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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2342/2021

ATA/597/2022 du 07.06.2022 sur JTAPI/1229/2021 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : TRAITE D'ÊTRES HUMAINS;AUTORISATION DE SÉJOUR;CONVENTION SUR LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS
Normes : LEI.30.al1.letb; LEI.30.al1.lete; OASA.31; CTEH.14.al1.leta; CTEH.4.leta
Résumé : Recours d'une ressortissante de Côte d'Ivoire, mère d'une enfant de deux ans née en Suisse, affirmant avoir été victime de traite d'êtres humains, statut non étayé par pièces ou témoignages, et ainsi non reconnu. Pas de situation d'extrême rigueur, renvoi exigible.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2342/2021-PE ATA/597/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 juin 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par le Centre social protestant, mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 décembre 2021 (JTAPI/1229/2021)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1988, est originaire de la Côte d’Ivoire.

2) Le 21 janvier 2019, Mme A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, demandant subsidiairement à ce qu’il soit constaté que son renvoi était inexigible et qu’une admission provisoire lui soit accordée.

Elle avait été victime de viols en Côte d’Ivoire en 2010, lors des élections présidentielles ; son petit ami de l’époque avait été tué et elle-même avait été agressée. Elle avait alors rencontré un prénommé B______ qui lui avait proposé un travail de modèle en Europe. Elle avait payé CFA 50'000.- et avait quitté la Côte d’Ivoire en sa compagnie en 2015. Lors de leur escale au Maroc, elle avait été rejointe par deux autres femmes. B______ avait échangé son passeport et elle avait voyagé jusqu’en Europe avec un nouveau document au nom de C______.

Arrivée dans un aéroport dont elle ignorait la localisation, elle avait été confiée à une femme, prénommée D______, et avait été mise en présence d’un client : elle avait refusé de se prostituer mais avait cédé après trois jours d’enfermement au sous-sol de la maison. Elle avait ainsi été contrainte de se prostituer pendant trois mois, sans pouvoir sortir du bâtiment, à l’instar d’autres femmes prises au piège.

Elle avait finalement réussi à s’enfuir grâce à l’aide de D______ qui l’avait emmenée dans une gare où les gens ne parlaient pas le français et lui avait acheté un billet de train pour Genève.

Une fois arrivée à destination, fin juin 2015, elle avait été hébergée chez différentes personnes et avait survécu en proposant ses services de tresseuse. Elle avait eu peur d’aller à la police et n’avait pas porté plainte.

Elle était enceinte.

Elle joignait notamment un formulaire M sur lequel était indiqué qu’elle ne connaissait pas les nom et prénom de son père, ni le nom de sa mère, seul le prénom de celle-ci, E______, y étant inscrit.

3) Le 31 juillet 2019, à la demande de l’OCPM, elle a précisé avoir accouché d’G______ le 27 avril 2019 ; une requête en vue de l’établissement du lien de filiation avec Monsieur F______, né le ______ 1979, ressortissant français domicilié à Saint-Gall, et titulaire d’une autorisation d’établissement était en cours auprès du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant, ainsi qu’en fixation d’une contribution d’entretien.

Elle ne souhaitait pas déposer de plainte pénale pour l’instant, l’évocation des événements étant très difficile.

Entre 2015 et 2019, elle avait vécu de façon discrète, sans domicile fixe et au bénéfice d’aides accordées par des personnes connues en Suisse : elle allait tenter de trouver des preuves de son séjour en Suisse pendant ces années.

En cas de retour en Côte d’Ivoire, elle n’aurait personne sur qui compter. Elle avait été élevée par des personnes chez qui sa mère l’avait placée et ne connaissait aucun membre de sa famille là-bas. Dès sa majorité, elle avait appris à s’assumer seule et à vivre de manière indépendante.

4) Mme A______ a transmis à l’OCPM des informations et des pièces complémentaires concernant sa situation et celle de sa fille les 30 janvier et 3 juillet 2020, et le 16 février 2021, notamment en ce qui concernait les démarches de reconnaissance de la paternité de M. F______ sur G______. Elle a également produit trois pièces médicales de 2015 et 2018.

5) M. F______ a reconnu G______ le 18 mars 2020.

6) Par courrier du 17 mars 2021, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité pour elle et sa fille et de prononcer leur renvoi.

Elle n’avait produit aucun document à l’appui de son allégation de victime de traite d’êtres humains et reconnaissait elle-même ne pas être en mesure de transmettre des informations sur les auteurs ou le lieu de l’exploitation qu’elle aurait subie. Ses explications sur son emploi du temps et son lieu de résidence depuis 2015 étaient vagues et n’étaient pas davantage étayées. Force était dès lors de constater que ses déclarations n’atteignaient pas le degré de vraisemblance prépondérante requis par la jurisprudence. Elle ne pouvait quoi qu’il en soit pas se prévaloir d’un long séjour et n’avait pas non plus allégué être particulièrement intégrée. Enfin, il n’apparaissait pas qu’un retour en Côte d’Ivoire où elle avait passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte la placerait dans une situation personnelle d’extrême gravité.

G______ n’entretenait aucune relation avec son père et ne détenait pas de documents d’identité français. Son sort était lié à celui de sa mère qui en avait la garde exclusive ; compte tenu de son très jeune âge, elle ne devrait pas être confrontée à des difficultés d’intégration dans son nouveau pays de résidence. Dans l’hypothèse vraisemblable où elle aurait la nationalité française, elle ne pourrait pas être mise au bénéfice, avec sa mère, d’un titre de séjour étant donné que la condition des moyens financiers ferait défaut, conformément à la jurisprudence « Zhu et Chen ».

7) Faisant valoir son droit d’être entendue, Mme A______ a relevé, qu’arrivée au terme de sa grossesse, elle avait souhaité laisser derrière elle son passé difficile, raison pour laquelle elle n’avait eu ni la force ni le courage de dénoncer les agissements qu’elle avait subis. Elle avait transmis tous les documents en sa possession concernant son séjour et son travail depuis 2015, ayant vécu dans la clandestinité. Elle attendait toutefois la délivrance d’une attestation de la LAVI.

Elle avait quitté la Côte d’Ivoire en 2015 et n’y avait plus aucune famille ni réseau social. Sans formation, ses chances de réintégration semblaient très mauvaises. Son renvoi reviendrait par ailleurs à mettre à néant toutes les chances qu’une relation puisse un jour se lier entre G______ et son père.

Le père d’G______ devait collaborer dans les démarches pour la transcription de l’acte de naissance auprès des autorités françaises, ce qu’il tardait à faire. Ce dernier versait une pension, ce qui réduisait d’autant l’aide sociale qu’elle percevait.

Elle n’avait aucune activité professionnelle mais aidait, pour le compte de l’Hospice général (ci-après : l’hospice), un autre résident du centre collectif de la Seymaz où elle résidait.

8) Par décision du 7 juin 2021, l’OCPM a refusé de préaviser favorablement auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité en faveur de Mme A______ et de sa fille G______, ainsi qu’une autorisation de séjour fondée sur la jurisprudence « Zhu et Chen ». Leur renvoi de Suisse était dès lors prononcé.

Après un rappel des faits, l’OCPM a retenu que Mme A______ n’avait produit aucun document à l’appui de ses allégations concernant les agissements qu’elle aurait subis en lien avec la traite d’êtres humains et la prostitution, n’étant pas, comme elle le reconnaissait elle-même, en mesure de transmettre des informations sur les auteurs et le lieu de l’exploitation qu’elle alléguait avoir subie. Sa mère refusait également de témoigner en sa faveur et aucun élément ne permettait de vérifier les circonstances de son arrivée en Suisse. Ainsi, le dossier ne permettait pas de reconnaître Mme A______ comme victime de la traite d’êtres humains au sens de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains du 15 mai 2005 (ci-après : CTEH).

Elle n’avait par ailleurs pas réussi à démontrer qu’elle avait séjourné en Suisse et à Genève de manière ininterrompue depuis 2015. Elle était sans emploi et percevait l’aide sociale depuis le dépôt de sa demande. Un retour en Côte d’Ivoire, pays où elle avait passé toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte ne la placerait pas dans une situation personnelle d’extrême gravité.

Considérant que l’exécution du renvoi de Suisse était possible, licite et raisonnablement exigible, un délai leur était imparti au 15 juillet 2021 pour quitter la Suisse.

9) Par acte du 8 juillet 2021, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant préalablement à ce qu’un délai lui soit accordé pour transmettre certaines pièces, et sa comparution personnelle et l’audition de sa mère ordonnées, principalement à l’annulation de la décision, à la constatation de sa qualité de victime de traite d’êtres humains et ainsi son droit direct à un titre de séjour, subsidiairement à ce qu’il soit constaté qu’elle remplissait les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour fondée sur les art. 30 al. 1 let. b [recte e] de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), 31 et 36 al. 6 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), plus subsidiairement à ce qu’il soit constaté que son renvoi était inexigible, voire illicite, encore plus subsidiairement qu’il soit constaté que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA étaient remplies, encore plus subsidiairement qu’il soit constaté que son renvoi était inexigible au regard de l’art. 83 LEI, et ainsi au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision.

Reprenant les faits exposés dans ses précédents courriers, elle estimait que les trois conditions posées par l’art. 4 CTEH pour qu’une personne soit reconnue comme victime de traite des êtres humains étaient remplies. Il n’était pas nécessaire qu’une plainte pénale ait été déposée. Par ailleurs, enceinte, elle avait eu de la peine à évoquer ses souvenirs douloureux. Il était enfin indéniablement difficile d’apporter la preuve d’avoir été victime d’une telle traite dans la mesure où l’exploitation sexuelle avait eu lieu dans un endroit qu’elle ne connaissait pas, quatre ans auparavant. Dès lors, l’art. 14 CTEH lui conférait un droit à un titre de séjour.

Si un tel droit ne lui était pas reconnu, il devait être retenu un risque, en cas de renvoi en Côte d’Ivoire d’une nouvelle victimisation, n’ayant dans ce pays plus aucune famille ni réseau social. Sa fille risquait également cette victimisation, par ricochet. De plus, aucun programme de réinsertion n’existait dans ce pays.

S’il devait être considéré que les conditions d’octroi d’un titre de séjour n’étaient pas réalisées, il devait être retenu que son renvoi était inexigible et illicite, et qu’elle devait alors être admise provisoirement.

Enfin, si sa qualité de victime de traite d’êtres humains ne devait pas être reconnue, elle avait tout de même droit à un titre de séjour ou une admission provisoire. Elle cherchait du travail malgré le contexte difficile et le fait qu’elle élevait seule sa fille de deux ans. Elle ne pouvait effectuer seule les démarches en vue d’obtenir la nationalité française pour sa fille et M. F______ semblait désireux qu’elle soit renvoyée en Côte d’Ivoire pour ne plus avoir à payer de pension. Si elle trouvait du travail, elle aurait droit à un titre de séjour en vertu de la jurisprudence « Zhu et Chen ». En cas de renvoi en Côte d’Ivoire, elle serait livrée à elle-même avec un enfant en bas âge.

10) Par courrier du 3 septembre 2021, la recourante a transmis une attestation signée par sa mère, Madame E______, du 30 juillet 2021. Celle-ci avait émigré de Côte d’Ivoire alors que sa fille était encore en bas âge et avait dû la confier à des connaissances sur place. Elles avaient eu très peu de contacts. En 2015, sa fille l’avait jointe par les réseaux sociaux et lui avait expliqué se trouver en Suisse. Sa mère était venue la voir à Genève. Mme A______ lui avait détaillé les circonstances l’ayant poussé à quitter la Côte d’Ivoire et les violences qu’elle avait subies. Elle lui avait en particulier expliqué avoir été piégée, recrutée en Côte d’Ivoire avec la promesse de devenir modèle mais qu’elle s’était retrouvée prostituée de force dans une maison en Suisse. Mme E______ avait pensé la conduire à la police en vue du dépôt d’une plainte pénale. Un avocat l’avait découragé, relevant que sa fille risquait de se faire renvoyer en Côte d’Ivoire. Mme A______ était honteuse et avait de la peine à évoquer son calvaire. Mme E______ l’avait dirigée auprès des associations des sans-papiers à Genève. Mme A______ avait pu bénéficier d’une consultation gynécologique auprès des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Les deux femmes avaient par la suite entretenu une relation très distante compte tenu de leur statut précaire.

11) L’OCPM a répondu au recours le 8 septembre 2021, indiquant que les arguments invoqués par la recourante n’étaient pas de nature à modifier sa position. La qualité de victime de traite d’êtres humains ne pouvait être retenue étant donné que les faits allégués par la recourante n’étaient pas prouvés.

12) La recourante n’a pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été imparti.

13) Par jugement du 3 décembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Au regard du dossier, Mme A______ ne pouvait être qualifiée de victime de traite d'êtres humains dès lors que les faits allégués remontaient à 2015 et se seraient déroulés d'abord en Côte d'Ivoire, puis dans un lieu qu'elle n'était, ni en mesure de décrire, ni de situer géographiquement, n'ayant en outre pas pu confirmer que ceux-ci s'étaient produits en Suisse.

Elle n'avait de plus jamais entrepris de démarches pénales, par le biais d'une plainte pénale ou d'une dénonciation, que ce soit en Suisse ou à l'étranger.

Ses déclarations n'étaient étayées par aucune pièce probante et formulées plusieurs années après les faits.

Elle ne remplissait pas non plus les conditions pour être mise au bénéfice d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur, au regard de la durée de son séjour en Suisse, où elle se trouvait de manière illégale depuis 2015 et de son absence d'intégration professionnelle. Elle n'avait pas acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications spécifiques qu'elle ne pouvait pas mettre en pratique dans sa patrie ou qu'il faille considérer qu'elle avait fait preuve d'une ascension professionnelle remarquable en Suisse.

Elle était dépendante de l'aide sociale, hormis la contribution d'entretien versée par le père de son enfant et était hébergée, au moment du dépôt de son recours, dans un centre d'accueil. Elle ne faisait pas valoir l’existence d’un réseau d'amis ou de famille à Genève ou en Suisse et n'avait que des contacts très distants avec sa mère et aucun avec le père de sa fille.

Cette dernière, âgée de deux ans n'était pas encore scolarisée et restait, compte tenu de son très jeune âge, encore très fortement rattachée à son pays d'origine par sa mère.

La mesure de renvoi prononcée par l'OCPM n'était pas critiquable, rien ne permettant de penser que la vie ou l’intégrité corporelle de la recourante seraient mises en danger en cas de retour en Côte d'Ivoire.

14) Par acte expédié le 21 janvier 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant principalement à son annulation, au constat qu'elle était victime de traite d'êtres humains et à l'octroi d'une autorisation de séjour sur cette base, subsidiairement à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur, plus subsidiairement à ce que l'inexigibilité, voire l'illicéité du renvoi soient constatés et qu'elle bénéficie du droit au regroupement familial découlant de l'obtention de la nationalité française de sa fille mineure.

Elle reprenait ses précédents arguments. Les conditions pour reconnaître sa qualité de victime de traite d'êtres humains étaient réalisées, ce qui devait conduire à l'octroi d'une autorisation de séjour à ce titre.

15) Le 24 février 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours, l’argumentation présentée par Mme A______ étant substantiellement semblable à celle déployée devant le TAPI.

16) La recourante n’a pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été imparti.

17) Sur quoi, les parties ont été informées, le 22 mars 2022, que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante sollicite sa comparution personnelle.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour les parties de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 154 consid. 2.1 et 4.2 ; 132 II 485 consid. 3.2). Cela n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1003/2017 du 21 juin 2018 consid. 3 et les arrêts cités ; ATA/723/2018 du 10 juillet 2018 et les arrêts cités).

b. En l'espèce, la recourante sollicite son audition tout en indiquant qu’il lui est difficile de s’exprimer sur un vécu douloureux, que l’évocation des événements a été compliquée avec son mandataire et qu’elle n’a pas la force de revivre et d’exposer les faits vécus à nouveau, ce qui semble difficilement compatible avec une audition devant la chambre de céans.

De même, alors qu’il est fait mention dans le recours de « divers entretiens avec les associations spécialisées, d’explications cohérentes et détaillées sur les motifs de son départ et les allégations de traite l’entourant, soit des événements complexes et intimes », la recourante n’a pas produit de retranscriptions du contenu desdits entretiens avec les associations spécialisées.

Elle a pu exposer son point de vue dans le cadre de ses diverses écritures et produire toutes les pièces qu’elle estimait utiles. Elle n'explique pas en quoi son audition serait susceptible d'apporter des éléments qu'elle n'aurait pas encore exposés. Dans ces conditions, il ne sera pas donné suite à la demande de comparution personnelle.

3) Le litige porte sur la reconnaissance du statut de victime de traite des êtres humains au sens de la CTEH, ainsi que sur l’octroi d’une autorisation de séjour fondée, notamment, sur cette convention.

4) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

5) Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l'OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

En l'espèce, la demande d'autorisation de séjour de la recourante a été déposée après le 1er janvier 2019, de sorte que c'est le nouveau droit qui s'applique à la présente cause.

6) a. La CTEH, a notamment pour objet de protéger les droits de la personne humaine des victimes de la traite, de concevoir un cadre complet de protection et d'assistance aux victimes ainsi que d'assurer des enquêtes et des poursuites efficaces (art. 1 let. b CTEH).

b. La traite des êtres humains est définie à l'art. 4 let. a CTEH, lequel prévoit que l'expression « traite des êtres humains » désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. L'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes. Cette définition correspond à celle de l'art. 3 let. a du Protocole additionnel du 15 novembre 2000 à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (ci-après: le Protocole de Palerme; RS 0.311.542; cf. rapport explicatif CETH § 72).

La traite des êtres humains se compose de trois éléments constitutifs : 1) un acte (ce qui est fait) : « le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes » ; 2) un moyen (comment l'acte est commis) : « la menace de recours ou le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre » ; 3) un objectif d'exploitation (pourquoi l'acte est commis) : « l'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes » (rapport explicatif CETH § 74; également pour le Protocole de Palerme, Combattre la traite des personnes : Guide à l'usage des parlementaires, mars 2009, n° 16 - 2009, p. 13 s., établi par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime [ONUDC]). Pour qu'il y ait traite des êtres humains, il faut en principe la réunion d'éléments appartenant aux trois catégories reprises ci-dessus (action - moyen - but) (Arrêt 2C_483/2021 du 14 décembre 2021 consid. 7.1.1 ; Rapport explicatif CETH § 75 s., qui mentionne une exception, non réalisée en l'espèce, pour les enfants).

La personne étrangère qui se prétend victime de traite des êtres humains est soumise à un devoir de coopération accru. Elle doit rendre vraisemblable, par des moyens appropriés, son statut de victime (ATF 142 I 152 consid. 6.2; arrêts du Tribunal fédéral 2C_361/2018 du 21 janvier 2019 consid. 4.3; 2C_737/2019 du 27 septembre 2019 consid. 6.3.2). Celle-ci est soumise à un devoir de coopération accru et doit étayer ses allégués par des preuves, qui peuvent être apportées de différentes manières et à la faveur d'un faisceau d'indices convergents (ATF 142 I 152 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_483/2021 précité consid. 7.1.3).

7) Selon l'art. 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude (par. 1) et nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire (par. 2).

Il n'est pas fait mention de la traite des êtres humains dans l'art. 4 CEDH. La Cour européenne des droits de l'homme a estimé qu'il n'était pas nécessaire, dans ce contexte particulier, de déterminer si les traitements qui faisaient l'objet des griefs d'un requérant constituaient de l'« esclavage », de la « servitude » ou un « travail forcé ou obligatoire », considérant qu'en elle-même, la traite d'êtres humains entrait dans le champ d'application de l'art. 4 CEDH (Guide sur l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme, mis à jour au 31 août 2019 ; https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_4_FRA.pdf, n. 8 et 11 p. 6 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-1999/2020 du 14 août 2020 consid. 7.2).

8) La notion de travail forcé désigne « tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de son plein gré ». Tout travail exigé d'un individu sous la menace d'une « peine » ne constitue pas nécessairement un travail forcé ; il convient en effet de prendre en compte, notamment, la nature et le volume de l'activité en cause. Il ne faut pas que l'intéressé se soit offert de son plein gré pour effectuer ledit travail (Guide précité, n. 21 et 23 p. 8 et n. 24 p. 9).

9) a. L’art. 14 al. 1 CTEH prévoit que chaque partie délivre un permis de séjour renouvelable aux victimes lorsque : l'autorité compétente estime que leur séjour s'avère nécessaire en raison de leur situation personnelle (let. a) ; l'autorité compétente estime que leur séjour s'avère nécessaire en raison de leur coopération avec les autorités compétentes aux fins d'une enquête ou d'une procédure pénale (let. b).

b. L'art. 14 par. 1 let. a CTEH vise à offrir à la victime un certain degré de protection et l'art. 14 par. 1 let. b CTEH permet de garantir la disponibilité de ladite victime pour l'enquête pénale, ces deux dispositions allant de pair puisque la volonté de coopérer avec les autorités de poursuite pénale suppose que la victime ait confiance en ces autorités, ce qui n'est concevable que si ces dernières tiennent suffisamment compte de son besoin de protection (ATF 145 I 308 consid. 3.4.2).

10) Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de préciser qu'un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour découlait de ces dispositions, qui possèdent un caractère "self-executing" (s'agissant de l'art. 14 al. 1 let. a CTEH : arrêt 2C_483/2021 du 14 décembre 2021 consid. 4.3 ; concernant l'art. 14 al. 1 let. b CTEH  et l'art. 4 CEDH : ATF 145 I 308 consid. 3.4.3).

Pour que la victime se voie accorder un permis de séjour, il faut, selon le système choisi par l'État partie, soit que la victime se trouve dans une situation personnelle (comme la sécurité, l'état de santé ou sa situation familiale) telle qu'il ne saurait être raisonnablement exige qu'elle quitte le territoire, soit qu'une enquête judiciaire ou une procédure pénale soit ouverte et que la victime collabore avec les autorités. Ces critères ont pour but de permettre aux États parties de choisir entre l'octroi d'un permis de séjour en échange de la collaboration avec les autorités pénales et l'octroi d'un permis de séjour eu égard aux besoins de la victime, soit encore de suivre ces deux approches (rapport explicatif du Conseil de l'Europe relatif à CTEH du 16 mai 2005 n. 182 ss).

11) a. La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissantes de Côte d'Ivoire.

Les conditions d'entrée d'un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI. Les dérogations aux prescriptions générales d'admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l'art. 30 al. 1 LEI.

b. Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. e LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de régler le séjour des victimes ou des témoins de la traite d'êtres humains et des personnes qui coopèrent avec les autorités de poursuite pénale dans le cadre d'un programme de protection des témoins mis en place en Suisse, dans un État étranger ou par une cour pénale internationale.

Cette disposition concerne les victimes ou témoins de la traite d'êtres humains, au sens des art. 182 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937
(CP - RS 311.0) et 3 let. a et b du protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, du 15 novembre 2000 (RS 0.311.542 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2014 du 4 décembre 2014 consid. 3.3). Même si le consentement de la victime n'est pas pertinent en matière de traite des êtres humains (Ibid.), cette dernière suppose une exploitation, à savoir notamment l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes. La simple violation des prescriptions de droit du travail n'entraîne ainsi pas une exploitation du travail d'autrui au sens de l'art. 182 al. 1 CP, qui présuppose plutôt l'esclavage ou les relations analogues à ce dernier, ou encore des prestations de travail effectuées sous la contrainte (ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 9b ; ATA/981/2015 du 22 septembre 2015 consid. 6c et les références citées). Le service de coordination contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants a publié une « liste de contrôle pour l'identification des victimes de la traite d'êtres humains » (en annexe au Guide pratique « Mécanismes de coopération contre la traite d'êtres humains », consultable sur le site https://www.ksmm.admin.ch /ksmm/fr/home/publiservice /leitfaden.html).

La traite d'êtres humains englobe les actes par lesquels des personnes (femmes, hommes et enfants) sont exploitées au mépris de leur droit à l'autodétermination. Elle est en général organisée par des réseaux criminels structurés, qui agissent généralement dans plusieurs cantons et entretiennent des contacts à l'étranger. Font partie de ces actes toutes les formes d'abus sexuel, l'exploitation de travailleurs ou le prélèvement d'organes humains (art. 182 CP). En règle générale, les victimes de la traite d'êtres humains sont découvertes lors d'investigations policières, alors que d'autres s'annoncent elles-mêmes auprès d'organismes d'assistance aux victimes. Une fois identifiées, ces personnes sont généralement accompagnées par des services spécialisés dans l'aide aux victimes. Il n'y a pas traite d'êtres humains dès lors que des personnes font appel à des passeurs pour entrer illégalement en Suisse. Le cas échéant, on a éventuellement affaire à du trafic de migrants (Directives et circulaires du secrétariat d'État aux migrations [ci-après : SEM], Domaine des étrangers, état au 1er mars 2022, ch. 5.7.1).

12) a. L'application de l'art. 30 al.1 let. e LEI suppose d'abord la reconnaissance de la qualité de victime. Si la qualité de victime est reconnue, il convient de se référer aux art. 35, 36 et 36a OASA qui précisent le champ d'application de l'art. 30 al. 1 let. e LEI (Minh Son NGUYEN, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 282, ch. 92).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, pour que l'on se trouve dans le champ d'application matériel de l'art. 30 al. 1 let. e LEI, il faut que les autorités de police ou de justice compétentes interviennent auprès de la police des étrangers conformément à l'art. 36 al. 1 OASA. Elles doivent l'informer que la présence de la personne étrangère en Suisse est requise pendant une période déterminée pour les besoins d'une enquête policière ou d'une procédure judicaire dans laquelle celle-ci apparaîtrait en tant que victime ou témoin de traite d'êtres humains. Si ces conditions ne sont pas réalisées, le cas doit être traité au regard de l'art. 30 al. 1 let. b LEI (Minh Son NGUYEN, op. cit., p. 282, ch. 101 et les références citées).

c. Il ressort de la formulation de cette disposition, rédigée en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission et, ce faisant, à l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (ATF 145 I 308 consid. 3.3.1).

13) En l’espèce, la recourante soutient avoir été victime de faits constitutifs de traite d'êtres humains, d'abord en Côte d'Ivoire où elle aurait rencontré, fin 2014, un certain « B______ » qui lui avait promis un emploi en tant que modèle en Europe, la faisant transiter, en échange de CFA 50'000.- par le Maroc pour rejoindre ensuite l'Europe. Ce dernier, lui aurait, une fois arrivée au Maroc, retiré son passeport, et l'aurait séquestrée et contrainte à se prostituer à son arrivée en Europe pendant près de trois mois, avant qu'elle ne parvienne à s'enfuir. Elle précise que la traite se serait probablement déroulée en Suisse. Quand bien même la chambre de céans n'entend pas minimiser les difficultés liées à l'apport de la preuve dans des situations relevant de la traite d'êtres humains, la recourante n'est pas en mesure de situer le lieu dans lequel les faits se seraient produits, indiquant être arrivée à Genève en 2015 depuis une gare dont elle ne connaît pas le nom et où elle affirme que les gens ne parlaient pas français. Elle n'est pas non plus été en mesure d'apporter des éléments permettent d'identifier les éventuels auteurs des infractions dont elle allègue avoir été victime.

Elle affirme avoir été identifiée comme victime de traite d'êtres humains par un organisme d'assistance, à savoir le Centre social protestant, en 2019 et avoir établi son statut de victime de la traite. Cela étant, toutes les déterminations ont été établies sur la base des déclarations de la recourante. Ces dernières ont, certes, été jugées crédibles. Toutefois, elles ne suffisent pas à établir un cas de traite d'êtres humains, étant précisé que l’attestation de sa mère, qui n’a pas la qualité de témoin (art. 31 let. a LPA) n’a pas de valeur probante et ne relate que des faits rapportés par la recourante.

Sans minimiser les souffrances endurées par celle-ci, l'ensemble des éléments du dossier ne permet pas de retenir que la recourante a établi ou pour le moins rendu vraisemblable, dans le sens d'une vraisemblance prépondérante, comme l'exige la jurisprudence, les faits d'une traite d'êtres humains dont elle aurait été victime.

Malgré une annonce dans ce sens à l'OCPM, aucune plainte ni dénonciation pénale n'a été déposée concernant les faits précités, de sorte qu'aucune procédure pénale n'a été ouverte. Une qualification pénale au sens de l'art. 182 CP n'apparaissant au surplus pas flagrante dans son cas, la chambre de céans ne peut retenir que la recourante soit une victime de traite d'êtres humains au sens des art. 4 CTEH ou 30 al. 1 let. e LEI.

Faute d'avoir établi ou rendu vraisemblable sa qualité de victime de traite d'êtres humains, elle ne peut se prévaloir d'une autorisation de séjour à ce titre en application de l'art. 14 al. 1 let. a CTEH, ni sur la base de l'art. 14 al. 1 let. b CTEH en raison de l'absence d'enquête ou de poursuite pénale des faits invoquée.

14) Encore convient-il d'examiner si, indépendamment des conditions procédurales de l'art. 30 al. 1 let. e LEI, non réunies en l'espèce, la recourante revêt selon toute vraisemblance la qualité de victime de traite d'êtres humains afin de déterminer si cette circonstance doit être prise en compte dans l'examen du cas de rigueur au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA, comme elle y conclut.

15) a. Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

b. À teneur de l’art. 31 al. 1 OASA, qui précise cette disposition, pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (Directives LEI, état au 1er mars 2022, ch. 5.6).

c. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

d. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3; ATA/476/2021 du 4 mai 2021 consid. 7d).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/90/2022 du 1er février 2022 consid. 3e; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1 ; ATA/90/2022 précité).

e. Une demande de séjour pour motifs humanitaires peut, à l'échéance du délai de rétablissement et de réflexion, être déposée à tout moment dans le cadre d'un cas individuel d'une extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI en relation avec l'art. 31 OASA, et ce indépendamment du fait que la victime ait ou non été disposée à collaborer avec les autorités de poursuite pénale. Dans le contexte de la traite d'êtres humains, un cas d'une extrême gravité peut être avéré lorsqu'un retour dans le pays d'origine ne peut raisonnablement être exigé par risque d'une nouvelle victimisation, faute de perspectives d'intégration sociale ou en raison de l'impossibilité de traiter de manière adéquate un problème de santé. S'il ressort de la pondération des éléments constitutifs d'un cas individuel d'une extrême gravité qu'un retour ne peut être raisonnablement exigé, la demande de séjour pour motifs humanitaires peut être approuvée, même si le degré d'intégration en Suisse est jugé insuffisant (Directives LEI, ch. 5.7.2.5).

Selon la jurisprudence, au vu notamment des difficultés relevées en matière d'identification des victimes de la traite d'êtres humains, une preuve stricte n'est pas toujours possible ni ne peut être raisonnablement exigée. Il y a ainsi lieu, dans le cadre de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, de permettre un allégement du degré de la preuve et d'admettre comme suffisante déjà la « vraisemblance prépondérante », telle que notamment développée en matière de violences conjugales au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et 2 LEI (ATF 142 I 152 consid. 6.2) ou dans le domaine de l'aide aux victimes pour arrêter leur statut en cas d'absence ou d'échec de la procédure pénale (ATF 144 II 406 consid. 3.1). La personne en cause reste néanmoins soumise à l'obligation de collaborer à l'établissement des faits (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-4436/2019 du 1er février 2021 consid. 6.2.1.4 et les références citées).

f. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du TAF C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ;
C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3 ; ATA/476/2021 précité).

g. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du TAF C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/ Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

h. D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et qu'il y a seulement commencé sa scolarité, on considère en principe qu'il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine par le biais de ses parents et que son intégration au milieu socioculturel suisse n'est pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêts du Tribunal fédéral 2C_686/2019 du 3 octobre 2019 consid. 6.1 ; 2C_997/2015 du 30 juin 2016 consid. 3.1 ; ATA/684/2020 du 21 juillet 2020 consid. 7g. Voir aussi, de manière plus générale concernant les enfants : ATF 133 II 6 consid. 3.1.1 ; 123 II 125 consid. 4a-4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 précité consid. 6.3).

i. Selon la jurisprudence, le fait de renvoyer une femme seule dans son pays d'origine où elle n'a pas de famille n'est généralement pas propre à constituer un cas de rigueur, à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances qui rendent le retour extrêmement difficile. Un cas de rigueur peut notamment être réalisé lorsque, aux difficultés de réintégration dues à l'absence de famille dans le pays d'origine, s'ajoute le fait que l'intéressée est affectée d'importants problèmes de santé qui ne pourraient pas être soignés dans son pays, le fait qu'elle serait contrainte de regagner sa patrie qu'elle avait quitté dans des circonstances traumatisantes ou encore le fait qu'elle laisserait derrière elle une partie importante de sa proche parenté (parents, frères et soeurs) appelée à demeurer durablement en Suisse, avec qui elle a partagé pendant longtemps les mêmes vicissitudes de l'existence (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5271/2009 du 5 octobre 2010 consid. 6.4.3 et les références citées). Inversement, une telle séparation pourra d'autant mieux être exigée que les perspectives de réintégration dans le pays d'origine apparaîtront plus favorables (arrêts du Tribunal fédéral 2A.183/2002 du 4 juin 2002 consid. 3.2 ; 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.446/1997 du 24 avril 1998 consid. 3b). Des cas de rigueur ont par ailleurs été admis s'agissant de mères d'enfants mineurs n'ayant plus aucune famille dans leur pays d'origine, qu'elles avaient, de surcroît, quitté dans des circonstances traumatisantes (arrêts du Tribunal fédéral 2A.582/2003 du 14 avril 2004 consid. 3.1 et 2A.394/2003 du 16 janvier 2004 consid. 3.1).

j. Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration.

16) a. Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; ATA/191/2022 du 22 février 2022 consid. 10b).

b. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1). Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2 ; ATA/434/2020 du 30 avril 2020 consid. 2b).

c. Il n'y a cependant pas atteinte à la vie familiale si l'on peut attendre des personnes concernées qu'elles réalisent leur vie de famille à l'étranger ; l'art. 8 CEDH n'est pas a priori violé si le membre de la famille jouissant d'un droit de présence en Suisse peut quitter ce pays sans difficultés avec l'étranger auquel a été refusée une autorisation de séjour. En revanche, si le départ du membre de la famille pouvant rester en Suisse ne peut d'emblée être exigé sans autres difficultés, il convient de procéder à la pesée des intérêts prévue par l'art. 8 § 2 CEDH, qui suppose de tenir compte de l'ensemble des circonstances et de mettre en balance l'intérêt privé à l'obtention d'un titre de séjour et l'intérêt public à son refus (ATF 144 I 91 consid. 4.2 et les références citées). Dans la pesée des intérêts, il faut aussi tenir compte de l'intérêt de l'enfant à maintenir des contacts réguliers avec son parent, objet de la mesure, ainsi que l'exige l'art. 3 CDE, étant toutefois précisé que, sous l'angle du droit des étrangers, cet élément n'est pas prépondérant par rapport aux autres et que la disposition en cause ne fonde pas une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation (ATF 144 I 91 consid. 5.2 et les références citées). L'intérêt de l'enfant est ainsi un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.2 ; ATA/434/2020 précité).

17) En l'espèce, la recourante affirme être arrivée en Suisse en juin 2015, sans pouvoir apporter la preuve de ce fait ni le rendre vraisemblable de manière prépondérante. Elle produit, certes, deux attestations médicales datant de juin et septembre 2015, faisant état de consultations médicales et indique ne pas disposer d'autres preuves de son séjour dans la mesure où elle craignait, à cette époque, les conséquences de la découverte de sa présence en Suisse en raison de son statut. Les pièces produites ne suffisent cependant pas à établir un séjour ininterrompu à Genève depuis 2015. L’aide de l’hospice a commencé en janvier 2019. Tous les documents au dossier datent de cette époque. Aucune pièce ne permet d’établir un séjour dans le canton au préalable. L’attestation de logement établie par l’hospice fait mention d’une résidence auprès du centre d’hébergement collectif de la Seymaz à compter du 13 février 2020. De même, la procuration confiée à son mandataire date de 2019. Aucune attestation autre que celle de sa mère, ni aucun nom de personne qui l’aurait hébergée entre juin 2015 et janvier 2019 ne sont fournis. Son allégation d’avoir vécu « discrètement » ne suffit pas à expliquer l’absence de tout indice, l’intéressée faisant état de plusieurs personnes qui l’auraient dépannée et de plusieurs lieux de vie pendant les trois années et demi concernées. La recourante n’établit en conséquence pas sa présence de manière stable dans le canton avant janvier 2019, voire octobre 2018, si l’on retient le courrier de rendez-vous des HUG du 8 octobre 2018. La durée de son séjour en Suisse est en conséquence courte. Par ailleurs, même si l’on devait retenir une date d’entrée en 2015, le résultat ne serait pas différent compte tenu de ce qui suit.

Elle est entrée et a séjourné illégalement en Suisse.

Quand bien même elle affirme vouloir prendre part à la vie économique genevoise, elle ne démontre pas une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Elle affirme avoir travaillé comme tresseuse, pendant une durée qu'elle ne détaille pas, et ne produit aucune pièce à ce propos. Elle précise ne plus travailler depuis la naissance de sa fille en 2019. Rien n'indique qu'elle ne pourrait pas reprendre cette activité en Côte d'Ivoire.

Comme le relève le TAPI, la recourante est en outre totalement dépendante de l’aide sociale, hormis la contribution d’entretien versée par le père de son enfant. Si elle a réussi à obtenir récemment un logement et a pu quitter le centre d’accueil de l’hospice général, son loyer est cependant pris en charge par ladite institution. Elle n’indique pas posséder un réseau d'amis et de connaissances à Genève ou en Suisse, n’ayant par ailleurs que des contacts très distants avec sa mère et aucun avec le père de sa fille. Elle ne peut donc pas se prévaloir d'une intégration sociale particulièrement poussée, ni d'une réussite professionnelle remarquable. Elle n'a en outre pas établi avoir noué avec la Suisse des liens si profonds que l'on ne pourrait raisonnablement exiger d'elle qu'elle retourne en Côte d’Ivoire.

Âgée de 33 ans, elle a passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d'origine puisqu’elle y a vécu jusqu’à ses 27 ans, si l’on tient compte de la date de 2015. La recourante dépend dans une large mesure des prestations de l'Hospice général ainsi que de la contribution d'entretien versée par le père de sa fille. Elle n'a pas démontré une intégration sociale ou professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Le fait que la situation socio-économique en Côte d'Ivoire soit plus difficile qu'en Suisse ne constitue au surplus pas en soi un motif de retenir un cas d'extrême gravité. Enfin, elle n'a allégué aucun problème de santé particulier. Si certes, le retour en Côte d’Ivoire n’ira pas sans difficultés, l’intéressée indiquant ne pas y avoir de famille, elle a précisé avoir appris dès sa majorité à être indépendante et à s’assumer compte tenu des difficultés rencontrées dans son enfance.

Sa fille, G______, âgée de trois ans, n'est pas encore scolarisée. Elle reste donc, compte tenu de son très jeune âge, encore très fortement rattachée à son pays d'origine par sa mère, qui en a la garde exclusive. Elle n'entretient actuellement aucune relation avec son père de sorte que le droit au respect de la vie privée et familiale consacré par l'art. 8 CEDH ne peut être invoqué.

S'agissant du risque allégué par la recourante de nouvelle victimisation en cas de retour dans son pays d'origine, il convient de relever que les événements traumatisants qu'elle explique avoir vécus en 2015 ne se sont pas déroulés en Côte d'Ivoire, de sorte qu'il n'apparaît pas qu'elle soit exposée au risque de les subir à nouveau. Si certes elle indique avoir été recrutée dans son pays d’origine, elle a aussi précisé qu’elle avait rencontré le dénommé « B______ » dans le cadre de ses recherches en vue de quitter le pays, de travailler comme modèle, à l’étranger et s’être acquittée de CFA 50'000.- pour quitter le pays. En conséquence, les circonstances étant liées à ses démarches en vue de travailler comme modèle à l’étranger, ce qu’elle ne prétend plus vouloir faire ni n’a fait ou tenté de faire depuis 2015, il ne peut être retenu un risque concret à ce titre.

Au vu de ces circonstances, prises dans leur ensemble, la situation de la recourante ne réalise pas les conditions très strictes permettant d'admettre l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, comme l'a retenu à juste titre l'autorité intimée qui n'a ainsi pas mésusé de son large pouvoir d'appréciation en lui refusant une autorisation de séjour pour cas de rigueur aux sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA.

Partant, le grief correspondant sera écarté.

18) La recourante sollicite un titre de séjour dans le cadre d’un regroupement familial, compte tenu de la nationalité française à laquelle sa fille aurait droit.

Elle ne conteste toutefois pas qu’en l’état, la nationalité française de celle-ci n’est pas établie. En conséquence, elle ne peut en déduire de droits.

19) a. Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'a pas été prolongée (let. c) en assortissant ce renvoi d'un délai de départ raisonnable (al. 2).

Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). Il n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Il n'est pas licite lorsqu'il serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Il n'est pas raisonnablement exigible s'il met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

Selon l'art. 10 al. 3 Cst., la torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits. L'art. 3 CEDH prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Les droits ancrés aux art. 10 al. 3 Cst. et 3 CEDH sont absolus et ne souffrent ni limitations ni exception. Cela signifie qu'aucun intérêt opposé, aussi important soit-il, ne peut justifier leur violation ; en d'autres termes, il n'est pas admissible de les mettre en balance dans le cadre d'une pesée des intérêts. Partant, si les États parties à la CEDH ont le droit de contrôler l'entrée, le séjour et l'éloignement des non-nationaux, l'expulsion, l'extradition ou toute autre mesure d'éloignement d'un étranger par un Etat contractant peut soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH, et donc engager la responsabilité de l'État en cause au titre de la Convention, lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on l'expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à cette disposition. Il incombe à la personne concernée de prouver l'existence de tels risques réels. Des considérations générales sont insuffisantes à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 7.2 et les nombreux arrêts cités).

Ainsi, une simple possibilité de subir de mauvais traitement n'est pas suffisante pour prohiber l'exécution d'un renvoi. Il faut au contraire un risque concret et sérieux que la personne en cause soit victime de torture ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays et qu'il soit hautement probable qu'elle soit visée personnellement par des mesures incompatibles avec cette garantie. Celle-ci trouve en particulier application lorsque le risque pour la personne menacée de refoulement d'être soumise à des mauvais traitements dans le pays de destination découle d'actes des autorités de ce pays ou d'organismes indépendants de l'État contre lesquels les autorités ne sont pas en mesure d'offrir une protection appropriée (ATAF 2010/42 consid. 11.2 et 11.3 ; ATAF 2009/2 consid. 9.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-374/2014 du 2 mars 2016 consid. 6.3.1).

Les étrangers admis provisoirement en Suisse bénéficient d'un statut précaire qui assure leur présence dans le pays aussi longtemps que l'exécution du renvoi n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (ATF 141 I 49 consid. 3.5 ; 138 I 246 consid. 2.3). L'admission provisoire constitue en d'autres termes une mesure qui se substitue, en principe pour une durée limitée, à la mise en oeuvre du renvoi, lorsque celui-ci s'avère inexécutable. Elle coexiste donc avec la mesure de renvoi entrée en force, dont elle ne remet pas en cause la validité. L'admission provisoire n'équivaut pas à une autorisation de séjour, mais fonde un statut provisoire qui réglemente la présence en Suisse de l'étranger tant et aussi longtemps que l'exécution de son renvoi apparaîtra comme impossible, illicite ou non raisonnablement exigible (ATF 141 I 49 consid. 3.5 ; 138 I 246 consid. 2.3 ; 137 II 305 consid. 3.1 ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_1001/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3).

L'admission provisoire est de la seule compétence du SEM ; elle ne peut être que proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1001/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3). L'art. 83 al. 6 LEI vise avant tout la situation dans laquelle des autorités cantonales constatent des obstacles liés à l'exécution d'un renvoi. Elle n'est pas conditionnée à une demande de l'intéressé ni à ce qu'un membre de la famille se trouve déjà au bénéfice d'une admission provisoire. Cette disposition a un caractère facultatif et implique que le SEM n'est saisi que si l'avis de l'autorité cantonale s'avère positif. Les intéressés n'ont, pour leur part, aucun droit à ce que le canton demande une admission provisoire en leur faveur au SEM sur la base de l'art. 83 al. 6 LEI (ATF 141 I 49 consid. 3.5.3 ; ATF 137 II 305 consid. 3.2).

b. En l'espèce, rien ne permet de retenir que le renvoi de la recourante en Côte d'Ivoire ne serait pas possible, illicite ou qu'il ne serait pas raisonnablement exigible au sens de la disposition précitée. En particulier, la situation politique et sociale n'est pas telle qu'elle empêcherait tout retour dans ce pays en raison des risques que la recourante pourrait y rencontrer. Aucun élément ne permet de penser qu'elle serait exposée à de graves conséquences en cas de retour en Côte d'Ivoire. L'exploitation dont elle prétend avoir été la victime se serait déroulée hors de Côte d'Ivoire et ne dépendrait pas d'un réseau international qui aurait des liens avec ce pays. Il ne ressort pas des faits qu'elle invoque qu'elle ait été exposée à la traite des êtres humains dans son pays d'origine, mais une fois arrivée au Maroc ou en Europe dans un pays qu'elle n'est pas en mesure de situer. Elle ne prétend pas non plus qu'elle serait tombée dans un réseau lié à ce pays une fois en Suisse.

C'est par conséquent à bon droit que l'autorité intimée a prononcé son renvoi et ordonné l’exécution de celui-ci. Les conclusions très subsidiaires tendant au prononcé d’une admission provisoire seront rejetées.

Dans ces circonstances, la décision de l’OCPM est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, mal fondé, sera rejeté.

20) Malgré l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu, la recourante plaidant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera en outre allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 janvier 2022 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au Centre social protestant, mandataire de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribnal adminsitratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.