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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/953/2022

ATA/704/2022 du 05.07.2022 sur DITAI/207/2022 ( ICCIFD ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/953/2022-ICCIFD ATA/704/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 5 juillet 2022

sur effet suspensif et mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yacine Rezki, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 avril 2022 (DITAI/207/2022)



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______, homme d'affaires né en 1963 à Genève, a déclaré être domicilié à Singapour à partir du 1er janvier 2009.

2) Trois procédures fiscales le concernant étaient ouvertes au début de l'année 2022 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) :

- A/2714/2020 : cette procédure concerne des décisions sur rappel d'impôt et soustraction fiscale reprochée à l'intéressée pour les années 2005 à 2008, durant lesquelles son domicile fiscal à Genève n'est pas contesté ;

- A/3579/2021 : par décision du 7 octobre 2021, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a refusé de donner suite à une demande de décision préjudicielle portant sur l'étendue de l'assujettissement à Genève de M. A______ pour les années 2009 à 2015 ; par jugement du 12 avril 2022, le TAPI a rayé la cause du rôle, considérant que le recours était devenu sans objet dès lors que l'AFC-GE avait rendu une décision sur réclamation le 18 février 2022 qui englobait la question de l'assujettissement, et qui avait elle-même été portée devant le TAPI ; un recours contre le jugement précité est actuellement pendant devant la chambre de céans ;

- A/953/2022 : par décisions sur réclamation du 18 février 2022, l'AFC-GE a confirmé l'assujettissement illimité du contribuable à Genève entre 2009 et 2015, ainsi que ses bordereaux de rappel d'impôt et d'amende concernant les années précitées ; par acte du 23 mars 2022, M. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre la décision sur réclamation précitée.

3) Dans le cadre de la procédure n° A/953/2022, M. A______ a conclu préalablement à la suspension de la cause jusqu'à droit connu dans la procédure n° A/3579/2021.

4) Par décision du 25 avril 2022, la présidente de la composition du TAPI appelée à statuer a refusé de suspendre la cause. Il n'existait pas de motif de suspension au sens de l'art. 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le litige pouvant être tranché sans délai, ce d'autant plus que la cause n° A/3579/2021 n'était plus inscrite au rôle. Une suspension au sens de l'art. 78 LPA n'était pas envisageable en l'absence d'accord des parties, l'AFC-GE s'étant opposée à la demande de suspension.

5) Par acte posté le 6 mai 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à ce la chambre administrative dise que le recours avait effet suspensif et ordonne au TAPI de suspendre l'instruction de la procédure, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, au prononcé de la suspension de la procédure n° A/953/2022 jusqu'à droit jugé dans la procédure n° A/3579/2021 et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le prononcé de mesures provisionnelles supposait remplir six conditions. En l'espèce, la décision attaquée était incidente ; le but de la procédure était d'obtenir la suspension de la cause. Ladite suspension était requise au motif qu'une autre procédure actuellement pendante permettrait au contribuable d'obtenir le droit de contester uniquement son assujettissement préalablement à tout débat sur les autres aspects des taxations contestées. Or, le TAPI lui avait demandé de compléter son recours et de se prononcer sur lesdits aspects.

Dès lors, si la cause n° A/953/2022 n'était pas suspendue par une mesure provisionnelle, le recours deviendrait sans objet, puisque si la cause était instruite comme le souhaitait le TAPI, le contribuable devrait se prononcer sur tous les aspects des taxations contestées. Le refus d'ordonner la suspension à titre préjudiciel viderait ainsi le présent recours de son sens.

Par ailleurs, le recours était recevable, car si la suspension devait être refusée, le contribuable serait irrémédiablement et définitivement privé du droit d'obtenir une décision préalable sur l'étendue de son assujettissement. La décision attaquée violait le droit d'obtenir une telle décision préalable, garantie notamment par les art. 35 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) et 3 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), qui concrétisait le principe d'économie de procédure. Elle consacrait en outre un excès (sic) du pouvoir d'appréciation dans l'application de l'art. 14 LPA, ainsi qu'une violation du droit inconditionnel à la réplique, dès lors que la présidente du TAPI avait pris sa décision un jour seulement après lui avoir communiqué la détermination de l'AFC-GE.

6) Le 20 mai 2022, l'AFC-GE a conclu au rejet de la demande de mesures provisionnelles.

La décision attaquée était négative, si bien qu'aucun effet suspensif ne pouvait être restitué. Accorder la mesure provisionnelle sollicitée reviendrait à admettre de manière anticipée le recours, ce qui était prohibé. En outre, M. A______ ne subissait aucun préjudice irréparable, dès lors qu'il pouvait faire valoir l'ensemble de ses arguments relatifs à son assujettissement dans la procédure n° A/953/2022. Enfin, accorder l'effet suspensif compromettrait l'intérêt de la collectivité, les années litigieuses les plus anciennes risquant de se voir prescrites, risque concret au vu de la multiplication des procédures.

7) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif et mesures provisionnelles.

 

Considérant, en droit, que :

1) Selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre ou par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge.

2) a. Aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

b. L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

c. Selon la jurisprudence, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation. La fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d'être mis au bénéfice d'un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344).

Lorsqu'une décision à contenu négatif est portée devant la chambre administrative et que le destinataire de la décision sollicite la restitution de l'effet suspensif, il y a lieu de distinguer entre la situation de celui qui, lorsque la décision intervient, disposait d'un statut légal qui lui était retiré de celui qui ne disposait d'aucun droit. Dans le premier cas, il peut être entré en matière sur une requête en restitution de l'effet suspensif, aux conditions de l'art. 66 al. 2 LPA, l'acceptation de celle-ci induisant, jusqu'à droit jugé, le maintien des conditions antérieures. En revanche, il ne peut être entré en matière dans le deuxième cas, vu le caractère à contenu négatif de la décision administrative contestée. Dans cette dernière hypothèse, seul l'octroi de mesures provisionnelles, aux conditions cependant restrictives de l'art. 21 LPA, est envisageable (ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b ; ATA/603/2011 du 23 septembre 2011 consid. 2 ; ATA/280/2009 du 11 juin 2009 ; ATA/278/2009 du 4 juin 2009).

d. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

e. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

3) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

4) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

5) En l'espèce, la conclusion préalable du recours (« dire que le présent recours a effet suspensif ») est en contradiction avec les développements à ce sujet dans le corps de l'acte, qui demandent le prononcé de mesures provisionnelles. C'est cette dernière demande qui sera ici considérée, dès lors que la décision attaquée refuse la suspension et revêt dès lors un caractère négatif, ce qui a pour conséquence qu'un effet suspensif n'aurait pas de sens.

Quant à l'octroi ou non de la mesure provisionnelle sollicitée, on relèvera tout d'abord que si la recevabilité du recours sera examinée dans l'arrêt à venir de la chambre de céans, elle est d'ores et déjà contestée par l’AFC-GE. Or, prima facie, la recevabilité du recours est susceptible de poser un problème sous l'angle du préjudice irréparable, dans la mesure notamment où rien n'empêche le TAPI, dans la présente procédure, et d'office ou sur demande, de rendre un jugement sur partie concernant le degré d'assujettissement à Genève du recourant.

De plus, ordonner la suspension jusqu'à droit jugé sur le présent recours reviendrait à accorder au recourant pendant une certaine période ses conclusions au fond, ce que la jurisprudence prohibe, étant précisé que les chances de succès du recours – abstraction faite de la question de sa recevabilité – n'apparaissent prima facie pas si importantes qu'elles justifieraient de telles mesures.

La demande de constatation de l'effet suspensif, même considérée comme une demande de restitution de ce dernier ou de mesures provisionnelles, doit donc être rejetée.

6) Le sort des frais sera réservé jusqu'au prononcé de l'arrêt final de la chambre de céans.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de constater ou de restituer l’effet suspensif au recours et d'octroyer des mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Yacine Rezki, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :