Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1905/2020

ATA/28/2021 du 12.01.2021 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1905/2020-PRISON ATA/28/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 janvier 2021

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

ÉTABLISSEMENT FERMÉ B______



EN FAIT

1) M. A______ a commencé à exécuter une peine privative de liberté le 16 mars 2016, dont le terme était fixé au 4 décembre 2020.

2) Après avoir été détenu dans différents établissements pénitentiaires dans plusieurs cantons, il a été transféré à l'établissement fermé B______
(ci-après : l'établissement), où il a été incarcéré le 12 septembre 2019.

3) M. A______ a fait l'objet de trois sanctions les 31 octobre 2019, 3 mars et 21 avril 2020 sous la forme d'amendes, et en outre pour la dernière de suppression des activités de formation, sports, loisirs et repas en commun durant cinq jours, pour introduction dans l'établissement, détention ou consommation de stupéfiants, qui n'ont pas été contestées.

Une quatrième sanction, infligée le 21 avril 2020 également, sous forme de placement en cellule forte et de suspension de toute activité durant trois jours, pour menaces envers un agent, insultes, refus d'obtempérer, adoption d'un comportement contraire au but de l'établissement et trouble de l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement, suite à la détection la veille de l'introduction dans l'établissement, détention ou consommation de stupéfiants, a fait l'objet d'un recours, déclaré irrecevable pour cause de tardiveté par arrêt de ce jour dans la procédure A/1542/2020.

4) Le 20 juin 2020, un rapport d'incident a été établi par les agents de détention concernant M. A______. À 17h10, il s'était énervé avec un autre détenu sur le terrain de football. Les deux détenus s'étaient poussés mutuellement. D'autres détenus avaient dû les séparer. Ils avaient repris leur calme à la suite de l'intervention d'un agent de détention.

À 17h17, dans le couloir de la bibliothèque, M. A______ avait été entendu disant au même codétenu « Viens si t'as des couilles, lève-toi et viens. ». Les deux détenus s'étaient alors empoignés. D'autres détenus s'étaient interposés, évitant que des coups soient échangés, puis deux agents avaient dû intervenir pour les séparer.

5) À la suite de l'incident, M. A______ a expliqué par écrit le même jour à 19h23 que son codétenu se prenait pour un grand, voulait décider pour tout le monde et ne respectait pas les gens. Tout le secteur était tendu depuis son arrivée et des détenus avaient demandé à changer de cellule à cause de lui. Il avait déjà été poussé par lui sur le terrain de football.

6) Le 20 juin 2020, à 21h30, M. A______ s'est vu signifier une sanction, sous forme de suppression des activités de sports, loisirs et repas en commun pour une durée de trois jours, du 20 juin 2020 à 17h25 au 23 juin 2020 à 17h25, pour trouble de l'ordre ou de la tranquillité dans l'établissement et les environs immédiats et adopter un comportement contraire au but de l'établissement. Une promenade quotidienne d'une heure ainsi que la possibilité de téléphoner étaient maintenues.

7) Selon deux rapports d'incident, établis les 23 et 24 juin 2020, le 23 juin 2020, M. A______ a refusé de préparer ses affaires et de changer de cellule, comme il lui avait été demandé à plusieurs reprises. Appelé par le gardien, le sous-chef était intervenu et avait obtenu de M. A______ qu'il obtempère.

8) À la suite de l'incident, M. A______ avait expliqué par écrit le 24 juin 2020 à 11h40 que tout s'était bien passé depuis son arrivée, mais depuis qu'il s'était fait agresser le 20 avril 2020 le comportement des gardiens à son égard avait changé. Ils exerçaient plus de pressions et de provocations sur lui. Il n'avait pas demandé à changer de cellule. Il voulait rester à la 5300 ou la 4100 et travailler dans son atelier.

9) Le 24 juin 2020 à 11h45, M. A______ s'est vu signifier une sanction, sous forme de suppression des activités de formation, de sports, loisirs et repas en commun, pour une durée de un jour, du 23 juin 2020 à 17h25 au 24 juin 2020 à 17h25, pour refus d'obtempérer, trouble de l'ordre ou de la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats et adopter un comportement contraire au but de l'établissement. Une promenade quotidienne d'une heure ainsi que la possibilité de téléphoner étaient maintenues. M. A______ a refusé de signer la notification.

10) Le 25 juin 2020, M. A______ a fait l'objet d'une sanction pour refus de travailler.

11) Par acte remis à la poste le 30 juin 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les sanctions des 20 et 24 juin 2020, concluant à leur annulation.

Sur le terrain de football, l'autre détenu l'avait taclé, et il lui avait demandé de jouer plus doucement. L'autre détenu lui avait passé la main sur le corps mais il n'avait pas réagi. Plus tard, comme il lui demandait de ne pas lever la main sur lui, l'autre détenu lui avait porté un coup au visage. Les agents étaient intervenus et il avait été sanctionné, ce qui était injuste.

Il avait voulu changer de secteur pour éviter cet autre détenu. Il n'avait eu aucun problème huit mois durant, jusqu'à l'arrivée de celui-ci.

Il n'avait pas refusé d'obtempérer le 24 juin 2020. On voulait faire de lui le « grand méchant ». La seconde sanction était également infondée.

12) Le 21 juillet 2020, l'établissement a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

Le recours ne portait pas sur la sanction du 25 juin 2020.

Les agissements des 20 et 24 juin 2020 ayant motivé les sanctions objet du recours avaient été documentés par des images de vidéosurveillance.

Le recourant avait quitté l'établissement le 2 juillet 2020 pour être transféré à l'établissement C______ dans le canton de D______. Il ne conservait plus d'intérêt actuel à son recours, qui devait être déclaré irrecevable.

Au fond, les comportements incriminés étaient établis. Le recourant avait adopté une attitude belliqueuse et hostile sur le terrain de football, obligeant d'autres détenus à s'interposer à deux reprises pour éviter une bagarre. Dans sa cellule, il s'était montré récalcitrant jusqu'à l'arrivée du sous-chef accompagné de personnel équipé.

Les sanctions reposaient sur une base légale et étaient proportionnées.

13) Le 22 juillet 2020, le juge délégué a invité le recourant à faire parvenir une éventuelle réplique d'ici au 24 août 2020.

Le recourant ne s'est pas manifesté.

14) Le 5 octobre 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

15) Le 13 octobre 2020, le courrier du 5 octobre 2020 est revenu de l'établissement C______ avec la mention « Refusé, n'est pas ici ».

16) Le 23 octobre 2020, la prison centrale de E______ a informé la chambre administrative que le recourant avait été expulsé vers la Tunisie à sa sortie de prison le 18 août 2020.

EN DROIT

1. La chambre de céans examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/220/2017 du 21 février 2017 consid. 1 et les arrêts cités).

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours
(ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ; si l'intérêt s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 ; ATA/322/2016 du 19 avril 2016 ; ATA/308/2016 du 12 avril 2016).

d. Il est toutefois exceptionnellement renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ;
139 I 206 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2) ou lorsqu'une décision n'est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 ; 135 I 79). Cela étant, l'obligation d'entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l'absence d'un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3).

e. Dans sa jurisprudence concernant le placement d'un prisonnier en cellule forte ou aux arrêts disciplinaires - applicable suivant les circonstances à d'autres sanctions disciplinaires -, compte tenu de la brièveté de la sanction, lorsque le recourant est encore en détention au moment du prononcé de la décision querellée, la chambre administrative fait en principe abstraction de l'exigence de l'intérêt actuel, faute de quoi un telle mesure échapperait systématiquement à son contrôle (ATA/135/2019 du 12 février 2019 consid. 3 ; ATA/1272/2017 précité consid. 2c ; ATA/29/2017 du 17 janvier 2017 consid. 2d ; ATA/118/2015 du 27 janvier 2015 consid. 2c ; ATA/510/2014 du 1er juillet 2014 consid. 3b).

4) En l'espèce, le recourant a été libéré le 18 août 2020 et aussitôt expulsé de Suisse vers la Tunisie.

Aucun élément du dossier ne laisse à penser qu'il serait susceptible d'être incarcéré à nouveau, vu notamment son expulsion vers la Tunisie.

En application de la jurisprudence précitée et constante de la chambre de céans, il n'y a dès lors aucune raison de passer outre l'exigence de l'intérêt actuel (ATA/1030/2019 du 18 juin 2019 ; ATA/555/2018 du 5 juin 2018 consid. 2f ; ATA/308/2016 du 12 avril 2016 et les références citées).

Vu ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

5) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 30 juin 2020 par M. A______ contre les décisions de l'établissement fermé B______ des 20 et 24 juin 2020 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______, par voie édictale, ainsi qu'à l'établissement fermé B______.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :