Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1310/2022

ATA/910/2022 du 13.09.2022 ( MARPU ) , REJETE

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;CONDITION DE RECEVABILITÉ;INTÉRÊT ACTUEL;CAHIER DES CHARGES;PROCÉDURE D'ADJUDICATION;SOUMISSIONNAIRE;PRIX;POUVOIR D'APPRÉCIATION;DOMMAGES-INTÉRÊTS
Normes : LPA.60.al1.letb; AIMP.18.al2; L-AIMP.3.al3; RMP.12; RMP.24; RMP.43; RMP.27.al1.letf
Résumé : Confirmation de la décision de non-adjudication du marché à la recourante. Arguments relatifs aux critères du prix et des références écartés.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1310/2022-MARPU ATA/910/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 septembre 2022

 

dans la cause

 

B______

contre

COMMUNE A______
représentée par Me Bertrand Reich, avocat



EN FAIT

1) Le 21 février 2022, la commune A______ (ci-après : la commune) a publié, sur la plateforme internet www.simap.ch et sous le titre « Transformation de la mairie de A______ – travaux de menuiseries intérieures », un appel d’offres en procédure ouverte, non soumis aux accords internationaux, portant sur la fourniture et la pose de portes intérieures, d’armoires et de meubles ainsi que de garde-corps d’escalier.

La durée du marché était prévue entre le 15 avril et le 30 septembre 2022.

Les critères d’adjudication étaient le montant de l’offre (pondération : 35), les références (pondération : 30), l’organisation (pondération : 25) et le respect du planning (pondération : 20).

2) Selon le procès-verbal d’ouverture des offres du 29 mars 2022, cinq sociétés ont soumissionné, soit B______ (ci-après : B______), C______ (ci-après : C______), D______ (ci-après : D______), E______ et F______.

3) Par courriel du 11 avril 2022, l’architecte en charge du projet de réhabilitation de la mairie (ci-après : l’architecte) a transmis aux différents soumissionnaires le tableau d’évaluation des offres, faisant notamment état des notes suivantes :

 

Critère 1

Prix

Critère 2

Références

Critère 3

Organisation

Critère 4

Planning

Rang

B______

1,57

3,0

3,0

3,0

2

C______

0,76

2,0

3,0

3,0

4

D______

1,53

3,5

3,0

3,0

1

E______

1,57

2,5

3,0

3,0

3

F______

1,42

3,0

2,0

0,0

5

4) Par courriel du même jour, B______ a fait remarquer que les notes attribuées au critère du prix ne semblaient pas justes. Cela ne modifiait toutefois pas le classement entre le premier et le second soumissionnaire. Elle s’étonnait qu’une entreprise tournée vers la sous-traitance horlogère ait reçu une meilleure appréciation de ses références qu’une entreprise active dans le bâtiment ayant pris soin d’inclure des références de réalisation couvrant l’ensemble des produits demandés.

5) Par courriel du 19 avril 2022, l’architecte a confirmé l’existence d’une erreur sur les notes attribuées au critère du prix. D______ avait obtenu la note de 3,5 car elle avait présenté trois références d’importance couvrant des portes et des agencements, dont deux avec l’emploi de panneaux Duripanel plaqués bois pour l’habillage et les garde-corps des escaliers. Le tableau d’évaluation des offres corrigé était joint, duquel il ressortait notamment les éléments suivants :

 

Critère 1

Prix

Critère 2

Références

Critère 3

Organisation

Critère 4

Planning

Rang

B______

5,00

3,0

3,0

3,0

2

C______

2,42

2,0

3,0

3,0

4

D______

4,85

3,5

3,0

3,0

1

E______

5,00

2,5

3,0

3,0

3

F______

1,42

3,0

2,0

0,0

5

6) Par courriel du même jour, B______ a sollicité des explications sur le motif de l’ajustement de prix pour les entreprises C______ et D______, entre l’ouverture des offres et le nouveau tableau remis.

Par ailleurs, elle avait apporté des références d’ampleur, produisait et installait régulièrement un grand nombre de produits, y compris des garde-corps en Duripanel plaqués bois. Elle demandait à ce qu’il en soit tenu compte dans la notation.

7) Par courriel du 22 avril 2022, l’architecte a précisé que les prix de C______ et D______ avaient été ajustés car les trois autres entreprises n’avaient pas répondu à un « article », de sorte que celui-ci avait été sorti lors de la vérification comptable.

Le choix des références était laissé à l’appréciation des concurrents et l’évaluation était établie sur l’ensemble des documents.

8) Par courrier du 25 avril 2022, la commune a informé B______ que son offre n'avait pas pu être retenue pour les travaux de menuiserie intérieure liés à la rénovation/transformation de l'immeuble de la mairie.

9) Par acte du 27 avril 2022, B______ a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la « décision d'adjudication » de la commune du 25 avril 2022.

La notation du critère n° 2 « Références » n'était pas conforme aux éléments qu'elle avait produits. Ses références étaient variées et adaptées au projet alors que l’architecte du projet lui avait indiqué, par téléphone à la suite de la remise du procès-verbal d’ouverture des offres, qu’étaient privilégiées les références portant essentiellement sur des garde-corps. Si ce point revêtait pour le pouvoir adjudicateur une importance spécifique, il fallait le signaler dans la demande de références ou le texte de la soumission. Sans cette précision, il lui était impossible de savoir s’il y avait des points à mettre en exergue dans les références. Les
garde-corps représentaient d’ailleurs un pourcentage faible du total des travaux. Si elle produisait et installait régulièrement un grand nombre de produits dont des garde-corps, il n’était pas possible de réunir dans trois références l’ensemble de sa gamme. Pour le projet en cause, elle avait produit des références concernant une école, un bien communal et un ensemble pluridisciplinaire, qui comprenaient à la fois des garde-corps, des mains-courantes et des habillages muraux.

Le courrier de non-adjudication faisait à tort référence à une procédure de gré à gré.

D'autres points, moins importants, pouvaient être relevés dans le traitement des offres et seraient portés à la connaissance de l'autorité de recours sur demande, en cas de besoin.

Elle se disait dans l'attente des instructions de la chambre administrative.

10) Par courrier du 28 avril 2022 adressé spontanément à la chambre administrative, la commune a indiqué qu’elle avait eu connaissance du recours de la société évincée et prendrait « volontiers » connaissance du délai qui serait fixé sur effet suspensif et sur le fond.

11) Le 19 mai 2022, la commune a informé la chambre administrative de la signature du contrat avec l'adjudicataire.

12) Dans son mémoire réponse du 20 mai 2022 sur le fond, la commune a conclu au rejet du recours.

La mention d’une procédure de gré à gré résultait d’un malheureux
« copier-coller ». Les règles de la procédure ouvertes avaient toutefois bien été appliquées.

Elle avait correctement apprécié l’offre de la recourante.

Le système de notation retenu était celui de l’annexe T1 du Guide romand des marchés publics. Chaque offre était d’abord notée pour elle-même, puis en fonction des points forts ou faibles qu’elle présentait par rapport aux autres offres. Après analyse des offres et notation sur la base de ce système, l’offre économiquement la plus avantageuse s’était avérée être celle d’D______, laquelle avait obtenu un total de 409,91 points, devant l’offre de la recourante qui en avait obtenu 400. Ces deux offres se distinguaient sur les critères du prix et des références.

Pour le critère du prix, la recourante avait obtenu la note maximale de 5, ayant proposé le prix le plus bas, tandis que l’adjudicataire avait obtenu la note de 4,85. L’ajustement des prix pratiqué, compte tenu de l’absence de réponse sur un article par trois des concurrents, avait été expliqué à la recourante et n’était pas remis en cause par celle-ci.

Les références fournies par la recourante répondaient objectivement aux attentes du pouvoir adjudicateur, raison pour laquelle elle avait obtenu la note de 3, tandis que celles de l’adjudicataire excédaient ses attentes, et avaient été récompensées par la note de 3,5. La note de 3 était compatible avec la remise d’offres « variées et adaptées ». L’autorité adjudicatrice n’avait aucune obligation d’indiquer quel élément particulier revêtait un caractère particulier à ses yeux. En l’occurrence, elle attachait une importance particulière à la sécurité et la fiabilité dans le temps des garde-corps.

13) Par courrier du 30 mai 2022, la recourante a demandé à la chambre administrative de « faire mettre en suspens la réalisation de ce contrat » qui était l'objet de son recours, dans l'attente du jugement sur le fond. La décision de signer ce contrat lui semblait absolument précipitée et servait uniquement à la mettre dans une situation de fait accompli.

14) Par courrier du 31 mai 2022, la juge déléguée a demandé à la recourante si son courrier du 30 mai 2022 devait être considéré comme une demande d'effet suspensif impliquant qu'elle rende une décision sur ce point après interpellation des parties.

15) Le 2 juin 2022, la recourante a confirmé qu'elle demandait l'effet suspensif
« à l'exécution du contrat ».

16) Dans sa réplique sur le fond du 3 juin 2022, la recourante a persisté dans son recours. Elle sollicitait l’examen par un tiers des offres concurrentes afin de « valider les modifications de prix argumentées par la partie adverse et la valeur des dossiers remis par rapport à la procédure AIMP » ainsi que l’annulation du contrat passé avec le concurrent. Elle demandait également la modification des notes attribuées aux entreprises pour les trois autres critères que le prix et l’attribution du contrat en conséquence. Elle réclamait enfin une indemnité pour les frais et dépenses occasionnées par la procédure judiciaire, ainsi que le versement de dommages et intérêts « pour ne pas avoir été retenu comme adjudicataire ».

Le tableau d’évaluation des offres comportait une erreur en sa défaveur relative à la prise en compte du critère du prix. La règle de calcul retenue pour ce critère n’avait pas été correctement appliquée. Les prix retenus de deux concurrentes, dont celle à qui avait été adjugé le marché, n’étaient pas indiqués dans le procès-verbal d’ouverture des offres. Il convenait de vérifier que les prix retenus avaient été bien calculés.

Les critères de l’organisation et du respect du planning avaient été notés de la même manière pour tous les concurrents. Or, ces derniers avaient des tailles, des spécialisations et des organisations différentes, de sorte qu’ils auraient pu être notés de manière différente.

Elle a rappelé son argumentation quant au critère relatif aux références et en particulier aux garde-corps. La concurrente ayant remporté le marché n’était pas, contrairement à elle, une entreprise avec un savoir-faire développé et reconnu dans le domaine des portes. Ces dernières réclamaient beaucoup d’attention, dès lors qu’elles assuraient en permanence la sécurité contre le feu. Le poste des portes pesait pour plus de 40 % du marché, tandis que les garde-corps uniquement 20 %.

17) Dans sa détermination du 13 juin 2022, la commune a conclu à ce qu'il soit constaté que le recours était dénué d'effet suspensif.

18) Dans sa réplique sur effet suspensif du 16 juin 2022, la recourante a confirmé sa conclusion dans ce sens.

19) Par décision du 23 juin 2022, la chambre administrative a déclaré irrecevable la demande en restitution de l’effet suspensif au recours et a fixé un délai à la recourante pour produire des conclusions en indemnisation, motivées et étayées, sous peine d'irrecevabilité de son recours.

20) Dans sa détermination du 6 juillet 2022, reçue par courrier recommandé du
11 juillet 2022, B______ a indiqué que son préjudice lié à cette affaire s’élevait à CHF 117'497.90, qu’elle réclamait pour la non-adjudication du marché et le
non-respect des règles régissant les marchés publics. En sus, elle réclamait le montant des coûts liés à la gestion de cette procédure, sans faire appel à un avocat, qui s’élevaient à CHF 2'340.-, soit douze heures à CHF 195.-.

Son préjudice avait été évalué d’après les soldes intermédiaires de gestion de son entreprise.

Elle produisait son compte d’exploitation, mais souhaitait qu’il ne soit pas communiqué à la partie adverse.

21) Le 22 juillet 2022, la commune a conclu au rejet du recours et à ce qu’il lui soit alloué une indemnité pour les frais causés par la procédure. Préalablement, l’accès de la recourante aux pièces nos 5 à 7 qu’elle produisait devait être prohibé.

Les conclusions de la recourante sur la demande d’indemnisation étaient selon toute vraisemblance postérieures au délai imparti par la chambre administrative. Cette dernière n’indiquait pas le temps qu’elle avait consacré à la préparation et la présentation de son offre, mais relevait avoir consacré douze heures à la « gestion de la procédure », ce qui semblait être une estimation temporelle plutôt basse. Selon les résultats de l’exercice 2021, la recourante avait objectivement les moyens de se faire assister par un avocat dans le cadre de la procédure devant la chambre administrative.

La recourante avait procédé à un calcul correspondant au bénéfice brut (marge avant coût fixe) qu’elle aurait réalisé si le marché lui avait été adjugé, qu’elle chiffrait à CHF 117'497.90. Il s’agissait à l’évidence d’un dommage positif.

22) Le 29 juillet 2022, la recourante a indiqué qu’elle maintenait intégralement sa demande d’indemnisation.

Malgré sa demande, son compte de résultat et ses relevés de salaires avaient été transmis à la partie adverse, laquelle s’en était emparée pour rédiger ses déterminations. Elle demandait à ce que les conclusions de l’intimée fondées sur ces documents ne soient pas retenues.

L’intimée recalculait tous les montants d’indemnisation a minima sans gain. Ce système ne pouvait pas être retenu, l’objet d’une entreprise étant bien de « bâtir » d’abord une couverture de ses frais, puis un gain raisonnable.

23) Le 2 août 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

24) Le contenu des pièces produites par les parties sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente
(art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ -
E 2 05 ; art. 15 al. 1 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du
25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. c et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de non-adjudication rendue le 25 avril 2022 par l'autorité intimée, informant la recourante de l’attribution du marché à un autre soumissionnaire.

3) a. Sauf disposition contraire contenue dans l'AIMP, la procédure est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10 ; art. 3
al. 4 L-AIMP). Ainsi, la qualité pour recourir appartient à toute personne touchée directement par une décision et ayant un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA).

Si le contrat est déjà conclu et que le recours est jugé bien fondé, l'autorité de recours constate le caractère illicite de la décision (art. 18 al. 2 AIMP). Une fois le caractère illicite de la décision constaté, le recourant peut demander, devant l'autorité compétente, la réparation de son dommage, limité aux dépenses subies en relation avec les procédures de soumission et de recours (art. 3 al. 3 L-AIMP).

b. En l'espèce, bien que le contrat ait déjà été conclu, la recourante en tant que soumissionnaire évincée arrivée en seconde position, conserve un intérêt actuel à recourir contre la décision d'adjudication, son recours étant à même d'ouvrir ses droits à une indemnisation, étant précisé qu'elle a pris des conclusions dans ce sens. La question de savoir si lesdites conclusions sont tardives comme le soutient l’autorité intimée souffrira de demeurer indécise compte tenu de ce qui suit.

4) Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, à l’exception du grief d’inopportunité (art. 16 al. 1 et 2 AIMP ;
art. 57 al. 1 et 2 RMP).

5) a. L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 RMP).

L’autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d’importance au moment de l’appel d’offres (art. 24 RMP).

Les documents mis à disposition des candidats doivent contenir, notamment, les critères d'adjudication, avec leur pondération (art. 27 let. f RMP).

Selon l’art. 43 RMP, l'évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d’offres et/ou les documents d'appel d’offres (al. 1). Le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3). L'adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas (al. 4).

c. La transparence des procédures de passation des marchés n'est pas un objectif, mais un moyen contribuant à atteindre le but central du droit des marchés publics qui est le fonctionnement d'une concurrence efficace, garanti par l'ouverture des marchés et en vue d'une utilisation rationnelle des deniers publics (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et les références citées). Le principe de la transparence est garanti par les art. 1 al. 3 let. c AIMP et 24 RMP et exige du pouvoir adjudicateur qu'il énumère par avance et dans l'ordre d'importance tous les critères d'adjudication qui seront pris en considération lors de l'évaluation des soumissions, en spécifiant clairement l'importance relative qu'il entend accorder à chacun d'eux. Ceux-ci doivent être objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Le principe de la transparence interdit de modifier de manière essentielle, après le dépôt des offres, la présentation des critères (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/296/2022 du 22 mars 2022 consid. 2).

Le principe de la transparence n'exige pas, en principe, la communication préalable de sous-critères ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié (ATF 143 II 553 consid. 7.7). Une publication n'est nécessaire que lorsque les sous-critères sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié (ATF 130 I 240 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_1/2021 du 8 mars 2021 consid. 5.3).

De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et éléments d’appréciation utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 consid. 3c ; ATA/368/2015 du 21 avril 2015 consid. 4c ; ATA/972/2014 du 9 décembre 2014 consid. 11b).

d. Le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive, et seulement lorsque l'offre est, au demeurant, conforme aux conditions de l'appel d'offres. À cet égard, même les auteurs qui préconisent une certaine souplesse dans le traitement des informalités admettent que l'autorité adjudicatrice dispose d'un certain pouvoir d'appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres, pour autant qu'elle applique la même rigueur ou la même flexibilité à l'égard des différents soumissionnaires (ATA/149/2018 du 20 février 2018 consid. 6 et les références citées). L'appréciation de la chambre administrative ne peut se substituer à celle de l'autorité adjudicatrice, seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation devant être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003
consid. 3.2).

e. En matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/624/2022 du
14 juin 2022 consid. 6b et les références citées), y compris s'agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées). Le juge doit veiller à ne pas s'immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l'autorité chargée de l'adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1). L'appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ladite autorité. Seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999, p. 136, consid. 3a ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5).

f. La chambre de céans s'est toujours montrée stricte au sujet du formalisme qui caractérise le domaine des marchés publics (ATA/437/2019 du 16 avril 2019 consid. 8a et les arrêts cités), ce que le Tribunal fédéral a constaté mais confirmé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_418/2014 du 20 août 2014 consid. 4 ; 2C_197 et 2C_198/2010 du 30 avril 2010 consid. 6) pour autant que la même rigueur, respectivement la même flexibilité soit appliquée à l’égard des différents soumissionnaires (ATA/265/2022 du 15 mars 2022 consid. 4a ; ATA/753/2016 du 6 septembre 2016 consid. 4f ; ATA/256/2016 du 22 mars 2016 consid. 6 ; ATA/175/2016 du 23 février 2016 consid. 4 ; Olivier RODONDI, La gestion de la procédure de soumission, in Droit des marchés publics 2008, n. 63 p. 186, n. 64
p. 186 et n. 66 p. 187 ; Olivier RODONDI, Les délais en droit des marchés publics, in RDAF 2007 I 187 et 289). Ledit formalisme permet en effet de respecter notamment le principe d’intangibilité des offres remises, de même que celui de l’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP (ATA/265/2022 précité consid. 4a ; ATA/175/2016 précité consid. 4 ; ATA/129/2014 du 4 mars 2014 consid. 7).

6) a. La recourante soulève deux arguments en lien avec le critère du prix, soit que le tableau d’évaluation des offres envoyé par l’architecte le 11 avril 2022 comportait une erreur dans l’évaluation du critère du prix en sa défaveur, la règle de calcul n’étant pas correctement appliquée, et que les prix retenus dans les tableaux d’évaluation des offres pour deux concurrents, dont l’adjudicataire, n’étaient pas les mêmes que ceux résultant du procès-verbal d’ouverture des offres.

Selon les documents d’appel d’offres, les offres seraient évaluées selon les recommandations du Guide romand des marchés publics. Le montant de l’offre serait noté par la méthode T2 (méthode des carrés), à savoir une notation sur une échelle de 0 à 5 dans laquelle le montant de l’offre la moins chère reçoit toujours la note maximale de 5 et les écarts de montants des offres sont traduits en écarts de notes. En l’occurrence, il ressort du dossier que l’autorité intimée a effectivement commis une erreur dans le tableau d’évaluation des offres envoyé le 11 avril 2022, dans l’application de la règle de calcul relative au prix. Cette erreur a toutefois été corrigée, donnant ainsi lieu à un nouveau tableau de comparaison des offres communiqués le 19 avril 2022 – soit avant la prise de la décision contestée , ce que la recourante ne conteste pas. Cette dernière ne fait d’ailleurs valoir aucun grief en lien avec l’application du système de notation dans ce deuxième tableau, étant relevé qu’elle a obtenu la notation la plus élevée pour le critère du prix, à savoir la note maximale de 5.

Par ailleurs, il ressort effectivement de la comparaison entre le procès-verbal d’ouverture des offres et le tableau d’évaluation des offres du 19 avril 2022 que le montant des offres diffère pour deux concurrentes. Ainsi, si les montant des offres de C______ et d’D______ s’élevaient respectivement à CHF 560'417.10 et
CHF 395'868.20 selon le procès-verbal d’ouverture des offres, ils ont été inscrits à hauteur de respectivement CHF 512'196.00 et CHF 361'765.70 dans le tableau précité.

Comme l’expose l’autorité intimée, il apparaît que celle-ci a pratiqué un ajustement du prix sur l’offre de C______ et d’D______ en retirant du montant total les frais relatifs à l’intégration dans les vitrages d’un filtre opacifiant à cristaux liquides (point B16 du cahier d’appel d’offres), dès lors que les trois autres concurrents – dont la recourante n’avaient pas répondu à ce point spécifique dans leurs offres. Deux soumissionnaires ont relevé que la pose de tels filtres n’étaient pas réalisables sur les portes projetées. Ainsi, la rectification du prix des deux offres était une mise à niveau destinée à mettre tous les soumissionnaires sur un pied d'égalité et à pouvoir comparer utilement leur offre. Cette rectification n’est dès lors pas critiquable.

Pour le surplus, la recourante ne critique pas les notes obtenues par les autres concurrents, et en particulier par l’adjudicataire.

b. La recourante critique la notation relative à la qualité des références produites, critère pondéré à 30.

Elle reproche, d’une part, à l’autorité adjudicatrice d’avoir attaché une importance particulière et d’avoir ainsi accordé une note plus importante au fait que l’adjudicataire ait mentionné dans ses références des projets dans lesquels elle avait utilisé des garde-corps en panneaux Duripanel plaqués bois, sans spécifier dans l’appel d’offres l’importance qu’elle attachait à ce point particulier.

L'annexe Q9 des documents d'appel d'offres exigeait la production de trois références « en rapport avec le marché à exécuter en termes de complexité et d'importance », démontrant la capacité, les compétences et l'expérience nécessaires pour le marché à exécuter et correspondant à la nature des travaux tels que demandés dans l'appel d'offre. Dès lors que ce critère représente celui avec la deuxième plus forte pondération, la recourante devait s'attendre à ce que les références les plus « en rapport avec le marché » soient les mieux classées. En l’occurrence, la pose de garde-corps en Duripanel figurait spécifiquement dans la soumission à remplir par les différents concurrents (point A16), ce que la recourante ne conteste d’ailleurs pas. Le fait que la pose de garde-corps ne représente, selon la recourante, que 20 % du chantier n’est pas déterminant. Cet élément faisant expressément partie des tâches à réaliser, il ne peut être reproché à l’autorité adjudicataire d’avoir accordé une note plus importante à un concurrent ayant fourni des références pour une telle réalisation qu’à celui ne l’ayant pas fait. Pour le surplus, comme relevé par l’intimée elle-même, les références proposées par la recourante étaient effectivement conformes à ce qui était demandé, raison pour laquelle elle a obtenu la note de 3, celles de l’adjudicataire l’étant simplement plus encore. Le constat selon lequel les références de la recourante étaient variées et adaptées au projet n’est donc pas incompatible avec la note de 3, laquelle est définie, selon l’annexe T1 du Guide romand, comme étant la note accordée à un soumissionnaire ayant « fourni l’information ou le document demandé par rapport à un critère fixé et dont le contenu répond aux attentes minimales, mais qui ne présente aucun avantage particulier par rapport aux autres candidats ou soumissionnaire ».

En outre, si la recourante affirme que l’adjudicataire ne serait pas, contrairement à elle, une entreprise au savoir-faire développé ou reconnu en matière de portes, il n’en demeure pas moins qu’D______ a remis des références incluant la pose de portes, en sus de meubles et garde-corps, tandis que celles de la recourante ne donnent aucune précision sur la pose de garde-corps. Le fait que la recourante soit amenée régulièrement, comme elle le fait valoir, à produire et installer des garde-corps sur d’autres chantiers, y compris en Duripanel plaqué bois, est sans pertinence, dès lors qu’elle n’a produit aucune référence y relative dans le cadre de sa soumission. En tout état, la pondération relève du libre pouvoir d'appréciation de l'autorité adjudicatrice et elle n'est, en l'espèce, ni choquante, ni abusive. La recourante ne fait finalement que substituer sa propre appréciation à celle de la commune, étant rappelé la retenue dont doit faire preuve la chambre de céans.

c. La recourante reproche à l’autorité intimée d’avoir accordé la même note à tous les soumissionnaires pour les critères de l’organisation et du respect du planning. Or, il ressort du tableau d’évaluation des offres, tant dans sa première que dans sa seconde version, que les notes n’étaient pas les mêmes pour l’un des concurrents, par rapport aux quatre autres. En outre, le fait que les quatre autres entreprises soumissionnaires soient de taille ou d’organisation différentes n’empêche en rien qu’elles obtiennent les mêmes notes pour les deux critères précités – lesquels sont ceux pour laquelle la pondération est la moins importante , l’autorité intimée ayant considéré qu’elles étaient toutes en mesure de répondre efficacement à ses besoins.

d. Enfin, la recourante reproche à l’autorité adjudicatrice d’avoir mentionné l’existence d’une procédure de gré à gré dans la décision litigieuse.

Or, l’autorité intimée a exposé que cette mention résultait d’un malheureux « copier-coller ». Les règles de la procédure ouverte ont toutefois bien été appliquées, ce que ne conteste d’ailleurs pas la recourante.

e. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté. La décision d'adjudication étant conforme au droit, le contrat d'exécution y relatif est également conforme au droit. Dans ces circonstances, la demande d'indemnisation de la recourante sera également rejetée.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de
CHF 1'000.- sera allouée à la commune, qui agit par l'intermédiaire d'un avocat et qui compte moins de dix mille habitants (ATA/566/2021 du 25 mai 2021 consid. 10 et les références citées), à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 27 avril 2022 par B______ SA contre la décision de la commune A______ du 25 avril 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de B______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la commune A______, à la charge de B______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- sinon, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à B______ ainsi qu'à Me Bertrand Reich, avocat de commune d'Anières, ainsi qu'à la Commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory,
Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :