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Décisions | Chambre civile

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C/22494/2020

ACJC/339/2022 du 08.03.2022 sur OTPI/796/2021 ( SDF ) , JUGE

Normes : CPC.303.al1; CC.279.al1; CC.273.al1
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22494/2020 ACJC/339/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 8 MARS 2022

 

Entre

Les mineures A______ et B______, représentées par leur mère, Madame C______, domiciliées ______ [GE], appelantes d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance le 27 octobre 2021 et intimées, comparant par Me Thomas BARTH, avocat, BARTH & PATEK, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'Etude duquel elles font élection de domicile,

et

Monsieur D______, domicilié ______, France, intimé et appelant, comparant par
Me Nathalie BÜRGISSER SCHEURLEN, avocate, BSR AVOCATS SARL, promenade de Saint-Antoine 20, 1204 Genève, en l'Etude de laquelle il fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/796/2021 du 27 octobre 2021 - reçue le 29 octobre 2021 par les mineures A______ et B______ et le 1er novembre 2021 par D______ - le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre d'une procédure indépendante en fixation des relations personnelles et d'aliments, a attribué la garde des enfants à leur mère, C______ (chiffre 1 du dispositif), réservé à D______ un droit de visite sur A______ à exercer d'entente avec elle (ch. 2), et un droit de visite sur B______ à exercer, à défaut d'accord contraire entre les parties (recte : les parents), un week-end sur deux du vendredi après l'école au dimanche soir, chaque semaine du mardi soir au mercredi soir, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires (ch. 3), condamné D______ à verser en mains de C______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, dès le 1er janvier 2021, 1'075 fr. à titre de contribution à l'entretien de A______ et 850 fr. à titre de contribution à l'entretien de B______, sous déduction des sommes déjà versées à ce titre (ch. 4), réservé la décision finale quant au sort des frais judiciaires (ch. 5), dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Par acte déposé au guichet universel du Pouvoir judiciaire le 8 novembre 2021, les mineures A______ et B______ forment appel contre le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance précitée, dont elles requièrent l'annulation en tant qu'il fixe le dies a quo des contributions d'entretien au 1er janvier 2021. Elles réclament le versement de celles-ci à compter du 1er juin 2020, les frais judiciaires d'appel devant être mis "à la charge de chacune des parties" et les dépens devant être compensés.

b. Dans sa réponse du 23 décembre 2021, D______ conclut au rejet de "l'appel formé par C______" et à la condamnation de celle-ci aux frais judiciaires et dépens.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, en persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées le 22 février 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. a. Par acte déposé le 11 novembre 2021 au guichet universel du Pouvoir judiciaire, D______ forme appel contre le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance du Tribunal du 27 octobre 2021, en tant qu'il fixe ses relations personnelles avec B______ chaque semaine du mardi soir au mercredi soir. Il conclut à ce que son droit de visite sur cette dernière s'exerce - outre un week-end sur deux du vendredi après l'école au dimanche soir et durant la moitié des vacances scolaires - une semaine sur deux, en alternance avec le week-end, du mardi soir au jeudi matin au retour à l'école. Il conclut en outre à la condamnation de C______ aux frais judiciaires et dépens.

Il allègue des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles.

b. Par arrêt du 15 décembre 2021, la Cour a ordonné la suspension, requise à titre préalable par D______, du caractère exécutoire attaché au chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance attaquée et dit qu'il serait statué sur les frais de cette décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

c. Dans leur réponse du 20 décembre 2021, les mineures A______ et B______ concluent, principalement, à l'irrecevabilité de l'appel formé par leur père et, subsidiairement et avec suite de frais, à son rejet.

Elles allèguent des faits nouveaux et produisent des pièces nouvelles.

d. Le 10 janvier 2022, D______ a répliqué, en persistant dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées le 22 février 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

D. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour :

a. C______, née en 1974, et D______, né en 1973, tous deux de nationalité française, sont les parents non mariés de A______, née le ______ 2007, et de B______, née le ______ 2014, toutes deux de nationalité française.

b. C______ et D______ se sont séparés en mai 2020, après seize ans de vie commune.

b.a Jusqu’en décembre 2020, C______ et les deux enfants sont restées au domicile familial, un appartement de 6 pièces sis 1______ à G______ [GE], dont à l'époque C______ et D______ étaient copropriétaires.

Les charges mensuelles de cet appartement totalisaient 3'010 fr., comprenant 1'168 fr. 80 de charges hypothécaires, deux versements de 568 fr. 80 (1'137 fr. 60) en faveur de E______ AG et 703 fr. 40 de charges de copropriété. Elles étaient payées par le débit d'un compte joint dont C______ et D______ étaient titulaires auprès de [la banque] F______. Il est rendu vraisemblable qu'après la séparation ce compte a été alimenté essentiellement par six versements de 5'400 fr. effectués par C______ de fin mai à fin octobre 2020 (32'400 fr. au total).

Depuis le 15 décembre 2020, C______ loue un appartement de 5 pièces et demie sis 2______ à G______, pour un loyer mensuel de 3'340 fr., charges comprises, qu'elle occupe avec les deux filles.

b.b D______ a quitté le domicile familial, pour s'installer, selon ses allégations, d'abord dans "un studio sans fenêtre, en sous-location précaire, non loin de son ancien domicile", puis "dans un autre studio à H______, en France voisine dès l'automne 2020". Il n'allègue aucun loyer en relation avec ces deux logements.

Il a ensuite acquis un appartement, sis rue 3______ à H______, qu'il occupe vraisemblablement depuis janvier 2021. Le Tribunal, sans être critiqué sur ce point, a fixé la "charge de loyer" (recte : les charges du logement) de D______ à 1'972 fr. par mois.

b.c Selon un contrat de vente à terme passé devant notaire le 30 avril 2021, C______ et D______ ont vendu l'ancien domicile familial pour le prix de 1'590'000 fr. Après notamment le remboursement des prêts hypothécaires, des versements anticipés reçus des caisses de pension et des "charges dues à la Régie" (9'260 fr. 06), D______ a perçu 172'210 fr. 43 ("remboursement apport D______" et "remboursement partiel frais acte d'achat à D______") le 7 juin 2021.

c. Après la séparation, C______ et D______ ont convenu que le père s'occuperait de leurs filles tous les mercredis et un week-end sur deux.

Lors de l'audience du Tribunal du 22 avril 2021, D______ a déclaré qu'il n'était plus en mesure de s'occuper de B______ tous les mercredis, en raison de ses obligations professionnelles. Il pouvait s'organiser pour libérer un mercredi sur deux. C______ s'est opposée à ce changement : "ce jour par semaine [était] important pour B______ et c'[était] difficile pour elle de comprendre si une semaine sur deux elle vo[yait] respectivement ne vo[yait] pas son père". En outre, la mère travaillait le mercredi et aurait dû trouver "un autre mode de garde", en cas de modification de l'organisation.

Avec l'aide du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : SEASP), C______ et D______ ont établi un calendrier - en vigueur depuis septembre 2021 selon la première et depuis mai 2021 selon le second - valable jusqu'au 30 avril 2022, dont il résulte que D______ prend systématiquement en charge sa fille B______ un week-end sur deux du vendredi au parascolaire au dimanche soir ainsi qu'une semaine sur deux, en alternance avec le week-end du mardi soir au parascolaire jusqu'au mercredi soir ou au jeudi matin, à l'école.

Ces dernières modalités ont été communiquées le 18 novembre 2021 par D______ à l'éducatrice de l'établissement scolaire fréquenté par B______, avec la précision que le père allait chercher la fille au parascolaire à 18h au plus tard "un mardi et un vendredi sur 2 en alternance".

d. Par acte expédié le 30 décembre 2020 au Tribunal, les mineures A______ et B______, représentées par C______, ont formé une action en fixation des contributions alimentaires et des relations personnelles à l'encontre de D______, assortie de mesures provisionnelles.

d.a Sur mesures provisionnelles et sur les deux points demeurés litigieux en appel, elles ont conclu en dernier lieu à ce que les relations personnelles entre D______ et sa fille B______ s'exercent à raison d'un week-end sur deux et le mercredi, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires, et à ce que les contributions réclamées à leur père pour leur entretien (2'330 fr. par mois pour A______ et 1'540 fr. par mois pour B______, allocations familiales non comprises) soient fixées avec effet rétroactif au 1er juin 2020.

d.b Sur les mêmes points, D______ a conclu en dernier lieu à ce que ses relations personnelles avec sa fille B______ s'exercent "un week-end sur deux du vendredi soir à la sortie de l'école jusqu'au lundi matin, retour à l'école ainsi qu'un soir au moins par semaine, une semaine sur deux en alternance avec le week-end, du mardi soir à la sortie de l'école au mercredi soir et pendant la moitié des vacances scolaires", et à ce que ses contributions à l'entretien des filles (170 fr. par mois pour A______ et 110 fr. par mois pour B______, allocations familiales non comprises) soient fixées à compter du 1er juin 2020.

e. En relation avec les contributions à l'entretien de ses filles, D______ a déclaré au Tribunal qu'il avait versé 970 fr. en juin 2020. En juillet et en août 2020, les parents avaient partagé le temps avec les enfants et la mère recevait les allocations familiales, de sorte qu'il n'avait rien payé. Entre septembre et décembre 2020, il n'avait rien versé, mais il avait écrit à C______ pour qu'ils discutent de la question des frais des enfants. Il n'est pas contesté que depuis janvier 2021, il verse à la mère 130 fr. par mois.

Dans ses plaidoiries finales du 21 mai 2021, D______ a allégué que depuis la séparation, il avait "payé au titre de l'entretien des filles, les sommes de CHF 970.- en juin 2020 (cf. pièce 19) [et] CHF 1'378.- en décembre 2020 sur le compte commun exclusivement utilisé par [C______] depuis la séparation du couple (cf. pièce 52)".

La pièce 19 de son chargé du 15 février 2021 est un courriel par lequel il a adressé le 16 juin 2020 à C______ un "Décompte des frais de chauffage/accessoires du 01.05.2018 - 30.04.2019" daté du 26 mai 2020, qu'il avait reçu de I______ SA lui réclamant 1'439 fr. 10. Le décompte porte la référence "Immeuble : Rte 4______ Genève / Bail à loyer : 5______" (référence sur laquelle D______ ne donne aucune explication). D______ indiquait à C______ qu'elle lui devait 719 fr. Il lui proposait de lui "régler 750.-/mois pour les filles, charges habituelles les concernant restant à [s]a charge". Dans la mesure où il lui avait déjà versé 250 fr. "en début de mois", il restait lui devoir 500 fr. C______ lui devait donc 219 fr. (719 fr. moins 500 fr.).

La pièce 52 du chargé de D______ du 21 mai 2021 et un avis de crédit émis le 13 avril 2021 par F______ faisant état d'un versement de 1'378 fr. 65 ("Période 21.12.2020-21.12.2020") par le précité sur le compte joint de D______ et C______ auprès de cette banque.

f. Par ordonnance prononcée à l'issue de l'audience du 22 avril 2021, le Tribunal, sur mesures provisionnelles, a gardé la cause à juger sur la question de l'autorité parentale, de la garde et du droit de visite, imparti aux parties un délai au 5 mai 2021 pour produire diverses pièces et un délai au 21 mai 2021 pour déposer leurs plaidoiries écrites sur la question des contributions d'entretien et dit que la cause serait gardée à juger sur la question des contributions d'entretien 10 jours après communication aux parties des plaidoiries écrites.

Sur le fond, le Tribunal a ordonné l'établissement d'une évaluation sociale avec audition des enfants et réservé la suite de la procédure.

g. Dans son rapport d'évaluation sociale datée du 12 août 2021, reçu par les parties le 29 octobre 2021, le SEASP a notamment considéré qu'il était conforme à l'intérêt de B______, à l'époque en 3P, de réserver au père un droit de visite s'exerçant, jusqu'à ce qu'elle soit en 5P, un week-end sur deux du vendredi au parascolaire au lundi 8h, toutes les deux semaines du mardi au parascolaire au jeudi 8h, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires.

B______ entretenait de bonnes relations avec son père. Par conséquent, le droit de visite devait être aussi large que possible, tenant compte des horaires professionnels du père. Ce dernier devait travailler une demi-journée le mercredi ou un mercredi sur deux. Ainsi, tant que B______ n'aurait pas école le mercredi matin, il pouvait s'en occuper une semaine sur deux du mardi après le parascolaire au jeudi matin. Dès que B______ rentrerait en 5P, il pourrait la voir toutes les semaines du mardi soir au jeudi matin, en plus d'un week-end sur deux, du vendredi soir au lundi matin.

E. a. La situation personnelle, professionnelle et financière des intéressés telle que retenue par le Tribunal - qui a fixé, sans être critiqué, les besoins du père et des enfants sur la base du minimum vital du droit des poursuites - n'est pas contestée en appel.

a.a D______, actuellement domicilié en France, travaille en qualité d'assistant social pour l'Etat de Genève à un taux d'activité de 90%. Il perçoit un salaire mensuel net de 5'134 fr. 15, impôt à la source déduit, versé 13 fois l'an, soit un revenu mensuel net de 5'562 fr.

Ses charges admissibles composant son minimum vital du droit des poursuites s'élèvent à 3'582 fr. et comprennent sa base mensuelle OP en 1'020 fr., une "charge de loyer" en 1'972 fr., son assurance maladie en 520 fr. et de frais de transport en 70 fr. Son solde disponible, calculé sur la base du minimum vital du droit des poursuites, s'élève ainsi à 1'980 fr. par mois.

Il résulte des pièces produites qu'en 2020 D______ a réalisé un revenu net de 81'309 fr. 70, correspondant à 6'775 fr. par mois. Sa charge fiscale a été de 17'605 fr. 10 en 2019, correspondant à 1'467 fr. par mois.

a.b Les frais incompressibles de A______ s'élèvent à 1'375 fr. et sont composés de la base mensuelle OP en 600 fr., de la participation au loyer de sa mère (à hauteur de 15%) en 501 fr., de la prime d'assurance maladie LAMal en 138 fr. 15 et des frais médicaux non remboursés en 135 fr. 85. Après déduction des allocations familiales en 300 fr., perçues par la mère, le déficit de A______ s'élève à 1'075 fr.

a.c Les frais incompressibles de B______, s'élèvent à 1'158 fr. et sont composés de la base mensuelle OP de 400 fr., de la participation au loyer de sa mère (à hauteur de 15%) en 501 fr., de la prime d'assurance maladie LAMal en 138 fr. 15, des frais médicaux non remboursés en 5 fr. 85, des frais de cuisines scolaires en 38 fr. et des frais de parascolaire en 75 fr. Après déduction des allocations familiales en 300 fr., perçues par la mère, le déficit de B______ s'élève à 858 fr.

a.d C______ travaille auprès de la Ville J______ à un taux de 90% (y compris le mercredi) et perçoit un salaire mensuel net de 9'484 fr. 45 versé 13 fois l'an, soit un revenu mensuel net de 10'274 fr. 82.

Dans leurs plaidoiries finales du 21 mai 2021, les mineures A______ et B______ alléguaient que les charges mensuelles de leur mère totalisaient 8'683 fr. 25 (comprenant notamment le 80% de son loyer, le remboursement d'un crédit privé de 490 fr. 95 et 921 fr. de frais de véhicule) et que celle-ci bénéficiait donc d'un disponible mensuel de 1'591 fr. 60. Le Tribunal n'a pas examiné lesdites allégations.

F. a. Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a relevé le relativement bon déroulement du droit de visite tel que convenu par les parents lors de leur séparation, le besoin de stabilité de B______ et le fait que les mesures provisionnelles n'étaient prononcées qu'en cas d'urgence et sur la base d'une appréciation limitée des preuves. Il a considéré qu'il n'existait pas de motif urgent justifiant la modification du système appliqué par les parents. Le maintien du droit de visite tous les mercredis pouvait poser une difficulté organisationnelle à D______, mais une modification à un mercredi sur deux aurait posé une difficulté organisationnelle à C______, de sorte que cette difficulté causée au père ne suffisait pas à justifier une modification du droit de visite sur mesures provisionnelles.

b. Le Tribunal a fixé le dies a quo de l'obligation du père de payer les contributions d'entretien au jour du dépôt de la requête, soit, "par mesure de simplification" (la demande ayant été expédiée le 30 décembre 2020), dès le mois de janvier 2021. Il a précisé qu'D______ pourrait déduire de l'arriéré dû les sommes déjà versées à titre de contribution d'entretien depuis le 1er janvier 2021, notamment les sommes de 130 fr. par mois déjà versées selon les déclarations des parents.

EN DROIT

1. 1.1 L’appel est recevable contre les décisions de première instance sur les mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC) dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l’espèce, le litige porte sur le droit de visite d'une enfant mineure et sur des contributions d'entretien; il s'agit donc d'une affaire non patrimoniale dans son ensemble, de sorte que la voie de l’appel est ouverte.

Les conditions de délai et de forme applicables ayant été respectées, également par D______ contrairement à ce que soutiennent les enfants (art. 311 et 314 al. 1 CPC), les deux appels sont recevables. Par économie de procédure, les deux appels seront traités dans le même arrêt (cf. art. 125 let. c CPC). Par souci de simplification, les enfants seront désignés comme les appelantes et le père comme l'intimé.

1.2 Compte tenu de la nationalité étrangère des parties, la cause présente des éléments d'extranéité. Les mineures étant domiciliées à Genève, les juridictions genevoises sont compétentes pour statuer sur leur demande et le droit suisse est applicable, ce que les parties n'ont pas remis en cause (art. 79 al. 1 LDIP et 4 al. 1 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

La Cour applique les maximes inquisitoire illimitée et d'office, dans la mesure où le litige concerne des enfants mineures (art. 296 al. 1 CPC). Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, avec administration restreinte des moyens de preuve (art. 254 CPC), la cognition du juge est cependant limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

2. Lorsque la procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des faits nouveaux en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

Ainsi, en l'espèce, les allégations et pièces nouvelles des parties (en particulier le rapport du SEASP du 12 août 2021) sont recevables. Elles ont été prises en compte dans la mesure utile dans la partie En fait ci-dessus.

3. Les appelantes font grief au Tribunal d'avoir fixé les contributions d'entretien avec effet au 1er janvier 2021, alors qu'elles sollicitaient l'effet rétroactif au 1er juin 2020.

3.1.1 Selon l'art. 303 al. 1 CPC, dans le cadre d'une demande d'aliments, si la filiation est établie, le défendeur peut être tenu, sur mesures provisionnelles, de consigner ou d'avancer des contributions d'entretien équitables.

Pour l'enfant mineur dont la filiation est établie, l'obligation d'entretien existe de plein droit (art. 277 al. 1 CC) (MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 5ème éd. 2014, n. 1139), raison pour laquelle l'art. 303 al. 1 CPC ne soumet pas l'octroi de mesures provisionnelles à des conditions particulières mais laisse au contraire un grand pouvoir d'appréciation au tribunal (Jeandin, Commentaire romand, CPC, 2ème éd. 2019, n. 6 et 8 ad art. 303 CPC).

Dans le cas de la procédure concernant l'enfant mineur dont la filiation est établie, les mesures provisoires ordonnées apparaissent comme des mesures de réglementation, soit des mesures qui règlent provisoirement, pour la durée du procès, le rapport de droit durable existant entre les parties. En ce sens, elles doivent être rapprochées des mesures provisoires ordonnées pendant la procédure de divorce, lesquelles sont définitivement acquises (ATF 137 III 586 consid. 1.2).

3.1.2 Aux termes de l'art. 279 al. 1 CC, la contribution d'entretien peut être réclamée pour l'avenir et pour l'année qui précède l'ouverture de l'action.

Les contributions pécuniaires fixées par le juge dans le cadre de mesures provisoires peuvent également être réclamées pour l'avenir et pour l'année qui précède l'introduction de la requête (art. 303 CPC en relation avec l'art. 279 CC) (Pfänder Baumann, DIKE-Komm-ZPO, 2ème éd. 2014, n. 6 ad art. 303 CPC; STALDER/VAN DE GRAAF, KUKO ZPO, 3ème éd. 2021, n. 2 ad art. 303 CPC).

En cas de versement rétroactif de contributions d'entretien, le juge qui en fixe le montant doit tenir compte des versements déjà effectués à ce titre par le parent débirentier (ATF 138 III 583 consid. 6.1.1; 135 III 315 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_217/2012 du 9 juillet 2012 consid. 6).

3.2 En l'espèce, les parents des appelantes se sont séparés en mai 2020. Ces dernières peuvent donc réclamer à leur père des contributions d'entretien à compter du 1er juin 2020, dans la mesure où elles ont déposé leur action en novembre 2020. L'intimé l'admettait d'ailleurs en première instance, puisqu'il proposait lui-même de contribuer à l'entretien de ses filles à compter du 1er juin 2020.

Au stade de la vraisemblance, la situation financière de l'intimé en 2020 n'était pas moins bonne que celle retenue par le premier juge pour 2021. En effet, le revenu mensuel de l'intimé, charge fiscale déduite, était de l'ordre de 5'300 fr. (alors qu'il représente actuellement environ 5'500 fr.) et celui-ci n'allègue aucune charge de loyer pour 2020. Par ailleurs, les besoins des appelantes étaient comparables, puisque les charges du logement que payait leur mère représentaient approximativement 3'000 fr. par mois, alors que son loyer est actuellement de l'ordre de 3'300 fr. Ainsi, en équité, les contributions dues par l'intimé de juin à décembre 2020 peuvent être fixées aux mêmes montants que ceux retenus par le Tribunal.

Les allégations de l'intimé au sujet des contributions qu'il aurait versées en 2020 ont varié au fil des écritures. Il y a donc lieu de s'en tenir à ses déclarations au Tribunal, selon lesquelles entre juillet et décembre 2020, il n'a rien versé à la mère. De surcroît, la pièce 52 qu'il a évoquée dans ses plaidoiries finales ne permet pas de retenir que le montant de 1'378 fr. versé en décembre 2020 sur le compte joint des parents était destiné à l'entretien des appelantes. Quant à la pièce 19 (courriel de juin 2020) à laquelle se réfère l'intimé, celle-ci ne comprend qu'une proposition faite à la mère et ne prouve aucun versement.

En définitive, l'intimé ne rend pas vraisemblable qu'il a effectué, entre juin et décembre 2020, des versements à titre de contributions à l'entretien de ses filles. Le chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué sera donc modifié en ce sens que les contributions sont dues dès le 1er juin 2020, sous déduction des sommes déjà versées à ce titre à compter du 1er janvier 2021. Par souci de clarté, ledit chiffre 4 sera intégralement annulé et reformulé dans le dispositif du présent arrêt.

4. L'intimé fait grief au Tribunal de lui avoir réservé un droit de visite sur sa fille B______ s'exerçant chaque semaine du mardi soir au mercredi soir, en sus d'un week-end sur deux ainsi que de la moitié des vacances scolaires.

4.1.1 L'art. 273 al. 1 CC prévoit que le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances. Autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles de l'art. 273 al. 1 CC est désormais conçu comme un droit-devoir réciproque qui sert en premier lieu les intérêts de l'enfant (ATF 131 III 209 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_454/2019 du 16 avril 2020 consid. 4.2.1).

Le choix des modalités de l'exercice des relations personnelles ne peut pas être décrit de manière objective et abstraite, mais doit être décidé dans chaque cas d'espèce, selon le pouvoir d'appréciation du tribunal (art. 4 CC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_288/2019 du 16 août 2019 consid. 5.2 et l'arrêt cité). La décision doit être prise de manière à répondre le mieux possible aux besoins de l'enfant, l'intérêt des parents étant relégué à l'arrière-plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_669/2019 et 5A_684/2019 du 7 février 2020 consid. 6.3).

Le droit de visite est habituel, selon les usages en Suisse romande, lorsqu'il s'exerce un week-end sur deux, du vendredi soir au dimanche soir, et la moitié des vacances scolaires. La tendance actuelle est d'étendre le droit de visite, compte tenu de l'importance pour l'enfant de conserver des relations étroites avec ses deux parents. En Suisse romande, il est de plus en plus courant d'ajouter un jour ou un soir par semaine ou toutes les deux semaines (LEUBA/MEIER/PAPAUX VAN DELDEN, Droit du divorce, Conditions-effets-procédure, 2021, n. 1758 et 1760).

4.1.2 Le juge n'est pas lié par les conclusions du SEASP. Le rapport de ce service (lequel constitue une preuve au sens des art. 168 et 190 CPC) est soumis, à l'instar des autres preuves, au principe de la libre appréciation consacrée par l'art. 157 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_382/2019du 9 décembre 2019 consid. 4.2.2; ACJC/372/2017 du 28 mars 2017 consid. 5.1; ACJC/1681/2016 du 15 décembre 2016 consid. 5.1.2 et la doctrine citée). Cependant, dans le cadre d'une procédure sur mesures provisionnelles, caractérisée par une administration restreinte des moyens de preuve et par une limitation du degré de preuve à la simple vraisemblance, le juge en est souvent réduit à apprécier les seuls éléments que sont les déclarations des parties et les pièces versées au dossier. Une portée particulière est dès lors conférée au rapport d'évaluation sociale, qui prend en compte toute une série d'éléments objectifs, fondés sur les déclarations d'intervenants scolaires, médicaux ou sociaux. Il contient également des appréciations subjectives, découlant souvent d'une grande expérience en la matière, mais qui ne sauraient toutefois remplacer le pouvoir de décision du juge (ACJC/256/2021 du 2 mars 2021 consid. 6.1.2; ACJC/826/2020 du 16 juin 2020 consid. 2.1.2; ACJC/1311/2017 du 11 octobre 2017 consid. 3.1.2).

4.2 En l'espèce, il est rendu vraisemblable que l'intimé n'est pas en mesure d'exercer son droit de visite sur sa fille B______ tous les mercredis et il est établi que depuis divers mois le père ne s'occupe d'elle qu'un mercredi sur deux, sur la base d'un calendrier mis sur pied avec l'aide du SEASP. Par ailleurs, cette solution est préconisée par ce Service, qui estime, dans son rapport du 12 août 2021, qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant. Il ne se justifie pas de modifier l'organisation en vigueur, qui consacre un droit de visite du père plus large que le droit usuel. Vu son âge (7 ans et demi), B______ est à même de comprendre qu'elle est prise en charge par son père, en alternance, une semaine le week-end et la semaine suivante le mercredi. L'établissement scolaire fréquenté par B______ est au courant du fait que le père va chercher celle-ci au parascolaire à 18h au plus tard un mardi et un vendredi en alternance et peut rassurer la mineure si besoin. L'organisation en vigueur pourra, cas échéant, être modifiée lorsque B______ sera en 5P et fréquentera l'école tous les mercredis matin. Enfin, il peut être exigé de la mère, qui bénéficie d'un disponible mensuel sensiblement plus élevé que celui du père, qu'elle assume les frais de garde de B______ un mercredi sur deux.

Par conséquent, le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué sera modifié en ce sens que le droit de visite de l'intimé sur sa fille B______ s'exercera, à défaut d'accord contraire entre les parents, un week-end sur deux du vendredi après l'école au dimanche soir, une semaine sur deux, en alternance avec le week-end, du mardi soir au jeudi matin au retour à l'école, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires. Par souci de clarté, ledit chiffre 3 sera intégralement annulé et reformulé dans le dispositif du présent arrêt.

5. Les frais judiciaires des appels, y compris ceux de l'arrêt du 15 décembre 2021, seront fixés à 1'600 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et compensés avec les avances effectuées par les parties, lesquelles demeurent acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Vu l'issue (art. 106 al. 2 CPC) et la nature familiale du litige (art. 107 al. 1 let. c CPC), ils seront mis à la charge de chacune des parties par moitié.

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 8 novembre 2021 par les mineures A______ et B______ contre le chiffre 4 du dispositif de l'ordonnance OTPI/796/2021 rendue le 27 octobre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22494/2020-17.

Déclare recevable l'appel formé le 11 novembre 2021 par D______ contre le chiffre 3 du dispositif de la même ordonnance.

Au fond :

Annule les chiffres 3 et 4 du dispositif de l'ordonnance attaquée et, statuant à nouveau sur ces points :

Réserve à D______ un droit de visite sur sa fille B______, lequel s'exercera, à défaut d'accord contraire entre les parents, un week-end sur deux du vendredi après l'école au dimanche soir, une semaine sur deux, en alternance avec le week-end, du mardi soir au jeudi matin au retour à l'école, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires.

Condamne D______ à verser en main de C______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, dès le 1er juin 2020, 1'075 fr. à titre de contribution à l'entretien de A______ et 850 fr. à titre de contribution à l'entretien de B______, sous déduction des sommes déjà versées à ce titre à compter du 1er janvier 2021.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires des appels à 1'600 fr., les met à concurrence de 800 fr. à la charge de D______ et à concurrence de 800 fr. à la charge des mineures A______ et B______, solidairement entre elles, et les compense avec les avances effectuées, qui demeurent acquises à l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Nathalie RAPP et Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 


 


Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.