Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3713/2021

ATA/780/2022 du 09.08.2022 sur JTAPI/442/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3713/2021-PE ATA/780/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mai 2022 (JTAPI/442/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1992, est ressortissant du Kosovo.

2) Par ordonnance pénale du 25 juin 2017, le Ministère public (ci-après : MP) genevois l’a condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende, avec sursis pendant 3 ans, pour infraction à l’art. 115 al. 1 let. a, b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; à l'époque dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr).

Lors de son audition par la police, il avait notamment déclaré qu'il était arrivé pour la première fois en Suisse « il y a[vait] 3 ou 4 ans ». Il avait cinq sœurs et un frère, qui vivaient avec leurs deux parents au Kosovo.

3) M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du MP de l’arrondissement de la Côte, canton de Vaud, du 29 septembre 2017, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, pour entrée et séjour illégaux.

4) Par décision du 15 novembre 2017, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d’entrée en Suisse à son encontre, valable jusqu’au 14 novembre 2020.

5) Le 4 janvier 2019, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a reçu de M. A______ une demande d'autorisation de séjour dans le cadre de l' « opération Papyrus », de même qu'une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative, en produisant :

- un formulaire M, à teneur duquel il était arrivé à Genève le 1er septembre 2018 et la société C______ SA l’engageait en qualité de « manœuvre » pour une durée indéterminée et un salaire mensuel brut de CHF 4'000.- ;

- son contrat de travail conclu avec cette société et des fiches de salaires pour les mois de septembre à novembre 2018 ;

- un formulaire « Papyrus », à teneur duquel il était arrivé en Suisse pour la première fois en 2008 ;

- des fiches de salaire pour les mois de mars à décembre 2008 émanant de B______ Sàrl, en liquidation [inscrite au registre du commerce le 11 mai 2009 et radiée d’office le 21 octobre 2019 à la suite de la faillite prononcée par jugement du Tribunal civil de première instance (ci-après : TPI) du 23 mai 2019] ;

- des fiches de salaire pour les mois de mars à décembre 2009, février à décembre 2010 et janvier à décembre 2011 émanant de D______ Construction Sàrl, en liquidation (inscrite au registre de commerce le 6 mai 2009 et radiée d’office le 13 novembre 2018 à la suite de la faillite prononcée par le TPI le 16 avril 2018) ;

- des documents émanant des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) indiquant qu’il y avait été admis le 28 novembre 2013 pour une « douleur dentaire » et s'était vu prescrire le 6 juin 2016 des collyres pour les yeux ;

- des copies de tickets, d’abonnements mensuels et d'une carte de base auprès des Transports publics genevois (TPG), les plus anciens remontant à 2013 et la carte de base couvrant la période du 19 octobre 2013 au 18 octobre 2018 ;

- des attestations de non-perception de l’aide sociale et de non-poursuite.

6) Le 24 septembre 2019, M. A______ a transmis à l'OCPM, à sa demande, un extrait de son compte individuel auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation à teneur duquel des cotisations y avaient été versées pour les mois de septembre à décembre 2018 par C______ SA pour un revenu global de CHF16'313.-.

7) Le 16 décembre 2019, l'OCPM a notamment dénoncé auprès du MP le fait qu’il doutait de l’authenticité des fiches de salaire produites par M. A______, en particulier celles émanant de B______ Sàrl et D______ Construction Sàrl, en tous points identiques tant en ce qui concernait la mise en forme que le contenu (rémunération, cotisations sociales etc.).

8) M. A______ a été entendu le 16 février 2020 à la suite de cette dénonciation.

Assisté d'un interprète, il a indiqué à la police être arrivé en Suisse pour la première fois en 2008. En 2007 ou 2008, il avait obtenu un diplôme d’économiste au Kosovo. Il y était retourné à trois reprises, à savoir durant 2 mois en 2010, 8 mois en 2012 et un mois en 2017. Toute sa famille vivait au Kosovo, à l'exception d'une sœur, qui vivait en Allemagne.

La police a notamment découvert à son domicile « un ordre de mise en détention » pour une tentative de meurtre au Kosovo « en mars 2018 », avec la précision qu’il y avait subi une peine privative de liberté de 8 mois en 2018.

9) Par ordonnance pénale du 14 avril 2021, le MP l’a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende pour faux dans les certificats (art. 252 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), infractions aux art. 115 al. 1 let. b et c LEI et tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI.

Il lui était notamment reproché d’avoir, dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour du 4 janvier 2019, produit des documents falsifiés dans le but d'induire en erreur l'OCPM et d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour, notamment des fiches de salaire des entreprises B______ Sàrl et D______ Construction Sàrl.

10) Par courrier du 16 juillet 2021, l'OCPM lui a fait part de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d’autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

Au vu de son comportement et de sa condamnation, sa situation ne répondait pas aux critères de l’opération « Papyrus ». Il ne remplissait pas non plus les critères relatifs au cas individuel d'extrême gravité. En effet, son intégration socio-culturelle ne pouvait être qualifiée de particulièrement remarquable. La continuité de son séjour en Suisse, bien qu’il affirmât y résider depuis 2008, n'était pas prouvée, étant donné qu’il avait produit des documents falsifiés. En 2012 et 2018, il avait séjourné, à chaque fois, pendant au moins huit mois au Kosovo. En outre, il n'avait pas respecté l'ordre juridique suisse, puisqu’il était revenu en Suisse en 2018, alors qu’il savait faire l'objet d'une interdiction d'entrée valable jusqu'au 30 novembre 2020. Une réintégration dans son pays d’origine ne devrait pas avoir de graves conséquences sur sa situation personnelle.

11) M. A______ n'a pas réagi dans le délai de trente jours imparti pour faire valoir son droit d'être entendu.

12) Le 6 août 2021, il a sollicité de l'OCPM la délivrance d’un visa de retour en vue de se rendre en Albanie pendant deux mois pour « vacances et visite familiale ».

13) Par décision du 1er octobre 2021, reprenant les termes de sa lettre d’intention du 16 juillet 2021, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de M. A______ au SEM avec un préavis positif en vue de la délivrance d'un titre de séjour et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 1er décembre 2021 pour quitter le territoire.

14) Par acte du 28 octobre 2021, il a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à ce que sa demande soit préavisée favorablement auprès du SEM.

Il maintenait être arrivé en Suisse en 2008. S’agissant de la production à l'OCPM de documents falsifiés, il avait été trompé par des tiers et n'était en aucun cas responsable. Il avait uniquement demandé les documents nécessaires aux personnes avec lesquelles il avait travaillé. Il lui était arrivé de se rendre au Kosovo, mais il n’avait jamais « réellement » quitté la Suisse. En 2012, il n’était resté que deux semaines dans son pays d'origine. En 2018, il n’était pas parvenu à revenir immédiatement en Suisse. Il contestait le « prétendu » ordre de détention pour tentative de meurtre au Kosovo, document qui avait été mal traduit par l'interprète à la police, étant donné qu’il n’avait jamais été accusé de cette infraction. Il ne s'agissait en réalité que d'une altercation. Il avait travaillé pour de nombreux employeurs, ce qui lui avait permis de s'intégrer et d'avoir des ressources financières pour vivre en Suisse. Il y avait également rencontré de nombreuses personnes dont il était devenu très proche.

Ces treize dernières années lui avaient permis de s'intégrer et il ne pouvait plus retourner dans son pays.

15) Dans ses observations du 4 janvier 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

La durée du séjour de M. A______, en particulier s'agissant des années 2008 à 2014, et la constitution de son véritable centre d'intérêts en Suisse n'avaient pas été prouvées à satisfaction de droit. Son intégration socio-professionnelle ne pouvait en outre pas être considérée comme remarquable, étant souligné qu'il n'avait pas fait preuve d'un comportement irréprochable au niveau pénal. L'autonomie financière, les relations d'amitié et de travail, ainsi que l'absence de dettes et d'actes de défaut de biens n’était pas déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'une extrême gravité. Il avait par ailleurs encore des membres de la famille vivant au Kosovo. Il était célibataire, sans enfant et pourrait mettre à profit dans sa patrie l'expérience professionnelle qu'il avait acquise en Suisse. Les circonstances économiques affectant l'ensemble de la population restée sur place ne pouvaient pas constituer un obstacle insurmontable à sa réintégration dans son pays d'origine.

16) Dans sa réplique du 4 février 2022, M. A______ a relevé qu'il n'était en aucun cas responsable du fait que ses employeurs avaient profité de sa situation précaire et n'avaient pas versé les cotisations auprès des assurances sociales. Il regrettait sa condamnation pénale, mais ne disposait pas des moyens financiers lui permettant d'agir en justice contre ses employeurs. Dès le moment où les documents incriminés lui avaient été remis, il avait estimé « être en règle » et pouvoir les remettre à l’OCPM. À partir de 2014, tous les documents remis à l'OCPM permettaient de retenir qu’il s’était très bien intégré en Suisse. Il souhaitait y poursuivre sa vie, y travailler et y fonder sa famille. Il n’avait plus de liens dans son pays d'origine.

17) Par jugement du 2 mai 2022, le TAPI a rejeté le recours.

L'OCPM n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. L'opération « Papyrus » avait pris fin le 31 décembre 2018, de sorte que M. A______ ne pouvait s'en prévaloir.

Le séjour de ce dernier en Suisse, dont la continuité n'était pas démontrée et quelle que soit sa durée réelle, devait être très fortement relativisé, dès lors qu'il s'y était toujours déroulé sans autorisation, puis au bénéfice d'une simple tolérance et malgré une interdiction d’entrée en Suisse du 15 novembre 2017 au 14 novembre 2020. Sa condamnation du 14 avril 2021 pour faux dans les certificats et tentative d’infraction à l'art. 118 al. 1 LEI permettait de retenir qu’il réalisait le motif de révocation de l’art. 62 al. 1 let. a LEI, ce qui permettait en soi d'exclure la délivrance d'une autorisation de séjour en sa faveur.

Pour le surplus, malgré la volonté affichée de M. A______ de participer à la vie économique du pays, son intégration professionnelle ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle. En outre, né au Kosovo en 1992, il avait passé non seulement toute son enfance, mais également son adolescence, période déterminante pour le développement personnel et scolaire, dans son pays d'origine. Il avait donc dû y conserver de fortes attaches, dont les membres de sa famille qui y séjournaient.

Le fait de travailler pour ne pas dépendre de l'aide sociale et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu du domicile ne constituaient pas des circonstances exceptionnelles permettant à elles seules de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée. Le comportement de M. A______, qui avait fait l'objet de deux condamnations pénales, dont en particulier pour faux dans les certificats et pour avoir adopté un comportement frauduleux à l'égard des autorités, n'était de loin pas irréprochable.

Il ne démontrait pas que des difficultés de réadaptation dans son pays d'origine seraient plus graves pour lui que pour n'importe lequel de ses concitoyens dans une situation similaire. Pour le surplus, les membres de sa famille vivant au Kosovo devraient être à même de l’aider à s’y réinsérer.

M. A______, qui ne pouvait se prévaloir d'un quelconque séjour légal en Suisse et dont l'intégration n'apparaissait au surplus pas exceptionnelle, ne pouvait pas tirer bénéfice de l'art. 8 CEDH.

Faute d'obtention d'une autorisation de séjour, c'était également à bon droit que l'OCPM avait prononcé son renvoi de Suisse dont il n'apparaissait pas que l'exécution ne serait pas possible, serait illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée.

18) M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le 1er juin 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l'annulation dudit jugement et à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de préaviser favorablement sa demande d'autorisation de séjour, subsidiairement lui renvoyer le dossier pour statuer à nouveau.

Seuls ses employeurs de l'époque étaient responsables pour les documents considérés comme des faux qu'il avait déposés avec sa demande. Il n'avait jamais quitté la Suisse depuis qu'il s'y était installé en 2008. Il s'y était immédiatement intégré et formé dans le monde professionnel. Il avait toujours été indépendant financièrement et eu un comportement exemplaire. Ses amis se trouvaient tous en Suisse et il ne pouvait pas imaginer un retour dans son pays d'origine où il n'avait plus d'attaches. Il maîtrisait la langue française.

19) L'OCPM a conclu, le 29 juin 2022, au rejet du recours.

20) M. A______ ne s'est pas manifesté dans le délai qui lui avait été imparti par courrier du 1er juillet 2022, au 18 juillet suivant, pour formuler toute requête complémentaire ou exercer son droit à la réplique, après quoi la cause serait gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'objet du litige est la confirmation par le TAPI du refus de l'OCPM de soumettre le dossier du recourant au SEM avec un préavis positif en vue de la délivrance d'un permis de séjour pour cas de rigueur.

Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

c. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

d. L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

e. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

f. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance - par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours - ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

S'agissant de l'intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 précité consid. 6c et l'arrêt cité).

La question est de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 précité consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

4) a. Processus administratif simplifié de normalisation des étrangers en situation irrégulière à Genève, l'opération « Papyrus » ayant prévalu de février 2017 au 31 décembre 2018 n'emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/1288/2019 précité consid. 6a ; ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

b. L'opération « Papyrus » a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes d'un pays de l'UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus », avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Cette opération a pris fin le 31 décembre 2018.

5) En l'espèce, même à considérer, dans la situation qui lui est la plus favorable, que le recourant aurait séjourné en Suisse de manière discontinue de 2008 à ce jour, ce qu'il n'a nullement démontré, cette durée de treize ans doit être fortement relativisée, conformément à la jurisprudence susmentionnée, par le caractère illégal du séjour jusqu'au début de l'année 2019, soit pendant environ onze ans, puis sous le régime d'une tolérance, le temps que soit instruite sa demande d'autorisation déposée en janvier 2019. Cette relativisation est d'autant plus justifiée que le recourant a passé une partie de ce séjour sous le coup d'une décision d'interdiction d'entrée prononcée à son encontre par le SEM en novembre 2017, pour une durée de trois ans.

Par ailleurs, s'il n'est en l'espèce pas remis en cause que le recourant n'a jamais émargé à l'aide sociale, ni fait l'objet de poursuites, son activité d'employé polyvalent dans la construction, pour divers employeurs, n’est toutefois pas constitutive d'une ascension professionnelle remarquable et ne l'a pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. Ces emplois ne lui permettent pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

Le recourant ne met nullement en avant des attaches personnelles particulières avec la Suisse, ni a fortiori n'en étaye. Il ne démontre nullement une intégration sociale particulièrement poussée, étant rappelé que les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il aurait pu nouer pendant son séjour ne constitueraient en tout état normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception aux mesures de limitation. Sa maîtrise du français est inconnue puisqu'il n'a pas produit de document pouvant attester de son niveau. Le simple fait d'affirmer qu'il parle cette langue est de plus en contradiction avec son audition par la police en février 2020 avec l'aide d'un interprète. Il ne soutient pas que cette maîtrise irait au-delà de ce qui peut être attendu d'un étranger séjournant depuis plusieurs années en Suisse romande.

C'est vainement qu'il cherche à relativiser les trois condamnations inscrites à son casier judiciaire liées à son statut illégal, mais pas seulement. Quand bien même il conteste encore les faits à la base de sa condamnation du 14 avril 2021 pour faux dans les certificats et avoir cherché à induire en erreur l'autorité intimée par la production de fausses fiches de salaire, il n'en demeure pas moins qu'elle est définitive, raison pour laquelle elle apparaît à son casier judiciaire.

S'agissant des possibilités de réintégration dans son pays d'origine, le recourant, actuellement âgé de 29 ans, est né au Kosovo, pays dont il parle la langue et où il a vécu toute son enfance et à tout le moins son adolescence, étant rappelé qu'il n'a nullement démontré une arrivée à Genève en 2008, alors qu'il n'aurait été âgé que de 16 ans, pas plus que les circonstances dans lesquelles il aurait séjourné et subvenu à ses besoins en particulier alors qu'il était mineur. Il a donc passé au Kosovo les années déterminantes pour le développement de sa personnalité et en connaît les us et coutumes. Il y a en outre de la famille.

Finalement, de retour dans son pays d'origine, le recourant, encore jeune et en bonne santé, pourra faire valoir l'expérience professionnelle et linguistique acquise en Suisse.

Dans ces circonstances, il ne ressort pas du dossier que les difficultés auxquelles le recourant devrait faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants du Kosovo retournant dans leur pays.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne se trouve pas dans une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. S'il est vrai qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour lui certaines difficultés, sa situation n'est pas remise en cause de manière accrue et il ne se trouve pas dans une situation si rigoureuse que l'on ne saurait exiger son retour au Kosovo.

Il ne se justifie dès lors pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur du recourant, de sorte que l'autorité intimée était fondée à refuser de donner une suite positive à sa demande d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

Vu cette issue, il n'est nul besoin d'examiner si le recourant remplirait les conditions d'une révocation au sens de l'art. 62 al. 1 let. a LEI, quand bien même il a été condamné de manière définitive pour avoir produit à l'appui de ses dires devant l'autorité intimée de fausses fiches de salaire. Ce seul élément plaide en défaveur du respect de l'ordre juridique suisse et d'une bonne intégration.

6) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, rien ne permet de retenir que l'exécution du renvoi du recourant ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible. Comme déjà relevé, sa situation n'est en tous cas pas si rigoureuse qu'on ne saurait exiger son retour au Kosovo.

Dans ces circonstances, la décision querellée est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er juin 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.