les principes de la légalité, de l'égalité, de la proportionnalité, de la bonne foi, de l'interdiction de l'arbitraire, lors de la fin des rapports de travail des employés (ATA/1839/2019 du 20 décembre 2019 consid. 7d et les références citées).

6.             En l’espèce, la décision de résiliation des rapports de service retient une insuffisance de prestations et une inaptitude à remplir les exigences du poste.

Il n’est pas contesté que le recourant a entretenu, à sa propre demande et durant plusieurs semaines, une conversation soutenue sur WhatsApp avec un élève du cycle âgé de 14 ans. Les nombreux messages échangés révèlent un langage grossier, injurieux et raciste. Le recourant a relancé l’élève à différentes heures du jour ou de la nuit, exerçant une pression constante, en particulier lorsqu’il ne répondait pas immédiatement à ses messages. Or, ainsi que l’a retenu l’autorité intimée, la pression exercée sur un jeune en construction, quelle que soit la maturité qu’il paraissait avoir aux yeux du recourant, par le biais de multiples messages au contenu équivoque, est parfaitement inadmissible.

En agissant ainsi, le recourant n’a pas su maintenir la distance adéquate avec l’élève et a démontré qu’il n’avait pas compris le rôle éducatif d’un enseignant. L’argument consistant à dire que les messages étaient cités en dehors de leur contexte ne peut être suivi. Il appert au contraire que les annexes 1 et 2 à la convocation à l’entretien de service permettent de suivre des conversations entières et d’en comprendre le contexte. Quant au prétexte de l’humour, il ne lui est d’aucun secours compte tenu de l’ascendant que ce dernier exerçait sur l’élève, quand bien même il n’était pas dans sa classe.

Le recourant perd en effet de vue que, selon la directive édictée par le DIP, les propos discriminants, humiliants et dégradants utilisés devant des élèves, quel que soit leur âge, constituent une violation des devoirs de service, indépendamment de leur perception par les élèves concernés. En raison du rôle d’autorité qu’il exerce sur les élèves, et de l’influence sur ces derniers, l’enseignant se doit de veiller à adopter un comportement qui préserve la confiance que les élèves, les parents et la collectivité ont placée en lui. L’obligation de protection particulière de l’intégrité psychique de l’élève commandait ainsi qu’il s’abstienne de tenir des propos, à tout le moins ambigus, à son égard. Les propos dévalorisants tenus par le recourant la veille de l’oral d’allemand de l’élève étaient particulièrement inadaptés, compte tenu de leur vulgarité et du contexte dans lequel ils ont été portés.

La gravité de ces manquements résulte ainsi non seulement de la réitération des comportements inadéquats, pendant une période de plusieurs semaines, mais aussi de leur incompatibilité avec la fonction d’enseignant du recourant. L’intéressé ne présente certes pas d’antécédents disciplinaires dans son activité d’enseignant. Or, bien qu’il ait effectué des remplacements depuis plusieurs années, il ne faut pas perdre de vue qu’il était dans sa première année de période probatoire. Il lui avait du reste déjà été signalé, lors d’une visite de classe en 2017, que certains élèves du secondaire n’étaient pas encore à l’aise avec le second degré ou l’ironie. Or, le recourant, qui avait alors admis que c’était son « mode de fonctionnement de manière générale », n’a visiblement pas tenu compte de cet enseignement.

Ainsi, ses capacités éducatives, non contestées par son employeur, de même que la bonne réputation qu’il a auprès des parents d’élèves et le contexte de la crise sanitaire, ne sauraient le dédouaner des graves manquements dont il est question et qui suffisent, à eux seuls, à fonder une résiliation des rapports de service. L’ensemble des éléments démontre bien que le recourant est inapte à remplir les exigences du poste. La décision de résiliation des rapports de service apparaît ainsi conforme au droit, et ce également du point de vue de la proportionnalité. Elle est en effet apte à atteindre le but visé, soit garantir le bon fonctionnement de l'institution. Elle est nécessaire afin d'éviter que d’autres élèves n’aient à subir des comportements inadaptés du recourant, et proportionnée au sens étroit, aucune autre mesure moins incisive n'étant envisageable.

Les éléments qui précèdent conduisent au rejet du recours.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à
CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 mai 2022 par Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 27 avril 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Husler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :